

Jean-Jacques Olier naquit à Paris le 20 septembre 1608. C’était le 4e
enfant (sur huit) d’une famille aisée de
magistrats parisiens. Comme toutes les
familles mondaines et bien en cours de l’époque, la famille Olier était très
pratiquante, et Jean-Jacques fut baptisé le jour même de sa naissance. Puis,
soucieux d’assurer l’avenir matériel de ce garçon, les parents décidèrent de le
faire “d’Église”, et le firent tonsurer à l’âge de douze ans. Il pourrait ainsi
jouir des bénéfices de plusieurs prieurés dont ils avaient obtenu, de la faveur
royale, que la “commende” lui soit assurée. Et Jean-Jacques devint l’un des
nombreux abbés mondains de la capitale, menant joyeuse vie dans les tavernes du
faubourg Saint-Germain qu’il fréquentait autant que les cours de la Sorbonne.
De 1617 à 1624 Jean-Jacques Olier séjourna, à Lyon où son père avait été nommé
intendant du roi. Là, il fit ses études au collège des Jésuites. En 1622 [1],
avec ses parents, il rencontra, François de Sales qui le bénit. Cette rencontre
l'impressionnera durablement et il écrira plus tard: "Si je l'appelle parfois
mon Père, c'est que j'ai eu le bien de recevoir sa bénédiction, et d'avoir porté
la sainte soutane par ses saints avis et conseils."
De 1625 à 1629, de retour à Paris, Jean-Jacques poursuivit ses études de
philosophie au collège d'Harcourt, puis celles de théologie à la Sorbonne.
Pendant cette période, il reçut, selon la coutume de l’époque, divers
"bénéfices" ecclésiastiques, dont celui de l'abbaye de Pébrac. Jean-Jacques
Olier menait la vie facile des abbés mondains de son temps.
De 1629-1630-Jean-Jacques vécut ses “premières conversions”. En février
1629, il est interpellé dans la rue par une femme, Marie Rousseau, qui lui
reproche sa vanité et son amour des plaisirs du monde.
1630-Au cours d’un voyage à Rome, Jean-Jacques est atteint d’une grave
maladie ophtalmologique qui le menace de cécité. Il décide alors de se rendre à
pied jusqu’à Notre-Dame de Lorette, dans l’espoir d’être guéri. La Vierge Marie
guérit non seulement les yeux de son corps, mais aussi, les yeux de son âme...
Il a 22 ans. Le converti envisage sa vie d’une manière toute nouvelle, en
réponse à l’appel de Dieu. Cette guérison sera surtout le point de départ d'une
profonde conversion intérieure et d'un intense désir de prière.
Jean-Jacques Olier a écrit le récit de “la première conversion de son
abominable vie.”
“Étant allé de Rome à Lorette à pied pour éviter l’aveuglement corporel que
je craignais, j’y fus tellement attendri par les caresses de la Très Sainte
Vierge et ressentis des secours si puissants, qu’il fallut me rendre à mon
Sauveur qui me persécutait depuis si longtemps... Je fus guéri en entrant dans
l’église qui contient la chapelle
[2]...
Ce fut le coup le plus puissant de ma conversion... Au lieu de la guérison
des yeux du corps que je lui demandais, elle (La Vierge Marie) me donna aussi
celle des yeux de l’âme, qui m’était bien plus nécessaire, sans que je le
connaisse toutefois... Car, outre que je fus guéri soudainement... je reçus dans
l’esprit un grand désir de la prière.”
1633-1639-J.J.Olier est ordonné prêtre le 21 mai 1633 après avoir suivi
régulièrement les ”Conférences du
Mardi”, de Saint Vincent de Paul,
devenu son directeur spirituel. À partir de 1634, fuyant les facilités de la vie
parisienne, il participe, soit avec des disciples de Vincent de Paul ou de
Charles de Condren, ou avec la petite équipe qu’il commence à se constituer, à
de nombreuses missions populaires et rurales: en Auvergne, en Bretagne, dans les
environs de Paris. Il va commencer son ministère en prenant pour point de
départ, Pébrac, l'abbaye auvergnate dont il touche les bénéfices en tant qu'abbé[3].
Il va essayer, mais sans succès, de réformer la vie que mènent les moines de
cette abbaye.
