Vie de Saint Antoine de Padoue

 

APPENDICE

LE PAIN DE SAINT ANTOINE

En ce qui concerne la France, une réflexion s'impose. Chez les autres nations catholiques, le culte antonien n'a connu ni déclin ni interruption, du xiiie siècle jusqu'à nos jours. Il n'en est pas de même en France, ce pays des révolutions politiques. Dans la sanglante orgie de 93, les autels du thaumaturge furent profanés et détruits. Après le concordat de 1802, ils furent longtemps laissés dans l'ombre : il y avait tant de ruines à relever ! Ce n'est que de nos jours, au déclin de ce XIXe siècle si troublé et comme l'annonce d'une aube radieuse pour le siècle suivant, que son culte s'épanouit de nouveau au soleil et reconquiert son ancienne popularité.

Le mouvement est parti d'un modeste oratoire de Toulon, pour s'étendre en un clin d'œil à toute la France. Pourquoi Dieu a-t-il choisi Toulon pour en faire le théâtre de ses faveurs ? C'est le secret de sa miséricorde. Ne cherchons point à le lui ravir ; efforçons-nous plutôt de mériter ses bienfaits. A Dieu toute gloire ! A saint Antoine de Padoue toute reconnaissance !

Une jeune fille de Toulon, Mlle Louise Bouffier, avait eu la pensée de se consacrer à Dieu sous la bure des Carmélites. Obligée d'y renoncer pour soutenir ses parents, elle s'en dédommagea en consacrant tous ses moments de loisir à l'Œuvre des missions étrangères. Une, faveur obtenue par l'intercession de saint Antoine éveilla dans son cœur un profond sentiment de reconnaissance. La statue du thaumaturge fut, ce jour-là même, érigée dans un angle de l'arrière-boutique de la Toulonnaise, et présida dès lors aux labeurs de la petite ruche ouvrière. Ce fut l'origine de grâces sans nombre et de merveilles qui éveillèrent l'attention publique. Celle qui rêvait d'être une fille de sainte Thérèse est ainsi devenue la propagatrice du culte de saint Antoine. C'est une autre vocation non moins belle. Mais laissons-la nous redire elle-même, dans sa langue naïve et imagée, les commencements et les rapides progrès d'une dévotion si opportune, si réconfortante.

