LETTRES AU PÈRE MARIANO PINHO

1933
 

Balasar, le 28 août 1933

          Vive Jésus !

          Père Pinho,

          Comment allez-vous depuis le 20 dernier à ce jour ? L’excès de travail n’a-t-il pas aggravé l’état de santé de V. Révérence ? Je ne cesse de prier Notre Seigneur pour cela : pourvu que mes prières soient entendues. Quant à moi, les choses ne s’arrangent pas : j’ai très mal au cœur, mes forces me lâchent, c’est pourquoi j’ai demandé à ma sœur de vous écrire la présente lettre, afin que ne fasse pas trop d’efforts.

          Maintenant je veux remercier V. Révérence pour le petit livre que vous m’avez envoyé. Il n’est pas bien facile d’imaginer à quel point cela m’a fait plaisir ! Peu de temps avant de le recevoir, j’avais pleuré, car le sentais la nostalgie des mots que vous m’adressiez et combien ceux-ci procuraient de consolation à mon âme ; et aussi la tendresse avec laquelle vous traitiez cette pauvre malade ! Et me savoir maintenant, si loin de V. Révérence ! Mais, je me reconnais volontiers indigne d’une grâce aussi grande : pouvoir vous parler plus régulièrement. Mais, je me rends compte que Notre Seigneur veille sur moi, car Il a fait en sorte que vous, même au milieu de tant de travaux, vous ne m’oubliez pas.

          J’ai reçu votre, et je l’ai lue plusieurs fois, car en la lisant, je me sentais plus forte pour aimer Notre Seigneur et pour Lui souffrir tout ce qui serait de sa divine Volonté. Je n’ai pas oublié, et je n’oublierai plus jamais tout ce que vous m’avez demandé. Je vous demande de bien vouloir, par charité, prier pour moi.

          Alors, aurai-je la joie de votre visite le 16 ? En ce qui concerne la voiture, j’espère que cela s’arrangera, mais j’aimerais que vous confirmiez votre venue, et à quelle heure, afin que l’on puisse prévenir, car il peut y avoir quelques difficultés ce jour-là, à cause de la fête en l’honneur de Notre-Dame des Douleurs, à Póvoa. Au cas où nous ne réussissions à obtenir une voiture, un neveu de Monsieur l’abbé de Cavalões, qui est notre cousin et qui a une belle moto et peut transporter une personne avec lui, se fera un plaisir d’aller vous chercher, si nécessaire, sauf, bien entendu, si V. Révérence ne peut pas, pour raison de santé, utiliser ce moyen de transport. Si cela était, nous pensons pouvoir trouver une voiture. Je ne veux en aucun cas me priver de votre petite visite ! Pour l’heure, indiquez celle qui vous conviendra le mieux. Si c’est le matin, nous serions heureuses de vous avoir à notre table.

          Je vous demande pardon pour toutes mes fautes.

          Recevez les bons souvenirs de ma mère et de ma sœur. Vous ne vous êtes pas trompé : elle a été souvent alité, ces temps-ci.

          Je suis celle qui demande votre bénédiction,

          Alexandrina Maria da Costa

Balasar, le 1er septembre 1933

          Vive Jésus !

          (Lettre de conscience)

          Père Pinho,

          Aujourd’hui même j’ai eu la joie de recevoir — pour la première fois depuis que vous êtes parti — mon bien-aimé Jésus. Je ne peux pas m’empêcher de vous raconter ce qui a tant fait de peine à mon âme : cela faisait déjà 13 jours que je ne recevais pas le pardon de mes péchés ; et voilà que Monsieur l’abbé se présente chez moi, sans même me prévenir, apportant avec lui Notre Seigneur. Il semblait pressé. Il ne m’a pas parlé de confession ; moi-même je ne lui ai rien dit. C’est pour cela que je vous écris pour soulager mon âme, vous avouant mes fautes.

          Je commencerai par vous dire que mes prières ne sont pas abondantes et de surcroît mal faites : je ne peux mieux faire. Ma pensée voyage partout; si je pouvais l’apprivoiser, ce serait une excellente chose. Avec ma mère et ma sœur, j’ai toujours quelques impatiences, mais je fais de mon mieux pour m’en corriger. Toutefois, le démon, lui aussi, n’en finit pas de me faire des suggestions, dans l’espoir que je cède un jour ou l’autre. Vis-à-vis du prochain, je dois aussi dire quelque chose: je fais pourtant de mon mieux pour ne pas y manquer, mais parfois, je n’y réussis pas.

