Jean-Jacques OLIER
(1608-1657) 

Sa vie

1
La vie de Jean-Jacques Olier

1-1-L’enfance et la jeunesse

Jean-Jacques Olier naquit à Paris le 20 septembre 1608. C’était le 4e enfant (sur huit) d’une famille aisée de magistrats parisiens. Comme toutes les familles mondaines et bien en cours de l’époque, la famille Olier était très pratiquante, et Jean-Jacques fut baptisé le jour même de sa naissance. Puis, soucieux d’assurer l’avenir matériel de ce garçon, les parents décidèrent de le faire “d’Église”, et le firent tonsurer à l’âge de douze ans. Il pourrait ainsi jouir des bénéfices de plusieurs prieurés dont ils avaient obtenu, de la faveur royale, que la “commende” lui soit assurée. Et Jean-Jacques devint l’un des nombreux abbés mondains de la capitale, menant joyeuse vie dans les tavernes du faubourg Saint-Germain qu’il fréquentait autant que les cours de la Sorbonne.

De 1617 à 1624 Jean-Jacques Olier séjourna, à Lyon où son père avait été nommé intendant du roi. Là, il fit ses études au collège des Jésuites. En 1622 [1], avec ses parents, il rencontra, François de Sales qui le bénit. Cette rencontre l'impressionnera durablement et il écrira plus tard: "Si je l'appelle parfois mon Père, c'est que j'ai eu le bien de recevoir sa bénédiction, et d'avoir porté la sainte soutane par ses saints avis et conseils."

1-2-L’étudiant

De 1625 à 1629, de retour à Paris, Jean-Jacques poursuivit ses études de philosophie au collège d'Harcourt, puis celles de théologie à la Sorbonne. Pendant cette période, il reçut, selon la coutume de l’époque, divers "bénéfices" ecclésiastiques, dont celui de l'abbaye de Pébrac. Jean-Jacques Olier menait la vie facile des abbés mondains de son temps.

De 1629-1630-Jean-Jacques vécut ses “premières conversions”. En février 1629, il est interpellé dans la rue par une femme, Marie Rousseau, qui lui reproche sa vanité et son amour des plaisirs du monde.  

1630-Au cours d’un voyage à Rome, Jean-Jacques est atteint d’une grave maladie ophtalmologique qui le menace de cécité. Il décide alors de se rendre à pied jusqu’à Notre-Dame de Lorette, dans l’espoir d’être guéri. La Vierge Marie guérit non seulement les yeux de son corps, mais aussi, les yeux de son âme... Il a 22 ans. Le converti envisage sa vie d’une manière toute nouvelle, en réponse à l’appel de Dieu. Cette guérison sera surtout le point de départ d'une profonde conversion intérieure et d'un intense désir de prière.

Jean-Jacques Olier a écrit le récit de “la première conversion de son abominable vie.”

“Étant allé de Rome à Lorette à pied pour éviter l’aveuglement corporel que je craignais, j’y fus tellement attendri par les caresses de la Très Sainte Vierge et ressentis des secours si puissants, qu’il fallut me rendre à mon Sauveur qui me persécutait depuis si longtemps... Je fus guéri en entrant dans l’église qui contient la chapelle [2]...

Ce fut le coup le plus puissant de ma conversion... Au lieu de la guérison des yeux du corps que je lui demandais, elle (La Vierge Marie) me donna aussi celle des yeux de l’âme, qui m’était bien plus nécessaire, sans que je le connaisse toutefois... Car, outre que je fus guéri soudainement... je reçus dans l’esprit un grand désir de la prière.”

1-3-Le jeune prêtre

1633-1639-J.J.Olier est ordonné prêtre le 21 mai 1633 après avoir suivi régulièrement les ”Conférences du Mardi”, de Saint Vincent de Paul, devenu son directeur spirituel. À partir de 1634, fuyant les facilités de la vie parisienne, il participe, soit avec des disciples de Vincent de Paul ou de Charles de Condren, ou avec la petite équipe qu’il commence à se constituer, à de nombreuses missions populaires et rurales: en Auvergne, en Bretagne, dans les environs de Paris. Il va commencer son ministère en prenant pour point de départ, Pébrac, l'abbaye auvergnate dont il touche les bénéfices en tant qu'abbé[3]. Il va essayer, mais sans succès, de réformer la vie que mènent les moines de cette abbaye.

