1. L 'Église vit
de l'Eucharistie (Ecclesia de Eucharistia vivit). Cette
vérité n'exprime pas seulement une expérience quotidienne de foi,
mais elle comporte en synthèse le cœur du mystère de l'Église.
Dans la joie, elle fait l'expérience, sous de multiples formes,
de la continuelle réalisation de la promesse : « Et moi, je suis
avec vous tous les jours jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,
20). Mais, dans l'Eucharistie, par la transformation du pain et du
vin en corps et sang du Seigneur, elle jouit de cette présence avec
une intensité unique. Depuis que, à la Pentecôte, l'Église, peuple
de la Nouvelle Alliance, a commencé son pèlerinage vers la patrie
céleste, le divin Sacrement a continué à marquer ses journées, les
remplissant d'espérance confiante. À juste titre, le Concile Vatican
II a proclamé que le Sacrifice eucharistique est « source et sommet
de toute la vie chrétienne »
. « La très sainte
Eucharistie contient en effet l'ensemble des biens spirituels de
l'Église, à savoir le Christ lui-même, notre Pâque, le pain vivant,
qui par sa chair, vivifiée par l'Esprit Saint et vivifiante, procure
la vie aux hommes »
. C'est pourquoi l'Église a
le regard constamment fixé sur son Seigneur, présent dans le
Sacrement de l'autel, dans lequel elle découvre la pleine
manifestation de son immense amour.
2. Au cours du grand
Jubilé de l'An 2000, il m'a été donné de célébrer l'Eucharistie au
Cénacle, à Jérusalem, là où, selon la tradition, elle a été
accomplie pour la première fois par le Christ lui- même. Le
Cénacle est le lieu de l'institution de ce très saint Sacrement.
C'est là que le Christ prit le pain dans ses mains, qu'il le rompit
et le donna à ses disciples en disant : « Prenez et mangez-en tous:
ceci est mon corps, livré pour vous » (cf. Mt 26, 26 ; Lc
22, 19 ; 1 Co 11, 24). Puis il prit dans ses mains le
calice du vin et il leur dit: « Prenez et buvez-en tous, car ceci
est la coupe de mon sang, le sang de l'Alliance nouvelle et
éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en
rémission des péchés » (cf. Mc 14, 24 ; Lc 22, 20 ;
1 Co 11, 25). Je rends grâce au Seigneur Jésus de m'avoir permis
de redire au même endroit, dans l'obéissance à son commandement
« Vous ferez cela en mémoire de moi » (Lc 22, 19), les
paroles qu'il a prononcées il y a deux mille ans. Les Apôtres qui
ont pris part à la dernière Cène ont-ils compris le sens des paroles
sorties de la bouche du Christ ? Peut-être pas. Ces paroles ne
devaient se clarifier pleinement qu'à la fin du Triduum pascal,
c'est-à-dire de la période qui va du Jeudi soir au Dimanche matin.
C'est dans ces jours-là que s'inscrit le mysterium paschale ;
c'est en eux aussi que s'inscrit le mysterium eucharisticum.
3. L'Église naît du
mystère pascal. C'est précisément pour cela que l'Eucharistie,
sacrement par excellence du mystère pascal, a sa place au centre
de la vie ecclésiale. On le voit bien dès les premières images
de l'Église que nous donnent les Actes des Apôtres: « Ils étaient
fidèles à écouter l'enseignement des Apôtres et à vivre en communion
fraternelle, à rompre le pain et à participer aux prières » (2, 42).
L'Eucharistie est évoquée dans la « fraction du pain ». Deux mille
ans plus tard, nous continuons à réaliser cette image primitive de
l'Église. Et tandis que nous le faisons dans la célébration de
l'Eucharistie, les yeux de l'âme se reportent au Triduum pascal, à
ce qui se passa le soir du Jeudi saint, pendant la dernière Cène, et
après elle. En effet, l'institution de l'Eucharistie anticipait
sacramentellement les événements qui devaient se réaliser peu après,
à partir de l'agonie à Gethsémani. Nous revoyons Jésus qui sort du
Cénacle, qui descend avec ses disciples pour traverser le torrent du
Cédron et aller au Jardin des Oliviers. Dans ce Jardin, il y a
encore aujourd'hui quelques oliviers très anciens. Peut-être ont-ils
été témoins de ce qui advint sous leur ombre ce soir-là, lorsque le
Christ en prière ressentit une angoisse mortelle et que « sa sueur
devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu'à terre » (Lc
22, 44). Son sang, qu'il avait donné à l'Église peu auparavant
comme boisson de salut dans le Sacrement de l'Eucharistie,
commençait à être versé. Son effusion devait s'achever sur le
Golgotha, devenant l'instrument de notre rédemption: « Le Christ...,
grand prêtre des biens à venir..., entra une fois pour toutes dans
le sanctuaire, non pas avec du sang de boucs et de jeunes taureaux,
mais avec son propre sang, nous ayant acquis une rédemption
éternelle » (He 9, 11-12).
4. L'heure de notre
rédemption. Bien qu'il soit profondément éprouvé, Jésus ne se
dérobe pas face à son « heure »: « Que puis-je dire? Dirai-je: Père,
délivre-moi de cette heure? Mais non! C'est pour cela que je suis
parvenu à cette heure-ci! » (Jn 12, 27). Il désire que les
disciples lui tiennent compagnie, et il doit au contraire faire
l'expérience de la solitude et de l'abandon: « Ainsi, vous n'avez
pas eu la force de veiller une heure avec moi? Veillez et priez,
pour ne pas entrer en tentation » (Mt 26, 40-41). Seul Jean
restera au pied de la Croix, à côté de Marie et des pieuses femmes.
L'agonie à Gethsémani a été l'introduction de l'agonie sur la Croix
le Vendredi saint. L'heure sainte, l'heure de la rédemption
du monde. Quand on célèbre l'Eucharistie près de la tombe de Jésus,
à Jérusalem, on revient d'une manière quasi tangible à son
« heure », l'heure de la Croix et de la glorification. Tout prêtre
qui célèbre la Messe revient en esprit, en même temps que la
communauté chrétienne qui y participe, à ce lieu et à cette
heure. « Il a été crucifié, est mort et a été enseveli, est
descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts ».Aux
paroles de la profession de foi font écho les paroles de la
contemplation et de la proclamation: « Ecce lignum crucis in quo
salus mundi pependit. Venite adoremus ». Telle est l'invitation
que l'Église adresse à tous l'après-midi du Vendredi saint. Elle
continuera à chanter ensuite durant le temps pascal en proclamant :
« Surrexit Dominus de sepulcro qui pro nobis pependit in ligno.
Alleluia ».
5. « Mysterium fidei
– Mystère de la foi ! » Quand le prêtre prononce ou chante ces
paroles, les fidèles disent l'acclamation: « Nous proclamons ta
mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons
ta venue dans la gloire ». Par ces paroles, ou par d'autres
semblables, l'Église désigne le Christ dans le mystère de sa
Passion, et elle révèle aussi son propre mystère: Ecclesia de
Eucharistia. Si c'est par le don de l'Esprit Saint à la
Pentecôte que l'Église vient au jour et se met en route sur les
chemins du monde, il est certain que l'institution de l'Eucharistie
au Cénacle est un moment décisif de sa constitution. Son fondement
et sa source, c'est tout le Triduum pascal, mais celui-ci est
comme contenu, anticipé et « concentré » pour toujours dans le don
de l'Eucharistie. Dans ce don, Jésus Christ confiait à l'Église
l'actualisation permanente du mystère pascal. Par ce don, il
instituait une mystérieuse « contemporanéité » entre le Triduum
et le cours des siècles. Penser à cela fait naître en nous des
sentiments de grande et reconnaissante admiration. Dans l'événement
pascal et dans l'Eucharistie qui l'actualise au cours des siècles,
il y a un « contenu » vraiment énorme, dans lequel est présente
toute l'histoire en tant que destinataire de la grâce de la
rédemption. Cette admiration doit toujours pénétrer l'Église qui se
recueille dans la Célébration eucharistique. Mais elle doit
accompagner surtout le ministre de l'Eucharistie. C'est lui en effet
qui, en vertu de la faculté qui lui a été conférée par le sacrement
de l'ordination sacerdotale, effectue la consécration. C'est lui qui
prononce, avec la puissance qui lui vient du Christ du Cénacle, les
paroles: « Ceci est mon corps, livré pour vous... Ceci est la coupe
de mon sang versé pour vous... » Le prêtre prononce ces paroles, ou
plutôt il met sa bouche et sa voix à la disposition de Celui qui
a prononcé ces paroles au Cénacle et qui a voulu qu'elles soient
répétées de génération en génération par tous ceux qui, dans
l'Église, participent ministériellement à son sacerdoce.
6. Par la
présente encyclique, je voudrais raviver cette « admiration »
eucharistique, dans la ligne de l'héritage du Jubilé que j'ai voulu
laisser à l'Église par la lettre apostolique Novo millennio
ineunte et par son couronnement marial Rosarium Virginis
Mariæ. Contempler le visage du Christ, et le contempler avec
Marie, voilà le « programme » que j'ai indiqué à l'Église à l'aube
du troisième millénaire, l'invitant à avancer au large sur l'océan
de l'histoire avec l'enthousiasme de la nouvelle évangélisation.
Contempler le Christ exige que l'on sache le reconnaître partout où
il se manifeste, dans la multiplicité de ses modes de présence, mais
surtout dans le Sacrement vivant de son corps et de son sang.
L'Église vit du Christ eucharistique, par lui elle est nourrie,
par lui elle est illuminée. L'Eucharistie est un mystère de foi, et
en même temps un « mystère lumineux »
.
7. Depuis que
j'ai commencé mon ministère de Successeur de Pierre, j'ai toujours
voulu donner au Jeudi saint, jour de l'Eucharistie et du sacerdoce,
un signe d'attention particulière en envoyant une lettre à tous les
prêtres du monde. Cette année, la vingt-cinquième de mon pontificat,
je voudrais entraîner plus pleinement l'ensemble de l'Église dans
cette réflexion eucharistique, et cela également pour remercier le
Seigneur du don de l'Eucharistie et du sacerdoce: « Don et mystère »
. Si, en proclamant l'Année
du Rosaire, j'ai voulu placer cette vingt-cinquième année sous le
signe de la contemplation du Christ à l'école de Marie, je ne
puis laisser passer ce Jeudi saint 2003 sans m'arrêter devant le
« visage eucharistique » du Christ, montrant plus fortement encore à
l'Église la place centrale de l'Eucharistie. C'est d'elle que vit
l'Église. C'est de ce « pain vivant » qu'elle se nourrit. Comment ne
pas ressentir le besoin d'exhorter tout le monde à en faire
constamment une expérience renouvelée ?
8. Quand je pense à
l'Eucharistie, tout en regardant ma vie de prêtre, d'évêque, de
Successeur de Pierre, je me rappelle spontanément les nombreux
moments et lieux où il m'a été donné de la célébrer. Je me souviens
de l'église paroissiale de Niegowić, où j'ai exercé ma première
charge pastorale, de la collégiale Saint-Florian à Cracovie, de la
cathédrale du Wawel, de la basilique Saint-Pierre et des nombreuses
basiliques et églises de Rome et du monde entier. J'ai pu célébrer
la Messe dans des chapelles situées sur des sentiers de montagne, au
bord des lacs, sur les rives de la mer; je l'ai célébrée sur des
autels bâtis dans les stades, sur les places des villes... Ces
cadres si divers de mes Célébrations eucharistiques me font
fortement ressentir leur caractère universel et pour ainsi dire
cosmique. Oui, cosmique! Car, même lorsqu'elle est célébrée sur un
petit autel d'une église de campagne, l'Eucharistie est toujours
célébrée, en un sens, sur l'autel du monde. Elle est un lien
entre le ciel et la terre. Elle englobe et elle imprègne toute la
création. Le Fils de Dieu s'est fait homme pour restituer toute la
création, dans un acte suprême de louange, à Celui qui l'a tirée du
néant. C'est ainsi que lui, le prêtre souverain et éternel, entrant
grâce au sang de sa Croix dans le sanctuaire éternel, restitue toute
la création rachetée au Créateur et Père. Il le fait par le
ministère sacerdotal de l'Église, à la gloire de la Trinité sainte.
