Hier,
puisque c'était le premier jour de l'année, je me suis consacrée à
Notre-Dame. Je lui ai demandé de me consacrer à Jésus et de me clouer à
son divin Cœur.
Je
Lui ai demandé d'être ma première protectrice parmi les saints que je
choisis — comme protecteurs pendant la nouvelle année. Je Lui ai demandé
des grâces pour mon âme et amour pour aimer Jésus. Je lui ai dit :
“Petite-Maman,
je ne veux plus m'arrêter de vous demander de l'amour, pour ne jamais
cesser d'aimer. Mais hélas, mon Jésus, j'avais l'impression que tout ce
que je disais ne servait à rien. Malgré cela, la foi me permet de croire
et d'être fidèle. Comment peut cheminer une aveugle qui ne connaît pas
le chemin et qui a perdu toutes ses forces ?... Pauvre de moi : je suis
cette aveugle! Je ne vous vois pas, je ne connais pas le chemin, je suis
exténuée ! Mon Jésus, j'ai confiance! Petite-Maman, j'ai confiance!
Aidez-moi, Vous. Conduisez-moi vers ma destinée: c'est au Ciel que je
veux être conduite”.
—
Dis à ton directeur spirituel qu’il fasse connaître et aimer ma très
Sainte Mère : celui qui aime la Mère aime le Fils... Dis-lui de prêcher
que celui-là qui aimera ma très Sainte Mère ne se perdra pas ; en vain
l’enfer tentera de le l’abattre.
Pendant que j’écoutais ces paroles, je me sentais serrée entre les Cœurs
de Jésus et de la Maman du ciel. J’avais l’impression de me trouver sous
une presse. J’avais tant de lumière, tant de paix, tant d’amour. Je peux
dire que si Jésus ne m’avait pas aidée, je n’aurais pas continué de
vivre: mon cœur ne pourrais pas résister...
—
En tous temps J'ai eu besoin d'âmes victimes, mais maintenant plus que
jamais. Je t'ai destinée à être immolée en cette époque, pendant
laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan de boue, de vices.
C'est de cela que Je t'ai enlevée du monde. C'est le vice le voleur de
tout ce qui est à moi.
(...)
O vie
combien amère ! J’ai l’impression de ne plus pouvoir vivre. Mon cœur est
broyé. Les pierres qui servent à le triturer, ont la taille du monde. Le
moulin ne cesse pas de moudre ; la douleur, elle non plus ne peut pas
cesser; moi même, je ne le veux pas. O Jésus, c’est ma volonté d’être
broyée, brisée par amour pour vous ! Étant donné que je ne sais pas vous
prouver autrement mon amour, je veux, dans la douleur et dans
l’amertume, que de mes lèvres ne sortent que ces paroles : tout pour
votre amour ! La douleur est ma pierre précieuse, déjà, ici, sur la
terre, elle est mon trésor. Je dépose tout entre vos mains, afin que
vous en fassiez la distribution à qui vous voudrez...
—
Dans la majorité des foyers, la crainte de Dieu est disparue. Il n'y a
plus de bons parents, il n'y a plus non plus de bons enfants... Quelle
horreur sur les plages, dans les casinos et dans les maisons de vice.
Ceux qui pourraient les secourir, ne le font pas !... Toi, toi du moins,
secours le monde, donne-Moi, dans la joie, la réparation que Je te
demande, rends suave la douleur de mon divin Cœur.
(...)
Je ne
peux pas regarder le ciel parce que le cœur s’élève plus véloce qu’une
fusée et ne tient pas dans ma poitrine. Il ne peut se reposer qu’en
Jésus.
—
Petite Maman, venez et prenez votre petite fille dans vos bras ; je veux
vous donner mon cœur ; ce n’est que vous qui pouvez le remplir de votre
amour afin que je puisse aimer Jésus. Incendiez-le avec des flammes si
fortes d’amour afin que je puise incendier le monde. Jésus n’est pas
aimé! Avec ma douleur et votre amour, je ferai en sorte qu’il soit aimé.
Ce n’est que comme ça, que moi même je l’aimerai.
Douce Maman, comme il sera beau de voir tous les cœurs brûler pour Jésus
d’un seul amour ! Je ne veux pas cesser d’être victime sans que ce feu
soit allumé dans le monde...
