Le Rosaire
avec
Alexandrina
Introduction
Mais, qui est
donc Alexandrina ?
Alexandrina Maria
da Costa este née au Portugal, dans un petit village — Balasar
— à une quarantaine de kilomètres au nord de Porto.
Son acte de baptême dit
qu'elle est née le
30 mars 1904.
Elle ne fréquenta
l’école que dix-huit mois, et de surcroît à une quinzaine de
kilomètres de chez elle — à Póvoa de Varzim — car dans son village
il n’existait pas encore d’école pour les filles. Elle y apprit à
lire et à compter, et un peu à écrire. Après cette scolarité
réduite, elle revint habiter avec sa mère et sa sœur, à Balasar, au
lieu-dit du Calvaire.
Très jeune encore
— elle n’avait que neuf ans — elle commença à travailler dans les
champs, afin de pouvoir subvenir aux besoins de sa famille qui
n’était pas aisée. Sa mère travaillait aussi, à la journée, dans les
champs. Quant à sa sœur, elle apprit le métier de couturière et
gagnait son “pain quotidien” en confectionnant des habits pour les
gens du village.
Vers l’âge de
douze ans, alors qu’elle coupait les branches, d’un arbre sur lequel
elle était grimpée, elle fit une chute, et se blessa gravement. Elle
dût s’aliter pendant quelques mois ; elle reçut même l’Extrême-Onction.
Se croyant guérie et,
désireuse de continuer à aider sa famille, elle retourna bientôt
travailler.
Ce fut alors qu’un
autre incident vint complètement changer le cours de sa vie. Mais,
mieux que de l’expliquer, laissons-la nous le raconter elle-même :
« Un jour,
alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous
travaillions à la couture, nous avons aperçu trois individus venant
dans notre direction. Deolinda, comme si elle pressentait quelque
chose, m'a dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après,
nous avons entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un
frapper à la porte.
— Qui est là ?
— a demandé ma sœur. Et l'un d’eux, qui avait été mon patron, nous a
demandés d'ouvrir, sans plus.
— Il n'y a pas
de travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, — a rétorqué
Deolinda.
Après quelques
instants de silence, nous avons entendu que le même individu montait
par l'échelle qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le
salon. Effrayées, nous avons tiré la machine à coudre sur cette
trappe.
Le voyou, se
rendant compte que la trappe était fermée, a commencé à frapper de
grands coups de marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques
planches et à pratiquer un passage, par lequel il a pénétré dans le
salon.
Deolinda, en
voyant cela, a ouvert la porte et, est parvenue à s'enfuir, bien que
les autres deux qui dehors l'attendait, aient essayé de la retenir,
en tirant sur ses vêtements.
L'autre fille
l'a suivie, mais ils l'ont attrapée.
Devant cette
scène, je me suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et,
désespérément je me suis accrochée à la fenêtre qui était ouverte et
sans la moindre hésitation j'ai sauté
[3] en
bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me relever aussitôt, mais je
ne le pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine
dorsale.
Nerveuse, dès
que j'ai pu me relever, j'ai ramassé par terre un piquet et je suis
partie, pour essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus
âgés, tandis que notre amie, dans le couloir, luttait avec le
troisième. Je n'ai plus pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici !
— a été mon premier cri.
Cela a été
comme un éclair, le voyou qui se trouvait dans le couloir, a pris
peur et a laissé immédiatement la jeune fille. C'est alors
seulement, que je me suis rendu compte que j'avais perdu une bague
en or, lors de la chute.
— Chiens ! À
cause de vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite
l'un d'eux, enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en
disant:
— Tiens,
prends celle-ci, ne te fâche pas contre moi...
— Je n'en veux
pas ! — lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de
suite... immédiatement!
Ils se sont
retirés. Et nous, excitées et allaitantes, nous sommes retournées à
notre travail.
De tout ceci,
moi et ma sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une
tragédie. Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre,
de la bouche de notre amie.
Quelque temps
après, j'ai commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que
c’était à cause du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les
médecins, plus tard, ont confirmé que ce saut a dû contribuer à
aggraver mon infirmité. »
* * *
Elle avait déjà,
à ce temps-là, une très grande dévotion envers la Sainte Vierge.
Entendant le récit des grâces que l’on obtenait à Fatima, elle
souhaita faire le pèlerinage à la Cova da Iria, pour y solliciter sa
guérison. Elle ne put le faire, car son médecin et même le curé du
village s’y opposèrent formellement.
Touchée alors par
une grâce particulière, elle s’offrit au Seigneur :
« Un jour,
alors que j’étais seule et que je pensais à Jésus dans les
tabernacles, je lui ai dit:
— Mon bon
Jésus, Vous êtes emprisonné. Moi aussi, je le suis. Nous sommes tous
deux incarcérés. Vous, pour mon bien et moi, enchaînée par Vous.
Vous êtes Roi et Seigneur de tout. Moi, je ne suis qu’un ver de
terre. Je Vous ai négligé, ne pensant qu’aux choses du monde qui ne
sont que perdition pour les âmes, mais, maintenant, le cœur contrit,
je ne veux que ce que Vous voudrez, je veux souffrir avec
résignation. Ne me laissez pas sans votre protection.
À partir de ce
temps-là, je demandais au Seigneur l’amour de la souffrance et, sans
bien savoir comment, je me suis offerte à lui comme victime. Le
Seigneur m’a accordé cette grâce dans une proportion si importante
qu’aujourd’hui, je n’échangerais la souffrance contre tout ce qui
peut exister dans le monde. Aimant la douleur, je me sentais
heureuse d’offrir à Jésus mes peines. Consoler Jésus et lui sauver
des âmes, voilà ce qui me préoccupait. »
* * *
La vie
d’Alexandrina sera, à compter de cette période, un continuel
“calvaire”, où la souffrance et la réparation occuperont la
“meilleure part”.
Pour satisfaire
son médecin, elle fera le voyage de Porto, où elle fut examiné par
les des plus grands spécialistes portugais de l’époque, mais rien
n’y fit : sa maladie devait rester incurable...
De temps en
temps, vers 1932, quand la souffrance était à son comble,
Alexandrina, qui s’était courageusement offerte à Jésus comme
victime, demandait à son Seigneur et Dieu :
“Que
voulez-vous que je fasse ?”
La réponse était
toujours invariable :
“Aimer,
souffrir, réparer”.
Peu de temps
après, le 6 août 1933, elle fit la connaissance du Père Mariano
Pinho, jésuite, qui allait l’accompagner pendant quelques années et
devenir son directeur spirituel, jusqu’à ce qu’il soit obligé, par
ses supérieurs, à s’exiler au Brésil.
En 1934, elle fit
le “vœu le plus parfait”, ce qui dût plaire à Jésus, car
cette même année, le 6 septembre, elle entendit, pour la première
fois, un invitation précise à vivre la Passion.
En effet, ce
jour-là, après la Communion, elle entendit Jésus l'inviter à
participer à sa Passion, mais d'une façon concrète, en se laissant
transpercer les mains et les pieds par le clous ; la tête, par la
couronne d'épines.
— Donne-moi
tes mains: je veux les clouer avec les miennes; donne-moi tes
pieds : je veux les clouer avec les miens; donne-moi ta tête : je
veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi
ton coeur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont
transpercé le mien; consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à
moi; je veux te posséder entièrement.
Cette invitation
lui fût répétée le 7 et le 8 septembre.
Alexandrina
accepta l'invitation, mais elle crut qu'il ne s'agissait là que
d'une augmentation de ses souffrances physiques; elle ne pensa pas
un seul instant qu'il s'agissait de choses surnaturelles.
À cette occasion
elle se sentit fortement unie à Jésus:
“Il me parlait
de jour comme de nuit... Il se confiait à moi...”
Alexandrina était
convaincue que “souffrir, aimer, réparer” était une
inspiration qui lui venait de Jésus.
Les invitations
de Jésus à participer à sa Passion se répétèrent plusieurs fois
pendant environ quatre ans, au cours desquels Il la prépara
progressivement au grand événement qui arrivera le 3 octobre 1938:
Alexandrina vécut pour la première fois la Passion dans ses diverses
phases.
