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Concile d'ÉPHÈSE
HISTORIQUE
Concile d'ÉPHÈSE :
troisième œcuménique, l'an 431. Les quatre évêques égyptiens chargés de
porter à Nestorius la lettre synodale du concile d'Alexandrie (430),
n'étaient point encore arrivés à Constantinople, que l'empereur Théodose
avait déjà ordonné la convocation d'un concile général, d'après les
sollicitations qui lui en étaient faites, tant de la part des
catholiques que de Nestorius et de ses partisans. La lettre de
convocation, que nous avons encore, est datée du 19e jour de
novembre. Elle ne porte en tête que le nom de saint Cyrille, comme si
elle avait été écrite pour lui en particulier ; mais on voit que c'était
une lettre circulaire adressée au métropolitain de chaque province. Elle
est au nom des deux empereurs, savoir de Théodose et de Valentinien,
suivant la forme ordinaire ; et on n'y voit rien qui marque que le pape
ait pris une part directe à cette convocation. Il reconnaît au
contraire, dans sa lettre à Théodose, que le concile avait été assemblé
par les ordres de ce prince ; tout le concile le dit en termes formels,
et les légats le reconnaissent aussi. Du reste, à la tête des
catholiques qui avaient demandé à l'empereur la convocation de ce
concile, on doit compter saint Cyrille, comme l'atteste Evagre, l.
I, c. 3 ; et le saint patriarche d'Alexandrie avait été chargé par le
pape saint Célestin de toute l'affaire relative à Nestorius. Enfin la
présence des légats du pape au concile prouve assurément que si la
convocation qui en fut faite ne fut pas l'ouvrage du souverain pontife,
du moins elle fut loin de lui déplaire, et qu'il s'empressa de la
ratifier.
Aussitôt après la fête de
Pâques, qui, en 431 était le 19 avril, les évêques se préparèrent à
partir pour le concile qui devait se tenir à Éphèse le 7 juin, jour de
la Pentecôte. Le pape Célestin, ne jugeant point à propos d'y venir
lui-même, y envoya trois légats, Arcadius et Projectus, évêques, et
Philippe, prêtre de l'Église romaine, du titre des Apôtres, pour
exécuter ses ordres. Il leur donna un mémoire daté du 8 mai de la même
année, avec des instructions particulières qui tendaient surtout à
maintenir l'autorité du siège apostolique, en ne prenant point de parti
dans les disputes, mais se réservant d'être les juges des différents
sentiments des autres. Dans le mémoire il leur recommandait de s'unir
entièrement à saint Cyrille, pour se conduire en tout par ses avis, soit
dans le concile, soit pour savoir ce qu'ils auraient à faire en cas
qu'ils trouvassent le concile fini sans avoir pu pacifier les troubles.
Il les chargea aussi de trois lettres, l'une du 7 mai pour saint Cyrille
; une autre du 8 du même mois, pour le concile ; et la troisième du 15,
pour l'empereur. Sa lettre au concile n'est qu'une exhortation générale
à soutenir avec fermeté la défense de la vérité. Le pape la finit en
disant qu'il envoyait ses trois légats pour être présents au concile, et
faire exécuter ce qu'il avait déjà ordonné l'année précédente pour le
bien de l'Église universelle, ne doutant pas que le concile n'y donnât
son consentement.
Théodose avait appelé à
Éphèse les évêques d'Afrique, souhaitant surtout que saint Augustin fût
du nombre. Mais ce saint était mort quelques mois avant que la lettre de
convocation arrivât en Afrique. Capréolus, alors évêque de Carthage,
aurait bien voulu assembler les évêques de cette province, pour envoyer
au concile une députation solennelle ; le temps se trouva trop court
depuis la réception de la lettre de convocation jusqu'au terme indiqué
pour le concile, ce qui fit qu'il ne put y envoyer que Vésulas, son
diacre, avec une lettre où, après s'être excusé de ce qu'il ne pouvait
pas faire davantage, il reconnaissait la nécessité de rejeter toutes les
nouvelles doctrines par l'autorité des anciennes, et priait le concile
de ne faire aucune attention à la demande des pélagiens pour un nouvel
examen de leur doctrine. Capréolus écrivit à l'empereur sur le même
sujet et sur la mort de saint Augustin. Cette députation ne fut point
inutile : le concile s'en servit pour montrer à Théodose que toute
l'Église d'Afrique consentait à tout ce qui s'était passé dans l'affaire
de Nestorius.
Comme il était un des plus
proches d'Éphèse, il y arriva l'un des premiers, accompagné du comte
Irénée, qui l'avait suivi, et du comte Candidien, capitaine des gardes
de l'empereur, qui menait des troupes avec lui pour prêter main forte au
concile. Saint Cyrille y vint, au contraire, accompagné de cinquante
évêques. Juvénal de Jérusalem n'arriva, que cinq jours après la
Pentecôte, avec les évêques de la Palestine. Memnon, évêque d'Éphèse, y
avait appelé environ quarante évêques d'Asie. Il y en vint aussi du Pont
et de la Cappadoce, et de l'île de Chypre. Rufus de Thessalonique,
n'ayant pu y venir, parce qu'il était malade, y envoya Flavien de
Philippes, pour tenir sa place et son rang. Périgène, métropolitain de
Corinthe, s'y rendit encore avec plusieurs évêques de sa juridiction. On
compte dans ce concile près de deux cents évêques, dont la moitié
étaient des métropolitains si habiles et si savants, qu'ils pouvaient
presque tous parler et écrire sur les matières de la foi. Théodose
voulut qu'un de ses officiers assistât de sa part au concile, afin que
tout s'y passât dans le bon ordre et la tranquillité, et nomma à cet
effet le comte Candidien, le même qui avait accompagné Nestorius. Ce
prince ne prétendait pas néanmoins que cet officier entrât dans l'examen
qui devait se faire sur les dogmes, sachant que cela était du ressort
des évêques seuls, en quoi il suivit l'avis de saint Isidore de Péluse,
qui lui écrivit sur ce sujet. Candidien était chargé d'une lettre pour
le concile, qui renfermait les causes de sa députation : l'empereur y
avertissait les évêques que si l'on formait quelque action ou pour de
l'argent ou pour une autre affaire civile, contre quelqu'un d'entre eux,
il ne voulait pas qu'elle fût jugée à Éphèse, soit par les magistrats,
soit par le concile, mais qu'elle fût renvoyée à Constantinople. Il y
défendait encore au concile de s'arrêter à l'examen des affaires
particulières qui n'auraient point de rapport à celle du dogme, jusqu'à
ce que celle-ci eût été entièrement terminée. Enfin il avait donné ordre
à Candidien d'empêcher qu'aucun évêque ne sortit d'Éphèse, et d'en faire
sortir, au contraire, les séculiers et les moines qui seraient venus
d'autre part.
En attendant les évêque
d'Orient
Jean d'Antioche et les
autres évêques de l'Orient se firent attendre longtemps, prétendant
qu'il leur était impossible de se rendre à Éphèse pour le jour marqué,
qui était le 7 juin. On attendit aussi les évêques d'Italie et de
Sicile. Pendant ce délai les évêques assemblés à Éphèse examinaient la
question de l'Incarnation, et si l'on devait appeler la sainte Vierge
Mère de Dieu. Saint Cyrille s'occupait aussi à extraire des livres de
Nestorius les endroits où il débitait ses erreurs. Il prononça même un
sermon où, relevant toutes les grandeurs de la sainte vierge Marie, il
répète à chaque article le titre de Mère de Dieu. Acace de Mélitine
travaillait d'un autre côté à faire quitter à Nestorius ses mauvais
sentiments. Celui-ci parut touché des raisons d'Acace, qui était son ami
particulier, et témoigna vouloir suivre son conseil. Mais dix ou douze
jours après, s'étant trouvé dans un entretien où Acace soutenait la
doctrine de l'Église, il entreprit de la combattre ; et par une question
captieuse, il tâcha de l'obliger à dire, ou que le Fils unique du Père
ne s'était point fait homme, ou que le Père et le Saint-Esprit s'étaient
incarnés aussi bien que lui. Un des évêques du parti de Nestorius
s'efforça même d'excuser les juifs, soutenant que le crime qu'ils
avaient commis n'était pas contre Dieu, mais contre un homme. Un autre
prit la parole pour dire que le Fils qui avait souffert la mort était
différent du Verbe de Dieu. Acace, ne pouvant souffrir ce blasphème,
quitta la compagnie en témoignant la douleur qu'il ressentait de
l'injure faite à son Créateur. Le même jour, qui paraît avoir été le 19e
de juin, Nestorius, en présence de Théodote d'Ancyre et de plusieurs
autres évêques qui montraient par l'autorité de l'Écriture que c'est
Dieu même qui est né de la sainte Vierge selon la chair, proféra cette
parole impie : " Pour moi, je ne saurais dire qu'un enfant de deux ou
trois mois soit Dieu, ni me résoudre à adorer un enfant nourri de lait,
ni à donner le nom de Dieu à celui qui s'est enfui en Égypte. " Il
sortit de cette assemblée en déclarant qu'il ne voulait plus se trouver
avec ceux qui soutenaient les sentiments de l'Église, et qu'il se lavait
les mains de l'impiété où il prétendait qu'ils étaient ; de sorte que
depuis ce temps-là les évêques qui étaient venus au concile se
séparèrent en deux, Nestorius et saint Cyrille s'assemblant chacun à
part, avec ceux qui étaient de leur sentiment, ou qui paraissaient en
être.
Cependant Jean d'Antioche,
n'étant qu'à cinq ou six journées d'Éphèse, le fit savoir au concile par
des officiers du maître des offices, et il écrivit à saint Cyrille pour
lui témoigner l'empressement qu'il avait de se rendre auprès de lui.
Arrivèrent peu après deux évêques de sa suite, tous deux métropolitains,
Alexandre d'Apamée et Alexandre de Hiéraple. Comme les évêques du
concile se plaignaient du retardement de Jean d'Antioche, ils dirent
plusieurs fois : Il nous a chargés de vous dire que s'il retarde, on ne
remette pas pour cela le concile, mais que l'on fasse ce qu'il faut
faire. Saint Cyrille et la plupart des évêques se déterminèrent en effet
à le tenir, voyant qu'il s'était déjà passé plusieurs jours au delà du
terme fixé par l'empereur ; que divers évêques et ecclésiastiques
tombaient malades ; qu'il y en avait qui, affaiblis par l'âge ou
manquant d'argent, se plaignaient de ce qu'on les retenait si longtemps
dans un pays étranger ; que tous s'accordaient à dire que Jean
d'Antioche ne voulait pas se trouver au concile, et qu'il ne fallait pas
l'attendre. Ils en fixèrent donc l'ouverture au lundi 22 Juin, seize
jours depuis la Pentecôte, qui était le jour marqué pour commencer le
concile. Nestorius s'opposa à cette résolution, et soutint avec le comte
Candidien qu'il fallait attendre les Orientaux qui étaient proches, et
les évêques d'Italie et de Sicile, qu'on disait être en chemin. Le comte
défendit même aux évêques d'ouvrir le concile avant l'arrivée de ces
prélats, disant que l'ordre de l'empereur portait que les règlements du
concile se feraient par un consentement commun. Saint Cyrille et ceux de
son parti étaient déjà assemblés dans la grande église dédiée à la
sainte Vierge, lorsque Candidien leur signifia de vive voix l'ordre de
l'empereur. Ils demandèrent à voir la lettre de ce prince. Le comte,
après l'avoir refusée, sous prétexte que tous ceux qui devaient assister
au concile n'y étaient pas, leur montra la lettre qu'il avait tenue
secrète jusqu'alors. On la lut à haute voix, et comme Théodose y
recommandait beaucoup aux évêques l'esprit de paix et l'union dans les
mêmes sentiments, Candidien en prit occasion de les prier de ne point
s'opposer à un ordre si juste et si raisonnable. Il demanda que l'on
attendît seulement encore quatre jours que les autres évêques fussent
arrivés, pour agir tous de concert. Cette prière, quoique réitérée
plusieurs fois, ayant été sans effet, le comte se retira en colère, et
dressa sur-le-champ une protestation qu'il fit afficher à Éphèse le même
jour, et en envoya copie à l'empereur. Cette protestation était adressée
à saint Cyrille et aux autres évêques assemblés avec lui dans l'église
de la Sainte-Vierge. Après que Candidien se fut retiré, ils commencèrent
le concile, et reconnaissant Jésus-Christ comme le témoin et le
véritable chef de leur assemblée, ils posèrent le saint Évangile au
milieu d'eux tous, sur un trône sacré d'où il semblait leur dire : Vous
êtes les juges entre les vérités de l'Évangile et les paroles impies de
Nestorius ; mais soyez des juges éclairés. Il y avait des notaires pour
écrire ce que disaient les évêques, assis des deux côtés.
Cent quatre-vingt-dix-huit
évêques
Cent quatre-vingt-dix-huit
évêques se trouvèrent à cette première session, avec Vésulas, diacre de
Carthage, député pour l'Afrique. Memnon, évêque d'Éphèse, ouvrit
volontiers la grande église, appelée Marie, pour y tenir le
concile ; mais Nestorius lui ayant demandé l'église de Saint-Jean pour
tenir son assemblée à part, il la lui refusa, et le peuple, extrêmement
zélé pour la doctrine catholique, s'opposa à ce qu'on la lui ouvrit.
