
TABLE
JOUR DE NOEL
Sermon 184
Le mystère de l'Incarnation est caché aux sages selon le monde. Le jour
de la naissance du Christ est pour tous source de joie. La naissance du
Christ est double. Admirons en elle que Dieu se soit fait enfant
Jour de Noël
SERMON 185
Par l'Incarnation du Verbe, la vérité est sortie de la terre. Par
l'Incarnation du Christ, la justice de Dieu nous a été apportée. Gloire
de Dieu dans la justification gratuite des hommes
L’incarnation du Verbe
SERMON 186
Le Christ est né d'une Vierge. Dans son Incarnation Il n'a pas cessé
d'être Dieu. Rien n'a changé dans le Verbe, quand une même personne est
devenue Fils de Dieu et Fils de l'homme. Enseignement strict de la foi.
Credo. Le Fils de Dieu est la même personne que le Fils de l'homme, par
l'Incarnation
De l’Incarnation du Verbe
SERMON 187
Étonnante rencontre dans le Christ enfant d'attributs opposés.
Comparaison pour montrer que le Verbe ne S'est pas éloigné du Père,
quand Il a pris chair. Le Verbe n'a pas été modifié par l'Incarnation.
Le Verbe incarné, Dieu et homme
Le Verbe éternel est né
SERMON 188
Le Verbe de Dieu ne peut pas être exprimé par le langage humain. Le
Verbe éternel est né dans le temps pour nous. Le Verbe enfant nous
enseigne l'humilité. Marie a enfanté le Christ sans rien perdre de sa
virginité
Le Christ, Jour du jour
SERMON 189
Le Christ, Jour du jour. Miracle du Christ né d'une vierge. Par la
Naissance du Christ, nous a été apportée la Justice. Le bienfait de la
régénération nous a été procuré par la Naissance humaine du Christ. La
Naissance du Christ est double
Les deux Naissances du Christ
SERMON 190
Dieu a choisi le jour de sa Naissance pour nous révéler son Mystère. Les
deux Naissances du Christ. Pourquoi Il a voulu naître d'une femme. C'est
pour nous que le Christ S'est fait enfant dans une crèche. Il faut fêter
la Naissance du Christ
imiter la virginité de Marie
SERMON 191
Le Verbe S'est incarné pour assumer l'indignité à la place des indignes.
Le Christ est né sans détruire la virginité de sa Mère. L'Église est
spirituellement vierge et mère. Nous devons imiter la virginité de Marie
La Vérité est sortie de la terre
SERMON 192
Combien il est admirable que le Fils de Dieu Se soit incarné à cause des
hommes. La gloire des vierges, des veuves et des épouses a sa source
dans la Nativité du Christ. La Vérité est sortie de la terre, la Justice
du ciel. Pourquoi le Christ est né le jour le plus court de l'année
La voix des anges annoncèrent Jésus Christ
SERMON 193
La voix des anges annoncèrent Jésus Christ. C'est Lui qui est la paix
sur la terre pour les hommes de bonne volonté quand prend fin cette
guerre dans laquelle “la chair désire contre l'esprit et l'esprit contre
la chair”
La Naissance du Christ est double
SERMON 194
La Naissance du Christ est double. Jour de la naissance du Christ et de
Jean. Verbe des anges dans les cieux et nourriture des hommes dans une
crèche. Par la vision du Verbe après cette vie nous serons rassasiés.
Conclusion
Il y a deux Naissances du Christ
SERMON 195
Il y a deux Naissances du Christ ; les deux impossibles à décrire. Le
Christ, Fils de la Vierge, Époux de la Vierge. Pourquoi le Christ est
venu dans la chair ?
Dieu Enfant pour nous
SERMON 196
Il y a deux Naissances du
Christ, Fils toujours engendré du Père, sans commencement. La valeur des
trois formes de vie : mariage, veuvage et virginité, est attestée par le
Christ. Dieu Enfant pour nous. La fête des Calendes de janvier est une
superstition
|
1. Noël, jour de la
naissance du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, par qui la vérité est
sortie de la terre, et par qui le Jour né du Jour est né pour être notre
Jour, revient aujourd'hui comme chaque année nous prodiguer sa lumière
et nous inviter à le célébrer. Exultons de joie et de bonheur. Car le
prix que nous a valu l'abaissement d'une telle grandeur, seule la foi
chrétienne le sait ; le cœur des impies n'en a pas connaissance, parce
que Dieu a caché ces choses aux sages et aux prudents, et les a révélées
aux petits. Que les humbles restent fidèles à cette humilité de Dieu :
pour qu'un si grand soutien, supportant leur faiblesse, leur permette de
parvenir jusqu'aux hauteurs de Dieu. Les sages et les prudents, quand
ils veulent s'approcher des autels sans croire en l'humilité, oublient
cette bassesse, et pour cela ne savent pas monter jusqu'aux hauteurs ;
vains et légers enflés et superbes, ils sont restés comme suspendue
entre ciel et terre, dans l'agitation du vent. Car ils sont sages et
prudents, mais selon le monde, non selon Celui qui a fait l'univers. Car
si la vraie sagesse, qui vient de Dieu et est Dieu, était en eux, ils
comprendraient que Dieu a pu revêtir la nature de chair, sans devenir un
être charnel. Ils comprendraient que Dieu a pris une nature qui n'était
pas la sienne, tout en gardant la sienne ; qu'il est venu à nous dans la
personne d'un homme, sans s'éloigner du Père ; qu'il a continué a être
ce qu'il est, tout en prenant notre apparence; et que le corps d'un
enfant a reçu une puissance qui ne doit rien à la masse du monde. Celui
qui demeure auprès du Père et qui a conçu l'univers, a conçu en venant à
nous la maternité de la Vierge. Car sa majesté apparaît dans la
maternité de la Vierge, aussi vierge avant la conception qu'après son
accouchement ; elle s'est trouvée grosse d'un homme sans avoir été
engrossée par un homme ; portant en son sein un mâle, sans oeuvre de
mâle, plus heureuse et admirable par le don d'une fécondité où sa pureté
ne s'est pas perdue. Les sages selon le monde préfèrent penser qu'un tel
miracle est imaginaire et non pas réel. Ainsi, dans le Christ, homme et
Dieu, ne pouvant croire en son humanité, ils la méprisent; ne pouvant
mépriser sa divinité, ils n'y croient pas. Quand à nous, considérons
avec autant de reconnaissance qu'eux de mépris, le corps d'un homme
assumé par l'humilité de Dieu ; et plus ils jugent cela impossible, plus
il nous convient de voir l’œuvre de Dieu dans une naissance humaine
virginale.
2. Honorons donc la
nativité du Seigneur, comme il se doit, nombreux et dans l'allégresse.
Que les hommes se réjouissent, que les femmes se réjouissent : le Christ
est né homme, homme né d'une femme ; et les deux sexes en sont honorés.
Qu'il passe donc à l'homme nouveau celui qui sous le premier homme avait
été condamné. La femme nous avait induit à la mort : c'est la vie
qu'elle nous a donné. Il nous est né un être semblable à notre chair
pécheresse, par qui la chair pécheresse devait être rachetée. Donc,
n'accusons pas la chair, mais, pour que notre nature revive, que notre
faute meure : car il est né sans faute celui qui doit renaître l'homme
autrefois soumis au péché. Soyez dans la joie, enfants de la sainteté,
qui avaient préféré suivre le Christ sans rechercher les liens du
mariage. Il ne vient pas à vous dans le mariage celui que vous avez
trouvé pour le suivre ; car il veut vous permettre de mépriser ce par
quoi vous êtes venus au monde. Vous y êtes venus par des noces
charnelles, dont il n'a pas besoin pour venir à vos noces spirituelles ;
s'il vous a permis de mépriser les noces, c'est parce qu'il vous a
appelés aux noces par excellence. Si donc vous n'avez pas cherché à
vivre ce par quoi vous êtes nés, c'est parce que vous avez aimé plus que
les autres celui qui n'est pas né de ces noces. Soyez dans la joie
Vierges Saintes : la Vierge vous a engendré celui que vous pouvez
épouser sans faillir, vous qui, si vous ne concevez pas et ne mettez pas
au monde, pouvez perdre ce que vous aimez. Soyez donc dans la joie
justes : c'est la naissance du Justificateur. Soyez dans la joie hommes
faibles et malades : c'est la naissance du Sauveur. Soyez dans la joie,
captifs, c'est la naissance de celui qui rachète. Que soient dans la
joie les esclaves : c'est la naissance du maître tout puissant. Dans la
joie, les hommes libres : c'est la naissance du Libérateur. Dans la joie
tous les chrétiens : c'est la naissance du Christ.
3. Parce qu'il est né
d'une mère, il a marqué ce jour dans la suite des siècles, lui qui, né
du Père, a formé tous les siècles. Sa première naissance s'est produite
sans mère, comme la seconde sans père. Le Christ enfin est né d'un père
et d'une mère ; mais sans père et sans mère ; Dieu né du Père, homme né
d'une mère; Dieu sans mère, homme sans père. “Qui pourra raconter sa
naissance ?” : l'une hors du temps, l'autre sans semence d'homme; l'une
sans commencement, l'autre sans précédent; l'une de toute éternité,
l'autre sans exemple, ni avant ni après ; l'une sans fin, l'autre qui
commence quand elle finit. C'est à juste titre que, bien avant, les
Prophètes ont annoncé sa naissance, et que les Cieux et les Anges ont
annoncé qu'Il était né. Couché dans une crèche, il portait en Lui
l'univers. Enfant et Verbe de Dieu. Lui que les Cieux ne contiennent
pas, le sein d'une seule femme suffisait à le porter. Reine de notre
Roi ; elle portait celui en qui nous existons ; elle allaitait notre
pain. O visible faiblesse et étonnante humilité, où s'est cachée la
divinité toute entière ! Il gouvernait de sa puissance la mère à qui
était soumise son enfance; et nourrissait de sa vérité celle dont il
suçait le sein. Qu'il parachève en nous ses dons, celui qui n'a pas
répugné à assumer jusqu'à nos premières années ; et qu'il nous rende
fils de Dieu, celui qui, pour nous, a voulu devenir fils de l'homme.
1. On appelle Noël le
jour où la Sagesse de Dieu S'est manifestée enfant, et où le Verbe de
Dieu, sans paroles, a fait entendre la voix de la chair. Toutefois,
cette divinité cachée a été révélée aux mages par un signe du ciel, et
annoncée aux berger par la voix des anges.
Célébrons donc
l'anniversaire de ce jour, où s'est accomplie la prophétie qui dit : “La
Vérité est sortie de la terre, et la justice a regardé du haut du ciel”.
La Vérité qui est dans le sein du Père, est sortie de la terre, pour
résider aussi dans le sein d'une mère. La Vérité qui soutient les mondes
est sortie de la terre, pour être portée par des mains de femme. La
Vérité, qui nourrit d'une nourriture incorruptible la béatitude des
anges, est sortie de terre, pour Se nourrir du lait de mamelles de
chair. La Vérité que le ciel ne suffit pas à contenir, est née de la
terre, pour être déposée dans une crèche, pour qui tant de grandeur dans
tant d'humilité ? Certainement pas pour elle-même, mais pour notre plus
grand bienfait, si nous croyons. Homme, réveille-toi ! Pour toi, Dieu
S'est fait homme. “Debout, toi qui dors, relève-toi des morts, et le
Christ t'illuminera. C'est pour toi, je dis bien, que Dieu S'est fait
homme. Tu serais mort pour l'éternité, s'il n'avait pas pris naissance
dans le temps. Jamais tu n'aurais été libéré du péché de la chair, s'Il
n'avait pris la ressemblance de la chair pécheresse. Tu serais
prisonnier d'une éternelle misère, si cette miséricorde ne t'avait pas
été accordé. Tu ne serais pas retourné à la vie, s'Il n'était venu
connaître ta mort. Tu aurais défailli, sans son secours. Tu aurais péri
s'Il n'était pas venu.