Puis, ce fut la
démarche qui aboutirait, quelques années plus tard, à la
consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
Ce fut le 30 juin
1935, que pour la première fois Jésus lui en parla :
— En raison
de l’amour que tu as envers ma très Sainte Mère, communique à ton
directeur spirituel la demande suivante : que chaque année un acte
de consécration du monde à Elle soit fait, un jour fixé et que l’on
demande à la Vierge sans tache de confondre les impurs, afin que
ceux-ci changent de vie et ne M’offensent pas davantage.
Comme je
l’ai demandé à Marguerite Marie la consécration du monde à mon divin
Coeur, ainsi Je te demande à toi, qu’il lui soit consacré, avec une
fête solennelle.
En attendant,
Alexandrina commença à vivre les étapes — souvent surréalistes — de
la vie mystique.
Ce fut ainsi que
le 7 juin 1936, à son grand étonnement, elle vécut, en présence de
son directeur spirituel la mort mystique.
Puis, ce furent —
en 1937 — les premières enquêtes de la part de l’Église.
Ce fut aussi en
cette même année que les attaques diaboliques redoublèrent
d’intensité et de rage.
« Ce fut en
juillet 1937 que le “boiteux” (nom qu'elle utilisait pour désigner
le démon), non content de tourmenter ma conscience et de me souffler
des choses affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du
lit, aussi bien la nuit qu'à n'importe qu'elle heure de la
journée... »
Jésus lui dit, à
cette occasion...
— Le démon
te haï, mais tu dois t’en réjouir, car tu connais la raison. Si je
le lui permettais, il te tuerait: mais je n’y consens pas. Je suis
le Seigneur de la vie et de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera
qu’un envol de la terre vers le ciel.
Il est arrivé que
le “boiteux”, comme Alexandrina l’appelait, la jette en bas
du lit, lui arrache les médailles qu’elles portaient sur elle.
Dans sa rage, le
monstre infernal est allé jusqu’à lui voler son crucifix pour le
jeter dans la porcherie...
De la même façon
il lui subtilisa une statue de la Sainte Vierge qu’il est allé
enterrer dans la jardin, et que ne fut retrouvée que quelques années
plus tard...
Voici enfin
arrivé ce jour tant redouté, le 3 octobre 1938. En extase, elle
vécut la Passion pour la première fois, de midi à 15 heures. Le
Père Pinho était présent. Dans son livre “No Calvário de Balasar”
(Sur le Calvaire de Balasar) il écrira: “Nous les présents, nous
voyions se dérouler devant nos yeux le drame de la Passion de la
façon la plus concrète: Jardin des Oliviers, emprisonnement,
tribunaux, flagellation, couronnement d'épines, chemin du Calvaire,
crucifixion, mort.”
Ce jour-là, était
le jour de la fête liturgique de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus,
qu’Alexandrina considérait comme sa soeur spirituelle. Elle
la vit à deux reprises, lors de sa montée au Calvaire, au cours de
cette première “Passion”.
Le Père Mariano
Pinho, suite à cette “Passion vécue”, écrivit au cardinal
Pacelli — futur Pie XII — pour lui expliquer ce que Jésus demandait.
Plusieurs fois, en effet, Jésus avait insisté pour que le directeur
spirituel d’Alexandrina écrive au Saint-Père, pour lui demander la
consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
Une fois encore,
suite à cette lettre à Rome, Alexandrina recevra, le 5 janvier 1939,
la visite d’un enquêteur du Saint-Siège. Cette fois-ci, il s’agira
du chanoine Vilar, qui devint par la suite un grand ami et défenseur
d’Alexandrina.
Le 20 janvier de
cette même année 1939, Jésus lui fait une communication sur l’état
du monde et lui prédit le châtiment que celui-ci encoure : Il lui
prédit la guerre comme châtiment pour les grands péchés.
— Le monde
est suspendu à un fil très fin... Ou le Pape se décide à le
consacrer ou le monde sera puni !...
Cela arriva,
malheureusement, quelques mois plus tard...
Alexandrina
continua de prier et d’offrir ses atroces souffrances pour la
conversion des pécheurs, pour la paix dans le monde et pour la
consécration de celui-ci au Cœur si tendre et immaculé de la Sainte
Vierge ; elle continua de prier pour les prêtres et pour les âmes à
qui le Seigneur avait confié d’autres missions.
La progression
d’Alexandrina dans les voies spirituelles continue. En cette année
1940, après s’être offerte comme victime afin que le Portugal soit
épargné par la guerre, elle vivra, mystiquement, les peines des
damnées.
Puis, le 29
janvier 1941, elle fit la connaissance du docteur Manuel Azevedo. Il
deviendra son médecin traitant, son ami et son défenseur. Il lui
demandera de retourner à Porto pour y subir de nouveaux examens
médicaux.
1942 fut une
année très particulière pour Alexandrina. En effet, elle perdit au
début de cette année-là son premier directeur spirituel, le Père
Mariano Pinho.
À l'approche de
l'écartement de son directeur — ce qu'elle pressentit plusieurs fois
lors des dernières extases — elle entendit Jésus lui dire, le 3
janvier :
— L'heure
de Me donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme est
arrivée : marche sans lumière, en complet abandon. Tout sera mort en
toi...
Puis, arriva le 13
avril 1942 ; à partir de cette date, Alexandrina ne s’alimentera
plus jusqu’à sa mort. Son seul aliment sera la Communion
quotidienne. Quand monsieur le Curé ne pourra pas la communier, elle
recevra la Communion de la main des Anges ou de Jésus lui-même.
Toujours en cette
année 1942, le 31 octobre, à l'occasion du 25e
anniversaire des apparitions de Fatima, le Pape Pie XII fit,
en langue portugaise, la consécration du monde au Coeur Immaculé de
Marie, consécration qui fut répétée solennellement à Saint-Pierre de
Rome, le 8 décembre de la même année.
u 10 juin au 20
juillet 1943, Alexandrina fut internée à l’Hôpital de Foz do Douro
(près de Porto) pour y être examinée et contrôlée au sujet de son
jeûne et de son anurie.
Le directeur de
l'Institut, le docteur Gomes de Araujo, après avoir constaté
quarante jours durant sous la plus stricte surveillance, qu'il n'y
avait aucune simulation, en la congédiant lui dit: “Je viendrai
vous revoir à Balasar, non plus comme médecin ou espion mais comme
ami qui vous admire”.
Et à l'automne de
cette même année il se rendit à son chevet.
La conséquence de
cette reconnaissance officielle du jeûne et de l'anurie fut que
beaucoup de personnes, y compris des prêtres, s’intéressèrent au cas
et vinrent lui rendre visite. Parmi ceux-ci le Révérend docteur Gigante — qui fut nommé plus tard Président de la Commission pour le
Procès Diocésain de béatification — lequel restera pour toujours son
ami, même quand il devint archevêque.
Vers la fin du
mois d’octobre de cette même année 1943, elle souffrit, en tant que
victime, les peines du Purgatoire.
L’année 1944, ne
fut pas des plus joyeuses pour Alexandrina, car en plus de ses
souffrances habituelles, les hommes se sont ingéniés à lui en
procurer d’autres supplémentaires.
Ce fut ainsi que
le 16 juin, tomba, pour Alexandrina le verdict d'une Commission
d'enquête composée de trois théologiens nommés par l'Archevêque de
Braga afin d'étudier le cas de la “malade” de Balasar: Cette
Commission ne trouva rien de surnaturel ni de miraculeux et, cela
malgré la poursuite du jeûne et de la complète anurie!
Et pour le
confirmer, le 25 du même mois de juin, l’Archevêque de Braga publia
une Circulaire dans laquelle il invitait à garder le silence sur les
présumés faits extraordinaires attribués à Alexandrina et
interdit les visites à celle-ci même à titre d'observation sur
le point de vue religieux.
Cette situation
ressemblait, de plus en plus, à une sorte de “persécution” de la
part des membres de la hiérarchie ecclésiastique de Braga.
En effet, l’un
des membres de la Commission, informé par des ragots et non pas par
une étude sérieuse, voulait à tout prix faire taire la “malade” de
Balasar.
Il fut, plus tard
— lors du procès diocésain — un témoin courageux et humble, ayant
compris la portée profonde et le message authentiquement ecclésial
de la sainte fille de Balasar.
