Saint
Cyrille d'Alexandrie

père et docteur de l'église catholique - docteur de l'Incarnation
380 - 27 juin 444

 

I - VIE
de Saint Cyrille d'Alexandrie

1. Avant l'épiscopat

Saint Cyrille d' Alexandrie naquit vers 380. Nous ignorons tout de sa jeunesse. Ses oeuvres témoignent de sa culture profane et religieuse.

En 403, Saint Cyrille d' Alexandrie  assiste aux côtés de son oncle, Théophile d'Alexandrie, au concile du Chêne où S. Jean Chrysostome fut condamné. L'histoire nous trace un portrait assez dur de l'évêque Théophile, on le dit ambitieux, autoritaire, intrigant.

2. L'épiscopat (412-444)

Première période : de 412 à 428

Le 17 octobre 412, Saint Cyrille d' Alexandrie  succède à son oncle Théophile sur le siège patriarcal d'Alexandrie. Il sera évêque trente-deux ans. Saint Cyrille d' Alexandrie  laissera à la postérité une oeuvre théologique immense et de grande valeur.

Dès l'abord, Saint Cyrille d' Alexandrie  se montre intransigeant comme le fut son oncle. Il témoigne certes d'un zèle pastoral remarquable dont ses oeuvres exégétiques sont l'écho, mais Saint Cyrille d' Alexandrie se dépense par tous les moyens pour la sauvegarde de la vérité : il lutte contre les novatiens schismatiques,  il lutte contre les Juifs qu'il chasse d'Égypte, Saint Cyrille d' Alexandrie  lutte contre les païens : serait-il vraiment responsable d'un meurtre odieux et cruel, celui d'Hypatia, célèbre philosophe platonicienne, qui fut sauvagement assassinée en 415 par une bande de chrétiens conduite par un clerc?

Il n'est pas sans intérêt de lire dès l'abord le jugement de Newman qui connaissait si bien la période patristique :

Cyrille, je le sais, est un saint. Il ne s'ensuit pas qu'il l'était en 412. Je parle selon l'histoire... Je ne pense pas que Cyrille lui même aimerait que ses actions historiques fussent prises comme la mesure de sa sainteté, et il n'est pas honnête de donner une entorse à l'histoire pour servir quelque théorie gratuite. Théologiquement, il est grand et, à cet égard, les catholiques de toutes les époques lui ont été très redevables
Esquisses Patristiques, Paris, 1962, p.448

Sur le plan théologique, Saint Cyrille d' Alexandrie  poursuit la lutte antiarienne il insista donc sur la divinité du Christ, Verbe incarné. Héritier direct de la pensée d'Athanase (+373), Saint Cyrille d' Alexandrie  aima toujours s'en proclamer le disciple.

Deuxième période : la lutte contre Nestorius (428-444)

En 428, Nestorius devint évêque de Constantinople, capitale de l'empire. La faveur de l'empereur Théodose II l'appelait à ce siège. Ce prêtre d'Antioche, prédicateur de renom, était le disciple du plus grand exégète de l'école d'Antioche, Théodore de Mopsueste, dont la préoccupation majeure fut d'affirmer dans son enseignement l'humanité du Christ " afin que soit assumé ce qui doit être sauvé ".

Nestorius s'empressa de diffuser à Constantinople les conclusions les plus hardies de l'école d'Antioche sur la distinction de la nature humaine et de la nature divine dans le Christ. Marie a enfanté un homme et, par conséquent, Nestorius refusait de lui donner son titre traditionnel de Mère de Dieu, Theotokos.  Il choisissait de lui substituer celui de Christotokos, Mère du Christ.

Entre Saint Cyrille d' Alexandrie  et Nestorius, la lutte doctrinale allait s'engager. Dans cet affrontement théologique, deux cités rivales combattaient : Alexandrie et Constantinople, deux écoles aux tendances opposées mais complémentaires aggravaient leurs divisions : Alexandrie et Antioche. La lutte serait complexe : politico-religieuse, c'est vrai, mais cependant il faut tenir que Saint Cyrille d' Alexandrie  sauva l'orthodoxie et combattit pour la foi. Toujours, Saint Cyrille d' Alexandrie  eut conscience du point de départ de cette lutte longue et mouvementée :

Ignore-t-on le point de départ de toute cette dispute sur la foi ? Elle n'a été engagée que parce que c'était notre ferme conviction que la sainte Vierge est Mère de Dieu.
Dialogue sur la Trinité, PG 75, 940 A

Dès 429, Saint Cyrille d' Alexandrie  proteste donc dans son homélie pascale, il évite encore de nommer Nestorius :