2. Célébrons dans la
joie l'arrivé de notre salut et de notre rédemption. Célébrons ce jour
de fête, où le jour de la grandeur et de l'éternité est venu du jour de
grandeur et d'éternité, dans ce jour si bref de notre vie temporelle.
“Il S'est fait notre justice, notre sanctification et notre
rédemption” : afin que, comme il a été écrit : “Celui qui se glorifie,
qu'il se glorifie dans le Seigneur”, pour que nous ne partagions pas
l'orgueil des Juifs qui, “ignorant la justice de Dieu, et voulant
instaurer la leur, ne se sont pas soumis à la Justice de Dieu”. C'est
pourquoi, ayant dit : “La Vérité est née de la terre”, il ajoute : “et
la justice a regardé du haut du ciel”, pour ne pas, dans son infirmité
d'être mortel, s'attribuer cette vérité à Lui-même, c'est à dire devenir
juste par ses propres forces, ne récuse pas la Justice de Dieu. “La
vérité est sortie de la terre”. Le Christ qui a dit : “Je suis la
Vérité”, est né d'une Vierge. “Et la Justice a regardé du haut du ciel”,
parce que, en croyant à Celui qui est né, l'homme a été justifié non pas
par lui-même, mais par Dieu. “La Vérité est sortie de la terre” parce
que “le Verbe S'est fait chair”. “Et la justice a regardé du haut des
cieux” parce que “tout don excellent et tout grâce parfaite vient d'en
haut”. “La Vérité est sortie de la terre”, chair de la Vierge Marie. “Et
la Justice a jeté son regard du haut du ciel”, parce que “l'homme ne
peut rien recevoir, qui ne lui ait été donné du ciel”.
3. Justifiés donc par la
foi, mettons notre paix en Dieu, par notre Seigneur Jésus Christ, par
qui nous avons accès à cette grâce où nous nous trouvons, et par qui
nous nous glorifions dans l'espoir de la Gloire de Dieu. À ces quelques
mots de l'Apôtre, que vous reconnaissez avec moi, j'ai plaisir à joindre
quelques mots de ce psaume, que je leur trouve accordés : “Justifiés par
la foi, mettons notre paix en Dieu”, parce que “justice et paix se sont
embrassées” mutuellement. Par Jésus Christ notre Seigneur parce que “la
vérité est sortie de la terre”. Par Lui nous avons accès à cette grâce
où nous nous trouvons, et par Lui nous nous glorifions dans l'espoir de
la Gloire de Dieu, “parce que la justice ne procède pas de nous-mêmes,
mais a regardé du haut du ciel”. Donc, “celui qui se glorifie, qu'il se
glorifie” non en lui-même, mais “dans le Seigneur”. C'est pourquoi c'est
au moment où le Seigneur est né de la Vierge, en ce jour dont nous
fêtons l'anniversaire, que les voix angéliques ont proclamé : “Gloire à
Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne
volonté”. En effet, d'où vient la paix sur la terre, sinon de ce que “la
vérité est sortie de la terre”, c'est à dire de ce que le Christ est né
de la chair ? Et c'est “Lui qui est notre paix, qui des deux peuples a
fait un seul peuple”, afin que nous soyons, nous hommes de bonne
volonté, liés par la douceur des liens de l'unité. Réjouissons nous donc
dans cette grâce, pour que le témoignage de notre conscience soit notre
gloire : en effet glorifions-nous, non pas de nous-mêmes, mais de Dieu.
Le texte dit ensuite : “Toi qui es ma gloire, et relèves ma tête”. Car
Dieu a-t-Il pu faire briller sur nous une plus grande grâce que lorsque
n'ayant qu'un Fils, Il L'a fait Fils de l'homme ; et lorsque en retour,
d'un fils d'homme, Il a fait un Fils de Dieu ? Cherchez à quoi en
attribuer le mérite, la cause, la justification ; et voyez s'il y a
autre chose à répondre que “la grâce”.
1. Réjouissons-nous, mes
frères. Que les nations exultent de joie. Ce jour, ce n'est pas le
soleil visible, mais son Créateur invisible qui en a fait pour nous un
jour sacré, lorsque le Vierge Mère nous a donné, de ses entrailles
fécondes et de son sein sans souillure, Celui qu'elle a rendu visible
pour nous, et qui fut son invisible Créateur. Vierge quand elle conçut,
vierge quand elle accoucha, vierge dans sa grossesse, vierge dans sa
fécondité, vierge à jamais. Homme, pourquoi t'étonner de cela ? C'est
ainsi qu'il a fallu que Dieu naisse, quand Il a daigné être homme. Il a
voulu conserver la forme virginale à celle qui l'a formé. Car avant
qu'elle soit créée, Il était; et parce qu'Il était tout puissant, Il a
pu rester ce qu'Il était. Il S'est donné une mère, étant près du Père;
et, né d'une mère, Il est resté en son Père. Comment cesserait-il d'être
Dieu en commençant à devenir homme, Celui qui a permis à sa mère de ne
pas cesser d'être vierge en Le mettant au monde. Et le Verbe S'est fait
chair sans que le Verbe disparaisse dans la chair; c'est la chair qui a
eu accès au Verbe, pour ne pas périr, afin que l'homme étant corps et
âme, le Christ aussi soit homme et Dieu. Celui qui est Dieu est aussi
homme, et Celui qui est homme est aussi Dieu, sans que les natures
soient confondues, mais unies en une seule personne. Enfin, le Fils de
Dieu, coéternel à jamais au Père qui L'a engendré, est devenu Fils de
l'homme dans le sein d'une vierge. Et ainsi la nature humaine a été
jointe à la Divinité du Fils, sans que la Trinité des personnes divines
devienne quaternité.
2. Donc ne vous laissez
pas gagner par l'opinion de certaines personnes, trop peu attentives à
la rigueur de la foi et à la parole de Dieu révélée dans les Écritures.
Elles disent : “C'est le Fils de l'homme qui est devenu Dieu, mais le
Fils de Dieu n'est pas devenu homme”. Pour s'exprimer ainsi, il faut
qu'elles aient perçu quelque vérité ; mais elles n'ont pas su trouver
les termes justes. Car qu'ont-elles perçu, sinon qu'il est possible que
la nature humaine se soit haussée à une nature supérieure, mais
impossible que la nature divine se soit rabaissée à une nature
inférieure ? Et c'est exact. mais même ainsi, c'est à dire sans que la
divinité ait été dégradée dans sa nature, il n'en est pas moins vrai que
le Verbe est devenu chair. Car l'évangile ne dit pas : “La chair s'est
faite Verbe”, mais, “le Verbe S'est fait chair”. Or le Verbe, c'est
Dieu; car “le Verbe était Dieu”. Et qu'est la chair ici, sinon l'homme ?
Car la chair de l'homme, dans le Christ, possède aussi une âme. Ne
dit-il pas : “Mon âme est triste jusqu'à la mort” ? Si donc le Verbe est
Dieu, et la chair l'homme, qu'est-ce d'autre “le Verbe s'est fait
chair”, que “Celui qui était Dieu S'est fait homme”. C'est pourquoi le
Fils de Dieu, Se faisant Fils de l'homme, a assumé un état inférieur,
mais sans perdre le Sien propre. Car comment reconnaîtrons nous dans la
stricte foi que nous croyons au Fils de Dieu, né de la Vierge Marie, si
ce n'est pas le Fils de Dieu, mais le Fils de l'homme qui est né de la
Vierge Marie ? Car quel chrétien pourrait dire que cette femme n'a pas
donné naissance au Fils de l'homme tout en affirmant que Dieu S'est fait
homme et qu'ainsi un homme est devenu Dieu ? Car “le Verbe était Dieu,
et le Verbe S'est fait chair”. Donc, il faut reconnaître que Celui qui
était Dieu, ayant, pour naître de la Vierge Marie, pris la forme de
l'esclave, est devenu Fils de l'homme, demeurant ce qu'Il était, mais
prenant la forme de ce qu'Il n'était pas : commençant d'être ce qui Le
rend plus petit que le Père, et restant toujours dans l'état où Lui-même
et le Père ne sont qu'un.
3. Car si Celui qui est
toujours Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de l'homme,
comment l'Apôtre dit-il de Lui : “Lui qui, étant dans la forme de Dieu,
n'a pas pensé lui avoir dérobé son égalité ; mais S'est réduit à rien en
prenant la forme du serviteur, ayant revêtu une condition semblable à
celle des hommes, et S'étant révélé homme dans sa manière d'être. Car ce
n'est pas un autre, mais Lui-même, dans la forme de Dieu égal au Père,
“qui a humilié” non pas un autre, “mais Lui-même”, “devenu obéissant
jusqu'à la mort, et la mort de la croix”. Tout cela, le Fils de Dieu ne
l'a accompli que dans la forme qui Le fait Fils de l'homme; de même, si
Celui qui est toujours Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de
l'homme, pourquoi l'Apôtre dit-il aux Romains : “Choisi pour annoncer
l'évangile de Dieu, qu'Il avait promis auparavant par ses prophètes dans
l'Écriture sainte à propos de son Fils, qui selon la chair a été formé
de la race de David”. Voici que le Fils de Dieu qu'Il a toujours été, a
été formé selon la chair de la race de David, ce qu'Il n'était pas. De
même, si Celui qui est Fils de Dieu, n'est pas devenu réellement Fils de
l'homme comment “Dieu a-t-Il envoyé son Fils né d'une femme” ? (Ce terme
hébreu, ne nie pas la virginité, mais l'indique le sexe féminin). En
effet, qui a été envoyé par le Père, sinon le Fils unique de Dieu ?
Comment donc est-Il né d'une femme, sinon parce que Celui qui était Fils
de Dieu auprès du Père, a été envoyé pour devenir Fils de l'homme ? Né
du Père hors du temps, né d'une mère en ce jour. Car Il a choisi pour y
être créé ce même jour qu'Il a créé, comme Il a été créé d'une mère
qu'Il a créée. Car ce jour lui-même, qui commande l'accroissement de la
lumière du jour, représente l'œuvre du Christ qui renouvelle en nous de
jour en jour l'homme intérieur. Oui, ce jour devait au Créateur éternel,
né dans le temps, d'être le jour de sa Naissance, pour que la créature
temporelle se rencontre avec Lui.
1. Que ma bouche chante
la louange du Seigneur de qui est né l'univers, Lui-même né dans
l'univers ; par qui est révélé le Père, qui a créé sa mère. Fils de Dieu
venu du Père, sans mère ; Fils de l'homme venu d'une mère, sans père.
Grand jour pour les anges que ce raccourci de jour. Dieu le verbe avant
tous les temps, le Verbe fait chair au temps marqué. Ayant formé le
soleil, sous le soleil Il a reçu sa forme. Ayant ordonné l'ensemble des
siècles depuis le sein du Père, depuis le vente de sa mère, Il rend ce
jour-ci sacré. En Lui il demeure, d'elle Il naît. Créateur du ciel et de
la terre, Il naît sur la terre et sous le ciel. Sage au delà de toute
parole, sage avant de pouvoir parler. Il couvre le monde, Lui que
contient une crèche. Il règle le cours des astres, cet enfant à la
mamelle. Grand comme Dieu, petit comme serviteur, sans que sa Petitesse
diminue sa Grandeur, et sans que sa grandeur accable sa Petitesse. Car
en revêtant un corps humain, Il n'a pas cessé de faire œuvre divine ; et
ne s'est pas relâché de l'étroit embrassement par lequel Il soutient
l'univers d'une extrémité à l'autre, et le dispose harmonieusement :
quand Il S'est revêtu de l'infirmité de la chair, le sein d'une Vierge
l'a recueilli, sans L'emprisonner; et sans rien soustraire au pain dont
il nourrit la sagesse des anges, Il nous a donné à goûter combien doux
est le Seigneur.