          Enfin, je suis tellement faible et pécheresse, que je n’arrive pas à me corriger de mes péchés. Que Notre Seigneur ait pitié de moi.

          Père Pinho, mon âme semble déjà se soulager, pensant que je parle à quelqu’un en qui j’ai toute confiance. Combien Notre Seigneur est bon, m’accordant cette grâce que je ne méritais pas. J’ai eu la joie non seulement de vous connaître personnellement mais aussi celle de savoir que vous veilliez sur ma pauvre âme.

          Je vous demande de bien vouloir continuer à prier pour moi, moi qui en ai tant besoin. Quant à moi, tant que je vivrai, je ferai tout ce que je pourrai pour V. Révérence. Aujourd’hui même, lors de la Communion, j’ai avec insistance à mon bon Jésus d’accepter toutes mes souffrances pour votre rétablissement et à toutes vos intentions : le salut des âmes. Mais, quand j’irai au ciel, je ferai tout pour que vous veniez auprès de moi.

Je vous demande, par l’amour de Jésus et Marie, de bien vouloir m’accorder une bénédiction qui me sanctifie.

          Alexandrina Maria da Costa

          Père Pinho, venez-vous ici le 16 ? Ou vous êtes-vous décommandé ? J’espère bien que vous viendrez, car à cette occasion Monsieur l’abbé sera aux bains : cela tombe bien…

Balasar, le 18 septembre 1933

          Père Pinho,

          Comment allez-vous depuis samedi ? Le grand sacrifice que vous avez fait pour venir visiter cette pauvre malade ne vous a-t-il pas été préjudiciable ? Oh ! Je crois que non, car Notre Seigneur n’a jamais payé le bien avec le mal.

          Il n’est pas facile d’imaginer la joie que j’ai ressentie quand ma sœur m’a remis le lettre de Votre Révérence ! Que Notre Seigneur vous paie, car il ne m’est pas possible de le faire.

          Je ne suis pas allée à Grimancelos [1]; j’en ai eu de la peine, mais je me suis conformée à la volonté de mon très aimé Rédempteur. Mais, malgré mon impossibilité d’y aller, ma pensée y est allée plusieurs fois dans la journée et, afin de ne pas trouver le temps long, j’ai relu vos lettres qui ont procuré à mon âme douceur et consolation.

          Père Pinho, j’ai oublié de vous dire — et cela me peine beaucoup — que, par l’amour de Dieu, ne me demandez plus jamais pardon, comme vous l’avez fait dans la dernière lettre que vous m’avez écrite. Le contraire serait plus juste : que ce soit à vous demander pardon à Votre Révérence et non point vous à moi, car pour tout ce qui sera de votre volonté, est aussi volonté de Dieu et, par conséquent aussi la mienne.

          Et maintenant, adieu. Je termine, car je suis très malade et fatiguée. Je vous demande pardon pour toutes mes fautes, qui sont nombreuses.

          Je vous demande de ne me jamais oublier dans vos prières, car j’en ai grand besoin. Quant aux miennes, vous pouvez y compter : au milieu de mes grandes souffrances, je ne vous oublierai jamais.

          Recevez les bons souvenirs de ma mère et de ma sœur.

          Je celle qui, pour l’amour de Jésus, vous demande une bénédiction.

          Alexandrina Maria da Costa.

          P. S. Je viens à l’instant de recevoir la visite du médecin. Il ne m’a pas prescrit de médicaments, ni rien fait. Il m’a dit qu’il avait peur de moi ; il me trouve trop forte. Le médicament est celui de souffrir tant que Notre-Seigneur le voudra.

Balasar, le 29 septembre 1933

          Vive Jésus !

          Père Pinho,

          Je vous écris une nouvelle fois pour vous dire que je passe des journées très tristes pour diverses raisons. J’ai pensé ne pas vous écrire, mais je n’ai pas pu me retenir de le faire. J’avais besoin de m’épancher avec quelqu’un en qui j’ai toute confiance.

          La première raison de ma tristesse, c’est que je n’ai plus reçu Notre-Seigneur. Le triduum de Fatima est passé sans que je communie. J’en suis très peinée, mais le remède qui me reste est celui de me conformer à la volonté de mon bien-aimé Jésus. Ah ! si je vivais plus près de Votre Révérence, je serais bien mieux, car je communierais bien plus souvent.