C'est vraiment là le mysterium fidei qui se réalise dans
l'Eucharistie: le monde, sorti des mains de Dieu créateur, retourne
à lui après avoir été racheté par le Christ.
9. L'Eucharistie,
présence salvifique de Jésus dans la communauté des fidèles et
nourriture spirituelle pour elle, est ce que l'Église peut avoir de
plus précieux dans sa marche au long de l'histoire. Ainsi s'explique
l'attention empressée qu'elle a toujours réservée au Mystère
eucharistique, attention qui ressort de manière autorisée dans
l'œuvre des Conciles et des Souverains Pontifes. Comment ne pas
admirer les exposés doctrinaux des décrets sur la sainte Eucharistie
et sur le saint Sacrifice de la Messe promulgués par le Concile de
Trente? Au cours des siècles qui ont suivi, ces pages ont guidé la
théologie aussi bien que la catéchèse, et elles sont encore une
référence dogmatique pour le renouveau continuel et pour la
croissance du peuple de Dieu dans la foi et l'amour envers
l'Eucharistie. À une époque plus proche de nous, il faut mentionner
trois encycliques : Miræ caritatis de Léon XIII (28 mai 1902)
, Mediator Dei de
Pie XII (20 novembre 1947)
et Mysterium fidei
de Paul VI (3 septembre 1965)
. Le Concile Vatican II n'a
pas publié de document spécifique sur le Mystère eucharistique, mais
il en a illustré les divers aspects dans l'ensemble de ses
documents, spécialement dans la constitution dogmatique sur l'Église
Lumen gentium et dans la constitution sur la sainte Liturgie
Sacrosanctum concilium. Moi-même, dans les premières années de
mon ministère apostolique sur la Chaire de Pierre, par la lettre
apostolique Dominicæ cenæ (24 février 1980)
, j'ai eu l'occasion de
traiter certains aspects du Mystère eucharistique et de son
incidence dans la vie de ceux qui en sont les ministres. Je reviens
aujourd'hui sur ce sujet, avec un cœur encore plus rempli d'émotion
et de gratitude, faisant en quelque sorte écho à la parole du
psalmiste: « Comment rendrai-je au Seigneur tout le bien qu'il m'a
fait ? J'élèverai la coupe du salut, j'invoquerai le nom du
Seigneur » (Ps 116 [114-115], 12-13).
10. Une croissance
intérieure de la communauté chrétienne a répondu à ce souci
d'annonce de la part du Magistère. Il n'y a pas de doute que la
réforme liturgique du Concile a produit de grands bénéfices de
participation plus consciente, plus active et plus fructueuse des
fidèles au saint Sacrifice de l'autel. Par ailleurs, dans beaucoup
d'endroits, l'adoration du Saint-Sacrement a une large place
chaque jour et devient source inépuisable de sainteté. La pieuse
participation des fidèles à la procession du Saint-Sacrement lors de
la solennité du Corps et du Sang du Christ est une grâce du Seigneur
qui remplit de joie chaque année ceux qui y participent. On pourrait
mentionner ici d'autres signes positifs de foi et d'amour
eucharistiques. Malheureusement, à côté de ces lumières, les
ombres ne manquent pas. Il y a en effet des lieux où l'on note
un abandon presque complet du culte de l'adoration eucharistique. À
cela s'ajoutent, dans tel ou tel contexte ecclésial, des abus qui
contribuent à obscurcir la foi droite et la doctrine catholique
concernant cet admirable Sacrement. Parfois se fait jour une
compréhension très réductrice du Mystère eucharistique. Privé de sa
valeur sacrificielle, il est vécu comme s'il n'allait pas au-delà du
sens et de la valeur d'une rencontre conviviale et fraternelle. De
plus, la nécessité du sacerdoce ministériel, qui s'appuie sur la
succession apostolique, est parfois obscurcie, et le caractère
sacramentel de l'Eucharistie est réduit à la seule efficacité de
l'annonce. D'où, ici ou là, des initiatives œcuméniques qui, bien
que suscitées par une intention généreuse, se laissent aller à des
pratiques eucharistiques contraires à la discipline dans laquelle
l'Église exprime sa foi. Comment ne pas manifester une profonde
souffrance face à tout cela ? L'Eucharistie est un don trop grand
pour pouvoir supporter des ambiguïtés et des réductions. J'espère
que la présente encyclique pourra contribuer efficacement à dissiper
les ombres sur le plan doctrinal et les manières de faire
inacceptables, afin que l'Eucharistie continue à resplendir dans
toute la magnificence de son mystère.
11. « La nuit
même où il était livré, le Seigneur Jésus » (1 Co 11, 23)
institua le Sacrifice eucharistique de son Corps et de son Sang. Les
paroles de l'Apôtre Paul nous ramènent aux circonstances dramatiques
dans lesquelles est née l'Eucharistie, qui est marquée de manière
indélébile par l'événement de la passion et de la mort du Seigneur.
Elle n'en constitue pas seulement l'évocation, mais encore la
re-présentation sacramentelle. C'est le sacrifice de la Croix qui se
perpétue au long des siècles
. On trouve une bonne
expression de cette vérité dans les paroles par les quelles, dans le
rite latin, le peuple répond à la proclamation du « mystère de la
foi » faite par le prêtre: « Nous proclamons ta mort, Seigneur
Jésus ». L'Église a reçu l'Eucharistie du Christ son Seigneur
non comme un don, pour précieux qu'il soit parmi bien d'autres, mais
comme le don par excellence, car il est le don de lui-même,
de sa personne dans sa sainte humanité, et de son œuvre de salut.
Celle-ci ne reste pas enfermée dans le passé, puisque « tout ce que
le Christ est, et tout ce qu'il a fait et souffert pour tous les
hommes, participe de l'éternité divine et surplombe ainsi tous les
temps... »
. Quand l'Église célèbre
l'Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son
Seigneur, cet événement central du salut est rendu réellement
présent et ainsi « s'opère l'œuvre de notre rédemption »
. Ce sacrifice est
tellement décisif pour le salut du genre humain que Jésus Christ ne
l'a accompli et n'est retourné vers le Père qu'après nous avoir
laissé le moyen d'y participer comme si nous y avions été
présents. Tout fidèle peut ainsi y prendre part et en goûter les
fruits d'une manière inépuisable. Telle est la foi dont les
générations chrétiennes ont vécu au long des siècles. Cette foi, le
Magistère de l'Église l'a continuellement rappelée avec une joyeuse
gratitude pour ce don inestimable
. Je désire encore une fois
redire cette vérité, en me mettant avec vous, chers frères et sœurs,
en adoration devant ce Mystère: Mystère immense, Mystère de
miséricorde. Qu'est-ce que Jésus pouvait faire de plus pour nous?
Dans l'Eucharistie, il nous montre vraiment un amour qui va
« jusqu'au bout » (cf. Jn 13, 1), un amour qui ne connaît pas
de mesure.
12. Cet aspect de
charité universelle du Sacrement eucharistique est fondé sur les
paroles mêmes du Sauveur. En l'instituant, Jésus ne se contenta pas
de dire « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang », mais il
ajouta « livré pour vous » et « répandu pour la multitude » (Lc
22, 19-20). Il n'affirma pas seulement que ce qu'il leur donnait
à manger et à boire était son corps et son sang, mais il en exprima
aussi la valeur sacrificielle, rendant présent de manière
sacramentelle son sacrifice qui s'accomplirait sur la Croix quelques
heures plus tard pour le salut de tous. « La Messe est à la fois et
inséparablement le mémorial sacrificiel dans lequel se perpétue le
sacrifice de la Croix, et le banquet sacré de la communion au Corps
et au Sang du Seigneur »
.
13. En vertu de
son rapport étroit avec le sacrifice du Golgotha, l'Eucharistie est
un sacrifice au sens propre, et non seulement au sens
générique, comme s'il s'agissait d'une simple offrande que le Christ
fait de lui-même en nourriture spirituelle pour les fidèles. En
effet, le don de son amour et de son obéissance jusqu'au terme de sa
vie (cf. Jn 10, 17-18) est en premier lieu un don à son Père.
C'est assurément un don en notre faveur, et même en faveur de toute
l'humanité (cf. Mt 26, 28 ; Mc 14, 24 ; Lc 22,
20 ; Jn 10, 15), mais c'est avant tout un don au Père:
« Sacrifice que le Père a accepté, échangeant le don total de son
Fils, qui s'est fait “obéissant jusqu'à la mort” (Ph 2, 8),
avec son propre don paternel, c'est-à-dire avec le don de la vie
nouvelle et immortelle dans la résurrection »
. En donnant son sacrifice
à l'Église, le Christ a voulu également faire sien le sacrifice
spirituel de l'Église, appelée à s'offrir aussi elle-même en même
temps que le sacrifice du Christ. Tel est l'enseignement du Concile
Vatican II concernant tous les fidèles: « Participant au Sacrifice
eucharistique, source et sommet de toute la vie chrétienne, ils
offrent à Dieu la victime divine, et s'offrent eux-mêmes avec elle »
.
14. La Pâque du
Christ comprend aussi, avec sa passion et sa mort, sa résurrection,
comme le rappelle l'acclamation du peuple après la consécration: « Nous
célébrons ta résurrection ». En effet, le Sacrifice
eucharistique rend présent non seulement le mystère de la passion et
de la mort du Sauveur, mais aussi le mystère de la résurrection,
dans lequel le sacrifice trouve son couronnement. C'est en tant que
vivant et ressuscité que le Christ peut, dans l'Eucharistie, se
faire « pain de la vie » (Jn 6, 35. 48), « pain vivant » (Jn
6, 51). Saint Ambroise le rappelait aux néophytes, en appliquant à
leur vie l'événement de la résurrection : « Si le Christ est à toi
aujourd'hui, il ressuscite pour toi chaque jour »
. Saint Cyrille
d'Alexandrie, quant à lui, soulignait que la participation aux
saints Mystères « est vraiment une confession et un rappel que le
Seigneur est mort et qu'il est revenu à la vie pour nous et en notre
faveur »
.
15. Dans la
Messe, la représentation sacramentelle du sacrifice du Christ
couronné par sa résurrection implique une présence tout à fait
spéciale que – pour reprendre les mots de Paul VI – « on nomme
“réelle”, non à titre exclusif, comme si les autres présences
n'étaient pas “réelles”, mais par antonomase parce qu'elle est
substantielle, et que par elle le Christ, Homme-Dieu, se rend
présent tout entier »
. Ainsi est proposée de
nouveau la doctrine toujours valable du Concile de Trente : « Par la
consécration du pain et du vin s'opère le changement de toute la
substance du pain en la substance du corps du Christ notre Seigneur
et de toute la substance du vin en la substance de son sang ; ce
changement, l'Église catholique l'a justement et exactement appelé
transsubstantiation »
. L'Eucharistie est
vraiment « mysterium fidei », mystère qui dépasse notre
intelligence et qui ne peut être accueilli que dans la foi, comme
l'ont souvent rappelé les catéchèses patristiques sur ce divin
Sacrement. « Ne t'attache donc pas – exhorte saint Cyrille de
Jérusalem – comme à des éléments naturels au pain et au vin, car ils
sont, selon la déclaration du Maître, corps et sang. C'est, il est
vrai, ce que te suggèrent les sens; mais que la foi te rassure »
. Nous continuerons à
chanter avec le Docteur angélique : « Adoro te devote, latens
Deitas ». Devant ce mystère d'amour, la raison humaine fait
l'expérience de toute sa finitude. On voit alors pourquoi, au long
des siècles, cette vérité a conduit la théologie à faire de sérieux
efforts de compréhension. Ce sont des efforts louables, d'autant
plus utiles et pénétrants qu'ils ont permis de conjuguer l'exercice
critique de la pensée avec « la foi vécue » de l'Église, recueillie
spécialement dans le « charisme certain de vérité » du Magistère et
dans l'« intelligence intérieure des réalités spirituelles » à
laquelle parviennent surtout les saints
. Il y a tout de même la
limite indiquée par Paul VI: « Toute explication théologique,
cherchant quelque intelligence de ce mystère, doit, pour être en
accord avec la foi catholique, maintenir que, dans la réalité
elle-même, indépendante de notre esprit, le pain et le vin ont cessé
d'exister après la consécration, en sorte que c'est le corps et le
sang adorables du Seigneur Jésus qui, dès lors, sont réellement
présents devant nous sous les espèces sacramentelles du pain et du
vin »
.