2. Pourquoi tout cela
nous étonnerait-il, s'agissant du verbe de Dieu, lorsque les propos même
que je profère, gardant, en touchant les sens de l'auditoire,
suffisamment d'autonomie pour s'introduire en chacun sans s'y enfermer.
Car s'ils ne s'y introduisaient pas, personne n'en serait instruit ; et
s'ils s'y enfermaient, ils ne passeraient pas à d'autres. Et mon sermon
a beau être construit de mots et de syllabes, vous n'en emportez pas
chacun un morceau pour vous comme s'il fallait en nourrir votre ventre ;
vous l'entendez tous tout entier, chacun d'entre vous s'en saisit dans
sa totalité. Et je ne crains pas, en parlant, si un auteur s'approprie
en esprit tout son contenu, que l'autre n'ait plus rien à prendre.
l'attention que je souhaite en vous, suppose que, sans rien dérober à
l'oreille ni à l'esprit de personne, chacun d'entre vous l'entende tout
entier, en laissant chacun à même de l'entendre tout entier. Et il ne
s'agit pas de moments où successivement les paroles prononcées entrent
d'abord chez l'un, puis, en sortant, peuvent enfin entrer chez l'autre.
Il parvient à tous en même temps et tout entier à chacun. Et s'il avait
assez de mérite pour se fixer tout entier dans vos mémoires, comme vous
êtes tous venus pour l'entendre tout entier, vous repartiriez chacun
avec un sermon tout entier. À combien plus fort raison le Verbe de Dieu,
par qui tout a été fait, et qui, demeurant en Lui-même, renouvelle sans
cesse tout; qui n'est ni enfermé dans l'espace, ni poussé par le temps,
ni soumis à des variations plus ou moins durables; qui ne repose pas sur
une forme vocale pour disparaître avec le silence ; à combien plus forte
raison ce Verbe, d'une telle grandeur et d'une telle nature, a pu
féconder le sein de sa mère, ayant revêtu la nature corporelle sans
quitter le sein du Père ! D'un côté paraître aux yeux humains, de
l'autre illuminer l'esprit des anges. D'un côté mettre pied sur la
terre, d'un autre soutenir l'ampleur des cieux ! D'un côté devenir
homme, de l'autre créer les hommes.
3. Que personne donc ne
croie que le Fils de Dieu S'est transmué totalement en Fils de l'homme :
croyons plutôt que sans se défaire de la substance divine, Il a assumé
la perfection de la substance humaine, restant Fils de Dieu, mais devenu
Fils de l'homme. Car ce n'est pas parce qu'il est dit : “Le Verbe était
Dieu”, et “le Verbe S'est fait chair”, que le Verbe a cessé d'être Dieu
en Se faisant chair. Puisque le Verbe qui S'est fait chair, est devenu,
à sa Naissance l'Emmanuel, c'est à dire “Dieu avec nous”. De même que le
verbe qui est au fond de notre bouche, devient un son vocal lorsque nous
l'extériorisons par le canal de notre bouche, sans que sa nature
devienne celle du son ; il demeure au contraire ce qu'il est lorsque le
véhicule qui l'extériorise le prend en charge, de telle sorte
qu'intérieurement il reste un objet intelligible, et à l'extérieur sonne
comme un objet audible : mais ce que le son traduit, c'est cela même qui
se faisait entendre d'abord dans le silence; ainsi un verbe vocalement
exprimé ne se transforme pas en son vocal ; il reste dans la lumière de
l'esprit, et lorsqu'il prend la forme d'une voix charnelle, il fait
route vers l'auditeur, sans abandonner celui qui le pense. Il ne s'agit
pas ici du cas où le mot, grec latin ou de quelqu'autre langue, est
pensé silencieusement. Mais de celui où, avant de passer par la
diversité des langues, la chose elle-même que l'on veut dire, repose
encore, pour l'esprit qui la conçoit, en quelque sorte toute nue dans la
couche de son cœur, avant de revêtir, pour en sortir, la voix de la
parole. Et toutefois, les deux choses : ce que la pensée intelligible
conçoit, et ce que la parole fait entendre, sont amenées à changer et à
se transformer. Il ne restera rien de la première, une fois dans
l'oubli, ni de la seconde, une fois le silence venu. mais le verbe de
Dieu demeure éternellement, et demeure inchangé.
4. Et lorsqu'il a revêtu
la chair dans le temps pour S'approcher de notre vie temporelle, non
seulement dans la chair Il n'a pas rendu l'éternité, mais devant la
chair Il S'est porté garant de l'immortalité. Et “comme l'époux sortant
de sa chambre, Il se réjouit comme le héros qui va fournir sa carrière”.
Étant dans la forme de Dieu, Il n'a pas pensé pouvoir tirer profit de
son égalité avec Dieu. Mais, pour nous, afin d'être ce qu'Il n'était
pas, “Il S'est réduit Lui-même à néant” ; sans quitter la Forme de Dieu,
mais en “prenant la forme de l'esclave” ; et c'est par elle qu’“Il est
devenu semblable à un homme”. Ce n'était pas sa substance propre ; c'est
“par son aspect extérieur qu'on l'a vu ressembler à un homme”. En effet
d'ensemble de ce que nous sommes, dans notre âme et notre corps,
constitue notre nature : pour Lui ce n'est là que son aspect extérieur.
Nous, si nous n'étions pas pourvus de cette nature, nous n'existerions
pas ; Lui, si cette nature n'existait pas, n'en serait pas moins Dieu.
Et lorsqu'il a commencé à être cette nature qui n'était pas la sienne,
Il est devenu homme tout en restant Dieu. Afin qu'on ne le dise pas l'un
de nous, mais selon l'exacte vérité un être de l'une et l'autre nature.
Et parce qu'Il a été fait homme : “Le Père est plus grand que Moi” ; et
parce qu'Il est resté Dieu, “le Père et moi sommes un”. Car si le Verbe
pour devenir homme avait perdu sa Forme, c'est-à-dire pour devenir homme
Dieu aurait perdu sa Nature, il n'y aurait de vrai que : “Le Père est
plus grand que Moi”, parce que Dieu est plus grand que l'homme ; mais
“Moi et le Père sommes un” serait faux ; parce que Dieu et l'homme ne
sont pas un. Peut-être pourrait-Il dire : Moi et le Père ne sommes pas
un, mais avons été un. Car ce qu'Il était et a cessé d'être, évidemment,
Il ne l'est pas, Il l'a été. En réalité, ayant réellement pris la forme
du serviteur, Il a dit vrai en disant : “Le Père est plus grand que
Moi” ; et parce qu'Il était réellement Dieu, et qu'Il le restait, Il a
dit vrai en disant : “Le Père et Moi sommes un”. Donc lorsqu'il S'est
réduit à néant auprès des hommes, Il n'a pas voulu, en devenant ce qu'Il
n'était pas, cesser ce qu'Il était; mais cachant ce qu'Il était, montrer
ce qu'Il était devenu. Ainsi donc, c'est parce que la Vierge a conçu et
enfanté un fils, parce qu'Il a pris aux yeux de tous la forme d'esclave
qu’“un enfant nous est né”. Mais parce que le Verbe de Dieu, qui reste
dans l'éternité, est devenu chair pour habiter parmi nous, parce que sa
Nature divine cachée demeure, selon l'annonce de Gabriel nous lui
donnons “le nom d'Emmanuel”. Car Il est devenu Homme, tout en restant
Dieu, pour que le fils de l'homme aussi puisse être appelé justement
“Dieu avec nous”. Dieu et l'Homme en Lui ne sont pas deux personnes
distinctes. Que le monde donc se réjouisse en la personne des croyants
qu'Il est venu sauver par Celui qui a formé le monde. Créature de Marie,
né de Marie ; Fils de David, Seigneur de David ; progéniture d'Abraham,
né avant Abraham. Il a formé la terre, a été formé sur terre, Créateur
du ciel, créé sous le ciel. Il est bien le Jour qu'a fait le Seigneur,
et le Seigneur est bien le Jour de notre cœur. Marchons dans sa Lumière
et exultons de joie en Lui.
1. Si nous voulons louer
le Fils de Dieu, tel qu'Il est auprès du Père, égal et coéternel à Lui,
fondement de toutes choses visibles et invisibles, au ciel et sur la
terre, Verbe de Dieu et Dieu, Vie et Lumière des hommes, il ne faut pas
s'étonner qu'aucune pensée humaine, qu'aucun discours n'y suffise. Car
comment notre langue pourrait-elle prétendre louer dignement Celui que
notre cœur n'a pas la force de voir, tant qu'il tient relégué dans
l'ombre l’œil qui pourrait le voir, si nous étions purifiés de notre
iniquité, guéris de notre faiblesse, cet oeil par qui deviennent
“bienheureux les hommes au cœur pur, car ils verront Dieu” ?
Il n'est pas
étonnant, dis-je, que nous ne sachions par quels mots dire le Verbe
unique, en qui a été prononcé l'ordre de notre existence, nous qui
devions parler de Lui. Car les mots que nous pensons et proférons
reçoivent la forme de notre esprit, qui lui-même reçoit la sienne du
Verbe. Et l'homme ne façonne pas ses mots de la même façon que lui-même
a été façonné par le Verbe; car c'est d'une manière ineffable; car c'est
d'une manière différente que le Père a engendré le Verbe unique, et a
fait toutes choses par le Verbe. C'est Dieu en effet qui a engendré
Dieu; mais en même temps qu'Il engendre et est engendré, Il reste le
Dieu unique. Mais le monde qu'a fait Dieu passe, tandis que Dieu reste.
Et de même que ce qui a été fait, ne s'est évidemment pas formé par
soi-même, de même Celui par qui tout a pu être fait, n'a été formé par
personne. Il n'est donc pas étonnant que, l'homme étant une créature
parmi d'autres, son langage ne puisse pas développer ce qu'est le Verbe,
par qui tout a été fait.
2. C'est pourquoi
retirons un instant nos sens et notre esprit de cette direction, pour
voir si nous serons à même de tenir de propos dignes, non pas de “Au
commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le
Verbe était Dieu”, mais de “Le Verbe S'est fait chair” ; pour voir si,
là où Il a voulu être visible, on est à même de parler de Lui.
Dans cet esprit,
célébrons le jour où Il a daigné naître d'une vierge ; naissance dont Il
a voulu que, tant bien que mal, les hommes fassent le récit. Mais dans
l'éternité, où Dieu est né Dieu, “qui fera le récit de sa naissance ?”
Là-bas, le jour n'est pas de nature telle que l'on puisse célébrer un
anniversaire. Car, là-bas, le jour ne passe pas pour revenir au bout
d'un an; il demeure sans se coucher, car il ne connaît pas de lever.
Là-bas donc, le Verbe unique de Dieu, la Vie, la Lumière des hommes,
sont un jour éternel. Mais le jour en cette terre où Il S'est uni à la
chair humaine, où Il est devenu semblable à l'époux qui sort de sa
chambre, ce jour de maintenant est aujourd'hui, ensuite il sera demain.