Saint Cyrille tenait le premier rang, comme occupant la place du pape
saint Célestin ; ensuite était Juvénal de Jérusalem, Memnon d'Éphèse,
Flavien de Philippes, qui tenait la place de Rufus de Thessalonique,
Théodote d'Ancyre, Firmus de Césarée en Cappadoce, Acace de Mélytine en
Arménie, Iconius de Gortine en Crète, Périgène de Corinthe, tous
métropolitains, et les autres évêques, au nombre de cent
quatre-vingt-dix-huit, selon les souscriptions que nous en avons dans
les actes de la première session du concile. Tous étant assis, Pierre,
prêtre d'Alexandrie et primicier des notaires, dit que Nestorius ayant
été ordonné évêque de Constantinople, l'on avait quelques jours après
répandu quelques-uns de ses sermons, qui avaient excité un grand tumulte
dans l'Église ; que le très pieux évêque d'Alexandrie, Cyrille, l'ayant
su, lui avait écrit une première et une seconde lettre, pleines de
conseils et d'avertissements, qui n'avaient produit aucun effet ; que le
même Cyrille, ayant appris que Nestorius avait envoyé à Rome des lettres
et des recueils de ses sermons, avait écrit de son côté au très pieux
évêque de Rome, Célestin, qui, sur la lecture et l'examen de toutes ces
pièces, avait donné une décision précise. Pierre présenta au concile
tous les papiers qui regardaient cette affaire, et en particulier la
lettre circulaire de l'empereur, adressée à tous les métropolitains.
Juvénal de Jérusalem demanda que cette lettre fût lue et mise à la tête
des actes du concile, ce qui fut fait. Firmus de Césarée dit ensuite : "
Que le très saint Memnon, évêque d'Éphèse, nous rende témoignage combien
il s'est passé de jours depuis notre arrivée. " Memnon répondit que
depuis le terme marqué dans la lettre de ce prince, il s'était passé
seize jours. Après quoi saint Cyrille détailla les raisons que nous
avons rapportées, d'accélérer l'ouverture du concile, et il s'autorisa
surtout d'un second ordre de l'empereur, lu par le comte Candidien, qui
portait que l'on examinerait et que l'on réglerait la matière de la foi,
sans aucun délai. Théodote d'Ancyre parla ensuite, et dit : La lecture
des pièces se fera en son temps ; mais il est maintenant à propos que le
très pieux évêque Nestorius soit présent, afin que ce qui regarde la
religion soit réglé d'un commun consentement. Quatre évêques, qu'on
avait envoyés la veille prier Nestorius de se trouver au concile,
rapportèrent qu'il leur avait dit qu'il viendrait s'il le jugeait
nécessaire ; sur quoi Flavien, évêque de Philippes, ayant dit que pour
suivre l'ordre des canons, il fallait encore l'avertir, on députa trois
autres évêques, auxquels on joignit Epaphrodite, lecteur et notaire d'Hellanique,
évêque de Rhodes ; on les chargea d'une monition par écrit où il était
fait mention de celle du jour précédent. Nestorius était dans sa maison
lorsque les députés y vinrent, mais ils ne purent lui parler, en étant
empêchés par une troupe de soldats armés de massues, que Candidien lui
avait donnés. Toutefois, sur leurs instances réitérées, Nestorius leur
fit dire par le tribun Florentius que, quand tous les évêques seraient
assemblés, il se trouverait avec eux. Le concile, informé de tout ce qui
était arrivé, jugea à propos, pour ne rien omettre de la procédure
ecclésiastique, de le faire citer une troisième fois par quatre autres
évêques, avec Anisius, notaire et lecteur de Firmus de Césarée. La
monition qu'on leur donna par écrit était conçue en ces termes : " Par
cette troisième citation, le très saint concile, obéissant aux canons,
appelle votre piété, vous accordant ce délai avec patience. Daignez donc
venir au moins à présent pour vous défendre des dogmes hérétiques que
l'on vous accuse d'avoir proposés publiquement dans l'Église, et sachez
que si vous ne vous présentez, le saint concile sera obligé de prononcer
contre vous, suivant les canons. " Ces députés furent encore plus
maltraités que n'avaient été les premiers. Les soldats les repoussèrent
rudement, sans leur permettre de se mettre à l'ombre, et leur
déclarèrent, après les avoir fait attendre longtemps, qu'ils avaient
ordre de Nestorius de ne laisser entrer personne du concile. Sur ce
rapport, qui fut certifié par tous les députés, Juvénal, évêque de
Jérusalem, dit que quoique trois monitions fussent suffisantes, suivant
les lois de l'Église, le concile était prêt à en faire une quatrième à
Nestorius ; mais que, puisqu'il avait mis autour de sa maison une troupe
de soldats qui en défendaient l'entrée, il était clair que le reproche
de sa conscience l'empêchait de venir ; qu'ainsi il ne fallait plus
songer qu'à conserver la foi et à suivre les canons. On lut donc le
symbole de Nicée, et ensuite la seconde lettre que saint Cyrille lui
avait écrite, sur laquelle ce Père pria tous les évêques présents de
dire leur sentiment. Juvénal et les autres évêques la trouvèrent
conforme à la doctrine de Nicée. Pallade d'Amasée demanda qu'on lût la
réponse que Nestorius y avait faite. Juvénal de Jérusalem, en ayant
entendu la lecture, dit que cette lettre ne s'accordait point du tout
avec la foi de Nicée et anathématisa ceux qui croyaient ainsi. Flavien
de Philippes et quelques autres opinèrent aussi en particulier, et tous
se réunirent à condamner la lettre de Nestorius avec son auteur,
s'écriant d'une voix unanime : " Que celui qui n'anathématise pas
Nestorius soit anathème. " Ils demandèrent, après cela, qu'on fit
lecture de la lettre du pape saint Célestin. Le prêtre Pierre en lut la
traduction grecque, et ajouta : " Notre très pieux évêque Cyrille a
écrit en conformité cette lettre ; nous vous la lirons si vous
l'ordonnez. " Flavien de Philippes demanda qu'on la lût, et qu'elle fût
insérée aux actes, comme on avait fait de celle du pape. Cette lettre de
saint Cyrille était celle qu'il avait écrite au nom du concile d'Égypte
à Nestorius. Théopempte et Daniel firent ensuite rapport au concile de
la manière dont les lettres de saint Célestin et de saint Cyrille
avaient été signifiées à Nestorius, et pour montrer qu'il persistait
opiniâtrément dans ses erreurs, on obligea Théodote d'Ancyre et Acace de
Mélytine à raconter l'entretien qu'ils avaient eu trois jours auparavant
avec lui. Ils ne le firent qu'en répandant des larmes, parce qu'ils
aimaient Nestorius ; mais comme ils aimaient encore davantage
Jésus-Christ et sa vérité, ils dirent qu'ils étaient prêts à convaincre
leur ami des erreurs et des blasphèmes qu'ils avaient entendu sortir de
sa bouche. Le concile, avant de procéder à une condamnation plus
formelle de Nestorius, crut, suivant l'avis de Flavien de Philippes,
qu'il était à propos de lire et d'insérer dans les actes quelques
passages des Pères, pour faire voir quelle avait été leur doctrine. On
lut donc un passage du livre de saint Pierre, évêque d'Alexandrie et
martyr, touchant la Divinité ; un de saint Athanase contre les ariens,
et un de sa lettre à Epictète ; un de la lettre du pape saint Jules à
Docimus ; un de la lettre du pape saint Félix à Maxime et au clergé
d'Alexandrie ; deux des lettres pascales de Théophile d'Alexandrie ; un
du traité de l'Aumône de saint Cyprien ; deux de saint Ambroise tirés de
son traité de la Foi ; un de saint Grégoire de Nazianze à Clédonius, où
sont les anathèmes ; un de saint Basile ; un de saint Grégoire de Nysse ;
deux d'Atticus de Constantinople, et deux de saint Amphiloque. A la
demande de Flavien, on lut vingt articles tirés des homélies et des
écrits de Nestorius, et le prêtre Pierre avait en main plusieurs autres
extraits semblables ; mais les évêques, voyant les blasphèmes horribles
que contenaient les vingt premiers articles, ne purent souffrir que
leurs oreilles fussent souillées par le récit d'un plus grand nombre de
blasphèmes, et ordonnèrent que ces articles fussent insérés aux actes
pour la condamnation de Nestorius. Ensuite Pierre d'Alexandrie ayant
présenté la lettre de Capréolus, évêque de Carthage, elle fut lue en
latin et en grec. Comme il priait les évêques du concile de résister
courageusement à ceux qui voudraient introduire dans l'Église de
nouvelles doctrines, et de ne point permettre que l'on remit en question
ce qui avait déjà été jugé, ni que l'on donnât atteinte aux décisions du
siège apostolique et des Pères, tous les évêques s'écrièrent après saint
Cyrille : " Ces paroles sont les nôtres, voilà ce que nous disons tous,
voilà ce que nous souhaitons tous. " Saint Cyrille demanda que la lettre
de Capréolus fût insérée aux actes. Le concile prononça après cela la
sentence de condamnation contre Nestorius en ces termes : " Nestorius
ayant entre autres choses refusé d'obéir à notre citation, et de
recevoir les évêques envoyés de notre part, nous avons été obligés
d'entrer dans l'examen de ses impiétés ; et l'ayant convaincu, tant par
ses lettres que par ses autres écrits, et par les discours qu'il a tenus
depuis peu dans cette ville, prouvés par témoins, de penser et
d'enseigner des impiétés ; réduits à cette nécessité par les canons et
par la lettre de notre très saint père et collègue Célestin, évêque de
l'Église romaine, après avoir souvent répandu des larmes, nous en sommes
venus à cette triste sentence. Notre-Seigneur Jésus-Christ qu'il a
blasphémé, a déclaré par ce saint concile, qu'il est privé de toute
dignité épiscopale, et retranché de toute assemblée ecclésiastique. "
Tous les évêques présents au nombre de cent quatre-vingt-dix-huit,
souscrivirent à cette sentence, les uns, comme Acace de Mélitine et
Paralius d'Andrapène, se qualifiant évêques par la miséricorde de Dieu ;
d'autres, comme Eutychius de Théodosiople, prenant le titre d'évêques de
la sainte, catholique et apostolique Église de Dieu. Il y en eut qui,
étant incommodés, souscrivirent par la main d'un prêtre. Ceux qui
arrivèrent au concile après le 22 juin souscrivirent aussi à cette
sentence ; de sorte que Nestorius fut déposé par plus de deux cents
évêques. Le peuple d'Éphèse, qui s'était assemblé dès le grand matin
pour attendre la décision du concile, ayant appris sur le soir que
Nestorius était déposé, jeta de grands cris de joie, remerciant le
concile et louant Dieu d'avoir fait tomber l'ennemi de la foi. Au sortir
de l'église il alluma quantité de flambeaux pour conduire les évêques
jusqu'à leurs logis ; les femmes marchaient devant eux avec des parfums
qu'elles faisaient brûler. On alluma beaucoup de lampes dans la ville,
et on vit partout des marques de joie. Ainsi finit la première session
du concile.
Signature de Nestorius
Le lendemain, qui était le
23e
de juin, le concile fit signifier à Nestorius la sentence de sa
déposition, qui fut ensuite affichée publiquement et publiée sur toutes
les places par les crieurs de la ville. Voici comment elle était conçue
: " Le saint concile assemblé par la grâce de Dieu et l'ordonnance de
nos très pieux empereurs, à Nestorius, nouveau Judas : Sache que pour
tes dogmes impies et ta désobéissance aux canons, tu as été déposé par
le saint concile, suivant les lois de l'Église, et déclaré exclu de tous
degrés ecclésiastiques, le vingt-deuxième jour du présent mois de juin.
" Le concile en donna aussitôt avis à Eucharius, défenseur de l'Église
de Constantinople, aux prêtres, aux économes et au reste du clergé, leur
recommandant de conserver avec soin tout ce qui appartenait à cette
Église, pour en rendre compte à celui qui serait élu évêque de
Constantinople par la volonté de Dieu et la permission des très pieux
empereurs. Dans une seconde lettre au clergé et au peuple de
Constantinople, le concile les exhortait à se réjouir de ce que le
scandale était ôté, et à chasser les ministres de l'erreur. Cependant le
comte Candidien, ayant trouvé l'affiche de la déposition de Nestorius,
envoya défendre au concile de rien entreprendre au préjudice des ordres
de l'empereur. En même temps il fit publier un édit où, après s'être
plaint de ce qui s'était fait contre ses premières défenses et contre
les ordres de ce prince, il déclarait qu'on n'aurait aucun égard à la
sentence contre Nestorius. Il ordonnait aussi qu'on ne fit rien de
nouveau, jusqu'à l'arrivée des évêques qui accompagnaient Jean
d'Antioche. Il envoya à l'empereur l'affiche de la condamnation de
Nestorius, avec une relation de ce qui était arrivé en cette occasion,
représentant le concile comme une assemblée tumultueuse, où tout s'était
passé contre les règles. Nestorius ne déguisa pas moins les choses dans
la relation qu'il adressa de son côté à l'empereur, se plaignant des
menaces et des mauvais traitements de saint Cyrille et de Memnon, qu'il
taxait de séditieux. Ensuite il conjurait Théodose d'ordonner que le
concile se tint dans les règles, et qu'il n'y entrât que deux évêques de
chaque province, avec le métropolitain, du nombre de ceux qui étaient
instruits des questions dont il s'agissait, ou de les renvoyer tous en
sûreté dans leur ville épiscopale. " Car, ajoutait-il, on nous menace
même de nous faire perdre la vie. " La lettre de Nestorius était
souscrite de douze évêques, lui compris. Mais la plupart de ceux qui le
favorisèrent d'abord, parce qu'ils le croyaient catholique,
l'abandonnèrent quelques jours après, convaincus de l'impiété de ses
dogmes. C'est ce que l'on voit dans la lettre du concile à l'empereur en
date du 1er juillet. On y voit encore que des évêques se
plaignaient de ce que Candidien les empêchait de faire savoir à ce
prince le véritable état des choses : car ils avaient eu soin de faire
mettre en état les actes du concile, qu'ils avaient adressés à Théodose
avec une lettre synodale signée de tous les évêques du concile, avant
l'arrivée de Jean d'Antioche, c'est-à-dire avant le 27 de juin. Dans la
lettre synodale ils rendaient raison de la manière dont ils avaient
procédé contre Nestorius, et pourquoi ils n'avaient pas attendu, pour le
condamner, que les Orientaux fussent arrivés. Ils y parlaient du pape
saint Célestin en ces termes : " Nous avons loué le très saint évêque de
Rome Célestin, qui avait déjà condamné les dogmes hérétiques de
Nestorius, et porté contre lui sa sentence avant la nôtre. " Ils
finissaient leur lettre en priant Théodose d'ordonner que la doctrine de
Nestorius fût bannie des Églises ; que ses livres, quelque part qu'on
les trouvât, fussent jetés au feu, et que si quelqu'un méprisait ce qui
avait été ordonné, il encourût l'indignation de l'empereur. Cependant
divers évêques firent des discours sur le mystère de l'incarnation, où
ils ne manquèrent pas de s'élever contre l'hérésie de Nestorius. Nous
avons ceux de saint Cyrille, de Rhéginus, évêque de Constantia, et de
Théodote d'Ancyre. Ce dernier compara la nécessité où l'Église s'était
trouvée de déposer le nouvel hérésiarque, à celle d'un chirurgien qui
coupe en pleurant un membre pourri pour conserver le reste du corps.