C'est au cours de cette mission qu'il allait rencontrer Mère Agnès, prieure du couvent des dominicaines de Langeac. Il avait déjà, mystérieusement, vu cette religieuse, qui, dans son bureau parisien, et sans dire un mot, lui avait donné sa croix et son chapelet. Cette rencontre allait profondément marquer la spiritualité de J.J. Olier.

“Ne se trouvant pas loin de Langeac, son abbaye, Jean-Jacques Olier s’était dit: ”Je vais quand même y aller.” En effet, il avait déjà entendu parler d’une sainte religieuse à Langeac, et il voulut la voir. En la voyant, il se dit: ”C’est fort, je l’ai déjà vue à Paris!?”  Oui il l’y avait vue. J.J. Olier, qui venait d’être ordonné, faisait alors une retraite à Paris avec Saint Vincent de Paul. Soudain, il avait vu quelqu’un dans sa cellule; il pensa que c’était la Sainte Vierge. Mais ce n’était pas elle, c’était une religieuse, c’était Agnès, mais il ne le saura que plus tard.[4] 

Ce jour-là, Jean-Jacques arrive donc au parloir de Langeac et est tout surpris de voir cette religieuse. Ils se reverront souvent durant les six mois pendant lesquels Jean-Jacques va rester dans la région, un peu comme Jean de la Croix et Thérèse d’Avila ou St François de Salle avec Jeanne de Chantal. Jean-Jacques va véritablement vivre une conversion par tous les enseignements que va lui donner Agnès qui l’appellera l’enfant de ses larmes, car vraiment toute sa vie était donnée à Dieu, pour lui. Six mois plus tard, Jean-Jacques repartira à Paris pour fonder des séminaires, ce pour quoi Agnès l’avait vraiment formé.

Il y avait à l’époque un urgent et grand besoin de formation pour les prêtres. Vincent de Paul avait déjà organisé des retraites pour les prêtres, pour approfondir leur union à Jésus, leur désir de vivre leur sacerdoce comme service du Christ et de l’Église. Jean-Jacques Olier allait les former au niveau de la vie de prière et sur le plan théologique, afin qu’ils puissent être à même de mieux nourrir les fidèles.

Le jour où Jean-Jacques retourna à Paris, Mère Agnès tomba malade et elle mourut quelques jours après. Sa dernière mission était accomplie; elle pouvait regagner le ciel qu’elle avait tant désiré. (Extrait des Enseignements du Groupe de Prière St. Damien, Fraternité de Tibériade, 5580 Lavaux-Ste-Anne, Belgium - Diffusion expressément encouragée.)

1633-1641-Jean-Jacques est porté par un grand enthousiasme. En 1635, une seconde rencontre va le marquer: Charles de Condren, le successeur de Bérulle à la tête de l'Oratoire devient son directeur spirituel. Très vite, le Père de Condren pressent un danger, et lui dit simplement: “Abandonnez-vous davantage à l’Esprit-Saint.” Et Charles de Condren laisse Jean-Jacques Olier faire une retraite tout seul. Ce dernier raconte:

“Je commençai alors à éprouver manifestement la conduite de ce Divin Esprit, et à faire l’expérience du grand soin qu’il m’a témoigné depuis... Dès le matin, Notre Seigneur me mettait dans l’esprit le sujet de mes quatre oraisons: il m’en donnait quatre divers, à cause des quatre heures d’oraison que j’y faisais chaque jour.

Je me souviens, entre autres grâces, que Notre Seigneur me visita intérieurement par deux fois... La première fois, il me dit une chose que je ne croyais pas et que j’eusse bien de la peine à croire à moins de la bouche qui me le prononçait: “Je suis, disait-il, présent réellement aux âmes.”