Toutefois ce jour d'aujourd'hui nous rappelle que l'Éternel est né d'une
vierge, parce que l'Éternel en naissant d'une vierge a rendu ce jour
sacré. Comment louer la Bonté de Dieu, comment Le remercier ? Il nous a
aimés jusqu'à naître pour nous dans le temps, Lui par qui ont été faits
les temps ; jusqu'à Se rabaisser en âge au-dessous de la multitude de
ses serviteurs, Lui qui par son éternité est plus ancien que le monde ;
jusqu'à devenir homme, Lui qui a fait l'homme, créature née d'une mère
qu'Il a créée ; jusqu'à être porté par des mains qu'Il a formées ;
jusqu'à sucer les mamelles qu'Il a emplies de lait, jusqu'à vagir,
enfant sans parole dans une crèche, Lui, le Verbe sans qui l'éloquence
des hommes reste sans parole.
3. Homme, vois ce qu'est
devenu Dieu pour toi, reconnais la Sagesse cachée en une si profonde
humilité, même si Celui qui l'enseigne ne sait pas encore parler. Toi,
autrefois, au paradis, si doué d'éloquence que tu mis un nom sur toute
âme vivante : c'est pour toi que ton Créateur gisait enfant dans une
crèche, incapable d'appeler même sa mère par son nom. Toi, tu t'es perdu
pour avoir pillé dans le secret les fruits du verger, en négligeant ton
devoir d'obéissance. Lui, par obéissance est venu mourir dans la plus
étroite des auberges, pour en enlever en mourant celui qui était mort.
Toi qui étais homme, en voulant être Dieu es allé à la mort. Lui, étant
Dieu, a voulu être homme, pour venir à la rencontre de ce qui était
mort. L'orgueil humain t'a tellement accablé que rien ne pouvait te
relever, sinon l'humilité divine.
4. Célébrons donc dans
la joie le jour où Marie a donné naissance au Sauveur, l'épouse de Celui
qui a créé le mariage, la Vierge du prince de toutes les vierges ;
donnée à un époux, devenue mère sans ses œuvres ; vierge avant son
mariage ; vierge dans son mariage ; vierge qui a porté, qui a allaité.
Car en naissant, son Fils tout-puissant n'a nullement détruit la
virginité de celle qu'Il avait choisie pour naître. Car la fécondité
dans le mariage est bonne; mais meilleure la virginité dans la sainteté.
Donc le Christ qui pouvait dans son Humanité manifester en tant que Dieu
les deux natures, (puisqu'il était à la fois Homme et Dieu) n'aurait
jamais accordé à sa mère le bien qui fait la joie des époux, s'Il avait
dû ainsi ôter ce bien supérieur, parce que les vierges méprisent la
maternité.
C'est pourquoi notre
sainte Église vierge célèbre aujourd'hui la maternité de la Vierge. Car
c'est à elle que l'Apôtre dit : “Je vous ai liés comme une vierge chaste
à un seul homme, afin de manifester le Christ”. Que signifie cette
vierge chaste désignant tant de populations des deux sexes, non
seulement tant d'enfants et de vierges, mais aussi de pères et de mères
unis par les liens du mariage ? Que signifie, dis-je, vierge chaste,
sinon vierge dans la virginité de la foi, de l'espérance et de la
charité ? Avant d'accorder la virginité au cœur de son Église, le Christ
l'a d'abord préservée dans le corps de sa mère. Dans le mariage humain,
la femme est remise à son époux pour ne plus être vierge; l'Église ne
pourrait pas être vierge si l'Époux à qui elle a été remise, n'était pas
Fils d'une vierge.
1. Ce jour, mes frères,
nous a été rendu sacré par le Jour qui a fait tous les jours. De Lui, le
psaume dit : “Chantez au Seigneur un cantique nouveau ; chantez au
Seigneur, toute la terre. Chantez au Seigneur et bénissez son Nom ;
bénissez jour après jour son salut”. (Lecture particulière de saint
Augustin : “Bénissez le salut qui mène au Jour venu du Jour”.)
Qu'est-ce que le Jour
venu du Jour sinon le Fils venu du Père, la Lumière venue de la
Lumière ? C'est ce Jour-là qui a engendré ce Jour-ci, Jour né en ce jour
de la Vierge Marie. Ce Jour-là — entendez : Dieu le Père — n'a donc ni
lever ni coucher. Et qu'est le Jour, sinon la Lumière ? Non pas la
lumière faite pour des yeux de chair, celle dont nous bénéficions avec
les bêtes ; mais la Lumière qui brille sur les anges, la Lumière que
veulent contempler ceux qui purifient leurs cœurs. Elle passe, la nuit
dans laquelle brillent, pour nous guider, les lampes des Écritures ; Il
viendra, ce Jour que chante le psaume : “Au matin, je me tiendrai à tes
Côtés et je Te contemplerai”.
2. Donc, ce Jour, Verbe
de Dieu, Jour qui éclaire les anges, jour qui éclaire la patrie où a
commencé notre voyage, ce Jour S'est vêtu de chair et est né de la
Vierge Marie. Miraculeusement né. Quoi de plus miraculeux que la
maternité d'une vierge ? Elle a conçu, mais vierge. Elle a enfanté, mais
vierge. Il a été formé par celle qu'Il a formée. Il lui a donné la
fécondité, sans rien ôter à sa pureté. D'où vient Marie ? D'Adam. Adam ?
De la terre. Si Marie vient d'Adam, et Adam de la terre, Marie donc
aussi est la terre, reconnaissons ce que nous chantons : “La Vérité est
sortie de la terre”. Quel bienfait nous a-t-elle procuré ? “La vérité
est sortie de la terre et la Justice a regardé du haut du ciel”. Car les
Juifs, comme le dit l'Apôtre, “ignorant la Justice de Dieu, et voulant
constituer la leur propre, ne se sont pas soumis à la Justice de Dieu”.
Qu'est-ce qui peut rendre l'homme juste ? Lui-même ? Qui, étant pauvre,
peut se donner du pain ? Qui, étant nu, peut se couvrir, s'il ne reçoit
un vêtement ? D'où vient la justice ? Qu'est la justice sans foi ? Car
“le juste vit de foi”. Celui qui, sans la foi, se dit juste, ment. Parce
que ment celui en qui n'est pas la foi ; s'il veut dire la vérité, qu'il
se tourne vers la vérité. Car elle était loin de nous, avant de naître
sur la terre. Tu dormais : elle est venue à toi. Un lourd sommeil
t'accablait, elle t'a réveillé. Elle a voulu s'ouvrir un chemin vers toi
pour ne pas te perdre. Donc, “la Vérité est sortie de la terre”, parce
que le Christ est né d'une vierge. “La justice a regardé du haut du
ciel”, pour que par la justice reviennent à la sagesse ceux qui par
l'injustice l'avaient perdue.
3. Nous étions mortels,
pliant sous le poids du péché, portant notre châtiment. Tout homme qui
naît connaît d'abord un état de misère. Inutile de consulter un
prophète : observe l'enfant qui naît, vois-le en pleurs. Alors que
l'Indignation de Dieu se donnait ainsi libre cours sur la terre, quelle
est cette soudaine marque d'estime ? “La Vérité est sortie de la terre”.
Il a tout créé, Lui-même créé parmi le tout. Il a fait le jour, Il est
venu au jour. Le Seigneur Jésus Christ dans l'éternité sans commencement
auprès du Père, a aussi son Noël. Le Verbe qui était au commencement, —
et s'il n'était pas né dans le jour des hommes, nous n'aurions pas accès
à la régénération divine — est né pour que nous renaissions. Le Christ
est né et personne n'hésiterait à naître une seconde fois. Lui, a connu
la génération humaine, mais sans avoir besoin d'être régénéré. En effet,
qui en avait besoin, sinon celui, dont la génération était condamnée ?
Que naisse donc en nos cours sa Miséricorde. Sa Mère L'a porté dans son
sein : portons-Le nous aussi dans notre cœur. La Vierge est grosse de
l'Incarnation du Christ. Que nos cœurs soient gros de notre foi en Lui.
La Vierge a donné naissance à notre Sauveur. Qu'en notre âme naisse le
salut, qu'en elle naisse aussi la louange. Ne soyons pas stériles : que
nos âmes soient fécondes pour le Seigneur.
4. Le Christ est né du
Père sans mère, et d'une Mère sans père : les deux naissances sont
miraculeuses. La première éternelle ; la seconde, temporelle. L'Éternel
est né de l'Éternel. Quoi d'étonnant ? C'est Dieu. Considérons sa
Divinité : plus de raison de s'étonner. Que meure notre étonnement, mais
que monte notre louange. Que la foi nous assiste : croyons que cela
s'est réellement produit. Penses-tu que Dieu ne Se soit pas assez
humilié ? Celui qui était Dieu est entré dans la création. Une auberge
exiguë, un enfant enveloppé de langes, dans une crèche : qui ne serait
pas étonné ? Celui qui emplit le monde, n'a pas trouvé place à
l'auberge. Déposé dans une crèche, Il S'est fait notre nourriture.
Laissons s'en approcher deux animaux et deux peuples. “Le bœuf a reconnu
son Maître et l'âne la crèche de son Maître”. N'aie pas honte d'être la
bête de somme de Dieu : tu porteras le Christ, tu ne t'écarteras pas du
bon chemin, tu t'avanceras sur la route, le portant assis sur ton dos.
Que le Seigneur S'assoie sur nous et nous dirige comme où Il veut.
Soyons sa bête de somme, allons à Jérusalem. Quand nous le portons, nous
ne saurions errer; allons à Lui par Lui. Afin qu'avec l'enfant né
aujourd'hui nous nous réjouissions pour l'éternité.
1. Notre Seigneur Jésus
Christ qui, avant de naître d'une mère, était auprès du Père, a choisi
non seulement la Vierge dont Il devait naître, mais aussi le jour de sa
Naissance. En ce monde d'erreur, les hommes n'en choisissent pas moins
la plupart du temps leurs jours, pour planter, pour bâtir, pour partir
en voyage, ou parfois pour se marier. Ce faisant, ils ont l'intention de
ménager à ce qui prend en quelque sorte naissance dans leur vie, un
heureux développement. Personne toutefois ne peut choisir un jour pour
fixer sa propre naissance. C'est lui qui a rendu glorieux le jour où Il
a daigné naître. Et Il n'a pas choisi ce jour comme l'auraient fait ceux
qui ont la sottise de croire que le destin des hommes dépend de la
position des astres. Car ce n'est pas le jour de sa Naissance qui a jeté
un heureux sort sur sa Naissance. C'est Lui qui a rendu glorieux le jour
où Il a daigné naître. Car justement, le jour de sa Naissance révèle le
mystère de sa Lumière. L'Apôtre dit en effet : “c'était d'abord la nuit,
mais le Jour S'est approché : rejetons les œuvres des ténèbres et
revêtons-nous des armes de la lumière ; comme il sied en plein jour,
conduisons-nous honnêtement”. Reconnaissons ce jour et soyons des jours
de lumière. Car nous étions devenus nuit, quand nous vivions dans
l'infidélité. Et parce que cette infidélité même qui couvrait le monde
entier d'une nuit toujours renouvelée, devait diminuer avec
l'accroissement de la foi, pour cette raison, au jour de la Naissance du
Sauveur, la nuit a commencé à reculer sous l'assaut, et le jour à
croître. Considérons donc, mes frères, ce jour, comme un jour consacré :
non pas comme feraient les infidèles, en raison de la position du
soleil, mais à cause de Celui qui a fait le soleil. Car Celui qui était
le Verbe est devenu chair, afin de vivre, à cause de nous, sous le
soleil. Selon la chair, en effet, Il vivait sous le soleil, mais par sa
Majesté, Il est au-dessus de l'univers dans lequel Il a formé le soleil.
En fait, même par la chair, Il était au-dessus de ce soleil qu'adorent à
la place de Dieu ceux dont l'esprit aveuglé ne voit pas le vrai Soleil
de justice.