16. L'efficacité
salvifique du sacrifice se réalise en plénitude dans la communion,
quand nous recevons le corps et le sang du Seigneur. Le Sacrifice
eucharistique tend en soi à notre union intime, à nous fidèles, avec
le Christ à travers la communion: nous le recevons lui-même, Lui qui
s'est offert pour nous, nous recevons son corps, qu'il a livré pour
nous sur la Croix, son sang, qu'il a « répandu pour la multitude, en
rémission des péchés » (Mt 26, 28). Rappelons-nous ses
paroles: « De même que le Père, qui est vivant, m'a envoyé, et que
moi je vis par le Père, de même aussi celui qui me mangera vivra par
moi » (Jn 6, 57). C'est Jésus lui-même qui nous rassure: une
telle union, qu'il compare par analogie à celle de la vie
trinitaire, se réalise vraiment. L'Eucharistie est un vrai
banquet, dans lequel le Christ s'offre en nourriture. Quand
Jésus parle pour la première fois de cette nourriture, ses auditeurs
restent stupéfaits et désorientés, obligeant le Maître à souligner
la vérité objective de ses paroles: « Amen, amen, je vous le dis: si
vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez
pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous » (Jn 6, 53).
Il ne s'agit pas d'un aliment au sens métaphorique : « Ma chair est
la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson » (Jn
6, 55).
17. À travers la
communion à son corps et à son sang, le Christ nous communique aussi
son Esprit. Saint Éphrem écrit: « Il appela le pain son corps
vivant, il le remplit de lui-même et de son Esprit. [...] Et celui
qui le mange avec foi mange le Feu et l'Esprit [...]. Prenez-en,
mangez-en tous, et mangez avec lui l'Esprit Saint. C'est vraiment
mon corps et celui qui le mange vivra éternellement »
. Dans l'épiclèse
eucharistique, l'Église demande ce Don divin, source de tout autre
don. On lit, par exemple, dans la Divine Liturgie de saint
Jean Chrysostome: « Nous t'invoquons, nous te prions et nous te
supplions: envoie ton Esprit Saint sur nous tous et sur ces dons,
[...] afin que ceux qui y prennent part obtiennent la purification
de l'âme, la rémission des péchés et le don du Saint Esprit »
. Et dans le Missel
romain le célébrant demande: « Quand nous serons nourris de son
corps et de son sang et remplis de l'Esprit Saint, accorde-nous
d'être un seul corps et un seul esprit dans le Christ »
. Ainsi, par le don de son
corps et de son sang, le Christ fait grandir en nous le don de son
Esprit, déjà reçu au Baptême et offert comme « sceau » dans le
sacrement de la Confirmation.
18. L'acclamation
que le peuple prononce après la consécration se conclut de manière
heureuse en exprimant la dimension eschatologique qui marque la
Célébration eucharistique (cf. 1 Co 11, 26): « ... Nous
attendons ta venue dans la gloire ». L'Eucharistie est tension
vers le terme, avant- goût de la plénitude de joie promise par le
Christ (cf. Jn 15, 11) ; elle est en un sens l'anticipation
du Paradis, « gage de la gloire future »
. Dans l'Eucharistie, tout
exprime cette attente confiante : « Nous espérons le bonheur que tu
promets et l'avènement de Jésus Christ, notre Sauveur »
. Celui qui se nourrit du
Christ dans l'Eucharistie n'a pas besoin d'attendre l'au-delà pour
recevoir la vie éternelle : il la possède déjà sur terre,
comme prémices de la plénitude à venir, qui concernera l'homme dans
sa totalité. Dans l'Eucharistie en effet, nous recevons également la
garantie de la résurrection des corps à la fin des temps : « Celui
qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle; et moi, je
le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 54). Cette garantie
de la résurrection à venir vient du fait que la chair du Fils de
l'homme, donnée en nourriture, est son corps dans son état glorieux
de Ressuscité. Avec l'Eucharistie, on assimile pour ainsi dire le
« secret » de la résurrection. C'est pourquoi saint Ignace
d'Antioche définit avec justesse le Pain eucharistique comme
« remède d'immortalité, antidote pour ne pas mourir »
.
19. La tension
eschatologique suscitée dans l'Eucharistie exprime et affermit la
communion avec l'Église du ciel. Ce n'est pas par hasard que,
dans les anaphores orientales ou dans les prières eucharistiques
latines, on fait mémoire avec vénération de Marie, toujours vierge,
Mère de notre Dieu et Seigneur Jésus Christ, des anges, des saints
Apôtres, des glorieux martyrs et de tous les saints. C'est un aspect
de l'Eucharistie qui mérite d'être souligné: en célébrant le
sacrifice de l'Agneau, nous nous unissons à la liturgie céleste,
nous associant à la multitude immense qui s'écrie: « Le salut est
donné par notre Dieu, lui qui siège sur le Trône, et par l'Agneau! »
(Ap 7, 10). L'Eucharistie est vraiment un coin du ciel qui
s'ouvre sur la terre! C'est un rayon de la gloire de la Jérusalem
céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine
notre chemin.
20. Une autre
conséquence significative de cette tension eschatologique inhérente
à l'Eucharistie provient du fait qu'elle donne une impulsion à notre
marche dans l'histoire, faisant naître un germe de vive espérance
dans le dévouement quotidien de chacun à ses propres tâches. En
effet, si la vision chrétienne porte à regarder vers les « cieux
nouveaux » et la « terre nouvelle » (cf. Ap 21, 1), cela
n'affaiblit pas, mais
stimule notre sens de la responsabilité envers notre terre
. Je désire
le redire avec force au début du nouveau millénaire, pour que les
chrétiens se sentent plus que jamais engagés à ne pas faillir aux
devoirs de leur citoyenneté terrestre. Il est de leur devoir de
contribuer, à la lumière de l'Évangile, à construire un monde qui
soit à la mesure de l'homme et qui réponde pleinement au dessein de
Dieu.
21. Le Concile
Vatican II a rappelé que la Célébration eucharistique est au centre
du processus de croissance de l'Église. En effet, après avoir dit
que « l'Église, qui est le Règne du Christ déjà présent en mystère,
grandit dans le monde de façon visible sous l'effet de la puissance
de Dieu »
comme s'il voulait répondre
à la question : « Comment grandit-elle? », il ajoute : « Chaque fois
que se célèbre sur l'autel le sacrifice de la Croix, par lequel “le
Christ, notre Pâque, a été immolé” (1 Co 5, 7), s'opère
l'œuvre de notre rédemption. En même temps, par le Sacrement du pain
eucharistique, est représentée et rendue effective l'unité des
fidèles qui forment un seul corps dans le Christ (cf. 1 Co
10, 17) »
. Aux origines mêmes de
l'Église, il y a une influence déterminante de l'Eucharistie.
Les Évangélistes précisent que ce sont les Douze, les Apôtres, qui
se sont réunis autour de Jésus, à la dernière Cène (cf. Mt
26, 20 ; Mc 14, 17; Lc 22, 14). C'est un point
particulier très important, puisque les Apôtres « furent les germes
du nouvel Israël et en même temps l'origine de la hiérarchie
sacrée »
. En leur donnant son corps
et son sang en nourriture, le Christ les unissait mystérieusement à
son sacrifice qui devait se consommer sur le Calvaire peu après. Par
analogie avec l'Alliance du Sinaï, scellée par le sacrifice et
l'aspersion du sang
, les gestes et les paroles
de Jésus à la dernière Cène posaient les fondements de la nouvelle
communauté messianique, le peuple de la nouvelle Alliance. En
accueillant au Cénacle l'invitation de Jésus: « Prenez et mangez...
Buvez-en tous... » (Mt 26, 26. 28), les Apôtres sont entrés,
pour la première fois, en communion sacramentelle avec Lui. À partir
de ce moment-là, et jusqu'à la fin des temps, l'Église se construit
à travers la communion sacramentelle avec le Fils de Dieu immolé
pour nous: « Faites cela en mémoire de moi... Chaque fois que vous
en boirez, faites cela en mémoire de moi » (1 Co 11, 24-25;
cf. Lc 22, 19).
22. L'incorporation au
Christ, réalisée par le Baptême, se renouvelle et se renforce
continuellement par la participation au Sacrifice eucharistique,
surtout par la pleine participation que l'on y a dans la communion
sacramentelle. Nous pouvons dire non seulement que chacun d'entre
nous reçoit le Christ, mais aussi que le Christ reçoit chacun
d'entre nous. Il resserre son amitié avec nous: « Vous êtes mes
amis » (Jn 15, 14). Quant à nous, nous vivons grâce à lui:
« Celui qui me mangera vivra par moi » (Jn 6, 57). Pour le
Christ et son disciple, demeurer l'un dans l'autre se réalise de
manière sublime dans la communion eucharistique: « Demeurez en moi,
comme moi en vous » (Jn 15, 4).
23. Par la
communion eucharistique, l'Église est également consolidée dans son
unité de corps du Christ. Saint Paul se réfère à cette efficacité
unificatrice de la participation au banquet eucharistique quand
il écrit aux Corinthiens: « Le pain que nous rompons, n'est-il pas
communion au corps du Christ? Puisqu'il y a un seul pain, la
multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous
part à un seul pain » (1 Co 10, 16- 17). Le commentaire de
saint Jean Chrysostome est précis et profond: « Qu'est donc ce pain?
C'est le corps du Christ. Que deviennent ceux qui le reçoivent? Le
corps du Christ: non pas plusieurs corps, mais un seul corps. En
effet, comme le pain est tout un, bien qu'il soit constitué de
multiples grains qui, bien qu'on ne les voie pas, se trouvent en
lui, tels que leur différence disparaisse en raison de leur parfaite
fusion, de la même manière nous sommes unis les uns aux autres et
nous sommes unis tous ensemble au Christ »
. L'argumentation est
serrée : notre unité avec le Christ, qui est don et grâce pour
chacun, fait qu'en lui nous sommes aussi associés à l'unité de son
corps qui est l'Église. L'Eucharistie renforce l'incorporation au
Christ, qui se réalise dans le Baptême par le don de l'Esprit (cf.
1 Co 12, 13.27).
24. Le don du
Christ et de son Esprit, que nous recevons dans la communion
eucharistique, accomplit avec une surabondante plénitude les désirs
d'unité fraternelle qui habitent le cœur humain; de même, il élève
l'expérience de fraternité inhérente à la participation commune à la
même table eucharistique jusqu'à un niveau bien supérieur à celui
d'une simple expérience de convivialité humaine. Par la communion au
corps du Christ, l'Église réalise toujours plus profondément son
identité: elle « est, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement,
c'est-à-dire le signe et l'instrument de l'union intime avec Dieu et
de l'unité de tout le genre humain »
. Aux germes de
désagrégation entre les hommes, qui, à l'expérience quotidienne,
apparaissent tellement enracinés dans l'humanité à cause du péché,
s'oppose la force génératrice d'unité du corps du Christ. En
faisant l'Église, l'Eucharistie crée proprement pour cette raison la
communauté entre les hommes.
