Le Rosaire
avec
Alexandrina

 

 

Introduction

Mais, qui est donc Alexandrina ?

Alexandrina Maria da Costa este née au Portugal, dans un petit village — Balasar — à une quarantaine de kilomètres au nord de Porto.

Son acte de baptême dit qu'elle est née le 30 mars 1904.

Elle ne fréquenta l’école que dix-huit mois, et de surcroît à une quinzaine de kilomètres de chez elle — à Póvoa de Varzim — car dans son village il n’existait pas encore d’école pour les filles. Elle y apprit à lire et à compter, et un peu à écrire. Après cette scolarité réduite, elle revint habiter avec sa mère et sa sœur, à Balasar, au lieu-dit du Calvaire.[1]

Très jeune encore — elle n’avait que neuf ans — elle commença à travailler dans les champs, afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille qui n’était pas aisée. Sa mère travaillait aussi, à la journée, dans les champs. Quant à sa sœur, elle apprit le métier de couturière et gagnait son “pain quotidien” en confectionnant des habits pour les gens du village.

Vers l’âge de douze ans, alors qu’elle coupait les branches, d’un arbre sur lequel elle était grimpée, elle fit une chute, et se blessa gravement. Elle dût s’aliter pendant quelques mois ; elle reçut même l’Extrême-Onction.

Se croyant guérie et, désireuse de continuer à aider sa famille, elle retourna bientôt travailler.

Ce fut alors qu’un autre incident vint complètement changer le cours de sa vie. Mais, mieux que de l’expliquer, laissons-la nous le raconter elle-même :

« Un jour,[2] alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous travaillions à la couture, nous avons aperçu trois individus venant dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressentait quelque chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après, nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper à la porte.

— Qui est là ? — a demandé ma sœur. Et l'un d’eux, qui avait été mon patron, nous a demandés d'ouvrir, sans plus.

— Il n'y a pas de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, — a rétorqué Deolinda.

Après quelques instants de silence, nous avons entendu que le même individu montait par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à coudre sur cette trappe.

Le voyou, se rendant compte que la trappe était fermée, a commencé à frapper de grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer un passage, par lequel il a pénétré dans le salon.

Deolinda, en voyant cela, a ouvert la porte et, est parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux qui dehors l'attendait, aient essayé de la retenir, en tirant sur ses vêtements.

L'autre fille l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.

Devant cette scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et, désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation j'ai sauté [3] en bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me relever aussitôt, mais je ne le pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.

Nerveuse, dès que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par terre un piquet et je suis partie, pour essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, luttait avec le troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.

— Hors d'ici ! — a été mon premier cri.

Cela a été comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le couloir, a pris peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis rendu compte que j'avais perdu une bague en or, lors de la chute.

— Chiens ! À cause de vous j'ai perdu ma bague...

Tout de suite l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en disant:

— Tiens, prends celle-ci, ne te fâche pas contre moi...

— Je n'en veux pas ! — lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de suite... immédiatement!

Ils se sont retirés. Et nous, excitées et allaitantes, nous sommes retournées à notre travail.

De tout ceci, moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de notre amie.

      Quelque temps après, j'ai commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins, plus tard, ont confirmé que ce saut a dû contribuer à aggraver mon infirmité. »[4]

* * *

Elle avait déjà, à ce temps-là, une très grande dévotion envers la Sainte Vierge. Entendant le récit des grâces que l’on obtenait à Fatima, elle souhaita faire le pèlerinage à la Cova da Iria, pour y solliciter sa guérison. Elle ne put le faire, car son médecin et même le curé du village s’y opposèrent formellement.

Touchée alors par une grâce particulière, elle s’offrit au Seigneur :

« Un jour, alors que j’étais seule et que je pensais à Jésus dans les tabernacles, je lui ai dit:

— Mon bon Jésus, Vous êtes emprisonné. Moi aussi, je le suis. Nous sommes tous deux incarcérés. Vous, pour mon bien et moi, enchaînée par Vous. Vous êtes Roi et Seigneur de tout. Moi, je ne suis qu’un ver de terre. Je Vous ai négligé, ne pensant qu’aux choses du monde qui ne sont que perdition pour les âmes, mais, maintenant, le cœur contrit, je ne veux que ce que Vous voudrez, je veux souffrir avec résignation. Ne me laissez pas sans votre protection.

À partir de ce temps-là, je demandais au Seigneur l’amour de la souffrance et, sans bien savoir comment, je me suis offerte à lui comme victime. Le Seigneur m’a accordé cette grâce dans une proportion si importante qu’aujourd’hui, je n’échangerais la souffrance contre tout ce qui peut exister dans le monde. Aimant la douleur, je me sentais heureuse d’offrir à Jésus mes peines. Consoler Jésus et lui sauver des âmes, voilà ce qui me préoccupait. »[5]

* * *

La vie d’Alexandrina sera, à compter de cette période, un continuel “calvaire”, où la souffrance et la réparation occuperont la “meilleure part”.

Pour satisfaire son médecin, elle fera le voyage de Porto, où elle fut examiné par les des plus grands spécialistes portugais de l’époque, mais rien n’y fit : sa maladie devait rester incurable...

De temps en temps, vers 1932, quand la souffrance était à son comble, Alexandrina, qui s’était courageusement offerte à Jésus comme victime, demandait à son Seigneur et Dieu :

“Que voulez-vous que je fasse ?”

La réponse était toujours invariable :

Aimer, souffrir, réparer”.

Peu de temps après, le 6 août 1933, elle fit la connaissance du Père Mariano Pinho, jésuite, qui allait l’accompagner pendant quelques années et devenir son directeur spirituel, jusqu’à ce qu’il soit obligé, par ses supérieurs, à s’exiler au Brésil.

En 1934, elle fit le “vœu le plus parfait”, ce qui dût plaire à Jésus, car cette même année, le 6 septembre, elle entendit, pour la première fois, un invitation précise à vivre la Passion.

En effet, ce jour-là, après la Communion, elle entendit Jésus l'inviter à participer à sa Passion, mais d'une façon concrète, en se laissant transpercer les mains et les pieds par le clous ; la tête, par la couronne d'épines.

— Donne-moi tes mains: je veux les clouer avec les miennes; donne-moi tes pieds : je veux les clouer avec les miens; donne-moi ta tête : je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton coeur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à moi; je veux te posséder entièrement.

Cette invitation lui fût répétée le 7 et le 8 septembre.

Alexandrina accepta l'invitation, mais elle crut qu'il ne s'agissait là que d'une augmentation de ses souffrances physiques; elle ne pensa pas un seul instant qu'il s'agissait de choses surnaturelles.

À cette occasion elle se sentit fortement unie à Jésus:

“Il me parlait de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...”

Alexandrina était convaincue que “souffrir, aimer, réparer” était une inspiration qui lui venait de Jésus.

Les invitations de Jésus à participer à sa Passion se répétèrent plusieurs fois pendant environ quatre ans, au cours desquels Il la prépara progressivement au grand événement qui arrivera le 3 octobre 1938: Alexandrina vécut pour la première fois la Passion dans ses diverses phases.

Puis, ce fut la démarche qui aboutirait, quelques années plus tard, à la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.

Ce fut le 30 juin 1935, que pour la première fois Jésus lui en parla :

— En raison de l’amour que tu as envers ma très Sainte Mère, communique à ton directeur spirituel la demande suivante : que chaque année un acte de consécration du monde à Elle soit fait, un jour fixé et que l’on demande à la Vierge sans tache de confondre les impurs, afin que ceux-ci changent de vie et ne M’offensent pas davantage.

Comme je l’ai demandé à Marguerite Marie la consécration du monde à mon divin Coeur, ainsi Je te demande à toi, qu’il lui soit consacré, avec une fête solennelle.[6]

En attendant, Alexandrina commença à vivre les étapes — souvent surréalistes — de la vie mystique.

Ce fut ainsi que le 7 juin 1936, à son grand étonnement, elle vécut, en présence de son directeur spirituel la mort mystique.

Puis, ce furent — en 1937 — les premières enquêtes de la part de l’Église.

Ce fut aussi en cette même année que les attaques diaboliques redoublèrent d’intensité et de rage.

« Ce fut en juillet 1937 que le “boiteux” (nom qu'elle utilisait pour désigner le démon), non content de tourmenter ma conscience et de me souffler des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien la nuit qu'à n'importe qu'elle heure de la journée... »[7]

Jésus lui dit, à cette occasion...

