TABLE
Autobiographie - Espiègle - Première communion - Quelques - souvenirs de Póvoa - Retour au village natal - « En enfer, moi je n’irai pas!... » - « J’adorais
faire des farces!... » - Charité
envers les nécessiteux - Dévotions à Jésus - « J’étais assez forte... » - « Un rêve
que je n’ai pas oublié » - NOTES
AUTOBIOGRAPHIE
Après quelques moments de prière, implorant le secours
du
ciel et la lumière de l’Esprit-Saint, afin de pouvoir faire ce que mon directeur
spirituel m’a ordonné, je commence à écrire ma vie, telle que Notre-Seigneur me
la rappellera, bien que cela soit pour moi bien pénible.
Je m’appelle Alexandrina Maria da Costa. Je suis née à Balasar — arrondissement
de Póvoa de Varzim, district de Porto — le 30 mars 1904
.
J’ai été baptisée le samedi suivant,
2 avril. Mon oncle Joaquim da Costa et une dame prénommée Alexandrina, de
Gondifelos,
ont été mes parrain et marraine.
Avant l’âge de trois ans, je ne me souviens de rien, si ce n’est que quelques
bribes racontées par les miens.
À l’âge de trois ans, j’ai eu la première “caresse”
de Jésus. Je devais rester tranquille auprès de ma mère qui se reposait, mais,
bouillonnante comme j’étais, je ne voulais pas dormir, alors je me suis levée.
Ensuite je me suis penchée vers un flacon de produit pour les cheveux, comme on
utilisait alors : je voulais imiter les grands. À ce moment-là, ma mère s’est
réveillée et m’ayant appelée angoissée, j’ai pris peur. Le flacon m’est tombé
des mains et s’est fracassé par terre en mil morceaux ; et moi, je suis tombée
par-dessus, me blessant gravement au visage.
Immédiatement transportée chez le médecin, celui-ci a déclaré ne rien pouvoir
faire pour moi. Ma mère m’a conduite alors à Viatodos,
chez un pharmacien fameux qui m’a posé trois points de suture. J’ai beaucoup
souffert : si seulement j’avais su à ce moment-là profiter de la douleur ! Mais
non ! Au contraire, j’ai même été méchante envers le pharmacien, refusant les
biscuits trempés dans le vin qu’il m’offrait pour me calmer. Voila mon premier
acte de méchanceté.
Vers quatre ans, j’aimais m’attarder à contempler la voûte du ciel. Plus d’une
fois j’ai demandé aux miens s’il n’était pas possible, en empilant les maisons
et les auberges, les unes sur les autres d’arriver au ciel. À leur réponse
négative, j’éprouvais une grande tristesse et une grande nostalgie. Je ne sais
pas ce qui m’attirait là-haut.
À cette même époque, l’une de mes tantes qui est décédée par suite d’un cancer,
habitait avec nous. Déjà malade, elle me demandait de surveiller son enfant,
premier fruit de son mariage. Volontiers, je lui rendais ce service, de jour
comme de nuit.
De la même façon, j’aimais me joindre à sa prière pour obtenir de Dieu sa
guérison.
Lorsque, âgée de cinq ans, j’ai commencé à fréquenter le catéchisme, un grand
défaut est apparu : mon entêtement. Le curé suppléant m’a assigné une place
parmi les enfants de mon âge, mais moi, je voulais aller parmi les plus grands,
avec lesquels j’avais l’habitude de jouer. Malgré l’insistance et les promesses
de Monsieur le Curé, je n’ai cédé que quelques jours plus tard
.
À l’église, je restais volontiers à regarder les statues. Elles m’attiraient ;
tout particulièrement celles de Notre-Dame du Rosaire et de saint Joseph. Leur
habillement somptueux éveillait en moi le désir d’être élégante comme eux, pour
paraître bien. N’était-ce pas là une preuve de ma vanité ?
En même temps que ces défauts, j’exprimais, vers ce même âge, mon amour envers
la Maman du ciel : je chantais avec enthousiasme ses louanges et j’apportais des
fleurs aux dames qui avaient la charge de fleurir son autel.
J’étais tellement vive, qu’on m’appelait « Marie-garçon ». Je dominais
non seulement les filles de mon âge, mais aussi les plus âgées.
Je grimpais aux arbres et je marchais de préférence sur les murs que sur la
route
.
J’aimais bien travailler : je faisais le ménage, je ramassais le bois et je
faisais d’autres travaux domestiques ; j’aimais bien que le travail soit bien
fait et j’aimais aussi être habillée proprement.