2. Donc, chrétiens,
célébrons ce jour, non pas comme celui de sa Naissance divine, mais
comme celui de sa Naissance humaine, je veux dire celle par laquelle Il
S'est rendu semblable à nous, afin que, l'Invisible S'étant rendu
visible, nous puissions passer du monde visible au monde invisible. Car
la foi chrétienne doit retenir l'existence des deux Nativités du
Seigneur : l'une divine, l'autre humaine ; la première hors du temps,
l'autre dans le temps. Les deux sont miraculeuses : la première sans
mère, la seconde sans père. Si nous avons du mal à parler de la seconde,
à quand le récit de la première ? Car qui pourrait comprendre que cette
révolution des révolutions dans l'ordre des choses, sans précédent, cas
unique au monde, incroyable, a été rendu croyable, et que, contre toute
vraisemblance, le monde entier croit qu'une vierge a conçu, qu'une
vierge a enfanté et qu'ayant enfanté, elle est restée vierge ? Mais ce à
quoi la raison humaine n'a pu atteindre, la foi le comprend : et là où
la raison humaine défaille, la foi prend le relais. Car qui pourrait
soutenir que le Verbe de Dieu, par qui tout a été fait, n'aurait pas pu
Se faire un corps sans mère, comme Il a fait le premier homme sans père
et sans mère ? Mais parce que c'est bien Lui qui a fait l'un et l'autre
sexe, l'homme et la femme, Il a voulu, en naissant, honorer l'un et
l'autre sexe qu'Il était venu libérer. Certes, vous connaissez la faute
du premier homme, lorsque le serpent n'a pas osé parler à l'homme, mais
pour le faire tomber, a osé ses servir de la femme. Par le plus faible,
il est venu à bout du plus fort. Et en s'introduisant dans l'un des
deux, il a triomphé des deux. Aussi, pour nous empêcher de haïr en la
femme la cause de notre mort par notre idée de suivre le mouvement d'un
juste ressentiment et de la croire condamnée sans retour, le Seigneur,
venant chercher ce qui était perdu, a voulu honorer chaque sexe pour lui
donner son prix, parce que tous deux avaient été réduits à la mort. nous
en devons donc faire injure au Créateur dans aucun des deux sexes : La
Naissance du Seigneur les a honorés tous deux pour que nous ayons
l'espoir d'obtenir le salut. La Chair du Christ honore le sexe masculin,
sa Mère le féminin. La Grâce de Jésus Christ a vaincu la ruse du
serpent.
3. Donc que les deux
sexes renaissent en Celui qui est né aujourd'hui et qu'ils célèbrent le
jour d'aujourd'hui. En ce jour, le Christ, notre Seigneur, n'a pas
commencé à être, mais Celui qui était de toujours auprès du Père, a fait
paraître à la lumière la chair qu'Il a reçue de sa Mère; donnant à sa
Mère la fécondité, sans lui enlever sa pureté. Il est conçu, naît, est
Enfant. Qu'est-ce à dire enfant ? L'enfant est celui qui ne peut pas
s'exprimer, parler. Il est donc à la fois Enfant et Verbe. Par la chair,
Il se tait, par les anges, Il enseigne. Le Prince et Berger des bergers
est annoncé aux bergers : et Il est couché dans la crèche comme
nourriture des bêtes fidèles. Car Il avait été annoncé par les
prophètes : “Le bœuf a reconnu son Maître et l'âne la crèche de son
Seigneur”. C'est pourquoi Il est monté sur un âne lorsqu'il est entrée à
Jérusalem, précédé et suivi de la foule qui chantait ses louanges. Nous
aussi, reconnaissons-Le, approchons-nous de la crèche, mangeons la
nourriture, portons notre Maître et notre guide, pour accéder sous sa
conduite à la Jérusalem céleste. Lorsque le Christ naît d'une mère,
c'est la naissance d'un être diminué. Lorsqu'il naît du Père, c'est
celle d'un incomparable Souverain. Dans les jours qui passent, Il a son
jour qui passe. Mais Il est, Lui, le Jour éternel, venu du Jour éternel.
4. C'est à bon droit
que, comme la voix d'une trompette céleste, ce psaume enflamme nos
cœurs : “Chantez au Seigneur un cantique nouveau. Chantez au Seigneur,
toute la terre. Chantez au Seigneur et bénissez son Nom”.
Reconnaissons-Le donc et proclamons le Jour qui vient du Jour, Celui qui
est né en la chair en ce jour. Jour le Fils, né du Jour le Père, Dieu né
de Dieu, Lumière de la Lumière. Car c'est le salut que nous apporte
Celui dont il est dit ailleurs : “Que Dieu ait pitié de nous et nous
bénisse ; qu'Il fasse luire sa Face sur nous, pour que nous
reconnaissions tes chemins sur la terre, et ton Salut dans toutes les
nations”. À “sur la terre” fait écho “dans toutes les nations”. Et à
“chemins” “ton Salut”. Rappelons-nous que c'est le Seigneur Lui-même qui
a dit : “Je suis le Chemin”. Et lorsque tout à l'heure on lisait
l'évangile, nous avons vu le bienheureux vieillard Siméon recevoir la
Réponse divine à la promesse qu'il n'atteindrait pas la mort avant
d'avoir vu l'Oint du Seigneur. Ayant pris dans ses mains le
Christ-Enfant et ayant reconnu la Grandeur de ce petit Être, il dit :
“Rappelle maintenant, Seigneur, ton serviteur, comme Tu l'as promis, en
paix, parce que mes yeux ont vu ton Salut”. Proclamons “sa Gloire parmi
les nations, ses Miracles dans tous les peuples”. Il est couché dans une
crèche, mais Il contient le monde : Il est à la mamelle, mais est la
nourriture des anges : dans les langes, Il nous revêt d'immortalité ; on
Le nourrit de lait, mais on L'adore : Il n'a pas trouvé place à
l'auberge, mais Il S'est fait un temple du cœur des croyants. Car pour
que sa Faiblesse devienne force, sa Force s'est faite faiblesse. Que sa
Naissance charnelle donc aussi nous plonge dans l'admiration et non dans
le mépris ; et reconnaissons comme s'y est humilié pour nous une telle
grandeur. Puis enflammons notre charité, pour parvenir à son Éternité.
1. Le Verbe du Père, par
qui ont été formés les temps, a placé pour nous, quand Il est devenu
chair, le jour de sa Naissance dans le temps ; et pour naître homme, Il
a voulu naître en un jour donné, Lui sans assentiment divin de qui aucun
jour ne peut réaliser sa course. Par Lui-même, étant auprès du Père, Il
précède tout l'espace des siècles ; de Lui-même, en naissant d'une mère,
Il S'est introduit en ce jour dans le décours des ans. Il est devenu
Homme, Lui qui a fait l'homme ; pour être à la mamelle, Lui qui règle le
cours des astres; pour avoir faim, Lui le Pain ; soif, Lui la Source ;
pour dormir, Lui la Clarté du jour; pour éprouver la fatigue de la
route, Lui la Voie ; pour être accusé par de faux témoignages, Lui la
Vérité ; pour être jugé par un juge mortel, Lui le Juge des vivants et
des morts ; pour être injustement condamné, Lui la Justice ; pour être
flagellé, Lui le Maître de la science ; pour être couronné d'épines, Lui
la Grappe de raisins; pour être suspendu à la croix, Lui le Fondement du
monde ; pour être rendu faible, Lui le Courage; pour être blessé, Lui le
Salut; pour être tué, Lui la Vie. Pour supporter à notre place toutes
ces indignités et d'autres semblables, pour libérer ceux qui en étaient
indignes, puisqu'il n'a mérité aucun mal, Lui qui a porté tous nos maux
à cause de nous, alors que nous ne méritions aucun bienfait, nous qui
avons reçu de Lui de si grands biens. Pour toutes ces raisons donc,
Celui qui était avant tous les siècles, lors du commencement des jours ;
le Fils de Dieu, a daigné être Fils de l'homme en des temps récents ;
et, né du Père et non pas créé par Lui, Il a été créé Homme dans le sein
d'une mère qu'Il avait créée ; afin de naître en ce monde en un jour
donné, de celle qui jamais et nulle part n'aurait pu être sinon par Lui.
2. Ainsi fut accompli ce
qu'avait prédit le psaume : “La Vérité est née de la terre”. Marie,
vierge avant la conception, vierge après avoir été mère. Car loin de
nous l'idée que sur cette terre, c'est-à-dire en cette chair d'où est
sortie la Vérité, sa pureté ait pu disparaître. C'est un fait certain,
n'est-ce pas, qu'après sa Résurrection, comme on Le prenait pour un
esprit sans corps, Il dit : “Touchez et voyez, car un esprit n'a ni
chair ni os, comme vous voyez que j'en ai”. Et toutefois c'est bien son
Corps charnel d'homme dans la fleur de l'âge qui s'est introduit auprès
des disciples, toutes portes fermées. Pourquoi donc, Celui qui dans
toute sa taille a pu entrer par une porte close, n'aurait pas pu aussi
sortir à la vie petit enfant, d'un corps pur ? Mais les incrédules
n'acceptent ni l'un ni l'autre Vérité. Et il faudrait presque dire que
la foi les accepte précisément parce que les infidèles les refusent ;
les infidèles étant ceux qui ne croient pas en la Divinité de Jésus
Christ. Mais si la foi croit que Dieu est né dans la chair, elle ne
doute pas que les deux choses soient possibles à Dieu : que le Corps de
l'Adulte se soit montré à des hommes à l'intérieur d'une maison dont les
portes n'étaient pas ouvertes et que l'Époux-Enfant soit sorti de sa
chambre, c'est-à-dire du sein virginal, sans détruire la virginité de sa
Mère.
3. Car le Fils unique de
Dieu a daigné S'adjoindre la nature humaine, pour associer à sa Tête
sans tache le corps d'une Église sans tache : c'est elle que l'Apôtre
appelle vierge, considérant non pas seulement celles qui sont vierges
par le corps, mais aussi les esprits sans tache de toutes conditions
humaines. “Car je vous ai fiancés à un seul Homme, comme une vierge
chaste, pour manifester le Christ”. Donc l'Église, imitant la Mère de
son Seigneur, n'ayant pu être vierge et mère par le corps, l'est
pourtant par son esprit. C'est pourquoi le Christ, en naissant, n'a pas
du tout détruit la virginité de sa Mère, Lui qui a rendu son Église
vierge en la rachetant de la fornication de démons. Vierges saintes,
enfantées de sa virginité sans tache, qui avez choisi de mépriser les
noces de la terre, pour être aussi vierges selon la chair, célébrez dans
la joie en ce jour la fête de la maternité de la Vierge. Car Il est né
d'une femme, Celui qui n'a pas été engendré par un homme dans le sein
d'une femme. Lui qui vous a inspiré l'amour de cet état, n'a pas enlevé
à sa Mère l'état que vous aimez. Lui qui guérit en vous ce que vous avez
hérité d'Ève, loin de nous l'idée qu'Il ait corrompu ce que vous avez
aimé en Marie.
4. Donc celle dont vous
suivez les pas, n'a pas vécu avec un homme pour concevoir ; et
enfantant, elle est restée vierge. Imitez-la de toutes vos forces ; non
pas dans la fécondité, car vous ne le pouvez pas si vous gardez votre
virginité. Elle est seule à avoir pu connaître les deux états, dont un
seul, selon votre désir, est le vôtre ; c'est Lui que vous perdriez, si
vous vouliez connaître les deux. Elle est seule à avoir pu les
connaître, en engendrant le Tout-Puissant, qui lui a accordé ce
privilège. Car seul le Fils unique de Dieu devait devenir, par cette
voie unique, Fils de l'homme. Et pourtant, ce que le Christ est pour
vous, ce n'est pas le fils d'une vierge unique. Car le Fils que vous
n'avez pas pu mettre au monde selon la chair, S'est révélé à vous comme
l'Époux de votre cœur; et un Époux tel que votre bonheur possède le
Rédempteur qui dissipe la crainte du séducteur. En effet, Celui qui,
même en naissant dans un corps, n'a pas détruit la virginité de sa Mère,
la conserve bien plus encore en vous dans ses embrassements spirituels.