" MON RÉVÉREND PÈRE,
Vous désirez savoir comment la dévotion à saint Antoine de Padoue a pris naissance dans notre ville de Toulon. Elle s'est développée comme toutes les œuvres du bon Dieu, sans bruit, sans fracas et dans l'obscurité. Il y a environ quatre ans, je n'avais aucune connaissance de la dévotion à saint Antoine de Padoue, si ce n'est que j'avais entendu dire, vaguement, qu'il faisait retrouver les objets perdus, quand on l'invoquait.
" Un matin, je ne pus ouvrir mon magasin ; la serrure à secret se trouvait cassée. J'envoie un ouvrier serrurier, qui porte un grand paquet de clefs et travaille environ pendant une heure ; à bout de patience, il me dit : " Je vais chercher les outils nécessaires pour enfoncer la porte ; il est impossible de l'ouvrir autrement. " Pendant son absence, inspirée par le bon Dieu, je me dis : Si tu promettais un peu de pain à saint Antoine pour ses pauvres, peut-être te ferait-il ouvrir la porte sans la briser. Sur ce moment l'ouvrier revient, amenant un compagnon. Je leur dis : " Messieurs, accordez-moi, je vous prie, une satisfaction. Je viens de promettre du pain à saint Antoine de Padoue pour ses pauvres ; veuillez, au lieu d'enfoncer ma porte, essayer encore une fois de l'ouvrir; peut-être ce Saint viendra-il à notre secours. " Ils acceptent, et voilà que la première clef qu'on introduit dans la serrure brisée, ouvre sans la moindre résistance et semble être la clef même de la porte. Inutile de vous dépeindre la stupéfaction de tout ce monde ; elle fut générale. A partir de ce jour, toutes mes pieuses amies prièrent avec moi le bon Saint, et la plus petite de nos peines fut communiquée à saint Antoine de Padoue, avec promesse de pain pour ses pauvres.
" Nous sommes dans l'admiration des grâces qu'il nous obtient. Une de mes amies intimes, témoin de ces prodiges, lui fit promesse instantanément d'un kilo de pain tous les jours de sa vie, s'il lui accordait, pour un membre de sa famille, la disparition d'un défaut qui la faisait gémir depuis vingt-trois ans ; la grâce fut bientôt accordée, et ce défaut n'a plus reparu. En reconnaissance elle acheta une petite statue de saint Antoine de Padoue dont elle me fit présent, et nous l'installâmes dans une toute petite pièce obscure, où il faut une grande lampe pour y voir. C'est mon arrière-magasin. Eh bien ! le croiriez-vous, mon Révérend Père ? Toute la journée cette petite chambre obscure est remplie de monde qui prie, et avec quelle ferveur extraordinaire ! Non seulement tout le monde prie, mais on dirait que chacun est payé pour faire connaître et répandre cette dévotion, " C'est le soldat, l'officier, le commandant de marine qui, partant pour un long voyage, viennent faire promesse à saint Antoine de 5 francs de pain par mois, s'il ne leur arrive aucun mal pendant tout le voyage. C'est une mère qui demande la guérison de son enfant, ou le succès d'un examen ; c'est une famille qui demande la conversion d'une âme chère qui va mourir et ne veut pas recevoir le prêtre ; c'est une domestique sans place, ou une ouvrière qui demande du travail, et toutes ces demandes sont accompagnées d'une promesse de pain si elles sont exaucées.
" Ce qui surtout a donné le plus de développement à cette chère dévotion, c'est un article ironique que le journal impie de notre ville a inséré dans ses colonnes ; cet article était à mon adresse et me dénonçait au public comme coupable d'entretenir la superstition dans notre ville. . Je me suis réjouie en le lisant, et ce que j'avais prévu est arrivé ; d'un petit mal Dieu a tiré un grand bien. Il est si puissant et si bon ! "
C'est ainsi qu'est née, d'un acte de foi, l'Œuvre du Pain de saint Antoine, et que l'aspirante Carmélite est devenue l'intendante de l'aimable thaumaturge, la propagatrice de son culte et la servante des pauvres. Nulle préméditation, nulle intrigue ; tout sous une inspiration divine. La fervente Toulonnaise n'a pas varié dans le récit de l'origine de cette dévotion. " Vingt fois, écrit le P. Marie-Antoine, elle m'a affirmé que lorsqu'elle s'est mise à genoux pour demander le miracle, une inspiration subite et comme une voix intérieure lui ont dicté ces mots : Du pain pour vos pauvres !— Mots que je n'avais jamais prononcés, ajoute l'intendante, et auxquels je n'avais jamais pensé. Et voilà que tout à coup ils sont venus s'emparer de mon esprit, de mon cœur, et j'ai compris qu'il fallait se servir de cette formule pour obtenir le miracle. Je m'en suis servie, et le miracle s'est accompli. "
C'était le 12 mars 1890, date mémorable dans l'histoire de la charité toulonnaise. A partir de ce jour, l'arrière-boutique de la rue Lafayette est convertie en oratoire, les pèlerins affluent, les faveurs célestes se multiplient ; et par une conséquence logique, les offrandes abondent, le billet de banque du riche à côté du billon de l'ouvrière, le tout au profit des déshérités de ce monde. " Ce qui fait la force de notre Œuvre, écrit trois ans après l'intendante de saint Antoine, c'est la prière, ardente et spontanée. Trois fois par jour, nos mille vieillards et orphelins élèvent les bras en croix, remercient avec effusion le grand Saint qui veille sur eux, et le supplient de leur procurer encore du beau pain blanc.
" L'heureuse servante des pauvres,
" Louise BOUFFIER "

Du beau pain blanc ! Le gâteau de saint Antoine, comme l'appellent les orphelins de Toulon ! " Il n'y a qu'un Dieu qui puisse inventer un moyen si gracieux de faire la charité ! " Tous y gagnent, ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Nous avons vu des mères de famille pleurer de joie, en versant dans la corbeille de saint Antoine l'aumône promise. Comment traduire l'allégresse exubérante des orphelins ou des vieillards recueillant chaque matin la manne qui leur tombe du ciel !