25. Le culte
rendu à l'Eucharistie en dehors de la Messe est d'une valeur
inestimable dans la vie de l'Église. Ce culte est étroitement uni à
la célébration du Sacrifice eucharistique. La présence du Christ
sous les saintes espèces conservées après la Messe – présence qui
dure tant que subsistent les espèces du pain et du vin
– découle de la célébration
du Sacrifice et tend à la communion sacramentelle et spirituelle
. Il revient aux pasteurs
d'encourager, y compris par leur témoignage personnel, le culte
eucharistique, particulièrement les expositions du Saint-Sacrement,
de même que l'adoration devant le Christ présent sous les espèces
eucharistiques
. Il est bon de
s'entretenir avec Lui et, penchés sur sa poitrine comme le disciple
bien-aimé (cf. Jn 13, 25), d'être touchés par l'amour infini
de son cœur. Si, à notre époque, le christianisme doit se distinguer
surtout par « l'art de la prière »
, comment ne pas ressentir
le besoin renouvelé de demeurer longuement, en conversation
spirituelle, en adoration silencieuse, en attitude d'amour, devant
le Christ présent dans le Saint-Sacrement? Bien des fois, chers
Frères et Sœurs, j'ai fait cette expérience et j'en ai reçu force,
consolation et soutien! De nombreux saints nous ont donné l'exemple
de cette pratique maintes fois louée et recommandée par le Magistère
. Saint Alphonse Marie de
Liguori se distingua en particulier dans ce domaine, lui qui
écrivait: « Parmi toutes les dévotions, l'adoration de Jésus dans le
Saint-Sacrement est la première après les sacrements, la plus chère
à Dieu et la plus utile pour nous »
. L'Eucharistie est un
trésor inestimable: la célébrer, mais aussi rester en adoration
devant elle en dehors de la Messe permet de puiser à la source même
de la grâce. Une communauté chrétienne qui veut être davantage
capable de contempler le visage du Christ, selon ce que j'ai suggéré
dans les lettres apostoliques Novo millennio ineunte et
Rosarium Virginis Mariæ, ne peut pas ne pas développer également
cet aspect du culte eucharistique, dans lequel se prolongent et se
multiplient les fruits de la communion au corps et au sang du
Seigneur.
26. Si, comme je l'ai
rappelé plus haut, l'Eucharistie édifie l'Église et l'Église fait
l'Eucharistie, il s'ensuit que le lien entre l'une et l'autre est
très étroit. C'est tellement vrai que nous pouvons appliquer au
Mystère eucharistique ce que nous disons de l'Église quand, dans le
symbole de Nicée-Constantinople, nous la confessons « une, sainte,
catholique et apostolique ». Une et catholique, l'Eucharistie l'est
également. Elle est aussi sainte, bien plus, elle est le très saint
Sacrement. Mais c'est surtout vers son apostolicité que nous voulons
maintenant porter notre attention.
27. Expliquant
que l'Église est apostolique, c'est-à-dire fondée sur les Apôtres,
le Catéchisme de l'Église catholique discerne une triple
signification de cette expression. D'une part, « elle a été et
demeure bâtie sur “le fondement des Apôtres” (Ep 2, 20),
témoins choisis et envoyés en mission par le Christ lui-même »
. À l'origine de
l'Eucharistie, il y a aussi les Apôtres, non parce que le Sacrement
ne remonterait pas au Christ lui-même, mais parce qu'il leur a été
confié par Jésus et qu'il a été transmis par eux et par leurs
successeurs jusqu'à nous. C'est en continuité avec l'action des
Apôtres, obéissants à l'ordre du Seigneur, que l'Église célèbre
l'Eucharistie au long des siècles. La deuxième signification de
l'apostolicité de l'Église, indiquée par le Catéchisme, est
qu'elle « garde et transmet, avec l'aide de l'Esprit qui habite en
elle, l'enseignement, le bon dépôt, les saines paroles entendues des
Apôtres »
. Selon ce deuxième sens
aussi, l'Eucharistie est apostolique parce qu'elle est célébrée
conformément à la foi des Apôtres. Au cours de l'histoire
bimillénaire du peuple de la nouvelle Alliance, le Magistère
ecclésiastique a précisé la doctrine eucharistique en diverses
occasions, même en ce qui concerne sa terminologie exacte, et cela
précisément pour sauvegarder la foi apostolique en ce très grand
Mystère. Cette foi demeure inchangée, et il est essentiel pour
l'Église qu'elle le demeure.
28. Enfin,
l'Église est apostolique en ce sens qu'« elle continue à être
enseignée, sanctifiée et dirigée par les Apôtres jusqu'au retour du
Christ grâce à ceux qui leur succèdent dans leur charge pastorale:
le collège des évêques, “assisté par les prêtres, en union avec le
successeur de Pierre, pasteur suprême de l'Église” »
. Succéder aux Apôtres dans
la mission pastorale implique nécessairement le sacrement de
l'Ordre, à savoir la suite ininterrompue des ordinations épiscopales
valides, remontant jusqu'aux origines
. Cette succession est
essentielle pour qu'il y ait l'Église au sens propre et plénier.
L'Eucharistie exprime aussi ce sens de l'apostolicité. En effet,
comme l'enseigne le Concile Vatican II, « les fidèles, pour leur
part, en vertu de leur sacerdoce royal, concourent à l'offrande de
l'Eucharistie »
, mais c'est le prêtre
ordonné qui « célèbre le Sacrifice eucharistique en la personne du
Christ et l'offre à Dieu au nom de tout le peuple »
. C'est pour cela que dans
le Missel romain il est prescrit que ce soit le prêtre seul
qui récite la prière eucharistique, pendant que le peuple s'y
associe dans la foi et en silence
.
29. L'expression,
utilisée à maintes reprises par le Concile Vatican II, selon
laquelle « celui qui a reçu le sacerdoce ministériel [...] célèbre
le Sacrifice eucharistique en la personne du Christ »
, était déjà bien enracinée
dans l'enseignement pontifical
. Comme j'ai déjà eu
l'occasion de le préciser, in persona Christi « veut dire
davantage que “au nom” ou “à la place” du Christ. In persona:
c'est-à-dire dans l'identification spécifique, sacramentelle, au
“grand prêtre de l'Alliance éternelle” qui est l'auteur et le sujet
principal de son propre sacrifice, dans lequel il ne peut vraiment
être remplacé par personne »
. Dans l'économie du salut
voulue par le Christ, le ministère des prêtres qui ont reçu le
sacrement de l'Ordre manifeste que l'Eucharistie qu'ils célèbrent
est un don qui dépasse radicalement le pouvoir de l'assemblée
et qui demeure en toute hypothèse irremplaçable pour relier
validement la consécration eucharistique au sacrifice de la Croix et
à la dernière Cène. Pour être véritablement une assemblée
eucharistique, l'assemblée qui se réunit pour la célébration de
l'Eucharistie a absolument besoin d'un prêtre ordonné qui la
préside. D'autre part, la communauté n'est pas en mesure de se
donner à elle-même son ministre ordonné. Celui-ci est un don qu'elle
reçoit à travers la succession épiscopale qui remonte jusqu'aux
Apôtres. C'est l'Évêque qui, par le sacrement de l'Ordre,
constitue un nouveau prêtre, lui conférant le pouvoir de consacrer
l'Eucharistie. C'est pourquoi « dans une communauté le mystère
eucharistique ne peut être célébré par personne d'autre qu'un prêtre
ordonné, comme l'a expressément déclaré le IVe Concile du
Latran »
.
30. La doctrine
de l'Église catholique sur le ministère sacerdotal dans son rapport
à l'Eucharistie ainsi que la doctrine sur le Sacrifice eucharistique
ont fait l'objet, ces dernières décennies, de dialogues utiles
dans le cadre de l'activité œcuménique. Il nous faut rendre
grâce à la très sainte Trinité parce qu'il y a eu, dans ce domaine,
des progrès significatifs et des rapprochements qui nous font
espérer un avenir de pleine communion dans la foi. L'observation,
faite par le Concile au sujet des différentes communautés
ecclésiales apparues depuis le XVIe siècle et séparées de
l'Église catholique, demeure encore tout à fait pertinente: « Bien
que les communautés ecclésiales séparées de nous n'aient pas avec
nous la pleine unité qui dérive du baptême et bien que nous croyions
que, en raison principalement de l'absence du sacrement de l'Ordre,
elles n'ont pas conservé la substance propre et intégrale du mystère
eucharistique, néanmoins, lorsque dans la sainte Cène elles font
mémoire de la mort et de la résurrection du Seigneur, elles
professent que la vie dans la communion au Christ est signifiée par
là et elles attendent son avènement glorieux »
. Les fidèles catholiques,
tout en respectant les convictions religieuses de leurs frères
séparés, doivent donc s'abstenir de participer à la communion
distribuée dans leurs célébrations, afin de ne pas entretenir une
ambiguïté sur la nature de l'Eucharistie et, par conséquent, manquer
au devoir de témoigner avec clarté de la vérité. Cela finirait par
retarder la marche vers la pleine unité visible. De même, on ne peut
envisager de remplacer la Messe dominicale par des célébrations
œcuméniques de la Parole, par des rencontres de prière avec des
chrétiens appartenant aux communautés ecclésiales déjà mentionnées
ou par la participation à leur service liturgique. De telles
célébrations et rencontres, louables en elles-mêmes en certaines
circonstances, préparent à la pleine communion tant désirée, même
eucharistique, mais elles ne peuvent la remplacer. Le fait que le
pouvoir de consacrer l'Eucharistie ait été confié seulement aux
Évêques et aux prêtres ne constitue aucunement une dépréciation du
reste du peuple de Dieu, puisque, dans la communion de l'unique
Corps du Christ qu'est l'Église, ce don rejaillit au bénéfice de
tous.
31. Si
l'Eucharistie est le centre et le sommet de la vie de l'Église, elle
l'est pareillement du ministère sacerdotal. C'est pourquoi, en
rendant grâce à Jésus Christ notre Seigneur, je veux redire que
l'Eucharistie « est la raison d'être principale et centrale du
sacrement du sacerdoce, qui est né effectivement au moment de
l'institution de l'Eucharistie et avec elle »
. Les activités pastorales
du prêtre sont multiples. Si l'on pense aux conditions sociales et
culturelles du monde actuel, il est facile de comprendre combien les
prêtres sont guettés par le danger de la dispersion dans de
nombreuses tâches différentes. Le Concile Vatican II a vu dans la
charité pastorale le lien qui unifie leur vie et leurs activités.
Elle découle, ajoute le Concile, « avant tout du Sacrifice
eucharistique, qui est donc le centre et la racine de toute la vie
du prêtre »
. On comprend alors
l'importance pour la vie spirituelle du prêtre, autant que pour le
bien de l'Église et du monde, de mettre en pratique la
recommandation conciliaire de célébrer quotidiennement
l'Eucharistie, « qui est vraiment, même s'il ne peut y avoir la
présence de fidèles, action du Christ et de l'Église »
. De cette manière, le
prêtre est en mesure de vaincre toutes les tensions qui le
dispersent tout au long de ses journées, trouvant dans le Sacrifice
eucharistique, vrai centre de sa vie et de son ministère, l'énergie
spirituelle nécessaire pour affronter ses diverses tâches
pastorales. Ainsi, ses journées deviendront vraiment eucharistiques.