— Le démon te haï, mais tu dois t’en réjouir, car tu connais la raison. Si je le lui permettais, il te tuerait: mais je n’y consens pas. Je suis le Seigneur de la vie et de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera qu’un envol de la terre vers le ciel.

Il est arrivé que le “boiteux”, comme Alexandrina l’appelait, la jette en bas du lit, lui arrache les médailles qu’elles portaient sur elle.

Dans sa rage, le monstre infernal est allé jusqu’à lui voler son crucifix pour le jeter dans la porcherie...

De la même façon il lui subtilisa une statue de la Sainte Vierge qu’il est allé enterrer dans la jardin, et que ne fut retrouvée que quelques années plus tard...

Voici enfin arrivé ce jour tant redouté, le 3 octobre 1938. En extase, elle vécut la Passion pour la première fois, de midi à 15 heures. Le Père Pinho était présent. Dans son livre “No Calvário de Balasar” (Sur le Calvaire de Balasar) il écrira: “Nous les présents, nous voyions se dérouler devant nos yeux le drame de la Passion de la façon la plus concrète: Jardin des Oliviers, emprisonnement, tribunaux, flagellation, couronnement d'épines, chemin du Calvaire, crucifixion, mort.”

Ce jour-là, était le jour de la fête liturgique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, qu’Alexandrina considérait comme sa soeur spirituelle. Elle la vit à deux reprises, lors de sa montée au Calvaire, au cours de cette première “Passion”.

Le Père Mariano Pinho, suite à cette “Passion vécue”, écrivit au cardinal Pacelli — futur Pie XII — pour lui expliquer ce que Jésus demandait. Plusieurs fois, en effet, Jésus avait insisté pour que le directeur spirituel d’Alexandrina écrive au Saint-Père, pour lui demander la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.

Une fois encore, suite à cette lettre à Rome, Alexandrina recevra, le 5 janvier 1939, la visite d’un enquêteur du Saint-Siège. Cette fois-ci, il s’agira du chanoine Vilar, qui devint par la suite un grand ami et défenseur d’Alexandrina.

Le 20 janvier de cette même année 1939, Jésus lui fait une communication sur l’état du monde et lui prédit le châtiment que celui-ci encoure : Il lui prédit la guerre comme châtiment pour les grands péchés.

— Le monde est suspendu à un fil très fin... Ou le Pape se décide à le consacrer ou le monde sera puni !...

Cela arriva, malheureusement, quelques mois plus tard...

Alexandrina continua de prier et d’offrir ses atroces souffrances pour la conversion des pécheurs, pour la paix dans le monde et pour la consécration de celui-ci au Cœur si tendre et immaculé de la Sainte Vierge ; elle continua de prier pour les prêtres et pour les âmes à qui le Seigneur avait confié d’autres missions.

La progression d’Alexandrina dans les voies spirituelles continue. En cette année 1940, après s’être offerte comme victime afin que le Portugal soit épargné par la guerre, elle vivra, mystiquement, les peines des damnées.

Puis, le 29 janvier 1941, elle fit la connaissance du docteur Manuel Azevedo. Il deviendra son médecin traitant, son ami et son défenseur. Il lui demandera de retourner à Porto pour y subir de nouveaux examens médicaux.

1942 fut une année très particulière pour Alexandrina. En effet, elle perdit au début de cette année-là son premier directeur spirituel, le Père Mariano Pinho.

À l'approche de l'écartement de son directeur — ce qu'elle pressentit plusieurs fois lors des dernières extases — elle entendit Jésus lui dire, le 3 janvier :

— L'heure de Me donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme est arrivée : marche sans lumière, en complet abandon. Tout sera mort en toi...

Puis, arriva le 13 avril 1942 ; à partir de cette date, Alexandrina ne s’alimentera plus jusqu’à sa mort. Son seul aliment sera la Communion quotidienne. Quand monsieur le Curé ne pourra pas la communier, elle recevra la Communion de la main des Anges ou de Jésus lui-même.

Toujours en cette année 1942, le 31 octobre, à l'occasion du 25e anniversaire des apparitions de Fatima, le Pape Pie XII fit, en langue portugaise, la consécration du monde au Coeur Immaculé de Marie, consécration qui fut répétée solennellement à Saint-Pierre de Rome, le 8 décembre de la même année.

u 10 juin au 20 juillet 1943, Alexandrina fut internée à l’Hôpital de Foz do Douro (près de Porto) pour y être examinée et contrôlée au sujet de son jeûne et de son anurie.

Le directeur de l'Institut, le docteur Gomes de Araujo, après avoir constaté quarante jours durant sous la plus stricte surveillance, qu'il n'y avait aucune simulation, en la congédiant lui dit: “Je viendrai vous revoir à Balasar, non plus comme médecin ou espion mais comme ami qui vous admire”.

Et à l'automne de cette même année il se rendit à son chevet.

La conséquence de cette reconnaissance officielle du jeûne et de l'anurie fut que beaucoup de personnes, y compris des prêtres, s’intéressèrent au cas et vinrent lui rendre visite. Parmi ceux-ci le Révérend docteur Gigante — qui fut nommé plus tard Président de la Commission pour le Procès Diocésain de béatification — lequel restera pour toujours son ami, même quand il devint archevêque.

Vers la fin du mois d’octobre de cette même année 1943, elle souffrit, en tant que victime, les peines du Purgatoire.

L’année 1944, ne fut pas des plus joyeuses pour Alexandrina, car en plus de ses souffrances habituelles, les hommes se sont ingéniés à lui en procurer d’autres supplémentaires.

Ce fut ainsi que le 16 juin, tomba, pour Alexandrina le verdict d'une Commission d'enquête composée de trois théologiens nommés par l'Archevêque de Braga afin d'étudier le cas de la “malade” de Balasar: Cette Commission ne trouva rien de surnaturel ni de miraculeux et, cela malgré la poursuite du jeûne et de la complète anurie!

Et pour le confirmer, le 25 du même mois de juin, l’Archevêque de Braga publia une Circulaire dans laquelle il invitait à garder le silence sur les présumés faits extraordinaires attribués à Alexandrina et interdit les visites à celle-ci même à titre d'observation sur le point de vue religieux.

Cette situation ressemblait, de plus en plus, à une sorte de “persécution” de la part des membres de la hiérarchie ecclésiastique de Braga.

En effet, l’un des membres de la Commission, informé par des ragots et non pas par une étude sérieuse, voulait à tout prix faire taire la “malade” de Balasar.

Il fut, plus tard — lors du procès diocésain — un témoin courageux et humble, ayant compris la portée profonde et le message authentiquement ecclésial de la sainte fille de Balasar.

Heureusement pour Alexandrina, le 21 juin elle avait fait la connaissance du Père Umberto Pasquale, prêtre de Dom Bosco, qui vivait au Portugal à ce moment-là. Ses conseils éclairés furent très utiles et salutaires pour Alexandrina, dont le cœur avait été gravement blessé par les décisions de l’Église locale.

L’année 1945, ne se présenta pas non plus sous les meilleurs auspices pour Alexandrina. En effet, son état de santé devint de plus en plus préoccupant, y compris un malaise aux yeux: ceux-ci ne supportent plus la lumière.

Mais, comme si le Seigneur voulait la récompenser de tant de souffrances généreusement acceptées... Comme s’il voulait lui apporter un peu de baume au coeur, il lui accorder des faveurs sublimes... comme celle-ci que nous pouvons lire dans son journal du 2 février :

“Le vendredi est arrivé; triste vendredi ! Il était encore tôt et déjà j’entrevoyais ma croix. On la préparait avec soin: elle était nécessaire, quelle que soit la sentence que j'ai dû recevoir.

Dans mon âme je ressentais une mansuétude, une bonté inégalable. En même temps, contre cette mansuétude et cette bonté, je ressentais la haine, la rancoeur, le mépris et une autorité orgueilleuse: un orgueil cynique.

Des bêtes féroces contre l’Agneau, le plus petit et le plus innocent! Quelle douleur pour lui, lui si débordant de bonté! Avant même que la sentence ne soit prononcée contre l’Agneau innocent, j’ai senti que cette autorité là, avec une fureur diabolique, se déchirait les habits de haut en bas...