C'est au cours de cette mission qu'il allait rencontrer Mère Agnès, prieure du
couvent des dominicaines de Langeac. Il avait déjà, mystérieusement, vu cette
religieuse, qui, dans son bureau parisien, et sans dire un mot, lui avait donné
sa croix et son chapelet. Cette rencontre allait profondément marquer la
spiritualité de J.J. Olier.
“Ne se trouvant pas loin de Langeac, son abbaye, Jean-Jacques Olier s’était dit:
”Je vais quand même y aller.” En effet, il avait déjà entendu parler
d’une sainte religieuse à Langeac, et il voulut la voir. En la voyant, il se
dit: ”C’est fort, je l’ai déjà vue à Paris!?” Oui il l’y avait vue. J.J.
Olier, qui venait d’être ordonné, faisait alors une retraite à Paris avec Saint
Vincent de Paul. Soudain, il avait vu quelqu’un dans sa cellule; il pensa que
c’était la Sainte Vierge. Mais ce n’était pas elle, c’était une religieuse,
c’était Agnès, mais il ne le saura que plus tard.[4]
Ce jour-là, Jean-Jacques arrive donc au parloir de Langeac et est tout surpris
de voir cette religieuse. Ils se reverront souvent durant les six mois pendant
lesquels Jean-Jacques va rester dans la région, un peu comme Jean de la Croix et
Thérèse d’Avila ou St François de Salle avec Jeanne de Chantal. Jean-Jacques va
véritablement vivre une conversion par tous les enseignements que va lui donner
Agnès qui l’appellera l’enfant de ses larmes, car vraiment toute sa vie était
donnée à Dieu, pour lui. Six mois plus tard, Jean-Jacques repartira à Paris pour
fonder des séminaires, ce pour quoi Agnès l’avait vraiment formé.
Il y avait à l’époque un urgent et grand besoin de formation pour les prêtres.
Vincent de Paul avait déjà organisé des retraites pour les prêtres, pour
approfondir leur union à Jésus, leur désir de vivre leur sacerdoce comme service
du Christ et de l’Église. Jean-Jacques Olier allait les former au niveau de la
vie de prière et sur le plan théologique, afin qu’ils puissent être à même de
mieux nourrir les fidèles.
Le jour où Jean-Jacques retourna à Paris, Mère Agnès tomba malade et elle mourut
quelques jours après. Sa dernière mission était accomplie; elle pouvait regagner
le ciel qu’elle avait tant désiré. (Extrait des Enseignements du Groupe de
Prière St. Damien, Fraternité de Tibériade, 5580 Lavaux-Ste-Anne, Belgium - Diffusion expressément encouragée.)
1633-1641-Jean-Jacques est porté par un grand enthousiasme. En 1635, une
seconde rencontre va le marquer: Charles de Condren, le successeur de Bérulle à
la tête de l'Oratoire devient son directeur spirituel. Très vite, le Père de
Condren pressent un danger, et lui dit simplement: “Abandonnez-vous davantage
à l’Esprit-Saint.” Et Charles de Condren laisse Jean-Jacques Olier faire une
retraite tout seul. Ce dernier raconte:
“Je commençai alors à éprouver manifestement la conduite de ce Divin Esprit,
et à faire l’expérience du grand soin qu’il m’a témoigné depuis... Dès le matin,
Notre Seigneur me mettait dans l’esprit le sujet de mes quatre oraisons: il m’en
donnait quatre divers, à cause des quatre heures d’oraison que j’y faisais
chaque jour.
Je me souviens, entre autres grâces, que Notre Seigneur me visita
intérieurement par deux fois... La première fois, il me dit une chose que je ne
croyais pas et que j’eusse bien de la peine à croire à moins de la bouche qui me
le prononçait: “Je suis, disait-il, présent réellement aux âmes.”
Je fus bien aise, voyant mon directeur, d’apprendre et d’être éclairé de
cette vérité aussitôt après lui avoir raconté ce qui s’était passé. Il me dit:
“Cela est vrai. Notre Seigneur est présent réellement aux âmes... Puisque cela
est ainsi, il faudra dorénavant que vous unissiez toutes vos œuvres au Fils de
Dieu en l’une de ces trois manières: ou par sentiment, ou par disposition, ou
par la foi seulement. Si vous avez le sentiment de Jésus-Christ présent,
unissez-vous à lui par sentiment. Si vous n’avez aucun sentiment, unissez-vous
par disposition, c’est-à-dire tâchez d’avoir en vous les mêmes pensées et
dispositions qu’il en avait en faisant les mêmes œuvres. Et quand vous ne saurez
point ses dispositions, et que vous ne pourrez même les former en votre âme,
unissez-vous par foi seulement, c’est-à-dire joignez par l’Esprit vos œuvres à
celles du Fils de Dieu et les offrez ainsi à Dieu avec les vôtres.”
