LES DEVOIRS
Et parce que la pratique des conseils nous
gagne au plus haut point les hommes, pour cette raison l'on souhaite en chacun
la prudence et la justice, et c'est à cette fin qu'un grand nombre les attend,
de donner sa confiance à celui qui les possède, dans la pensée qu'il peut
fournir un conseil utile et digne de confiance à qui le souhaite. Qui en effet
s'en remettrait à un homme qu'il ne jugerait pas plus sage que lui-même qui
cherche conseil? Il est donc nécessaire que celui à qui on demande un conseil,
soit plus remarquable que n'est celui qui le demande. Pourquoi en effet
consulterais-tu un homme dont tu ne penses pas qu'il puisse découvrir quelque
chose, mieux que ton intelligence elle-même ne le fait?
Si donc on trouve un homme qui s'impose par
la vitalité de son tempérament, par la vigueur et l'autorité de son esprit, et
s'il s'ajoute à cela qu'un précédent et l'expérience l'aient particulièrement
préparé, qu'il supprime les périls du moment, prévoie ceux de l'avenir, révèle
ceux qui menacent, qu'il débrouille la question, y porte remède en son temps et
qu'il soit préparé non seulement pour conseiller mais encore pour secourir, à
cet homme la confiance est acquise en telle sorte que celui qui demande son
conseil déclare: « Et si des maux m'arrivent par lui, je les assume ».
C'est donc à un homme de ce genre, qui
soit, comme je l'ai dit tout à l'heure, juste et prudent, que nous confions
notre salut et notre réputation. Sa justice, bien sûr, fait qu'on n'a aucune
crainte de tromperie; sa prudence en outre, fait qu'on n'a aucun soupçon
d'erreur. Toutefois nous nous confions plus vite à un homme juste qu'à un homme
prudent, pour m'exprimer suivant l'usage de la foule. Car, d'après la définition
des sages, en celui qui possède une seule vertu, toutes les autres se
rassemblent et, sans justice, il ne peut y avoir de prudence. Ce que nous
trouvons même chez nos auteurs. David dit en effet: « Le juste s'apitoie et
prête ». Il dit ailleurs ce que prête le juste: « Agréable est l'homme qui
s'apitoie et prête, il dispense ses propos avec jugement ».
Lui-même, ce fameux jugement de Salomon,
n'est-il pas plein de sagesse et de justice? Examinons donc s'il en est ainsi.
Deux femmes, dit l'Écriture, se tinrent en présence du roi Salomon et l'une de
lui dire: Écoute-moi Seigneur. Cette femme et moi habitions dans une même
chambre; il y a deux jours, nous avons accouché et avons eu chacune un fils;
nous étions ensemble, il n'y avait aucun témoin chez nous et aucune autre femme
avec nous, nous étions seules; son fils est mort cette nuit, vu qu'elle s'est
endormie sur lui; elle s'est levée au milieu de la nuit, elle a pris mon fils
dans mon giron, l'a placé dans le sien et a placé son fils mort auprès de moi.
Je me suis levée ce matin pour allaiter le petit, et je l'ai trouvé mort; je
l'ai examiné au jour naissant: ce n'était pas mon fils. L'autre de répondre:
Non, celui qui vit est mon fils, tandis que celui qui est mort est le tien.
Telle était la dispute: l'une et l'autre
revendiquaient comme fils le survivant, quant au mort, elles refusaient de le
reconnaître comme leur. Alors le roi ordonna d'apporter une épée, de partager
l'enfant et de donner une partie à chacune: moitié à l'une, moitié à l'autre. La
femme qu'avait bouleversée le véritable instinct maternel s'écrie: Ne partage
l'enfant, à aucun prix, Seigneur, qu'il soit plutôt donné à cette femme et qu'il
vive, ne le tue pas. Cette autre au contraire de répondre: Que l'enfant ne soit
ni à elle ni à moi, partagez-le. Le roi décida de donner l'enfant à la femme qui
avait dit: Ne le tuez pas, mais donnez-le à cette femme, parce que. dit-il, ses
entrailles se sont émues sur son propre fils.
Aussi ce ne fut pas sans raison qu'on
estima que « l'intelligence de Dieu était en lui ». Car quelles choses sont
cachées à Dieu? Or qu'y a-t-il de plus caché que le témoignage tiré du tréfonds
des entrailles? En ces entrailles, l'intelligence du sage descendit, comme une
sorte de juge de l'affection, et elle mérita d'entendre comme une sorte de voix
du sein maternel, en laquelle s'épouvanta l'instinct d'une mère, au point de
choisir que son fils vécût, fût-ce chez une étrangère, plutôt que d'être tué
sous le regard de sa mère.
