La Bienheureuse
Élisabeth
de la Trinité
et la Sainte Trinité
Élisabeth de la Trinité
n'écrivit pas son autobiographie comme cela fut demandé parfois à
d'autres futurs saints. Elle
n'écrivit
pas de journal comme le firent de nombreux mystiques. Elle ne
rédigea ni cours, ni discours, ni dissertation. C'est seulement dans
sa correspondance, adressée à sa famille et à des amis, dans
quelques notes intimes retrouvées après sa mort et dans les quatre
petits "traités" rédigés à la demande de sa prieure, trois mois
avant sa mort, que l'on arrive à découvrir l'intimité existant entre
la Sainte Trinité et l'humble carmélite.
La vie spirituelle
d'Élisabeth de la Trinité est caractérisée par trois grandes
tendances qui seront de plus en plus liées entre elles au fur et à
mesure de l'évolution de sa maturité. La première grande tendance,
présente dès sa plus tendre enfance, est l'amour de Jésus. Dès son
adolescence, à quatorze ans, Élisabeth, fait vœu de virginité. Puis,
émue par la Passion de Jésus, elle s'offre à Lui comme "victime".
Dès lors, la deuxième grande tendance qui conduit la vie d'Élisabeth
est l'amour de Jésus et un grand désir de la souffrance, pour le
salut des âmes. Enfin, la Sainte Trinité prendra de plus en plus de
place dans la spiritualité d'Élisabeth. Mais il faut bien comprendre
que ces trois grandes tendances sont inséparables et que la vie
d'Élisabeth de la Trinité évoluera tout en conservant une unité
remarquable: vivre d'amour pour et avec Jésus, l'Époux à qui elle
s'est offerte, en conformité avec la vie douloureuse du Christ,
Sauveur du monde, et cela au sein de la Sainte Trinité, avec "ses
Trois".
Les réflexions qui
suivent seront essentiellement consacrées à la troisième grande
orientation de la vie d'Élisabeth: la Sainte Trinité. Et c'est en
suivant Élisabeth tout au cours de sa vie mortelle que nous
découvrirons la richesse de sa perception de Dieu unique, mais UN en
Trois personnes.
L'amour de Dieu est
infini. Dans sa miséricorde pour les hommes, "le Père envoie son
Fils parmi nous. Jésus perpétue son œuvre, sa présence, son amour
humain dans l'Église, en particulier dans l'Eucharistie. Ils nous
envoient l'Esprit."
Il est remarquable que, d'une manière générale, Élisabeth aborde
la Très Sainte Trinité via Jésus-Christ, qu'elle aime
particulièrement, et à qui elle s'est livrée dès son adolescence.
Car c'est toujours le
Christ qui nous conduit au Père et à l'Esprit-Saint
1
Évolution de la dévotion
d'Élisabeth à la Sainte Trinité
On peut affirmer
qu'Élisabeth de la Trinité connut, dès avant son entrée au Carmel,
une véritable dévotion envers la Très Sainte Trinité. Nombreuses
sont ses lettres, adressées à des amis ou à des prêtres qui
mentionnent l'intimité qui était la sienne avec la Sainte Trinité.
Nous donnerons ci-dessous quelques exemples. En juin 1901, soit deux
mois avant son entrée au Carmel, elle écrit à Marguerite Gollot qui
désirait, elle aussi, devenir carmélite: "Je ne sais quand je
vous verrai, mais nos âmes se perdront en Lui, en cette Trinité
éternelle, en ce Dieu tout Amour."
Et encore: "Chère
petite sœur, perdons-nous en cette Trinité sainte, en ce Dieu tout
Amour, laissons-nous emporter en ces régions où il n'y a plus que
Lui, Lui seul... Demeurons toujours unies au pied de la Croix,
restons silencieuses auprès du divin Crucifié et écoutons-Le. Tous
ses secrets, Il nous les dira, c'est Lui qui nous conduira au Père,
à Celui qui nous a tant aimées qu'Il nous a donné son Fils unique...
Qu'en nos âmes se consomme l'UN avec le Père, le Fils et le
Saint-Esprit!"
Dans une lettre de la
même époque, adressée au chanoine Anglès, Élisabeth confie: "Vous
ai-je jamais dit mon nom au Carmel: 'Marie-Élisabeth de la Trinité'.