          Père Pinho, savez-vous quelle est la deuxième raison, et celle qui me fait le plus pleurer et souvent ? C’est que je me suis persuadée que vous étiez malade, et qui, si cela est vrai, c’est à cause de moi, à cause du grand sacrifice que vous êtes venu faire. Est-ce une idée que je me fais. Je ne le sais pas. Ce que je sais c’est qu’il me semblait avoir la certitude que vous soyez mort. Le cause de tout cela je l’ignore. Mais s’il ne s’agit que d’un mauvais rêve, je vous demande de m’écrire au moins deux lignes pour me rassurer. Je sais bien que, à cause de votre travail, cela représentera un sacrifice : vous les ajouterez aux autres, nombreux, que vous avez déjà fait pour moi. Mais il est temps maintenant d’en finir avec les choses tristes ; changeons donc de sujet.

          J’ai terminé la neuvaine à Notre-Dame de Fatima et bu de son eau. Je pense qu’Ils en ont été satisfaits, car Notre-Seigneur, qui connaît tout, savait que je n’accomplirais pas ce que j’avais promis, ou bien parce que c’est celle-la sa divine Volonté.

          Ce sera tout pour aujourd’hui, car je suis fatiguée.

          Recevez les bons souvenirs de ma sœur ; ma mère est absente.

          Je vous demande, par l’amour de Notre-Seigneur, de bien vouloir me bénir.

          Alexandrina Maria da Costa.

Balasar, le 2 octobre 1933

          Vive Jésus !

          Révérend Père Pinho,

          Celle-ci a pour but de vous dire que j’ai reçu la lettre de Votre Révérence, laquelle m’a procuré beaucoup de consolation et de paix, car je ressentais en moi une grande tristesse, comme je vous l’ai déjà expliqué dans l’une de mes lettres que vous avez dû recevoir. Dieu soit loué, car celui que je croyais mort, est ressuscité. Quelle erreur la mienne ! Mais je suis très contente de m’être trompée.

          Père Pinho, vous de disiez dans votre dernière lettre que vous souhaitiez que je vous dise beaucoup de choses, dans l’impossibilité que je suis d’aller vers vous. J’aurais, il est vrai, beaucoup de choses à vous dire, mais mon état de santé s’est beaucoup aggravé. Cela va faire quinze jours que j’ai très mal à la colonne, mais pire encore ces derniers jours, car je n’arrive pas à trouver la bonne position pour mon corps. Je ne sais pas si je guérirai un jour, mais si je continue de la sorte, il me sera impossible de continuer à vous écrire. C’est cela qui m’attriste ; mais que soit faite la volonté de Notre-Seigneur. Mais c’est très bien : ainsi j’aurai quoi Lui offrir pour le pécheurs et pour les personnes que j’aime le plus, ainsi que pour moi qui en ai tant besoin.

          Père Pinho, dans la lettre que vous avez dû recevoir, je vous demandais de m’écrire, mais maintenant je suis plus rassurée par la lettre que je viens de recevoir — et je vous en remercie vivement : Dieu seul pourra vous en récompenser — il vous suffira de m’écrire quand vous en aurez le temps. Ce n’est pas que je ne ressente pas de la consolation, quand j’en reçois, mais je ne veux surtout pas être impertinente.

          Ma mère et ma sœur vous envient leurs bons souvenirs.

          Adieu, jusqu’à je ne sais quand.

          Veuillez m’accorder votre bénédiction,

          Alexandrina Maria da Costa.

Balasar, le 11 octobre 1933

          Vive Jésus!

          Révérend Père Pinho,

          J’ai reçu ce matin une lettre de Votre Révérence que ma sœur m’a ramenée de l’église, et qui lui a été remise par Madame Teresa Matias. Je vous en remercie, car cette lettre m’a procuré beaucoup de joie. Une chose toutefois m’attriste : c’est de savoir qu’il manque encore longtemps pour que je reçoive votre visite, à moins qu’entre-temps mon état de santé continue d’empirer comme en ce moment ; alors j’enverrai quelqu’un frapper à votre porte pour que vous me rendiez une dernière visite.

          Ces derniers jours mes souffrances ont beaucoup augmenté. Je souffre de mal de tête et j’ai de la fièvre — cet après-midi elle a baissé —, mais je me sens sans forces, je ne peux rien faire. Je ne sais donc pas si une amélioration de mon état surviendra ou pas, mais que la volonté de Notre-Seigneur soit fait. Voilà pourquoi je me sens incapable d’écrire, raison pour laquelle j’ai demandé à ma sœur de le faire à ma place : c’est elle qui écris e moi qui dicte.