Ce fut en cette visite que je commençai d’avoir un avant-goût de cette
jouissance intime que j’ai depuis éprouvée si fréquemment[5] ...”
S’abandonner à la conduite du Saint-Esprit plutôt que de se fier à ses propres
forces, quelle sagesse[6]!
Jean-Jacques le comprendra bientôt... En effet, dès l’automne 1639, la grande
épreuve” commence. Elle durera jusqu’à Pâques 1641. Le décès de son
directeur spirituel, le Père de Condren, en 1641, va le laisser désemparé.
Jean-Jacques va rester pendant deux ans dans un état de prostration et de
profond dégoût de lui-même. À l’enthousiasme qui le soutenait succède soudain
une terrible aridité. Jean-Jacques, qui croit que Dieu l’abandonne sombre dans
une véritable dépression: crises de larmes, insomnies, perte de l’appétit,
bégaiement, et même, parfois, incapacité de marcher. C’est l’impuissance la plus
totale. Dieu prépare celui qu’il veut comme son serviteur à sa seconde
conversion.
Peu à peu, Jean-Jacques Olier apprend à fonder sa vie intérieure sur “la
ferme pierre de la foi”, et non plus sur les sables mouvants des sentiments
et des consolations. C'est au coeur de cette épreuve qu'il va s'en remettre
complètement à Dieu, renonçant à s'en sortir par ses propres forces. Ce
mouvement d'abandon sera pour lui une véritable libération. Il sortira
complètement guéri de cette épreuve à Pâques 1641.
Dans son autobiographie, Jean-Jacques Olier dépeint sa peine :
“Je me souviens que toutes mes peines n’allaient qu’à me faire connaître ma
vileté et ma misère naturelle, et comme (comment) toutes les grâces
viennent de Lui et de sa seule miséricorde... Or, n’étant point éclairci de
cette vérité par expérience ni par grâce... que je croyais quasi comme attachée
à ma personne par mérite, à cause que j’en avais toujours été environné dans les
emplois extérieurs où sa bonté m’avait occupé dès l’abord, de là vient qu’il
m’en voulut sevrer pour me faire connaître comme elle dépend de lui à tout
moment, comme la lumière du soleil et bien plus...
Il me faisait conaître combien j’en étais indigne et éloigné jusque-là, que
je ne méritais pas qu’il me regardât... Et cela, ô mon Dieu, ô mon cher Jésus,
pour me donner une autre âme, pour m’apprendre par nécessité, et à suspendre
l’usage et les fonctions de mon âme selon votre bon plaisir... Pour m’apprendre
que mon âme n’est pas et ne devait plus être entre mes mains mais entre les
mains de celui qui en est le Maître... Pour m’apprendre que, puisque j’avais
reçu une seconde naissance et que mon âme était renée par l’Esprit-Saint, elle
devait être régie par ce même Esprit-là...
Ayant senti ce divin Esprit, j’ai bien discerné ses opérations des miennes.
Quand je sentais de bons mouvements, je disais aussitôt: “C’est l’Esprit, ce
n’est pas moi.”... Sachant donc par mon expérience et par lumière de grâce
combien j’étais misérable, combien j’étais incapable de bien, combien j’étais
porté au mal, enfin combien mon âme était charnelle, et pourtant ressentant les
effets divins, les effets du Saint-Esprit en moi, je disais: “C’est Dieu, c’est
son Esprit qui opère ces choses.”... Il nous faut, me semble-t-il, avoir
beaucoup de confiance en ce Divin Esprit et beaucoup nous abandonner à lui, afin
qu’il nous dirige, en étant notre véritable directeur intérieur comme il l’était
de Notre Seigneur Jésus-Christ.”
En 1639, Jean-Jacques refuse une seconde nomination épiscopale. Le 7 janvier
1641, c’est le décès de son
directeur spirituel, le Père de Condren.