Pour la suite, voy. col. suiv.
Arrivée des évêques d'Orient
ÉPHÈSE (Conciliabule d'),
l'an 431. Le samedi 27 juin, Jean d'Antioche arriva à Éphèse avec les
évêques d'Orient qui l'accompagnaient. Ils étaient en tout quatorze, les
autres étant apparemment demeurés en chemin, puisque Théophane en compte
vingt-sept. Il est du moins certain qu'André de Samosate, qui était
parti d'Antioche avec Jean, ne vint pas à Éphèse pour cause de maladie.
Jean, averti sans doute de la sentence prononcée contre Nestorius, tint
son concile à l'heure même qu'il entra dans la ville, étant encore tout
couvert de la poussière du voyage, et avant d'avoir ôté son manteau. Il
le tint dans l'hôtellerie où il était descendu de voiture, et commença
par procéder contre saint Cyrille et Memnon d'Éphèse, et contre tout le
concile. Le comte Candidien, qui était allé à sa rencontre, fut de
l'assemblée. Il protesta qu'il avait fait tout son possible pour
empêcher les évêques de s'assembler avant la venue de Jean et des
Orientaux suivant les ordres de l'empereur, dont il fit la lecture, et
que les évêques écoutèrent debout. Il ajouta que la procédure contre
Nestorius s'était faite contre toute sorte de règles, et qu'il avait
fait connaître tout cela à ses maîtres. Jean, ayant entendu son rapport,
dit que le concile délibérerait sur ce qu'il y aurait à faire contre de
telles entreprises, après quoi Candidien se retira. Les évêques qui
étaient à Éphèse avant l'arrivée de Jean, et qui se trouvaient dans
cette assemblée, composée en tout de quarante-trois évêques, se
plaignirent de Memnon, comme de l'auteur de beaucoup de violences qu'ils
avaient souffertes, particulièrement de ce qu'il leur avait fermé les
églises des martyrs et du saint apôtre Jean, sans leur permettre d'y
célébrer même la Pentecôte. Ils se plaignirent encore de saint Cyrille,
à cause de ses anathématismes, qu'ils disaient remplis d'erreurs,
ajoutant que ces deux évêques étaient l'un et l'autre les chefs du
trouble et du désordre qui régnaient dans les affaires de l'Église. Sur
ces accusations et quelques autres aussi peu fondées, ils conclurent
qu'il fallait prononcer contre Cyrille et Memnon la juste condamnation
qu'ils méritaient. Cet avis fut suivi, et sans autre forme de procès le
concile déclara saint Cyrille et Memnon déposés de leur dignité, comme
auteurs du trouble et à cause du sens hérétique des anathématismes, et
tous les autres évêques du même parti séparés de la communion, jusqu'à
ce qu'ils eussent anathématisé les douze anathèmes, et qu'ils se fussent
joints aux Orientaux pour examiner ensemble les questions qui
troublaient l'Église. Les quarante-trois évêques souscrivirent cette
sentence, mais elle fut tenue secrète pendant un certain temps. Cette
procédure finie, Jean d'Antioche se ressouvint que des évêques députés
de la part de saint Cyrille et des autres Pères de son parti attendaient
depuis plusieurs heures pour lui parler. Lorsqu'ils lui eurent déclaré
ce qu'ils avaient à lui dire, il les abandonna, sans leur faire aucune
réponse, au comte Irénée, aux évêques et aux clercs de sa suite qui les
chargèrent de coups, jusqu'à mettre leur vie en danger.
Les conflits
EPHESE (Concile suite)
Les députés vinrent aussitôt en faire leur rapport, montrant les marques
des coups qu'ils avaient reçus, et on dressa des actes authentiques, et
en présence des saints Évangiles, de ces mauvais traitements. Nous
n'avons plus ces actes. Les Pères, pour ne pas laisser impunis des
outrages si indignes en eux-mêmes et si injurieux au concile, séparèrent
Jean de leur communion, et lui notifièrent cette sentence, qui fut aussi
affichée dans une rue. Ils apprirent presque en même temps le jugement
que Jean avait rendu contre saint Cyrille et Memnon : mais bien loin d'y
déférer, ils résolurent de célébrer le lendemain le saint sacrifice, ce
qu'ils n'avaient point encore fait jusqu'alors. Jean, informé de leur
dessein, pria, l'après-midi du samedi, le comte Candidien d'aller leur
en faire défense. Il y alla en effet le soir du même jour, et fit ce
qu'il put pour engager les deux évêques déposés par Jean à ne point
célébrer, mais à attendre les ordres que l'empereur devait envoyer dans
peu. Memnon répondit qu'il n'ignorait pas que Jean et son synode
l'avaient déposé, mais qu'il savait aussi que Jean, loin de pouvoir
quelque chose contre le concile œcuménique, n'avait pas même de pouvoir
sur l'évêque d'Éphèse, quand il ne se serait agi que de lui seul. Le
comte revint encore le dimanche de grand matin faire la même prière à
saint Cyrille : elle fut inutile. Les évêques s'en allèrent à l'église,
y célébrèrent le saint sacrifice, et continuèrent dans la suite à faire
la même chose, les uns offrant les mystères, et les autres y
participant, sans avoir égard aux plaintes qu'en firent depuis les
Orientaux, ni au canon d'Antioche dont on s'était autrefois servi contre
saint Chrysostome. Le lendemain Candidien vint rendre compte de sa
commission à Jean d'Antioche et aux évêques qu'il avait avec lui. Ils en
dressèrent un acte, pour avoir une preuve authentique que les évêques du
concile avaient connaissance du jugement rendu contre eux, sans se
mettre en peine d'y déférer. Le comte déclare dans cet acte que, pour
obvier au schisme, il défend aux deux partis de célébrer le sacrifice.
Ces évêques, voyant bien que leur sentence serait sans aucun effet à
Éphèse, écrivirent plusieurs lettres à l'empereur, aux impératrices, au
clergé, au sénat et au peuple de Constantinople, pour la justifier ; ils
y répétaient en diverses manières les calomnies qu'ils avaient répandues
contre saint Cyrille et Memnon, les accusant de s'être servis pour
exercer leurs violences, de mariniers égyptiens et de paysans
asiatiques, et d'avoir mis des écriteaux aux maisons de ceux qu'ils
voulaient attaquer. Jean d'Antioche se justifiait en particulier de ce
qu'il était arrivé si tard, prétendant qu'il lui avait été impossible de
venir plus tôt. Il disait encore que saint Cyrille lui avait écrit deux
jours avant la tenue de la session, que tout le concile attendait son
arrivée. Les Orientaux avaient envoyé avec ces lettres la sentence
qu'ils avaient prononcée contre saint Cyrille et Memnon. D'un autre côté
le comte Candidien avait prévenu l'empereur, par une relation infidèle,
de ce qui s'était passé dans le concile, et empêché en même temps que ce
prince ne vit celle que les évêques de ce concile lui avaient envoyée.
Théodose, étant donc mal informé, se persuada que les inimitiés
particulières avaient eu plus de part à la déposition de Nestorius que
l'amour de la foi et de la justice. C'est pourquoi il écrivit au concile
pour témoigner son mécontentement, et déclarant qu'il ne voulait pas
qu'on eût aucun égard à ce qui s'était fait jusqu'alors, il ordonna
qu'aucun évêque ne sortit d'Éphèse jusqu'à ce que les dogmes de la
religion fussent examinés par tout le concile. Il ajoutait qu'il
enverrait un second officier en cette ville pour connaître avec
Candidien de ce qui s'était passé, et pour empêcher qu'à l'avenir il ne
s'y fit rien contre le bon ordre. Cette lettre, qui est datée du 29
juin, fut apportée par Pallade, magistrien, c'est-à-dire officier du
maître des offices, et courrier de l'empereur. Le concile se servit de
la même voie pour répondre à cette lettre. Leur réponse est du 1er
juillet, Pallade ayant extrêmement pressé les évêques de la donner. Ils
s'y plaignent de ce que Candidien avait prévenu l'empereur avant qu'il
pût savoir la vérité par la lecture des actes et des lettres que le
concile lui envoyait ; qu'il empêchait encore de la faire connaître ;
que Jean d'Antioche n'était arrivé que vingt jours après le terme fixé
par le concile ; que Nestorius et Jean n'avaient avec eux qu'environ
trente-sept évêques, la plupart déposés ou qui craignaient de l'être, au
lieu que ceux qui avaient condamné l'hérétique Nestorius étaient plus de
deux cents, et qu'ils l'avaient condamné avec le consentement de tout
l'Occident. Ils prient Théodose de rappeler le comte Candidien, et de
permettre que cinq évêques l'aillent informer de la vérité des choses et
des violences du comte Irénée. Cette lettre ne fut signée que de peu
d'évêques, quoiqu'en présence de tous, parce que Pallade ne pouvait
attendre la longueur de ces souscriptions. On trouve, après la signature
des évêques du concile, une liste de trente-cinq évêques qualifiés
schismatiques, les seuls qui partageassent les opinions impies de
Nestorius. On leur fit part de la lettre de l'empereur, qu'ils
écoutèrent avec mille bénédictions, voyant que ce prince cassait tout ce
que le concile avait fait. Ils lui en témoignèrent leur reconnaissance
par une lettre dont ils chargèrent Pallade. Elle était pleine de
flatteries pour Théodose et de calomnies contre saint Cyrille et contre
le concile. Ils y vantaient aussi leur zèle pour la pureté de la foi,
disant qu'ils n'avaient pu souffrir qu'on renouvelât l'hérésie
d'Apollinaire en autorisant les anathématismes de Cyrille, et ne
vantaient pas moins leur attachement pour l'empereur, n'ayant pas
permis, disaient-ils, qu'on violât ouvertement ses ordres en
entreprenant sur le siège de Constantinople, avant même que l'on eût
examiné ce qui regardait la foi. Pour affaiblir l'argument que l'on
tirait contre eux de leur petit nombre, en comparaison de celui de leurs
adversaires, ils faisaient à Théodose la même demande que Nestorius, en
le priant d'ordonner que chaque métropolitain ne fût accompagné que de
deux évêques de sa province. Ils ajoutaient que la plupart des évêques
qui étaient venus avec Cyrille, ou qui dépendaient de Memnon, étaient ou
hérétiques messaliens ou déposés et excommuniés ; enfin que c'est une
troupe d'ignorants, propres seulement à mettre le trouble et la
confusion. Ils se plaignaient en particulier de Memnon, qui leur avait
fait fermer la porte de l'église de l'apôtre saint Jean, et qui les
avait fait maltraiter par une troupe de valets. " C'est pourquoi nous
vous prions, disaient-ils en finissant leur lettre, de faire chasser de
cette ville principalement ce tyran, que nous avons déposé et qui
trouble tout. "
Cette lettre fut suivie de
leur part d'une entreprise qui eût pu avoir de fâcheuses conséquences,
si on les eût laissés les maîtres de l'exécuter. Depuis leur sentence de
déposition contre Memnon, ils ne cessaient de solliciter le sénat et les
personnes les plus considérables de la ville, pour les engager à
demander un nouvel évêque. L'arrivée de Pallade leur parut une
circonstance favorable, et persuadés que la lettre de l'empereur, qu'il
avait apportée, aurait intimidé tous les esprits, ils s'en allèrent à
l'église de saint Jean l'Évangéliste, accompagnés de quelques soldats,
comme pour rendre grâces à Dieu de cette lettre, et prier pour la
prospérité de ce prince. Mais leur véritable dessein était d'y ordonner
un évêque à la place de Memnon. La nouvelle s'en répandit et mit tout le
quartier en alarme : le peuple, qui était zélé pour la foi, se hâta de
fermer l'église. Ils en approchèrent avec leurs soldats, puis voyant
qu'ils ne pouvaient se la faire ouvrir, ils s'en retournèrent sans dire
un mot à personne. Leurs partisans à Constantinople n'inquiétaient pas
moins les catholiques, empêchant qu'on n'y apportât aucune nouvelle de
la part de saint Cyrille et du concile. Mais un mendiant, s'étant chargé
d'une lettre, trouva moyen de la dérober à la connaissance de leurs
espions, en la mettant dans une canne creuse qui lui servait de bâton.
Elle était écrite d'Éphèse, et adressée aux évêques et aux moines qui
étaient à Constantinople. Quand ils l'eurent reçue, les moines, ayant à
leur tête leurs abbés, et même saint Dalmace, qui depuis quarante-huit
ans n'était point sorti de son monastère, allèrent au palais,
accompagnés d'un peuple nombreux qui se joignit à eux ; on fit entrer
les abbés par ordre de l'empereur ; les moines et le peuple restèrent à
la porte, continuant de chanter à plusieurs chœurs, comme ils avaient
fait le long du chemin. Les abbés montrèrent à ce prince la lettre
qu'ils avaient reçue ; il la lut, et saint Dalmace lui ayant raconté
comment les choses s'étaient passées dans la procédure contre Nestorius,
il demeura persuadé des raisons du concile et approuva tout ce qui y
avait été fait. Il remercia Dieu de lui avoir fait connaître la vérité,
et permit aux évêques que le concile lui envoyait de le venir trouver.