          Monsieur l’Abbé est venu m’apporter Notre-Seigneur pour la première fois vendredi, samedi et dimanche. J’étais très malade et je me plaignait beaucoup.

          Demain ma sœur va lui demander de venir m’apporter Notre-Seigneur le 13 et me confesser, car je ne l’ai pas fait depuis la dernière visite de Votre Révérence.

          Père Pinho, vous me disiez avoir été peine du fait que ma sœur n’a pas pu vous rendre visite. Elle aussi est peinée, mais ce fut le jour ou j’ai eu le plus de fièvre. C’est bien qu’elle n’y soit pas allée. Tout ce que Notre-Seigneur fait est bien fait. Elle veut y aller le 21 — cela tombe un samedi — si je vais mieux. Je vous demande donc de bien vouloir nous informer si vous serez chez vous ce jour-là.

          Ce sera tout pour aujourd’hui. Ma mère et ma sœurs vous envoient leurs bons souvenirs.

          Je vous demande de prier beaucoup pour moi, et mois je vous assure de beaucoup prier pour vous en ce monde et plus encore quand je serai au ciel.

          Je suis celle qui vous demande une bénédiction,

          Alexandrina Maria da Costa.

Balasar, le 27 octobre 1933

          Vive Jésus !

          Révérend Père Pinho,

          Je ne pouvais pas vous laisser quitter Braga sans vous raconter quelque chose sur moi et de vous remercier pour les deux lettres que j’ai reçues, ainsi que l’image de Notre-Dame de Fatima et les souvenirs que vous m’avez envoyés par Madame Teresa. Oh ! combien tout cela vient réjouir mon âme et combien cela m’est nécessaire pour aimer encore davantage Notre-Seigneur. J’espère que vous continuerez de m’aider à perfectionner mon âme comme vous l’avez fait jusqu’ici. Vu que je n’ai pas le bonheur d’avoir à côté de moi quelqu’un qui me console, je rends grâce à mon bien-aimé Jésus d’avoir, au loin, quelqu’un qui fasse pour moi tant de choses. Que serait-il de moi, sans remède pour le corps et pour l’âme ?

          Père Pinho, j’aimerais vous dire quelque chose, mais je ne le peux pas. Ce qui me fait écrire est une grande force de volonté, car mes souffrances continuent ainsi que mon mal de colonne, mais comme la fièvre a baissé, je résiste du mieux que je peux.

          Père Pinho, vous voulez savoir quand je me suis inscrite chez les “Filles de Marie” : ce fut le 18 [2]. Le manchot a bien essayé de l’empêcher, mais Notre-Seigneur a vaincu. Je vous joins un petit souvenir de ce jour-là.

          Ce sera tout pour aujourd’hui. Je reste dans l’attente de votre visite si souhaitée.

          Recevez les bons souvenirs de ma mère et de Deolinda.

          Je vous prie de bien vouloir m’envoyer une bénédiction spéciale pour mes péchés.

          Celles qui continue de prier pour Votre Révérence,

          Alexandrina Maria da Costa.

Balasar, le 6 novembre 1933

          Vive Jésus!

          Révérend Père Pinho,

          Je commencerai par vous dire que votre lettre m’a bien été remise. Il est inutile de vous dire la joie qu’elle m’a procurée. Je la lis et relis, et cela me fait beaucoup de bien. En ces paroles-là ce vois comme une lumière qui guide ma pauvre âme qui a tant besoin de quelqu’un qui lui infuse beaucoup d’amour envers mon bien-aimé Jésus que j’estime aimer si peu.

          Père Pinho, votre retour de Fontão à Braga s’est-il bien passé ? Avez-vous fait un heureux voyage ? Je serais heureuse de le savoir. Il en va de même au sujet de votre santé. Pour savoir de mes nouvelles, vous vous donné de la peine, mais pour m’en donner sur vous vous, vous faites prier, sauf exception.

          Père Pinho, dans votre dernière lettre vous me demandiez si j’étais Marie des Tabernacles. Oui, je le suis. Si je voulais la Messe [dans ma chambre]… Cela fait longtemps que j’en ai le désir. Quand j’ai appris que c’était Votre Révérence qui venait présider le Triduum, alors même que je ne vous connaissais pas encore, j’en avais parlé à ma sœur, pour vous en faire la demande, mais par timidité et aussi pour ne pas vous obliger à prêcher à jeun, nous n’avons pas osé. Mais, quand j’ai appris que vous prêchiez toujours à jeun, je l’ai regretté. Maintenant, si cela est possible, pour moi, ce serait un motif de grande joie, joie si grande que je ne sais même pas expliquer. Malgré cette joie immense, cela me coûte de savoir que vous devrez rester à jeun, surtout par ces matinées si froides.