J’ai monté avec peine la montagne du Calvaire, en ayant l’impression d’expirer. J’ai crié continuellement:

Père, Père, toi aussi tu m’abandonnes ? Toi aussi tu m’abandonnes ? [8]

Mon sang coulait.

Le soleil, honteux, s’est caché à la vue de tant de malice. Et moi, déshabillé, dans une grande confusion, je restais là, sur la croix, sous les regards de la canaille la plus vile! Mes habits ont été tirés au sort et partagés...[9] Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à cause du froid.

A haute voix toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant un soleil radieux et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé, ainsi que la peur et toutes les douleurs: j’avais retrouvé la paix, je n’avais plus que lumière et amour. Le coeur a commencé à revivre une vie que je ne sais pas expliquer. La poitrine est devenue un vrai incendie. Quel bonheur j’ai pu vivre pendant longtemps !...

J’ai entendu des hymnes merveilleuses ; je ne comprenais pas très bien, mais je sais qu’elles étaient adressées à Jésus au très Saint-Sacrement.

J’ai entendu les paroles “Corpus Jesus Christi” et je me suis aperçue que Jésus se donnait à moi et m’unissait toujours davantage à lui.

Les anges continuaient de chanter: de ce choeur d’anges sortait un canal qui arrivait jusqu’à moi, me communiquant des flammes de feu et bien d’autres choses.

Jésus m’a dit alors :

Ce canal, [10] ma fille, descend du Coeur de la tienne, et ma Mère bénie. De celui-ci tu reçois la très grande abondance de notre amour ; tu reçois nos grâces, vertus et dons : richesse divine et tout ce qui est du ciel. De son Coeur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber sur l’humanité ; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de ta souffrance. Tu es une nouvelle co-rédemptrice.

Je te communique tout à travers le canal de ma Mère bénie: c’est à vous qu’il appartient de sauver le monde.”[11]

Nous sommes tous concernés, tous appelés à participer à la Rédemption du genre humain. Le Seigneur veut avoir besoin de nous, non point que sa participation et son sacrifice aient été insuffisants ou incomplets, mais parce que tous, nous faisons partie de ce corps mystique qu’est l’Église, irriguée par le Sang Rédempteur du Fils de Dieu.

La Communion dont Alexandrina nous a fait le récit, s’est déroulée lors de la Passion qu’elle vivait chaque vendredi...

Au contraire des autres fois où Alexandrina a été communiée par les Anges et que le mot “nostri” était prononcé, cette fois-ci, il ne le fut pas, car ce fut Jésus Lui-même qui s’est donné à son épouse.

Un autre vendredi, au cours d’une autre Passion, la sainte fille eut une vision, vision terrible qui nous rempli de terreur, surtout si l’on considère la date à laquelle elle eut lieu: 1945. Bien longtemps avant que le Concile du Vatican II n’ait lieu et que des décisions précipitées, quelquefois, ne soient prises. Écoutons et méditons :

« Quel feu dans mon cœur !... Il me brûle tellement qu’il semble le détruire. Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il aime uniquement Jésus. Pauvre comme je suis, je n’ai rien à lui donner; je ne sais pas comment l’acquérir, je ne sais pas comment le confier à Jésus. Je le vois s’enfuir: il fuit vers un autre monde, un monde de perdition.

Je reste les bras ouverts et les yeux levés vers le ciel.

Comment remédier à ce mal ?

Ô Jésus, veillez sur le monde que vous m’avez donné et confié, gardez-le, il est à vous, uniquement à vous! Donnez-moi votre amour afin qu’ainsi je puisse le conquérir.

De grandes, de très grandes inquiétudes montent de la terre vers le ciel.

Mon Dieu, je vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la lèpre: conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à tout voir !... À quel extrême le monde est réduit!... Doux Jésus, votre divin Cœur n’en peut plus !...

Je me sens placée entre le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des hommes ne blesse son Cœur si aimant.

Flagellation, épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups de cette chaîne de méchanceté.

(...)

Sans même avoir pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie à table.

Mon cœur était le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à ce calice. À partir de cet instant cette Cène allait se répéter. Mais quelle horreur ce que j’ai vu!... Tant de Judas buvant et mangeant indignement !

Que de langues sales ! Pire encore : combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin ; des mains indignes et des cœurs démoniaques.

Quelle horreur mortelle !... J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur au point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser.

Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout autre chose, l’amour de Jésus, un amour indicible; un amour que l’on ne peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté... »[12]

Ces textes se passent de commentaires, ou presque...

Il faut remarquer tout de même, que ce texte, datant de 1945, a pu paraître incompréhensible pour ceux qui à cette période du XXe siècle ne se doutaient pas que ceci se réaliserait quelques années plus tard.

En effet, de nos jours, tous et n’importe qui, peuvent distribuer la Communion, et rares sont ceux qui se confessent pour recevoir le Sacrement de l’Amour. Cette affirmation peut et doit être considérée comme une vraie prophétie de la servante de Dieu.

Afin qu’il n’y ait pas d’équivoque, sachez que tous les écrits d’Alexandrina ont été analysés, à Rome, par trois équipes différentes de théologiens, et qu’ils n’ont rien trouvé qui soit contraire à la foi chrétienne...

Depuis le mois d'août et, ceci pendant environ trois mois, elle perdit quotidiennement du sang.

L'action du démon s'intensifia, ce que Jésus continua de permettre comme forme de réparation: l’une des plus douloureuses.

Le Seigneur avait choisi Alexandrina pour être victime, victime pour les pécheurs, victime pour la consécration du monde au Cœur immaculé de Marie, victime pour réparer les sacrilèges, profanations et blasphèmes proférés à l’adresse du très Saint-Sacrement.

Le zèle ardent dont était remplie son âme simple et aimante, pour les choses de Dieu, la menait même quelquefois à désirer réparer davantage, à désirer se donner sans mesure, et bien souvent, le Seigneur acceptait cet élan de générosité sincère. Ce fut ainsi qu’au mois de mai 1946, comme nouvelle forme de réparation, elle vécut le tourment des odeurs nauséabondes, signe du péché. Tout avait pour elle une odeur insupportable, y comprises les personnes qui l’entouraient : sa mère, sa sœur, Sãozinha, la maîtresse d’école, son amie ; les fleurs et les aliments...

Un peu plus tard, le 20 juillet 1946, se croyant proche de la mort, elle écrivit de sa propre main, avec beaucoup d'effort, une lettre-testament adressée à tous les pécheurs.

Depuis cette même année et jusqu'à sa mort elle ressentit même en dehors des extases de la Passion, de jour comme de nuit, les douleurs de ses stigmates — lesquels, à sa demande, restèrent toujours invisibles.

Et, comme si tout cela n’était pas suffisant, une autre souffrance vint s’ajouter à toutes les autres. Fin septembre, les articulations se déboîtèrent tellement que le 3 octobre, anniversaire de la première crucifixion, le docteur Azevedo la fit mettre sur des planches et banda ses bras les plaçant sur deux reposoirs en forme de “S”, pour les attacher ensuite au chevet du lit.

Et, au mois de novembre, elle dut subir de nouveaux examens médicaux.

L’année 1947, fut une année sans grands changements notables dans sa situation de victime, c’est pourquoi nous ne nous y attarderons pas davantage.

14 juillet

Le 14 juillet 1948, Alexandrina écrivit, toujours de sa propre main, le deuxième testament spirituel adressé aux pécheurs, choisi par la suite comme épitaphe pour sa tombe.

Ce fut aussi en cette même année que son deuxième directeur spirituel, le salésien Dom Umberto Pasquale, fut prié de repartir en Italie, son pays natal. Le 23 septembre, Alexandrina reçut sa dernière visite. Toutefois, elle lui envoya toujours son Journal, écrit par obéissance, jusqu'à la mort.

En décembre le secrétaire de l'Archevêque de Braga, le docteur Sebastião Cruz, professeur de l’Université de Coimbra vint la visiter. Il fut très favorablement impressionné : Il la réconforta et revînt la visiter plusieurs fois, par la suite.

L’année 1949 fut pour Alexandrina une nouvelle année de souffrances. En effet, son état physique continua d'empirer: elle fut souvent atteinte de fortes fièvres accompagnées de douleurs aiguës.

Son état spirituel, s'intensifia de plus en plus. Elle reçut de Jésus la confidence comme quoi sa mission était pour les âmes et qu'au ciel elle la continuerait.