Un jour, alors que j’étais dans un pâturage, avec ma sœur Deolinda
et une
cousine, un âne s’est sauvé dans un champ cultivé. J’ai couru le chercher, mais,
avec un coup de tête, il m’a jetée par terre, et avec sa pâte il a commencé à me
gratter la poitrine, comme s’il voulait jouer. Il a répété son jeu plusieurs
fois, mais ne m’a fait aucun mal. Mes compagnes se sont mises à crier : très
vite plusieurs personnes sont accourues et sont restées étonnées de me voir
saine et sauve.
Une autre fois, avec ma sœur Deolinda, nous sommes allées rendre visite à ma
marraine. Pour arriver plus vite, nous avons décidé de traverser la rivière
Este, en sautant sur les pierres qu’y avaient été mises à cet effet. Mais la
force du courent était telle, que les pierres ont roulé sous nos pieds. Tombées
à l’eau, nous ne nous sommes sauvées que par miracle.
En janvier 1911, avec ma sœur, nous avons été envoyées à Póvoa de Varzim,
afin de pouvoir fréquenter l’école
. La
pensée de ce que cela m’a coûté de quitter ma famille me répugne. Pendant
longtemps, j’ai beaucoup pleuré. Pour me distraire, on me comblait de caresses
et on cédait à tous mes caprices. Après un certain temps, je me suis résignée.
J’ai, toutefois, continué à être gamine : je m’agrippais derrière les tramways,
pour de longs parcours ; je traversais la route au moment où ceux-ci
démarraient : les conducteurs ont été obligés de se plaindre à ma nourrice.
Souvent je m’enfuyais de la maison pour aller sur la plage ramasser les algues :
je pénétrais dans l’eau comme les pêcheurs. Ce qui affligeait le plus ma
nourrice, c’était que je m’absentais en cachette.
À Póvoa de Varzim j’ai fait ma première communion. Le Père Alvaro Matos m’a
examinée sur le catéchisme, m’a confessée et m’a donné la Communion pour la
première fois. J’avais alors 7 ans. Comme prix j’ai reçu un beau chapelet et une
image pieuse. J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai pu fixer
la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée en mon âme. J’ai cru
alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui. Il a pris possession de
mon cœur, ce me semble. La joie que je ressentais était inexprimable. À tous
j’annonçais la bonne nouvelle. Ma maîtresse, désormais, me menait chaque jour à
la communion.
Ce fut à Vila do Conde,
que j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto,
le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette cérémonie et
de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais ce sacrement, je ne
sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on dirait une grâce surnaturelle
qui me transformait et qui m’unissait plus profondément à Notre-Seigneur. Je
voudrais bien expliquer tout cela, mais je ne le sais pas.
Au four et à mesure que je grandissais, le désir de prier augmentait en moi. Je
voulais tout apprendre. Encore aujourd’hui je garde le livret de prières et de
dévotions de mon enfance: prières à la Sainte Vierge, offrande quotidienne au
Seigneur de mes actes journaliers, prière à l’Ange gardien, à saint Joseph, et
plusieurs prières jaculatoires.
Quand je sortais en promenade avec ma nourrice et avec d’autres enfants, je
m’éloignais pour cueillir des fleurs que j’allais ensuite déposer dans la
chapelle de Notre-Dame des Douleurs.
Au mois de mai, je me réjouissais à contempler les autels de la Vierge, ornés de
fleurs et heureuse aussi, quand ma mère m’y conduisait dans ce but.
Le chapelain de l’église de Notre-Dame des Douleurs organisait des comités
d’enfants pour le culte envers Marie. Dans le village, des voisines s’occupaient
de recueillir des denrées alimentaires
. Je
me souviens qu’un jour, à Aguçadoura, on nous a donné très peu. Nous avons eu
alors la malheureuse idée d’entrer dans un champ de pommes de terre: nous y
avons cueilli presque deux kilos.
J’aimais beaucoup ma nourrice. Quand je recevais quelque présent, je lui en
rendais toujours compte, pour lui faire plaisir : je le faisais de tout cœur,
malgré que je sois bien méchante.