Il appartenait donc à la sagesse de
discerner les secrets des consciences, de faire sortir des choses cachées la
vérité, et comme avec une sorte d'épée, de traverser du glaive de l'esprit, non
seulement les entrailles du sein maternel, mais encore celles de l'âme et de la
pensée. Il appartenait aussi à la justice que celle qui avait tué son fils,
n'enlevât pas celui d'une autre, mais que la véritable mère recouvrât son
enfant. C'est ainsi que même l'Écriture a déclaré ceci: « Tout Israël, dit-elle,
a entendu ce jugement que le roi a porté, et l'on craignit le visage du roi,
pour la raison que l'intelligence de Dieu était en lui pour accomplir la justice
». Ainsi Salomon en personne demanda la sagesse en sorte que lui fût donné un
cœur avisé pour écouter et juger avec justice.
Il est donc clair, même d'après la divine
Ecriture, qui est plus ancienne, que la sagesse ne peut exister sans la justice,
parce que là où se trouve l'une de ces vertus, là se trouvent l'une et l'autre.
Daniel aussi, avec quelle sagesse, grâce à une interrogation pénétrante,
surprit-il le mensonge d'une accusation trompeuse, en telle sorte que les
réponses des calomniateurs ne s'accordaient pas! Ce fut donc le fait de la
prudence, de dévoiler les coupables par le témoignage de leurs propres paroles;
mais aussi de la justice, de livrer au supplice les criminels, de tirer
d'affaire une innocente.
Il existe donc une association indivisible
de la sagesse et de la justice, mais l'usage du commun distingue une
caractéristique déterminée des vertus: la tempérance réside dans le mépris des
jouissances; le courage apparaît dans les travaux et les dangers; la prudence
dans le choix des biens, par sa science de discerner les avantages et les
inconvénients; la justice, qui est la bonne gardienne du droit d'autrui, est
aussi la garante de la propriété, en conservant à chacun son propre bien.
Admettons donc, à cause de l'opinion commune, cette division opérée en quatre
parties, nous tenant à l'écart de la discussion pointilleuse de la philosophie
et de la sagesse — c'est en vue d'affiner la vérité que l'on retire, comme d'une
sorte de sanctuaire, cette discussion — et suivons l'usage de la place publique
et l'acception populaire. Tout cela donc est préservé par la division des
vertus, en sorte que nous revenons à notre sujet.
Nous confions notre intérêt aux hommes les
plus prudents et leur demandons conseil plus volontiers qu'à tous les autres.
Toutefois le conseil fiable de l'homme juste l'emporte et a souvent plus de
poids que le talent de l'homme très sage: « Plus utiles en effet sont les
blessures faites par un ami que les baisers des autres ». Ensuite parce qu'au
juste appartient le jugement tandis qu'au sage appartient le raisonnement, on
trouve dans le premier la censure de la critique, mais dans l'autre l'habileté
de l'invention.
Que s'il arrive que tu joignes l'une et
l'autre chose, on aura des conseils fort salutaires; ce que tout le monde attend
par admiration de la sagesse et par amour de la justice, en telle sorte que tous
cherchent à entendre la sagesse de l'homme en qui se trouve l'alliance de l'une
et l'autre vertu; c'est ainsi que tous les rois de la terre cherchaient à voir
le visage de Salomon et à entendre sa sagesse, si bien que la reine de Saba vint
à lui et l'éprouva par ses questions: « Elle vint et dit tout ce qu'elle avait
dans le cœur; elle entendit toute la sagesse de Salomon et pas un mot ne lui
échappa ».
Quelle est cette femme à qui rien
n'échappe, à qui il n'est rien que le véridique Salomon n'ait annoncé,
apprends-le ô homme, de ces paroles que tu lui entends prononcer: « II est
véridique, dit-elle, le propos que j'ai entendu dire dans mon pays au sujet de
tes discours et de ta prudence; et je n'ai pas cru ceux qui me le disaient,
jusqu'à ce que je sois venue et que mes yeux aient vu; et en fait, ce n'est pas
même la moitié, ce qu'on m'annonçait. Tu as ajouté de bonnes choses à toutes
celles que j'ai entendu dire dans mon pays. Heureuses tes femmes, et heureux tes
serviteurs, qui se tiennent devant toi, qui écoutent toute ta prudence ».
Comprends le festin du véridique Salomon, et ce qu'on sert dans ce repas,
comprends-le avec sagesse, et examine en quel pays une masse de païens a entendu
dire la renommée de la sagesse véridique et de la justice, et avec quels yeux
elle l'a vu, des yeux qui contemplaient assurément des choses qui ne se voient
pas. Car « celles qui se voient sont temporelles, tandis que celles qui ne se
voient pas sont éternelles ».
Quelles sont les femmes heureuses? Celles
dont il est dit que beaucoup écoutent et enfantent la parole de Dieu? Et
ailleurs: « Quiconque en effet a accompli la parole de Dieu, est lui-même mon
frère, ma sœur et ma mère ». Qui sont aussi tes enfants heureux qui se tiennent
devant toi, si ce n'est Paul qui disait: « Jusqu'à ce jour je me tiens debout
portant témoignage devant le petit et le grand »; si ce n'est Siméon qui
attendait dans le temple de voir la consolation d'Israël? Comment en effet
pouvait-il demander qu'on le laissât aller, si ce n'est parce que, se tenant
devant le Seigneur, il n'avait pas la possibilité de se retirer s'il n'avait
obtenu le consentement du Seigneur? À titre d'exemple, nous a été proposé
Salomon à qui l'on demandait à l'envi d'entendre sa sagesse.