Le 1er octobre — premier jour du mois du Rosaire — la Vierge lui apparut. Elle lui apporta le Rosaire avec lequel elle doit attacher le monde.

Pendant les années qui suivront, des apparitions analogues se répéteront.

Pour ne pas trop rallonger cette note biographique, nous allons survoler rapidement les dernières années de sa vie, nous arrêtant là où le détail important nous le commandera.

Le 10 mars 1950, Alexandrina eut la vision de l’enfer :

« J'ai vu l'enfer ouvert, d'où sortaient d'épouvantables flammes. J'ai entendu des rougissements et des cris impossibles à décrire. »

Le 14 avril de cette même année, elle fêta ses noces d'argent de grabataire: Une messe fut célébrée dans sa chambre.

La souffrance acceptée avec amour, demandée avec la plus humble et amoureuse ferveur, l'élevèrent à une telle hauteur d'imitation du Christ qu'un jour elle reçut de Jésus cette confidence:

Tu as la vie, tu as l'amour : tu vis comme Jésus et aimes comme Jésus : tu vis ma vie, tu aimes avec mon amour.[13]

Les gens qui venaient la visiter affluaient de plus en plus ; à leur encontre, l'Archevêque de Braga publia, en septembre 1952 une interdiction de ces visites. Mais fin novembre de cette même année 1952, cette note fut annulée, sous l’insistance des prêtres.

Le nombre de visiteurs augmenta de nouveau: sa mission d'évangélisation était en plein essor: porter les âmes à Jésus.

Dans le même temps, en tant que victime dont la mission est avant tout la réparation, elle endura encore une autre souffrance, parmi les plus graves et douloureuses: elle sentit l'inutilité de toute sa vie, de toute son oeuvre, de l'offrande de toute sa souffrance.

L’année 1953 fut une année exceptionnelle en ce qui concerne l'évidence surprenante de l'action divine sur Alexandrina: ce n'est que d'en-Haut, en effet, que pouvait lui venir une telle condition physique, une telle force pour supporter le poids de tant de fatigues accumulées à la suite des milliers de visites qu'elle reçut en cette période. Ils passaient devant son lit par groupes.

Ce fut ainsi que le 25 mars, elle reçut plusieurs centaines...

Le 9 mai environ 2.000, pendant 9 heures et demi avec un arrêt de 45 minutes...

Le 5 juin, 5.000 personnes défilèrent devant son lit. Puis, le 6 juin 6.000, pendant 12 heures avec un arrêt de 45 minutes également.

Tous, tous voulaient voir et entendre la “sainte de Balasar”, la “petite malade de Balasar”, comme on l’appelait.

Où allait-elle chercher cette force, ce courage ?

Le 29 juin, ils furent environ 15.000 à venir la voir et l’écouter, car, en effet, elle leur parla des choses du Ciel, les stimula au repentir, des heures durant.

Pendant l'extase du 15 mai Jésus lui avait dit :

“Tu vis la vie publique de Jésus. Courage, courage, épouse très chère !”

Et voici comment Alexandrina supporta cette marée, marée qui lui causait non seulement beaucoup de fatigue mais aussi beaucoup de répugnance parce qu'elle se sentait indigne d'être l'objet de tant de visites et craignait d'être prise pour meilleure qu'elle ne l'était en réalité. Dans son Journal on peut lire:

 « Le fait même de recevoir tant de milliers de baisers des personnes qui s'approchent de moi, je décidai de l'offrir à Jésus, comme si ceux-ci étaient déposés sur son Front, Lui demandant de bien vouloir les accepter comme autant d'actes d'amour pour les Tabernacles, pour l'honneur et la gloire de la Très Sainte Trinité et de la Maman, et de tout reverser sur les visiteurs ».

Pendant cette période de sa vie beaucoup de personnes étaient admises dans sa chambre, parmi lesquelles des prêtres, y compris pendant l'extase du vendredi; cela donnait un caractère public aux extases. Cela causait une souffrance supplémentaire à Alexandrina-Maria:

« Les humiliations me couvraient les yeux: le fait de me sentir entourée de monde, me procurait, pour ainsi dire, la mort », dit-elle dans son Journal du 6 novembre.

A la suite de ces extases, quand Alexandrina finissait de revivre la Passion, elle sentait en elle Jésus ressuscité qui, à travers ses lèvres s'adressait à l'humanité, aux pécheurs, d'une façon attristée et solennelle. Alexandrina parlait longtemps avec chaleur, fréquemment elle chantait les beautés et les exhortations de Jésus. Elle chantait des hymnes de louange, d'action de grâces, de repentir, de supplique. D'autres fois elle chantait en colloque avec Jésus qui, tel l’Époux du Cantique, lui demandait son amour et elle lui en offrait. Certaines de ces extases sont enregistrées.

Lors de ces extases publiques on comprenait d'une façon très claire la volonté de Jésus à démontrer l'intervention du surnaturel: en dehors de ces moments-là, Alexandrina faisait un très grand sacrifice pour parler: “à chaque mouvement des lèvres on dirait qu'un jet de sang s'échappe de mon coeur pour arriver à mes lèvres”, dit-elle dans son journal du 30 janvier. D'autres expressions analogues se trouvent à différentes autres pages de ses écrits.

Le 25 décembre 1953, elle eut sa dernière extase publique:

“Je suis descendu du ciel et me voici pour la dernière fois dans le coeur de mon épouse pour parler à travers ses lèvres.”

Cette extase se termina par un chant d'adieu et de au revoir au Ciel.

1954 fut l’avant-dernière année de sa vie. Son état physique continua d'empirer. Elle devint presque aveugle: “le corps ressemble à l'âme: il n'a pas de vie, pas de lumière”, peut-on lire encore dans son Journal du 24 décembre.

Au mois d'avril de cette même année ce fut le 12e anniversaire du commencement de son jeûne. Elle entendit de Jésus ces paroles:

Ma fille, je t'ai placée dans le monde et je fais en sorte que tu vives uniquement de moi pour prouver au monde ce que peut l'Eucharistie, ce qu'est ma vie dans les âmes : lumière et salut pour l’humanité.”

Elle ne vivait que de la Communion quotidienne.

Le jeûne la faisait souffrir: elle ressentait ; quelquefois, la nostalgie d’un aliment solide. Mais Alexandrina souffrait bien davantage d'un autre genre de faim: la faim que le monde avait de ses souffrances de victime pour se sauver et la faim d'âmes dont souffrait Jésus.

Jésus lui ayant souvent dit que sa souffrance sauvait les âmes, les alimentaient et en même temps leurs donnaient vie, Alexandrina avait donc l'impression d'être avidement dévorée par les pécheurs.

C'est très impressionnant et en même temps très claire ce qui se lit dans une lettre écrite au Père Mariano Pinho le 12 décembre:

« Nouveau martyre pour mon âme. Elle est comme une tige effeuillée; à ses fibres sanguinolentes ils viennent sucer tout mon être, tout mon sang et s'accrochent à ces fibres: il s'agit pourtant d'un être qui a la taille du monde, mais ils arrivent en bandes, ils sont très nombreux. Mais ce quelqu'un qui représente le monde et les autres qui se présentent en bandes ont des mains avec des griffes, des yeux hagards, des cheveux en désordre, ce sont des affamés, insatiables, ce sont de vrais squelettes.

Je n'ai plus de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme se fatigue et meurt de faiblesse.

Mais celle-ci aussi a une faim infinie, ce qui vient augmenter le tourment de mon corps. Cette faim de l'âme est causée par la nostalgie de l'alimentation: j'ai la nostalgie de tous les aliments, de tous; et même quand je me sens rassasiée, je sens un vide que seul le monde pourrait remplir...

Jésus, lors d'un extase me dit que ce que je ressens dans mon âme c'est le monde, ce sont les âmes qui voient déjà les peines de l'enfer, qui s’agrippent aux fibres de mon âme afin de sucer tout mon sang pour éviter de se perdre. Et quelle faim infinie est la Sienne » (faim d'âmes).

Le 1er octobre 1954 fut un vendredi, le premier du mois. Après la Passion, Jésus lui apparut : de ses plaies sortaient des rayons de lumière, lesquels allaient frapper les plaies de ses pieds, des ses mains et de son coeur. Elle entendit Jésus lui dire:

Comme je l'ai demandé à Marguerite-Marie [Alacoque], je veux que toi, à ton tour, tu fasses se développer dans le monde cet amour éteint dans le coeur des hommes... Fais, ô mon épouse, fais que se propage dans le monde entier cet amour de nos Coeurs.” (de Jésus et Marie).