Et ne vous croyez pas stériles parce que vous restez vierges. Car c'est
précisément cette pieuse virginité de la chair qui conduit à la
fécondité de l'esprit. Faites ce que dit l'Apôtre : puisque vous ne
songez pas à ce qui est du monde, ni à plaire à un mari, songez aux
choses de Dieu, cherchez à Lui plaire en toutes choses; afin que vous
puissiez avoir la fécondité non pas des entrailles mais des vertus de
l'esprit.
Enfin, je m'adresse à
tous, à tous vont mes paroles ; c'est vers la chaste Vierge universelle,
Celle que l'Apôtre a fiancée au Christ, que se tourne ma voix. Ce que
vous admirez dans la chair de Marie, faites-le dans le tréfonds de votre
âme. Celui qui croit en son cœur à la justice, conçoit le Christ. Ainsi,
que dans votre corps votre fécondité prospère et que demeure votre
virginité.
1. Aujourd'hui “la
Vérité est sortie de la terre”. Le Christ est né de la chair. fêtez ce
jour dans la joie, et, averti aussi par ce jour, songez au jour qui n'a
pas de fin, désirez d'un ferme espoir les présents de l'éternité ;
d'avance représentez-vous que la Puissance du File de Dieu vous en a
fait le don. C'est à cause de vous que le Créateur est entré dans la
création. Pourquoi faites-vous vos délices, encore, mortels, de choses
mortelles, et pourquoi vous efforcez-vous de retenir — s'il était
possible — une vie fugitive ? Un espoir bien plus lumineux a resplendi
sur la terre : la vie de la terre a sa promesse dans les cieux. Pour que
nous y croyions, cette chose incroyable a été payée d'avance. Pour
donner Dieu aux hommes, Celui qui était Dieu S'est fait homme : sans
rien perdre de sa Nature, Il a voulu devenir Lui-même ce qu'il avait
créé. C'est Lui-même qui S'est créé, car Il a ajouté la nature humaine à
sa Divinité, sans que sa Divinité disparaisse dans l'homme. Nous nous
étonnons qu'une vierge ait enfanté et nous nous efforçons de persuader
les incrédules de cette forme de naissance sans exemple, car dans un
sein non ensemencé a cru le germe de la génération, et les entrailles
qui n'ont pas connu l'embrassement de la chair ont donné vie au Fils de
l'homme, sans s'être offertes à un homme qui en fût le père : car elle
est restée parfaitement vierge à la conception comme à la naissance.
Étonnant est ce pouvoir, mais plus étonnante cette Miséricorde, car
Celui qui a pu naître ainsi, est né de son propre vouloir. Car Il était
déjà Fils unique du Père, Celui qui est né Fils unique d'une mère : et
Il S'est formé dans sa Mère ; Lui qui avait formé pour Lui cette mère;
formé après sa Mère, de sa Mère, né du Père avant toutes choses, sans
avoir été formé. Le Père n'a jamais existé sans Lui, sans Lui sa Mère
n'aurait jamais été.
2. Soyez dans la joie,
veuves du Christ : à Celui qui a rendu féconde la virginité, vouez la
sainteté de votre continence. Exulte, toi aussi, chasteté dans le
mariage de vous tous qui vivez fidèlement avec vos épouses : ce que vous
avez perdu dans le corps gardez-le aussi dans votre cœur. Lorsque la
chair ne peut plus se tenir éloignée de l'union charnelle, que reste
vierge dans la foi votre conscience, celle selon laquelle toute l'Église
est vierge. En Marie, la virginité pieuse a enfanté le Christ ; chez
Anna, le veuvage a connu dans un âge avancé les premiers ans du Christ.
Chez Élisabeth, la chasteté conjugale et la fécondité de la vieillesse
ont combattu pour le Christ. À tous les degrés, les membres fidèles ont
rapporté à la Tête ce que sa Grâce a permis qu'ils Lui rapportent.
Ainsi, puisque le
Christ est Vérité, Paix et Justice, concevez-Le dans la foi, donnez-Lui
naissance par vos œuvres ; afin que ce qu'ont fait les entrailles de
Marie dans la Chair du Christ, votre cœur le fasse dans la Loi du
Christ. Et comment ne participez-vous pas à la Maternité de la Vierge,
puisque vous êtes les membres du Christ ? Marie a enfanté votre Tête,
l'Église vous a enfantées. Car elle est à la fois mère et vierge. Mère
par ses entrailles de charité, vierge par la pureté de sa foi et de sa
piété. Elle enfante les peuples, qui sont membres d'un seul corps et
dont elle est le corps et l'épouse. En cela aussi elle représente
l'image de sa virginité, parce qu'elle est aussi, dans la multitude de
ses enfants, mère d'unité.
3. C'est pourquoi, d'un
seul élan, d'un esprit chaste et d'un cœur saint, célébrons le jour de
la Naissance du Seigneur : en ce jour, comme je l'ai dit en commençant
ce sermon : “la Vérité est sortie de la terre”. Désormais est accompli
ce que dit enduite ce même psaume. Car Celui qui est né de la terre,
c'est-à-dire de la chair, parce qu'Il vient du ciel est précisément
au-dessus de tous. Sans aucun doute, quand Il est monté auprès du Père,
alors aussi “la Justice a regardé du haut du ciel”. C'est cette Justice
qu'Il nous recommande par ses Paroles, en nous promettant l'Esprit
saint : “Lui-même confondra le monde en matière de péché, de justice et
de jugement ; de péché parce qu'ils ne croient pas en Moi ; de justice
parce que je vais au Père, et vous ne Me verrez plus”.
Telle est la Justice
qui a regardé du ciel. Car : “Il est venu du plus haut du ciel et sa
rencontre nous mène au plus haut du ciel”. Mais afin que personne ne
méprise la Vérité parce qu'elle est sortie de la terre, lorsque, comme
un Époux sorti de sa chambre, c'est-à-dire du sein virginal, où le Verbe
de Dieu S'est uni à la créature humaine, dans une sorte d'union
conjugale indicible ; afin donc que personne ne méprise cette Vérité et
que personne ne croie que, malgré le miracle de sa Naissance, de ses
Actions et de ses Paroles, puisqu'il S'est fait semblable au péché de la
chair, le Christ n'est rien d'autre qu'un homme, après : “Comme un époux
sortant de sa chambre, Il a bondi de joie comme un héros entamant sa
carrière”, on lit à la suite : “Il est venu du plus haut des cieux”.
Quand nous entendons : “La Vérité est née de la terre”, il s'agit de
nous montrer son estime, non pas d'indiquer sa première Naissance. C'est
une volonté de miséricorde, non un état de misère. Pour que la Vérité
naquît de la terre, Il est descendu du ciel. Pour sortir de sa chambre,
l'Époux est venu du haut du ciel. C'est ainsi qu'il faut comprendre
qu'aujourd'hui est le jour de sa Naissance, jour sur la terre le plus
court de l'année, mais après lequel les jours croissent. Donc Celui qui
S'est abaissé et nous a élevé, a choisi le jour le plus court, mais à
partir duquel la lumière croît. En ce jour même de sa Venue, où, sans
parler, Il nous exhorte comme dans une grande clameur, Lui qui pour nous
S'est fait pauvre, apprenons à être riches en Lui. En Lui qui a pris
pour nous la forme d'un serviteur, recevons notre liberté. En Lui qui
est né de la terre, possédons le ciel.
1. La lecture de
l'Évangile nous a fait entendre la voix des anges qui annoncèrent aux
pasteurs Jésus Christ, quand Il naquit de la Vierge : “Gloire à Dieu au
plus haut des cieux, et paix sur la terre, bienveillance parmi les
hommes”. Chant de fête et de joie, adressé non pas seulement à la Femme
dont les entrailles avaient donné naissance à un fils ; mais au genre
humain pour qui la Vierge avait enfanté le Sauveur. Car l'événement
méritait bien, — et il convenait de la faire — que des anges, chantant
de divines louanges, — et non pas de ces amuseuses publiques qui
président aux fêtes humaines — célèbrent les fêtes de l'accouchement de
celle qui a donné naissance au Maître de la terre et des cieux, et qui,
après l'accouchement est restée vierge. Disons donc nous aussi, et
disons-le avec tout l'élan de joie dont nous sommes capables, nous qui
n'annonçons pas la naissance aux pasteurs des troupeaux, mais qui
célébrons son anniversaire avec les brebis, disons, dis-je, dans la
fidélité du cœur et la dévotion de la voix : “Gloire à Dieu au plus haut
des cieux, et paix sur la terre, bienveillance parmi les hommes”.
Méditons en nos esprit, avec la foi, l'espérance et la charité, ces
paroles divines, ces louanges à Dieu, et cette joie des anges à laquelle
il faut attacher toute la considération possible. Car comme nous le
croyons, espérons et désirons, nous serons, nous aussi la “Gloire de
Dieu au plus haut des cieux” lorsque, ressuscitant dans un corps
spirituel, nous aurons été enlevés dans les nuages pour aller au-devant
du Christ, pourvu que tant que nous sommes sur la terre, nous
recherchions la paix dans la bonne volonté. Car c'est au plus haut des
cieux qu'est la vie, là en effet est le pays des vivants; les jours de
bonheur sont là où est le Seigneur Lui-même, dont les années ne
décroissent pas. Quiconque donc veut connaître la vie et choisit de
“voir des jours de bonheur, qu'il garde sa langue du mal, et que ses
lèvres ne profèrent pas la ruse” ; “qu'il s'éloigne du mal et fasse le
bien” et qu'ainsi il soit un homme de bonne volonté. Et qu'il “cherche
la paix et la poursuive”. Car “paix sur la terre, bienveillance parmi
les hommes”.
2. Et si tu dis, homme :
Voici que “vouloir est à portée de ma main, mais que je n'arrive pas à
faire le bien” et si te délectant “en la Loi de Dieu selon l'homme
intérieur”, tu vois “pourtant une autre loi commander ton corps qui
combat la loi de ton esprit, et qui te conduit prisonnier dans la loi du
péché qui est dans ton corps”, persiste dans ta bonne volonté et crie
les mots qui suivent : “Misérable que je suis, qui me délivrera de ce
corps de mort ? La Grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur”. Car
c'est Lui qui est la paix sur la terre pour les hommes de bonne volonté
quand prend fin cette guerre dans laquelle “la chair désire contre
l'esprit et l'esprit contre la chair; en sorte que vous ne faites pas ce
que vous voulez, parce que c'est Lui qui est notre paix, Lui qui des
deux peuples n'en a fait qu'un”. Que donc la bonne volonté persiste
contre la mauvaise concupiscence, et qu'en persistant elle implore le
secours de la Grâce de Dieu, par l'intermédiaire de Jésus Christ notre
Seigneur. La loi du corps charnel lui répugne, et voici que désormais
elle en est prisonnière : qu'elle demande du secours, sans se fier à ses
propres forces ; et au moins, quand elle connaît la fatigue, qu'elle ne
dédaigne pas de l'avouer. Car le secours lui viendra de Celui qui dit à
ceux qu'Il voyait déjà croyant en Lui : “Si vous demeurez dans ma
parole, vous serez vraiment mes disciples ; et vous connaîtrez la Vérité
et la Vérité vous affranchira”. La Vérité vous secourra et vous libérera
de ce corps de mort. C'est pourquoi en effet la Vérité dont nous
célébrons l'anniversaire “est né de la terre”, afin que la paix soit
donnée sur terre aux hommes de bonne volonté. Car qui est capable de
vouloir et de pouvoir, si, en nous donnant son esprit, ne vient à notre
aide pour nous donner de pouvoir, Celui qui, en nous appelant à Lui,
nous a commandé de vouloir ? Car assurément sa Miséricorde nous a
prévenus, pour que nous soyons appelés, nous qui ne le voulions pas, et
que nous obtenions de pouvoir ce que nous voulons. Disons-Lui donc :
“J'ai juré et décidé de garder les jugements de ta Justice”. J'ai
décidé, et parce que Tu l'as commandé, j'ai promis obéissance : mais
parce que “je vois une autre loi dans mon corps qui combat la loi de mon
esprit et qui me tient captif dans la loi du péché qui est dans mes
membres, je me suis humilié en toute occasion, Seigneur ; apporte-moi la
vie selon ta parole”. Et voici que “vouloir est à portée de ma main” ;
donc “approuve, Seigneur, les volontés de ma bouche, afin que sur la
terre les hommes de bonne volonté connaissent la paix”. Prononçons ces
paroles et toutes celles que la piété, instruites par les saintes
lectures, peut nous suggérer; afin que nous ne célébrions pas en vain la
fête du Seigneur, né de la Vierge, en nous aidant d'abord de notre bonne
volonté, et en cherchant ensuite le perfectionnement d'une charité très
ardente qui se répand en nos cœurs, non pas par nous-mêmes, mais par
l'Esprit saint qui nous a été donné.