Joseph aussi, même en prison, n'avait pas
été exempt de donner des consultations sur des choses incertaines. Or son
conseil fut profitable pour toute l'Egypte, en sorte qu'elle n'éprouva pas
l'effet des sept années de stérilité, et qu'elle soulagea d'autres peuples du
jeûne d'une pitoyable famine.
Daniel se trouvant parmi les captifs,
devenu l'arbitre de la masse des experts en interprétation, par ses conseils
réforma le présent et annonça l'avenir. En raison, en effet, des fréquentes
élucidations par lesquelles il avait montré qu'il avait été annoncé conformément
à la vérité on lui faisait confiance en toutes choses.
Mais il est encore un troisième point,
concernant ceux qu'on pouvait juger dignes d'admiration, qui se trouve évoqué
par l'exemple de Joseph, de Salomon et de Daniel. Car pourquoi parler de Moïse
dont tout Israël attendait chaque jour les conseils? En raison de leur vie,
Israël savait la confiance qu'appelait leur prudence et faisait grandir
l'admiration que celle-ci appelait. Qui pouvait ne pas s'en remettre au conseil
de Moïse à qui les anciens réservaient, pour en juger, tout ce qu'ils croyaient
être au-dessus de leur intelligence et de leur vertu?
Qui pouvait esquiver le conseil de Daniel
dont Dieu lui-même a dit: « Qui est plus sage que Daniel »? Ou comment les
hommes pouvaient-ils douter de l'esprit de ceux à qui Dieu accordait un si grand
crédit? Sur le conseil de Moïse, des guerres étaient conduites; en vertu des
mérites de Moïse, la nourriture se répandait du ciel et la boisson du rocher.
Qu'elle était pure l'âme de Daniel pour
adoucir les mœurs barbares, pour apaiser les lions! Quelle tempérance en lui!
Quelle maîtrise de son âme et de son corps! C'est bien à juste titre qu'il
devenait l'objet de l'admiration de tous lorsque — chose que les hommes admirent
passionnément — soutenu qu'il était par des amitiés royales, il ne recherchait
pas l'or et ne faisait pas plus de cas de l'honneur qui lui avait été accordé
que de sa foi. Bien plus, il aimait mieux s'exposer au danger pour obéir à la
loi du Seigneur, que se plier pour obtenir la faveur de l'homme.
Car que dire de la chasteté et de la
justice du saint Joseph — que j'avais presque passé sous silence? Comme la
première repoussa les séductions de sa maîtresse, refusa les récompenses! Comme
la seconde méprisa la mort, refoula la crainte, choisit la prison! Qui pouvait
ne pas juger cet homme capable de donner conseil en matière privée, lui dont
l'âme féconde et l'esprit fertile donnèrent l'abondance à la stérilité de
l'époque, par une sorte d'exubérance de ses conseils et de son cœur?
Ainsi donc nous remarquons que l'honnêteté
de la vie, le privilège des vertus, la pratique de la bienveillance, l'agrément
de rapports aisés peuvent aider beaucoup à obtenir le rôle de conseiller. Qui en
effet rechercherait une source dans la boue? Qui demanderait sa boisson à une
eau trouble? Aussi, là où se trouve la débauche, où se trouve l'intempérance, où
se trouve le mélange des vices, qui estimerait avoir, de là, quelque chose à
puiser pour lui-même? Qui ne mépriserait la dépravation des mœurs? Qui jugerait
utile à la cause d'autrui celui qu'il voit inutile à sa propre vie? Qui de
nouveau ne fuirait le malhonnête, le malveillant, l'insulteur, et quant à
l'homme disposé à nuire, qui ne l'éviterait avec tout son soin?
Qui, en vérité, solliciterait un homme, si
apte qu'il soit à aider de ses conseils, mais qui serait d'un abord difficile;
un homme en qui les choses se passent comme si l'on obstruerait une source
d'eau? A quoi sert en effet d'avoir la sagesse, si tu refuses ton conseil? Si tu
supprimes la possibilité de prendre conseil, tu as clos la source, en telle
sorte que ni pour les autres elle ne coule, ni pour toi elle ne sert.
Or cela convient bien aussi de celui qui
ayant la prudence, la souille de la crasse des vices, du fait qu'il pollue la
sortie de l'eau. La vie révèle les âmes indignes. Comment peux-tu en effet
estimer supérieur par son conseil, celui que tu peux voir inférieur par sa
conduite? Il doit être au-dessus de moi, celui à qui je m'apprête à me confier.