L'abbé Dalmace lui ayant représenté que ses ministres ne leur laissaient
point la liberté de sortir d'Éphèse, il fit sur-le-champ expédier un
ordre, après quoi il congédia les abbés. Sortis du palais avec une
réponse si favorable, ils allèrent, avec ceux qui les attendaient à la
porte, dans l'église de Saint-Moce, où Dalmace raconta ce qui s'était
passé dans l'audience de l'empereur, et lut à haute voix la lettre qu'on
avait reçue d'Éphèse. Tous les assistants prononcèrent anathème contre
Nestorius. Les députés du concile apportèrent avec eux les actes de sa
déposition, et comme ils arrivèrent trois jours avant le comte Irénée,
que les Orientaux avaient envoyé pour agir en leur faveur, ils eurent
assez de temps pour persuader tout le monde, et même les plus grands de
la cour, que la déposition de Nestorius s'était faite avec justice et en
observant toutes les formes canoniques. Mais l'arrivée de Jean, syncelle
de saint Cyrille, fit changer la face des affaires. Il apportait, comme
l'on croit, la nouvelle de la sentence du concile contre les Orientaux,
et la lettre que le concile écrivait sur ce sujet à l'empereur. Alors
presque personne ne voulut plus s'arrêter à ce qui venait d'être résolu
touchant la condamnation de Nestorius. Les uns voulaient qu'il demeurât
condamné, de même que saint Cyrille et Memnon ; d'autres, qu'on annulât
tout ce qui avait été fait par les deux partis ; qu'on fît venir à
Constantinople les principaux évêques, et qu'on y examinât tout ce qui
regardait la foi et la manière dont les choses s'étaient passées à
Éphèse ; d'autres enfin tâchaient d'obtenir un ordre de l'empereur pour
être envoyés eux-mêmes à Éphèse, afin d'y terminer toutes choses selon
qu'ils le jugeraient à propos. L'empereur, dans cette diversité de
sentiments, prit le parti de confirmer la déposition de Nestorius, de
saint Cyrille et de Memnon, cassa tout le reste de ce qui avait été fait
des deux côtés, et envoya à Éphèse le comte Jean, intendant de ses
largesses, pour régler toutes choses après avoir demandé le sentiment
des évêques sur la foi. Ensuite il écrivit ce qu'il avait fait à cet
égard à tous les métropolitains. Les évêques du concile, voyant que ce
prince avait mêlé leurs noms dans cette lettre, non seulement avec ceux
des schismatiques du parti de Jean d'Antioche, mais encore avec les
célestiens ou pélagiens déposés depuis longtemps, s'en plaignirent à
lui-même. Les Orientaux, au contraire, se vantèrent que Théodose avait
confirmé ce qu'ils avaient fait, et comme il avait protesté dans sa
lettre qu'il voulait demeurer dans la foi de Nicée, ils en inférèrent
que ce prince voulait que tous les évêques signassent le symbole de ce
concile, ou même que l'on se contentât de cette signature, et qu'on
rejetât les anathématismes de saint Cyrille. L'empereur envoya avec sa
lettre celle qu'Acace de Bérée écrivait pour exhorter les évêques à la
paix et à l'union dans les principes de la foi véritable et catholique.
Arrivée des légats du Pape
Pendant que les choses se
passaient ainsi à Constantinople, les légats du pape, Arcadius,
Projectus et Philippe, que les tempêtes et divers autres accidents
avaient empêchés de se rendre à Éphèse au jour marqué, arrivèrent le 10
juillet de l'an 431. On tint, ce même jour, la seconde session du
concile dans la maison épiscopale de Memnon. Saint Cyrille continua d'y
présider comme tenant la place du pape. Les légats ayant pris séance
avec les autres évêques, et les trois députés d'Occident, Philippe parla
le premier, et dit : " Nous rendons grâces à l'adorable Trinité de nous
avoir fait venir à votre sainte assemblée. Il y a longtemps que notre
père Célestin a porté son jugement sur cette affaire, par ses lettres au
saint évêque Cyrille, qui vous ont été montrées : maintenant il vous en
envoie d'autres, que nous vous représentons ; faites les lire et insérer
aux actes ecclésiastiques. " Les deux autres députés, Arcadius et
Projectus, demandèrent la même chose. Tous les trois parlaient en latin,
et on expliquait ensuite en grec ce qu'ils avaient dit : par ordre de
saint Cyrille, Sirice, notaire de l'Église Romaine, lut la lettre de
saint Célestin. Comme elle était en latin, les évêques demandèrent
d'abord qu'elle fût insérée dans les actes, puis traduite et lue en
grec. Le prêtre Philippe dit : On a satisfait à la coutume, qui est de
lire premièrement en latin les lettres du siège apostolique : mais nous
avons eu soin de faire traduire celle-ci en grec. Les légats Arcadius et
Projectus en donnèrent pour raison que plusieurs évêques n'entendaient
pas le latin. Pierre, prêtre d'Alexandrie, lut donc la traduction
grecque de la lettre du pape, qui commençait ainsi : " L'assemblée des
évêques témoigne la présence du Saint-Esprit, car le concile est saint
par la vénération qui lui est due, comme représentant la nombreuse
assemblée des apôtres. Jamais leur Maître, qu'ils avaient ordre
d'annoncer, ne les a abandonnés. C'était lui-même qui enseignait, lui
qui leur avait dit ce qu'ils devaient enseigner, et qui avait assuré
qu'on l'écoutait en ses apôtres. Cette charge d'enseigner a été de même
transmise à tous les évêques : nous y sommes tous engagés par un droit
héréditaire, nous qui annonçons à leur place le nom du Seigneur en
divers pays du monde, suivant ce qui leur a été dit : Allez,
instruisez toutes les nations. Vous devez remarquer, mes frères, que
nous avons reçu un ordre général, et qu'il a voulu que nous l'exécutions
tous, en nous chargeant tous également de ce devoir. Nous devons tous
entrer dans les travaux de ceux à qui nous avons tous succédé en
dignité. " Le pape ne pouvait marquer plus clairement que c'est
Jésus-Christ même qui a établi les évêques pour docteurs de son Église
en la personne des apôtres, et qu'ils doivent concourir tous ensemble à
conserver le dépôt de la doctrine apostolique. Il les y engage par la
considération du lieu où ils étaient assemblés, où saint Paul et saint
Jean avaient annoncé l'Évangile, et où Timothée avait, par ordre de son
maître, exercé les fonctions de l'épiscopat. Il les assure, sur la bonté
de la cause qu'ils défendaient, que les troubles dont l'Église était
agitée seraient suivis de la paix, et les exhorte à considérer en tout
la charité seule, si fort recommandée par le saint apôtre dont ils
honoraient les reliques présentes. Il fait connaître à la fin de sa
lettre les noms des trois légats, qu'il envoyait, dit-il, pour faire
exécuter ce qu'il avait ordonné l'année précédente dans le concile de
Rome. Cette lettre est du 8 mai de l'an 431. Aussitôt qu'on en eut fait
la lecture, tous les évêques s'écrièrent que ce jugement était juste, et
donnèrent à Célestin de grandes louanges, de même qu'à Cyrille, disant
tous d'une voix : " Un Célestin, un Cyrille, une foi du concile, une foi
de toute la terre. " Les acclamations finies, l'évêque Projectus, l'un
des trois légats, dit : " Considérez la forme de la lettre du pape : il
ne prétend pas vous instruire comme des ignorants, mais vous rappeler ce
que vous savez, afin que vous exécutiez ce qu'il a jugé il y a
longtemps. " Firmus de Cappadoce, prenant la parole, ajouta : " Le saint
tribunal de Célestin a déjà réglé l'affaire et donné sa sentence par les
lettres adressées à Cyrille d'Alexandrie, à Juvénal de Jérusalem, à
Rufus de Thessalonique et aux Églises de Constantinople et d'Antioche.
En conséquence et en exécution de cette sentence, nous avons prononcé
contre Nestorius un jugement canonique, après que le terme qui lui avait
été donné pour se corriger a été passé, et même longtemps après le jour
prescrit par l'empereur pour l'assemblée du concile. " L'évêque Arcadius
et le prêtre Philippe demandèrent qu'on leur apprît comment les choses
s'étaient passées pendant leur absence, afin d'y donner leur
consentement. Sur quoi Théodote d'Ancyre dit : " Dieu a montré combien
la sentence du concile est juste par l'arrivée des lettres du très pieux
évêque Célestin et par votre présence. Mais puisque vous souhaitez de
savoir ce qui s'est passé, vous vous en instruirez pleinement par les
actes mêmes de la déposition de Nestorius. Vous y verrez le zèle du
concile, et la conformité de sa foi avec celle que Célestin publie à
haute voix. "
Reprise des travaux
Le lendemain, c'est-à-dire
le 11 juillet de la même année 431, le concile s'assembla encore dans la
maison épiscopale de Memnon. Les légats, qui, avant de s'y rendre,
avaient pris communication des actes de la déposition de Nestorius,
déclarèrent que l'on avait en tout procédé suivant l'ordre des canons.
Ils demandèrent toutefois que ces actes fussent encore lus en plein
concile. Memnon d'Éphèse l'ordonna, et Pierre d'Alexandrie lut les actes
de la première session. Après quoi le prêtre Philippe dit :
" Personne ne doute que
saint Pierre, chef des apôtres, colonne de la foi et fondement de
l'Église catholique, n'ait reçu de Notre-Seigneur Jésus-Christ les clefs
du royaume et la puissance de lier et de délier les péchés, et que
jusqu'à présent il ne vive et n'exerce ce jugement dans ses successeurs.
Notre saint pape l'évêque Célestin, qui tient aujourd'hui sa place, nous
a envoyés au saint concile pour suppléer à son absence. Nos très
chrétiens empereurs ont ordonné la tenue de ce concile, pour conserver
la foi catholique qu'ils ont reçue de leurs ancêtres. "
Philippe, ayant ensuite
repris sommairement la procédure faite contre Nestorius, ajouta : " Donc
la sentence prononcée contre lui demeure ferme, suivant le jugement de
toutes les Églises, puisque les évêques d'Orient et d'Occident ont
assisté au concile, par eux ou par leurs députés ; c'est pourquoi
Nestorius doit savoir qu'il est retranché de la communion du sacerdoce
de l'Église catholique. " Arcadius et Projectus le déclarèrent aussi
ennemi de la vérité, corrupteur de la foi, et privé de la dignité
épiscopale, comme de la communion de tous les évêques orthodoxes. Saint
Cyrille, voyant que les légats avaient approuvé la sentence du concile
contre Nestorius, demanda que ce qui s'était fait ce jour-là et le
précédent fût ajouté au reste des actes du concile, et pria ces légats
de le confirmer par leurs souscriptions, ce qu'ils firent dans le
moment. Les évêques du concile écrivirent aussitôt à l'empereur pour lui
donner avis de l'arrivée des légats et du consentement qu'ils avaient
donné même par écrit à la déposition de Nestorius, qui par là devenait
le jugement commun de toute la terre. Ils suppliaient ce prince de leur
permettre de se retirer, puisque leur assemblée était heureusement
terminée ; ajoutant qu'il était juste de songer à donner un nouvel
évêque à l'Église de Constantinople et de les laisser à l'avenir jouir
en repos de la confirmation de la foi. Celle lettre était souscrite de
saint Cyrille et de tous les autres évêques du concile. Ils étaient plus
de deux cents qui avaient déposé Nestorius ; mais le concile ne jugea
pas à propos de les faire souscrire tous à la lettre qu'il écrivit au
clergé et au peuple de Constantinople pour leur déclarer la déposition
de Nestorius, et les exhorter à obtenir de Dieu, par de ferventes
prières, un pasteur capable de gouverner cette Église, du bien de
laquelle dépendait celui des autres. Ceux qui souscrivirent sont :
Cyrille d'Alexandrie, Philippe légat du pape, qui se qualifie prêtre de
l'Église des Apôtres, Juvénal de Jérusalem, les deux légats Arcadius et
Projectus, Firmus de Césarée, Flavien de Philippes, Memnon d'Éphèse,
Théodote d'Ancyre, Bérinien de Perge.
Saint Cyrille et Memmion
Le concile ne fait aucune
plainte dans ces lettres, de la sentence que Jean d'Antioche et son
conciliabule avaient portée contre saint Cyrille et Memnon ; ayant cru
jusque-là devoir mépriser une procédure si déraisonnable, si destituée
de formalités, et qui ne leur avait pas même été notifiée juridiquement.
Mais ayant appris que cette affaire avait été portée à l'empereur, saint
Cyrille et Memnon présentèrent leur requête en plainte contre Jean
d'Antioche. Ce fut dans la quatrième session qui se tint cinq jours
après la précédente dans l'église de Sainte-Marie, c'est-à-dire, le 16
juillet. Saint Cyrille, qui tenait toujours la place du pape, y est
nommé le premier, puis les trois légats, ensuite Juvénal, Memnon et les
autres évêques, au nombre de plus de deux cents. Comme il s'agissait des
intérêts de saint Cyrille, ce ne fut point Pierre, prêtre d'Alexandrie,
qui fit les fonctions de promoteur, mais Hésychius, diacre de Jérusalem.
Ayant dit qu'il avait en main la requête dont nous avons parlé, Juvénal
de Jérusalem ordonna d'en faire la lecture et de l'insérer aux actes.