Dévotion " gracieuse ", dévotion providentielle, fille de l'amour et du miracle, comme l'œuvre sur laquelle elle repose ! Fille du miracle, l'œuvre éclatait comme une traînée de poudre, d'un bout à l'autre de la France, et portait, dès l'origine, la marque inimitable du sceau divin : la soudaineté de l'éclosion, la rapidité de l'expansion, l'universalité des bienfaits. Fille de l'amour, il se dégageait d'elle, dès la première heure, une vertu rédemptrice capable de racheter nos défaillances. " Ah ! si elle pouvait s'établir dans chaque ville, elle sauverait la France, puisque la charité couvre la multitude des péchés. "

Le vœu de la zélée propagatrice s'est réalisé. " Qui n'a vu, dit un penseur contemporain, qui n'a vu, dans nos plus riches églises et dans nos plus modestes chapelles, l'image de l'angélique Franciscain, et à ses pieds les deux troncs ouverts, l'un aux prières, l'autre aux aumônes ? Le fidèle confie au Saint ses désirs et les appuie de ses largesses. L'argent déposé d'un côté va nourrir les indigents; les demandes, consignées de l'autre, sont comme des lettres de change tirées sur l'invisible... Cette dévotion répond, par l'idée qui l'inspire, aux plus pures conceptions de la foi. " Les saints ne sont-ils pas, en effet, nos protecteurs attitrés en même temps que nos modèles ? Nos modèles : ils nous ont laissé un riche patrimoine d'exemples qui dans leur muet langage nous incitent à l'héroïsme, qu'il s'agisse de devoirs ou de sacrifices. Nos protecteurs : ils nous aiment et sollicitent sans relâche de la munificence divine les grâces spirituelles ou même purement temporelles que réclament les perpétuels découragements engendrés par notre faiblesse native. Quoi de mieux fondé ?

Légitime dans ses principes, soudée au dogme de l'intercession de saints, la dévotion antonienne s'est élancée de nos ports de mer jusqu'aux plages les plus lointaines, pour y porter ses bienfaits ; mais notre beau pays de France en est le berceau, et — ce qui ne se reproduit pas ailleurs — elle y soulève un élan national, un mouvement irrésistible, qui correspond à la crise sociale du moment comme le remède correspond au mal. Partout, en effet, en dépit des railleries de la libre-pensée, elle suscite d'admirables actes de foi de la part des fidèles, d'admirables prodiges de la part du thaumaturge invoqué. Partout elle prélève sur les âmes de bonne volonté un budget aussi considérable qu'il est imprévu et spontané ; 120.000 francs rien qu'à Bordeaux, dans le cours de l'année 1894 ; plus de 100.000 francs à Toulon. Il en est de même, proportions gardées, dans les autres villes. C'est dire que saint Antoine a conquis parmi nous, avec la popularité la plus sublime, la plus noble et la plus durable des royautés. Il règne à Montmartre, il prend possession de nos provinces, il repose au fond des vallées, il trône au sommet des montagnes; il sourit aux pauvres, bénit les riches, rapproche les classes, rétablit le règne de l'Evangile, et résout ainsi pacifiquement, par l'exercice de la charité, le redoutable problème qui tient en échec la science de nos économistes et l'habileté de nos politiciens : la question sociale.

A côté de ces bienfaits, appréciés de tous ceux qui n'ont pas perdu le sentiment de la solidarité fraternelle, il en est d'autres qui nous font monter plus haut dans la hiérarchie des manifestations surnaturelles. Deux épisodes, glanés dans ces champs du divin, vont clore la liste interminable des faveurs insignes qui ont remué nos grandes villes, et ajouter une note d'actions de grâces aux concerts que les deux et la terre font entendre en l'honneur du grand semeur de miracles.

Le premier nous transporte dans les gorges des Pyrénées, à Cauterets, la ville balnéaire connue des touristes, et nous met en présence d'une guérison aussi complète qu'inattendue. C'est la miraculée elle-même, Mme de Rousiers, femme d'une rare distinction d'esprit et d'une piété éclairée, qui, pour perpétuer le souvenir d'un pareil bienfait, a voulu en laisser la relation exacte à son époux et à ses enfants. Lisons : c'est une âme reconnaissante qui nous invite à mêler nos voix à la sienne, pour louer et remercier celui qui l'a tirée des portes du tombeau.