Du caractère central de l'Eucharistie dans la vie et dans le
ministère des prêtres découle aussi son caractère central dans la
pastorale en faveur des vocations sacerdotales. Tout d'abord,
parce que la prière pour les vocations y trouve le lieu d'une très
grande union avec la prière du Christ, grand prêtre éternel; mais
aussi parce que le soin attentif apporté par les prêtres au
ministère eucharistique, associé à la promotion de la participation
consciente, active et fructueuse des fidèles à l'Eucharistie,
constitue, pour les jeunes, un exemple efficace et un encouragement
à répondre avec générosité à l'appel de Dieu. Ce dernier se sert
souvent de l'exemple de charité pastorale zélée d'un prêtre pour
répandre et faire grandir dans le cœur d'un jeune la semence de
l'appel au sacerdoce.
32. Tout cela montre
combien est douloureuse et anormale la situation d'une communauté
chrétienne qui, tout en ayant les caractéristiques d'une paroisse
quant au nombre et à la variété des fidèles, manque cependant d'un
prêtre pour la guider. En effet, la paroisse est une communauté de
baptisés qui expriment et consolident leur identité surtout à
travers la célébration du Sacrifice eucharistique. Mais pour cela la
présence d'un prêtre est nécessaire, lui seul ayant le pouvoir
d'offrir l'Eucharistie in persona Christi. Quand la
communauté est privée de prêtre, on cherche à juste titre à y
remédier d'une certaine manière, afin que se poursuivent les
célébrations dominicales, et, dans ce cas, les religieux et les
laïcs qui guident leurs frères et sœurs dans la prière exercent de
façon louable le sacerdoce commun de tous les fidèles, fondé sur la
grâce du Baptême. Mais de telles solutions ne doivent être
considérées que comme provisoires, durant le temps où la communauté
est en attente d'un prêtre. Le caractère sacramentellement inachevé
de ces célébrations doit avant tout inciter l'ensemble de la
communauté à prier avec une plus grande ferveur pour que le Seigneur
envoie des ouvriers à sa moisson (cf. Mt 9, 38) ; il doit
aussi l'inciter à mettre en œuvre tous les autres éléments
constitutifs d'une pastorale vocationelle adaptée, sans céder à la
tentation de chercher des solutions dans l'affaiblissement des
exigences relatives aux qualités morales et à la formation exigées
des candidats au sacerdoce.
33. Lorsque, en
raison du manque de prêtres, une participation à la charge pastorale
d'une paroisse a été confiée à des fidèles non ordonnés, ceux-ci
garderont présent à l'esprit que, comme l'enseigne le Concile
Vatican II, « aucune communauté chrétienne ne s'édifie si elle n'a
pas sa racine et son centre dans la célébration de la très sainte
Eucharistie »
. Ils auront donc soin de
maintenir vive dans la communauté une véritable « faim » de
l'Eucharistie, qui conduit à ne laisser passer aucune occasion
d'avoir la célébration de la Messe, en profitant même de la présence
occasionnelle d'un prêtre, pourvu qu'il ne soit pas empêché de la
célébrer par le droit de l'Église.
34. En 1985,
l'Assemblée extraordinaire du Synode des Évêques a vu dans
« l'ecclésiologie de communion » l'idée centrale et fondamentale des
documents du Concile Vatican II
. Durant son pèlerinage sur
la terre, l'Église est appelée à maintenir et à promouvoir aussi
bien la communion avec le Dieu Trinité que la communion entres les
fidèles. À cette fin, elle dispose de la Parole et des Sacrements,
surtout de l'Eucharistie, dont elle reçoit continuellement « vie et
croissance »
et dans laquelle, en même
temps, elle s'exprime elle-même. Ce n'est pas par hasard que le
terme communion est devenu l'un des noms spécifiques de ce
très grand Sacrement. L'Eucharistie apparaît donc comme le sommet de
tous les Sacrements car elle porte à sa perfection la communion avec
Dieu le Père, grâce à l'identification au Fils unique par l'action
du Saint-Esprit. Avec une foi pénétrante, l'un des grands auteurs de
la tradition byzantine exprimait cette vérité à propos de
l'Eucharistie : « Ainsi ce mystère est parfait, à la différence de
tout autre rite, et il conduit à la cime même des biens, puisque là
se trouve aussi la fin suprême de tout effort humain. Car c'est Dieu
lui-même que nous rencontrons en lui, et Dieu s'unit à nous de
l'union la plus parfaite »
. C'est précisément pour
cela qu'il est opportun de cultiver dans les cœurs le désir
constant du Sacrement de l'Eucharistie. C'est ainsi qu'est née
la pratique de la « communion spirituelle », heureusement répandue
depuis des siècles dans l'Église et recommandée par de saints
maîtres de vie spirituelle. Sainte Thérèse de Jésus écrivait:
« Lorsque vous ne recevez pas la communion à la Messe que vous
entendez, communiez spirituellement, c'est là une méthode très
avantageuse [...] ; vous imprimerez ainsi en vous un amour profond
pour notre Seigneur »
.
35. Toutefois, la
célébration de l'Eucharistie ne peut pas être le point de départ de
la communion, qu'elle présuppose comme existante, pour ensuite la
consolider et la porter à sa perfection. Le Sacrement exprime ce
lien de communion d'une part dans sa dimension invisible qui,
dans le Christ, par l'action de l'Esprit Saint, nous lie au Père et
entre nous, d'autre part dans sa dimension visible qui
implique la communion dans la doctrine des Apôtres, dans les
sacrements et dans l'ordre hiérarchique. Le rapport étroit qui
existe entre les éléments invisibles et les éléments visibles de la
communion ecclésiale est constitutif de l'Église comme Sacrement du
salut
. C'est seulement dans ce
contexte qu'il y a la célébration légitime de l'Eucharistie et la
véritable participation à ce Sacrement. Il en résulte une exigence
intrinsèque à l'Eucharistie: qu'elle soit célébrée dans la communion
et, concrètement, dans l'intégrité des conditions requises.
36. La communion
invisible, tout en étant par nature toujours en croissance, suppose
la vie de la grâce, par laquelle nous sommes rendus « participants
de la nature divine » (2 P 1, 4), et la pratique des vertus
de foi, d'espérance et de charité. En effet, c'est seulement ainsi
que s'établit une vraie communion avec le Père, le Fils et le
Saint-Esprit. La foi ne suffit pas; il convient aussi de persévérer
dans la grâce sanctifiante et dans la charité, en demeurant au sein
de l'Église « de corps » et « de cœur » ;
il faut donc, pour le dire
avec les paroles de saint Paul, « la foi opérant par la charité » (Ga
5, 6). Le respect de la totalité des liens invisibles est un
devoir moral strict pour le chrétien qui veut participer pleinement
à l'Eucharistie en communiant au corps et au sang du Christ. Le même
Apôtre rappelle ce devoir au fidèle par l'avertissement: « Que
chacun, donc, s'éprouve soi-même, et qu'ainsi il mange de ce pain et
boive de cette coupe » (1 Co 11, 28). Avec toute la force de
son éloquence, saint Jean Chrysostome exhortait les fidèles: « Moi
aussi, j'élève la voix, je supplie, je prie et je vous supplie de ne
pas vous approcher de cette table sainte avec une conscience
souillée et corrompue. Une telle attitude en effet ne s'appellera
jamais communion, même si nous recevions mille fois le corps du
Seigneur, mais plutôt condamnation, tourment et accroissement des
châtiments »
. Dans cette même
perspective, le Catéchisme de l'Église catholique établit à
juste titre: « Celui qui est conscient d'un péché grave doit
recevoir le sacrement de la Réconciliation avant d'accéder à la
communion »
. Je désire donc redire que
demeure et demeurera toujours valable dans l'Église la norme par
laquelle le Concile de Trente a appliqué concrètement la sévère
admonition de l'Apôtre Paul, en affirmant que, pour une digne
réception de l'Eucharistie, « si quelqu'un est conscient d'être en
état de péché mortel, il doit, auparavant, confesser ses péchés »
.
37. L'Eucharistie et la
Pénitence sont deux sacrements intimement liés. Si l'Eucharistie
rend présent le Sacrifice rédempteur de la Croix, le perpétuant
sacramentellement, cela signifie que, de ce Sacrement, découle une
exigence continuelle de conversion, de réponse personnelle à
l'exhortation adressée par saint Paul aux chrétiens de Corinthe:
« Au nom du Christ, nous vous le demandons: laissez-vous réconcilier
avec Dieu » (2 Co 5, 20). Si le chrétien a sur la conscience
le poids d'un péché grave, l'itinéraire de pénitence, à travers le
sacrement de la Réconciliation, devient le passage obligé pour
accéder à la pleine participation au Sacrifice eucharistique.
38. La communion
ecclésiale, comme je l'ai déjà rappelé, est aussi visible, et
elle s'exprime à travers les liens énumérés par le même Concile
lorsqu'il enseigne: « Sont pleinement incorporés à la société qu'est
l'Église ceux qui, ayant l'Esprit du Christ, acceptent intégralement
son organisation et tous les moyens de salut qui ont été institués
en elle et qui, par les liens que constituent la profession de foi,
les sacrements, le gouvernement et la communion ecclésiastiques,
sont unis, dans l'organisme visible de l'Église, avec le Christ qui
la régit par le Souverain Pontife et les évêques »
.
39. Par ailleurs,
en raison du caractère même de la communion ecclésiale et du rapport
qu'elle entretient avec le Sacrement de l'Eucharistie, il faut
rappeler que « le Sacrifice eucharistique, tout en étant toujours
célébré dans une communauté particulière, n'est jamais une
célébration de cette seule communauté: celle-ci en effet, en
recevant la présence eucharistique du Seigneur, reçoit l'intégralité
du don du salut et, bien que dans sa particularité visible
permanente, elle se manifeste aussi comme image et vraie présence de
l'Église une, sainte, catholique et apostolique »
. Il en découle qu'une
communauté vraiment eucharistique ne peut se replier sur elle-même,
comme si elle était autosuffisante, mais qu'elle doit être en
syntonie avec chaque autre communauté catholique.
40. L'Eucharistie
crée la communion et éduque à la communion. Saint Paul
écrivait aux fidèles de Corinthe, leur montrant combien leurs
divisions, qui se manifestaient dans l'assemblée eucharistique,
étaient en opposition avec ce qu'ils célébraient, la Cène du
Seigneur. En conséquence, l'Apôtre les invitait à réfléchir sur la
réalité véritable de l'Eucharistie, pour les faire revenir à un
esprit de communion fraternelle (cf. 1 Co 11, 17-34). Saint
Augustin s'est efficacement fait l'écho de cette exigence. Rappelant
la parole de l'Apôtre : « Vous êtes le corps du Christ et vous êtes
les membres de ce corps » (1 Co 12, 27), il faisait
remarquer: « Si donc vous êtes le Corps du Christ et ses membres, le
symbole de ce que vous êtes se trouve déposé sur la table du
Seigneur; vous y recevez votre propre mystère »
. Et il en tirait la
conséquence suivante: « Notre Seigneur [...] a consacré sur la table
le mystère de notre paix et de notre unité. Celui qui reçoit le
mystère de l'unité, et ne reste pas dans les liens de la paix, ne
reçoit pas son mystère pour son salut; il reçoit un témoignage qui
le condamne »
.
41. Cette
promotion particulièrement efficace de la communion, qui est le
propre de l'Eucharistie, est l'une des raisons de l'importance de la
Messe dominicale. Sur cet aspect et sur les raisons qui le rendent
essentiel à la vie de l'Église et des fidèles, je me suis longuement
arrêté dans la lettre apostolique Dies Domini
sur la sanctification du
dimanche. Je rappelais entre autre que pour les fidèles, participer
à la Messe est une obligation, à moins qu'ils n'aient un empêchement
grave, et de même, les Pasteurs ont de leur côté le devoir
correspondant d'offrir à tous la possibilité effective de satisfaire
au précepte
. Plus récemment, dans la
Lettre apostolique Novo millennio ineunte, traçant le chemin
pastoral de l'Église au début du troisième millénaire, j'ai voulu
mettre particulièrement en relief l'Eucharistie dominicale,
soulignant en quoi elle était efficacement créatrice de communion:
« Elle est, écrivais-je, le lieu privilégié où la communion est
constamment annoncée et entretenue. Précisément par la participation
à l'Eucharistie, le jour du Seigneur devient aussi le jour
de l'Église, qui peut exercer ainsi de manière efficace son rôle
de sacrement d'unité »
.