Elle portait que Jean d'Antioche, en haine de la déposition de
Nestorius, avait déposé Cyrille et Memnon, sans qu'il eût aucun pouvoir
de les juger, ni par les lois de l'Église, ni par l'ordre de l'empereur,
ni de rien entreprendre de semblable, principalement contre un plus
grand siège. Elle ajoutait qu'en cas même qu'il eût eu ce pouvoir, il
eût fallu observer les canons, avertir les accusés, et les appeler avec
le reste du concile pour se défendre. La conclusion était que puisque
Jean se trouvait à Éphèse avec ses complices, ils fussent appelés pour
rendre compte de leur entreprise. Acace de Mélitine ne croyait point
qu'il fût nécessaire de citer Jean d'Antioche, disant que les Orientaux,
en se séparant du concile et en se joignant à Nestorius, s'étaient
rendus incapables de rien entreprendre contre les présidents du concile
œcuménique ; il opina toutefois avec les autres évêques à citer Jean
d'Antioche ; on lui députa donc trois évêques pour lui demander raison
de son entreprise. Ils trouvèrent la maison de Jean environnée de
soldats et d'autres personnes portant des armes pour en défendre
l'entrée, de manière qu'ils ne purent voir Jean ni lui parler. Les
députés en ayant fait leur rapport au concile, Juvénal de Jérusalem fut
d'avis qu'afin d'observer les canons il fallait y envoyer encore des
évêques pour le citer une seconde fois. Ils trouvèrent aussi la maison
de Jean entourée de soldats avec les épées nues, et quelques
ecclésiastiques, qu'ils prièrent de les annoncer. La réponse que Jean
leur fit était qu'il n'en avait point à faire à des gens déposés et
excommuniés. Saint Cyrille et Memnon demandèrent que la procédure de
Jean fût déclarée nulle et qu'il fût cité une troisième fois. Le concile
la déclara nulle, attendu que Jean n'avait osé venir pour la soutenir,
et arrêta que l'on ferait un rapport à l'empereur de ce qui s'était
passé ce jour-là, et que Jean serait cité une troisième fois.
Jean fit cependant afficher
à la muraille du théâtre un écrit par lequel il déclarait publiquement
la sentence qu'il avait rendue avec les siens contre saint Cyrille et
Memnon, et où il les accusait d'être les chefs de l'hérésie
d'Apollinaire, et de soutenir celles d'Arius et d'Eunomius. Il y
déclarait aussi qu'il avait informé l'empereur des crimes dont les
évêques et les autres membres du concile étaient coupables. Les
Orientaux, par un autre acte adressé aux évêques qu'ils avaient
excommuniés, les blâmaient d'attendre si longtemps à se séparer de saint
Cyrille et de Memnon, et à venir se faire absoudre de leur
excommunication ; ajoutant que s'ils tardaient davantage ils auraient
lieu de s'en repentir lorsqu'il ne serait plus temps. Les évêques
s'étant donc assemblés le 17 juillet dans l'église de Sainte-Marie,
saint Cyrille leur représenta que le refus que faisaient les Orientaux
de venir au concile était une preuve qu'ils ne pouvaient le convaincre
de l'hérésie dont ils l'accusaient. Il protesta qu'il ne tenait et
n'avait jamais tenu les erreurs d'Apollinaire, ni d'Arius, ni d'Eunomius
; mais qu'il avait appris dès l'enfance les saintes lettres, et qu'il
avait été nourri dans la société des Pères orthodoxes. Il anathématisa
Apollinaire, Arius, Eunomius, Macédonius, Sabellius, Photin, Paul de
Samosate, les manichéens, Nestorius et tous les autres hérétiques,
nommément ceux qui enseignaient les opinions de Célestius et de Pélage,
et se plaignit fortement de l'affiche injurieuse que Jean d'Antioche
avait faite contre lui et contre tout le concile. Il conclut qu'il fût
cité pour la troisième fois, afin qu'en cas de refus de sa part on ne
fît plus de difficulté de le condamner comme calomniateur. Le concile
députa pour cette citation trois évêques avec un notaire nommé Musonius,
et leur donna un écrit contre Jean d'Antioche, portant dès lors
interdiction des fonctions épiscopales, et que si, après cette troisième
citation, il refusait de venir au concile, on prononcerait contre lui
selon les canons. Les députés trouvèrent au devant de la maison de Jean
plusieurs ecclésiastiques qui voulurent les maltraiter ; mais ils en
furent empêchés par les soldats mêmes, et par Asphale, prêtre de
l'Église d'Antioche, qui faisait à Constantinople les affaires de son
clergé. Jean, averti que les députés du concile le demandaient, envoya
son archidiacre leur présenter un papier de la part des Orientaux. Les
députés refusèrent de s'en charger, sur quoi l'archidiacre refusa aussi
de les écouter. Ils se retirèrent donc, en signifiant à Asphale et à un
autre prêtre ce qui était porté par l'écrit dont le concile les avait
chargés. Leur conduite fut approuvée, et le concile, rempli d'une juste
indignation contre Jean d'Antioche, voulait prononcer contre lui et
contre les Orientaux la même sentence de déposition qu'ils avaient
rendue contre saint Cyrille et Memnon ; mais ils crurent qu'il valait
mieux réserver cela au jugement du pape, et se contenter pour le présent
d'une punition moins sévère. Ainsi il déclara qu'afin qu'ils ne pussent
plus abuser du pouvoir de la dignité épiscopale, ils demeureraient
retranchés de la communion ecclésiastique jusqu'à ce qu'ils reconnussent
et confessassent leur faute, et qu'ils vinssent rendre raison de leur
conduite au concile ; ajoutant que s'ils tardaient à le faire ils
attireraient sur eux toute la sévérité des canons. Le concile désigna
par leurs noms tous les évêques compris dans cette sentence. Il y en a
trente-cinq, du nombre desquels est Théodoret. Il déclara en même temps
que la procédure irrégulière des Orientaux contre Cyrille et Memnon
était absolument nulle et insoutenable, et tous les Pères du concile
communiquèrent avec eux comme auparavant. Cette sentence fut signée par
Juvénal de Jérusalem, par les trois légats du pape et par tous les
autres évêques. Ensuite le concile écrivit à l'empereur pour l'informer
de cette affaire, lui faire voir les défauts de la procédure des
Orientaux, et pour se plaindre de ce que trente évêques avaient osé se
soulever contre plus de deux cents, et former un second concile contre
sa volonté. " Nous avons donc, ajoute-t-il, cassé tout ce qui avait été
fait contre Cyrille et Memnon, et excommunié ces rebelles, jusqu'à ce
qu'ils viennent défendre leur procédure devant le concile. " Il prie ce
prince d'ordonner que ce qui a été décidé par le concile universel
contre Nestorius pour l'établissement de la foi, demeure dans sa force.
Cette lettre fut signée de Juvénal, des légats et de tous les évêques.
Le concile rendit aussi compte au pape Célestin de ce qui s'était fait
tant contre Nestorius que contre Jean d'Antioche, disant qu'ils ont
réservé à son jugement s'il ne fallait point déposer ce dernier. Il
ajoutait : " Quant à nos frères Cyrille et Memnon, nous communiquons
tous avec eux, même depuis l'entreprise de Jean d'Antioche, et nous
célébrons avec eux la liturgie et les synaxes. Car si nous souffrons que
tous indifféremment insultent aux plus grands sièges et prononcent des
sentences contre ceux sur qui ils n'ont aucun pouvoir, les affaires de
l'Église tomberont dans la dernière confusion. " Et ensuite : " Après
qu'on a eu lu dans le concile les actes de la déposition des impies
pélagiens et célestiens, Célestius, Pélage, Julien, Perside, Florus,
Marcellin, Oronce et leurs complices, nous avons établi que le jugement
porté contre eux par Votre Sainteté demeurerait ferme : nous sommes tous
du même avis, et les tenons pour déposés. " Le concile joignit à cette
lettre les actes de tout ce qui s'était passé, avec les signatures des
évêques. On croit qu'il écrivit aussi en Syrie et dans toutes les
provinces, pour y rendre publique la sentence prononcée contre les
Orientaux ; du moins avons-nous un décret du concile adressé à tous les
évêques et fidèles de l'Église pour leur notifier cette sentence. Ce
décret est joint aux actes de la session tenue le 31 juillet, qui est la
septième ; mais il a plus de rapport à la cinquième, qui est du 17
juillet. Il produisit son effet, et convainquit plusieurs personnes de
l'injustice du procédé des Orientaux. La lettre du concile au pape saint
Célestin est suivie d'un discours que saint Cyrille prononça en présence
des' évêques. Quoique Jean d'Antioche
n'y soit pas nommé, il est aisé de voir que c'est lui que l'on attaque
partout, et saint Cyrille ne le fait pas sans aigreur. Il lui reproche
entre autres choses d'avoir pris les armes contre la vérité et contre
ceux qui en prenaient la défense, et de s'être rendu le fauteur de
l'hérésie. Les schismatiques écrivirent de leur côté à l'empereur pour
se plaindre de ce que Cyrille et Memnon, déposés par eux pour cause
d'hérésie, s'étaient fait rétablir dans le sacerdoce par ceux de leur
parti, excommuniés et interdits comme eux. Ils demandaient à ce prince
permission d'aller ou à Constantinople ou à Nicomédie, pour convaincre
leurs adversaires d'impiété et d'injustice en sa présence ; d'ordonner
aussi que tout le monde souscrivît à la foi de Nicée, dont ils
joignaient la formule à leur lettre. Ils écrivirent en même temps à
Antiochus, préfet du prétoire et consul, à Valère, maître des offices,
et à Scholastique, préfet de la chambre, tous trois amis de Nestorius.
Ils s'y plaignaient des excès de Cyrille et de Memnon, qui sont,
disaient-ils, au-dessus de la fureur la plus barbare. Ils les
conjuraient, en conséquence, de les tirer au plus vite d'Éphèse, et de
faire en sorte que leurs lettres fussent lues à l'empereur. Elles
étaient toutes adressées au comte Irénée, alors à Constantinople : et ce
fut de lui qu'ils apprirent ce qui s'y était passé depuis son arrivée ;
en particulier, que l'empereur envoyait à Éphèse Jean, comte des
largesses, avec ordre de régler les affaires suivant les connaissances
qu'il en prendrait sur les lieux.
La sixième session
Il était encore en chemin,
lorsque le concile tint une sixième session le 22 juillet de l'an 431.
Saint Cyrille y présidait comme vicaire du pape, et les légats du
saint-siège n'y sont nommés qu'à la fin, après tous les évêques. Pierre,
prêtre d'Alexandrie et primicier des notaires, dit que le saint concile,
voulant pourvoir à la foi et à la paix des Églises, proposait une
définition qu'il avait en main. On ordonna de la lire et de l'insérer
aux actes. On y voyait d'abord le symbole de Nicée, avec anathème de la
part de l'Église apostolique contre tous ceux qui diraient qu'il y a eu
un temps où le Fils de Dieu n'était point, et qu'il est fait de rien ou
de quelque substance créée. Le concile ajoutait : " C'est la sainte foi
dont tout le monde doit convenir ; car elle suffit pour l'utilité de
toute l'Église qui est sous le ciel. Mais parce que quelques-uns font
semblant de la confesser, et en expliquent le sens à leur fantaisie, il
a été nécessaire de proposer les sentiments des Pères orthodoxes, pour
entrer comment ils ont entendu et prêché cette foi, et comment tous ceux
dont la foi est pure doivent l'entendre, l'expliquer et la prêcher. " Le
prêtre Pierre dit qu'il avait en main le livre des saints Pères, évêques
et martyrs, dont il avait extrait quelques articles ; savoir de saint
Pierre d'Alexandrie, de saint Athanase, de saint Jules, évêque de Rome,
et des autres anciens qu'on avait cités à la première session pour la
condamnation de Nestorius. Le concile en ordonna la lecture, et voulut
qu'ils fussent insérés aux actes. Ensuite Charysius, prêtre et économe
de l'Église de Philadelphie en Lydie, représenta au concile que quelques
hérétiques de cette province, voulant s'instruire dans la doctrine de
l'Église catholique, étaient tombés dans de plus grandes erreurs. Car
deux prêtres nommés Antoine et Jacques, qui étaient venus de
Constantinople en Lydie avec des lettres de recommandation d'Athanase et
de Photius aussi prêtre, et du parti de Nestorius, faisaient signer aux
quartodécimans, ou novatiens de ce pays-là, qui voulaient se convertir,
une profession de foi nestorienne. On la disait de Théodore de Mopsueste.
Charysius s'opposa à la signature de cette formule ; ce qui obligea les
évêques de Lydie, qui regardaient Antoine et Jacques comme catholiques,
de le déposer. La requête de Charysius avait donc deux motifs : le
premier, d'être rétabli dans ses fonctions, comme ayant été déposé
injustement ; le second, la condamnation de cette fausse exposition de
foi qu'on faisait signer aux nouveaux convertis de Lydie. Le concile ne
voulut point statuer sur le premier chef de la demande de ce prêtre,
n'ayant pas apparemment de preuves qu'il eût été déposé injustement et
pour la défense de la vraie foi. Sur le second, après avoir ordonné la
lecture de cette profession de foi, il la condamna, mais sans en nommer
l'auteur, soit qu'il ne fût pas bien connu, soit à cause de la grande
réputation de Théodore de Mopsueste, et défendit, sous peine de
déposition aux évêques et aux clercs, et sous peine d'anathème aux
laïques, de proposer ou d'écrire aucune autre profession de foi que
celle de Nicée. Il n'en excepta ni le symbole des apôtres, ni celui de
Constantinople, peut-être pour fermer la bouche aux Orientaux, qui
semblaient, par leur attachement affecté à la formule de Nicée,
reprocher aux Pères du concile de n'y en avoir pas assez. Nous avons la
profession de foi déférée au concile : elle est en grec et en latin dans
les collections ordinaires, mais seulement en latin dans celle de Baluze,
de la traduction de Marius Mercator. Il est remarqué dans les
souscriptions, qui sont au nombre de vingt, que les quartodécimans dont
elles sont, s'adressèrent à l'évêque Théophane pour le prier de les
recevoir à la sainte Église catholique ; qu'ils anathématisèrent tous
ceux qui ne faisaient pas la Pâque comme la sainte Église catholique et
apostolique ; et qu'ils jurèrent par la sainte Trinité et par la piété
et la victoire des empereurs Théodose et Valentinien, de demeurer fermes
dans cette pratique, comme aussi dans la croyance des dogmes mentionnés
dans la profession de foi qui leur avait été présentée. Il y en eut
quelques-uns qui souscrivirent pour eux et pour toute leur maison ;
d'autres déclarèrent qu'ils ne savaient pas écrire, entre autres un
prêtre nommé Patrice. Le concile, après la condamnation de cette fausse
profession de foi, ordonna qu'on relût les extraits des livres de
Nestorius déjà insérés dans les actes de la première session ; après
quoi tous les évêques souscrivirent, saint Cyrille le premier, ensuite
Arcadius légat, puis Juvénal de Jérusalem, et les autres de suite, sans
garder le même rang que dans les souscriptions précédentes, qui ne sont
pas même uniformes.
