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PRÉAMBULE
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A notre époque où le genre humain
devient de jour en jour plus étroitement uni et où les relations entre
les divers peuples augmentent, l’Église examine plus attentivement
quelles sont ses relations avec les religions non chrétiennes. Dans sa
tâche de promouvoir l'unité et la charité entre les hommes, et même
entre les peuples, elle examine ici d'abord ce que les hommes ont en
commun et qui les pousse à vivre ensemble leur destinée.
Tous les peuples forment, en effet,
une seule communauté ; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait
habiter toute la race humaine sur la face de la terre
;
ils ont aussi une seule fin dernière, Dieu, dont la providence, les
témoignages de bonté et les desseins de salut s'étendent à tous
,
jusqu'à ce que les élus soient réunis dans la cité sainte, que la gloire
de Dieu illuminera et où tous les peuples marcheront à sa lumière
.
Les hommes attendent des diverses
religions la réponse aux énigmes cachées de la condition humaine, qui,
hier comme aujourd'hui, troublent profondément le cœur humain :
Qu'est-ce que l'homme ? Quel est le sens et le but de la vie ? Qu'est-ce
que le bien et qu'est-ce que le péché ? Quels sont l'origine et le but
de la souffrance ? Quelle est la voie pour parvenir au vrai bonheur ?
Qu'est-ce que la mort, le jugement et la rétribution après la mort ?
Qu'est-ce enfin que le mystère dernier et ineffable qui entoure notre
existence, d'où nous tirons notre origine et vers lequel nous tendons ?
Les diverses religions
non chrétiennes
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Depuis les temps les plus reculés
jusqu'à aujourd'hui, on trouve dans les différents peuples une certaine
sensibilité à cette force cachée qui est présente au cours des choses et
aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la
Divinité suprême, ou encore du Père. Cette sensibilité et cette
connaissance pénètrent leur vie d'un profond sens religieux. Quant aux
religions liées au progrès de la culture, elles s'efforcent de répondre
aux mêmes questions par des notions plus affinées et par un langage plus
élaboré. Ainsi, dans l'hindouisme, les hommes scrutent le mystère divin
et l'expriment par la fécondité inépuisable des mythes et par les
efforts pénétrants de la philosophie ; ils cherchent la libération des
angoisses de notre condition, soit par les formes ascétiques, soit par
la méditation profonde, soit par le refuge en Dieu avec amour et
confiance. Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l'insuffisance
radicale de ce monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par
laquelle les hommes, avec un cœur dévot et confiant, pourront acquérir
l'état de libération parfaite, soit atteindre l'illumination suprême par
leurs propres efforts ou par un secours venu d'en-haut. De même aussi,
les autres religions qu'on trouve de par le monde s'efforcent d'aller,
de façons diverses; au-devant de l'inquiétude du cœur humain en
proposant des voies, c'est-à-dire des doctrines, des règles de vie et
des rites sacrés.
L’Église catholique ne rejette rien
de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un
respect sincère ces manières d'agir et de vivre, ces règles et ces
doctrines qui, quoiqu'elles différent en beaucoup de ce qu'elle-même
tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui
illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue
d'annoncer sans cesse, le Christ qui est « la voie, la vérité et la
vie » Jn 14,6, dans lequel les hommes doivent trouver la
plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s'est réconcilié
toutes choses.
Elle exhorte donc ses fils pour
que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration
avec ceux qui suivent d'autres religions, et tout en témoignant de la
foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent
progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se
trouvent en eux.
La religion musulmane
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L'Église regarde aussi avec estime
les Musulmans, qui adorent le Dieu un, vivant et subsistant,
miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre
,
qui a parlé aux hommes. Ils cherchent à se soumettre de toute leur âme
aux décrets de Dieu, même s'ils sont cachés, comme s'est soumis à Dieu
Abraham, auquel la foi islamique se réfère volontiers. Bien qu'ils ne
reconnaissent pas Jésus comme Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils
honorent sa Mère virginale, Marie, et parfois même l'invoquent avec
piété. De plus, ils attendent le jour du jugement, où Dieu rétribuera
tous les hommes ressuscités. Aussi ont-ils en estime la vie morale et
rendent-ils un culte à Dieu, surtout par la prière, l'aumône et le
jeûne.
Si, au cours des siècles, de
nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les
chrétiens et les musulmans, le Concile les exhorte à oublier le passé et
à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à
protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice
sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté.
Le religion juive
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Scrutant le mystère de l'Église, le
Concile rappelle le lien qui relie spirituellement le peuple du N. T.
avec la lignée d'Abraham
.