1. Écoutez, fils de la
Lumière, adoptés en vue du royaume de Dieu ; frères très chers,
écoutez ; écoutez et bondissez de joie, justes dans le Seigneur, afin
que votre louange puisse faire écho à la droiture de vos cœurs. Écoutez
ce que vous savez, méditez à nouveau ce que vous avez entendu, aimez ce
en quoi vous croyez, annoncez ce que vous aimez. En ce jour où nous
célébrons un anniversaire, attendez-vous à entendre le genre de sermon
que réclame la circonstance.
C'est la Naissance du
Christ, Dieu né du Père, Homme né d'une mère. De l'immortalité du Père,
de la virginité de sa Mère. Né du Père sans mère, né d'une mère sans
père. Du Père hors du temps, d'une mère hors d'une union charnelle. Du
Père principe de vie ; d'une mère, destruction de la mort. Du Père,
ordinateur des jours; d'une mère, rendant ce jour-ci sacré. En effet, Il
a envoyé au-devant de Lui un homme, Jean, né lorsque les jours
commençaient à baisser ; né Lui-même lorsque les jours commençaient à
croître. Pour que soit préfiguré ce que dit le même Jean : “Il faut
qu'Il croisse et que moi, je diminue”. La vie humaine en effet doit
décroître en ce qui la concerne, mais croître dans le Christ “afin que
ceux qui vivent ne vivent plus désormais pour eux-mêmes, mais pour Celui
qui est mort pour tous et ressuscité” ; et que chacun d'entre nous
disent ce que dit l'Apôtre : “Désormais ce n'est plus moi qui vis, c'est
le Christ qui vit en moi”. “Car il faut qu'Il croisse et que je
diminue”.
2. Tous ses anges Lui
adressent de justes louanges, eux dont Il est l'Aliment éternel, qui les
vivifie d'une nourriture incorruptible ; parce qu'Il est le Verbe de
Dieu, de la vie de qui ils vivent dans le bonheur sans fin. Eux Le
louent comme il convient, Dieu auprès de Dieu, et chantant la Gloire de
Dieu au plus haut des cieux. “Mais nous, son peuple et le troupeau de sa
Main”, à la mesure de notre infirmité, méritons la paix, réconciliés
avec Lui par notre bonne volonté. En effet, aujourd'hui nous entendons
vraiment la voix des anges, proclamer dans l'allégresse, au moment de la
Naissance du Sauveur : “Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur
la terre aux hommes de bonne volonté”. Si eux donc Le louent comme il
convient, louons-Le, nous aussi, en obéissant à leur voix. Ils sont ses
messagers, nous sommes aussi de son troupeau. Il a couvert d'abondance
leur table au ciel, Il a empli sur la terre notre crèche. Car
l'abondance de leur table, c'est que “au commencement était le Verbe, et
le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu”. Notre crèche
remplie, c'est que “le Verbe S'est fait Chair et Il a habité parmi
nous”. En effet, pour que l'homme mange le Pain des anges, le Créateur
des anges s'est fait Homme. Eux Le louent en vivant, nous, en croyant ;
eux, en jouissant de sa Présence, nous, en y aspirant; eux, en Le
recevant, nous, en Le cherchant ; eux, en entrant dans sa demeure, nous,
en frappant à sa porte.
3. Car quel homme
pourrait connaître tous les trésors de sagesse et de science cachés dans
le Christ, et caché dans la pauvreté de sa Chair ? Car “à cause de nous,
Il s'est fait pauvre, alors qu'Il était riche, afin que nous soyons
riches de sa pauvreté”. En effet, lorsqu'il assumait la condition
mortelle et qu'Il détruisait la mort, Il S'est montré dans sa pauvreté.
Mais Il a promis des richesses pour plus tard, sans perdre celles dont
Il s'était dépouillé. Immense est l'immensité de sa Douceur, qu'Il a
cachée à ceux qui Le craignent pour l'accomplir chez ceux qui espèrent
en Lui. Car nous la connaissons en partie, en attendant qu'elle vienne
dans sa perfection. Pour que nous soyons certains d'être capables de la
recevoir, Lui qui est égal au Père dans la forme de Dieu, en se faisant
semblable à nous dans la forme de serviteur, Il reforme notre nature à
la Ressemblance de Dieu : et le Fils unique de Dieu, devenu Fils de
l'homme, de nombreux fils des hommes fait des fils de Dieu; et des
esclaves qu'Il a nourris en prenant la forme visible de l'esclave, Il en
fait des hommes libres pour contempler la Forme de Dieu. En effet, “nous
sommes fils de Dieu et nous ne voyons pas encore ce que nous serons. Et
nous savons que lorsque nous Le verrons, nous serons semblables à Lui,
parce que nous Le verrons comme Il est”. En effet, que dirons-nous des
trésors de sa Sagesse, de ses divines Richesses, sinon qu'ils sont ce
qui nous suffit ? Et de l'immensité de sa Douceur, sinon qu'elle est ce
qui nous comble ? En effet, “montre-nous le Père et cela nous suffit”.
Et dans un psaume, une voix d'entre les hommes Lui dit pour nous, comme
du fond de nos cœurs : “Je serai satisfait, pourvu que ta Gloire me soit
manifestée”. Or Lui et le Père sont un ; et qui Le voit, voit aussi le
Père. Donc “Seigneur des vertus, Il est Lui-même Roi de gloire”. En se
tournant vers nous, Il nous montrera sa Face ; et nous serons sauvés, et
nous serons rassasiés et cela nous suffira.
4. Que notre cœur Lui
dise : “J'ai cherché ton Visage; ton Visage, Seigneur, je chercherai à
nouveau; pour que tu ne détournes pas de moi ta Face”. Et que Lui-même
réponde à notre cour : “Celui qui M'aime, garde mes commandements ; et
celui qui M'aime est aimé par mon Père ; et Je l'aimerai et Me montrerai
à lui”. Évidemment, ceux à qui Il adressait ses Paroles, Le voyaient de
leurs yeux, et entendaient de leurs oreilles le son de sa Voix, et leur
cœur humain se Le représentait comme un homme. Mais ce que l'œil n'a pas
vu, que les oreilles n'ont pas entendu, et qui n'a pas inspiré un cour
d'homme, Il promettait de le montrer Lui-même à ceux qui L'aimaient. En
attendant que cela soit, et que se montre à nous ce qui peut nous
suffire, en attendant que nous buvions à la source de la vie et que nous
soyons rassasiés, tandis que durant cette attente, nous avançons dans la
foi, cheminant loin de Lui, tandis que nous avons faim et soif de la
Justice, et que nous aspirons d'une ineffable ardeur à la beauté de la
Forme de Dieu, célébrons avec dévotion et déférence l'anniversaire du
jour où Il a pris la forme du serviteur. Ne pouvant encore contempler ce
qu'a engendré le Père avant l'Étoile du Matin, célébrons en foule ce qui
pendant la nuit est né de la Vierge. Nous ne Le comprenons pas encore,
parce que son Nom a toujours sa résidence au-delà du soleil, mais sous
le soleil est planté sa tente : sachons la reconnaître. Nous ne
percevons pas encore le Fils unique demeurant à jamais en son Père,
rappelons-nous l'Époux sortant de sa chambre. Nous ne sommes pas encore
capables d'être reçus au festin de notre Père, reconnaissons la crèche
de notre Seigneur Jésus Christ.
1. Notre Seigneur Jésus
Christ, Fils de Dieu et Fils de l'homme, né du Père sans mère, a créé la
totalité des jours; né sans père d'une mère, Il a rendue sacrée cette
journée ; invisible à sa Naissance divine, visible en sa Naissance
humaine, étonnant dans l'une et l'autre Naissance. Ainsi dans ce qu'a
prédit de Lui le prophète : “Qui pourra raconter sa Naissance ?”, il est
difficile de savoir de laquelle des deux il s'agit. S'agit-il de celle
où, né depuis toujours, Il partage l'éternité avec son Père, ou de celle
où, en un jour donné Il est né, ayant déjà formé la mère qui Lui donnait
naissance ? Car qui racontera comment est née la Lumière de la Lumière,
et comment les deux Lumières n'en font qu'une ? Comment Dieu est né de
Dieu, sans qu'augmente le nombre de la Divinité ? Comment on parle de sa
Naissance comme d'une chose transitoire, alors que dans la première
Naissance, le temps ne s'est ni enfui dans le passé, ni avancé dans le
futur, pas plus qu'il n'y a eu de présent, comme si sa Naissance
s'accomplissait encore sans être parvenue à son achèvement. Cette
Naissance donc, qui en fera le récit ? Puisque l'objet du récit demeure
au-delà du temps, alors que la parole du narrateur s'écoule dans le
temps ? La second Naissance aussi, où Il naît d'une vierge, qui en fera
le récit ? Conçu dans la chair, sans oeuvre de chair, né de la chair en
ayant donné la fécondité à celle qui L'a nourri, Il n'a pas détruit la
virginité de celle qui L'a mis au monde. C'est pourquoi qui pourra
raconter l'une et l'autre ou l'un et l'autre de ses générations ?
2. Tel est notre
Seigneur, tel le Médiateur entre Dieu et les hommes, notre Sauveur fait
Homme, qui, né du Père a aussi créé sa Mère; créature née d'une mère, Il
a aussi glorifié son Père. Fils unique du Père sans être né d'une mère,
Fils unique d'une mère qui n'a pas connu les embrassement d'un homme.
Telle est sa Beauté qui surpasse celle des fils des hommes, Fils de
sainte Marie, Époux de la sainte Église, qu'Il a rendue semblable à sa
Mère. Car Il l'a faite notre mère, sans lui enlever sa virginité. C'est
à elle que l'Apôtre dit : “Je vous ai fiancée à un seul Homme, vierge
chaste, pour manifester le Christ”. C'est d'elle encore qu'Il dit
qu'elle est notre mère, non pas femme servile, mais femme libre, qui,
dans son délaissement, a plus de fils que celle qui est en puissance
d'homme. L'Église donc, comme Marie, est vierge à jamais, et sa
fécondité est sans tache. Car la grâce que Marie a eue dans sa chair,
l'Église a su la conserver dans son esprit, sauf que l'une n'a engendré
qu'un Fils, tandis que l'autre beaucoup, pour les rassembler en un seul,
par un seul.