Heureusement pour
Alexandrina, le 21 juin elle avait fait la connaissance du Père
Umberto Pasquale, prêtre de Dom Bosco, qui vivait au Portugal à ce
moment-là. Ses conseils éclairés furent très utiles et salutaires
pour Alexandrina, dont le cœur avait été gravement blessé par les
décisions de l’Église locale.
L’année 1945, ne
se présenta pas non plus sous les meilleurs auspices pour
Alexandrina. En effet, son état de santé devint de plus en plus
préoccupant, y compris un malaise aux yeux: ceux-ci ne supportent
plus la lumière.
Mais, comme si le
Seigneur voulait la récompenser de tant de souffrances généreusement
acceptées... Comme s’il voulait lui apporter un peu de baume au
coeur, il lui accorder des faveurs sublimes... comme celle-ci que
nous pouvons lire dans son journal du 2 février :
“Le vendredi
est arrivé; triste vendredi ! Il était encore tôt et déjà
j’entrevoyais ma croix. On la préparait avec soin: elle était
nécessaire, quelle que soit la sentence que j'ai dû recevoir.
Dans mon âme
je ressentais une mansuétude, une bonté inégalable. En même temps,
contre cette mansuétude et cette bonté, je ressentais la haine, la
rancoeur, le mépris et une autorité orgueilleuse: un orgueil
cynique.
Des bêtes
féroces contre l’Agneau, le plus petit et le plus innocent! Quelle
douleur pour lui, lui si débordant de bonté! Avant même que la
sentence ne soit prononcée contre l’Agneau innocent, j’ai senti que
cette autorité là, avec une fureur diabolique, se déchirait les
habits de haut en bas...
J’ai monté
avec peine la montagne du Calvaire, en ayant l’impression d’expirer.
J’ai crié continuellement:
Père, Père,
toi aussi tu m’abandonnes ? Toi aussi tu m’abandonnes ?
Mon sang
coulait.
Le soleil,
honteux, s’est caché à la vue de tant de malice. Et moi, déshabillé,
dans une grande confusion, je restais là, sur la croix, sous les
regards de la canaille la plus vile! Mes habits ont été tirés au
sort et partagés...
Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à
cause du froid.
A haute voix
toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant un soleil radieux
et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé, ainsi que la peur
et toutes les douleurs: j’avais retrouvé la paix, je n’avais plus
que lumière et amour. Le coeur a commencé à revivre une vie que je
ne sais pas expliquer. La poitrine est devenue un vrai incendie.
Quel bonheur j’ai pu vivre pendant longtemps !...
J’ai entendu
des hymnes merveilleuses ; je ne comprenais pas très bien, mais je
sais qu’elles étaient adressées à Jésus au très Saint-Sacrement.
J’ai entendu
les paroles “Corpus Jesus Christi” et je me suis aperçue que
Jésus se donnait à moi et m’unissait toujours davantage à lui.
Les anges
continuaient de chanter: de ce choeur d’anges sortait un canal qui
arrivait jusqu’à moi, me communiquant des flammes de feu et bien
d’autres choses.
Jésus m’a dit
alors :
Ce canal,
ma fille, descend du Coeur de la tienne, et ma Mère bénie. De
celui-ci tu reçois la très grande abondance de notre amour ; tu
reçois nos grâces, vertus et dons : richesse divine et tout ce qui
est du ciel. De son Coeur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour
la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber
sur l’humanité ; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et
de ta souffrance. Tu es une nouvelle co-rédemptrice.
Je te
communique tout à travers le canal de ma Mère bénie: c’est à vous
qu’il appartient de sauver le monde.”
Nous sommes tous
concernés, tous appelés à participer à la Rédemption du genre
humain. Le Seigneur veut avoir besoin de nous, non point que sa
participation et son sacrifice aient été insuffisants ou incomplets,
mais parce que tous, nous faisons partie de ce corps mystique qu’est
l’Église, irriguée par le Sang Rédempteur du Fils de Dieu.
La Communion dont
Alexandrina nous a fait le récit, s’est déroulée lors de la Passion
qu’elle vivait chaque vendredi...
Au contraire des
autres fois où Alexandrina a été communiée par les Anges et que le
mot “nostri” était prononcé, cette fois-ci, il ne le fut pas,
car ce fut Jésus Lui-même qui s’est donné à son épouse.
Un autre
vendredi, au cours d’une autre Passion, la sainte fille eut une
vision, vision terrible qui nous rempli de terreur, surtout si l’on
considère la date à laquelle elle eut lieu: 1945. Bien longtemps
avant que le Concile du Vatican II n’ait lieu et que des décisions
précipitées, quelquefois, ne soient prises. Écoutons et méditons :
« Quel feu
dans mon cœur !... Il me brûle tellement qu’il semble le détruire.
Combien je donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que
ce feu soit le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux
de l’amour, je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il
aime uniquement Jésus. Pauvre comme je suis, je n’ai rien à lui
donner; je ne sais pas comment l’acquérir, je ne sais pas comment le
confier à Jésus. Je le vois s’enfuir: il fuit vers un autre monde,
un monde de perdition.
Je reste les
bras ouverts et les yeux levés vers le ciel.
Comment
remédier à ce mal ?
Ô Jésus,
veillez sur le monde que vous m’avez donné et confié, gardez-le, il
est à vous, uniquement à vous! Donnez-moi votre amour afin qu’ainsi
je puisse le conquérir.
De grandes, de
très grandes inquiétudes montent de la terre vers le ciel.
Mon Dieu, je
vois les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la
lèpre: conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à
tout voir !... À quel extrême le monde est réduit!... Doux Jésus,
votre divin Cœur n’en peut plus !...
Je me sens
placée entre le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des
hommes ne blesse son Cœur si aimant.
Flagellation,
épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais
je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups
de cette chaîne de méchanceté.
(...)
Sans même
avoir pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie
à table.
Mon cœur
était le calice, le vin et le pain. Tous venaient manger et boire à
ce calice. À partir de cet instant cette Cène allait se répéter.
Mais quelle horreur ce que j’ai vu!... Tant de Judas buvant et
mangeant indignement !
Que de
langues sales ! Pire encore : combien de mains indignes distribuant
ce pain et ce vin ; des mains indignes et des cœurs démoniaques.
Quelle horreur
mortelle !... J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur au
point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser.
Je ne sais pas mieux
exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout autre
chose, l’amour de Jésus, un amour indicible; un amour que l’on ne
peut évaluer qu’après l’avoir expérimenté... »
Ces textes se
passent de commentaires, ou presque...
Il faut remarquer
tout de même, que ce texte, datant de 1945, a pu paraître
incompréhensible pour ceux qui à cette période du XXe
siècle ne se doutaient pas que ceci se réaliserait quelques années
plus tard.
En effet, de nos
jours, tous et n’importe qui, peuvent distribuer la Communion, et
rares sont ceux qui se confessent pour recevoir le Sacrement de
l’Amour. Cette affirmation peut et doit être considérée comme une
vraie prophétie de la servante de Dieu.
Afin qu’il n’y
ait pas d’équivoque, sachez que tous les écrits d’Alexandrina ont
été analysés, à Rome, par trois équipes différentes de théologiens,
et qu’ils n’ont rien trouvé qui soit contraire à la foi
chrétienne...
Depuis le mois
d'août et, ceci pendant environ trois mois, elle perdit
quotidiennement du sang.
L'action du
démon s'intensifia, ce que Jésus continua de permettre comme
forme de réparation: l’une des plus douloureuses.
Le Seigneur avait
choisi Alexandrina pour être victime, victime pour les pécheurs,
victime pour la consécration du monde au Cœur immaculé de Marie,
victime pour réparer les sacrilèges, profanations et blasphèmes
proférés à l’adresse du très Saint-Sacrement.
Le zèle ardent
dont était remplie son âme simple et aimante, pour les choses de
Dieu, la menait même quelquefois à désirer réparer davantage, à
désirer se donner sans mesure, et bien souvent, le Seigneur
acceptait cet élan de générosité sincère. Ce fut ainsi qu’au mois de
mai 1946, comme nouvelle forme de réparation, elle vécut le tourment
des odeurs nauséabondes, signe du péché. Tout avait pour elle une
odeur insupportable, y comprises les personnes qui l’entouraient :
sa mère, sa sœur, Sãozinha, la maîtresse d’école, son amie ; les
fleurs et les aliments...