Vous
devez être déjà saturé d’entendre tant de lamentations et tant de
discours sur la douleur, mais la douleur est mon aliment, jour et nuit,
toujours. Auguste aliment! J’ai atteint l’heure de ma Passion dans un
état d’affliction et d’abandon. Je sentais comme si tous étaient
révoltés contre moi. Je disais au Seigneur :
—
Je crains la douleur, mais je l’aime. Le corps s’y prête moins, mais la
volonté est forte: je suis prête pour la croix et pour l’amour.
Le
cœur semblait s’effriter tellement il était écrasé ; j’avais du mal à
respirer. Jésus est venu à moi et il m’a dit :
—
Ma fille, allons dans le Jardin des Oliviers. Viens préparer l’aliment
dont Jésus a tant besoin pour les pécheurs: aliment précieux qui leur
donne vie éternelle, aliment béni qui leur donne la vie de la grâce.
Courage, tu ne seras pas abandonnée : Jésus et la Maman du ciel viennent
avec toi.
Durant la Passion, Jésus m’a parlé deux fois ; le reste du temps, je me
suis sentie toute seule, couverte de tous les maux,
remplie de honte devant Dieu, objet de sa divine Justice. Combien je me
suis découragée! J’avais même l’impression que Jésus n’était pas avec
moi. Il est venu, pourtant :
—
Courage ! Les anges te survolent, et portent l’aliment aux pécheurs...
Alors, je me suis sentie un peu réconfortée, mais pour peu de temps. La
deuxième fois, Jésus m’a dit :
—
Courage, ma fille ! La colère de Dieu qui s’abat sur toi, ce n’est pas
toi qui la provoques, mais ceux pour qui tu es l’expiatrice.
Ensuite j’ai cheminé toute seule. Quand tout a été fini, je suis restée
comme endeuillée et triste. Jésus m’a transmis les souffrances et
l’agonie de son divin Cœur ; moi, je les accueille parce que je veux le
consoler.
Vive
Jésus, vive la Maman du ciel ! Que règne la douleur, afin que règne
l’amour !...
Je
suis abandonnée de tous; je ne reçois même pas mon Jésus. Ma croix
devient plus pesante. Combien cela me coûte de ne pas recevoir la
Communion ! Si Jésus me manque, tout me manque. Encore aujourd’hui, me
souvenant que je ne l’avais pas reçu, j’ai soupiré avec une profonde
nostalgie et j’ai murmuré :
—
“Deux jours déjà sans recevoir Jésus et combien d’autres encore,
peut-être ! Quelle tristesse et quelle nostalgie ! Mon Jésus, je ne peux
vivre sans vous. Venez! Faites de mon cœur votre demeure. Venez et
régnez en moi ! Venez, mon tout ! Si cela ne vous déplaît pas, ô mon
Jésus, choisissez pour moi d’autres souffrances, mais ne me privez pas
de la Communion ! S’il était à moi, je vous donnerai le monde entier
afin de pouvoir vous posséder, rien que pour avoir votre visite”.
Mon
Père, combien douloureuse est ma souffrance et lourde ma croix! Je me
sens épuisée. Oh, le vide que je sens par le manque de l’aliment
eucharistique ! Quelle nostalgie. On dirait que mon cœur explose. Je ne
sais pas comment tant d’âmes peuvent vivre des années, voire la vie
entière, sans recevoir Jésus ! Malheureux, car ils ne le connaissent
pas.
Jésus
eucharistique, ma vie, ma joie, m’a manqué. La nostalgie que j’ai de Lui
me consume.
—
Jésus, venez ! Régnez dans mon cœur ! Vous seul êtes l’aliment de mon
âme. Donnez-moi la vie de la grâce, donnez-moi votre amour. Venez
décharger votre tristesse dans la mienne.
Par ma nostalgie infusez de la nostalgie que vous avez de prendre
possession des cœurs qui ne vous aiment pas et vivent vous oubliant. Je
veux par ma douleur rallumer votre amour sur la terre... Je veux me
perdre en lui. Peu importe donner la vie. Souffrir reste toujours mon
désir : c’est de la douleur que l’amour naît...
Le
jour s’est levé : j’avais un grand désir de recevoir la Communion, mais
je ne l’ai pas reçue. Quelle nostalgie ! J’ai demandé si monsieur le
Curé ne pourrais venir m’apporter Jésus ; on me répondit que non; je me
suis résignée. J’ai offert à Jésus ce sacrifice afin de mériter l’amour
de mes « quatre » : la très Sainte Trinité et la Maman du ciel. Je
cherche en tout, même dans les plus petites choses, à Les consoler.