Pendant cette dernière période de sa vie, elle expia de façon particulièrement douloureuse les péchés contre la foi et contre l'espérance, bien qu'elle fut tourmentée par les doutes sur la foi jusqu'en 1939.

Nous voici arrivés à la dernière année de sa vie : 1955.

Tout en début d’année, le 7 janvier, Jésus lui fit comprendre qu'elle mourrait en cette année, et le 28 du même mois, Il lui dut : « Tu es inscrite au nombre de mes saints. »

Un peul plus tard, le 4 février, ce fut le Père éternel qui lui dit: « Tu es notre fille bien-aimée, sur laquelle étaient posés nos regards. »

La Maman du Ciel vint aussi la réconforter, le 6 mai, et lui dit : « Bientôt, je vais venir te chercher! »

Le secrétaire de l'Archevêque de Braga, le Père Sebastião Cruz qui la compris fort bien, la visita souvent en cette période, pour la réconforter.

La lutte pour la foi continua toujours intensément.

Dans son dernier Journal, le 2 septembre on peut lire:

« Dans une angoisse lancinante je répétais mes actes de foi: “Je crois, Jésus, je crois que c'est pour moi que vous êtes né, que c'est pour moi votre Jardin des Oliviers, votre Calvaire. Je crois, je crois, Jésus, je crois!”

Mon abîme était noir et si profond que seul Dieu pouvait y pénétrer: c'est que fit Jésus. Il est descendu jusqu'à mes profondeurs, ramena à la superficie mon pauvre être et l'illumina avec quelques rayons de Sa lumière.

“Viens ici, ma fille, lumière et flambeau du monde! Toi qui es ténèbre inégalable, tu es lumière qui brille, phare que tout illumine: la ténèbre est pour toi, la lumière, elle est pour les âmes.

Viens ici, lumière dont je suis la source, phare dont je suis le phare.”

Le 13 octobre 1955 arriva. Très doucement, le sourire aux lèvres, Alexandrina-Maria remit son âme entre les mains de l’Époux tant aimé.

Elle avait demandé à Jésus, de mourir, si possible un jeudi, jour de l’Eucharistie; mais elle aurait aimé mourir, pareillement en un jour consacré à la Sainte Vierge. Le Seigneur a comblé ses deux souhaits. En effet, le 13 octobre 1955 était un jeudi et, en même temps, l’anniversaire de la dernière apparition de la Sainte Vierge à Fatima.

Le prêtre qui l’assista [14]— et qui ne devait pas se trouver là ! — a fait le récit détaillé de ce départ vers la mansion céleste. Nous vous y renvoyons.[15]

 

Chronologie
du “Procès de Béatification”

Notre récit, quoique succinct, ne serait pas complet, si nous ne vous donnions cette chronologie du “Procès de Béatification” d’Alexandrina Maria.

1965

Le Père Umberto Pasquale, deuxième directeur spirituel d’Alexandrina, invité par l’archevêque de Braga, met en branle le procès diocésain, sur les vertus et la réputation de sainteté d’Alexandrina.

1966

Tous les écrits d’Alexandrina sont recueillis, envoyés par un grand nombre de destinataires.

1967

Ouverture du procès diocésain sur tous les écrits. Les témoins, au nombre de 48, commencent à être interrogés.

1973

En présence du Postulateur Salésien, on procède à la clôture du procès diocésain.

Le 21 mai, la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, procède à l’ouverture des deux caisses contenant tous les documents recueillis.

1974

Le 26 mars, premier théologien, chargé par le Saint-Siège, donne un avis favorable sur les écrits de la Servante de Dieu.

1976

Le 30 novembre, avis favorable donné par le deuxième théologien.

1977

La Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la Foi donne son “Nihil obstat” pour la suite de la cause.

1978

Le 18 juillet, les reste mortels d’Alexandrina sont transférés du cimetière et déposés dans une chapelle aménagée à cet effet, dans l’église paroissiale de Balasar.

La Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, par un décret, approuve les écrits de la Servante de Dieu.

Au mois de septembre, la Postulation publie le “Summarium”, où sont consignés tous les récits des témoignages recueillis lors du procès diocésain.

1979

Des “Lettres Postulatoires” sont demandées aux Cardinaux et Évêques, à la Conférence Épiscopale du Portugal et à d’éminentes personnalités de l’Église pour demander au Saint-Père la béatification Alexandrina-Maria da Costa.

1983

Le 31 janvier fut signé le décret d’introduction de la cause de béatification auprès de la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints.

1991

Le 8 janvier, fut présenté officiellement, à la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, par le Rapporteur, un gros volume appelé “Positio super virtutibus”. Dans celui-ci, sont recueillis tous les documents afin que puisse être déclarée l’héroïcité des vertus de la Servante de Dieu.

1996

Le 12 janvier, l’héroïcité de ses vertus est reconnue, d’où le titre de “Vénérable” accordé à Alexandrina Maria.

2004

Le 25 avril 2004, enfin, le Pape Jean-Paul II, à Rome, élève la Vénérable à l’honneur des autels, en la béatifiant solennellement, devant un parterre de personnalités du monde entier.

* * *

Après ce survol de la vie d’Alexandrina et des dates importantes qui ont marqué sa vie, nous pourrions entrer de pied ferme, dans un autre sujet qui nous tient à coeur, les prières de la Bienheureuse.

Elles sont toutes belles, car toutes sont des prières du cœur ; des prières d’un coeur simple et pur; d’un coeur aimant, comme l’épouse des Cantiques.

La plus part de ces prières peuvent être employées par chacun d’entre nous, chaque jour, car toutes peuvent être récités, voire même apprises, afin que notre âme en soit marquée d’une façon indélébile.

Les prières d’Alexandrina, comme en général toutes les prières des saints, sont des petits chefs-d’oeuvre qui entraînent nos âmes vers l’infini plein de délices, vers le voisinage de Dieu, vers Dieu...

Souvenons-nous toujours, c’est important, qu’Alexandrina Maria est le canal par lequel Dieu veut nous combler de bienfaits, selon la promesse qu’il lui a faite.

Fraternellement, en Jésus et Marie.

Alphonse Rocha

 


 

Mystères joyeux

I

L’Annonciation de l’Ange

Ma fille, tu n'est pas seule : je suis avec toi... Je t'ai créée pour les âmes; tu n'appartiens pas au monde tout en vivant dans le monde, tu n'est pas au Ciel et pourtant tu vis du Ciel.

Depuis le premier instant de ton existence, quand je t'ai créée, j'ai toujours vu en toi la mission que je t'avait confiée: la mission la plus belle et la plus noble, la mission des missions, la mission des âmes. Je t'ai créée pour elles; tu es leur victime et, tout comme moi, victime du calvaire.

Comme preuve que tu l'est en vérité, je t'ai attachée au pied de la montagne, et contre toi j'ai fait se briser la marée de l'iniquité. La montagne s'est élevée, la croix est disparue et avec celle-ci je suis monté au Ciel, mais les crimes continuèrent. Je n'ai jamais cessé de donner des preuves de mon amour en répandant sur le monde mes grâces... Comme preuve de cet amour j'ai fait perpétuer l'œuvre de la Rédemption... Il a été nécessaire de continuer cette œuvre à travers mes âmes-victimes...[16]

II

La Visitation

J’aimerais pouvoir consoler et réconforter tout le monde; j’aimerais pouvoir procurer de la joie à tous les cœurs. J’aimerais rassasier tous les affamés, et vêtir tous les mal habillés. Combien de peine je ressens pour les pauvres! Mais je la ressens spécialement pour Jésus. Je sens que c’est lui le pauvre le plus nécessiteux: il a besoin que nous le réjouissions, que nous le réconfortions. Puissé-je le consoler et l’aimer!... Je souffre beaucoup, mais mes souffrances ne réussissent pas à Lui procurer consolation et joie...[17]

Pendant la nuit la souffrance consumait mon corps et mon âme; je vivais un vrai martyre. Les noms de Jésus et de la Maman du ciel étaient toujours sur mes lèvres et dans ma pensée...