Un peu plus tard,
le 20 juillet 1946, se croyant proche de la mort, elle écrivit de sa
propre main, avec beaucoup d'effort, une lettre-testament adressée à
tous les pécheurs.
Depuis cette même
année et jusqu'à sa mort elle ressentit même en dehors des extases
de la Passion, de jour comme de nuit, les douleurs de ses stigmates
— lesquels, à sa demande, restèrent toujours invisibles.
Et, comme si tout
cela n’était pas suffisant, une autre souffrance vint s’ajouter à
toutes les autres. Fin septembre, les articulations se déboîtèrent
tellement que le 3 octobre, anniversaire de la première crucifixion,
le docteur Azevedo la fit mettre sur des planches et banda ses bras
les plaçant sur deux reposoirs en forme de “S”, pour les
attacher ensuite au chevet du lit.
Et, au mois de
novembre, elle dut subir de nouveaux examens médicaux.
L’année 1947, fut
une année sans grands changements notables dans sa situation de
victime, c’est pourquoi nous ne nous y attarderons pas davantage.
14 juillet
Le 14 juillet
1948, Alexandrina écrivit, toujours de sa propre main, le deuxième
testament spirituel adressé aux pécheurs, choisi par la suite comme
épitaphe pour sa tombe.
Ce fut aussi en
cette même année que son deuxième directeur spirituel, le salésien
Dom Umberto Pasquale, fut prié de repartir en Italie, son pays
natal. Le 23 septembre, Alexandrina reçut sa dernière visite.
Toutefois, elle lui envoya toujours son Journal, écrit par
obéissance, jusqu'à la mort.
En décembre le
secrétaire de l'Archevêque de Braga, le docteur Sebastião Cruz,
professeur de l’Université de Coimbra vint la visiter. Il fut très
favorablement impressionné : Il la réconforta et revînt la visiter
plusieurs fois, par la suite.
L’année 1949 fut
pour Alexandrina une nouvelle année de souffrances. En effet, son
état physique continua d'empirer: elle fut souvent atteinte de
fortes fièvres accompagnées de douleurs aiguës.
Son état
spirituel, s'intensifia de plus en plus. Elle reçut de Jésus la
confidence comme quoi sa mission était pour les âmes et qu'au ciel
elle la continuerait.
Le 1er
octobre — premier jour du mois du Rosaire — la Vierge lui apparut.
Elle lui apporta le Rosaire avec lequel elle doit attacher le monde.
Pendant les années
qui suivront, des apparitions analogues se répéteront.
Pour ne pas trop
rallonger cette note biographique, nous allons survoler rapidement
les dernières années de sa vie, nous arrêtant là où le détail
important nous le commandera.
Le 10 mars 1950,
Alexandrina eut la vision de l’enfer :
« J'ai vu l'enfer ouvert, d'où sortaient d'épouvantables flammes.
J'ai entendu des rougissements et des cris impossibles à décrire. »
Le 14
avril de cette même année, elle fêta ses noces d'argent de
grabataire: Une messe fut célébrée dans sa chambre.
La souffrance
acceptée avec amour, demandée avec la plus humble et amoureuse
ferveur, l'élevèrent à une telle hauteur d'imitation du Christ qu'un
jour elle reçut de Jésus cette confidence:
Tu as
la vie, tu as l'amour : tu vis comme Jésus et aimes comme Jésus : tu
vis ma vie, tu aimes avec mon amour.
Les gens qui
venaient la visiter affluaient de plus en plus ; à leur encontre,
l'Archevêque de Braga publia, en septembre 1952 une interdiction de
ces visites. Mais fin novembre de cette même année 1952, cette note
fut annulée, sous l’insistance des prêtres.
Le nombre de
visiteurs augmenta de nouveau: sa mission d'évangélisation était en
plein essor: porter les âmes à Jésus.
Dans le même
temps, en tant que victime dont la mission est avant tout la
réparation, elle endura encore une autre souffrance, parmi les plus
graves et douloureuses: elle sentit l'inutilité de toute sa vie, de
toute son oeuvre, de l'offrande de toute sa souffrance.
L’année 1953
fut une année exceptionnelle en ce qui concerne l'évidence
surprenante de l'action divine sur Alexandrina: ce n'est que d'en-Haut,
en effet, que pouvait lui venir une telle condition physique, une
telle force pour supporter le poids de tant de fatigues accumulées à
la suite des milliers de visites qu'elle reçut en cette période. Ils
passaient devant son lit par groupes.
Ce fut ainsi que
le 25 mars, elle reçut plusieurs centaines...
Le 9 mai environ
2.000, pendant 9 heures et demi avec un arrêt de 45
minutes...
Le 5 juin,
5.000 personnes défilèrent devant son lit. Puis, le 6 juin
6.000, pendant 12 heures avec un arrêt de 45 minutes également.
Tous, tous
voulaient voir et entendre la “sainte de Balasar”, la “petite malade
de Balasar”, comme on l’appelait.
Où allait-elle
chercher cette force, ce courage ?
Le 29 juin, ils
furent environ 15.000 à venir la voir et l’écouter, car, en
effet, elle leur parla des choses du Ciel, les stimula au repentir,
des heures durant.
Pendant l'extase
du 15 mai Jésus lui avait dit :
“Tu vis la
vie publique de Jésus. Courage, courage, épouse très chère !”
Et voici comment
Alexandrina supporta cette marée, marée qui lui causait non
seulement beaucoup de fatigue mais aussi beaucoup de répugnance
parce qu'elle se sentait indigne d'être l'objet de tant de visites
et craignait d'être prise pour meilleure qu'elle ne l'était en
réalité. Dans son Journal on peut lire:
« Le fait même de
recevoir tant de milliers de baisers des personnes qui s'approchent
de moi, je décidai de l'offrir à Jésus, comme si ceux-ci étaient
déposés sur son Front, Lui demandant de bien vouloir les accepter
comme autant d'actes d'amour pour les Tabernacles, pour l'honneur et
la gloire de la Très Sainte Trinité et de la Maman, et de tout
reverser sur les visiteurs ».
Pendant cette
période de sa vie beaucoup de personnes étaient admises dans sa
chambre, parmi lesquelles des prêtres, y compris pendant l'extase du
vendredi; cela donnait un caractère public aux extases. Cela causait
une souffrance supplémentaire à Alexandrina-Maria:
« Les
humiliations me couvraient les yeux: le fait de me sentir entourée
de monde, me procurait, pour ainsi dire, la mort »,
dit-elle dans son Journal du 6 novembre.
A la suite de ces
extases, quand Alexandrina finissait de revivre la Passion, elle
sentait en elle Jésus ressuscité qui, à travers ses lèvres
s'adressait à l'humanité, aux pécheurs, d'une façon attristée et
solennelle. Alexandrina parlait longtemps avec chaleur, fréquemment
elle chantait les beautés et les exhortations de Jésus. Elle
chantait des hymnes de louange, d'action de grâces, de repentir, de
supplique. D'autres fois elle chantait en colloque avec Jésus qui,
tel l’Époux du Cantique, lui demandait son amour et elle lui en
offrait. Certaines de ces extases sont enregistrées.
Lors de ces
extases publiques on comprenait d'une façon très claire la volonté
de Jésus à démontrer l'intervention du surnaturel: en dehors de ces
moments-là, Alexandrina faisait un très grand sacrifice pour parler:
“à chaque mouvement des lèvres on dirait qu'un jet de sang
s'échappe de mon coeur pour arriver à mes lèvres”, dit-elle dans
son journal du 30 janvier. D'autres expressions analogues se
trouvent à différentes autres pages de ses écrits.
Le 25 décembre
1953, elle eut sa dernière extase publique:
“Je suis
descendu du ciel et me voici pour la dernière fois dans le coeur de
mon épouse pour parler à travers ses lèvres.”
Cette extase se
termina par un chant d'adieu et de au revoir au Ciel.
1954 fut
l’avant-dernière année de sa vie. Son état physique continua
d'empirer. Elle devint presque aveugle: “le corps ressemble à
l'âme: il n'a pas de vie, pas de lumière”, peut-on lire encore
dans son Journal du 24 décembre.