Ou bien vraiment le jugerai-je apte à me donner le conseil qu'il ne peut se
donner à lui-même et croirai-je qu'il s'occupe de moi, celui qui ne peut
s'occuper de lui-même, celui dont l'âme peut être accaparée par les plaisirs,
vaincue par la passion, soumise par l'avarice, troublée par la convoitise,
ébranlée par la crainte? Comment se trouverait la place d'un conseil, là où il
n'y a pas de place pour la sérénité?
Il me faut admirer et contempler le
conseiller que, miséricordieux, le Seigneur donna à nos pères, mais que,
offensé, il leur enleva. Il doit être son imitateur, celui qui peut donner
conseil et garder sa prudence éloignée des vices, car « rien de souillé n'entre
en elle ».
Qui donc, pour ainsi dire par le visage,
offrirait l'apparence de la beauté et enlaidirait par des reins de bête et des
griffes de fauve la grâce de la partie supérieure de sa conformation, alors que
la conformation des vertus est si admirable et remarquable, et spécialement la
beauté de la sagesse? Ainsi que l'indique le passage de l'Ecriture: « Elle est
en effet plus éblouissante que le soleil et que toute constellation; comparée à
la lumière, elle se révèle supérieure. La nuit en effet emporte cette lumière,
tandis que la malignité ne triomphe pas de la sagesse ».
Nous avons parlé de sa beauté et l'avons
démontrée par le témoignage de l'Ecriture. Reste à enseigner, d'après l'autorité
de l'Ecriture qu'il n'est pour la sagesse aucune compagnie des vices, mais une
union indivisible avec toutes les autres vertus: « Elle a en effet un esprit
habile, sans souillure, déterminé, saint, aimant le bien, pénétrant, qui ne peut
en rien empêcher de faire le bien, obligeant, stable, déterminé, assuré,
possédant toute vertu, prévoyant toutes choses ». Et plus loin: « Elle enseigne
la modération, ainsi que la justice et la vertu ».
Ainsi donc la prudence œuvre en toutes
choses, elle participe à tous les biens. Car comment peut-elle donner un conseil
utile si elle ne possède pas la justice, en sorte qu'elle se revêt de constance,
ne redoute pas la mort, n'est retenue par aucune épouvante, aucune crainte,
pense qu'aucune flatterie ne doit détourner du vrai, n'évite pas l'exil, elle
qui a appris que, pour le sage, sa patrie est le monde, n'a pas peur du
dénuement, elle qui sait que rien ne manque au sage à qui le monde entier de la
richesse appartient? Qu'y a-t-il en effet de plus élevé que l'homme qui ne sait
se laisser émouvoir par l'or, qui a le mépris de l'argent, et qui, comme du haut
d'une sorte de citadelle, regarde les convoitises des hommes? Or celui qui a été
capable de cela, les hommes pensent qu'il dépasse la condition humaine: « Quel
est cet homme, dit l'Ecriture, et nous ferons son éloge. Il a fait en vérité des
merveilles dans sa vie ». Comment en effet n'est-il pas digne d'admiration celui
qui méprise la richesse que la plupart des gens ont préférée à leur propre
salut?
Ainsi donc conviennent à tous la censure
que constitue la frugalité, la garantie que confère la maîtrise de soi, et
surtout à celui que les honneurs mettent en avant, pour que l'homme en vue ne
soit pas la possession de ses propres trésors, et que ne soit pas l'esclave de
l'argent celui qui commande à des hommes libres. Il convient plutôt que par le
cœur cet homme soit au-dessus de son trésor et par sa complaisance au-dessous de
son ami; l'humilité en effet augmente le crédit. Voici ce que l'on comble
d'éloges et qui est digne de l'homme de premier ordre: ne pas avoir en commun
avec les trafiquants de Tyr et les marchands de Galaad, la convoitise du gain
honteux, ne pas placer tout bien dans l'argent ni, comme en vertu d'un service à
gages, chaque jour compter les gains, calculer les bénéfices.
1. Les
divers genres de générosité.
S'il est digne d'éloge de montrer une âme
réservée devant ces cupidités, combien est-il plus remarquable d'obtenir
l'affection de la foule par une générosité qui ne soit ni prodigue à l'égard des
importuns ni restreinte à l'égard de ceux qui sont dans le besoin!
Mais il existe des genres très nombreux de
générosité: non seulement l'organisation et la distribution de secours
alimentaires à ceux qui manquent de quoi fournir à la dépense quotidienne pour
pouvoir sustenter leur vie, mais encore l'assistance et l'aide à ceux qui
éprouvent de la honte à montrer publiquement qu'ils sont gênés, dans la mesure
où l'on n'épuise par les secours rassemblés pour tous les indigents. Je parle en
effet de celui qui est à la tête de quelque fonction — par exemple s'il remplit
les devoirs d'un prêtre ou d'un dépensier — afin qu'il dise de ces gens quelques
mots à l'évêque et ne repouse pas celui qu'il saurait placé dans quelque
nécessité ou, après un revers de fortune, réduit à l'urgence de la pauvreté,
surtout s'il est tombé dans cette disgrâce, non point par prodigalité de
jeunesse, mais en raison d'un vol par quelqu'un et de la perte de son
patrimoine, en telle sorte qu'il ne puisse assurer la dépense de chaque jour.