Après la Communion, Jésus n’a pas tardé à me réconforter:

— J’ai soif, ma fille, une soif qui consume mon divin Cœur. Tu sais, épouse aimée, quelle soif est celle-ci: c’est une soif d’âmes. Celles qui m’aiment sont bien peu nombreuses et, bien peu nombreuses celles qui me procurent une vraie consolation, même parmi celles qui disent m’aimer et être mes épouses! Elles ne font pas ce qu’elles devraient, dans un bout droit et pur. Combien parmi les choisies viennent de moins en moins dans mon Cœur! Elles me veulent uniquement tant qu’elles voient des roses et reçoivent des consolations; mais quand les épines les blessent et les croix pèsent, elles rebroussent chemin et méprisent mes grâces... [18]

III

La naissance de Jésus

Le démon s’obstine à vouloir me persuader que ma vie n’est que tromperie. O mon Dieu, quelle vie douloureuse! Seule mon âme peut sourire et embrasser une aussi grande souffrance: le sourire de mes lèvres est trompeur...

Au Jardin des Oliviers je me suis épouvantée en découvrant la montée vers le Calvaire... Toutes les souffrances ont été anticipées; j’ai commencé à trembler...

Le corps déchiré je me suis engagée sur le chemin du Calvaire... Jésus est venu...

— Mon enfant, J'unis ton cœur à mon divin Cœur, il n'y a plus qu'un seul cœur, qu'une seule vie. Je te donne une goutte de mon sang, afin de continuer le miracle et que tu puisses vivre et résister à la douleur, à ton martyre... afin que tu donnes la vie aux âmes et les fasses triompher dans leur guerre contre le mal...

Courage, ma colombe, tu ne m’as pas perdu, tu ne m’as pas quitté... Dans l’obscurité de ton esprit, obscurité qui ne pouvait augmenter davantage, tu n’as pas senti l’union avec moi et tu n’as pas vu non plus de quelle manière tu courais vers moi. Oh, s’il t’était donné de voir comme tu es en moi et moi en toi! Rien ne peut nous séparer!...[19]

IV

La Présentation de Jésus au Temple

Je suis arrivée sur le Calvaire, épuisée, sans vie. Je sentais dans mon cœur un poids immense. J'ai été crucifiée... Sur le Calvaire il faisait presque nuit, mais dans les âmes il y avait nuit obscure[20].

Près de la croix, presque agonisante — les mains jointes — la Petite-Maman pleurait.

On m'avait donné du fiel et du vinaigre, mais ma soif persistait: c'était une soif du cœur, une soif d'âmes, c'était une soif de donner la vie. Quand Jésus leva les yeux au Ciel, remettant son Esprit à son Père, le mouvement de ses lèvres semblait péniblement. Il expira et moi, j'expirai avec Lui.

Quelques instants plus tard Il me redonna vie et me dit:

— Mon enfant, la commémoration de ma Passion est de tristesse et de deuil: la joie étant pour bientôt. Toutes les dates importantes de ta vie ne peuvent cesser d'être douloureuses et remplies de tristesses et d’angoisses; tu ne peut pas négliger de sentir de près la mort, afin que cette mort soit un alléluia, que ta crucifixion soit une résurrection continuelle. Tu dois Me ressembler; Je veux que tu Me ressembles en tout.

— Malheureux sont ceux qui ne tirent pas profit de mon sang; malheureux est le monde que ne cueille pas le fruit de la vie de la victime de ce calvaire continu qui se renouvelle en toi. Courage, ma fille: c'est un Calvaire de salut, c'est une croix qui donne la victoire... Aie confiance, ne doute pas...[21]

Ton âme ne jouira pas de l'alléluia de Ma résurrection [22], afin que les âmes ne souffrent pas la mort éternelle. Dis à tout le monde Ma peine et Ma tristesse, parle de mes demandes réitérées de prière, de pénitence, de changement de vie. Dis-le toi même et fais en sorte que le disent aussi ceux qui prennent soin de ta vie...[23]

V

La perte et le recouvrement de Jésus

Quelqu’un m’a demandé si j’aimais Jésus. Je ne sais pas si je l’aime, mais je sais que je veux l’aimer. Je ne sais pas lui parler, j’ignore même comment je lui parle: je sais que tout plonge dans les ténèbres et qu’au milieu de celles-ci tout disparaît et meurt. Combien grandes sont mes souffrances; et combien grande est ma tristesse !...

Mon corps est comme le grain qui ne cesse jamais d’être moulu ; l’engrenage qui fait tourner le moulin, jamais ne s’arrête, jamais ne cesse de moudre.

Je vis tellement abandonnée, que je ne trouve sur la terre aucun soulagement.

Dans mes confessions — que je fais assez fréquemment afin de fortifier le plus possible mon âme par la grâce du Sacrement — je ne trouve ni soulagement ni réconfort. Que ce soit avec monsieur le Curé, ou avec mon confesseur ordinaire, je suis toujours timide, remplie de peur et je sens ne pas être comprise.

Mon Jésus, est-ce de ma faute ou est-ce vous qui le permettez ?...

Ce n’est que de vous et de la Maman chérie que j’attends aide, réconfort et paix...

Je continue de m’apercevoir que mon corps se transforme en cendre, à cause de cette pluie ardente qui lui tombe dessus; cela me fatigue énormément et me laisse sans vie...

 

Mystères douloureux

I

L’agonie de Jésus
au Jardin des Oliviers

—Tu deviendras comme si tu n’avais pas d’intelligence pour comprendre la douleur, mais ce n’est pas pour autant que tu souffriras moins: tu souffriras amèrement. Tu te sentiras comme si jamais ou presque jamais tu m’avais possédée; mais, ce n’est pas non plus pour autant que tu arrêteras de me posséder entièrement, autant qu’il est possible à une créature humaine. Je ferai en sorte que beaucoup d’âmes viennent vers moi par toi, avec toute ma richesse et les inépuisables trésors de mon divin Cœur. Tu es et seras après ta mort, pour beaucoup d’âmes en état de péché, un paratonnerre qui attirera sur lui le poids de la divine Justice; et pour toutes les âmes en état de grâce, tu seras comme un aimant qui attire et qui répand l’amour que moi j’y ai déposé... Tu seras lumière pour l’humanité.

J’ai passé des nuits dans d'atroces souffrances. La Maman, la douce Maman du Ciel, venait près de moi, me montrait son Cœur, comme Mère du Perpétuel Secours; d'autres fois encore Elle portait dans ses bras le petit Enfant Jésus.

Ces visions sont rapides mais elles me réconfortent: je me sens une autre pendant quelques instants.

Des fois réconfortée, d'autres fois découragée, je passe ainsi les heures et les jours.[24]

II

La flagellation

Les mains attachées, les yeux clos par une indicible tristesse, les lèvres serrées, ne répondant à aucune question, je me suis retrouvée seule dans une prison. Je sentais mon corps lacéré par les coups de la flagellation et enchaîné. Dans cet état, la pensée m’est venue de la souffrance lorsque Jésus permettait ma crucifixion [physique]. Je sentais même mon sang couler et mon cœur foulé aux pieds. Dans mon âme j’avais des regards de tendre compassion envers ceux qui me faisaient souffrir. L’enfer et la perte irréparable des âmes me terrorisaient tellement que j’aimais ces atrocités au lieu de les détester. Je les aimais pour sauver les âmes, convaincue que seule la souffrance pouvait les sauver.

Le démon est venu pendant ces terribles souffrances. J’ai combattu jusqu’à baigner dans ma sueur. Quand il essayait de m’instruire sur le péché, il me demandait de lui donner mon cœur avec amour... Quelle horreur, quelle horreur! C’était des moments de grand danger.

J’ai levé mes yeux vers le ciel et j’ai crié au secours, et la lutte prit fin...

Je suis restée les yeux fixés dans le ciel disant à Jésus que je ne voulais pas commettre de péché...

Mon Jésus, je suis votre victime, mais avec cet accroissement de douleur, d’horreur et de peur, je ne pourrai pas vaincre: je ne résiste pas à autant. Vous devez souffrir et résister vous-même, car vous savez bien que de moi-même je ne peux rien![25]

III

Le couronnement d’épines

J’ai ressenti que Quelqu’un avec un amour fou, avec un amour de Mère, allait de rue en rue, aveuglée par la douleur, afin de voir où elle pouvait me rencontrer.[26]

Le vacarme était épouvantable.