Septième session
La septième session, qui
fut aussi la dernière, est marquée le lundi 31 août dans les actes ;
mais on prétend qu'il faut lire le 31 juillet, parce que le concile ne
s'assembla plus depuis l'arrivée du comte Jean, qui était à Éphèse, dans
les commencements du mois d'août. Cette session se tint dans la grande
église de la Sainte-Vierge. Rhéginus, évêque de Constantia dans l'île de
Chypre, y présenta une requête, tant en son nom qu'en celui de deux
autres évêques, Zénon et Evagre, se plaignant de ce que le clergé
d'Antioche entreprenait contre la liberté dont ils étaient en
possession, l'évêque d'Antioche ni quelque autre que ce fût n'ayant
jamais eu part à l'ordination des évêques de cette île. Il paraissait en
effet que les trois derniers métropolitains de Constantia avaient été
établis par les évêques de Chypre. Mais après la mort du dernier, qui se
nommait Troïle, Jean d'Antioche, prétendant que l'île de Chypre
dépendait de son patriarcat, avait obtenu deux lettres de Denys, duc
d'Orient : l'une au clergé de Constantia, l'autre à Théodore, gouverneur
de Chypre. Dans la première, le duc disait que, puisqu'on allait tenir
un concile à Éphèse, où l'on réglerait ce qui regardait l'élection de
leur évêque, ils ne permissent point qu'on en élût ni qu'on en consacrât
aucun jusqu'à la décision du concile sur ce point ; ou que, s'il y en
avait un d'établi avant la réception de sa lettre, il eût à se trouver
au concile indiqué à Éphèse. Dans la seconde, il ordonnait à Théodore
d'employer son autorité et les milices qu'il commandait pour arrêter
ceux qui exciteraient quelque tumulte. Cette lettre est datée
d'Antioche, le 21 mai 431. Les évêques de Chypre ne laissèrent pas
d'établir un évêque à Constantia, et ce fut Rhéginus sur qui tomba leur
choix. Il vint à Éphèse avec trois autres évêques de son île, sans
attendre les Orientaux, et s'étant joints à saint Cyrille, ils
condamnèrent avec lui Nestorius, le 22 juin. Saprice, évêque de Paphos,
l'un des trois qui avaient accompagné Rhéginus, étant mort à Éphèse,
celui-ci et les deux autres s'adressèrent au concile pour lui demander
sa protection contre les violences du clergé d'Antioche. Le concile,
après avoir lu leur requête et les lettres du duc Denys, demanda qu'ils
expliquassent nettement le sujet de ces deux lettres. L'évêque Zénon dit
qu'elles avaient été obtenues par l'évêque et le clergé d'Antioche. "
Que voulait l'évêque d'Antioche ? " dit le concile. " Il prétend,
répondit Evagre, soumettre notre île et s'attribuer le droit des
ordinations contre les canons et la coutume établie ? " Le concile dit :
" N'a-t-on jamais vu l'évêque d'Antioche ordonner un évêque à Constantia
? " Zénon répondit : " Depuis le temps des apôtres on ne peut pas
montrer que l'évêque d'Antioche, ni aucun autre, y soit jamais venu
ordonner : ç'a toujours été le concile de la province qui a établi un
métropolitain. Troïle, qui vient de mourir, Sabin, son prédécesseur, et
le vénérable Épiphane, qui était avant eux, ont été ordonnés par un
concile, sans que l'évêque d'Antioche ou aucun autre ait eu droit
d'ordonner dans l'île de Chypre. " Ce concile, assuré par les
déclarations que ces évêques avaient faites de vive voix et par écrit,
rendit une sentence qui portait que, si l'évêque d'Antioche n'était
point fondé en coutume pour faire des ordinations en Chypre, les évêques
de cette île seraient maintenus dans la possession où ils étaient
d'élire leurs évêques suivant les canons ; que toutes les autres
provinces jouiraient pareillement des libertés qu'elles auraient
acquises par l'usage ; qu'aucun évêque n'entreprendrait sur une province
qui de toute antiquité n'aurait point été soumise à son église, et que
s'il y en avait qui s'en fussent assujetti quelqu'une par violence, il
serait obligé de la restituer. Le concile ne jugea pas à propos de
demander que Jean d'Antioche fût entendu, parce que, appelé dans les
formes, il avait refusé de comparaître. Peut-être que s'il eût été
présent les évêques de Chypre n'eussent pas eu une sentence si
favorable. Car Alexandre d'Antioche ayant prétendu, en 415, que les
évêques de cette île ne s'étaient mis en possession de faire leurs
ordinations que pour éviter la tyrannie des ariens qui avaient occupé le
siège épiscopal d'Antioche pendant trente années, le pape Innocent Ier,
faisant droit à sa requête, avait ordonné que ces évêques revinssent à
l'observation des canons de Nicée, c'est-à-dire qu'ils rentrassent dans
la dépendance de l'église d'Antioche. Toutefois, Balsamon, depuis
patriarche d'Antioche, reconnaît que les faits allégués par Rhéginus et
les autres évêques de Chypre étaient véritables. Pierre le Foulon, ayant
usurpé le siège d'Antioche, voulut, sans s'arrêter au décret du concile
d'Éphèse, se soumettre l'Église de Chypre. Mais comme l'on trouva dans
le temps même de cette contestation, c'est-à-dire, vers l'an 488, le
corps de saint Barnabé auprès de Constantia, un concile, tenu à
Constantinople, et l'empereur Zénon déclarèrent que l'Église de Chypre,
étant une Église apostolique, ne dépendait de la juridiction d'aucun
patriarche.
Quelques-uns rapportent à
cette dernière session du concile, et d'autres à celle du 17 juillet, la
décision de l'affaire d'Eustathe, évêque d'Attalie en Pamphylie. Quoique
ordonné canoniquement, on ne laissa pas de former quelques accusations
contre lui, dont il lui eût été facile de se justifier. Mais la crainte
des affaires et le peu de capacité qu'il se connaissait pour les
fonctions de l'épiscopat l'engagèrent à le quitter et à donner une
renonciation par écrit. Sur cela le concile de la province mit à sa
place Théodore. Eustathe, souhaitant toutefois de conserver le nom et
les honneurs d'évêque, se présenta au concile d'Éphèse pour les
demander, témoignant au surplus n'avoir aucun désir de rentrer dans le
siège qu'il avait quitté. Le concile, après s'être informé de la manière
dont les choses s'étaient passées, et si les accusateurs d'Eustathe
n'avaient rien prouvé contre lui, rendit à ce vieillard la communion
dont il avait été privé à cause de sa renonciation, les canons ne
permettant point à un évêque d'abandonner son église. Il lui accorda
aussi le nom et le rang d'évêque à la charge néanmoins qu'il ne ferait
ni ordination ni aucune autre fonction épiscopale de sa propre autorité.
Le concile fit savoir même à celui de la province de Pamphylie, à qui il
écrivit sur cette affaire, que s'il voulait traiter Eustathe encore plus
charitablement, il pourrait le faire. Le concile chargea aussi les
évêques de Pamphylie et de Lycaonie de tenir la main à l'ordonnance du
concile de Constantinople, sous Sisinnius, contre les messaliens,
hérétiques qui étaient dans leur pays. Cette ordonnance, qui fut
présentée par les évêques Valérien et Amphiloque, portait que tous ceux
qui seraient infectés ou suspects de cette hérésie seraient sommés de
l'anathématiser par écrit ; que les réfractaires seraient déposés et
excommuniés, s'ils étaient clercs ; les laïques anathématisés ; et qu'on
ne permettrait pas à ceux qui en seraient convaincus, d'avoir des
monastères. L'évêque Valérien présenta le livre de ces hérétiques,
qu'ils nommaient ascétiques : il fut anathématisé, comme ayant été
composé par des hérétiques, et le concile établit qu'on en userait de
même à l'égard des autres livres qui seraient infectés de leurs erreurs.
Deux autres évêques de Thrace, Euprébius de Byze et Cyrille de Celle,
représentèrent au concile que, suivant une ancienne coutume de leur
province, chaque évêque avait deux ou trois évêchés ; que l'évêque d'Héraclée
avait Héraclée et Epania ; l'évêque de Byze avait Byze et Arcadiopolis ;
l'évêque de Celle avait Celle et Gallipoli ; que jamais ces villes
n'avaient eu d'évêque particulier, en sorte que c'étaient des évêchés
perpétuellement unis. Ils ajoutèrent que Fritilas, évêque d'Héraclée,
ayant quitté le concile pour s'attacher à Nestorius, ils craignaient
que, pour se venger d'eux, il ne prétendît ordonner des évêques dans ces
villes où il n'y en avait pas eu encore. Le concile, ayant égard à leur
requête, autorisa la coutume particulière de leur province, et défendit,
tant à Fritilas qu'à ses successeurs, de rien innover au préjudice des
canons, des lois civiles et de l'ancienne coutume qui a force de loi.
Cela n'empêcha pas que quelque temps après l'on ne mît des évêques à
Gallipoli et dans les autres villes qui n'en avaient point lors du
concile d'Éphèse. Il n'y est fait aucune mention de la tentative de
Juvénal de Jérusalem, pour s'attribuer la primauté de la Palestine ;
mais saint Léon en parle, ce qui fait voir que nous n'avons pas tous les
actes de ce concile. Celui de Nicée avait maintenu l'évêque de Jérusalem
dans les prérogatives d'honneur dont il avait joui jusqu'alors, qui
consistaient, ce semble, dans la préséance sur les autres évêques de la
province, mais sans préjudice de la dignité de métropolitain qui
appartenait à l'évêque de Césarée en Palestine. L'an 395 le clergé et le
peuple de Gaza s'adressèrent à Jean de Césarée, comme à leur archevêque,
pour lui demander de remplir le siège de leur ville, qui était vacant :
Jean leur nomma et consacra Porphyre, alors prêtre de Jérusalem, sans en
demander même la permission à l'évêque de cette ville. Quoique Jean de
Jérusalem fût présent au concile de Diospolis, en 415, ce fut néanmoins
Euloge de Césarée qui y présida. Mais Juvénal de Jérusalem, voulant
s'établir chef de la Palestine, commença par ordonner des évêques dans
quelques villes de cette province, comme à Paremboles et à Phéno. Il en
ordonna même dans la seconde Phénicie et dans l'Arabie. Ce n'était pas
assez, il fallait s'autoriser d'un décret du concile. Il essaya donc d'y
prouver ses prétentions, et allégua, pour les appuyer, diverses pièces,
mais toutes fausses et supposées. Comme l'évêque de Césarée, sur les
droits duquel il entreprenait, n'était point présent au concile, saint
Cyrille s'opposa au dessein de Juvénal et écrivit même à Rome, priant le
saint-siège avec instance de ne pas consentir à une entreprise si
illégitime. On eut soin à Rome de conserver cette lettre dans les
archives. Juvénal ne se rebuta point de l'opposition qu'il trouvait à
ses desseins ; mais saint Cyrille ne cessa pas non plus d'y former des
obstacles, et, sans se séparer de la communion de Juvénal, il ne voulut
jamais donner dans ses sentiments. Il reste à marquer les canons que
l'on fit au concile œcuménique d'Éphèse.
Les canons
Ils sont au nombre de six,
et précédés d'une lettre synodale adressée à toutes les Églises. Le
concile y marque les noms et les sièges de tous les évêques
schismatiques du parti de Jean d'Antioche, qu'il réduit au nombre de
trente-cinq, ajoutant qu'il les avait retranchés, d'un commun
consentement, de toute communion ecclésiastique, et leur avait interdit
toute fonction sacerdotale. Il déclare ensuite, et c'est le premier
canon, à ceux qui n'avaient pu assister au concile ce qui avait été
réglé touchant ces schismatiques, savoir, que tous les métropolitains
qui auront quitté le concile œcuménique, pour s'attacher au conciliabule
schismatique, ou qui seront entrés dans les sentiments de Célestius, ne
pourront rien faire contre les évêques de la province, étant excommuniés
et interdits ; qu'au contraire ils seront soumis à ces mêmes évêques et
aux métropolitains voisins, qui pourront les déposer tout à fait de
l'épiscopat ; que les simples évêques (Can. 2) qui ont embrassé
le schisme, soit d'abord, soit après avoir signé contre Nestorius,
seront absolument retranchés du sacerdoce et déposés de l'épiscopat ; (Can.