Je fus bien aise, voyant mon directeur, d’apprendre et d’être éclairé de cette vérité aussitôt après lui avoir raconté ce qui s’était passé. Il me dit: “Cela est vrai. Notre Seigneur est présent réellement aux âmes... Puisque cela est ainsi, il faudra dorénavant que vous unissiez toutes vos œuvres au Fils de Dieu en l’une de ces trois manières: ou par sentiment, ou par disposition, ou par la foi seulement. Si vous avez le sentiment de Jésus-Christ présent, unissez-vous à lui par sentiment. Si vous n’avez aucun sentiment, unissez-vous par disposition, c’est-à-dire tâchez d’avoir en vous les mêmes pensées et dispositions qu’il en avait en faisant les mêmes œuvres. Et quand vous ne saurez point ses dispositions, et que vous ne pourrez même les former en votre âme, unissez-vous par foi seulement, c’est-à-dire joignez par l’Esprit vos œuvres à celles du Fils de Dieu et les offrez ainsi à Dieu avec les vôtres.”

Ce fut en cette visite que je commençai d’avoir un avant-goût de cette jouissance intime que j’ai depuis éprouvée si fréquemment[5] ...”

S’abandonner à la conduite du Saint-Esprit plutôt que de se fier à ses propres forces, quelle sagesse[6]! Jean-Jacques le comprendra bientôt... En effet, dès l’automne 1639, la grande épreuve” commence. Elle durera jusqu’à Pâques 1641. Le décès de son directeur spirituel, le Père de Condren, en 1641, va le laisser désemparé.  Jean-Jacques va rester pendant deux ans dans un état de prostration et de profond dégoût de lui-même.  À l’enthousiasme qui le soutenait succède soudain une terrible aridité. Jean-Jacques, qui croit que Dieu l’abandonne sombre dans une véritable dépression: crises de larmes, insomnies, perte de l’appétit, bégaiement, et même, parfois, incapacité de marcher. C’est l’impuissance la plus totale. Dieu prépare celui qu’il veut comme son serviteur à sa seconde conversion.

Peu à peu, Jean-Jacques Olier apprend à fonder sa vie intérieure sur “la ferme pierre de la foi”, et non plus sur les sables mouvants des sentiments et des consolations. C'est au coeur de cette épreuve qu'il va s'en remettre complètement à Dieu, renonçant à s'en sortir par ses propres forces. Ce mouvement d'abandon sera pour lui une véritable libération. Il sortira complètement guéri de cette épreuve à Pâques 1641.

Dans son autobiographie, Jean-Jacques Olier dépeint sa peine :

“Je me souviens que toutes mes peines n’allaient qu’à me faire connaître ma vileté et ma misère naturelle, et comme (comment) toutes les grâces viennent de Lui et de sa seule miséricorde... Or, n’étant point éclairci de cette vérité par expérience ni par grâce... que je croyais quasi comme attachée à ma personne par mérite, à cause que j’en avais toujours été environné dans les emplois extérieurs où sa bonté m’avait occupé dès l’abord, de là vient qu’il m’en voulut sevrer pour me faire connaître comme elle dépend de lui à tout moment, comme la lumière du soleil et bien plus...

Il me faisait conaître combien j’en étais indigne et éloigné jusque-là, que je ne méritais pas qu’il me regardât... Et cela, ô mon Dieu, ô mon cher Jésus, pour me donner une autre âme, pour m’apprendre par nécessité, et à suspendre l’usage et les fonctions de mon âme selon votre bon plaisir... Pour m’apprendre que mon âme n’est pas et ne devait plus être entre mes mains mais entre les mains de celui qui en est le Maître... Pour m’apprendre que, puisque j’avais reçu une seconde naissance et que mon âme était renée par l’Esprit-Saint, elle devait être régie par ce même Esprit-là...

Ayant senti ce divin Esprit, j’ai bien discerné ses opérations des miennes. Quand je sentais de bons mouvements, je disais aussitôt: “C’est l’Esprit, ce n’est pas moi.”... Sachant donc par mon expérience et par lumière de grâce combien j’étais misérable, combien j’étais incapable de bien, combien j’étais porté au mal, enfin combien mon âme était charnelle, et pourtant ressentant les effets divins, les effets du Saint-Esprit en moi, je disais: “C’est Dieu, c’est son Esprit qui opère ces choses.”... Il nous faut, me semble-t-il, avoir beaucoup de confiance en ce Divin Esprit et beaucoup nous abandonner à lui, afin qu’il nous dirige, en étant notre véritable directeur intérieur comme il l’était de Notre Seigneur Jésus-Christ.”