Et
mon Jésus eucharistique ? O combien je veux le consoler et le couvrir
d’amour ! Toutes les douleurs et tous les sacrifices sont occasion pour
moi de consoler l’Abandonné, l’Oublié, le Prisonnier de l’Eucharistie...
O
douleur, douleur bénie ! O croix, ô lit sacré, je veux que tu sois ma
tombe, d’où je ne puisse plus sortir ! Tu es, ô croix bénie, l’immense
trésor dont Jésus m’a enrichie ! Je te veux, je t’embrasse, je veux être
clouée à toi, et être entourée d’épines ! C’est pour Jésus que je veux
être blessée et avec Lui, sur l’autel, être immolée ! Heureuse fortune —
celle de la croix — qui m’attend sur la terre ; elle me fera
éternellement bienheureuse au ciel !...
Mon cœur est toujours oppressé, mais toujours au milieu de vives
flammes; ma poitrine est brûlante du côté gauche; c’est un feu
incandescent. La douleur ne consent aucune suavité, elle me pénètre de
tous côtés.
L’abîme dans lequel je me trouve est nauséabond et honteux. Pour
m’appuyer, je n’ai que de l’immondice. J’y suis enchaînée par de grosses
chaînes de fer qui ne se cassent pas. Quelques fois j’essaie de me
libérer et de sortir de cet immense abîme, mais je ne le peux pas, je
n’en ai pas la force. Je suis si étroitement enchaînée que je n’arrive
même pas à bouger.
Au
milieu des épines qui me blessent et pénètrent dans tout mon être, mon
cœur se tourne vers Jésus, il veut s’envoler vers Lui, mais il ne le
peut pas et bas de l’aile au ras du sol. Quelle horrible affliction!
Quelle douleur poignante, que de salir des ailes blanches dans la fange
!
Mon Père, que signifie tout cela ? Je n’y comprends rien. Cela ne me
dérange pas d’être salie et couverte par les maux d’autrui. Ce que je
veux, c’est que tous deviennent justes et s’envolent vers Jésus. Mais le
pire c’est que je vois comme si le mal venait de moi ; mais moi, je ne
veux pas pécher, je ne veux pas déplaire à Jésus. Mais je me trouve un
monstre abominable, une effrontée, une ingrate à son égard. J’ai peur et
je tremble pour mon néant. Je sens la colère de Dieu sur moi et je ne
peux pas lever mes yeux vers le ciel. Je me sens indigne de pardon et de
compassion.
Mon âme est morte:
elle expira dans l’obscurité; ni même Jésus, en y entrant, lui redonna
la vie. Il m’a complètement oubliée, et moi, sans les yeux pour voir, je
courre toujours, mais toujours disparate, dans une nuit très triste et
obscure.
J’ai perdu toute énergie, je suis tombée dans le découragement. Mais je
veux, avec tous les êtres de la terre, louer et aimer mon Jésus. Je
voudrais rester toujours à genoux et les mains jointes, à entonner
hymnes et louanges d’amour et d’action de grâces à mon Jésus, pour tout
ce que je reçois de Lui...
—
Je ne te parlerai plus, sauf en de rares exceptions.
Je
ne viendrai plus, ni les vendredis, ni les premiers samedis.
Ta
passion ne s’arrêtera pas, elle continuera toujours, sans arrêt, et même
plus douloureuse encore. Seulement ainsi elle sera complète. O combien
elle sera grande ton agonie ! Toutes les merveilles et sciences divines,
seront inscrites dans le livre de ta vie, un livre qui n’a jamais eu
d’égal. Tous pourront venir dans le jardin que moi-même j’ai cultivé,
afin que tous puissent y cueillir des fleurs de vert, des fleurs de
pureté, des fleurs de grâce, des fleurs de charité, des fleurs
d’héroïsme, des fleurs de toutes variétés.
Venez tous, cueillez, ce sont des fleurs célestes ! Après cela, vite
viendra le Ciel. Combien belle sera ta mort : ce sera une mort entourée
de la plus grande angoisse, mais aussi du plus grand amour !
Dis-moi, ma fille: pour qui offres-tu ces dernières souffrances de ta
vie ?
—
Pour ce qui sera de votre sainte Volonté, mon Jésus: c’est tout ce que
je veux.