Il me semble que ce nom indique une vocation particulière... J'aime
tant ce mystère de la Sainte Trinité, c'est un abîme dans lequel je
me perds."
Le 25 mai 1902, après
la fête de la Sainte Trinité, elle écrit à sa sœur Guite: "Oh!
oui, ma Guite, cette fête des Trois est bien la mienne, pour moi il
n'en est pas une de semblable... Je t'ai donnée aux Trois, ma Guite,
tu vois comme je dispose de toi. Oui, c'est dans ce grand mystère
que je te donne rendez-vous..."
Et le 30 mai 1902:
"Continue de communier aux Trois, à travers tout, c'est là le centre
où nous nous retrouvons... Vois-tu, Il est mon Infini, en Lui
j'aime, je suis aimée et j'ai tout."
Le 20 août 1903,
Élisabeth écrit à son amie Germaine de Gemeaux; elle parle du
sanctuaire intime dans lequel on vit seul avec Dieu: "Là, ma
petite Germaine, reposez-le en vous reposant vous-même en Lui;
écoutez tout ce qui se chante en son Âme, en son Cœur: c'est
l'Amour, cet Amour infini qui nous enveloppe et veut nous associer
dès ici-bas à toutes ses béatitudes? C'est toute la Trinité qui
repose en nous, tout ce mystère qui sera notre vision dans le
Ciel... Élisabeth de la Trinité, c'est Élisabeth disparaissant, se
perdant, se laissant envahir par les Trois..."
Il convient de
remarquer ici que, durant toute sa vie, Élisabeth a été attentive à
l’anniversaire de son baptême. Lorsqu'elle l'évoquera vers la fin de
sa vie, en 1906, elle dira, s'adressant à ses sœurs carmélites,
comment le baptême nous marque du sceau de la Trinité: "Oui, nous
sommes devenues siennes par le baptême, c'est ce que saint Paul veut
dire par ces paroles: 'Il les a appelées'; oui, appelées à recevoir
le sceau de la Sainte Trinité; en même temps que nous avons été
faites selon le langage de saint Pierre 'participantes de la nature
divine', nous avons reçu 'un commencement de son être…' Puis, Il
nous a justifiées par ses sacrements, par ses 'attouchements'
directs dans le recueillement au fond de notre âme; justifiées aussi
par la foi et selon la mesure de notre foi dans la rédemption que
Jésus-Christ nous a acquise." (Le Ciel dans la foi - Huitième
jour)
Le 25 mai 1902, après
la fête de la Sainte Trinité, Élisabeth écrit à sa sœur Guite:
"Oh! oui, ma Guite, cette fête des Trois est bien la mienne, pour
moi il n'en est pas une de semblable... Je t'ai donnée aux Trois, ma
Guite, tu vois comme je dispose de toi. Oui, c'est dans ce grand
mystère que je te donne rendez-vous..." Et le 30 mai 1902:
"Continue de communier aux Trois, à travers tout, c'est là le centre
où nous nous retrouvons... Vois-tu, Il est mon Infini, en Lui
j'aime, je suis aimée et j'ai tout."
Par ailleurs, et comme
couronnement de sa dévotion à la Sainte Trinité, la jeune carmélite
comprit très vite qu'elle devait être Laudem gloriæ, une
louange de gloire adressée à Dieu. Dès lors, elle vécut la louange
du Père, du Verbe et de l'Esprit-Saint; elle voulait aussi vivre
dans la Communauté de l'Amour trinitaire, dans l'union des Trois
Personnes divines qui dépasse toute intelligence humaine.
Pourtant, c'est dans la
pure foi qu'Élisabeth, le 11 janvier 1903, dimanche de l'Épiphanie,
fera sa profession dans l'intimité de la communauté. Ses lettres ne
montrent qu'une joie immense; pourtant, sa retraite préparatoire,
commencée dans une joie profonde, se termine dans une incertitude
crucifiante. Mère Germaine écrit: "Commencée dans la joie, cette
retraite se poursuivit dans une recrudescence de tortures intimes
telles que, la veille du grand jour, la pauvre novice était au
comble de l'angoisse." Mais, après avoir été pleinement
rassurée, la novice s'engagera. Le 21 janvier 1903, Sœur Élisabeth
de la Trinité reçut le voile noir, en présence de sa famille et de
ses nombreux amis et musiciens.