Un jour, ma sœur lui a demandé d’aller faire ses devoirs chez une copine et moi,
je me suis entêtée à la suivre. La dame s'y opposant formellement, j’ai pleuré
de dépit et je l’ai gratifiée d’un sobriquet. Elle ne m’a pas punie, mais elle
m’a prévenue que je ne pourrais pas aller me confesser sans lui avoir,
auparavant, demandé pardon. Ma sœur aussi m’a dit la même chose. Lui demander
pardon, me coûtait beaucoup, mais le désir de me confesser et de faire la
Communion était si grand, qu’il a pris le dessus sur mon orgueil. Je me suis
agenouillée devant elle et elle m’a pardonné, les larmes aux yeux. J’ai éprouvé
une très grande joie du fait de pouvoir aller me confesser et de recevoir Jésus.
Pour cette même période, je me souviens aussi du respect que j’avais vis à vis
des prêtres. Quand, étant assise sur le pas de la porte, seule ou accompagnée,
je voyais passer l’un d’eux, je me levais pour lui demander sa bénédiction.
Ayant remarqué que certaines personnes s’en étonnaient, ce qui me réjouissait,
je m’asseyais exprès, afin de pouvoir me relever aussitôt qu’un ministre du
Seigneur passait par là, lui montrant ainsi ma vénération envers eux.
Après 18 mois, ma sœur ayant obtenu son diplôme, nous avons quitté Póvoa. Ma
mère voulait que je continue ma scolarité, mais je n’ai pas voulu rester toute
seule. Je n’avais pas appris grand chose.
Nous sommes retournées, pour quatre mois encore, habiter Gresufes,
où je suis née. Ensuite, nous sommes venues habiter plus près de l’église, dans
une maison appartenant à ma mère, au lieu-dit “Calvário”
Vers les neuf ans, quand je me levais de bonne heure pour les travaux des champs
et que je pouvais être seule, je m’extasiais à contempler la nature: l’aurore,
le lever du soleil, le chant des oiseaux, le gargouillement de l’eau me
pénétraient et me transportaient à une si profonde contemplation qu’un peu plus
j’oubliais que je vivais dans le monde. Je restais là, absorbée par cette
pensée: combien grand est le pouvoir de Dieu !
Lorsque je me trouvais au bord de la mer, cette immensité presque infinie
m’extasiais.
La nuit, en contemplant le ciel et les étoiles, je me perdais dans l’admiration
des beautés du Créateur.
Combien de fois, dans mon petit jardin, j’admirais le ciel, j'écoutais le
murmure de l’eau et je pénétrais chaque fois davantage dans l’abîme des
grandeurs divines !
Quel dommage que je n’ai pas su profiter de ces moments-là pour m’adonner à la
méditation.
Malgré mon espièglerie, j’avais une très grande peur de perdre mon innocence et
de m’attirer la désapprobation de Dieu. Je me souviens d’avoir dit deux paroles
que j’ai considérées comme étant un péché: j’en ai eu honte et, il m’a été très
pénible de les confesser.
Je n’aimais pas les conversations malicieuses. Même si je n’en comprenais pas le
sens, je menaçais de ne plus accompagner ceux qui ne seraient pas corrects. De
la même façon, je m’indignais quand je voyais quelque geste déplacé.
À l’âge de neuf ans, j’ai fait ma première confession générale à frère Manuel
das Santas Chagas qui prêchait à Gondifelos. Moi, Deolinda et ma cousine Olívia,
ayant pris quelques victuailles, nous y sommes allées, et nous y sommes restées
toute l’après-midi pour écouter le sermon. Je me souviens que nous ne sommes
même pas sorties de l’église pour aller jouer. Nous avons pris place tout près
de l'autel du Sacré-Cœur de Jésus, j'ai placé mes sabots à l'intérieur de la
balustrade.
Le sermon avait pour sujet l’enfer.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention le prédicateur qui, à un certain moment,
nous invita à nous transporter, par la pensée, en ce lieu. Incapable de
comprendre le vrai sens de cette invitation et, persuadée que le Père était un
saint, je suis restée convaincue, que d'un moment à l'autre, il nous y
amènerait. Placée en face de cette conjecture, je me suis révoltée et me dis à
moi-même : “en enfer, moi je n'irai pas ! Si le Père et tous les autres
veulent y aller, moi, je prends mes jambes à mon coup et je m'échappe
promptement”.
Et, sans plus attendre, j'ai ramassé mes sabots afin d'être prête à fuir à la
première alerte. Quand j'ai remarqué que personne ne bougeait, alors je me suis
un peu calmée... Mais, mes sabots, je ne les ait plus quitté des yeux...