—
Ma bien-aimée, ma fille, je veux que tu m’offres une partie de ces
souffrances pour les prêtres, afin qu’ils possèdent la lumière divine et
comprennent ma vie dans les âmes ; afin qu’ils la possèdent davantage et
n’aient pas d’autre vie que la mienne. Tu l’offriras aussi pour ceux
d’entre eux qui ne la comprennent pas, afin qu’ils l’étudient, pour que,
ne l’étudiant pas et ne la comprenant pas, ils ne soient pas tentés de
l’éteindre cette même vie dans les âmes. Tu prieras aussi pour tous les
prêtres qui m’offensent gravement.
L’autre partie, ce sera pour le monde entier... car il t’appartient. Je
te l’ai confié ! Tu peux me demander tout ce que tu voudras, pour tous.
Ceux qui te connaissent, ressentiront ton départ; mais tu poursuivras ta
mission.
Va, ma petite fille, va écrire tout ceci: tu as les lumières de l’Esprit
Saint.
Pendant la journée, dans mon affliction, je lève les yeux vers le
Sacré-Cœur de Jésus et vers ma chère Petite-Maman. Jamais je n'ai
regardé vers Eux sans qu'il me semble les voir me sourire avec bonté. Il
fait déjà nuit et il me semble que Leur sourire me reste empreint dans
l'âme et dans le cœur.
—
Ma Maman, ma Petite-Maman chérie, ô combien, combien je veux l'aimer ! A
quoi auraient servi ces longues années de lit si Elle n'avait pas veillé
sur moi, si Elle ne m'avait pas aidée ?...
Mon
Dieu, quelle nuit terrible dans mon âme !
Jésus
a commencé par me dire :
—
Le péché essaie de broyer et d’anéantir mon divin Cœur ! Quel grand mal
est le péché ! Regarde les mauvais traitements que je reçois ! Sais-tu
de qui ? De ceux qui les premiers devraient m’aimer, desquels
j’attendais tout. Répare, si tu veux qu’ils se convertissent. Laisse-toi
immoler si tu veux qu’ils soient sauvés ! Tu es leur victime...
Mon
cœur n’a presque plus de vie: il est broyé au maximum. Je suis dans les
ténèbres et presque sans foi en Jésus: tout est perdu; personne ne
réussit à me sauver.
Mon
âme semble émettre des cris d’une extrême affliction. Sa nuit est
devenue immense pour recevoir Jésus Eucharistique. Et Lui, d’un ton de
jugement, comme quelqu’un qui demande des comptes, me disait :
—
Quel grand mal est le péché ! T’es morte à Dieu au lieu d’être morte au
monde ! Convertis-toi, viens dans mon divin Cœur. Tu me fais souffrir
par chaque peine et cruauté ; Je pleure parce que Je t’aime ! Pourquoi
veux-tu me fuir ? Je pleure parce que Je t’ai créée et préparée pour
Moi.
Et
mon Jésus pleurait amèrement. Et c’est cette douleur de Jésus que mon
cœur ne supportait pas, à moins qu’il ne souffre à ma place. Mais en me
sentant ainsi blessée, je peux dire avec Lui :
—
Quel grand mal est le péché ! Combien il est horrible ! Combien il
blesse le Cœur d’un Dieu !
Mon Jésus, je ne veux pas Vous fuir ! Je veux Vous suivre ! Je veux que
tous Vous suivent, qu’aucun ne Vous fuie. Laissez-moi écrire sur la
terre avec mon sang:
La
douleur est le chemin tracé par Jésus. La douleur est amour ; la douleur
est union avec Dieu. L’âme qui souffre avec Jésus se sent attirée par
Lui; désire la solitude afin de se rencontrer plus facilement avec Lui ;
désire vivre de Lui et en Lui. Combien précieuse est la douleur! Quel
bonheur pour l’âme qui souffre ! Elle ne se préoccupe que de Jésus; elle
ne veut d’autre vie que celle de Jésus. Elle cherche son amour, sa
gloire, le salut des âmes...
—
Dis à ton directeur spirituel d’informer le Pape que s’il veut que monde
soit sauvé, qu’il avance l’heure de la consécration à ma Mère. Qu’il la
place à la tête de la bataille et la proclame Reine de la victoire et
Messagère de la paix.
La
nuit est passée, le jour passe, et je ne m’alimente que de douleur...
Je
lève mon regard vers la Maman du ciel et je lui dis :
—
Maman chérie, accompagnez-moi auprès de la Croix du vôtre et mon cher
Jésus ; laissez-moi souffrir avec Vous: je veux sentir Vos douleurs. Je
veux aussi réparer tant de maux. Les âmes dorment dans le péché : par ma
douleur , je veux les réveiller; par ma mort, je veux les ressusciter.