" La maladie qui m'a privée de l'usage de mes jambes pendant plus de cinq mois, a commencé le 1er mars 1894.
" Quand j'ai été mieux et qu'on a pu me lever, on a constaté que la moelle épinière était atteinte ; c'est ce qui m'empêchait absolument de marcher et même de me tenir debout. Le 12 juin, veille de la fête de saint Antoine de Padoue, je commençai la neuvaine des neuf mardis, ayant grande confiance en saint Antoine de Padoue, pour lequel j'avais une dévotion particulière... La semaine qui a précédé le mardi 7 août, jour de la clôture de la neuvaine, s'est passée plus péniblement que les autres, j'étais de plus en plus incapable de me soutenir, et l'espérance semblait parfois s'éteindre dans mon cœur.
" M. le curé vint me confesser le lundi dans la journée et me promit de m'apporter la sainte communion le lendemain matin. Ce même lundi, je voulais absolument, soutenue par deux personnes, faire un pas, et j'avais fait un effort surhumain pour y parvenir, sans le moindre succès... Mes larmes coulaient !
" La nuit suivante, je dormis peu, ne trouvant pas de position. Le mardi matin, tout était dans le même triste état; on vint me lever, on m'assit sur un grand fauteuil devant un petit autel que ma mère avait préparé de son mieux ; je fis là les prières de ma neuvaine, en attendant la visite de Nôtre-Seigneur. Mes larmes ne tarissaient pas... Mon Dieu arrive; je le reçois de mon mieux, croyant que je ne serais pas guérie, et lui demandant, si sa volonté n'était pas de me rendre mes jambes, de me donner un peu de l'amour qu'avait pour lui saint Antoine !
" Tout à coup, mon action de grâces étant terminée et l'intention de ma communion offerte, je me sens poussée à redire en français le Répons miraculeux (de Julien de Spire) ; je promets trois messes et 50 francs de pain pour les pauvres de saint Antoine, puis je me dis : " Il faut pourtant que j'essaye. " Je me dresse en tremblant, je l'avoue ; je fais un pas, puis deux ; une de mes filles, qui était seule avec moi, s'écrie en devenant blanche comme un linge : " Maman, que faites-vous ? — Mais je marche, Marie-Thérèse, tu vois bien, je marche ! " Je vais l'embrasser, je fais le tour de ma chambre, droite, comme jadis, puis je me jette à genoux devant le petit autel...
"... J'avais reçu le don de Dieu, j'étais guérie, radicalement guérie. J'ai pu ce même jour descendre seule deux étages pour aller remercier Dieu dans sa demeure. Le docteur qui me soignait, est venu constater le miracle, et en me quittant m'a dit: " Cessez tout traitement, Madame, nous n'avons pas le droit de toucher à l'œuvre de Dieu ! "
" Magnificat ! " Camille DE ROUSIERS, née D'ARTIGUES. "


Le second fait se passe à Paris, en 1897, et se rattache à l'incendie du Bazar de la Charité, à cette effroyable catastrophe du 24 mai où la fleur de l'aristocratie française et de la jeunesse catholique, fauchée en quelques minutes, tombait au champ d'honneur de la charité, dans un holocauste chrétiennement accepté, dans un martyre qui sera une semence féconde pour l'avenir. Là, comme à Cauterets, saint Antoine manifestait visiblement sa puissance, et l'une des nobles visiteuses du Bazar, Mlle Sergent d'Hendecourt, était " miraculeusement " préservée des flammes ; " miraculeusement ", nous voulons dire avec elle, par suite d'un heureux concours de circonstances qu'elle ne peut attribuer qu'à la protection du thaumaturge. La relation du drame et du sauvetage, écrite sous sa dictée deux jours après l'événement, présente un tel caractère de véracité, que nous nous faisons un devoir de la reproduire intégralement.

Lorsque le sinistre éclata, Mlle d'Hendecourt se trouvait assez loin des portes. Les cris et l'agitation universelle la jetèrent d'abord dans la stupeur. Elle vit sa sœur s'enfuir avec sa robe enflammée : elle vit un groupe de dames s'élancer vers la duchesse d'Alençon pour la presser de sortir ; elle vit la flamme qui courait en serpentant le long de la voûte, au-dessus de sa tête ; et malgré le danger, elle contempla un moment ce spectacle étrange, mais bien vite l'instinct de la conservation se réveilla ; comment fuir ? Devant chaque porte, des monceaux de corps enlacés se débattaient au milieu d'un tourbillon de flammes. Elle pensa alors à invoquer saint Antoine. " Bon Saint, dit-elle, voilà cinq ans que je vous invoque, et vous me refusez tout ce que je vous demande. Aujourd'hui, cependant, j'espère que vous m'écouterez. " Là-dessus, elle fait un vœu, se signe et court vers la barrière humaine en invoquant le Saint. Après quelques efforts inutiles, elle tombe parmi les morts et les mourants.