J’aimais beaucoup ma sœur, mais quand je me fâchais avec elle, je lui jetais
tout ce qui se trouvait à portée de main. Je me souviens de l’avoir fait deux
fois et je me suis senti un devoir de le confesser.
J’adorais lui faire des farces. Quelques fois, me levant avant elle, je mettais
des pièges sur le pas de la porte, pour la faire tomber, comme pour lui dire
qu’elle était paresseuse.
Je lui ai même fait de farces de mauvais goût. Un jour, ayant soulevé le
couvercle d’un bahut, je l’ai laissé tombé, avec un grand fracas et, ensuite, je
me suis mise à crier, comme si je m’étais coincée les mains. Deolinda est venue
aussitôt, effrayée et angoissée... Moi, je rigolais de bon cœur.
Dans le cocon familial, j’étais le boute-en-train. Ma mère avait l’habitude de
dire, à ce sujet : “Les riches ont leurs bouffons; je ne suis pas riche, mais
j’en ai un aussi”.
À l’âge de douze ans, Deolinda a commencé son cours de couturière. La première
pièce confectionnée, a été une chemise pour moi ; mais, par sa taille, ont
dirait plutôt une chemise de garçon. Moi, malgré mes neuf ans, je me suis moquée
d’elle. J’ai enfilé la chemise sur mes habits et je me suis rendue à la maison.
Ma sœur, riant à tout rompre, me suppliait :
— “Enlève cette chemise ! T’as pas honte de te donner en spectacle de cette
manière ?”
Je n’en ai pas tenu compte et... riant, moi aussi, j’ai parcouru les quelques
cinq cents mètres qui me séparaient de la maison.
Par un bel après-midi, je suis partie me promener, avec mes cousines, sur une
petite colline non loin de chez moi, où se trouvaient quelques ânes qui
broutaient tranquillement. Ne sachant même pas monter à cheval, je me suis
hasardée à sauter sur la croupe de l’un d’eux. Quelques instants après, je suis
tombée sur un gros tas de ronces, mais heureusement ne m’étant pas blessée, nous
avons toutes bien rigolé.
À l’âge de 16 ans, déjà malade, je suis allée à la maison où ma sœur faisait la
couture. Ayant trouvé, suspendu, un habit d’homme, je l’ai enfilé et, dans cet
accoutrement, je me suis présentée devant ma sœur et sa patronne. Elles ont
rigolé de bon cœur. La patronne me suggéra de sortir dans le chemin — ou ses
enfants et son mari se trouvaient, pour tailler la vigne — habillée de la sorte.
Doutant qu’ils puissent me reconnaître, j’ai obéi. En passant tout près d’eux,
je les ai salués, en leur tirant mon chapeau. Pendant quelques instants, ils ont
arrêté leur travail et m’ont observée un moment, se demandant : — “Mais qui
est donc ce jeune homme ?” — Ma sœur et sa patronne, de la fenêtre,
suivaient la scène, en riant aux éclats.
En me souvenant maintenant de ces pitreries, je regrette de les avoir commises.
Il aurait mieux valut aimer davantage le bon Dieu.
Quand j’apprenais que quelqu’un n’avais pas de quoi se couvrir suffisamment, je
demandais à ma mère de m’en fournir le nécessaire à cet effet.
Souvent j’allais tenir compagnie à ceux qui souffraient.
J’ai assisté à la mort de certains, priant comme je le savais.
J’aidais à habiller les défunts, même si cela me coûtait beaucoup ; je le
faisais par charité. Je n’avais pas le courage de laisser les parents du défunt
tout seuls. Je leur rendais volontiers ces services, les voyant si pauvres.
Je me souviens de quelques cas.
Je suis allée visiter un homme malade. Je l’ai trouvé recouvert de haillons.
Aussitôt j’ai couru chez moi et j’ai demandé à ma mère deux couvertures. Elle me
les prêta volontiers. Je les ai emportées et je suis restée pour tenir compagnie
à la fille du malade, lequel a vécu encore douze jours.
Une fille est venue, un jour nous informer que l’une de ses voisines était sur
le point de mourir. Ma sœur a pris son livre de prières, de l’eau bénite et s’en
est allée rapidement chez la malade. Deux de ses élèves l’accompagnaient.
Deolinda a commencé la prière pour obtenir une bonne mort. Elle était si
émotionnée, qu’elle tremblait. Les prières terminées, la dame est décédée. Alors
Deolinda nous a dit :
— J’ai fait ce que j’ai pu; je suis incapable d’en faire davantage. — Et
elle est partie.