Maman chérie, faites que je reste comme Madeleine enlacée à la Croix de
Jésus. Je veux verser des larmes de sang pour moi, pour les miens et
pour les péchés de toute l’humanité. Petite Maman, je me sens surchargée
de tous les crimes. Donnez-moi la douleur pour les pleurer et les
détester. Demandez pardon pour moi à Jésus. Donnez-moi de l’amour afin
que j’aime Jésus et qu’il puisse ainsi par cet amour oublier chaque
méchanceté.
Mon
Père, je suis tourmentée de mil façons : j’ai des doutes de toutes
sortes. La pensée que je vous trompe et que je trompe beaucoup d’âmes me
tourmente.
Mon
cœur est une source ouverte : plus la douleur et l’agonie sont grandes,
plus j’ai de sang à donner. Je sens qu’autour de moi y boivent, en grand
nombre, je ne sais quoi. Ils boivent, boivent et semblent ne jamais se
rassasier. Mais moi nom plus, je ne suis pas rassasiée du fait de ne pas
pouvoir rassasier ; et je ne suis pas rassasiée parce que je n’ai pas
d’amour pour aimer mon Jésus...
(...)
L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière dont Il descend
dans mon cœur [dans la Communion], sans lumière ni flamme, sans me
donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort et que moi-même
je sois morte, m’oblige presque à penser que j’ai une vie d’illusion et
d’imposture.
Mais
je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’Il m’aime et ne
m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis que pour Lui. Ma vie
a servi à Jésus...
—
Jésus, pressez bien cette fine grappe et enlevez-en tout le jus... Je
bénirai et j’aimerai la douleur : quand je serai au ciel, je ne
souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a créé en moi des liens
d’un si grand amour...
J’aime la douleur, j’aime Jésus...
Dans
l'après-midi j’ai récité les prières du mois de mai à ma chère
Petite-Maman. Mon âme, pendant cette dévotion, se voyait libérée d'un
poids qui l'écrasait et retrouvait la paix et la suavité.
À la
fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait :
— Ma fille, ma fille.
Mon
âme se sentait encore plus soulevée.
Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée avec
tendresse et douceur :
— Ma fille, ma fille, viens sur mon Cœur. Je t'invite à te reposer
entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon Cœur de mère. Tu es la
préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée par nos deux Cœurs !
Je me
suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée et couverte de
tendresse.
Il
n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une mère de
la terre avec celle de la Maman du ciel !...
Mon
âme a été réconfortée: mon cœur en resta heureux pendant un peu près une
heure.
Je
suis couverte de crimes et d’imperfections: j’ai honte de Jésus, je
crains la justice du Père éternel.
Jésus, en descendant aujourd’hui dans mon cœur, a rendu plus suave ma
douleur. Une petite flamme s’est allumée dans mon âme, mais elle s’est
éteinte rapidement et je suis restée dans la plus grande obscurité...
J’ai senti que la justice du Père éternel me détruisait, me réduisait en
poussière.
—
Mon Jésus, compter pour rien, par amour pour vous, c’est avoir la
félicité sur la terre. Ma joie, même si vous ne permettez pas que je la
ressente, c’est souffrir pour vous consoler et pour sauver les âmes.
Avec vous je suis victorieuse.
Je
veux vous prouver mon amour, mais je ne sais pas comment: je n’ai rien à
vous donner.
Mon corps ? Cela fait bien longtemps qu’il vous appartient. Je vous l’ai
donné afin qu’il soit martyrisé et crucifié.
Mon sang ? Même celui-là vous appartient. Qu’il serve au moins d’encre
pour écrire sur toute la terre le mot « Amour » : amour pur et seulement
pour Jésus.
Ma
vie ? Elle ne m’appartient plus: elle aussi est à vous. vous êtes mort
pour moi, pour me sauver et moi je meurs par amour pour vous et pour
sauver les âmes.
O
Jésus, que dois-je vous donner d’autre ?
Je
veux que ma volonté soit votre, afin que la votre soit mienne.
J’accepte, par amour pour vous, tout ce que Vous m’enverrez. Je ne veux
que ce que vous voudrez ; même si pour cela je devais rester à plat
ventre, enroulée dans la terre comme le verre le plus insignifiant...