Dorénavant Élisabeth se
laissa transformer par la lumière de la Parole de Dieu reçue à
travers St Paul, pour devenir "une louange de gloire".
Élisabeth précisera plus tard ce qu'elle entend par "Louange de
gloire", lorsque, tout à la fin de sa vie, elle rédigera, à
l'attention de sa sœur Guite, un petit traité intitulé "Le Ciel
dans la foi".
Plus tard, alors que
les communautés religieuses de France traversaient une longue
période de persécutions, elle avait déjà écrit à sa sœur, durant
l'hiver 1905: "Il nous faut répondre à notre vocation, et devenir
parfaites Louanges de Gloire de la Très Sainte Trinité."
Dans la dernière
oraison du petit traité "Le ciel dans la foi", Élisabeth de
la Trinité explique la signification du nom qu'elle s'est choisi:
"Louange de Gloire". Elle écrit: "Nous avons été prédestinés par
un décret de Celui qui opère toutes choses selon le conseil de sa
volonté, afin que nous soyons la louange de sa gloire... Au Ciel
chaque âme est une louange de gloire au Père, au Verbe, à l'Esprit
Saint, parce que chaque âme est fixée dans le pur amour et ne vit
plus de sa vie propre, mais de la vie de Dieu...
Le 24 février 1903,
Élisabeth pouvait écrire à l'abbé Chevignard:
"... Qu'importe ce
qui passe sur l'âme puisqu'elle a foi en Celui qu'elle aime et qui
demeure en elle. Pendant ce carême, je voudrais, comme dit saint
Paul 'm'ensevelir en Dieu avec le Christ', me perdre en cette
Trinité qui sera un jour notre vision, et sous ces clartés divines,
m'enfoncer dans la profondeur du mystère..."
Enfin être prise pour
épouse, épouse mystique, c'est avoir ravi son Cœur
au point qu'oubliant toute distance, le Verbe s'épanche dans l'âme
comme au sein du Père avec la même extase d'infini amour! C'est le
Père, le Verbe et l'Esprit envahissant l'âme, la déifiant, la
consommant en l'Un par l'amour. C'est le mariage, l'état fixe, parce
que c'est l'union indissoluble des volontés et des cœurs...
Le 20 août 1903,
Élisabeth écrit à son amie Germaine de Gemeaux; elle parle du
sanctuaire intime dans lequel on vit seul avec Dieu: "Là, ma
petite Germaine, reposez-le en vous reposant vous-même en Lui;
écoutez tout ce qui se chante en son Âme, en son Cœur: c'est l'Amour
cet Amour infini qui nous enveloppe et veut nous associer dès
ici-bas à toutes ses béatitudes? C'est toute la Trinité qui repose
en nous, tout ce mystère qui sera notre vision dans le Ciel...
Élisabeth de la Trinité, c'est Élisabeth disparaissant, se perdant,
se laissant envahir par les Trois..."
Le 28 novembre 1903,
c'est presque un cours sur la Trinité qu'elle adresse à l'abbé
Chevignard. Nous n'en citerons que quelques phrases: "... mon âme
est emportée sous la grande vision du Mystère des mystères, en cette
Trinité qui dès ici-bas est notre cloître, notre demeure, l'Infini
en lequel nous pouvons nous mouvoir à travers tout... Oh! je
comprends les silences, les recueillements des saints qui ne
pouvaient plus sortir de leur contemplation..." Et de
poursuivre, se référant à saint Jean de la Croix: "Notre
bienheureux Père dit qu'alors l'Esprit Saint l'élève à une hauteur
si admirable qu'Il la rend capable de produire en Dieu la même
aspiration d'amour que le Père produit avec le Fils, et le Fils avec
le Père, aspiration que n'est autre que l'Esprit-Saint Lui-même...
Je voudrais répondre à ce mystère de charité en passant sur la terre
comme la Sainte Vierge, 'gardant toutes ces choses en mon cœur',
m'ensevelissant pour ainsi dire dans le fond de mon âme afin de me
perdre en la Trinité qui y demeure, pour me transformer en elle...."