Ce n'est pas un homme ordinaire que Marie a enfanté, c'est le Fils de Dieu fait homme ; elle est donc bien mère du Seigneur et mère de Dieu.
Homélie 17, PG 77, 776

Peu de temps après, dans une longue lettre dogmatique, Saint Cyrille d' Alexandrie  y revient encore :

Faut-il appeler Marie Theotokos ? Sans aucun doute, puisqu'elle a conçu et enfanté le Dieu Verbe fait homme. Ce mot est traditionnel, tous les Pères orthodoxes d'Orient et d'Occident l'ont accepté.
Lettre aux moines d'Égypte, PG 77, 16

Saint Cyrille d' Alexandrie  écrit ensuite directement à Nestorius qui répond avec dédain à celui qu'il appelle " l'Egyptien " ; de part et d'autre, les deux théologiens en conflit s'adressèrent à Rome.

En août 430, dans un concile romain, le pape Célestin I condamna Nestorius et il chargea Saint Cyrille d'Alexandrie  de lui notifier la sentence et de s'efforcer d'obtenir la rétractation des thèses hérétiques.

Saint Cyrille d' Alexandrie  réunit les évêques d'Égypte et  rédigea au mois de novembre une Lettre synodale contre Nestorius qui se terminait par les douze anathématismes [voit texte dans Dictionnaire de Théologie Catholique, article Cyrille d'Alexandrie, col. 2509-2511] rédigés dans la terminologie de l'école théologique d'Alexandrie. Nestorius était, sous peine d'excommunication, sommé d'y souscrire. A travers Nestorius, Antioche se sentait menacée et la rupture entre les Eglises semblait inévitable. L'empereur Théodose II, très hostile à saint Cyrille d' Alexandrie,  convoqua un concile général à Ephèse en 431.

En ce troisième concile oecuménique la doctrine de Nestorius fut condamnée. La décision fut prise rapidement dès la première session. L'affaire devait rebondir, les évêques syriens arrivèrent avec cinq jours de retard et protestèrent :

Cyrille est bien le neveu de Théophile ! Il l'imite dans ses manières de voir et dans ses procédés. L'un a déchaîné sa fureur contre Jean (Chrysostome), le porte-parole de Dieu; celui-ci, malgré la grande différence qui sépare les deux accusés, cherche à se faire un nom...

Actes du Concile

Jean d'Antioche et les évêques syriens lancèrent l'excommunication contre saint Cyrille d' Alexandrie  qui fut emprisonné par ordre de Théodose : les adversaires étaient tous deux déposés de leurs fonctions ! Cependant, les négociations se poursuivirent, saint Cyrille d' Alexandrie  fut remis en liberté après trois mois ; en 433 l'union se fit entre les Orientaux qui anathématisèrent la doctrine de Nestorius et l'Église d'Alexandrie. Saint Cyrille d' Alexandrie avait renoncé à exiger une reconnaissance signée des Anathématismes dont le texte fut toujours discuté, les deux partis acceptaient la formule d'un symbole d'union :

Nous confessons... Notre Seigneur Jésus-Christ le Fils unique de Dieu, Dieu parfait et homme parfait... engendré avant les siècles par son Père selon la divinité, et dans les derniers jours, le même à cause de nous et pour notre salut, engendré de la Vierge Marie selon l'humanité ; le même consubstantiel au Père par sa divinité et consubstantiel à nous par son humanité. Car l'union des deux natures a eu lieu ; et c'est pourquoi nous confessons un seul Christ, un seul Fils, un seul Seigneur. Dans cette même pensée de l'union sans mélange, nous confessons la sainte Vierge, Mère de Dieu parce que le Dieu Logos s'est incarné.
PG 77, 176-177 29

Les discussions se poursuivirent : saint Cyrille d' Alexandrie était suspect encore parmi certains Orientaux qui l'accusaient d'apollinarisme. A la suite dApollinaire ( + après 390), les apollinaristes défendaient à un tel point la divinité du Christ qu'ils mutilaient l'intégrité de sa nature humaine : selon eux, la divinité du Christ lui tenait lieu d'âme raisonnable. D'autre part, les alexandrins reprochaient à saint Cyrille d' Alexandrie d'avoir renié la doctrine des Anathématismes. Saint Cyrille d' Alexandrie s'attacha donc à défendre sa doctrine aussi bien dans les dernières années de sa vie qu'au coeur même de la lutte contre Nestorius. Saint Cyrille d' Alexandrie mourut en l'an 444, le 27 juin.