1-4-La fondation du séminaire saint Sulpice

En 1639, Jean-Jacques refuse une seconde nomination épiscopale. Le 7 janvier 1641, c’est le décès de son directeur spirituel, le Père de Condren. Jean-Jacques Olier comprend de mieux en mieux que les missions populaires ne sont pas suffisantes pour réévangéliser le peuple de France. Des prêtres doivent prendre la relève des missionnaires. Mais les prêtres locaux, très nombreux, n’ont reçu aucune formation. D’ailleurs, Vincent de Paul disait d’eux: “Beaucoup ne savent même pas ce que c’est que d’être chrétien.”

Jean-Jacques Olier comprend la nécessité d’ouvrir des séminaires, répondant ainsi aux orientations données par le Concile de Trente, restées jusqu’alors peu suivies.[7] En septembre 1641, avec deux autres prêtres (Caulet et du Ferrier), J.J. Olier inaugure un temps de vie communautaire centrée sur la prière, l'étude, la lecture de la Bible et l'adoration eucharistique. De cette communauté naîtra le premier séminaire à Vaugirard, le 28 décembre 1641, séminaire destiné à des clercs déjà adultes. Quelques séminaristes et d'autres formateurs les rejoignirent bientôt.

Au printemps 1642, Jean-Jacques Olier est nommé curé de la paroisse Saint Sulpice, à Paris. Il accepte cette charge malgré l'opposition de sa famille qui envisageait pour lui un avenir plus prestigieux. Olier va établir une véritable communauté de prêtres au sein de cette paroisse et entreprendre une grande activité pastorale (liturgie, catéchisme, œuvres caritatives). Il consacrera également  beaucoup de temps à la confession et à la direction spirituelle.

Bientôt, la communauté de Vaugirard déménage: le séminaire  Saint Sulpice est né. Sur le conseil de son nouveau directeur spirituel, Olier entreprend la rédaction de son journal spirituel.

1642-1652-Les débuts du séminaire Saint-Sulpice-Etabli auprès de la paroisse Saint Sulpice (1642), puis doté d'un vaste bâtiment (1649-51), le séminaire sera désormais connu sous le nom de séminaire de Saint Sulpice. L'objectif d'Olier était de former de véritables pasteurs, et pas seulement de savants théologiens comme pouvait en produire la Sorbonne. Parallèlement, Olier posait les fondements de la Compagnie des prêtres de Saint Sulpice. Il proposa les services de ses "prêtres du clergé" à l'Assemblée Générale du Clergé de 1651. Ce nom: "prêtres du clergé" indiquait leur disponibilité totale au service des diocèses.

Olier voyait la nécessité de fonder un séminaire dans chaque diocèse: aussi proposa-t-il à cette même Assemblée du Clergé de France, un Projet d’établissement d’un séminaire par diocèse. Curieusement l’accueil fut plutôt froid. Seuls quelques évêques feront appel à Olier pour qu’il les aide à fonder leurs séminaires.

Jean-Jacques Olier envoya des Sulpiciens à Nantes, Viviers, Saint-Flour, et au Puy, à Clermont et à Amiens. Ce rayonnement missionnaire des sulpiciens allait s’étendre jusqu’au Canada: en 1657, tandis que Jean-Jacques Olier mourait, quatre prêtres de Saint Sulpice abordaient en Nouvelle-France, à Ville-Marie (Montréal).

Voici quelques phrases extraites du directoire spirituel du séminaire, qui définissent bien ses grandes orientations :

“Le but premier et dernier de cet Institut sera de vivre souverainement pour Dieu dans le Christ Jésus... Aussi la dévotion principale sera-t-elle de se consacrer au sacrement très saint du Corps et du Sang du Christ... et, en lui, on vénérera la Très Sainte Trinité, source de tous les biens, et le Christ, qui est là, caché, comme médiateur de toutes grâces, mais on étreindra aussi ce même Seigneur qui nous y fait communier à sa propre vie...

Tu croiras donc que tout progrès en toi de la religion chrétienne doit être attendu de la communion à la religion de Jésus-Christ. Continuellement caché dans l’Eucharistie, il est toujours présent à la face de son Père, afin d’intercéder pour nous...