C'est encore le comble de la générosité, de
racheter des captifs, de les arracher aux mains de l'ennemi, de soustraire des
hommes au massacre et surtout des femmes au déshonneur, de racheter des enfants
pour leurs parents, des parents pour leurs enfants, de restituer des citoyens à
leur patrie. On a trop connu cela avec la dévastation de l'Illyrie et de la
Thrace: combien de captifs étaient à vendre partout, dans tout l'univers! Si on
les ramenait, ne pourraient-ils pas atteindre le nombre des habitants d'une
province? Il y eut cependant des gens pour vouloir ramener à l'esclavage, même
ceux que les églises avaient rachetés, gens plus rigoureux que la captivité
elle-même, capables de porter envie à la miséricorde d'autrui. Eux-mêmes s'ils
étaient arrivés en captivité, seraient esclaves, tout libres qu'ils sont; s'ils
avaient été vendus, ils ne refuseraient pas le service de l'esclavage. Et ils
veulent rompre la liberté d'autrui, eux qui ne pourraient rompre leur propre
esclavage, à moins par hasard qu'il plût à leur acheteur de percevoir un
paiement, auquel cas toutefois l'esclavage n'est pas rompu mais racheté.
C'est donc une générosité toute
particulière, de racheter des captifs — et surtout à un ennemi barbare qui
n'accorde rien d'humain en vue de la miséricorde, si ce n'est ce que la cupidité
a réservé en vue du rachat — d'endosser des dettes, si le débiteur n'est pas
solvable et contraint à un acquittement qui est dû en vertu du droit et
désespéré du fait de la pauvreté, de nourrir les petits enfants, de protéger les
orphelins.
Il en est encore qui, pour protéger leur
chasteté, établissent dans le mariage les jeunes filles privées de leurs
parents, les aident non seulement par leur dévouement, mais encore par la
dépense qu'ils font. Il existe encore ce genre de générosité, qu'enseigne
l'apôtre, à savoir que: « Si quelque croyant a près de lui des veuves, qu'il les
secoure afin que l'Eglise n'ait pas la charge de leur entretien, en sorte
qu'elle puisse suffire à celles qui sont vraiment veuves ».
Ainsi donc cette sorte de générosité est
utile, mais n'est pas commune à tout le monde. Il est en effet beaucoup de gens,
même des hommes de bien, qui ont de maigres revenus, qui se contentent,
assurément, de peu pour leur usage personnel, mais qui ne sont pas capables de
fournir un soulagement à la pauvreté d'autrui. Toutefois un autre genre de
bienfaisance est à leur portée, grâce auquel ils peuvent aider celui qui se
trouve en dessous d'eux. Il existe en effet une double générosité: l'une qui
aide en fournissant une chose, c'est-à-dire en se servant de son argent; l'autre
qui se dépense par la contribution de ses œuvres, qui est souvent beaucoup plus
brillante et beaucoup plus illustre.
Avec combien plus d'éclat Abraham
recouvra-t-il, par la victoire des armes, son neveu captif, que s'il l'avait
racheté! Avec combien plus d'utilité le saint Joseph aida-t-il le roi Pharaon
par le conseil de la prévoyance, que s'il avait apporté de l'argent! L'argent en
effet n'a pas acheté l'abondance d'une seule cité, mais la prévision a repoussé,
au long de cinq années, la famine de l'Egypte toute entière.
Or l'argent s'épuise facilement, tandis que
les conseils ne connaissent pas le tarissement. Ceux-ci s'accroissent par
l'usage, tandis que l'argent s'amenuise, fait défaut rapidement et abandonne
l'obligeance elle-même, en telle sorte que plus nombreux sont ceux à qui tu as
voulu distribuer, moins nombreux sont ceux que tu aides — et que souvent te
manque ce que tu as pensé devoir donner à un autre. Quant à l'alliance du
conseil et de l'action, plus nombreux sont ceux sur qui s'en répand l'effet,
plus elle demeure surabondante, et le courant en revient à sa source. En effet
la fécondité de la prudence reflue sur elle-même et, plus nombreux sont ceux
pour qui elle a coulé, plus devient efficace tout ce qui en reste.
2. La
mesure de la générosité.