II - ŒUVRES
de Saint Cyrille d'Alexandrie

L'oeuvre littéraire de Saint Cyrille d'Alexandrie est immense :  dix volumes de la patrologie grecque de l 'abbé Migne. Ses oeuvres sont exégétiques, dogmatiques ou polémiques. Nous ne citons que les titres principaux.

1. Avant la controverse nestorienne

L'adoration et le culte de Dieu en esprit et en vérité

Saint Cyrille d'Alexandrie commente un ensemble de textes du Pentateuque selon la méthode allégorique alexandrine,
Saint Cyrille d'Alexandrie  montre que l'Ancien Testament prépare et préfigure le Nouveau.

Les Glaphyres (le mot signifie : élégants commentaires)
Ces treize livres sont la suite directe des dix-sept livres de l'ouvrage précédent.

Le Commentaire sur Isaïe et le Commentaire sur les douze petits prophètes

Le Commentaire sur l'évangile de saint Jean
Grand ouvrage dogmatique. Le souci de réfuter les erreurs y est très perceptible, l'ouvrage se situe cependant avant la grande controverse. Il contient d'admirables développements sur l'Eucharistie. Nous citons quelques extraits de cette oeuvre importante:

L'incarnation déificatrice :

Tous nous étions dans le Christ, c'est la commune personne de l'humanité qui se reforme en lui, le Logos a habité en tous par un seul : un seul ayant été constitué Fils de Dieu en puissance selon l'Esprit de sainteté, cette dignité se communique à tout le genre humain.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. 1, PG 73, 161 C

Il est faux que nous ne puissions être un avec Dieu que par un accord de volonté. Car au-dessus de cette union, il en est une autre plus sublime et de beaucoup supérieure qui s'opère par une communication de la divinité à l'homme, lequel, tout en conservant sa propre nature, est transformé pour ainsi dire en Dieu, de même que le fer plongé dans le feu devient igniforme, et tout en demeurant du fer semble changé en feu.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean.  PG 74, 5 5 3

La participation du Saint-Esprit :

Il n'y a d'union avec Dieu que par la participation du Saint Esprit, nous infusant la sainteté de sa propre nature, remodelant les âmes humaines en sa propre vie, il leur imprime une ressemblance divine et sculpte en elles l'effigie de cette substance qui est la plus parfaite des substances.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. , PG 74, 5 53

L'Eucharistie nous fait participer au corps vivifiant du Ressuscité :

Parce que le Christ vient en nous par sa chair, nous ressusciterons vraiment. Il serait incroyable ou plutôt impossible que la vie ne vivifiât pas ceux dans lesquels elle vient. De même qu'on recouvre une étincelle de beaucoup de paille pour conserver la semence du feu ; de même en nous Notre Seigneur Jésus-Christ, par la chair, cache la vie au fond de notre être ;il la dépose comme un germe d'immortalité qui doit consumer toute la corruption qui est en nous.
Commentaire sur l'évangile de saint Jean. , 4, 2, PG 73, 581

Sur la sainte et consubstantielle Trinité

Saint Cyrille d'Alexandrie  écrit deux ouvrages polémiques sur ce sujet, il y réfute les objections des ariens.
 

2. La controverse nestorienne

Toutes les oeuvres de saint Cyrille d'Alexandrie , à partir de 428, sont consacrées à l'étude des problèmes christologiques.

Parmi toute une suite d'écrits polémiques, citons

- Contre les blasphèmes de Nestorius (vers 430)

- Sur la foi orthodoxe, à l'empereur

- Sur la foi orthodoxe, aux princesses et aux reines.

L'ouvrage s'adresse aux soeurs de l'empereur et à l'impératrice Eudoxie.

- Les douze anathématismes (430)

- Une explication et deux apologies des douze anathématismes.

3. Les dernières années

- Contre les livres de l'athée Julien (de 433 à 44 1)

De ces trente livres d'apologétique chrétienne, nous n'avons conservé que les dix premiers.

Citons encore les Lettres pascales, 29 nous sont parvenues sous le nom d'Homélies pascales :

L'Esprit nous rend parfaitement conformes au Christ, par sa vertu sanctifiante. Il est en effet en quelque sorte la forme (la parfaite ressemblance) du Christ notre Sauveur, et fi inprim- en nous par lui-même la divine ressemblance.
Hom. pasc. 10

III - LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE
de Saint Cyrille d'Alexandrie

Saint Cyrille d'Alexandrie est le théologien de l'unité de la personne du Christ: dans le Verbe incarné, il reconnaît deux natures distinctes mais unies. Marie est la Mère d'une personne divine, car le Verbe incarné est la deuxième personne de la sainte Trinité.