Revêtue d’habits royaux, mais par moquerie, on mit entre mes mains une canne. Quelle barbarie contre moi! Ils étaient très nombreux ceux qui s’ingéniaient à inventer des tourments pour me maltraiter avec une plus grande cruauté. Le long du chemin du Calvaire ce n’étaient que hurlements et imprécations derrière moi. Ce n’étaient pas des cris de douleur mais de haine; ce n’étaient qu’injures. Mais il y avait aussi Quelqu’un qui pleurait et qui s’affligeait à cause de moi ; Quelqu’un qui voulait me consoler, me procurer du soulagement et guérir mes plaies. Ce Quelqu’un me causait davantage encore de souffrance : c’était une souffrance unie à la mienne, c’était une souffrance qui ne pouvait adoucir la mienne. La Petite-Maman... combien n’a-t-elle pas souffert avec Jésus !

Sur le Calvaire et sur la Croix, Jésus et Marie n’avaient qu’un seul Cœur, une seule âme, une seule douleur, un seul amour. Jésus était abandonné et la Maman chérie se trouvait elle aussi abandonnée en regardant impuissante l’état de son Fils.

Si le monde connaissait et pouvait comprendre ceci, il ne pécherait pas.

Jésus était en croix, mais à l’intérieur de mon cœur.

Au cri de “Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné?” je disais dans mon cœur : — “Regarde, monde, regarde dans quel état tu m’as réduit par ta méchanceté!”

Je l’ai entendu confier son Âme au Père éternel. Avec quelle joie elle quitta son très saint Corps et fut reçue au ciel!

Déjà en union avec mon Jésus,[27] je l’ai vu en croix, mais à l’intérieur de moi, verser ce qui lui restait de son précieux Sang dans son divin Cœur déjà ouvert, et verser enfin quelques gouttes d’eau.[28]

IV

Le portement de la Croix

Où suis-je conduite ? O Jésus, que deviendrai-je ? Tout me fait peur et me cause horreur! Je marche en toute hâte par une route étroite et obscure. Je tombe exténuée: le poids des humiliations me broyait. Je suis entraînée par de rugueuses cordes. Je sens que ma face frotte par terre; que mes joues sont très meurtries. La douleur d’aiguës épines me pénètre enfin le cœur. C’est une douleur qui semble me donner la mort. Je sens que mes genoux, mes épaules et tout mon corps ne sont qu’une douloureuse plaie.

Très gênée par tant de curiosité, remplie de la tristesse la plus profonde que l’on puisse imaginer, je marche avec peine, tombant plusieurs fois.

Pendant mon cheminement, une dame qui a compassion de ma souffrance, vient à ma rencontre. Avec tendresse et amour elle essuie mon visage couvert de sueur, de sang et de poussière! Des liens de la plus étroite amitié unissent nos cœurs. Il est indicible ce que j’aimerais dire à son sujet, les louanges que j’aimerais dire sur elle. Combien j’aimerais que l’on parle de son acte héroïque !

Arrivée en haut de la montagne, quel découragement je sens en moi !

C’est un découragement d’amour.

Tout me cause horreur : la mort, l’abandon, ô mon Dieu! À genoux, je lève mes yeux vers le Père éternel; je lui fais mon signe de tout accepter. Je baisse les yeux, je me recueille en moi-même et j’étreins l’univers contre mon cœur.[29] Je m’offre à la mort. Les bourreaux continuent leur mission barbare: tableau terrifiant! Quelle répugnance, quelle honte de moi-même! Mon corps et mon âme se déchirent en lambeaux. J’attends mon heure.

V

Jésus meurt sur la Croix

Je sens que beaucoup de routes sont baignées par mon sang. Je vois tant de révoltes et d’indignations... Mon corps n’est qu’une plaie. Le sang de la tête, causé par les épines, baigne tout mon corps. Les bras ouverts je m’abandonne à la croix: je me laisse crucifier.

Un cri continuel :

Père, mon Père, vous aussi, vous m’avez abandonnée! Je suis votre victime, je me donne à vous pour les âmes.

O mon Dieu, si je pouvais disposer de ma volonté, je préférerais l’enfer à cette souffrance et aux instants de mes colloques avec vous.[30] Oui, parce que là, ne vous parlant pas, et ne vous écoutant pas, je ne craindrais pas de me tromper ni de tromper les autres ; je ne serais pas persécutée par le monde. Pardonnez-moi cet épanchement : j’ai horreur de la tromperie et du mensonge. Je me crains moi-même et j’ai peur du vendredi : si seulement les vendredis disparaissaient et que moi-même je disparaissait dans votre amour infini !

Que vienne toute la souffrance, que vienne la croix, que vienne la mort. J’embrasse tout: je suis votre victime, Jésus.

De cette souffrance, je suis passée à un effluve de lumière, de paix et de douceur... Jésus m’a parlé :

— Ce fut une année d’amour, une année pleine de salut. Ma fille, fleur angélique, benjamine de la divine Trinité, benjamine de Marie et de toute la Cours céleste, ta souffrance a enrichi le ciel et y est écrite en lettres d’or...[31]

 

Mystères glorieux

I

La Résurrection de Jésus

Le Calvaire d’aujourd’hui a été encore plus intense et pénible, car, j’ai peut-être blessé Jésus. Je lui en ai demandé pardon bien des fois. J’ai même demandé à la Petite-Maman de lui demander pardon pour moi. Je lui ai offert le tourment de l’avoir offensé, pour ceux qui l’offensent et qui, après avoir péché mortellement, ne ressentent aucun remords.

Mais, quelle grande agonie! C’était la mort qui appelait la vie, l’obscurité qui appelait la lumière.

J’avais en moi des yeux qui regardaient le monde et ne pouvaient supporter une aussi grande iniquité. Cependant j’avais des lèvres qui ne pouvaient lui adresser la moindre parole de lamentation; j’avais un cœur qui l’aimait et sentait pour lui la plus grande compassion.

Je mourrais écrasée, je mourais remplie de peur, sans la moindre lumière.

Tout à coup, j’ai senti quelque chose, je ne sais quoi, sortir de moi, il me semblait s’agir d’un faisceau lumineux, qui est parti vers le Haut, vers la jubilation. Je suis restée dans l’obscurité, restée dans la mort. [32]

II

L’Ascension de Jésus au Ciel

Quel feu dans mon cœur ! Il me brûle tellement qu’il semble le détruire. Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il aime uniquement Jésus. Pauvre comme je le suis, je n’ai rien à lui donner ; je ne sais pas comment l’acquérir, je ne sais pas comment le confier à Jésus. Je le vois s’enfuir : il fuit vers un autre monde de perdition.

Je reste les bras ouverts et les yeux fixés au le ciel.

Comment remédier à ce mal ?

O Jésus, veillez sur le monde que vous m’avez donné et confié: gardez-le, il est à vous, uniquement à vous. Donnez-moi votre amour afin qu’ainsi je puisse le conquérir.

Des grandes, très grandes inquiétudes de la terre arrivent au ciel.

Mon Dieu, je vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la lèpre: conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à tout voir! A quel extrême le monde est réduit! Doux Jésus, votre divin Cœur n’en peut plus.

Je me sens entre le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des hommes blesse son Cœur si aimant.

Flagellation, épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups de cette chaîne de méchanceté.

      Sans même avoir pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie à table. Mon cœur était le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à ce calice. A partir de cet instant cette Cène allait se répéter. Mais quelle horreur ce que j’ai vu ! Tant de Judas buvant et mangeant indignement ! Que de langues sales ! Pire encore : combien de mains indignes distribuant ce pain et ce vin ; des mains indignes et des cœurs démoniaques. Quelle horreur mortelle! J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur au point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser.

Je ne sais pas mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout l’amour de Jésus, un amour indicible; un amour que l’on ne peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté...[33]

III

La venue de l’Esprit-Saint

J’ai entendu des hymnes merveilleuses; je ne comprenais pas très bien, mais je sais qu’ils étaient adressés à Jésus au très Saint-Sacrement.

J’ai entendu les paroles “Corpus Jesus Christi”[34] et je me suis aperçue que Jésus se donnait à moi et m’unissait toujours davantage à lui.

Les anges continuaient de chanter : de ce chœur d’anges sortait un canal qui arrivait jusqu’à moi, me communicant des flammes de feu et bien d’autres choses.