L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière dont Il descend
dans mon cœur,
sans lumière ni flamme, sans me donner ni recevoir de l’amour, comme
s’il y venait mort et que moi-même je sois morte, m’oblige presque à
penser que j’ai une vie d’illusion et d’imposture.
Mais
je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’il m’aime et ne
m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis que pour Lui. Ma vie
a servi à Jésus...
—
Jésus, pressez bien cette faible grappe et enlevez-en tout le jus… Je
bénirai et j’aimerai la douleur: quand je serai au ciel, je ne
souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a créé en moi des liens
d’un si grand amour...
J’aime la douleur, j’aime Jésus...
Je
suis un monde d'horreurs et d'épouvantables ténèbres. C'est ainsi que
mon âme le ressent. Je rends grâces à mon Jésus de ne pas être moi-même
ce que sent mon âme. Je serais bien tout cela si Lui, vu mon état
de ténèbres, ne veillait pas sur moi, ne me soutenait pas et, ma chère
Petite-Maman, Elle, ne me portait toujours entre ses bras très saints,
ne me protégeait pas de son divin manteau.
Pauvre de moi, si Jésus et Marie n'avaient pas été là !
Je
suis très malade. J’aimerais dire tant de choses, mais je ne peux pas...
Je sens mon âme et mon corps comme sous une grille avec du feu
au-dessous et par-dessus : je ne peux pas me retourner sans être
brûlée... Même le cœur a sa douleur... combien il est opprimé...
Et il
me semble que Jésus soit parti si loin, me laissant seule dans le monde,
privée de tout confort. Je sens comme si l’on me privait de mon
directeur. Serait-ce vrai ? Pouvez-vous au moins me dire, par charité,
si en quelque chose, je suis pour vous cause de souffrance ?...
Après
une courte prière et l’offrande de moi-même, avec d’autres victimes, en
union avec la Maman du Ciel, pour obtenir que le Portugal soit libéré du
terrible mal de la guerre, j’ai été, tout à coup, écoutée; Jésus a bien
voulu me répondre de suite :
—
Demandez et vous recevrez. Demandez avec confiance. Le Portugal sera
épargné. Mais, malheur à lui s’il ne correspond pas à une aussi grande
grâce ! Aie confiance ; c’est Jésus qui te le dit, et il ne trompe
jamais.
(...)
Je
reste persuadée que vous, mon Père, vous m’informerez sur ce qui arrive,
sans rien me cacher. Je vous le demande par charité; ne consentez pas
que Sãozinha me trompe. Si l’on vous interdit de revenir ici, je ne veux
pas que vous en souffriez. Acceptons que Jésus presse sa grappe de
raisin et réduise en poudre le grain de blé! Qu’il soit consolé et nous,
souffrons. Cependant, accrochons-nous immédiatement à Jésus et à la
Maman du ciel.
(...)
Combien je souffre à cause des doutes que ce soit moi, avec mon
imagination, à faire toutes ces choses [Passion, extases, etc. ].
Quand viendrez-vous me tranquilliser, au moins pour quelques instants ?
J’ai l’impression de mourir seule, abandonnée. Venez me secourir !
J’éprouve une très grande désolation parce que je crois que l’on me
prive de mon Père spirituel. Je sais que vous avez été malade, mais
personne ne m’en a rien dit. Malheureux celui qui est éloigné !...
Lundi, au commencement de la sainte Messe, disparaissait de mon âme
cette nuit sans lumière qui ne me causait que la mort: les doutes ont
disparu. Peu avant la Communion j’ai ressenti une force que je n’ai pas
pu dominer: je me suis agenouillée et dans cette position j’ai reçu
Jésus.
Je suis restée longtemps ravie, tellement unie à Jésus qu’il me semblait
me trouver dans une autre région.
J’avais de très fortes impulsions pour aimer Jésus et Il m’a dit ses
désirs :
— Sur la terre l’amour est presque disparu des cœurs. Voilà la raison
des souffrances de Jésus: il n’y a pas d’amour pour réparer les péchés
de l’humanité; on blesse son divin Cœur.
—
O Jésus, que puis-je faire pour cela ?... J’accepte tout, je ne veux pas
vous voir souffrir... J’écrirai à Salazar. Lui, plus que tous les
prêtres, peut mettre un terme à tant de péchés... J’en parlerai à mon
Père spirituel et je ferai tout ce qu’il me permettra de faire...