Parce que l'école d'Antioche mettait l'accent sur la parfaite humanité du Sauveur,
elle fut amenée à souligner la distinction des deux natures humaine et divine ;
parce que l'école d'Alexandrie mettait l'accent sur la divinité du Sauveur,
elle fut amenée à souligner l'unité des deux natures.

On accusa Saint Cyrille d'Alexandrie d'avoir consenti des concessions aux nestoriens et d'avoir varié dans ses positions dogmatiques : mais la pensée du théologien fut toujours de rejeter la division, la dualité des natures. On a parlé très justement de " fermeté de pensée et de souplesse d'expression ". Le vocabulaire technique de la christologie se cherchait encore, il ne sera vraiment fixé qu'au concile de Chalcédoine (451).

La doctrine de Nestorius était vraiment dangereuse : entre l'homme Jésus et le Verbe, il ne voyait qu'une conjonction morale, le concile d'Éphèse insista, selon la pensée de Saint Cyrille d'Alexandrie , sur l'unité divino-humaine du Christ.

Hélas, après la mort de Saint Cyrille d'Alexandrie, les monophysites se réclamèrent de son patronage. Certaines expressions très fortes de Saint Cyrille d'Alexandrie, sorties du contexte de sa pensée, pouvaient être interprétées dans ce sens. La terminologie de Saint Cyrille d'Alexandrie n'était pas toujours claire pour tous. Le risque de mutiler l'humanité n'était pas illusoire ; Saint Cyrille d'Alexandrie  qui aimait de se référer à saint Athanase cite souvent cette parole qu'il pensait à tort être de lui : " l'unique nature du Verbe fait chair ". En fait, cette parole était précisément d'Apollinaire, jugé à juste titre hérétique parce u'il disait que le Verbe remplaçait dans le Christ l'esprit humain. Saint Cyrille d'Alexandrie parle souvent de la distinction des deux natures, il parle tout autant de leur unité : il s'agit toujours dans sa pensée d'une union sans confusion. Deux textes feront saisir à la fois le flottement terminologique et la fermeté de la pensée :

Le Verbe s'est fait chair, comme dit Jean le Théologien. Alors se sont mêlées pour ne faire qu'une, d'une manière aussi inexplicable qu'inconnaissable, la nature divine qui vivifie et la nature humaine qui est terrestre. Nous comprenons de ce fait que des deux natures, un seul Emmanuel soit apparu, qui n'est point sorti des limites de sa divinité à cause de la chair qu'il avait revêtue, de même qu'il n'a pas repoussé notre ressemblance en y faisant naître sa bonté essentielle.
Homélie pascale 18, PG 77, 802 -820

Malgré la diversité des natures qui sont réunies dans une véritable unité, il n'y a qu'un unique Christ et Fils. La différence des natures n'est pas éliminée par l'unité, mais au contraire ce sont la divinité et l'humanité qui constituent l'unique Seigneur Jésus-Christ, par un concours mystérieux et indicible.
Lettre 4, PG 77, 45 B

CONCLUSION
sur Saint Cyrille d'Alexandrie

Saint Cyrille d'Alexandrie fut proclamé Docteur de l'Église par Léon XIII. l'Église reconnaît en lui le Docteur de l'Incarnation. Saint Cyrille d'Alexandrie  est le plus grand successeur d'Athanase sur le siège d'Alexandrie et sa maîtrise théologique est remarquable.

Saint Cyrille d'Alexandrie est  penseur systématique et théologien de la vie spirituelle, il sut tirer les conclusions du dogme. Jamais le dogme ne fut pour Saint Cyrille d'Alexandrie  une abstraction, l'Incarnation dont Saint Cyrille d'Alexandrie  parlait sans cesse atteignait l'humanité entière, elle est divinisatrice et vivificatrice. L'union de l'humanité au Christ est réelle, physique : par le corps du Christ reçu dans l'Eucharistie, les chrétiens deviennent concorporels avec lui et entre eux.

Anastase le Sinaïte (+ peu après 700) remarqua comment Saint Cyrille d'Alexandrie  avait recueilli tout l'héritage de la tradition patristique dans l'élaboration de sa doctrine trinitaire et il l'appela pour ce motif « le sceau des Pères ». Il clôt en quelque sorte l'époque de la patristique dans le monde grec.

Le contact avec la pensée de saint Cyrille d'Alexandrie renouvelle en nous la conviction de l'importance vitale du dogme :

l'Église reste redevable à saint Cyrille d'Alexandrie  de la fermeté d'une doctrine christologique que les siècles ultérieurs fixeraient en un vocabulaire moins fluent.

SOURCE : http://jesusmarie.free.fr/