À ce moment-là, une parente arrivait. J’ai observé la fille de la défunte et je
n’ai pas eu le courage de la laisser toute seule. Je suis restée pour l’aider à
laver et à habiller la dépouille mortelle qui était couverte de plaies et
exhalait une odeur répugnante. Je sentais que d’un moment à l’autre j’allais
vomir. Une dame qui nous observait de la chambre voisine, a remarqué mon malaise
et est sortie dans le jardin chercher quelques feuilles parfumées pour me les
faire sentir. Je n’en suis repartie que quand la défunte a été bien installée
dans son lit.
Je devais avoir 11 ou 12 ans lorsque l’un de mes oncles, qui habitait le
lieu-dit de Sainte-Eulalie,
a été atteint de la fièvre espagnole. Ma grand-mère, puis ma mère se sont
relayées pour le secourir, mais elles aussi ont été atteintes par la maladie.
Alors, encore que bien jeune, j’y suis allée avec ma sœur.
Une nuit, mon oncle est mort. Nous y sommes restées jusqu’à la Messe du septième
jour.
Une fois, il a fallu aller chercher du riz, mais en traversant la chambre où se
trouvait le corps de mon oncle. Arrivée au seuil de la porte, la peur m’a
envahie; je n’ai pas eu le courage d’y entrer ; il a fallu que ma grand-mère
m’accompagne. L’autre soir j’ai été chargée de fermer la fenêtre de cette même
chambre. Arrivée dans la salle contiguë de celle-ci, je me suis encouragée
moi-même, me disant : — “Je dois vaincre la peur.” — Et, ce disant, en
marchand doucement, j’ai ouvert la porte et je me suis rendue dans la chambre où
se trouvait la dépouille de mon oncle. Depuis lors, je n’ai plus jamais eu peur:
j’avais vaincu de ma peur.
J’aimais beaucoup faire l’aumône aux pauvres. Combien de fois j’ai pleuré, parce
que impuissante à les aider selon leurs besoins ! Je me sentais heureuse de me
priver de ma propre alimentation, pour eux.
Malgré ma jeunesse, il m’arrivait souvent de donner des conseils à de plus âgés
que moi
. Je
les réconfortaient comme je le savais, obtenant que certains ne commettent pas
le mal
. Des
confidences qui m’étaient faites, j’ai toujours gardé le plus rigoureux secret.
Je me sens pleine de reconnaissance envers le Seigneur. C’est à Lui que je dois
ce comportement.
Je ne passais pas un jour sans prier, que ce soit à l’église, à la maison ou sur
la route.
Je faisais toujours ma communion spirituelle de la façon suivante :
— O mon Jésus, venez dans mon pauvre cœur ! Je Vous désire : ne tardez pas.
Venez m’enrichir de Vos grâces, augmentez en moi votre saint et divin amour.
Unissez-moi à Vous ! Cachez-moi dans votre Côté sacré ! Je n’aime que Vous. Je
n’aime que Vous, je ne veux que Vous, je ne désire que Vous. Je vous rends
grâce, Père éternel, pour nous avoir donné Jésus au très Saint-Sacrement. Je
vous remercie, mon Jésus, et, enfin, je Vous demande votre sainte bénédiction.
Loué soit à tout instant, Jésus au très Saint-Sacrement !
J’aimais beaucoup faire la méditation sur le très Saint-Sacrement et sur la
Sainte Vierge. Quand je ne pouvais pas la faire de jour, je la faisais de nuit,
à l’insu de tous, en allument une bougie que j’avais cachée à cet effet.
La vie des saints et les méditations très profondes ne me satisfaisaient pas,
parce que je me rendais compte que je ne ressemblais en rien aux saints ; au
lieu de me faire du bien, elles me faisaient du mal.
En 1916 je suis tombée si gravement malade, que les derniers sacrements m’ont
été administrés. Je me suis préparée à la mort avec beaucoup de sérénité. Un
jour où la fièvre était montée assez haut, j’ai déliré, mais je me souviens
d’avoir demandé à ma mère que l’on me donne Jésus. Elle a pris le crucifix et me
l’a présenté.
— “Ce n’est pas celui-ci que je veux: je veux Jésus Eucharistique !”
À l’âge de douze ans, j’ai été admise à l’école des catéchistes et à la chorale.