" Quelques minute plu s tard, de hardis sauveteurs viennent remuer le triste monceau qui s'élevait derrière la porte. Plusieurs personnes étaient tombées sur Mlle d'Hendecourt, et les corps de ces personnes étaient déjà en partie carbonisés. Les sauveteurs, après avoir remué cette masse humaine, allaient se retirer désolés, quand l'un d'eux vit une main s'agiter. On revient, on saisit cette main, puis l'autre, et l'on tire du charnier Mlle d'Hendecourt qui n'avait pas une brûlure ni une égratignure. Le jeudi, elle recevait nos Pères avec la même robe qu'elle portait au Bazar, et cette robe n'avait pas une trace de brûlure. Seulement le parement était légèrement déchiré près du poignet, à cause de la traction exercée sur ce point lorsqu'on fit le sauvetage. Saint Antoine avait payé sa dette. "

N'est-ce pas le cas de répéter, en l'actualisant, la strophe si profondément vraie de Julien de Spire ?

Si quaeris miracula...
Vous cherchez des miracles ?
(Au seul nom de saint Antoine),
La mort, l'erreur, les calamités,
Les démons, la lèpre s'enfuient ;
Les malades sont guéris.
La mer obéit ; les chaînes se brisent ;
La santé revient.
Jeunes gens et vieillards l'invoquent
Et retrouvent les objets perdus.

En face de cette effloraison du surnaturel, l'âme s'arrête éperdue ; et si elle a le bonheur de croire, elle se prosterne et adore, à l'exemple de la miraculée de Cauterets. L'historien va moins vite. Il se tient sur une sage réserve, laissant à l'autorité pontificale le soin de se prononcer sur la nature et la cause des phénomènes présentés. Qu'il y ait miracle ou non, peu nous importe ! Ce que nous tenons à constater, c'est l'opportunité providentielle d'un culte qui va grandissant, à mesure que s'élèvent les vagues de la tempête sociale; c'est l'absence des moyens humains dans la rapidité de ses progrès ; ce sont ses merveilleux effets au milieu d'une société en décadence : la reconnaissance explicite d'une Providence qui gouverne l'univers, l'espérance renaissant au cœur avec la prière, les larmes séchées, les crimes épargnés, l'opulence s'honorant elle-même par un sentiment de compassion chrétienne, les désespérés revenus à une plus saine conception du devoir et transformés par la résignation. Voilà les résultats acquis, palpables, sans compter mille autres merveilles que ne saurait percevoir le regard trop faible des mortels et qui nous préparent dans l'ombre les glorieuses réserves de l'avenir. Est-il, dans la tourmente actuelle, un spectacle plus réconfortant ?

C'est l'heure des ténèbres et des monstrueuses iniquités ; mais c'est aussi l'heure du réveil de la foi et des généreuses revendications. Si les francs-maçons recommencent, également dans le sang et dans la boue, les ignobles exploits de leurs précurseurs, les septembriseurs et les Manichéens, devant eux aussi se dresse toute une armée de héros, jeunes gens, jeunes filles, soldats, pontifes vénérés, hommes du peuple et grands noms de l'aristocratie, pêle-mêle, tous prêts à souffrir, tous prêts à mourir pour défendre leurs autels. Le christianisme est l'enjeu de la bataille; la France l'a senti, et alors elle s'est souvenue de son baptême, de Tolbiac et des croisades. Non, elle ne se laissera pas asservir au joug honteux de la franc-maçonnerie, fille de l'orgueil, fille de l'enfer, cette terre bénie qu'a consolée le grand thaumaturge de Padoue, qu'a libérée l'immortelle Jeanne d'Arc, qu'a foulée de son pied virginal l'auguste Reine des anges et des saints ! Non, elle ne sera pas une race d'apostats, cette nation chevaleresque qui place l'honneur au-dessus de tout, et la religion infiniment au-dessus de l'honneur !

Après avoir lu la Vie de Jésus et les blasphèmes de Renan, le poète Jasmin se recueillit, tout frémissant d'indignation, et il improvisa cette belle ode au Christ qui fut pour lui le chant du cygne :

" Il est Dieu ! Il est Dieu ! Il est Dieu ! "
C'est avec le même sentiment de foi vengeresse que le pays tout entier repoussera les persécuteurs modernes et qu'il leur criera :
" Il y a une religion en France, et nous lui devons quatorze siècles de gloire !
" Il y a un Dieu en France, le Dieu de nos pères, et vous ne le détrônerez pas !

FIN

Saint Antoine de Padoue d'après les documents primitifs

P. LÉOPOLD DE CHERANCÉ
PARIS
POUSSIELGUE 15 RUE CASSETTE 1906

SOURCE :

www.JesusMarie.com