Dans les Souvenirs,
de Mère Germaine, on peut lire une phrase d'Élisabeth qui révélait
sa vie au sein de la Très Sainte Trinité: "Je suis Élisabeth de
la Trinité, c'est-à-dire Élisabeth disparaissant, se laissant
envahir par les Trois."
Le 25 janvier 1904,
elle demandera à l'abbé Chevignard, beau-frère de sa sœur Guite:
"Union, Amour! Demandez que j'en vive pleinement et pour cela que je
demeure tout ensevelie en la Sainte Trinité..." À Madame de
Sourdon elle écrit le 20 janvier 1905: "Dès ici-bas Dieu nous
permet de vivre en son intimité, et nous commençons en quelque sorte
notre éternité, vivant en société avec les trois Personnes divines.
Quel mystère! C'est là que je me perds pour vous retrouver, chère
Madame..."
Et au chanoine
Anglès, le 8 mars 1905: "Priez pour votre enfant, consacrez-la
avec la Sainte Hostie, afin qu'il ne reste plus rien de la pauvre
Élisabeth, mais qu'elle soit toute de la Trinité." Puis le 7
avril 1905 à l'abbé Chevignard:
"Je demande à
l'Esprit d'amour qui pénètre tout, même les profondeurs de Dieu, de
se donner abondamment à vous et d'irradier votre âme afin que, sous
la grande lumière, elle aille recevoir l'onction du Saint
dont parle le disciple de l'amour."
Elle dira de même le 1er
juin 1905, au chanoine Anglès: "Le programme de ma retraite sera
donc de me tenir par la foi et l'amour sous l'ombre du Saint
(Jésus) dont parle saint Jean, puisqu'il est le seul qui pénètre
les profondeurs de Dieu."
Mais il n'y a pas que
les consacrés qui peuvent vivre dans la Trinité. En mars 1904,
Élisabeth écrit à sa sœur Guite, après la naissance de son premier
enfant: "Et puis, vois-tu, je me sens toute pénétrée de respect
en face de ce petit temple de la Sainte Trinité..." Et à ses
tantes, en avril 1904, parlant de ce petit bébé: "Je me réjouis
d'adorer la Sainte Trinité en cette petite âme devenue son temple
par le baptême. Quel mystère!"
À Madame de Sourdon
elle écrit le 20 janvier 1905: "Dès ici-bas Dieu nous permet de
vivre en son intimité, et nous commençons en quelque sorte notre
éternité, vivant en société avec les trois Personnes divines. Quel
mystère! C'est là que je me perds pour vous retrouver, chère
Madame..." Dans les Souvenirs, de Mère Germaine, on peut
lire: "Je suis Élisabeth de la Trinité, c'est-à-dire Élisabeth
disparaissant, se laissant envahir par les Trois." Et au
chanoine Anglès, le 8 mars 1905: "Priez pour votre enfant,
consacrez-la avec la Sainte Hostie, afin qu'il ne reste plus rien de
la pauvre Élisabeth, mais qu'elle soit toute de la Trinité."
En 1905, à sa
sœur Guite, elle conseillera:
"À travers tout, tandis que tu es
toute aux petits anges,
tu peux te retirer en cette solitude pour te livrer à l'Esprit
Saint, afin qu'Il te transforme en Dieu, qu'Il imprime en ton âme
l'image de la Beauté suprême; afin que le Père, en se penchant sur
toi ne voie plus que son Christ, et qu'Il puisse dire: 'celle-ci est
ma fille bien-aimée'..."
Tout à la fin de sa vie, elle écrira à sa mère: "Saint
Jean, dans ses épîtres, souhaite que nous ayons société
avec la Sainte Trinité : ce mot est si doux, et c'est si simple ! Il
suffit, saint Paul le dit, il suffit de croire. Dieu est esprit,
et c'est par la foi que nous nous approchons de Lui. Pense que ton
âme est le temple de Dieu, c'est encore saint Paul qui l'enseigne ;
à tout instant du jour et de la nuit, les trois Personnes divines y
demeurent; tu ne possèdes pas la sainte Humanité comme quand tu
communies, mais la divinité, cette essence que les Bienheureux
adorent dans le ciel, elle est en ton âme ; quand on sait cela, une
intimité tout adorable s'établit : on n'est plus jamais seul."