Jean-Jacques Olier comprend de mieux en mieux que les missions populaires ne
sont pas suffisantes pour réévangéliser le peuple de France. Des prêtres doivent
prendre la relève des missionnaires. Mais les prêtres locaux, très nombreux,
n’ont reçu aucune formation. D’ailleurs, Vincent de Paul disait d’eux:
“Beaucoup ne savent même pas ce que c’est que d’être chrétien.”
Jean-Jacques Olier comprend la nécessité d’ouvrir des séminaires, répondant
ainsi aux orientations données par le Concile de Trente, restées jusqu’alors peu
suivies.[7] En
septembre 1641, avec deux autres prêtres (Caulet et du Ferrier), J.J. Olier
inaugure un temps de vie communautaire centrée sur la prière, l'étude, la
lecture de la Bible et l'adoration eucharistique. De cette communauté naîtra le
premier séminaire à Vaugirard, le 28 décembre 1641, séminaire destiné à des
clercs déjà adultes. Quelques séminaristes et d'autres formateurs les
rejoignirent bientôt.
Au printemps 1642, Jean-Jacques Olier est nommé curé de la paroisse Saint
Sulpice, à Paris. Il accepte cette charge malgré l'opposition de sa famille qui
envisageait pour lui un avenir plus prestigieux. Olier va établir une véritable
communauté de prêtres au sein de cette paroisse et entreprendre une grande
activité pastorale (liturgie, catéchisme, œuvres caritatives). Il consacrera
également beaucoup de temps à la confession et à la direction spirituelle.
Bientôt, la communauté de Vaugirard déménage: le séminaire Saint Sulpice est
né. Sur le conseil de son nouveau directeur spirituel, Olier entreprend la
rédaction de son journal spirituel.
1642-1652-Les débuts du séminaire Saint-Sulpice-Etabli auprès de la
paroisse Saint Sulpice (1642), puis doté d'un vaste bâtiment (1649-51), le
séminaire sera désormais connu sous le nom de séminaire de Saint Sulpice.
L'objectif d'Olier était de former de véritables pasteurs, et pas seulement de
savants théologiens comme pouvait en produire la Sorbonne. Parallèlement, Olier
posait les fondements de la Compagnie des prêtres de Saint Sulpice. Il proposa
les services de ses "prêtres du clergé" à l'Assemblée Générale du Clergé
de 1651. Ce nom: "prêtres du clergé" indiquait leur disponibilité totale
au service des diocèses.
Olier voyait la nécessité de fonder un séminaire dans chaque diocèse: aussi
proposa-t-il à cette même Assemblée du Clergé de France, un Projet
d’établissement d’un séminaire par diocèse. Curieusement l’accueil fut plutôt
froid. Seuls quelques évêques feront appel à Olier pour qu’il les aide à fonder
leurs séminaires.
Jean-Jacques Olier envoya des Sulpiciens à Nantes, Viviers, Saint-Flour,
et au Puy, à Clermont et à Amiens. Ce rayonnement missionnaire des sulpiciens
allait s’étendre jusqu’au Canada: en 1657, tandis que Jean-Jacques Olier
mourait, quatre prêtres de Saint Sulpice abordaient en Nouvelle-France, à
Ville-Marie (Montréal).
Voici quelques phrases extraites du directoire spirituel du séminaire, qui
définissent bien ses grandes orientations :
“Le but premier et dernier de cet Institut sera de vivre souverainement pour
Dieu dans le Christ Jésus... Aussi la dévotion principale sera-t-elle de se
consacrer au sacrement très saint du Corps et du Sang du Christ... et, en lui,
on vénérera la Très Sainte Trinité, source de tous les biens, et le Christ, qui
est là, caché, comme médiateur de toutes grâces, mais on étreindra aussi ce même
Seigneur qui nous y fait communier à sa propre vie...
Tu croiras donc que tout progrès en toi de la religion chrétienne doit être
attendu de la communion à la religion de Jésus-Christ. Continuellement caché
dans l’Eucharistie, il est toujours présent à la face de son Père, afin
d’intercéder pour nous...
En ce qui regarde la charité envers le prochain, la communauté doit attendre
les mêmes effets de la participation au Banquet sacré et de la communion au
Saint-Sacrement, où le Christ est présent sous l’apparence du pain qui est
symbole de charité puisqu’il est fait à partir de grains multiples... Que tout
soit commun entre eux et qu’il n’y ait qu’un seul cœur et qu’une seule âme...