Pour le chant j’avais une vraie passion. Mais, malgré cela, je travaillais avec
beaucoup de satisfaction à l’école de catéchisme
.
Quand je communiais et que je me trouvais au milieu de mes compagnes pour
l’action de grâces, je me sentais toute petite et la plus indigne pour recevoir
Jésus Eucharistique.
J’étais assez forte. Je me souviens qu’un jour, un homme se ventait devant
quelques jeunes filles d’être très robuste. Je me suis lancée contre lui, qui ne
s’y attendait pas, et je l’ai attrapé et mis par terre. Il s’est mis à crier
pour que je le laisse. Je l’ai roulé par terre et je ne l’ai laissé que quand
j’ai bien voulu : mon but était uniquement celui d’obtenir que lui, étant un
homme, puisse montrer la force dont il se ventait.
Vers les 13 ans j’ai du gifler lourdement un homme qui m’avait adressé des
paroles indécentes.
De 12 à 14 ans, j’ai bénéficié d’une excellente santé. Je travaillais dans les
champs et je gagnais autant que ma mère.
Une fois, en cueillant sur un arbre, des feuilles pour donner à manger aux
bêtes, je suis tombée. Je suis restée quelques instants sans pouvoir respirer et
sans pouvoir bouger; peu après, je me suis relevée et je me suis remise au
travail.
Vers les 12 ou 13 ans, j’ai été placée par ma mère au service d’un voisin,
mais avec ces conditions : possibilité d’aller me confesser tous les mois ;
possibilité, les dimanches après-midi, de venir à la maison afin de pouvoir
assister aux cérémonies religieuses ; prohibition absolue de me laisser sortir
le soir. Le contrat était valable pour cinq mois, mais je ne l’ai pas terminé.
Le patron était un geôlier : il me gratifiait de sobriquets péjoratifs,
m’obligeait à un travail supérieur à mes forces. C’était un homme impatient,
cruel avec les animaux. Il m’humiliait devant tout le monde. Cette triste vie
sapait la joie de ma jeunesse.
Un certain après-midi, il m’a envoyée au moulin, où je suis arrivée en début de
soirée; à mon retour, il faisait déjà noir, car il fallait une heure de route.
Il m’a réprimandée durement, et m’a traitée de voleuse. Son père, déjà âgé, a
pris ma défense. Comme chaque soir je revenais chez moi, cette fois-là, assez
peinée parce que ma conscience ne me reprochait rien, je me suis plainte à ma
mère. Elle s’en est informée et, voyant que le contrat n’était pas respecté, m’a
retirée de son service, malgré l’insistance de mon patron.
Une fois, à Póvoa de Varzim, ce même patron m’avait laissée, de 22 heures
jusqu’à 4 heures du matin, à surveiller quatre paires de bœufs, pendant que lui
et l’un de ses amis étaient partis, je ne sais où. Remplie de peur, j’ai passé
ainsi ces tristes heures de la nuit. J’ai eu pour compagnes les étoiles du ciel
qui brillaient de tout leur éclat.
Une nuit, une lampe à pétrole à la main, j’allais de la cuisine vers la chambre.
Ma lampe s’est éteinte. Je l’ai rallumée plusieurs fois et autant de fois elle
s’est éteinte, alors qu’il n’y avait aucun courant d’air. Quand j’ai voulu la
rallumer, pour la dernière fois, en remuant le pétrole, elle m’a glissé des
mains, en renversant le liquide qui m’a aspergé le visage et m’a laissé aux
lèvres le mauvais goût du pétrole. J’ai pensé que quelque petit diable s’amusait
ainsi et, alors j’ai dit :
— “Tu peux t’en aller, car avec moi tu n’as rien à faire”.
Je me suis couchée tranquillement, je me suis endormie et j’ai fait un rêve qui
est resté imprimé dans mon âme :
Je suis montée au Paradis au moyen d’une échelle dont les barreaux, eux, étaient
tellement étroits qu'il était très difficile d'y poser le pied. Je suis arrivée
en haut avec beaucoup de difficulté, car je n’avais aucun point d'appui. Pendant
que je montais, j’ai vu, à côté de cette échelle, quelques âmes qui
m'encourageaient en silence.
Arrivée au sommet j’ai vu sur un trône le Seigneur, et, à côté de Lui, la Vierge
Marie. Le ciel était rempli de saints. Après cette vision, à contre cœur, je
devais revenir sur la terre. Je suis descendue facilement. Tout a disparu et je
me suis réveillée.
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