Et à sa sœur
Guite: "Je
te laisse ma dévotion pour 'les Trois' ; vis au-dedans avec eux
dans le ciel de ton âme ; le Père te couvrira de son ombre, mettant
comme une nuée entre toi et les choses de la terre, pour te garder
toute sienne ; Il te communiquera sa puissance pour que tu l'aimes
d'un amour fort comme la mort. Le Verbe imprimera en ton âme, ainsi
qu'en un cristal, l'image de sa propre beauté, afin que tu sois pure
de sa pureté, lumineuse de sa lumière. L'Esprit Saint te
transformera en une lyre mystique ; le silence, sous sa touche
divine, produira un magnifique cantique à l'Amour ; alors tu seras
la louange de sa gloire, ce que j'avais rêvé d'être sur la terre ;
c'est toi qui me remplaceras quand je serai Laudem gloriae devant le
trône de l'Agneau, et toi Laudem gloriae au centre de ton âme: ce
sera éternellement l'Un entre nous. Crois toujours à l'amour ; si tu
as à souffrir, c'est que tu es plus aimée encore, aime et chante
toujours merci. Apprends aux petites à vivre sous le regard de Dieu
: j'aimerais qu'Elisabeth
eût ma dévotion à la Sainte Trinité. Je serai à leur première
communion ; je t'aiderai à les préparer."
Et de nouveau au
chanoine Anglès:
"Le 18,
j'aurai 26 ans : je ne sais si cette année s'achèvera dans le temps
ou dans l'éternité, et je vous demande encore, comme une enfant à
son Père, de vouloir bien, à la sainte Messe, me consacrer pour être
hostie de louange à la gloire de Dieu. Oh ! consacrez-moi si bien
que je ne sois plus moi, mais Lui, Jésus ! et que le Père, en me
regardant, puisse le reconnaître. Que je sois 'conforme à sa mort',
que je souffre en moi ce qui manque à sa Passion, et puis,
baignez-moi dans le sang du Christ, pour que je sois forte de sa
force à Lui ; je me sens si petite, si faible ! À Dieu, cher
Monsieur le Chanoine, je vous demande de me bénir au nom de cette
Trinité sainte à laquelle je suis spécialement dédiée. Voulez-vous
aussi me consacrer à la Sainte Vierge ; c'est elle, l'Immaculée, qui
m'a donné l'habit du Carmel, et je lui demande de me revêtir de
cette robe de fin lin
dont l'épouse se pare pour se rendre au souper des noces de
l'Agneau.
Mère Germaine raconte encore: "C'était
le jour de l'Ascension, la Mère Prieure, retardée dans sa visite
matinale à l'infirmerie, en exprimait le regret à sa chère enfant,
non sans remarquer l'expression de sa physionomie toute
transfigurée.
— Ô ma Mère, répondit
la petite malade, n'ayez aucune peine à mon sujet ; le bon Dieu m'a
fait une telle grâce que j'ai perdu la notion du temps. Dans la
matinée, cette parole me fut dite au fond de l'âme: 'Si quelqu'un
m'aime, mon Père l'aimera ; nous viendrons en lui et nous ferons en
lui notre demeure'.
Et au même instant, j'ai vu combien c'était vrai. Je ne saurais dire
comment les Trois divines Personnes se sont révélées ; mais pourtant
je les voyais, tenant en moi leur conseil d'amour, et il me semble
que je les vois encore ainsi. Oh ! que Dieu est grand et que nous
sommes aimés !
Peu de jours avant sa mort elle écrivait
au Chanoine Anglès: "La perspective d'aller voir
bientôt, en son ineffable beauté, Celui que j'aime, et de m'abîmer
en la Trinité sainte, me met une jouissance immense dans l'âme. Oh !
qu'il m'en coûterait de revenir sur la terre, elle me paraît si
vilaine en sortant de mon beau rêve ; il n'y a qu'en Dieu que tout
est pur et saint ; heureusement, dès l'exil, nous pouvons déjà
demeurer en Lui ! Pourtant le bonheur de mon Maître suffit pour
faire le mien, et je me livre à Lui pour qu'Il fasse en moi tout ce
qu'Il désire." Et à sa sœur Guite: "Quand le voile tombera,
avec quel bonheur je m'écoulerai jusque dans le secret de sa Face.
C'est là que je passerai mon éternité, au sein de cette Trinité qui
est déjà ma demeure ici-bas...
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