En ce qui regarde la charité envers le prochain, la communauté doit attendre les mêmes effets de la participation au Banquet sacré et de la communion au Saint-Sacrement, où le Christ est présent sous l’apparence du pain qui est symbole de charité puisqu’il est fait à partir de grains multiples... Que tout soit commun entre eux et qu’il n’y ait qu’un seul cœur et qu’une seule âme... Qu’ils ne vivent jamais dans les discordes mais dans la douceur et dans l’Esprit-Saint...

C’est de cette même source de l’Eucharistie qu’ils attendront le véritable anéantissement[8] du cœur que le Christ professe et qu’il manifeste à l’Église entière, dans ce sacrement plus que dans tout autre mystère de sa sainte vie. En effet, lorsque le Verbe incarné s’est anéanti, prenant la condition d’esclave, il s’est fait, il est vrai, semblable aux hommes et il avait visiblement tous les dehors de l’homme; mais ici, il gît enveloppé dans les déchets les plus vils de la nature, puisqu’il n’y a plus que les seuls accidents, et il s’y ensevelit à la manière d’un mort. La vraie substance du pain, anéantie en elle-même mais convertie au Christ, nous avertit ici que, par la vertu de ce sacrement, nous devons nous anéantir aussi en nous-mêmes, et être transformés dans le Christ, grâce à l’Esprit-Saint qui nous vivifie intérieurement.”

Quoique le Très Saint-Sacrement soit le mémorial de toutes les merveilles du Christ et nous rende sans cesse présent leur intérieur, la communauté s’attachera cependant avec une tendre prédilection aux mystères de l’enfance du Sauveur Jésus... Ils honoreront d’un culte particulier sa Très Sainte Mère Marie et le bienheureux Joseph... Ils invoqueront aussi comme leur patron particulier le bienheureux Jean l’Évangéliste, qui est devenu à la Cène un autre Christ, et à la Croix le fils adoptif de sa Mère.

La communauté vénérera de même d’un culte souverain, après le Très Saint-Sacrement de l’Eucharistie, la Sainte Croix du Christ... Ils porteront toujours sur eux le portrait de Notre-Seigneur crucifié... Nous devons, à toute heure, offrir nos corps à Dieu le Père, comme une hostie vivante, sainte et agréable à ses yeux, et nous devons les immoler dans le Christ à sa gloire...

La communauté, comme victime du Christ, verra dans la Croix un autel très propice, sur lequel elle s’efforcera de faite monter chaque jour son sacrifice, soit en luttant virilement pour le Christ, contre le monde, la chair ou le démon, soit en annonçant toujours le Christ lui-même, par la parole et par l’exemple...”

De 1642 à 1652 Jean-Jacques Olier déploie une intense activité: curé réformateur [9], animateur de séminaire, fondateur de la petite Compagnie de Saint Sulpice [10] . Les oppositions ne vont pas manquer: on ira même jusqu’à susciter une émeute contre lui en 1645. Son presbytère sera saccagé, et lui-même échappera de peu au lynchage... Pendant cette période, J.J. Olier va également prendre position contre le courant janséniste. En 1652, il tombe très gravement malade. Il se rétablira de cette maladie, mais, épuisé, il démissionne de sa charge de curé de Saint Sulpice.

1653-1657- Le Canada

Olier, quoique très affaibli, était toujours habité par un grand souci missionnaire. Il avait fondé des années auparavant la société N.D. de Montréal avec Jérôme le Royer de la Dauversière. Très attaché à l'évolution de Ville-Marie (future Montréal) en 1642, il gardait des contacts avec le Canada et s'occupait d'y envoyer des sulpiciens.

En 1652, Monsieur Olier, gravement malade, dut démissionner de sa cure de Saint Sulpice, mais il garda cependant la direction du séminaire de Saint Sulpice, et écrivit des ouvrages de spiritualité: Journée chrétienne, Catéchisme chrétien pour la vie intérieure, Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes.

Le 26 septembre 1653, il devient partiellement paralysé; il participera cependant, de 1654 à 1657, aux négociations pour fonder les séminaires du Puy, de Clermont, et surtout de Montréal.

Le 2 avril 1657, Monsieur Olier s’en retourna vers le Père: il avait 49 ans. Le 29 juillet de cette même année, les premiers sulpiciens débarquaient au Canada pour assurer le service de la colonie de Montréal et de la mission alentour.