Au mois d'avril
de cette même année ce fut le 12e anniversaire du
commencement de son jeûne. Elle entendit de Jésus ces paroles:
“Ma fille,
je t'ai placée dans le monde et je fais en sorte que tu vives
uniquement de moi pour prouver au monde ce que peut l'Eucharistie,
ce qu'est ma vie dans les âmes : lumière et salut pour l’humanité.”
Elle ne vivait
que de la Communion quotidienne.
Le jeûne la
faisait souffrir: elle ressentait ; quelquefois, la nostalgie d’un
aliment solide. Mais Alexandrina souffrait bien davantage d'un autre
genre de faim: la faim que le monde avait de ses souffrances de
victime pour se sauver et la faim d'âmes dont souffrait Jésus.
Jésus lui ayant
souvent dit que sa souffrance sauvait les âmes, les alimentaient et
en même temps leurs donnaient vie, Alexandrina avait donc
l'impression d'être avidement dévorée par les pécheurs.
C'est très
impressionnant et en même temps très claire ce qui se lit dans une
lettre écrite au Père Mariano Pinho le 12 décembre:
« Nouveau
martyre pour mon âme. Elle est comme une tige effeuillée; à ses
fibres sanguinolentes ils viennent sucer tout mon être, tout mon
sang et s'accrochent à ces fibres: il s'agit pourtant d'un être qui
a la taille du monde, mais ils arrivent en bandes, ils sont très
nombreux. Mais ce quelqu'un qui représente le monde et les autres
qui se présentent en bandes ont des mains avec des griffes, des yeux
hagards, des cheveux en désordre, ce sont des affamés, insatiables,
ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus
de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme se fatigue et meurt
de faiblesse.
Mais celle-ci
aussi a une faim infinie, ce qui vient augmenter le tourment de mon
corps. Cette faim de l'âme est causée par la nostalgie de
l'alimentation: j'ai la nostalgie de tous les aliments, de tous; et
même quand je me sens rassasiée, je sens un vide que seul le monde
pourrait remplir...
Jésus, lors
d'un extase me dit que ce que je ressens dans mon âme c'est le
monde, ce sont les âmes qui voient déjà les peines de l'enfer, qui
s’agrippent aux fibres de mon âme afin de sucer tout mon sang pour
éviter de se perdre. Et quelle faim infinie est la Sienne » (faim
d'âmes).
Le 1er
octobre 1954 fut un vendredi, le premier du mois. Après la Passion,
Jésus lui apparut : de ses plaies sortaient des rayons de lumière,
lesquels allaient frapper les plaies de ses pieds, des ses mains et
de son coeur. Elle entendit Jésus lui dire:
“Comme je
l'ai demandé à Marguerite-Marie [Alacoque],
je veux que toi, à ton tour, tu fasses se développer dans le monde
cet amour éteint dans le coeur des hommes... Fais, ô mon épouse,
fais que se propage dans le monde entier cet amour de nos Coeurs.”
(de Jésus et Marie).
Pendant cette
dernière période de sa vie, elle expia de façon particulièrement
douloureuse les péchés contre la foi et contre l'espérance, bien
qu'elle fut tourmentée par les doutes sur la foi jusqu'en 1939.
Nous voici
arrivés à la dernière année de sa vie : 1955.
Tout en début
d’année, le 7 janvier, Jésus lui fit comprendre qu'elle mourrait en
cette année, et le 28 du même mois, Il lui dut : « Tu es
inscrite au nombre de mes saints. »
Un peul plus
tard, le 4 février, ce fut le Père éternel qui lui dit: « Tu
es notre fille bien-aimée, sur laquelle étaient posés nos regards. »
La Maman du Ciel
vint aussi la réconforter, le 6 mai, et lui dit : « Bientôt,
je vais venir te chercher! »
Le secrétaire de
l'Archevêque de Braga, le Père Sebastião Cruz qui la compris fort
bien, la visita souvent en cette période, pour la réconforter.
La lutte pour la
foi continua toujours intensément.
Dans son dernier
Journal, le 2 septembre on peut lire:
« Dans une
angoisse lancinante je répétais mes actes de foi: “Je crois, Jésus,
je crois que c'est pour moi que vous êtes né, que c'est pour moi
votre Jardin des Oliviers, votre Calvaire. Je crois, je crois,
Jésus, je crois!”
Mon abîme
était noir et si profond que seul Dieu pouvait y pénétrer: c'est que
fit Jésus. Il est descendu jusqu'à mes profondeurs, ramena à la
superficie mon pauvre être et l'illumina avec quelques rayons de Sa
lumière.
“Viens ici,
ma fille, lumière et flambeau du monde! Toi qui es ténèbre
inégalable, tu es lumière qui brille, phare que tout illumine: la
ténèbre est pour toi, la lumière, elle est pour les âmes.
Viens ici,
lumière dont je suis la source, phare dont je suis le phare.”
Le 13 octobre
1955 arriva. Très doucement, le sourire aux lèvres, Alexandrina-Maria remit son âme entre les mains de l’Époux tant
aimé.
Elle avait
demandé à Jésus, de mourir, si possible un jeudi, jour de
l’Eucharistie; mais elle aurait aimé mourir, pareillement en un jour
consacré à la Sainte Vierge. Le Seigneur a comblé ses deux souhaits.
En effet, le
13 octobre 1955
était un jeudi et, en même temps, l’anniversaire de la dernière
apparition de la Sainte Vierge à Fatima.
Le prêtre qui
l’assista
—
et qui ne devait pas se trouver là ! — a fait le récit détaillé de
ce départ vers la mansion céleste. Nous vous y renvoyons.
Chronologie
du “Procès de Béatification”
Notre récit,
quoique succinct, ne serait pas complet, si nous ne vous donnions
cette chronologie du “Procès de Béatification” d’Alexandrina Maria.
1965
Le Père Umberto
Pasquale, deuxième directeur spirituel d’Alexandrina, invité par
l’archevêque de Braga, met en branle le procès diocésain, sur les
vertus et la réputation de sainteté d’Alexandrina.
1966
Tous les écrits
d’Alexandrina sont recueillis, envoyés par un grand nombre de
destinataires.
1967
Ouverture du
procès diocésain sur tous les écrits. Les témoins, au nombre de 48,
commencent à être interrogés.
1973
En présence du
Postulateur Salésien, on procède à la clôture du procès diocésain.
Le 21 mai,
la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, procède à
l’ouverture des deux caisses contenant tous les documents
recueillis.
1974
Le 26 mars,
premier théologien, chargé par le Saint-Siège, donne un avis
favorable sur les écrits de la Servante de Dieu.
1976
Le 30 novembre,
avis favorable donné par le deuxième théologien.
1977
La Sacrée
Congrégation pour la Doctrine de la Foi donne son “Nihil obstat”
pour la suite de la cause.
1978
Le 18 juillet,
les reste mortels d’Alexandrina sont transférés du cimetière et
déposés dans une chapelle aménagée à cet effet, dans l’église
paroissiale de Balasar.
La Sacrée
Congrégation pour la cause des Saints, par un décret, approuve les
écrits de la Servante de Dieu.
Au mois de
septembre, la Postulation publie le “Summarium”, où sont
consignés tous les récits des témoignages recueillis lors du procès
diocésain.
1979
Des “Lettres
Postulatoires” sont demandées aux Cardinaux et Évêques, à la
Conférence Épiscopale du Portugal et à d’éminentes personnalités de
l’Église pour demander au Saint-Père la béatification
Alexandrina-Maria da Costa.
1983
Le 31 janvier
fut signé le décret d’introduction de la cause de béatification
auprès de la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints.
1991
Le 8 janvier,
fut présenté officiellement, à la Sacrée Congrégation pour la cause
des Saints, par le Rapporteur, un gros volume appelé “Positio
super virtutibus”. Dans celui-ci, sont recueillis tous les
documents afin que puisse être déclarée l’héroïcité des vertus de la
Servante de Dieu.
1996
Le 12
janvier, l’héroïcité de ses vertus est reconnue, d’où le titre
de “Vénérable”
accordé à Alexandrina Maria.
2004
Le 25 avril 2004,
enfin, le Pape Jean-Paul II, à Rome, élève la Vénérable à l’honneur
des autels, en la béatifiant solennellement, devant un parterre de
personnalités du monde entier.