42. Conserver et
promouvoir la communion ecclésiale est une tâche pour tout fidèle,
qui trouve dans l'Eucharistie, sacrement de l'unité de l'Église, un
lieu pour manifester sa sollicitude d'une manière spéciale. Plus
concrètement, cette tâche incombe avec une responsabilité
particulière aux Pasteurs de l'Église, chacun à son rang et selon sa
charge ecclésiastique. C'est pourquoi l'Église a donné des normes
qui visent tout à la fois à favoriser l'accès fréquent et fructueux
des fidèles à la table eucharistique, et à déterminer les conditions
objectives dans lesquelles il faut s'abstenir d'administrer la
communion. En favoriser avec soin la fidèle observance devient une
expression effective d'amour envers l'Eucharistie et envers
l'Église.
43. Considérant
l'Eucharistie comme sacrement de la communion ecclésiale, il y a un
argument à ne pas omettre en raison de son importance: je me réfère
à son lien avec l'engagement œcuménique. Nous devons tous
rendre grâce à la très sainte Trinité parce que, en ces dernières
décennies, de nombreux fidèles partout dans le monde ont été touchés
par le désir ardent de l'unité entre tous les chrétiens. Le Concile
Vatican II, au début du décret sur l'œcuménisme, y reconnaît un don
spécial de Dieu
. Cela a constitué une
grâce efficace qui a engagé sur la route de l'œcuménisme aussi bien
nous-mêmes, fils de l'Église catholique, que nos frères des autres
Églises et Communautés ecclésiales. Le désir de parvenir à l'unité
nous incite à tourner nos regards vers l'Eucharistie, qui est le
Sacrement par excellence de l'unité du peuple de Dieu, étant donné
qu'il en est l'expression la plus parfaite et la source incomparable
. Dans la célébration du
Sacrifice eucharistique, l'Église fait monter sa supplication vers
Dieu, Père des miséricordes, pour qu'il donne à ses fils la
plénitude de l'Esprit Saint, de sorte qu'ils deviennent dans le
Christ un seul corps et un seul esprit
. En présentant cette
prière au Père des lumières, de qui viennent « les dons les
meilleurs et les présents merveilleux » (Jc 1, 17), l'Église
croit en son efficacité, puisqu'elle prie en union avec le Christ
Tête et Époux, lequel fait sienne la supplication de l'épouse,
l'unissant à celle de son sacrifice rédempteur.
44. Précisément
parce que l'unité de l'Église, que l'Eucharistie réalise par le
sacrifice du Christ, et par la communion au corps et au sang du
Seigneur, comporte l'exigence, à laquelle on ne saurait déroger, de
la communion totale dans les liens de la profession de foi, des
sacrements et du gouvernement ecclésiastique, il n'est pas possible
de concélébrer la même liturgie eucharistique jusqu'à ce que soit
rétablie l'intégrité de ces liens. Une telle concélébration ne
saurait être un moyen valable et pourrait même constituer un
obstacle pour parvenir à la pleine communion, minimisant la
valeur de la distance qui nous sépare du but et introduisant ou
avalisant des ambiguïtés sur telle ou telle vérité de foi. Le chemin
vers la pleine unité ne peut se faire que dans la vérité. En cette
matière, les interdictions de la loi de l'Église ne laissent pas de
place aux incertitudes
, conformément à la norme
morale proclamée par le Concile Vatican II
. Je voudrais cependant
redire ce que j'ajoutais dans l'encyclique Ut unum sint,
après avoir pris acte de l'impossibilité de partager la même
Eucharistie: « Nous aussi, nous avons le désir ardent de célébrer
ensemble l'unique Eucharistie du Seigneur, et ce désir devient déjà
une louange commune et une même imploration. Ensemble, nous nous
tournons vers le Père et nous le faisons toujours plus “d'un seul
cœur” »
.
45. S'il n'est en aucun
cas légitime de concélébrer lorsqu'il n'y a pas pleine communion, il
n'en va pas de même en ce qui concerne l'administration de
l'Eucharistie, dans des circonstances spéciales, à des personnes
appartenant à des Églises ou à des Communautés ecclésiales qui
ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique. Dans ce
cas en effet, l'objectif est de pourvoir à un sérieux besoin
spirituel pour le salut éternel de ces personnes, et non de réaliser
une intercommunion, impossible tant que ne sont pas
pleinement établis les liens visibles de la communion ecclésiale.
46. Dans
l'encyclique Ut unum sint, j'ai moi-même manifesté combien
j'apprécie ces normes qui permettent de pourvoir au salut des âmes
avec le discernement nécessaire: « C'est un motif de joie que les
ministres catholiques puissent, en des cas particuliers déterminés,
administrer les sacrements de l'Eucharistie, de la pénitence, de
l'onction des malades, à d'autres chrétiens qui ne sont pas en
pleine communion avec l'Église catholique, mais qui désirent
ardemment les recevoir, qui les demandent librement et qui partagent
la foi que l'Église catholique confesse dans ces sacrements.
Réciproquement, dans des cas déterminés et pour des circonstances
particulières, les catholiques peuvent aussi recourir pour ces mêmes
sacrements aux ministres des Églises dans lesquelles ils sont
valides »
.
47. Celui qui lit le
récit de l'institution de l'Eucharistie dans les Évangiles
synoptiques est frappé tout à la fois par la simplicité et par la
« gravité » avec lesquelles Jésus, le soir de la dernière Cène,
institue ce grand Sacrement. Il y a un épisode qui, en un sens, lui
sert de prélude: c'est l'onction à Béthanie. Une femme, que
Jean identifie à Marie, sœur de Lazare, verse sur la tête de Jésus
un flacon de parfum précieux, provoquant chez les disciples –
en particulier chez Judas (cf. Mt 26, 8; Mc 14, 4;
Jn 12, 4) – une réaction de protestation, comme si un tel geste
constituait un « gaspillage » intolérable en regard des besoins des
pauvres. Le jugement de Jésus est cependant bien différent. Sans
rien ôter au devoir de charité envers les indigents, auprès desquels
les disciples devront toujours se dévouer – « Des pauvres, vous en
aurez toujours avec vous » (Mt 26, 11; Mc 14, 7; cf.
Jn 12, 8) –, Jésus pense à l'événement imminent de sa mort et de
sa sépulture, et il voit dans l'onction qui vient de lui être donnée
une anticipation de l'honneur dont son corps continuera à être digne
même après sa mort, car il est indissolublement lié au mystère de sa
personne. Dans les Évangiles synoptiques, le récit se poursuit avec
l'ordre que donne Jésus à ses disciples de préparer
minutieusement la « grande salle » nécessaire pour prendre le
repas pascal (cf. Mc 14, 15; Lc 22, 12) et avec le
récit de l'institution de l'Eucharistie. Faisant entrevoir au moins
en partie le cadre des rites juifs qui structurent le repas pascal
jusqu'au chant du Hallel (cf. Mt 26, 30; Mc 14, 26),
le récit propose de façon aussi concise que solennelle, même dans
les variantes des différentes traditions, les paroles prononcées par
le Christ sur le pain et sur le vin, qu'il assume comme expressions
concrètes de son corps livré et de son sang versé. Tous ces détails
sont rappelés par les Évangélistes à la lumière d'une pratique de la
« fraction du pain » désormais affermie dans l'Église primitive.
Mais assurément, à partir de l'histoire vécue par Jésus, l'événement
du Jeudi saint porte de manière visible les traits d'une
« sensibilité » liturgique modelée sur la tradition
vétéro-testamentaire et prête à se remodeler dans la célébration
chrétienne en harmonie avec le nouveau contenu de la Pâque.
48. Comme la femme de
l'onction à Béthanie, l'Église n'a pas craint de « gaspiller »,
plaçant le meilleur de ses ressources pour exprimer son
admiration et son adoration face au don incommensurable de
l'Eucharistie. De même que les premiers disciples chargés de
préparer la « grande salle », elle s'est sentie poussée, au cours
des siècles et dans la succession des cultures, à célébrer
l'Eucharistie dans un contexte digne d'un si grand Mystère. La
liturgie chrétienne est née dans le sillage des paroles et des
gestes de Jésus, développant l'héritage rituel du judaïsme. Et en
effet, comment pourrait- on jamais exprimer de manière adéquate
l'accueil du don que l'Époux divin fait continuellement de lui-même
à l'Église-Épouse, en mettant à la portée des générations
successives de croyants le Sacrifice offert une fois pour toutes sur
la Croix et en se faisant nourriture pour tous les fidèles? Si la
logique du « banquet » suscite un esprit de famille, l'Église n'a
jamais cédé à la tentation de banaliser cette « familiarité » avec
son Époux en oubliant qu'il est aussi son Seigneur et que le
« banquet » demeure pour toujours un banquet sacrificiel, marqué par
le sang versé sur le Golgotha. Le Banquet eucharistique est
vraiment un banquet « sacré », dans lequel la simplicité des
signes cache la profondeur insondable de la sainteté de Dieu: «
O Sacrum convivium, in quo Christus sumitur! ». Le pain qui est
rompu sur nos autels, offert à notre condition de pèlerins en marche
sur les chemins du monde, est « panis angelorum », pain des
anges, dont on ne peut s'approcher qu'avec l'humilité du centurion
de l'Évangile: « Seigneur, je ne suis pas digne que tu entres sous
mon toit » (Mt 8, 8; Lc 7, 6).
49. En se laissant
porter par ce sens élevé du mystère, on comprend que la foi de
l'Église dans le Mystère eucharistique se soit exprimée dans
l'histoire non seulement par la requête d'une attitude intérieure de
dévotion, mais aussi par une série d'expressions extérieures,
destinées à évoquer et à souligner la grandeur de l'événement
célébré. De là naît le parcours qui a conduit progressivement à
délimiter un statut spécial de réglementation pour la liturgie
eucharistique, dans le respect des diverses traditions
ecclésiales légitimement constituées. Sur cette base s'est aussi
développé un riche patrimoine artistique. L'architecture, la
sculpture, la peinture, la musique, en se laissant orienter par le
mystère chrétien, ont trouvé dans l'Eucharistie, directement ou
indirectement, un motif de grande inspiration. Il en a été ainsi par
exemple pour l'architecture, qui, dès que le contexte historique l'a
permis, a vu le lieu des premières Célébrations eucharistiques
passer des « domus » des familles chrétiennes aux
basiliques solennelles des premiers siècles, puis aux imposantes
cathédrales du Moyen- Âge, et finalement aux églises,
grandes et petites, qui se sont multipliées progressivement sur les
terres où le christianisme est parvenu. La forme des autels et des
tabernacles s'est développée dans les espaces liturgiques, suivant,
d'une fois sur l'autre, non seulement les élans de l'inspiration,
mais aussi les indications d'une compréhension précise du Mystère.
On peut en dire autant de la musique sacrée, en pensant
simplement à l'inspiration des mélodies grégoriennes, aux nombreux
auteurs, et biens souvent grands auteurs, qui se sont mesurés aux
textes liturgiques de la Messe. Et ne voit-on pas, dans le domaine
des objets et des ornements utilisés pour la célébration liturgique,
une quantité importante de productions artistiques, allant
des réalisations d'un bon artisanat jusqu'aux véritables œuvres
d'art? On peut dire alors que, si l'Eucharistie a modelé l'Église et
la spiritualité, elle a aussi influencé fortement la « culture »,
spécialement dans le domaine esthétique.