Voulez-vous que j’écrive à votre cher cardinal patriarche ?
Les
deux, ensemble, seront l’instrument pour sauver le Portugal et faire que
votre très saint Cœur ne soit plus offensé. Je le ferai,ô Jésus ; mais j’aimerais que
personne ne le sache, excepté eux et les personnes que mon Père
spirituel jugera opportun d’informer...
Je
crois mourir, rien que de penser à vendredi et aux souffrances qui
m’attendent. Si Jésus ne prend pas ce pauvre corps pour souffrir dans
celui-ci et le soutenir, je ne résisterai pas: je mourrai. Je sens de
continuels coups de marteau dans mon cœur. Une foule universelle lui
donne l’assaut et le blesse. Toutes ces souffrances viennent sur moi,
j’en suis dépositaire, mais elles sont destinées à Jésus: l’attaqué et
le blessé, c’est le Cœur de Jésus.
Il me
semble voir Jésus, les bras ouverts, me demandant compassion et de
souffrir avec Lui... Le fait que Jésus se tourne vers une créature
humaine et s’abaisse jusqu’à lui demander de souffrir avec Lui,
m’anéantit : Lui qui est la force, la vie, tout, avoir besoin d’aide de
cette pauvre qui n’est qu’un néant...
Je
joins à cette lettre une lettre pour le Cardinal et une autre pour le
Président Salazar. Ayez l'obligeance de la corriger et, si vous voyez
que quelque chose n’est pas bien, faites-le moi savoir... J’ai écrit
comme Jésus me l’a dit...
« La Maman contemplait l’humanité... »
Dimanche dernier, anniversaire de ma très chère Maman du ciel, une
image, qui n’est toujours pas effacée, s’est imprimée dans mon âme.
Avec
la venue de Jésus dans mon cœur, mes souffrances ce sont aggravées et ma
nuit a augmenté. Je n’ai pas fait la fête à Jésus : je ne l’ai pas reçu
avec joie, même si je le voulais et désirais brûler d’amour. Pauvre de
moi !... À peine est-il descendu en moi, j’ai senti dans mon âme le
portrait vivant de la très chère Petite-Maman qui, du haut du ciel,
contemplait la pauvre humanité, son très saint Cœur souffrant d’une
tristesse presque mortelle. La tête inclinée vers la terre, elle ne
détournait pas son regard plein de tendresse et de compassion. Quelle
douleur si forte et poignante !
Combien Elle souffre, la Maman chérie ! Nous sommes déjà mardi, et cette
scène ne s’évanouit pas. C’est comme si elle était imprimée en moi pour
toujours. Il y a à peine une heure, je l’ai vue de nouveau inclinée vers
la terre, impossible de lui faire détourner le regard : de ces yeux
coulaient deux rivières de larmes, larmes de profonde douleur qui
baignaient la terre. Moi aussi je voulais pleurer, essuyer ses pleurs et
guérir la blessure du Cœur très aimant de Jésus. Je ne sais pas quoi
faire pour Eux : par amour je fais semblant d’être joyeuse alors même
que je suis toujours triste.
J’encourage et je console les malheureux et je n’ai pas qui me console.
Mais je suis contente de la volonté de mon Seigneur. Je veux Le consoler
dans ma détresse...
J’ai
l’impression d’être infidèle à Jésus. Il veut et me fait comprendre dans
mon âme la grande nécessité que je souffre, mais que je souffre en
silence, sans rien laisser apparaître. Je cherche à le faire du mieux
que je peux, sans me confier à qui que ce soit, excepté Lui et la chère
Petite-Maman. Quelquefois pourtant, involontairement, une parole
m’échappe. C’est pour cela que je dis être infidèle à mon Jésus: je ne
suis pas encore constante dans ce qu’il veut, excepté de tout vous dire,
mon Père, parce que Jésus me place dans l’âme la nécessité de me confier
à vous...
Jésus
m’a dit qu’il vous aime beaucoup et qu’il vous avait préparé des épines
qui vous blesseront jusqu’à la mort ; que votre cœur saignera toujours ;
mais vous ne devez pas craindre, car vous serez victorieux...
Combien terrible fut la tempête qui s’est déchaînée dans mon âme ! Il me
semblait tout perdre: pour l’âme et pour le corps.
Lors
de ces souffrances, pendant quelques instants, je suis arrivée jusqu’à
me convaincre que l’on m’avait privé de mon directeur spirituel. Mon
Dieu, je resterai sans lumière et sans vie !...