1-5-Les vœux émis par Jean-Jacques Olier

Beaucoup de saints, conscients de leur faiblesse, ont émis, outre leurs engagements sacerdotaux ou religieux, des vœux plus spécifiques destinés à conforter leur fidélité dans la tâche que le Seigneur leur confiait. Ainsi, Jean-Jacques Olier a émis:

– le vœu de servitude filiale à Marie, le 26 mars 1633,

– le vœu de servitude à Jésus[11], le 11 janvier 1641,

– le vœu de servitude aux âmes, le 11 janvier 1643,

– le vœu d’hostie, le 31 mars 1644.

– enfin, le 15 septembre 1651, Jean-Jacques Olier remettait tout son être à la Vierge Marie.

Le vœu d’hostie

Dans l’Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes, Jean-Jacques Olier avait déjà écrit :

“Notre Seigneur, pour dilater sa sainte religion envers Dieu et pour la multiplier en nos âmes, vient en nous et se laisse en la terre, entre les mains des prêtres comme hostie de louange pour nous faire communier à son esprit d’hostie, nous appliquer à ses louanges et nous communiquer intérieurement les sentiments de sa religion. Il se répand en nous, il s’insinue en nous, il embaume notre âme et la remplit des dispositions intérieures de son esprit religieux, en sorte que de notre âme à la sienne il n’en fait qu’une, qu’il anime d’un même esprit de respect, d’amour, de louange et de sacrifice intérieur et extérieur de toutes choses à la gloire de Dieu son Père...”

Pour Jean-Jacques Olier, il y a une autre hostie que celle de l’Eucharistie et du sacrifice de l’Église. Il écrit: “...Un cœur brisé de douleur est un sacrifice digne de Dieu: tel est le sacrifice dont parle l’apôtre Paul: ‘Je vous conjure, par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante, sainte et agréable à Dieu, comme votre culte raisonnable...’ Et pour cela il n’y a pas besoin d’une prêtrise solennelle, pas besoin d’une prêtrise déléguée. Il suffit d’avoir la seule véritable et réelle présence de l’Esprit de Jésus-Christ qui partout exerce sa prêtrise en anéantissant et consumant tout ce qui s’oppose à Dieu, détruisant en ses membres tout ce qu’il voit de contraire à la sainteté de Dieu même, en achevant en eux secrètement ce qu’il avait commencé en Jésus-Christ publiquement, à savoir dans sa chair à la ressemblance du péché...” 

Jésus-Christ est une hostie vivante, et il est notre modèle: nous devons donc être, comme lui, anéantis à tout ce qui nous est propre. En conséquence, “même les plus justes et les plus saints désirs en apparence, qui partent de nous et sont pour nous, doivent mourir et être anéantis, de sorte que nous n’ayons plus que ceux du Saint-Esprit et de Dieu... Il faut être vide de tout propre désir et être une pure capacité pour laisser opérer Dieu en nous ce qu’il veut. L’empressement et l’aigreur ou la peine sont des marques de notre propriété, ils sont une tentation.

L’amour-propre doit nous être odieux: il ravit, en effet, et dérobe à Dieu nos pensées, nos paroles et nos œuvres, qui doivent toutes être à lui, puisque l’hostie, vivant de l’Esprit de Dieu, est toute à Dieu et ne vit plus que pour Dieu seul. L’hostie exprime la mort à soi... Quand Saint Paul dit que nos corps doivent être des hosties vivantes, il l’entend du corps animé par notre âme. Et ceci comprend par conséquent, l’entière mort à nous-mêmes, puisqu’alors en nous, corps et âme, étant morts à nous-mêmes et ne vivant plus en eux-mêmes, laissent à l’Esprit de Dieu la faculté de vivre en nous...

En nous faisant communier à son état d’hostie consommée, Notre Seigneur nous montre bien qu’il veut nous rendre participants de cette vie ressuscitée. Et l’Esprit de Dieu, en son saint Sacrement de l’autel, absorbe et consomme intérieurement en nous tout propre sentiment et toute la vie première, afin de nous faire vivre en lui uniquement, en étant dévorés par la présence de ce feu divin et de cette hostie consommée: celle-ci vient se mêler à nous pour nous consommer en Dieu comme elle.”