Qu’ils ne vivent jamais dans les discordes mais dans la douceur et dans
l’Esprit-Saint...
C’est de cette même source de l’Eucharistie qu’ils attendront le véritable
anéantissement[8] du
cœur que le Christ professe et qu’il manifeste à l’Église entière, dans ce
sacrement plus que dans tout autre mystère de sa sainte vie. En effet, lorsque
le Verbe incarné s’est anéanti, prenant la condition d’esclave, il s’est fait,
il est vrai, semblable aux hommes et il avait visiblement tous les dehors de
l’homme; mais ici, il gît enveloppé dans les déchets les plus vils de la nature,
puisqu’il n’y a plus que les seuls accidents, et il s’y ensevelit à la manière
d’un mort. La vraie substance du pain, anéantie en elle-même mais convertie au
Christ, nous avertit ici que, par la vertu de ce sacrement, nous devons nous
anéantir aussi en nous-mêmes, et être transformés dans le Christ, grâce à
l’Esprit-Saint qui nous vivifie intérieurement.”
Quoique le Très Saint-Sacrement soit le mémorial de toutes les merveilles du
Christ et nous rende sans cesse présent leur intérieur, la communauté
s’attachera cependant avec une tendre prédilection aux mystères de l’enfance du
Sauveur Jésus... Ils honoreront d’un culte particulier sa Très Sainte Mère Marie
et le bienheureux Joseph... Ils invoqueront aussi comme leur patron particulier
le bienheureux Jean l’Évangéliste, qui est devenu à la Cène un autre Christ, et
à la Croix le fils adoptif de sa Mère.
La communauté vénérera de même d’un culte souverain, après le Très
Saint-Sacrement de l’Eucharistie, la Sainte Croix du Christ... Ils porteront
toujours sur eux le portrait de Notre-Seigneur crucifié... Nous devons, à toute
heure, offrir nos corps à Dieu le Père, comme une hostie vivante, sainte et
agréable à ses yeux, et nous devons les immoler dans le Christ à sa gloire...
La communauté, comme victime du Christ, verra dans la Croix un autel très
propice, sur lequel elle s’efforcera de faite monter chaque jour son sacrifice,
soit en luttant virilement pour le Christ, contre le monde, la chair ou le
démon, soit en annonçant toujours le Christ lui-même, par la parole et par
l’exemple...”
De 1642 à 1652 Jean-Jacques Olier déploie une intense activité: curé
réformateur [9],
animateur de séminaire, fondateur de la petite Compagnie de Saint Sulpice [10] .
Les oppositions ne vont pas manquer: on ira même jusqu’à susciter une émeute
contre lui en 1645. Son presbytère sera saccagé, et lui-même échappera de peu au
lynchage... Pendant cette période, J.J. Olier va également prendre position
contre le courant janséniste. En 1652, il tombe très gravement malade. Il se
rétablira de cette maladie, mais, épuisé, il démissionne de sa charge de curé de
Saint Sulpice.
1653-1657- Le Canada
Olier, quoique très affaibli, était toujours habité par un grand souci
missionnaire. Il avait fondé des années
auparavant la société N.D. de Montréal
avec Jérôme le Royer de la Dauversière. Très attaché à l'évolution de
Ville-Marie (future Montréal) en 1642, il gardait des contacts avec le Canada et
s'occupait d'y envoyer des sulpiciens.
En 1652, Monsieur Olier, gravement malade, dut démissionner de sa cure de Saint
Sulpice, mais il garda cependant la direction du séminaire de Saint Sulpice, et
écrivit des ouvrages de spiritualité: Journée chrétienne, Catéchisme chrétien
pour la vie intérieure, Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes.
Le 26 septembre 1653, il devient partiellement paralysé; il participera
cependant, de 1654 à 1657, aux négociations pour fonder les séminaires du Puy,
de Clermont, et surtout de Montréal.
Le 2 avril 1657, Monsieur Olier s’en retourna vers le Père: il avait 49 ans. Le
29 juillet de cette même année, les premiers sulpiciens débarquaient au Canada
pour assurer le service de la colonie de Montréal et de la mission alentour.