* * *
Après ce survol
de la vie d’Alexandrina et des dates importantes qui ont marqué sa
vie, nous pourrions entrer de pied ferme, dans un autre sujet qui
nous tient à coeur, les prières de la Bienheureuse.
Elles sont toutes
belles, car toutes sont des prières du cœur ; des prières d’un coeur
simple et pur; d’un coeur aimant, comme l’épouse des Cantiques.
La plus part de
ces prières peuvent être employées par chacun d’entre nous, chaque
jour, car toutes peuvent être récités, voire même apprises, afin que
notre âme en soit marquée d’une façon indélébile.
Les prières
d’Alexandrina, comme en général toutes les prières des saints, sont
des petits chefs-d’oeuvre qui entraînent nos âmes vers l’infini
plein de délices, vers le voisinage de Dieu, vers Dieu...
Souvenons-nous
toujours, c’est important, qu’Alexandrina Maria est le canal
par lequel Dieu veut nous combler de bienfaits, selon la promesse
qu’il lui a faite.
Fraternellement,
en Jésus et Marie.
Alphonse Rocha
Mystères joyeux
I
L’Annonciation de l’Ange
Ma fille, tu
n'est pas seule : je suis avec toi... Je t'ai créée pour les âmes;
tu n'appartiens pas au monde tout en vivant dans le monde, tu n'est
pas au Ciel et pourtant tu vis du Ciel.
Depuis le
premier instant de ton existence, quand je t'ai créée, j'ai toujours
vu en toi la mission que je t'avait confiée: la mission la plus
belle et la plus noble, la mission des missions, la mission des
âmes. Je t'ai créée pour elles; tu es leur victime et, tout comme
moi, victime du calvaire.
Comme preuve
que tu l'est en vérité, je t'ai attachée au pied de la montagne, et
contre toi j'ai fait se briser la marée de l'iniquité. La montagne
s'est élevée, la croix est disparue et avec celle-ci je suis monté
au Ciel, mais les crimes continuèrent. Je n'ai jamais cessé de
donner des preuves de mon amour en répandant sur le monde mes
grâces... Comme preuve de cet amour j'ai fait perpétuer l'œuvre de
la Rédemption... Il a été nécessaire de continuer cette œuvre à
travers mes âmes-victimes...
II
La Visitation
J’aimerais
pouvoir consoler et réconforter tout le monde; j’aimerais pouvoir
procurer de la joie à tous les cœurs. J’aimerais rassasier tous les
affamés, et vêtir tous les mal habillés. Combien de peine je ressens
pour les pauvres! Mais je la ressens spécialement pour Jésus. Je
sens que c’est lui le pauvre le plus nécessiteux: il a besoin que
nous le réjouissions, que nous le réconfortions. Puissé-je le
consoler et l’aimer!... Je souffre beaucoup, mais mes souffrances ne
réussissent pas à Lui procurer consolation et joie...
Pendant la nuit
la souffrance consumait mon corps et mon âme; je vivais un vrai
martyre. Les noms de Jésus et de la Maman du ciel étaient toujours
sur mes lèvres et dans ma pensée...
Après la
Communion, Jésus n’a pas tardé à me réconforter:
— J’ai soif,
ma fille, une soif qui consume mon divin Cœur. Tu sais, épouse
aimée, quelle soif est celle-ci: c’est une soif d’âmes. Celles qui
m’aiment sont bien peu nombreuses et, bien peu nombreuses celles qui
me procurent une vraie consolation, même parmi celles qui disent
m’aimer et être mes épouses! Elles ne font pas ce qu’elles
devraient, dans un bout droit et pur. Combien parmi les choisies
viennent de moins en moins dans mon Cœur! Elles me veulent
uniquement tant qu’elles voient des roses et reçoivent des
consolations; mais quand les épines les blessent et les croix
pèsent, elles rebroussent chemin et méprisent mes grâces...
III
La naissance de Jésus
Le démon
s’obstine à vouloir me persuader que ma vie n’est que tromperie. O
mon Dieu, quelle vie douloureuse! Seule mon âme peut sourire et
embrasser une aussi grande souffrance: le sourire de mes lèvres est
trompeur...
Au Jardin des
Oliviers je me suis épouvantée en découvrant la montée vers le
Calvaire... Toutes les souffrances ont été anticipées; j’ai commencé
à trembler...
Le corps déchiré
je me suis engagée sur le chemin du Calvaire... Jésus est venu...
— Mon enfant,
J'unis ton cœur à mon divin Cœur, il n'y a plus qu'un seul cœur,
qu'une seule vie. Je te donne une goutte de mon sang, afin de
continuer le miracle et que tu puisses vivre et résister à la
douleur, à ton martyre... afin que tu donnes la vie aux âmes et les
fasses triompher dans leur guerre contre le mal...
Courage, ma
colombe, tu ne m’as pas perdu, tu ne m’as pas quitté... Dans
l’obscurité de ton esprit, obscurité qui ne pouvait augmenter
davantage, tu n’as pas senti l’union avec moi et tu n’as pas vu non
plus de quelle manière tu courais vers moi. Oh, s’il t’était donné
de voir comme tu es en moi et moi en toi! Rien ne peut nous
séparer!...
IV
La Présentation de Jésus au
Temple
Je suis arrivée
sur le Calvaire, épuisée, sans vie. Je sentais dans mon cœur un
poids immense. J'ai été crucifiée... Sur le Calvaire il faisait
presque nuit, mais dans les âmes il y avait nuit obscure.
Près de la croix,
presque agonisante — les mains jointes — la Petite-Maman pleurait.
On m'avait donné
du fiel et du vinaigre, mais ma soif persistait: c'était une soif du
cœur, une soif d'âmes, c'était une soif de donner la vie. Quand
Jésus leva les yeux au Ciel, remettant son Esprit à son Père, le
mouvement de ses lèvres semblait péniblement. Il expira et moi,
j'expirai avec Lui.
Quelques instants
plus tard Il me redonna vie et me dit:
— Mon enfant,
la commémoration de ma Passion est de tristesse et de deuil: la joie
étant pour bientôt. Toutes les dates importantes de ta vie ne
peuvent cesser d'être douloureuses et remplies de tristesses et
d’angoisses; tu ne peut pas négliger de sentir de près la mort, afin
que cette mort soit un alléluia, que ta crucifixion soit une
résurrection continuelle. Tu dois Me ressembler; Je veux que tu Me
ressembles en tout.
— Malheureux
sont ceux qui ne tirent pas profit de mon sang; malheureux est le
monde que ne cueille pas le fruit de la vie de la victime de ce
calvaire continu qui se renouvelle en toi. Courage, ma fille: c'est
un Calvaire de salut, c'est une croix qui donne la victoire... Aie
confiance, ne doute pas...
Ton âme ne
jouira pas de l'alléluia de Ma résurrection ,
afin que les âmes ne souffrent pas la mort éternelle. Dis à tout le
monde Ma peine et Ma tristesse, parle de mes demandes réitérées de
prière, de pénitence, de changement de vie. Dis-le toi même et fais
en sorte que le disent aussi ceux qui prennent soin de ta vie...
V
La perte et le recouvrement de
Jésus
Quelqu’un m’a
demandé si j’aimais Jésus. Je ne sais pas si je l’aime, mais je sais
que je veux l’aimer. Je ne sais pas lui parler, j’ignore même
comment je lui parle: je sais que tout plonge dans les ténèbres et
qu’au milieu de celles-ci tout disparaît et meurt. Combien grandes
sont mes souffrances; et combien grande est ma tristesse !...
Mon corps est
comme le grain qui ne cesse jamais d’être moulu ; l’engrenage qui
fait tourner le moulin, jamais ne s’arrête, jamais ne cesse de
moudre.
Je vis tellement
abandonnée, que je ne trouve sur la terre aucun soulagement.
Dans mes
confessions — que je fais assez fréquemment afin de fortifier le
plus possible mon âme par la grâce du Sacrement — je ne trouve ni
soulagement ni réconfort. Que ce soit avec monsieur le Curé, ou avec
mon confesseur ordinaire, je suis toujours timide, remplie de peur
et je sens ne pas être comprise.
Mon Jésus,
est-ce de ma faute ou est-ce vous qui le permettez ?...