Il est donc clair qu'il doit y avoir une
mesure de la générosité pour que la bienfaisance ne devienne pas inutile. Il
faut qu'on s'en tienne à la modération, les prêtres surtout, afin qu'ils ne
distribuent pas par esprit de vanité, mais par esprit de justice. Nulle part en
effet n'existe plus grande avidité de la demande: les gens viennent en bonne
santé, viennent sans avoir aucune raison, si ce n'est celle d'errer, et veulent
épuiser les secours destinés aux pauvres, réduire à rien la dépense en leur
faveur, et non contents de peu, ils réclament davantage, cherchant à obtenir,
par l'étalage de leurs vêtements, un appui à leur requête et, par la simulation
sur leurs origines, marchandant des accroissements de gains. Si l'on accorde
aisément confiance à ces gens, l'on vide rapidement, au détriment de l'entretien
des pauvres, les réserves de l'avenir. Qu'il y ait une mesure de la bienfaisance
afin que ces gens ne se retirent pas sans rien et que la subsistance des pauvres
ne passe pas en profits d'escrocs. Que l'on use d'une pondération telle que l'on
ne néglige pas le sens de l'humain et que l'on n'abandonne pas la misère.
La plupart simulent des dettes: qu'il y ait
une enquête sur la vérité. Se plaignent-ils d'avoir été dépouillés par suite de
brigandages: que le dommage en fasse foi ou bien la connaissance de la personne
afin qu'on l'aide plus volontiers. Il faut faire profiter les excommuniés, de la
dépense de la charité, si le moyen de se nourrir leur fait défaut. Et ainsi
celui qui observe la mesure n'est chiche pour personne, mais large pour tous.
Nous ne devons pas en effet prêter nos seules oreilles pour écouter les voix de
ceux qui sollicitent, mais aussi tourner les yeux pour regarder les misères.
Pour celui qui agit bien, l'infirmité crie plus fort que la voix du pauvre. Il
ne peut se faire en vérité que l'indiscrétion des braillards n'arrache
davantage; toutefois que la place ne soit pas toujours faite à l'effronterie. Il
faut voir celui qui ne te voit pas, rechercher celui qui rougit d'être vu. Que
celui-là aussi qui est enfermé en prison accourre à ta pensée, que celui qui est
atteint par la maladie trouve un écho dans ton âme, lui qui ne peut le trouver
dans tes oreilles.
Plus le peuple t'aura vu agir, davantage il
t'aimera. Je sais que la plupart des prêtres qui ont plus donné, ont plus été
dans l'abondance, parce que quiconque voit quelqu'un qui agit bien lui apporte,
à lui précisément, ce qu'il distribuera par devoir de sa charge, en étant
certain que son geste de miséricorde arrive jusqu'au pauvre: personne en effet
ne veut que sa contribution profite à tout autre qu'au pauvre. Car s'il voit
quelque administrateur, ou bien donner sans mesure, ou bien trop garder, l'une
et l'autre conduite lui déplaît: soit qu'en distributions excessives, il dissipe
les fruits de la peine d'autrui, ou qu'il les amasse en trésors. Ainsi donc, de
même qu'il faut tenir la mesure de la générosité, de même faut-il aussi donner
de l'éperon. La plupart du temps, il faut, semble-t-il, appliquer la mesure dans
l'intention de pouvoir faire, tous les jours, ce bien que tu fais, et dans
l'intention de ne pas enlever à la misère ce que tu as accordé à la prodigalité;
il faut donner de l'éperon pour ce motif que l'argent est d'une meilleure
efficacité dans la nourriture d'un pauvre, que dans le trésor d'un riche.
Garde-toi d'enfermer à l'intérieur de ta cassette le salut des indigents et
d'ensevelir, comme en un tombeau, la vie des pauvres.
Joseph aurait pu faire don de toutes les
ressources de l'Egypte et prodiguer les trésors royaux. Toutefois il ne voulut
pas apparaître prodigue du bien d'autrui: il préféra vendre le blé plutôt qu'en
faire don à ceux qui avaient faim, car s'il avait fait don à quelques-uns, il
aurait manqué aux plus nombreux. Il adopta cette générosité afin d'avoir par là
en abondance pour tous. Il ouvrit les greniers pour que tous achetassent un
supplément de blé, afin d'éviter qu'en recevant gratuitement, ils
n'abandonnassent la culture des terres, parce que celui qui use du bien
d'autrui, délaisse le sien propre.
C'est pourquoi il amassa d'abord l'argent
de tous, puis tout le reste du cheptel; il acquit enfin, pour le compte du roi,
les droits des terres, non pour les dépouiller tous de leur bien, mais pour
assurer un bien public, établir un impôt afin par là qu'ils puissent posséder
plus sûrement leurs biens. Et cela fut agréé de telle sorte par tous ceux à qui
il avait acheté leurs terres, qu'ils n'y voyaient pas la vente de leur droit,
mais la rançon de leur salut. Ils dirent finalement: « Tu nous a rendus à la
vie, nous avons trouvé grâce aux yeux de notre maître ». De fait, en ce qui
concerne leur propriété, ils n'avaient rien abandonné, eux qui en retour avaient
reçu un droit; et en ce qui concerne leur intérêt, ils n'avaient rien perdu, eux
qui avaient acquis la durabilité.