3. Voici donc le jour où
est venu au monde Celui par qui le monde a été fait. Par cette chair Il
S'est fait proche de nous, par sa Force Il n'en a jamais été éloigné ;
parce qu'il était dans notre monde tout en étant chez Lui. Il était dans
le monde, mais caché du monde; parce que la Lumière brillait dans les
ténèbres et les ténèbres ne la comprenaient pas. Il est donc venu dans
la chair, pour guérir les vices de la chair. Il est venu sur cette terre
qui est notre médecine, pour guérir notre regard intérieur rendu aveugle
par la matière extérieur de la terre. Afin qu'une fois guéris, nous qui
fûmes d'abord ténèbres, nous devenions lumière dans le Seigneur, et que
désormais la Lumière présente dans les ténèbres ne brille pas pour des
absents, mais qu'elle apparaisse avec clarté à ceux qui voient clair.
C'est dans ce but que l'Époux est sorti de sa chambre et qu'Il a bondi
de joie comme un héros en entrant dans la carrière. Beau comme un époux,
courageux comme un héros, aimable et terrible, sévère et serein, beau
pour les bons, terrible aux méchants. Demeurant dans le Sein du Père, Il
a empli le sein de sa Mère. Dans cette chambre, c'est-à-dire dans le
sein de la Vierge, la Nature divine s'est unie à la nature humaine :
lorsque le Verbe S'est fait chair, afin qu'une fois sorti du sein
maternel, Il habite parmi nous ; afin que, nous précédant vers le Père,
Il nous prépare le lieu où nous habiterons.
Célébrons donc dans
la joie ce jour de fête ; et, dans la fermeté de la foi, désirons la
Lumière éternelle, par Celui qui, éternel, est né pour nous dans le
temps. re de la Lumière, et comment les deux Lumières n'en font qu'une ?
Comment Dieu est né de Dieu, sans qu'augmente le nombre de la Divinité ?
Comment on parle de sa Naissance comme d'une chose transitoire, alors
que dans la première Naissance, le temps ne s'est ni enfui dans le
passé, ni avancé dans le futur, pas plus qu'il n'y a eu de présent,
comme si sa Naissance s'accomplissait encore sans être parvenue à son
achèvement. Cette Naissance donc, qui en fera le récit ? Puisque l'objet
du récit demeure au-delà du temps, alors que la parole du narrateur
s'écoule dans le temps ? La second Naissance aussi, où Il naît d'une
vierge, qui en fera le récit ? Conçu dans la chair, sans œuvre de chair,
né de la chair en ayant donné la fécondité à celle qui L'a nourri, Il
n'a pas détruit la virginité de celle qui L'a mis au monde. C'est
pourquoi qui pourra raconter l'une et l'autre ou l'un et l'autre de ses
générations ?
SERMON 196
1. Le jour présent, où
nous fêtons la Naissance de notre Seigneur Jésus Christ, a fait briller
sur nous sa lumière. C'est Noël, jour de la Naissance du Christ. C'est
aujourd'hui Noël car depuis hier les jours croissent.
Il y a deux
Naissances de notre Seigneur Jésus Christ : l'une divine, l'autre
humaine ; les deux sont étonnantes; la première sans femme pour mère ;
la seconde sans homme pour être père. Ce que dit le saint prophète
Isaïe : “Qui racontera sa Naissance ?” peut être rapporté aux deux
Naissances. Qui pourrait rapporter dignement comment Dieu a engendré ?
Comment une vierge a accouché ? La première s'est produite hors du
temps. La seconde un jour donné. L'une et l'autre dépassent
l'entendement humain et provoquent un grand étonnement.
Écoutez ce qui est
dit de la première Naissance : “Au commencement était le Verbe, et le
Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu”. Le Verbe de qui ?
De Dieu Lui-même. Quel Verbe ? Le Fils Lui-même. Jamais le Père n'a été
séparé du Fils. Et toutefois, Celui qui n'a jamais été séparé du Fils a
engendré le Fils. Il l'a engendré sans qu'il y ait eu commencement. Sans
un commencement provoqué, il n'y a pas de commencement. Et pourtant, Il
est le Fils, et pourtant Il a été engendré. L'intelligence humaine
dira : comment a-t-il été engendré s'Il n'a pas commencé ? S'Il a été
engendré, Il a commencé ; et s'Il n'a pas commencé, comment a-t-Il été
engendré ? Comment, je l'ignore. Tu demandes à un homme comment Dieu a
été engendré ? Ta question me met dans l'embarras. Mais j'ai recours au
Prophète : “Qui racontera sa Naissance ?”
Suis-moi maintenant
dans ce qui a trait à la seconde génération, dans laquelle Il s'est
réduit à néant, en prenant la forme du serviteur : si du moins nous
pouvons la comprendre, si du moins nous sommes capables d'en dire
quelque chose. De fait, qui pourrait comprendre : “Lui qui, étant dans
la forme de Dieu, n'a pas pensé user comme d'un privilège d'être l'égal
de Dieu ?” Qui pourrait comprendre cela ? Qui s'en ferait une juste
idée ? Quel esprit oserait scruter ces profondeurs ? Quelle langue
oserait en discourir ? Quelle pensée aurait la force de comprendre ?
Laissons donc cette question pour l'instant. C'est trop pour nous.
Toutefois, pour que nous n'ayons pas à faire à trop forte partie, “Il
s'est réduit à néant Lui-même, prenant la forme du serviteur, devenu
semblable aux hommes”. Où ? Dans le sein de la Vierge Marie. Touchons-en
donc quelques mots si tant est que nous le puissions. L'ange délivre son
message, la Vierge entend, croit et conçoit. La foi dans son cœur, le
Christ dans ses entrailles. La Vierge a conçu : soyez dans l'étonnement.
La Vierge a enfanté, que votre étonnement croisse. Après l'accouchement,
elle est restée vierge. Qui donc pourra raconter cette Naissance ?
2. Voici maintenant,
pour vous réjouir, très chers frères. Il y a trois formes de vie dans
l'Église des membres du Christ : celle du mariage, celle du veuvage,
celle de la virginité. Puisque ces formes de vie respectable devaient se
trouver dans le corps sacré du Christ, chacune de ces trois formes de
vie témoigne du Christ. La première , c'est le mariage : lorsque Vierge
Marie a conçu, l'épouse de Zacharie, Élisabeth, avait conçu, elle
aussi ; elle portait dans son sein celui qui devait annoncer son propre
Juge. Sainte Marie vint à elle, pour saluer sa parente. L'enfant
tressaillit de joie dans le sein d'Élisabeth. Lui tressaillit, elle
prophétisa. Voici pour témoigner du respect dû au mariage. Où est-il
question de veuvage ? À propos d'Anne. Vous venez d'entendre à la
lecture de l'évangile qu'il y avait une sainte prophétesse, veuve de 84
ans, qui avait vécu 7 ans avec son mari. Elle vivait dans le temple du
Seigneur, le servant dans la prière jour et nuit. Et c'est cette veuve
qui reconnut le Christ. Il était tout petit quand elle le vit, mais elle
reconnut sa grandeur. Elle aussi en a témoigné. Voilà pour le veuvage.
En Marie, c'est la virginité.
Que chacun choisisse
de ces trois vies celle qu'il veut. Celui qui voudra sortir de ce cadre,
ne se dispose pas à être dans le Corps du Christ. Que les épouses ne
disent pas : nous n'appartenons pas au Christ. De saintes femmes ont été
mariées. Que les vierges ne s'enorgueillissent pas. Plus grand est leur
état, plus elles doivent s'humilier devant tous. Voilà tous les modèles
de salut qui ont été proposés à notre regard. Que personne ne s'en
écarte. Que personne ne s'écarte de sa femme : mais il est mieux d'être
sans femme. Si tu cherches un exemple de grandeur dans la vie conjugale,
voici Suzanne; dans le veuvage, Anne; dans virginité, Marie.
3. Le Seigneur Jésus a
voulu être homme à cause de nous. Que cette Miséricorde ne soit pas
dépréciée à nos yeux : ce qui gît à même notre terre, c'est la Sagesse.
“Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu et le
Verbe était Dieu”. Ô nourriture et Pain des anges : Tu combles la faim
des anges, Tu les rassasie sans les lasser; ils vivent de Toi, de Toi
ils tiennent leur sagesse, de toi leur bonheur. Où es-Tu, à cause de
moi ? Dans une étroite auberge, dans les langes, dans une crèche. Et à
cause de qui ? Celui qui mène les astres, suce le sein ; Il comble les
anges, parle dans le Sein du Père, se tait dans celui de sa Mère. Mais
Il doit parler quand viendra le temps, et accomplir pour nous
l'Évangile. À cause de nous, Il souffrira, à cause de nous Il mourra;
pour nous montrer ce que sera notre récompense, Il ressuscitera, Il
montera au ciel à la vue de ses disciples, Il reviendra du ciel pour le
jugement. Voici que Celui qui était couché dans la crèche, S'est
abaissé, mais sans Se détruire. Il est devenu ce qu'Il n'était pas, mais
est resté ce qu'Il était. Voici pour nous le Christ devenu Enfant,
grandissons avec Lui.
4. En voilà assez pour
votre charité. Mais parce que je vois ici une grande foule venue pour
fêter Noël, il faut que j'ajoute : les calendes de janvier vont arriver.
Vous êtes tous chrétiens. Par la bienveillance de Dieu, vous vivez dans
une cité chrétienne. On y rencontre deux espèces d'hommes : les
chrétiens et les juifs. Qu'on n'y voie pas se produire ce que Dieu
hait : des jeux indignes, des divertissements malhonnêtes. Que les
hommes ne se choisissent pas eux-mêmes des juges, de peur de tomber dans
les Mains du vrai Juge. Écoutez-moi ! Vous êtes chrétiens, vous êtes des
membres du Christ. Songez à ce que vous êtes, à quel prix vous avez été
rachetés. Pour tout dire, voulez-vous savoir ce que sont vos pratiques ?
Je m'adresse à ceux qui s'y adonnent. Que ceux à qui elles répugnent ne
s'en offusquent pas : je m'adresse à ceux qui s'y adonnent de bon cœur.
Voulez-vous savoir ce que sont ces pratiques, et quelle tristesse vous
nous mettez au cœur ? Les Juifs s'y adonnent-ils ? Rougissez-en plutôt
afin qu'elles n'aient pas lieu.
Pour l'anniversaire
de la Naissance de Jean, c'est-à-dire 6 mois avant Noël (ces six mois
voient, en effet, la naissance du héraut et du Juge), obéissant à une
pratique superstitieuse, des chrétiens sont venus à la mer et s'y sont
donné le baptême. J'étais absent, mais, comme on me l'a appris, des
prêtres émus, car ils se sont instruits dans notre enseignement, ont
averti un certain nombre entre vous de ce qu'apprend la saine doctrine
de l'Église. Certains en ont protesté et ont dit : Y avait-il matière à
nous mettre en garde ? Si on avait pris la précaution de le faire, nous
ne nous serions pas comporté ainsi. Si les prêtres eux-mêmes nous
avaient avertis, nous ne nous serions pas comporté ainsi. Eh bien, c'est
l'évêque qui prend la précaution de vous avertir : c'est un
avertissement, une proclamation, une dénonciation. Écoutez-le, il vous
le demande. Écoutez-le, il vous en supplie. Je vous en supplie, par
Celui-là même qui est né aujourd'hui ; je vous en supplie et vous en
fais un devoir : que personne ne s'adonne à ces pratiques !
Je me dégage ainsi de
toute responsabilité. Je préfère vous en avertir de vive voix que
d'éprouver l'affliction de ne pas l'avoir fait.
SOURCE:
http://www.jesusmarie.com
È |