Jésus me dit alors :

— Ce canal,[35] ma fille, descend du Cœur de ta Mère et ma Mère bénie. De celui-ci tu reçois la très grande abondance de notre amour; tu reçois nos grâces, vertus et dons : richesse divine et tout ce qui est du ciel. De son Cœur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber sur l’humanité ; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de ta souffrance. Tu es une nouvelle co-rédemptrice.

Je te communique tout à travers le canal de ma Mère bénie: c’est à vous qu’il appartient de sauver le monde.[36] (...)

IV

L’Assomption de Marie

Tôt, ce matin, si je ne me trompe pas, la Petite-Maman du Ciel est venue, en Immaculée Conception: Elle venait, couronnée, descendant sur un nuage. Elle était triste.

Le vent soufflait, la tempête essayait de m'arracher du refuge de ma Maman, mais je ne lâchait pas son Manteau. Alors j’ai senti Qu’elle me serait contre son Cœur, me tranquillisait: sa douce tendresse rassérénait ma douleur.

J’ai passé quelques instants me reposant tout contre Elle qui se trouvait à coté de moi, assise, je pense, mais je n'en suis pas certaine. Ils ont été bien rapides les instants de ce tendre et doux repos; mais malgré cette rapidité, mon âme a été rassasiée, soulagée de sa souffrance, mieux encore, réconfortée.

C'est ainsi qu'en dominant ma douleur, sans désespérer, j'ai obtenu quelques victoires...[37]

J’ai vu la Maman apportant dans ses saintes Mains une couronne d'épines. Je ne sais pas où Elle l’a prise: tout le temps qu’elle était restée auprès de Jésus, je ne l’ai pas vue dans ses mains. Elle l’a déposée sur ma tête: j’ai cru mourir.

— Courage, ma fille, je suis la Mère de Jésus, mais je suis aussi la tienne: c'est de ces épines qui ne te blessent pas encore que tu secourras les âmes.

Je veux être unie au Cœur de mon Jésus et au tien, je veux te transmettre mon amour, ma tendresse et ma douceur afin que tu puisses mieux encore attirer les âmes à Jésus.[38]

V

Le couronnement de Marie

— Gloire, gloire, gloire à Jésus ! Honneur et gloire à Marie! Le cœur du Pape, cœur d’or, est décidé à consacrer le monde au Cœur de Marie ! Quel bonheur! Quelle joie pour le monde d’être consacré, d’appartenir plus que jamais à la Mère de Jésus.[39] Le monde entier appartient déjà au Cœur de Jésus ; il va appartenir, désormais, tout entier au Cœur Immaculé de Marie.[40]

— Triomphe ! Triomphe ! Gloire, gloire à Jésus et Marie ! Paix pour l’humanité ! Jésus se réjouit, Jésus est heureux. La Reine du ciel, la Reine du monde triomphe en lui![41]

La Mère de Jésus et les victimes apportent la paix dans le monde. C’est la Mère de Jésus, avec la petite folle de l’Eucharistie !

Pénitence; faites pénitence et remerciez le Ciel ! Pénitence pour réparer, remerciements en reconnaissance des moyens utilisés par Jésus pour sauver ses enfants.

(...)

[La paix] ne tardera pas, oui, elle ne tardera pas, ma bien-aimée ! Mais, malheur au monde, s’il ne se convertit pas ! Pauvre de lui, s’il n’abandonne pas ses crimes qui ont tant déchiré le divin Cœur de Jésus![42]


[1] Cette “coïncidence” sera rappelée plus tard par Jésus lui-même.

[2] Samedi saint de 1918.

[3] Il y a environ 4 mètres entre le rebord de la fenêtre et le sol du jardin, à l'extérieur.

[4] Autobiographie.

[5] Autobiographie.

[6] Pendant un an, le Père Mariano Pinho ne fit rien, lui présentant des arguments, ce qui fut la cause de doutes et d’indicibles souffrances chez Alexandrina

[7] Autobiographie.

[8] “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné?” Saint Marc, 15,34.

[9] Lorsque les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat, et la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée à partir du haut; ils se dirent entre eux: « Ne la déchirons pas, mais tirons-la au sort»: afin que l’Écriture fût accomplie.” Saint Jean, 19,23-24.

[10] Il y a une relation particulière entre l’Eucharistie et la Vierge « mère de la divine grâce », parce que l’Eucharistie nous fait participer à la nature divine à travers le Corps et le Sang du Sauveur. Or la Sainte Vierge ne peut pas rester étrangère à cet accroissement de vie que nous recevons dans l’Eucharistie: en celle-ci, Marie conserve tous ses droits de Mère. Dans un certain sens on peut dire que c’est Elle qui donne l’âme à l’aliment divin. Avec le Fils de son sein Elle alimente ses enfants adoptifs (Arintero, “L’Évolution mystique”.

[11] Journal du 2 février 1945.

[12] Journal du 12 avril 1945.

[13] Journal du 22-6-1951.

[14] Monseigneur Mendes do Carmo.

[15] Alexandrina de Balasar. Biographie écrite par le Père Umberto Pasquale et traduite par Alphonse Rocha. Éditions Téqui.

[16] Journal du 17 octobre 1947

[17] Alexandrina a l’impression de ne pas aimer le Seigneur... D’un autre côté elle se rend compte que sa réparation est insuffisante. “O amour divin! Que pourrai-je dire de vous? Je suis surmontée et vaincue par vous. Je me sens mourir d’amour et je ne sens pas d’amour, je me trouve abîmée dans l’amour, et je ne connais pas l’amour: je le sens opérer en moi et je ne comprends pas l’opération; je sens mon cœur brûler d’amour, et je n’en vois pas le feu.” (Sainte Catherine de Gênes “Dialogues” - III, Chapitre 3).

[18] Journal du 2 mars 1946.

[19] Journal du 12 avril 1946.

[20] Certaines fois, lors des extases de la Passion, Alexandrina était à tel point identifiée à Jésus qu’il lui arrivait de parler à la première personne de l’indicatif présent: “Je”.

[21] Alexandrina vécut aussi cette souffrance qui consiste à douter des apparitions, des locutions intérieurs, de son propre état d’âme-victime. Cette épreuve fut pour elle l’une des plus difficiles.

[22] Ce jour-là était un Vendredi-Saint.

[23] Journal du 7 avril 1950

[24] Journal du 10 janvier 1947

[25] Journal du 12 Janvier 1945.

[26] Il est à remarquer ici l’identification d’Alexandrina avec le Christ: elle s’exprime à la première personne.

[27] Chaque vendredi, après chaque “Passion”, Alexandrina avait un colloque avec Jésus. Celui-ci durait environ vingt minutes.

[28] Journal du 16 mars 1945.

[29]Sur la croix, le Fils de Dieu remis et épousa la nature humaine.” — Saint Jean de la Croix: “La Cantique Spirituel” 23,3.

[30] Alexandrina vit la Passion.

[31] Journal du 5 janvier 1945.

[32] Journal du 4 janvier 1946.

[33] Journal du 12 avril 1945.

[34] Au contraire des autres fois où Alexandrina a été communié par les Anges et que le mot « nostri » était prononcé, cette fois-ci, il ne le fut pas, car ce fut Jésus Lui-même qui s’est donné à son épouse.

[35] Il y a une relation particulière entre l’Eucharistie et la Vierge « mère de la divine grâce », parce que l’Eucharistie nous fait participer à la nature divine à travers le Corps et le Sang du Sauveur. Or la Sainte Vierge ne peut pas rester étrangère à cet accroissement de vie que nous recevons dans l’Eucharistie: en celle-ci, Marie conserve tous ses droits de Mère. Dans un certain sens on peut dire que c’est Elle qui donne l’âme à l’aliment divin. Avec le Fils de son sein Elle alimente ses enfants adoptifs (Arintero, “L’Évolution mystique”.

[36] Journal du 2 février 1945.

[37] Journal du 30 avril 1948.

[38] Journal du 3 janvier 1947

[39] Depuis le mois de juin 1899. En effet, à cette date, à la suite de l’intervention de Jésus auprès de la Mère Marie du Divin Cœur, Supérieure du Bon Pasteur de Porto, le Pape Léon XIII consacra le monde entier au Cœur de Jésus.

[40] Journal du 22 mai 1942.

[41] Il est intéressant de faire remarquer ici, comme dans tant d’autres colloques, le titre de Reine que Jésus utilise en parlant de sa Sainte Mère. Le Pape Pie XII les utilisera lors de la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.

[42] Journal du 6 novembre 1942.