Ce n’est que
de vous et de la Maman chérie que j’attends aide, réconfort et
paix...
Je continue de
m’apercevoir que mon corps se transforme en cendre, à cause de cette
pluie ardente qui lui tombe dessus; cela me fatigue énormément et me
laisse sans vie...
Mystères douloureux
I
L’agonie de Jésus
au Jardin des Oliviers
—Tu deviendras comme
si tu n’avais pas d’intelligence pour comprendre la douleur, mais ce
n’est pas pour autant que tu souffriras moins: tu souffriras
amèrement. Tu te sentiras comme si jamais ou presque jamais tu
m’avais possédée; mais, ce n’est pas non plus pour autant que tu
arrêteras de me posséder entièrement, autant qu’il est possible à
une créature humaine. Je ferai en sorte que beaucoup d’âmes viennent
vers moi par toi, avec toute ma richesse et les inépuisables trésors
de mon divin Cœur. Tu es et seras après ta mort, pour beaucoup
d’âmes en état de péché, un paratonnerre qui attirera sur lui le
poids de la divine Justice; et pour toutes les âmes en état de
grâce, tu seras comme un aimant qui attire et qui répand l’amour que
moi j’y ai déposé... Tu seras lumière pour l’humanité.
J’ai passé des
nuits dans d'atroces souffrances. La Maman, la douce Maman du Ciel,
venait près de moi, me montrait son Cœur, comme Mère du Perpétuel
Secours; d'autres fois encore Elle portait dans ses bras le petit
Enfant Jésus.
Ces visions sont
rapides mais elles me réconfortent: je me sens une autre pendant
quelques instants.
Des fois
réconfortée, d'autres fois découragée, je passe ainsi les heures et
les jours.
II
La flagellation
Les mains
attachées, les yeux clos par une indicible tristesse, les lèvres
serrées, ne répondant à aucune question, je me suis retrouvée seule
dans une prison. Je sentais mon corps lacéré par les coups de la
flagellation et enchaîné. Dans cet état, la pensée m’est venue de la
souffrance lorsque Jésus permettait ma crucifixion [physique]. Je
sentais même mon sang couler et mon cœur foulé aux pieds. Dans mon
âme j’avais des regards de tendre compassion envers ceux qui me
faisaient souffrir. L’enfer et la perte irréparable des âmes me
terrorisaient tellement que j’aimais ces atrocités au lieu de les
détester. Je les aimais pour sauver les âmes, convaincue que seule
la souffrance pouvait les sauver.
Le démon est venu
pendant ces terribles souffrances. J’ai combattu jusqu’à baigner
dans ma sueur. Quand il essayait de m’instruire sur le péché, il me
demandait de lui donner mon cœur avec amour... Quelle horreur,
quelle horreur! C’était des moments de grand danger.
J’ai levé mes
yeux vers le ciel et j’ai crié au secours, et la lutte prit fin...
Je suis restée
les yeux fixés dans le ciel disant à Jésus que je ne voulais pas
commettre de péché...
— Mon Jésus,
je suis votre victime, mais avec cet accroissement de douleur,
d’horreur et de peur, je ne pourrai pas vaincre: je ne résiste pas à
autant. Vous devez souffrir et résister vous-même, car vous savez
bien que de moi-même je ne peux rien!
III
Le couronnement d’épines
J’ai ressenti que
Quelqu’un avec un amour fou, avec un amour de Mère, allait de rue en
rue, aveuglée par la douleur, afin de voir où elle pouvait me
rencontrer.
Le vacarme était
épouvantable.
Revêtue d’habits
royaux, mais par moquerie, on mit entre mes mains une canne. Quelle
barbarie contre moi! Ils étaient très nombreux ceux qui
s’ingéniaient à inventer des tourments pour me maltraiter avec une
plus grande cruauté. Le long du chemin du Calvaire ce n’étaient que
hurlements et imprécations derrière moi. Ce n’étaient pas des cris
de douleur mais de haine; ce n’étaient qu’injures. Mais il y avait
aussi Quelqu’un qui pleurait et qui s’affligeait à cause de moi ;
Quelqu’un qui voulait me consoler, me procurer du soulagement et
guérir mes plaies. Ce Quelqu’un me causait davantage encore de
souffrance : c’était une souffrance unie à la mienne, c’était une
souffrance qui ne pouvait adoucir la mienne. La Petite-Maman...
combien n’a-t-elle pas souffert avec Jésus !
Sur le Calvaire
et sur la Croix, Jésus et Marie n’avaient qu’un seul Cœur, une seule
âme, une seule douleur, un seul amour. Jésus était abandonné et la
Maman chérie se trouvait elle aussi abandonnée en regardant
impuissante l’état de son Fils.
Si le monde
connaissait et pouvait comprendre ceci, il ne pécherait pas.
Jésus était en
croix, mais à l’intérieur de mon cœur.
Au cri de “Mon
Père, pourquoi m’avez-vous abandonné?” je disais dans mon cœur :
— “Regarde, monde, regarde dans quel état tu m’as réduit par ta
méchanceté!”
Je l’ai entendu
confier son Âme au Père éternel. Avec quelle joie elle quitta son
très saint Corps et fut reçue au ciel!
Déjà en union
avec mon Jésus,
je l’ai vu en croix, mais à l’intérieur de moi, verser ce qui lui
restait de son précieux Sang dans son divin Cœur déjà ouvert, et
verser enfin quelques gouttes d’eau.
IV
Le portement de la Croix
Où suis-je
conduite ? O Jésus, que deviendrai-je ? Tout me fait peur et me
cause horreur! Je marche en toute hâte par une route étroite et
obscure. Je tombe exténuée: le poids des humiliations me broyait. Je
suis entraînée par de rugueuses cordes. Je sens que ma face frotte
par terre; que mes joues sont très meurtries. La douleur d’aiguës
épines me pénètre enfin le cœur. C’est une douleur qui semble me
donner la mort. Je sens que mes genoux, mes épaules et tout mon
corps ne sont qu’une douloureuse plaie.
Très gênée par
tant de curiosité, remplie de la tristesse la plus profonde que l’on
puisse imaginer, je marche avec peine, tombant plusieurs fois.
Pendant mon
cheminement, une dame qui a compassion de ma souffrance, vient à ma
rencontre. Avec tendresse et amour elle essuie mon visage couvert de
sueur, de sang et de poussière! Des liens de la plus étroite amitié
unissent nos cœurs. Il est indicible ce que j’aimerais dire à son
sujet, les louanges que j’aimerais dire sur elle. Combien j’aimerais
que l’on parle de son acte héroïque !
Arrivée en haut
de la montagne, quel découragement je sens en moi !
C’est un
découragement d’amour.
Tout me cause
horreur : la mort, l’abandon, ô mon Dieu! À genoux, je lève mes yeux
vers le Père éternel; je lui fais mon signe de tout accepter. Je
baisse les yeux, je me recueille en moi-même et j’étreins l’univers
contre mon cœur.
Je m’offre à la mort. Les bourreaux continuent leur mission barbare:
tableau terrifiant! Quelle répugnance, quelle honte de moi-même! Mon
corps et mon âme se déchirent en lambeaux. J’attends mon heure.
V
Jésus meurt sur la Croix
Je sens que
beaucoup de routes sont baignées par mon sang. Je vois tant de
révoltes et d’indignations... Mon corps n’est qu’une plaie. Le sang
de la tête, causé par les épines, baigne tout mon corps. Les bras
ouverts je m’abandonne à la croix: je me laisse crucifier.
Un cri
continuel :
— Père, mon
Père, vous aussi, vous m’avez abandonnée! Je suis votre victime, je
me donne à vous pour les âmes.
O mon Dieu, si je
pouvais disposer de ma volonté, je préférerais l’enfer à cette
souffrance et aux instants de mes colloques avec vous.
Oui, parce que là, ne vous parlant pas, et ne vous écoutant pas, je
ne craindrais pas de me tromper ni de tromper les autres ; je ne
serais pas persécutée par le monde. Pardonnez-moi cet épanchement :
j’ai horreur de la tromperie et du mensonge. Je me crains moi-même
et j’ai peur du vendredi : si seulement les vendredis
disparaissaient et que moi-même je disparaissait dans votre amour
infini !