O le grand homme qui n'a pas recherché la
gloire temporaire d'une générosité prodigue, mais a établi l'avantage durable de
la prévoyance. Il fit en sorte en effet que les populations s'aidassent de leurs
propres impôts et que, pas même en temps de misère, elles n'attendissent des
secours étrangers. Mieux valait en effet apporter quelque chose de ses récoltes
que de tout abandonner de son droit. Il fixa au cinquième la contribution, se
montrant à la fois fort pénétrant dans la prévoyance et fort généreux dans
l'imposition. Finalement l'Egypte ne subit jamais dans la suite, famine de ce
genre.
De quelle façon remarquable en outre il
comprit les choses à venir! Tout d'abord avec quelle ingéniosité, interprête du
songe du roi, il exprima la vérité! Le premier songe du roi était celui-ci: Sept
vaches remontaient du fleuve, belles à voir, le corps bien nourri, et paissaient
au bord du fleuve. D'autres aussi, génisses laides à voir, le corps amaigri, à
la suite de ces vaches remontaient du fleuve et paissaient auprès d'elles sur le
bord même de la rive; et il vit ces génisses chétives et étiques dévorer celles
qui l'emportaient par leur corpulence et leur beauté. Et le second songe était
celui-ci: Sept épis bien nourris, de premier choix et de qualité, sortaient de
terre et à leur suite sept épis étiques, versés par le vent et moisis, tentaient
de s'adjoindre aux premiers; et il vit que les épis vides et chétifs dévorèrent
les épis florissants et pleins.
Ce songe, le saint Joseph l'expliqua ainsi,
à partir de l'idée que les sept vaches étaient sept années et les sept épis, de
la même manière, sept années, en tirant son interprétation des périodes de la
mise bas et de la récolte: en effet la mise bas de la vache représente une
année, et la récolte de la moisson achève une année entière. Et ces vaches
remontaient du fleuve pour cette raison que les jours, les années et les
périodes passent à la manière des fleuves et coulent rapidement. C'est pourquoi
il déclare que sept premières années de terre productive viendront, fertiles et
fécondes; mais qu'à leur suite, sept autres années viendront, stériles et
infécondes, dont la stérilité s'approprierait l'abondance des précédentes. Et en
vue de cela, il donna l'avertissement qu'il fallait pourvoir à amasser, au cours
des années particulièrement productives, une réserve de blé qui pût subvenir au
dénuement de l'infécondité à venir.
Qu'admirerais-je d'abord? L'intelligence
avec laquelle, en soi-même, il pénétra le fond de la vérité, ou bien la sagesse
avec laquelle il pourvut à une misère si rigoureuse et si durable, ou bien sa
vigilance et sa justice: avec la première, au prix d'une charge tellement lourde
pour lui, il assembla des approvisionnements si considérables, et avec la
seconde, il maintint l'égalité parmi tous! Car que dirais-je de sa grandeur
d'âme? Vendu par ses frères pour la servitude, il ne rendit pas l'outrage mais
repoussa leur famine. Que dire de sa douceur? Il réclama la présence de son
frère bien-aimé en usant d'une pieuse tromperie: il fit adroitement simuler un
vol, et déclara ce frère coupable du larcin, afin de le retenir comme otage de
sa faveur.
Aussi est-ce à juste titre que son père lui
dit: « C'est un fils qui a grandi, mon fils Joseph, un fils qui a grandi, mon
fils, un zélé mon fils plus jeune... Mon Dieu t'a aidé et t'a béni de la
bénédiction du ciel, bénédiction d'en haut, de la bénédiction de la terre, terre
qui contient toutes choses, à cause des bénédictions de ton père et de ta mère.
Il l'a emporté sur les bénédictions des montagnes qui durent, et sur les désirs
des collines éternelles ». Et dans le Deutéronome: « Toi qui apparus, dit-il,
dans le buisson, puisses-tu venir sur la tête de Joseph et sur son crâne. Il est
en honneur parmi ses frères: sa beauté est celle du premier-né du taureau, ses
cornes sont cornes du rhinocéros; sur ces cornes il dispersera les nations, d'un
coup, jusqu'à l'extrémité de la terre. A lui les dix mille d'Ephraïm, à lui les
milliers de Manassé ».
Aussi celui qui veut donner conseil à
autrui doit être tel qu'il fournisse en lui-même, aux autres, un modèle pour «
l'exemple des bonnes œuvres, dans sa doctrine, dans sa chasteté, dans son
sérieux », que sa conversation soit salutaire et irréprochable, son conseil
utile, sa vie belle et son avis convenable.