50. Les chrétiens
d'Occident et d'Orient ont « rivalisé » dans cet effort d'adoration
du Mystère, sous l'aspect rituel et esthétique. Comment ne pas
rendre grâce au Seigneur, en particulier pour la contribution
apportée à l'art chrétien par les grandes œuvres d'architecture et
de peinture de la tradition gréco-byzantine et de toute l'aire
géographique et culturelle slave? En Orient, l'art sacré a conservé
un sens singulièrement fort du mystère, qui poussa les artistes à
concevoir leur effort de production du beau non seulement comme une
expression de leur génie, mais aussi comme un service authentique
rendu à la foi. Allant bien au-delà de la simple habileté
technique, ils ont su s'ouvrir avec docilité au souffle de l'Esprit
de Dieu. Les splendeurs de l'architecture et des mosaïques dans
l'Orient et dans l'Occident chrétiens sont un patrimoine universel
des croyants, et elles portent en elles un souhait, je dirais même
un gage, de la plénitude tant désirée de la communion dans la foi et
dans la célébration. Cela suppose et exige, comme dans la célèbre
icône de la Trinité de Roublev, une Église profondément
« eucharistique », où le partage du mystère du Christ dans le
pain rompu est comme immergé dans l'ineffable unité des trois
Personnes divines, faisant de l'Église elle-même une « icône » de la
Trinité. Dans cette perspective d'un art qui tend à exprimer, à
travers tous ses éléments, le sens de l'Eucharistie selon
l'enseignement de l'Église, il convient de prêter une attention
soutenue aux normes qui concernent la construction et
l'ameublement des édifices sacrés. L'espace de création que
l'Église a toujours laissé aux artistes est large, comme l'histoire
le montre et ainsi que je l'ai moi-même souligné dans la
Lettre aux artistes
. Mais
l'art sacré doit se caractériser par sa capacité d'exprimer de
manière adéquate le Mystère accueilli dans la plénitude de la foi de
l'Église et selon les indications pastorales convenables données par
l'Autorité compétente. Cela vaut tout autant pour les arts
figuratifs que pour la musique sacrée.
51. Ce qui s'est
produit dans les terres de vieille chrétienté en matière d'art sacré
et de discipline liturgique est en train de se développer aussi
sur les continents où le christianisme est plus jeune. C'est là
l'orientation qui a été donnée précisément par le Concile Vatican II
concernant l'exigence d'une « inculturation » à la fois saine et
nécessaire. Au cours de mes nombreux voyages pastoraux, j'ai pu
observer, dans toutes les régions du monde, la vitalité qui peut se
manifester dans les Célébrations eucharistiques au contact des
formes, des styles et des sensibilités des différentes cultures. En
s'adaptant aux conditions changeantes de temps et d'espace,
l'Eucharistie offre une nourriture non seulement aux personnes, mais
aux peuples eux-mêmes, et elle modèle des cultures inspirées par
l'esprit chrétien.
52. De ce qui vient
d'être dit, on comprend la grande responsabilité qui, dans la
Célébration eucharistique, incombe surtout aux prêtres, auxquels il
revient de la présider in persona Christi, assurant un
témoignage et un service de la communion non seulement pour la
communauté qui participe directement à la célébration, mais aussi
pour l'Église universelle, qui est toujours concernée par
l'Eucharistie. Il faut malheureusement déplorer que, surtout à
partir des années de la réforme liturgique post-conciliaire, en
raison d'un sens mal compris de la créativité et de l'adaptation
les abus n'ont pas manqué, et ils ont été des motifs de
souffrance pour beaucoup. Une certaine réaction au « formalisme » a
poussé quelques-uns, en particulier dans telle ou telle région, à
estimer que les « formes » choisies par la grande tradition
liturgique de l'Église et par son Magistère ne s'imposaient pas, et
à introduire des innovations non autorisées et souvent de mauvais
goût.
53. Si nous
voulons redécouvrir dans toute sa richesse le rapport intime qui
unit l'Église et l'Eucharistie, nous ne pouvons pas oublier Marie,
Mère et modèle de l'Église. Dans la lettre apostolique Rosarium
Virginis Mariæ, en désignant la Vierge très sainte comme
Maîtresse dans la contemplation du visage du Christ, j'ai inscrit
l'institution de l'Eucharistie parmi les mystères lumineux
. Marie peut en effet nous
guider vers ce très saint Sacrement, car il existe entre elle et lui
une relation profonde. À première vue, l'Évangile reste silencieux
sur ce thème. Dans le récit de l'institution, au soir du Jeudi
saint, on ne parle pas de Marie. On sait par contre qu'elle était
présente parmi les Apôtres, unis « d'un seul cœur dans la prière »
(cf. Ac 1, 14), dans la première communauté rassemblée
après l'Ascension dans l'attente de la Pentecôte. Sa présence ne
pouvait certes pas faire défaut dans les Célébrations eucharistiques
parmi les fidèles de la première génération chrétienne, assidus « à
la fraction du pain » (Ac 2, 42). Mais en allant au-delà de
sa participation au Banquet eucharistique, on peut deviner
indirectement le rapport entre Marie et l'Eucharistie à partir de
son attitude intérieure. Par sa vie tout entière, Marie est une
femme « eucharistique ». L'Église, regardant Marie comme son
modèle, est appelée à l'imiter aussi dans son rapport avec ce
Mystère très saint.
54. Mysterium fidei!
Si l'Eucharistie est un mystère de foi qui dépasse notre
intelligence au point de nous obliger à l'abandon le plus pur à la
parole de Dieu, nulle personne autant que Marie ne peut nous servir
de soutien et de guide dans une telle démarche. Lorsque nous
refaisons le geste du Christ à la dernière Cène en obéissance à son
commandement: « Faites cela en mémoire de moi! » (Lc 22, 19),
nous accueillons en même temps l'invitation de Marie à lui obéir
sans hésitation: « Faites tout ce qu'il vous dira » (Jn 2,
5). Avec la sollicitude maternelle dont elle témoigne aux noces de
Cana, Marie semble nous dire: « N'ayez aucune hésitation, ayez
confiance dans la parole de mon Fils. Lui, qui fut capable de
changer l'eau en vin, est capable également de faire du pain et du
vin son corps et son sang, transmettant aux croyants, dans ce
mystère, la mémoire vivante de sa Pâque, pour se faire ainsi “pain
de vie” ».
55. En un sens, Marie a
exercé sa foi eucharistique avant même l'institution de
l'Eucharistie, par le fait même qu'elle a offert son sein
virginal pour l'incarnation du Verbe de Dieu. Tandis que
l'Eucharistie renvoie à la passion et à la résurrection, elle se
situe simultanément en continuité de l'Incarnation. À
l'Annonciation, Marie a conçu le Fils de Dieu dans la vérité même
physique du corps et du sang, anticipant en elle ce qui dans une
certaine mesure se réalise sacramentellement en tout croyant qui
reçoit, sous les espèces du pain et du vin, le corps et le sang du
Seigneur. Il existe donc une analogie profonde entre le
fiat par lequel Marie répond aux paroles de l'Ange et l'amen
que chaque fidèle prononce quand il reçoit le corps du Seigneur. À
Marie, il fut demandé de croire que celui qu'elle concevait « par
l'action de l'Esprit Saint » était le « Fils de Dieu » (cf. Lc
1, 30-35). Dans la continuité avec la foi de la Vierge, il nous
est demandé de croire que, dans le Mystère eucharistique, ce même
Jésus, Fils de Dieu et Fils de Marie, se rend présent dans la
totalité de son être humain et divin, sous les espèces du pain et du
vin. « Heureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45): dans le mystère
de l'Incarnation, Marie a aussi anticipé la foi eucharistique de
l'Église. Lorsque, au moment de la Visitation, elle porte en son
sein le Verbe fait chair, elle devient, en quelque sorte, un
« tabernacle » – le premier « tabernacle » de l'histoire – dans
lequel le Fils de Dieu, encore invisible aux yeux des hommes, se
présente à l'adoration d'Élisabeth, « irradiant » quasi sa lumière à
travers les yeux et la voix de Marie. Et le regard extasié de Marie,
contemplant le visage du Christ qui vient de naître et le serrant
dans ses bras, n'est-il pas le modèle d'amour inégalable qui doit
inspirer chacune de nos communions eucharistiques ?
56. Durant toute sa vie
au côté du Christ et non seulement au Calvaire, Marie a fait sienne
la dimension sacrificielle de l'Eucharistie. Quand elle porta
l'enfant Jésus au temple de Jérusalem « pour le présenter au
Seigneur » (Lc 2, 22), elle entendit le vieillard Syméon lui
annoncer que cet Enfant serait un « signe de division » et qu'une
« épée » devait aussi transpercer le cœur de sa mère (cf. Lc
2, 34-35). Le drame de son Fils crucifié était ainsi annoncé à
l'avance, et d'une certaine manière était préfiguré le « stabat
Mater » de la Vierge au pied de la Croix. Se préparant jour
après jour au Calvaire, Marie vit une sorte « d'Eucharistie
anticipée », à savoir une « communion spirituelle » de désir et
d'offrande, dont l'accomplissement se réalisera par l'union avec son
Fils au moment de la passion et qui s'exprimera ensuite, dans le
temps après Pâques, par sa participation à la Célébration
eucharistique, présidée par les Apôtres, en tant que « mémorial » de
la passion. Comment imaginer les sentiments de Marie, tandis qu'elle
écoutait, de la bouche de Pierre, de Jean, de Jacques et des autres
Apôtres, les paroles de la dernière Cène: « Ceci est mon corps,
donné pour vous » (Lc 22, 19)? Ce corps offert en sacrifice,
et représenté sous les signes sacramentels, était le même que celui
qu'elle avait conçu en son sein! Recevoir l'Eucharistie devait être
pour Marie comme si elle accueillait de nouveau en son sein ce cœur
qui avait battu à l'unisson du sien et comme si elle revivait ce
dont elle avait personnellement fait l'expérience au pied de la
Croix.
57. « Faites cela en
mémoire de moi » (Lc 22, 19). Dans le « mémorial » du
Calvaire est présent tout ce que le Christ a accompli dans sa
passion et dans sa mort. C'est pourquoi ce que le Christ a
accompli envers sa Mère, il l'accomplit aussi en notre faveur.
Il lui a en effet confié le disciple bien-aimé et, en ce disciple,
il lui confie également chacun de nous: « Voici ton fils! ». De
même, il dit aussi à chacun de nous: « Voici ta mère! » (cf. Jn
19, 26-27). Vivre dans l'Eucharistie le mémorial de la mort du
Christ suppose aussi de recevoir continuellement ce don. Cela
signifie prendre chez nous – à l'exemple de Jean – celle qui chaque
fois nous est donnée comme Mère. Cela signifie en même temps nous
engager à nous conformer au Christ, en nous mettant à l'école de sa
Mère et en nous laissant accompagner par elle. Marie est présente,
avec l'Église et comme Mère de l'Église, en chacune de nos
Célébrations eucharistiques. Si Église et Eucharistie constituent un
binôme inséparable, il faut en dire autant du binôme Marie et
Eucharistie. C'est pourquoi aussi la mémoire de Marie dans la
Célébration eucharistique se fait de manière unanime, depuis
l'antiquité, dans les Églises d'Orient et d'Occident.
58. Dans l'Eucharistie,
l'Église s'unit pleinement au Christ et à son sacrifice, faisant
sien l'esprit de Marie. C'est une vérité que l'on peut approfondir
en relisant le Magnificat dans une perspective eucharistique.
En effet, comme le cantique de Marie, l'Eucharistie est avant tout
une louange et une action de grâce. Quand Marie s'exclame: « Mon âme
exalte le Seigneur et mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur », Jésus
est présent en son sein. Elle loue le Père « pour » Jésus, mais elle
le loue aussi « en » Jésus et « avec » Jésus. Telle est précisément
la véritable « attitude eucharistique ».