[1] Mgr de Genève avait été invité à se joindre au duc de Savoie afin de rendre hommage au roi Louis XIII, à Avignon en novembre 1622. Ensuite, les deux cours, celle du Roi de France, et celle du duc de Savoie se réunirent à Lyon. François de Sales logeait au couvent de la Visitation de Bellecour où il reçut de nombreux visiteurs jusqu’à la fin du mois de décembre. Parmi ces derniers il y eut Mr Jacques Olier et son épouse qui lui présentèrent l’un de leurs huit enfants, Jean-Jacques, un vrai garnement qui les préoccupait. François de Sales s’adressa à Madame Olier: “Madame, j’ai consulté Dieu sur la vocation de cet enfant; soyez consolée: le ciel l’a choisi pour la gloire et le bien de son Église.” Le matin du 28 décembre 1622, jour de la mort de Saint François de Sales, Madame Olier revint avec ses enfants pour lui demander sa bénédiction.

[2] La santa Casa, la maison de Marie, qui, selon la tradition locale, aurait été transportée jusque là par des anges

[3]Pébrac n’était pas loin de Langeac. J.J. Olier habitait Paris... Il se contentait de récolter tout l’argent qui était destiné au monastère, mais il n’y allait jamais...

[4]Agnès de Langeac avait reçu du Seigneur la mission de se livrer tout entière à Lui pour la conversion de Jean-Jacques Olier, et elle était arrivée ainsi, de façon mystérieuse à Paris, par un phénomène de bilocation. Elle n’avait rien dit, elle avait donné à Jean-Jacques, simplement une croix et un chapelet.

[5] Journal autographe de Jean-Jacques Olier, rédigé entre 1642 et 1652.

[6] Dans son journal autobiographique, J.J. Olier écrivit: “Il faut laisser agir en nous l’Esprit de Dieu et n’y mettre point d’empêchement, c’est cela seul qu’il nous faut faire.” Et, dans son catéchisme chrétien pour la vie intérieure, nous trouvons: “Seul mérite d’être appelé chrétien celui qui a en lui l’Esprit de Jésus- Christ.”

[7]Jean-Jacques Olier estimait que “les fidèles sont appelés à vivre, chacun sa vocation particulière dans l’Église, et les prêtres ne répondront à la leur qu’en devenant vrais chrétiens, et, si possible, chrétiens accomplis.

[8]L’anéantissement, au sens spirituel, désigne la forme extrême de l’oubli de soi; c’est l’imitation de la kénose du Christ.

[9] Prêtre et curé de paroisse, J.J. Olier sait parfaitement que les prêtre ne sont pas les seuls à être unis au Christ. Parlant de l’état ecclésiastique, il écrit: “Tous les fidèles, par le Baptême sont faits participants de l’Esprit de Jésus-Christ... Ils doivent tous, dedans leur cœur, se tenir en respect et révérence de Dieu, rendant continuellement quelque devoir de religion, comme d’anéantissement, de pénitence, d’adoration, d’amour, de louanges, etc... Personne n’est exempt de ces devoirs religieux, et tout fidèle est obligé de s’occuper à ces saints exercices, puisqu’il fait profession de la religion chrétienne et qu’il doit être fidèle au Saint-Esprit, lequel lui est donné pour ce dessein par Jésus-Christ dans le Baptême.”

[10] La Compagnie est vouée uniquement en Jésus-Christ au service des prêtres et des clercs.

[11] J. J. Olier développe longuement tout ce qu’il met sous cette expression: vœu de servitude à Jésus-Christ: “Le vœu de servitude à Jésus-Christ et à son Église inclut avec soi le vœu d’obéissance au moindre des sujets de l’Église, auquel on est obligé d’obéir comme à son supérieur en regardant Dieu en lui... Le vœu de servitude inclut celui de pauvreté... Il comprend encore celui de petitesse et d’humilité... Il inclut aussi celui de souffrance, en sorte qu’on accepte toutes sortes de mépris, d’afflictions, d’opprobre et de peine pour le service de l’Église... Il contient encore l’obligation au zèle parfait pour la gloire de l’Église, soit intérieure, soit aussi intérieure.”

http://www.sulpc.org/hist.html