3) que les clercs qui auront été interdits ou déposés par Nestorius, ou
par ses partisans, à cause qu'ils tenaient les bons sentiments, seront
rétablis, et en général (Can. 4), que les clercs qui sont unis au
concile œcuménique ne seront soumis en aucune manière aux évêques
schismatiques, mais (Can. 5) que les clercs qui embrasseront le
schisme ou les erreurs de Nestorius ou celles de Célestius, seront
déposés ; (Can. 6) que tous ceux qui, condamnés pour leurs fautes
par le concile ou par leurs évêques, auraient été rétablis par Nestorius
ou ses adhérents, peu soigneux d'observer les règles canoniques,
demeureront soumis à la sentence prononcée contre eux ; que quiconque
voudra s'opposer en quelque manière que ce soit à ce qui a été ordonné
par le saint concile d'Éphèse sera déposé, s'il est évêque ou clerc, ou
privé de la communion, si c'est un laïque. Ces six canons furent signés
par tous les évêques. Dans quelques éditions on en trouve un septième et
un huitième, qui ne sont autre chose que la défense faite par le concile
de rien ajouter à la formule de Nicée et le décret touchant la
conservation des droits de l'Église de Chypre. Zonare et Balsamon ont
commenté ces huit canons ; ils se trouvent en même nombre dans la
collection de Justel. Mais Denys le Petit n'en rapporte aucun dans le
Code ancien de l'Église latine ; apparemment parce qu'ils ne contiennent
rien touchant la discipline publique de l'Église, mais seulement ce qui
regarde l'affaire particulière de Nestorius et de ses fauteurs.
Le comte Jean, arrivé à
Éphèse vers le commencement du mois d'août, rendit aussitôt sa visite
aux évêques des deux partis ; leur division l'empêchant de les voir
ensemble, il les vit séparément. Il leur dit aux uns et aux autres de se
rendre tous le lendemain à son logis, et fit dire la même chose aux
absents, Nestorius et Jean d'Antioche s'y rendirent de grand matin ;
saint Cyrille y vint ensuite : des deux partis il n'y eut que Memnon qui
n'y vint point, retenu par quelque incommodité. La présence de Nestorius
excita un grand tumulte : le comte Jean ayant voulu faire lire la lettre
de l'empereur, les catholiques déclarèrent que cela ne se pouvait en
présence de cet hérésiarque qui était déposé, ni d'aucun des Orientaux
séparés de la communion. Les Orientaux, de leur côté, voulaient qu'on
fît retirer saint Cyrille. Ainsi il s'éleva entre les deux partis une
contestation qui dura une partie de la journée. Le comte proposa un
moyen d'apaiser la dispute, qui était de faire retirer saint Cyrille et
Nestorius, disant que la lettre de Théodose n'était adressée ni à l'un
ni à l'autre. Ce moyen réussit, et vers le soir du même jour on lut la
lettre de l'empereur en présence de tous les autres évêques. Elle était
adressée au pape Célestin, à Rufus de Thessalonique et aux autres
évêques, dont il y en avait cinquante et un nommés, sans distinction de
catholiques ou de schismatiques ; mais elle ne nommait ni Nestorius, ni
Cyrille, ni Memnon, l'empereur les regardant tous trois comme déposés :
il disait en effet dans cette lettre qu'il avait approuvé leur
déposition. Les catholiques n'en écoutèrent la lecture qu'avec chagrin,
à cause qu'elle approuvait la prétendue déposition de ces deux évêques ;
mais elle fut écoutée avec joie par les Orientaux. Dans la crainte d'un
plus grand tumulte, le comte Jean fit arrêter les trois évêques déposés,
donna Nestorius à la garde du comte Candidien, saint Cyrille à celle du
comte Jacques, qui fit aussi garder Memnon par des soldats. Cela fait il
en rendit compte à l'empereur, l'assurant qu'il y avait peu d'espérance
de réunir les évêques, tant il voyait les esprits aliénés et aigris de
part et d'autre. Mais il se garda bien de marquer à ce prince que le
parti des catholiques était de plus de deux cents évêques, et que
l'autre n'était tout au plus que de cinquante. Ceux-là, mécontents du
procédé du comte Jean, s'en plaignirent à l'empereur, à qui ils
demandèrent que ce qui avait été fait contre Nestorius et ses partisans
demeurât en sa force, et que ce que ceux-ci avaient fait contre saint
Cyrille et Memnon fût déclaré nul. Ils apprirent peu après que, sur une
relation infidèle du comte Jean, on délibérait à la cour d'envoyer en
exil saint Cyrille et Memnon, comme si leur déposition avait été
approuvée de tout le concile. Cela les obligea d'écrire une seconde
lettre à l'empereur, pour lui marquer que ces deux évêques n'avaient
point été déposes par le concile, qui estimait au contraire leur zèle
pour la foi, et les jugeait dignes de recevoir de grandes louanges des
hommes, et de Jésus-Christ la couronne de gloire. " Nous n'avons,
ajoutaient-ils, déposé que l'hérétique Nestorius. " Ils marquaient
ensuite leur douleur de ce que, par surprise, on avait mêlé leurs noms
avec ceux des partisans de Jean d'Antioche et des célestiens, et
suppliaient Théodose de leur rendre les saints évêques Cyrille et
Memnon. Le concile écrivit encore aux évêques qui se trouvaient alors à
Constantinople, aux prêtres et aux diacres de la même ville, pour leur
représenter les mauvais traitements qu'on leur faisait par suite des
faux rapports que recevait l'empereur. Ils disent : " Les uns ont dit
que nous faisons des séditions, les autres que le concile œcuménique a
déposé Cyrille et Memnon ; d'autres, que nous sommes entrés en
conférence amiable avec les schismatiques, dont Jean d'Antioche est le
chef. Et de peur que la vérité ne soit connue, on nous enferme et on
nous maltraite. Dans cette extrémité, nous nous pressons de vous écrire,
comme aux vrais enfants du concile œcuménique, de ne pas abandonner la
foi, et de vous prosterner avec larmes devant l'empereur, pour
l'instruire de tout ; car nous n'avons jamais condamné Cyrille et Memnon
; nous ne pouvons nous séparer de leur communion, et nous nous estimons
très heureux d'être bannis avec eux. Nous sommes aussi résolus de ne
point recevoir à notre communion les schismatiques jusqu'à ce qu'ils
aient réparé tous leurs excès, et d'abandonner plutôt nos églises, ce
qu'à Dieu ne plaise. " Ils joignirent à cette lettre un petit mémoire
qui était, ce semble, pour saint Dalmace, où ils se plaignaient des
grandes chaleurs et du mauvais air qui les rendaient malades pour la
plupart, et qui en faisaient mourir quelqu'un presque chaque jour. Ce
que le concile dit dans sa lettre aux évêques qui étaient à
Constantinople, qu'ils n'avaient pas eu apparemment connaissance de ce
qui avait été envoyé quelque temps auparavant, peut s'entendre d'une
première lettre adressée aux mêmes évêques, mais qui est perdue. Saint
Cyrille écrivit en particulier au clergé et au peuple de Constantinople,
pour leur expliquer l'état des affaires du concile, les tentatives du
comte Jean pour obliger le concile à communiquer avec les schismatiques,
la division qui s'était mise entre ceux-ci au sujet d'une profession de
foi, où les uns voulaient qu'on appelât la sainte Vierge Mère de Dieu
et de l'Homme, et les autres qu'on n'y mît point ces termes, il
écrivit aussi à Théopempte, à Daniel et à Potamon, trois évêques
d'Égypte alors à Constantinople, où ils avaient, ce semble, porté les
premières lettres du concile. Il leur racontait ce qui s'était passé
depuis l'arrivée du comte Jean. Ces lettres furent portées avec celles
du concile, par un mendiant qui les avait cachées dans le creux de son
bâton, et on fut obligé d'avoir recours à cette industrie, parce que les
partisans de Nestorius à Constantinople avaient des gardes sur toutes
les avenues de cette ville pour empêcher que personne n'y entrât ou n'en
sortît de la part du concile. Les Orientaux en écrivirent de leur côté à
l'empereur, à l'Église d'Antioche et à Acace de Bérée. Dans la lettre à
l'empereur ils demandaient que l'on s'en tînt à la foi de Nicée et que
l'on rejetât les douze anathématismes de saint Cyrille, comme pleins
d'erreur. Ils marquaient dans leur lettre à l'Église d'Antioche ce que
le comte Jean avait fait à Éphèse, l'approbation que l'empereur avait
donnée à la condamnation de Cyrille et de Memnon, et comment ils étaient
l'un et l'autre gardés étroitement. Ils n'y disaient rien de Nestorius,
non plus que dans la lettre qu'ils écrivirent à Acace de Bérée. Mais ils
s'y plaignaient de ce que leurs adversaires répandaient partout des
lettres pour exciter des séditions dans les villes et les provinces.
Intervention de saint
Isidore de Peluse
Cependant saint Isidore de
Peluse, prévenu contre saint Cyrille par diverses lettres, lui en
écrivit une où il le priait de ne porter pas des condamnations
violentes, mais d'examiner les causes avec justice, disant que plusieurs
de ceux qui s'étaient assemblés à Éphèse l'accusaient de venger son
inimitié particulière, plutôt que de chercher sincèrement les intérêts
de Jésus-Christ. Cette prévention ne l'empêcha pas d'écrire à
l'empereur, pour lui représenter que sa présence à Éphèse serait d'une
grande utilité, parce que les jugements qui s'y rendraient seraient sans
reproche. " Mais si vous abandonnez, lui disait-il, les suffrages à une
passion tumultueuse, qui garantira le concile des railleries ? Vous y
apporterez le remède si vous empêchez vos officiers de dogmatiser : car
ils sont bien éloignés de servir leur prince et de prendre en même temps
les intérêts de Dieu. Craignez qu'ils ne fassent périr l'empire par leur
infidélité, en le faisant heurter contre l'Église, qui est la pierre
solide et inébranlable suivant la promesse de Dieu. " Le clergé de
Constantinople adressa aussi à ce prince une requête extrêmement forte
et généreuse, où ils lui disaient : " Si Votre Majesté approuve la
déposition de Cyrille et de Memnon, faite par les schismatiques, nous
sommes prêts à nous exposer tous, avec le courage qui convient à des
chrétiens, aux mêmes périls que ces saints personnages, persuadés que
c'est leur rendre la juste récompense de ce qu'ils ont souffert pour la
foi. Nous vous supplions donc d'appuyer le jugement de ceux qui font le
plus grand nombre, qui ont de leur côté l'autorité des sièges, et qui,
après avoir examiné soigneusement la foi orthodoxe, ont été du même avis
que le saint homme Cyrille. N'exposez pas toute la terre à une confusion
générale, sous prétexte de procurer la paix et d'empêcher la séparation
d'une petite partie de l'Orient, qui ne se séparerait pas si elle
voulait obéir aux canons. Car si le chef du concile œcuménique souffre
cette injure, elle s'étend à tous ceux qui sont de son avis ; il faudra
que tous les évêques du monde soient déposés avec ces saints
personnages, et que le nom d'orthodoxe demeure à Arius et à Eunomius. Ne
souffrez donc pas que l'Église qui vous a nourri soit ainsi déchirée, ni
que l'on voie des martyrs de votre temps ; mais imitez la piété de vos
ancêtres, en obéissant au concile et soutenant ses décrets par vos
ordonnances. " On ne doute point que saint Dalmace n'ait eu part à cette
requête, et on y rapporte une lettre que le concile lui écrivit pour le
remercier. Alypius, curé de l'église des Apôtres, eut part aussi à une
action si généreuse. L'empereur, touché de la constance des évêques du
concile, et ému par la générosité que le clergé de Constantinople venait
de faire paraître pour la défense de la vérité, permit aux évêques des
deux partis d'envoyer des députés pour venir à la cour l'instruire de
vive voix de la vérité des choses. Les sept évêques qui étaient à
Constantinople écrivirent en même temps à ceux du concile pour les
féliciter des souffrances qu'ils enduraient pour la bonne cause. Le
clergé de la même ville lui écrivit encore pour le prier d'ordonner un
évêque à la place de Nestorius, et, quoique cette lettre fût signée de
saint Dalmace, il crut devoir en écrire une particulière, où il
félicitait le concile sur sa victoire contre l'hérésie. La lettre d'Alypius,
prêtre de l'église des Apôtres, était pour saint Cyrille seul. Il y
disait : " Le diacre Candidien, qui vous rendra cette lettre vous dira
tout ce qui se passe ici, avec quelle liberté et quelle hardiesse nous
avons parlé, et tout ce que nous avons fait. " Le concile, ayant reçu
les ordres de l'empereur par le comte Jean, nomma huit députés, savoir,
le prêtre Philippe, légat du pape, et sept évêques ; Arcadius, aussi
légat, Juvénal de Jérusalem, Flavien de Philippes, Firmus de Césarée en
Cappadoce, Théodote d'Ancyre, Acace de Mélitine, et Evoptius de
Ptolémaïde. Dans l'instruction que le concile leur donna, il leur était
défendu de communiquer avec Jean d'Antioche et ceux de son parti ; mais
le concile ajoutait que, si l'empereur les y obligeait ils ne
promettraient de le faire qu'à condition que les Orientaux souscriraient
à la déposition de Nestorius ; qu'ils anathématiseraient sa doctrine ;
qu'il demanderaient pardon au concile par écrit de l'injure qu'ils
avaient faite à ceux qui en étaient présidents, et qu'ils
travailleraient conjointement avec eux députés pour faire mettre en
liberté les saints archevêques Cyrille et Memnon. Le concile leur
déclara encore que s'ils faisaient plus ou moins que ce qui était porté
dans cette instruction, non seulement il les désavouerait, mais qu'il
les priverait encore de sa communion. Cet acte fut signé par Bérinien,
évêque de Perge, et par tous les autres évêques. Il est adressé aux
députés mêmes, à la tête desquels on met le prêtre Philippe, comme
tenant la place du pape saint Célestin. Le concile leur donna aussi des
mémoires à opposer aux prétentions des Orientaux, et une lettre de
créance pour l'empereur, où, après un abrégé de tout ce qui s'était
passé à Éphèse, ils le conjuraient de mettre en liberté Cyrille et
Memnon, et de leur permettre à tous de retourner à leurs églises. Les
députés furent encore chargés sans doute de la réponse du concile aux
sept évêques et à saint Dalmace. Elles avaient pour objet des actions de
grâces de ce qu'ils avaient fait en faveur du concile. On lisait dans
celle qui était pour saint Dalmace : " Nous savons qu'avant que
Nestorius vînt à Constantinople, Dieu vous révéla ce qu'il avait dans le
cœur, et que vous disiez à tous ceux qui venaient à votre cellule :
Prenez garde à vous, mes frères, il est arrivé en cette ville une
méchante bête, qui nuira à beaucoup de gens par sa doctrine. " Les
Orientaux députèrent aussi huit des leurs, Jean d'Antioche, Jean de
Damas, Himérius de Nicomédie, Paul d'Emèse, Maxaire de Laodicée,
Apringius de Chalcide, Théodoret de Cyr, Helladius de Ptolémaïde. Ils
portèrent avec eux un pouvoir absolu d'agir et de parler comme ils le
jugeraient à propos, soit devant l'empereur, soit dans le consistoire,
dans le sénat ou dans un concile, les évêques de leur parti ayant promis
par écrit d'avouer tout ce qu'ils auraient fait, et de souscrire sans
difficulté à tout ce qu'ils leur enverraient à signer. Ils n'exceptèrent
que les anathématismes de saint Cyrille, qu'ils leur défendirent de
recevoir. A cet acte qu'Alexandre d'Hiérapie signa le premier comme
demeurant chef du parti, les Orientaux joignirent une requête à
l'empereur, où, sans parler de Nestorius ni des autres déposés, ils
conjuraient ce prince de veiller à la conservation de la foi, dont ils
le faisaient juge, et d'obliger leurs adversaires à en traiter par écrit
en sa présence. Après le départ de tous ces députés, l'empereur fit
donner ordre à Nestorius de sortir d'Éphèse, lui permettant d'aller où
il lui plairait, hormis à Constantinople. Nestorius, comprenant que cet
ordre l'obligeait de se retirer en son monastère, qui était celui de
Saint-Euprépius près d'Antioche, où il avait été élevé dans sa jeunesse,
prit le parti de s'y retirer. Mais avant de partir, il pria Antiochus,
qui lui avait signifié l'ordre, de lui obtenir de ce prince des lettres
publiques qui condamnassent les douze anathématismes de Cyrille, et qui
pussent être lues dans toutes les églises, de peur que les simples ne
fussent surpris par la lecture de ces anathématismes.