          Je vous remercie pour l’image que vous m’avez envoyée pour ma mère. Elle l’a beaucoup aimée et vous remerciant, vous envoie ses bons souvenirs, de même que Deolinda qui attend avec impatience le Triduum d’Outiz.

          Père Pinho, deux petits mots à peine, car mes forces ne me permettent pas davantage. J’ai passé une mauvaise nuit. Je ne trouvais pas de bonne position. Mes jours se passent ainsi: un jour bien, un autre plus mal, portant toujours cette croix que le Seigneur m’a donnée.

          Demain je termine la neuvaine[3], comme vous me l’avez demandé par l’intermédiaire de Deolinda.

          Je crois que Notre-Seigneur d’ici ne pourra que me ramener au ciel. Je vois que vous continuez de prier pour moi. Moi aussi je ne vous oublie pas.

          Je vous demande de m’accorder votre bénédiction,

          A. M. Costa

Balasar, le 28 novembre 1933

          Vive Jésus !

          Révérend Père Pinho,

          Je n’ai pas pu laisser passer ce jour sans vous raconter quelque chose de moi et, en même temps, chercher à savoir comment s’est passé votre voyage de retour, de Balasar à Braga. Etes-vous bien arrivé ? La porte était-elle encore ouverte ? Le souper ne vous a-t-il pas fait de mal ? Il n’était peut-être pas adapté au goût de Votre Révérence. La crainte, toujours présente, que par ma faute, vos souffrances soient augmentées, me préoccupe toujours. Mais je prie Notre-Seigneur pour que tout se passe toujours bien.

          Quant à moi, je continue dans la souffrance. Dans la nuit de samedi à dimanche, quelque chose que je ne sais pas expliquer m’a tourmenté la tête : on dirait que je cessais de vivre. Cela dure peu de temps, mais revient souvent. Je pense que c’est à cause de ma colonne vertébrale. Je n’aimerais, aucunement, perdre la tête. J’espère que Notre-Seigneur m’exaucera, mais que sa très sainte Volonté soit faite.

          Père Pinho, neuf jours se sont écoulés depuis votre dernière visite. Et, comme je suis restée nostalgique, j’ai pensé que ce serait la dernière fois que nous nous voyions; mais ce ne sera pas le cas, car Notre-Seigneur connaît le besoin que j’ai de quelqu’un m’aide à être sainte, comme je le désir ardemment, bien que je sois très loin de l’être.

          Je me permets de rappeler à Votre Révérence de bien vouloir m’envoyer, dès que possible, l’image que je vous ai demandée.

          J’allais oublier de vous demander si je pouvais mettre en haut de mes lettres, comme Votre Révérence, les mots Vive Jésus ! Il est vrai que sans même vous le demander je l’ai fait. C’est chose faite.

          Il faut dire que même un petit aveugle a besoin de quelqu’un qui le guide : c’est ce qui m’est arrivé.

          Voila, c’est tout pour cette gribouilleuse. Elle vous envoie ses bons souvenirs, ainsi que ceux de ma mère [4].

          Père Pinho, cette fois-ci je ne signe pas seulement mon nom. Ce sera peux, car je ne peux pas, mais je voudrais vous demander l’explications des paroles que je m’en vais vous dire, car j’ai oublié de le faire quand vous m’avez demandé ce que me disait Notre-Seigneur.

          Je me souviens de dire souvent ceci :

— O mon Jésus, que voulez-vous que je fasse ?

          Et à chaque fois que je le dis, je n’entends que cette réponse :

— Souffrir, aimer, réparer !

          J’espère que vous me comprenez.

          Veuillez avoir la charité d’accorder votre bénédiction à la grande pécheresse que je suis,

          Alexandrina M. C.

Écrite entre le 13 et le 20 décembre 1933

          Vive Jésus !