59. « Ave verum
corpus natum de Maria Virgine! ». Il y a quelques années, j'ai
célébré le cinquantième anniversaire de mon ordination sacerdotale.
Je ressens aujourd'hui comme une grâce le fait d'offrir à l'Église
cette encyclique sur l'Eucharistie en ce Jeudi saint qui tombe en la
vingt-cinquième année de mon ministère pétrinien. Cela me
remplit le cœur de gratitude. Depuis plus d'un demi-siècle, chaque
jour, à partir de ce 2 novembre 1946 où j'ai célébré ma première
Messe dans la crypte Saint-Léonard de la cathédrale du Wawel à
Cracovie, mes yeux se sont concentrés sur l'hostie et sur le calice,
dans lesquels le temps et l'espace se sont en quelque sorte
« contractés » et dans lesquels le drame du Golgotha s'est à nouveau
rendu présent avec force, dévoilant sa mystérieuse
« contemporanéité ». Chaque jour, ma foi m'a permis de reconnaître
dans le pain et le vin consacrés le divin Pèlerin qui, un certain
jour, fit route avec les deux disciples d'Emmaüs pour ouvrir leurs
yeux à la lumière et leur cœur à l'espérance (cf. Lc 24,
13-35). Frères et sœurs très chers, permettez que, dans un élan de
joie intime, en union avec votre foi et pour la confirmer, je donne
mon propre témoignage de foi en la très sainte Eucharistie.
« Ave verum corpus natum de Maria Virgine, /
vere passum, immolatum, in cruce pro homine! ». Ici se
trouve le trésor de l'Église, le cœur du monde, le gage du terme
auquel aspire tout homme, même inconsciemment. Il est grand ce
mystère, assurément il nous dépasse et il met à rude épreuve les
possibilités de notre esprit d'aller au-delà des apparences. Ici,
nos sens défaillent – « visus, tactus, gustus in te fallitur »,
est-il dit dans l'hymne Adoro te devote –, mais notre foi
seule, enracinée dans la parole du Christ transmise par les Apôtres,
nous suffit. Permettez que, comme Pierre à la fin du discours
eucharistique dans l'Évangile de Jean, je redise au Christ, au nom
de toute l'Église, au nom de chacun d'entre vous: « Seigneur, à qui
irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,
68).
60. À l'aube de
ce troisième millénaire, nous tous, fils et filles de l'Église, nous
sommes invités à progresser avec un dynamisme renouvelé dans la vie
chrétienne. Comme je l'ai écrit dans la lettre apostolique Novo
millennio ineunte, « il ne s'agit pas d'inventer un “nouveau
programme”. Le programme existe déjà: c'est celui de toujours, tiré
de l'Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière
analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer,
imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec
lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste »
. La réalisation de ce
programme d'un élan renouvelé dans la vie chrétienne passe par
l'Eucharistie. Tout engagement vers la sainteté, toute action visant
à l'accomplissement de la mission de l'Église, toute mise en œuvre
de plans pastoraux, doit puiser dans le mystère eucharistique la
force nécessaire et s'orienter vers lui comme vers le sommet. Dans
l'Eucharistie, nous avons Jésus, nous avons son sacrifice
rédempteur, nous avons sa résurrection, nous avons le don de
l'Esprit Saint, nous avons l'adoration, l'obéissance et l'amour
envers le Père. Si nous négligions l'Eucharistie, comment
pourrions-nous porter remède à notre indigence ?
61. Le mystère
eucharistique – sacrifice, présence, banquet – n'admet ni
réduction ni manipulation; il doit être vécu dans son intégrité,
que ce soit dans l'acte de la célébration ou dans l'intime échange
avec Jésus que l'on vient de recevoir dans la communion, ou encore
dans le temps de prière et d'adoration eucharistique en dehors de la
Messe. L'Église s'édifie alors solidement et ce qu'elle est vraiment
est exprimé: une, sainte, catholique et apostolique; peuple, temple
et famille de Dieu; corps et épouse du Christ, animée par l'Esprit
Saint; sacrement universel du salut et communion hiérarchiquement
structurée. La voie que l'Église parcourt en ces premières années du
troisième millénaire est aussi un chemin d'engagement œcuménique
renouvelé. Les dernières décennies du deuxième millénaire, qui
ont culminé avec le grand Jubilé, nous ont poussés dans cette
direction, encourageant tous les baptisés à ré- pondre à la prière
de Jésus « ut unum sint » (Jn 17, 11). Un tel chemin
est long, hérissé d'obstacles qui dépassent les forces humaines;
mais nous avons l'Eucharistie, et, en sa présence, nous pouvons
entendre au fond de notre cœur, comme si elles nous étaient
adressées, les paroles mêmes qu'entendit le prophète Élie:
« Lève-toi et mange, autrement le chemin sera trop long pour toi » (1
R 19, 7). Le trésor eucharistique que le Seigneur a mis à notre
disposition nous pousse vers l'objectif du partage plénier de ce
trésor avec tous les frères auxquels nous unit le même Baptême.
Toutefois, pour ne pas gaspiller un tel trésor, il faut respecter
les exigences liées au fait qu'il est le Sacrement de la communion
dans la foi et dans la succession apostolique. En donnant à
l'Eucharistie toute l'importance qu'elle mérite et en veillant avec
une grande attention à n'en atténuer aucune dimension ni aucune
exigence, nous montrons que nous sommes profondément conscients de
la grandeur de ce don. Nous y sommes aussi invités par une tradition
ininterrompue qui, dès les premiers siècles, a vu la communauté
chrétienne attentive à conserver ce « trésor ». Poussée par l'amour,
l'Église se préoccupe de transmettre aux générations chrétiennes à
venir, sans en perdre un seul élément, la foi et la doctrine sur le
mystère eucharistique. Il n'y a aucun risque d'exagération dans
l'attention que l'on porte à ce Mystère, car « dans ce Sacrement se
résume tout le mystère de notre salut »
.
62. Chers frères et
sœurs, mettons-nous à l'école des saints, grands interprètes
de la piété eucharistique authentique. En eux, la théologie de
l'Eucharistie acquiert toute la splendeur du vécu, elle nous
« imprègne » et pour ainsi dire nous « réchauffe ». Mettons-nous
surtout à l'écoute de la très sainte Vierge Marie en qui,
plus qu'en quiconque, le Mystère de l'Eucharistie resplendit comme
mystère lumineux. En nous tournant vers elle, nous
connaissons la force transformante de l'Eucharistie. En elle,
nous voyons le monde renouvelé dans l'amour. En la contemplant, elle
qui est montée au Ciel avec son corps et son âme, nous découvrons
quelque chose des « cieux nouveaux » et de la « terre nouvelle » qui
s'ouvriront à nos yeux avec le retour du Christ. L'Eucharistie en
est ici-bas le gage et d'une certaine manière l'anticipation: « Veni,
Domine Iesu! » (Ap 22, 20). Sous les humbles espèces du
pain et du vin, transsubstantiés en son corps et en son sang, le
Christ marche avec nous, étant pour nous force et viatique, et il
fait de nous, pour tous nos frères, des témoins d'espérance. Si,
face à ce mystère, la raison éprouve ses limites, le cœur, illuminé
par la grâce de l'Esprit Saint, comprend bien quelle doit être son
attitude, s'abîmant dans l'adoration et dans un amour sans limites.
Faisons nôtres les sentiments de saint Thomas d'Aquin, théologien
par excellence et en même temps chantre passionné du Christ en son
Eucharistie, et laissons notre âme s'ouvrir aussi à la contemplation
du but promis, vers lequel notre cœur aspire, assoiffé qu'il est de
joie et de paix:
« Bone pastor, panis
vere,
Iesu, nostri miserere... ».
Bon pasteur, pain
véritable,
Jésus aie pitié de nous
nourris-nous, protège-nous,
fais-nous voir le bien suprême,
dans la terre des vivants.
Toi qui sais et qui
peux tout,
toi notre nourriture d'ici-bas,
prends-nous là-haut pour convives
et pour héritiers à jamais dans la famille des saints.
Donné à Rome, près de
Saint-Pierre, le 17 avril 2003, Jeudi saint, en la vingt-cinquième
année de mon pontificat et en l'année du Rosaire.
IOANNES PAULUS II
AAS 39
(1947), pp. 521-595; La Documentation catholique 45
(1948), col. 195-251.
Cf. Concile
œcuménique Vatican II, Const. sur la sainte Liturgie
Sacrosanctum concilium, n. 47: Salvator noster [...] Sacrificium
Eucharisticum Corporis et Sanguinis sui instituit, quo
Sacrificium Crucis in sæcula, donec veniret, perpetuaret...:
« Notre Sauveur [...] institua le sacrifice eucharistique de son
Corps et de son Sang pour perpétuer le sacrifice de la croix au
long des siècles, jusqu'à ce qu'il vienne ».
Catéchisme
de l'Église catholique, n. 1382.
Jean-Paul II,
Encycl. Redemptor hominis (15 mars 1979), n. 20: AAS
71 (1979), p. 310; La Documentation catholique 76
(1979), p. 317.
Catéchèses
mystagogiques, IV, 6: SCh 126, p. 138.
Homélie IV
pour la Semaine sainte: CSCO 413 / Syr. 182,
55.
Constitution
dogmatique Lumen gentium, n. 3.
« Moïse prit le
sang, en aspergea le peuple, et dit : “Voici le sang de
l'Alliance que, sur la base de toutes ces paroles, le Seigneur a
conclue avec vous” » (Ex 24, 8).
Cf. Concile
œcuménique Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 1.
) Homélies
sur la 1re Lettre aux Corinthiens, 24, 2: PG 61, 200;
cf. Didachè, IX, 4; Funk, 1, 22; SCh 248, p. 177;
S. Cyprien, Lettres LXIII, 13: PL 4, 384;
Correspondance II, Les Belles Lettres, Paris (1925),
pp. 201-202.
Cf. Concile
œcuménique de Trente, Sess. XIII, Décret sur la très sainte
Eucharistie, can. 4: DS 1654; La Foi catholique,
n. 748.
« Qu'au cours
de la journée 1es fidèles ne négligent point de rendre visite au
Saint-Sacrement, qui doit être conservé en un endroit très digne
des églises, avec le plus d'honneur possible, selon les lois
liturgiques. Car la visite est une marque de gratitude, un geste
d'amour et un devoir de reconnaissance envers le Christ
Notre-Seigneur présent en ce lieu »: Paul VI, Encycl.
Mysterium fidei (3 septembre 1965): AAS 57 (1965), p.
771; La Documentation catholique 62 (1965), col.
1647-1648.
Lettre
apostolique Dominicæ Cenæ (24 février 1980), n. 2: AAS
72 (1980), p. 115; La Documentation catholique 77 (1980),
p. 301.
) Décret
Presbyterorum ordinis, n. 6.
Nicolas
Cabasilas, La vie en Christ, IV, n. 10: SCh, 355,
p. 271.
N. 1385; cf.
Code de Droit canonique, can. 916; Code des Canons des Églises
orientales, can. 711.
Constitution
dogmatique Lumen gentium, n. 14.
Lettre aux
Smyrniotes, VIII: PG 5, 713 ; SCh n. 10, p.
139.
Sermon
272: PL 38, 1247; Oeuvres complètes de saint Augustin,
Paris (1873), p. 399.
Cf. nn. 31-51:
AAS 90 (1998), pp. 731-746; La Documentation
catholique, 95 (1998), pp. 666-672.
Cf. Décret
Unitatis redintegratio, n. 1.
N. 45: AAS
87 (1995), p. 948; La Documentation catholique, 92
(1995), p. 579.
) N. 46: AAS
87 (1995), p. 948; La Documentation catholique, 92
(1995), pp. 580.
Cf. Code de
Droit canonique, can. 844; Code des Canons des Églises
orientales, can. 671.