Beaucoup de saints, conscients de leur faiblesse, ont émis, outre leurs
engagements sacerdotaux ou religieux, des vœux plus spécifiques destinés à
conforter leur fidélité dans la tâche que le Seigneur leur confiait. Ainsi,
Jean-Jacques Olier a émis:
– le vœu de servitude filiale à Marie, le 26 mars 1633,
– le vœu de servitude à Jésus[11],
le 11 janvier 1641,
– le vœu de servitude aux âmes, le 11 janvier 1643,
– le vœu d’hostie, le 31 mars 1644.
– enfin, le 15 septembre 1651, Jean-Jacques Olier remettait tout son être à la
Vierge Marie.
Dans l’Introduction à la vie et aux vertus chrétiennes, Jean-Jacques
Olier avait déjà écrit :
“Notre Seigneur, pour dilater sa sainte religion envers Dieu et pour la
multiplier en nos âmes, vient en nous et se laisse en la terre, entre les mains
des prêtres comme hostie de louange pour nous faire communier à son esprit
d’hostie, nous appliquer à ses louanges et nous communiquer
intérieurement les sentiments de sa religion. Il se répand en nous, il s’insinue
en nous, il embaume notre âme et la remplit des dispositions intérieures de son
esprit religieux, en sorte que de notre âme à la sienne il n’en fait qu’une,
qu’il anime d’un même esprit de respect, d’amour, de louange et de sacrifice
intérieur et extérieur de toutes choses à la gloire de Dieu son Père...”
Pour Jean-Jacques Olier, il y a une autre hostie
que celle de l’Eucharistie et du sacrifice de l’Église. Il écrit:
“...Un cœur brisé de douleur est un sacrifice
digne de Dieu: tel est le sacrifice dont parle l’apôtre Paul: ‘Je vous conjure,
par la miséricorde de Dieu, de lui offrir vos corps comme une hostie vivante,
sainte et agréable à Dieu, comme votre culte raisonnable...’ Et pour cela il n’y
a pas besoin d’une prêtrise solennelle, pas besoin d’une prêtrise déléguée. Il
suffit d’avoir la seule véritable et réelle présence de l’Esprit de Jésus-Christ
qui partout exerce sa prêtrise en anéantissant et consumant tout ce qui s’oppose
à Dieu, détruisant en ses membres tout ce qu’il voit de contraire à la sainteté
de Dieu même, en achevant en eux secrètement ce qu’il avait commencé en
Jésus-Christ publiquement, à savoir dans sa chair à la ressemblance du
péché...”
Jésus-Christ est une hostie vivante, et il est notre modèle: nous devons donc
être, comme lui, anéantis à tout ce qui nous est propre. En conséquence,
“même les plus justes et les plus saints désirs en apparence, qui partent de
nous et sont pour nous, doivent mourir et être anéantis, de sorte que nous
n’ayons plus que ceux du Saint-Esprit et de Dieu... Il faut être vide de tout
propre désir et être une pure capacité pour laisser opérer Dieu en nous ce qu’il
veut. L’empressement et l’aigreur ou la peine sont des marques de notre
propriété, ils sont une tentation.
L’amour-propre doit nous être odieux: il ravit, en effet, et dérobe à Dieu
nos pensées, nos paroles et nos œuvres, qui doivent toutes être à lui, puisque
l’hostie, vivant de l’Esprit de Dieu, est toute à Dieu et ne vit plus que pour
Dieu seul. L’hostie exprime la mort à soi... Quand Saint Paul dit que nos corps
doivent être des hosties vivantes, il l’entend du corps animé par notre âme. Et
ceci comprend par conséquent, l’entière mort à nous-mêmes, puisqu’alors en nous,
corps et âme, étant morts à nous-mêmes et ne vivant plus en eux-mêmes, laissent
à l’Esprit de Dieu la faculté de vivre en nous...
En nous faisant communier à son état d’hostie consommée, Notre Seigneur nous
montre bien qu’il veut nous rendre participants de cette vie ressuscitée. Et
l’Esprit de Dieu, en son saint Sacrement de l’autel, absorbe et consomme
intérieurement en nous tout propre sentiment et toute la vie première, afin de
nous faire vivre en lui uniquement, en étant dévorés par la présence de ce feu
divin et de cette hostie consommée: celle-ci vient se mêler à nous pour nous
consommer en Dieu comme elle.”



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