Que vienne toute
la souffrance, que vienne la croix, que vienne la mort. J’embrasse
tout: je suis votre victime, Jésus.
De cette
souffrance, je suis passée à un effluve de lumière, de paix et de
douceur... Jésus m’a parlé :
— Ce fut une
année d’amour, une année pleine de salut. Ma fille, fleur angélique,
benjamine de la divine Trinité, benjamine de Marie et de toute la
Cours céleste, ta souffrance a enrichi le ciel et y est écrite en
lettres d’or...
Mystères glorieux
I
La Résurrection de Jésus
Le Calvaire
d’aujourd’hui a été encore plus intense et pénible, car, j’ai
peut-être blessé Jésus. Je lui en ai demandé pardon bien des fois.
J’ai même demandé à la Petite-Maman de lui demander pardon pour moi.
Je lui ai offert le tourment de l’avoir offensé, pour ceux qui
l’offensent et qui, après avoir péché mortellement, ne ressentent
aucun remords.
Mais, quelle
grande agonie! C’était la mort qui appelait la vie, l’obscurité qui
appelait la lumière.
J’avais en moi
des yeux qui regardaient le monde et ne pouvaient supporter une
aussi grande iniquité. Cependant j’avais des lèvres qui ne pouvaient
lui adresser la moindre parole de lamentation; j’avais un cœur qui
l’aimait et sentait pour lui la plus grande compassion.
Je mourrais
écrasée, je mourais remplie de peur, sans la moindre lumière.
Tout à coup, j’ai
senti quelque chose, je ne sais quoi, sortir de moi, il me semblait
s’agir d’un faisceau lumineux, qui est parti vers le Haut, vers la
jubilation. Je suis restée dans l’obscurité, restée dans la mort.
II
L’Ascension de Jésus au Ciel
Quel feu dans mon
cœur ! Il me brûle tellement qu’il semble le détruire. Combien je
donnerais, combien j’aimerais souffrir pour obtenir que ce feu soit
le mien et qu’il soit un feu d’amour pour Jésus. Je veux de l’amour,
je veux de l’amour pour le donner au monde afin qu’il aime
uniquement Jésus. Pauvre comme je le suis, je n’ai rien à lui
donner ; je ne sais pas comment l’acquérir, je ne sais pas comment
le confier à Jésus. Je le vois s’enfuir : il fuit vers un autre
monde de perdition.
Je reste les bras
ouverts et les yeux fixés au le ciel.
Comment remédier
à ce mal ?
— O Jésus,
veillez sur le monde que vous m’avez donné et confié: gardez-le, il
est à vous, uniquement à vous. Donnez-moi votre amour afin qu’ainsi
je puisse le conquérir.
Des grandes, très
grandes inquiétudes de la terre arrivent au ciel.
Mon Dieu, je vois
les âmes pleines de lourdeur et les corps détruits par la lèpre:
conséquences du péché. Quelle lumière, celle qui m’oblige à tout
voir! A quel extrême le monde est réduit! Doux Jésus, votre divin
Cœur n’en peut plus.
Je me sens entre
le monde et Jésus afin d’éviter que la méchanceté des hommes blesse
son Cœur si aimant.
Flagellation,
épines et mauvais traitements me blessent. Je ne vois pas Jésus mais
je le sens comme opprimé, rempli d’épouvante et qui attend les coups
de cette chaîne de méchanceté.
Sans même avoir
pensé à la Cène de Jésus avec ses disciples, je me suis sentie à
table. Mon cœur était le calice, le vin et le pain. Tous venaient
manger et boire à ce calice. A partir de cet instant cette Cène
allait se répéter. Mais quelle horreur ce que j’ai vu ! Tant de
Judas buvant et mangeant indignement ! Que de langues sales !
Pire encore : combien de mains indignes distribuant ce pain et ce
vin ; des mains indignes et des cœurs démoniaques. Quelle
horreur mortelle! J’en ai éprouvé tant de douleur et tant d’horreur
au point de croire que mon âme allait fondre et le cœur se briser.
Je ne sais pas
mieux exprimer ce que j’ai vu, ce que j’ai souffert. Et avant tout
l’amour de Jésus, un amour indicible; un amour que l’on ne peut
évaluer qu’après l’avoir expérimenté...
III
La venue de l’Esprit-Saint
J’ai entendu des
hymnes merveilleuses; je ne comprenais pas très bien, mais je sais
qu’ils étaient adressés à Jésus au très Saint-Sacrement.
J’ai entendu les
paroles “Corpus Jesus Christi”
et je me suis aperçue que Jésus se donnait à moi et m’unissait
toujours davantage à lui.
Les anges
continuaient de chanter : de ce chœur d’anges sortait un canal qui
arrivait jusqu’à moi, me communicant des flammes de feu et bien
d’autres choses.
Jésus me dit
alors :
— Ce canal,
ma fille, descend du Cœur de ta Mère et ma Mère bénie. De celui-ci
tu reçois la très grande abondance de notre amour; tu reçois nos
grâces, vertus et dons : richesse divine et tout ce qui est du ciel.
De son Cœur tu reçois la vie pour vivre, la vie pour la donner aux
âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens tomber sur l’humanité ;
c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de ta
souffrance. Tu es une nouvelle co-rédemptrice.
Je te
communique tout à travers le canal de ma Mère bénie: c’est à vous
qu’il appartient de sauver le monde.
(...)
IV
L’Assomption de Marie
Tôt, ce matin, si
je ne me trompe pas, la Petite-Maman du Ciel est venue, en Immaculée
Conception: Elle venait, couronnée, descendant sur un nuage. Elle
était triste.
Le vent
soufflait, la tempête essayait de m'arracher du refuge de ma Maman,
mais je ne lâchait pas son Manteau. Alors j’ai senti Qu’elle me
serait contre son Cœur, me tranquillisait: sa douce tendresse
rassérénait ma douleur.
J’ai passé
quelques instants me reposant tout contre Elle qui se trouvait à
coté de moi, assise, je pense, mais je n'en suis pas certaine. Ils
ont été bien rapides les instants de ce tendre et doux repos; mais
malgré cette rapidité, mon âme a été rassasiée, soulagée de sa
souffrance, mieux encore, réconfortée.
C'est ainsi qu'en
dominant ma douleur, sans désespérer, j'ai obtenu quelques
victoires...
J’ai vu la Maman
apportant dans ses saintes Mains une couronne d'épines. Je ne sais
pas où Elle l’a prise: tout le temps qu’elle était restée auprès de
Jésus, je ne l’ai pas vue dans ses mains. Elle l’a déposée sur ma
tête: j’ai cru mourir.
— Courage, ma
fille, je suis la Mère de Jésus, mais je suis aussi la tienne: c'est
de ces épines qui ne te blessent pas encore que tu secourras les
âmes.
Je veux être
unie au Cœur de mon Jésus et au tien, je veux te transmettre mon
amour, ma tendresse et ma douceur afin que tu puisses mieux encore
attirer les âmes à Jésus.
V
Le couronnement de Marie
— Gloire,
gloire, gloire à Jésus ! Honneur et gloire à Marie! Le cœur du Pape,
cœur d’or, est décidé à consacrer le monde au Cœur de Marie ! Quel
bonheur! Quelle joie pour le monde d’être consacré, d’appartenir
plus que jamais à la Mère de Jésus.
Le monde entier appartient déjà au Cœur de Jésus ; il va appartenir,
désormais, tout entier au Cœur Immaculé de Marie.
— Triomphe !
Triomphe ! Gloire, gloire à Jésus et Marie ! Paix pour l’humanité !
Jésus se réjouit, Jésus est heureux. La Reine du ciel, la Reine du
monde triomphe en lui!
La Mère de
Jésus et les victimes apportent la paix dans le monde. C’est la Mère
de Jésus, avec la petite folle de l’Eucharistie !
Pénitence;
faites pénitence et remerciez le Ciel ! Pénitence pour réparer,
remerciements en reconnaissance des moyens utilisés par Jésus pour
sauver ses enfants.
(...)
[La paix] ne
tardera pas, oui, elle ne tardera pas, ma bien-aimée ! Mais, malheur
au monde, s’il ne se convertit pas ! Pauvre de lui, s’il n’abandonne
pas ses crimes qui ont tant déchiré le divin Cœur de Jésus!
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