          Révérend Père Pinho,

          J’ai reçu la lettre de Votre Révérence le 13 et, comme vous le savez, je l’ai beaucoup, beaucoup appréciée. Vous n’avez pas à vous excuser. Il est vrai qu’il m’a été très pénible de passer tout ce temps sans avoir de vos nouvelles, mais malgré cela, je sais que je suis indigne de recevoir une aussi grande grâce de Notre-Seigneur : avoir quelqu’un qui prenne un aussi grand soin de ma pauvre âme. Mais, grâce à mon bien-aimé Jésus, qui est l’ami de mon âme, mes souffrances et mes chagrins, même s’ils sont grands, ne sont rien comparés aux grâces que je reçois et, Il n’a point oublié qu’Il avait ici, sur la terre, une petite fille qui avait besoin d’un bon père spirituel, et Il me l’a accordé. Comment remercier Notre-Seigneur pour une aussi grande grâce ? Je l’ignore ; je sais seulement que j’en suis indigne.

          Père Pinho, savez-vous que cela fait déjà un mois le 20 que Votre Révérence est venue ici ? Et maintenant, quand reviendrez-vous ? Depuis je ne me suis pas confessée et je manque d’appétit. Mais, si à Noël Monsieur l’Abbé vient m’apporter Notre-Seigneur, je me confesserai. Toutefois je vous demande de bien vouloir m’envoyer, par charité, une bénédiction très spéciale pour tous mes péchés qui, avec peu de différence, sont toujours les mêmes. Je ne pense pas pouvoir m’amender d’une fois pour toutes, mais je veux être sainte : tous les jours je le demande à Notre-Seigneur. Des fois je pense que je n’y arriverai jamais, à moins que Notre-Seigneur écoute les prières de Votre Révérence.

          Père Pinho, je vous envoie un petit cadeau. Ce n’est pas grande chose, mais se je continue de vivre, il sera un peu plus important, mais si je vais au Ciel, vous pourrez ainsi vous souvenir de celle qui vous l’a offert et vous prierez pour le salut de mon âme. Moi, je nous vous oublierai pas auprès de Notre-Seigneur.

          Et je m’arrête là ma lettre. Cela fait six jours que je l’ai commencée.

          Je vous demande de bien vouloir m’accorder votre bénédiction, en vous souhaitant de joyeuses fêtes de Noël.

          Termino que já estou há seis dias a escrever; peço que me abençoe, esta que lhe deseja umas felizes e santas festas de Natal.

          Alexandrina Maria da Costa

Balasar, le 31 décembre 1933

          Vive Jésus !

          Révérend Père Pinho,

          Alors, comment s’est passé le voyage de Braga à votre nouvelle résidence ?

          Je ne cesse de demandé à mon bien-aimé Jésus que vous soyez très heureux. Oui, nouvelle adresse, non point que quelqu’un m’ai dit que vous ne retourniez pas un jour à Braga, mais moi, je suis habituée, dans des situations similaires, à être trompée, car je pense qu’il m’arrivera de même.

          Que de jours tristes je passe ! On dirai que rien ne me console quand je pense à la distance qui me sépare de mon Père spirituel. Béni soit le Seigneur qui m’a appelée en ce monde pour souffrir et pour supporter tant de chagrins! Et moi, j’ai rajouté à cela tant de péchés! Ce sont ceux-ci qui m’attristent particulièrement, parce qu’ils causent tant de chagrin à Notre-Seigneur. Tous les jours je demande des souffrances; et, pendant les heures où je souffre je ressens beaucoup de consolations, car j’ai davantage à offrir à mon Jésus.

          Il y a, toutefois, des choses qui me coûtent beaucoup, mais que seule la volonté de Dieu soit faite, et non pas la mienne… Moi je pleure et m’épanche.

          Il faut maintenant, mon Père, que je vous remercie pour la lettre que vous m’avez envoyée par ma sœur et aussi pour les images. Je vous remercie pour tout cela. Notre-Seigneur vous le paiera, ainsi que le grand sacrifice que vous avez fait, car le bon Jésus ne manquera pas de payer ce que je ne peux faire moi-même.

          Je vous demande, mon Père, de bien vouloir me bénir et de prier pour moi.

          A. M. C.


[1] Dans ma lettre je lui disais en blaguant: “N’allez-vous pas à Grimancelos ?”. Note du Père Pinho.
[2] L’un des noms par lequel Alexandrina désignait le diable.
[3] Je lui ai demandé de la faire dans le but d’obtenir un miracle de santé. (Note du Père Pinho).
[4] La “gribouilleuse” en question c’est Deolinda qui écrit sous la dictée de sa soeur. La suite de la lettre est écrite par Alexandrina elle-même.