L'Église du Christ, en effet,
reconnaît que les prémices de sa foi et de son élection se trouvent,
selon le mystère divin du salut, dans les patriarches, Moïse et les
prophètes. Elle confesse que tous les fidèles du Christ, fils d'Abraham
selon la foi
,
sont inclus dans la vocation de ce patriarche et que le salut de
l’Église est mystérieusement préfiguré dans la sortie du peuple élu hors
de la terre de servitude. C'est pourquoi l’Église ne peut oublier
qu'elle a reçu la révélation de l'Ancien Testament par ce peuple avec
lequel Dieu, dans sa miséricorde indicible, a daigné conclure l'antique
Alliance, et qu'elle se nourrit de la racine de l'olivier franc sur
lequel ont été greffés les rameaux de l'olivier sauvage que sont les
gentils
.
L’Église croit, en effet, que le Christ, notre paix, a réconcilié les
Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même, des deux, a fait un
seul
.
L’Église a toujours devant les yeux
les paroles de l'apôtre Paul sur ceux de sa race « à qui appartiennent
l'adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte,
les promesses et les patriarches, et de qui est né, selon la chair, le
Christ » Rm 9,4-5, le Fils de la Vierge Marie. Elle rappelle
aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l’Église, sont nés du
peuple juif, ainsi qu'un grand nombre des premiers disciples qui
annoncèrent au monde l’Évangile du Christ.
Au témoignage de l’Écriture Sainte,
Jérusalem n'a pas reconnu le temps où elle fut visitée
;
les Juifs, en grande partie, n'acceptèrent pas l’Évangile, et même
nombreux furent ceux qui s'opposèrent à sa diffusion
.
Néanmoins, selon l'Apôtre
,
l’Église attend le jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples
invoqueront le Seigneur d'une seule voix et « le serviront sous un même
joug » So 3,9
.
Du fait d'un si grand patrimoine
spirituel, commun aux chrétiens et aux Juifs, le Concile veut encourager
et recommander entre eux la connaissance et l'estime mutuelles, qui
naîtront surtout d'études bibliques et théologiques, ainsi que d'un
dialogue fraternel.
Encore que des autorités juives,
avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ
,
ce qui a été commis durant sa Passion ne peut être imputé ni
indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre
temps. S'il est vrai que l’Église est le nouveau peuple de Dieu, les
Juifs ne doivent pas, pour autant, être présentés comme réprouvés par
Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous
donc aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de
Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité
de l’Évangile et à l'esprit du Christ.
En outre, l’Église, qui réprouve
toutes les persécutions contre tous les hommes, quels qu'ils soient, ne
pouvant oublier le patrimoine qu'elle a en commun avec les Juifs, et
poussée, non pas par des motifs politiques, mais par la charité
religieuse de l’Évangile, déplore les haines, les persécutions et toutes
les manifestations d'antisémitisme, qui, quels que soient leur époque et
leurs auteurs, ont été dirigées contre les Juifs.
D'ailleurs, comme l’Église l'a
toujours tenu et comme elle le tient, le Christ, en vertu de son immense
amour, s'est soumis volontairement à la Passion et à la mort à cause des
péchés de tous les hommes et pour que tous les hommes obtiennent le
salut. Le devoir de l’Église, dans sa prédication, est donc d'annoncer
la croix du Christ comme signe de l'amour universel de Dieu et comme
source de toute grâce.
La
fraternité universelle excluant toute discrimination
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Nous ne pouvons invoquer Dieu, Père
de tous les hommes, si nous refusons de nous conduire fraternellement
envers certains des hommes créés à l'image de Dieu. La relation de
l'homme à Dieu le Père et la relation de l'homme à ses frères humains
sont tellement liés que l’Écriture dit : « Qui n'aime pas ne connaît pas
Dieu » 1Jn 4,8.
Par là est sapé le fondement de
toute théorie ou de toute pratique qui introduit entre homme et homme,
entre peuple et peuple, une discrimination en ce qui concerne la dignité
humaine et les droits qui en découlent.
L’Église réprouve donc, en tant que
contraire à l'esprit du Christ, toute discrimination ou vexation opérée
envers des hommes en raison de leur race, de leur couleur, de leur
classe ou de leur religion. En conséquence, le Concile, suivant les
traces des saints apôtres Pierre et Paul, adjure ardemment les fidèles
du Christ « d'avoir au milieu des nations une belle conduite »
1P 2,12, si c'est possible, et de vivre en paix, pour autant qu'il
dépend d'eux, avec tous les hommes
,
de manière à être vraiment les fils du Père qui est dans les cieux
.
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Tout l'ensemble et chacun des
points qui ont été édictés dans cette déclaration ont plu aux Pères du
Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que Nous tenons du
Christ, en union avec les vénérables Pères, Nous les approuvons,
arrêtons et décrétons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que ce qui
a été ainsi établi en Concile soit promulgué pour la gloire de Dieu.
Rome, à Saint-Pierre, le 28 Octobre
1965. Moi, PAUL, évêque de l’Église catholique.
(suivent les signatures des Pères)
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