Les députés des deux
partis, arrivés à Chalcédoine sur la fin du mois d'août, reçurent ordre
de s'y arrêter, avec défense d'entrer à Constantinople, de peur d'y
exciter quelque sédition. L'évêque de Chalcédoine, qui était uni aux
catholiques, les reçut avec joie, et leur accorda d'exercer toutes les
fonctions sacerdotales dans les églises de la ville. Il n'en usa pas de
même envers les Orientaux, qui, à Chalcédoine comme à Éphèse, furent
privés de la célébration et de la participation des saints mystères. Ils
ne laissaient pas de s'assembler pour prier. Quelques-uns même faisaient
des discours à ceux de Constantinople qui venaient pour les entendre :
car Nestorius avait encore des partisans dans cette ville. Le bruit de
son exil affligea beaucoup Jean d'Antioche et les autres évêques députés
avec lui. Ils en témoignèrent leur chagrin à ceux de leur parti qui
étaient restés à Éphèse, par une lettre datée du 4 septembre, où ils
leur marquaient en même temps que ce jour-là ils attendaient l'empereur.
Il vint en effet, et donna audience aux deux partis dans le palais de
Rufin. Les uns et les autres présentèrent leurs pièces : on les lut, et
les Orientaux se flattèrent d'abord d'avoir vaincu leurs adversaires.
Ils accusèrent Acace de Mélitine, l'un des députés, d'avoir dit en une
occasion que la divinité était passible. Mais cet évêque n'eut pas de
peine à se justifier, moins encore de répondre à ce qu'objectaient les
Orientaux, que les évêques du concile, ayant célébré après avoir été
excommuniés par eux, et ayant communiqué avec Cyrille depuis qu'il avait
été déposé, s'étaient par là déposés eux-mêmes et privés de l'épiscopat.
Ils protestèrent que si l'on mettait un nouvel évêque à Constantinople,
et qu'il fût ordonné par ceux du concile, ils ne pourraient regarder
cette ordination que comme nulle et illégitime. Les catholiques
supplièrent l'empereur de faire venir saint Cyrille, afin qu'il se
justifiât lui-même ; mais les Orientaux ayant demandé que l'on commençât
par régler la foi, ce prince ordonna que chacun des deux partis fît une
déclaration de sa croyance et la lui mit en main. Les Orientaux dirent
qu'ils n'en avaient point d'autre à donner que celle de Nicée :
l'empereur paraissant satisfait de cette réponse, ils renvoyèrent à
Éphèse la copie de l'exposition de foi qu'ils en avaient apportée,
priant leurs partisans de leur en envoyer deux nouvelles copies
souscrites. Ceux-ci le firent sans difficulté, et écrivirent en même
temps à l'empereur pour le remercier de l'accueil favorable qu'il avait
fait à leurs députés, et le conjurer d'avoir égard au tort qu'il leur
faisait en confirmant la déposition de Nestorius, puisque c'était,
disaient-ils, autoriser les douze anathématismes de Cyrille. Ils
envoyèrent à leurs députés l'exposition de ces anathématismes que saint
Cyrille venait de faire à Éphèse, à la prière du concile. On ne sait
point ce qui se passa à Chalcédoine après la première audience que
Théodose donna aux deux partis : on sait seulement qu'il leur en donna
jusqu'à cinq, et que les Orientaux y parlèrent toujours contre les
anathématismes ; qu'ils protestèrent plusieurs fois, même avec serment,
qu'ils ne communiqueraient jamais avec les évêques unis à saint Cyrille,
jusqu'à ce qu'ils les eussent rejetés ; qu'à l'égard de saint Cyrille et
de Memnon, ils ne voulaient avoir avec eux aucune réconciliation, les
regardant comme chefs d'une hérésie tout à fait impie. Dans une des
audiences, l'empereur ayant trouvé mauvais que les Orientaux tinssent
des assemblées, Théodoret répondit qu'il eût été bon de traiter
également les deux partis, et d'ordonner à l'évêque de Chalcédoine
d'empêcher que ni les uns ni les autres n'en tinssent, jusqu'à ce qu'ils
fussent d'accord. Mais ce prince lui répliqua qu'il ne pouvait pas
donner un tel ordre à un évêque. Sur quoi Théodoret le pria de les
laisser donc aussi faire, et qu'ils auraient bientôt une église et des
assemblées plus nombreuses que leurs adversaires ; et comme il assurait
qu'on n'offrait point le saint sacrifice, et qu'on ne lisait point
l'Écriture dans leurs assemblées, Théodose leur permit de les continuer.
La sainte Vierge est mère de
Dieu
Les Orientaux attendaient
une sixième audience lorsque ce prince retourna à Constantinople, les
laissant à Chalcédoine, avec ordre aux députés catholiques de venir à
Constantinople pour y ordonner un évêque. Les Orientaux s'en plaignirent
dans une requête où ils représentèrent à l'empereur que, si les
partisans de l'hérésie (c'est ainsi qu'ils nommaient les députés
catholiques) ordonnaient un évêque à Constantinople avant que les
contestations sur la foi fussent terminées, il y aurait nécessairement
un schisme dans l'Église qui obligerait ce prince à des violences
contraires à sa modération " Car, disaient-ils, nous et toutes les
provinces d'Orient, de Pont, d'Asie, de Thrace, d'Illyrie, d'Italie, ne
souffriront jamais que l'on reçoive les dogmes de Cyrille. Ils vous ont
même, ajoutaient-ils, envoyé un livre de saint Ambroise contraire à
cette doctrine. " Ils écrivirent en même temps une grande lettre à Rufus
de Thessalonique, pour tâcher de l'attirer à leur parti, en le prévenant
contre le concile, afin qu'il n'ajoutât pas foi à la relation de Flavien
de Philippes, son député à Éphèse. Ils prirent occasion, pour écrire
cette lettre, de celle que Rufus avait écrite à Julien, évêque de
Sardique, pour l'exhorter à défendre le symbole de Nicée, comme
suffisant pour faire connaître la vérité et pour convaincre le mensonge.
Mais Théodose, sans avoir égard à la requête des Orientaux, termina
toutes les affaires par une lettre qu'il écrivit au concile en ces
termes : " Comme nous préférons la paix des Églises à toute autre
affaire, nous avons essayé de vous mettre d'accord, non seulement par
nos officiers, mais par nous-même. Puis donc qu'il n'a pas été possible
de vous réunir, et que vous n'avez pas même voulu entrer en discours sur
les matières contestées, nous avons ordonné que les évêques d'Orient
s'en retournent chacun chez eux à leurs Églises, et que le concile
d'Éphèse soit dissous ; que Cyrille aille à Alexandrie, et que Memnon
demeure à Éphèse. Au reste nous vous déclarons que, tant que nous
vivrons, nous ne pouvons condamner les Orientaux, puisqu'on ne les a
convaincus de rien devant nous, et qu'on n'a pas même voulu entrer en
dispute avec eux. Si vous cherchez donc la paix de bonne foi,
faites-le-nous savoir ; sinon, songez à vous retirer incessamment. " Le
commencement de cette lettre manque. Cotelier l'a le premier donnée en
grec et en latin (Monum.t. I, p. 41). On la trouve en
cette dernière langue dans l'appendice des Conciles de Baluze. Il en
rapporte une autre de Théodose, adressée aussi au concile pour le faire
finir ; mais ce prince, en y permettant aux évêques de s'en retourner à
leurs églises, exceptait de ce congé Cyrille seul et Memnon, qui ont,
disait-il, été autrefois évêques d'Alexandrie et d'Éphèse, et qui sont
déposés de l'épiscopat. Mais il y a apparence que cette lettre ne fut
pas rendue publique ; du moins les Orientaux n'en diront-ils rien dans
leurs relations écrites de Chalcédoine, au lieu qu'ils y reconnaissent
que la lettre de l'empereur, qui rendait saint Cyrille et Memnon à leurs
Églises, fut celle qui fut publiée et mise à exécution. On rapporte au
même temps une petite lettre de Théodose à Acace de Bérée, où il prie
cet évêque de demander à Dieu la réunion de l'Église catholique, à qui
il donne le nom de Romaine, suivant l'usage qui commençait à s'établir,
parce que c'était la foi catholique que professaient les empereurs et
qui dominait dans l'empire romain, au lieu que la plupart des barbares
étaient infectés de l'arianisme. Les Orientaux, qui ne s'attendaient à
rien moins qu'à cet ordre de l'empereur, perdirent toute espérance de
voir réussir leur députation. Néanmoins, comme ce prince paraissait dans
sa lettre être encore plus satisfait de leur conduite que de celle des
évêques du concile, ils crurent lui pouvoir présenter une troisième et
dernière requête, mais plus libre que les précédentes. Ils s'y plaignent
du peu d'égards que l'on avait pour eux après l'obéissance exacte qu'ils
avaient rendue à tout ce qui leur avait été ordonné de la part de ce
prince, et de ce que l'on ruinait la foi pour introduire dans l'Église
l'hérésie d'Apollinaire en rétablissant Cyrille. Ils y demandent ce
qu'ils avaient déjà demandé plusieurs fois, que l'empereur ne permît
point que l'on ajoutât quoi que ce fût à la foi des saints Pères
assemblés à Nicée, et ajoutent : " Si vous ne vous rendez pas à cette
prière, nous secouerons la poussière de nos pieds, et nous crierons avec
saint Paul : Nous sommes innocents de votre sang. " Ensuite ils
écrivirent à ceux de leur parti à Éphèse que, quoique l'empereur leur
eût accordé jusqu'à cinq audiences, ils n'avaient pu réussir dans leurs
desseins ; que leurs adversaires n'avaient voulu entrer en aucune façon
dans la discussion des anathématismes de Cyrille, ni leurs juges les y
obliger, ni entendre parler de Nestorius ; que pour eux ils étaient
résolus à ne recevoir jamais ni Cyrille ni ses anathématismes, et à ne
point communiquer avec les autres, qu'auparavant ils ne rejetassent tout
ce qui avait été ajouté au symbole de Nicée. Ils se plaignent de la
tyrannie des Cyrilliens, qui ont, disent-ils, gagné tout le monde par
séduction, par flatterie et par présents ; en sorte que l'Égyptien
(c'est saint Cyrille) et Memnon demeurent à leurs Églises, tandis que
cet homme innocent (c'est Nestorius) est renvoyé à son monastère. Il est
remarqué au bas de la lettre dans laquelle Théodose accordait à saint
Cyrille la liberté de retourner à Alexandrie, que cet évêque y était
déjà retourné : ce qui revient au reproche que lui fit Acace de Bérée,
de s'être enfui d'Éphèse. Mais si cela eût été vrai, le peuple
d'Alexandrie aurait-il reçu son évêque avec tant de joie et de
magnificence ? On lit dans les actes du concile de Chalcédoine que l'on
rédigea par écrit ce qui avait été décidé à Éphèse touchant la Mère de
Dieu, et que les évêques confirmèrent par leurs souscriptions les
témoignages rendus à la divinité et à l'humanité de Jésus-Christ,
voulant que leur main confessât de même que leur langue l'union des deux
natures en une seule personne. Nous ne lisons rien de semblable dans les
actes du concile d'Éphèse. D'où l'on doit inférer, ou que nous ne les
avons pas entiers, ou que ce qu'en dit le concile de Chalcédoine doit
s'entendre de l'approbation que celui d'Éphèse donna à la doctrine de
saint Cyrille, et de l'anathème qu'il dit à celle de Nestorius. C'était
en effet reconnaître que la sainte Vierge est mère de Dieu, et que les
deux natures sont unies en une seule personne dans Jésus-Christ.
D. Ceill.
Extrait du
Dictionnaire universel et complet des conciles du chanoine
Adolphe-Charles Peltier, publié dans l'Encyclopédie théologique
de l'abbé Jacques-Paul Migne (1847), tomes 13 et 14.
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