Tel était Paul, qui donnait conseil aux
vierges et enseignement aux prêtres, qu'il nous fournissait, en lui-même
d'abord, un modèle à imiter. C'est pourquoi il savait aussi s'humilier, comme le
sut également Joseph qui, issu de la plus haute race des patriarches, n'ayant
pas refusé une indigne servitude, la pratiquait par ses services et l'illustrait
par ses vertus. Il sut s'humilier lui qui souffrit et un vendeur et un acheteur
et appelait ce dernier son seigneur. Ecoute-le qui s'humilie: « S'il est vrai
que mon seigneur, à cause de sa confiance en moi, ne sait rien de ce qui se
passe en sa maison, et qu'il a remis entre mes mains tout ce qu'il a, et que
rien ne m'a été interdit que toi, parce que tu es sa femme, comment ferai-je
cette mauvaise action et pécherai-je devant le Seigneur »? Parole pleine
d'humilité, pleine de chasteté: d'humilité parce qu'il rendait honneur à son
seigneur, parce qu'il lui témoignait de la gratitude; pleine aussi de chasteté
parce qu'il regardait comme un grave péché de se souiller par un crime honteux.
Tel doit donc être le conseiller, qu'il
n'ait rien d'obscur, rien de trompeur, rien de feint, qui récuse sa vie et son
caractère, rien de malhonnête et de malveillant, qui éloigne les consultants.
Autres sont en effet les choses que l'on fuit, autres celles que l'on méprise.
Nous fuyons celles qui peuvent nuire, qui, par perfidie, peuvent se tourner en
dommage, par exemple si celui que l'on consulte est d'une loyauté douteuse et
avide de richesse, en sorte qu'il puisse changer pour de l'argent; s'il est
injuste, on fuit cet homme et on l'évite. Quant à celui qui est jouisseur,
intempérant, fut-il exempt de fraude, il est toutefois cupide, et fort désireux
de gain honteux, on méprise cet homme. Quel exemple en effet de savoir-faire,
quel fruit de son travail peut-il produire, quel soin et quelle attention
peut-il accueillir en son âme, celui qui s'est abandonné à l'indolence et à la
paresse?
Aussi l'homme de bon conseil dit-il: « Pour
moi, en effet, j'ai appris à me trouver satisfait dans les conditions où je me
trouve ». Il savait « en effet que la cupidité est la racine de tous les maux »,
et pour cette raison il se trouvait content de son avoir, ne recherchait pas
celui d'autrui. J'ai assez, dit-il, de ce que j'ai: soit que j'aie peu, soit que
j'aie beaucoup, c'est beaucoup pour moi. Il semble qu'il faille dire quelque
chose de plus net. Il s'est servi d'un mot significatif: Je me suffis, dit-il,
dans l'état où je me trouve, c'est-à-dire je ne manque ni n'abonde. Je ne manque
pas parce que je ne cherche rien de plus, je n'abonde pas parce que je ne
possède pas seulement pour moi mais pour un plus grand nombre. Cela pour
l'argent.
Au reste, on peut dire de toutes choses,
que lui suffisaient celles qu'il avait présentement, c'est-à-dire qu'il ne
désirait pas plus grand honneur ni hommages plus abondants — n'étant pas avide
d'une gloire sans mesure — ou ne recherchait pas indûment la faveur, mais il
espérait — endurant à la peine, assuré de son mérite — la fin du combat qu'il
devait mener. « Je sais aussi, dit-il, m'humilier ». Ce n'est donc pas
l'humilité inconsciente qui fait l'objet de l'éloge, mais celle qui comporte la
modération et la connaissance de soi. Il y a en effet l'humilité de la crainte,
il y a l'humilité de l'inexpérience et de l'ignorance; et c'est pourquoi
l'Écriture dit: « Et il sauvera les humbles en esprit ». Paul a donc dit de
façon remarquable: « Je sais aussi m'humilier », c'est-à-dire, je sais dans quel
lieu, en quelle mesure, en quelle limite, dans quel devoir, dans quelle
fonction. Le Pharisien ne sut pas s'humilier, aussi a-t-il été rejeté; le
publicain le sut, aussi a-t-il été justifié.
Paul savait aussi être dans l'abondance
parce qu'il avait l'âme riche, même s'il n'avait pas le trésor d'un riche. Il
savait être dans l'abondance, lui qui ne cherchait pas le don d'argent, mais
recherchait le fruit de grâce. Nous pouvons aussi de cette manière, comprendre
qu'il savait être dans l'abondance, lui qui pouvait dire: « Notre bouche parle
librement devant vous, ô Corinthiens, notre cœur s'est largement ouvert ».
« En toutes circonstances, il était formé à
la fois à se rassasier et à avoir faim ». Bienheureux lui qui savait se
rassasier dans le Christ. Il n'est donc pas corporel mais spirituel ce
rassasiement qu'opéré la connaissance. Et c'est à juste titre qu'on a besoin de
la connaissance, car: « L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute
parole de Dieu ». Ainsi donc lui qui, de cette manière, savait se rassasier et,
de cette manière, avoir faim, savait, en telle sorte qu'il cherchait toujours du
nouveau, avait faim de Dieu et avait soif du Seigneur. Il savait avoir faim lui
qui savait que les affamés mangeront; il savait et pouvait être dans
l'abondance, lui qui n'avait rien et possédait tout.
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