Je
n’ai pas résisté et j’ai dû pleurer. J’ai offert mes larmes à Jésus et
j’ai ouvert mes bras vers le ciel :
—
Mon Jésus, j’accepte chaque sacrifice ; j’accepte tout par amour pour
vous... Brisez-moi, mais donnez la paix au monde et sauvez les âmes. Je
veux vous aimer ; et si par ma douleur je peux vous prouver mon amour,
je suis prête à souffrir. Soutenez-moi, donnez-moi la force, mon
Dieu !...
Ma
crucifixion s’est terminée il y a quelques heures... J’ai besoin de me
confier et je ne peux le faire qu’avec vous. Jésus me veut silencieuse
et tenace comme un rocher: Il veut que je souffre sans que l’on sache ce
qui se passe en moi. Je sens que c’est lui qui place cette exigence dans
mon âme. Il veut que ma douleur soit silencieuse comme la sienne: Il
exige que je l’imite même en cela.
Ce
matin, à mes souffrances et à mes peurs, se sont adjoint les souffrances
et les larmes de Jésus : je n’en pouvais presque plus. Parmi le bruit,
la curiosité et les blasphèmes autour de lui, Il m’a fait comprendre
comment Il avait souffert tout cela en silence, comme s’il n’avait pas
de lèvres pour parler. Ma détresse était si grande que quelquefois il
m’est venu à l’esprit de dire à Jésus que je ne voulais pas la Passion,
mais immédiatement je lui disais :
—
Je veux, je l’accepte par amour pour vous. J’accepte chaque souffrance,
même si, sur moi, devraient tomber, pour m’écraser, toutes les montagnes
du monde...
Je
sens que vous souffrez. Je sens l’instrument avec lequel vous êtes
blessé. Je sens clairement que cette douleur vous blessera jusqu’à la
fin.
Je ne
sais pas de quel côté me tourner : tout est douleur, de vives douleurs
dans l’âme et dans le corps. Je le veux et je l’accepte comme Jésus le
veut...
—
La paix viendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père sera
épargné ; le dragon orgueilleux haineux qu’est le monde, n’osera pas le
toucher dans son corps; mais son âme souffrira beaucoup.
Le
Docteur Azevedo
―
Courage, ma fille, courage, épouse si chère ! Offre-moi ta douleur,
offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'es pas seule sur
celle-ci, comme je te le fais sentir : Je suis avec toi et veille sur
toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment Elle t'est
apparue dans la nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception, titre que toi
tu aimes tout particulièrement ? Elle est venue te réconforter, sans que
tu le voies, Elle est venue veiller sur toi, comme une mère empressée
veille auprès de son enfant endormi. Elle est venue te câliner et te
couvrir de son manteau. Et toi, tu n'en as pas parlé dans le Journal que
tu as dicté: je ne veux pas que tu agisses ainsi.
Avec
une grande tristesse je lui ai dit :
—
Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même, je craignais qu'il ne
s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis attristée ! Si vous me
réprimandiez pour mes péchés, je ne serais pas davantage attristée.
—
Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci sont permis par
moi mais je te réprimande parce que je veux que tu dises tout ce qui se
passe en toi: c'est pour le bien des âmes.
—
Ton Calvaire finira bientôt, mais pas avant que mes desseins se soient
réalisés. Courage ! Tu bénéficies de l’aide de ton Directeur, de ton
Jésus et de ta Mère bénie !
—
Je te promets, en ce samedi qui lui est consacré (à la Sainte
Vierge), que ta vie sur terre ne durera pas bien longtemps. Je te
promets aussi de t’accorder dans le ciel, par tes demandes et ton amour,
ce que déjà maintenant je t’accorde sur la terre par ta douleur. Mais
pour cela, ma fille, il faut que tu demandes au Saint-Père qu’il ait
pitié de ton martyre et qu’il donne satisfaction aux sollicitations de
Jésus, c’est-à-dire, consacrer le monde à ma Mère bénie.
« La Maman veillait sur moi !... »
(...)
Mon
père, l’aurore de cette journée m’est apparue toute gaie et souriante.
Je sentais la douleur, mais celle-ci était rendue suave par la Maman qui
veillait sur moi... De nouveau j’ai senti son Manteau se déployer sur
moi et sur beaucoup d'âmes qu'Elle étreignait et unissait comme en une
seule : à toutes Elle dispensait sa tendresse, son amour. Mon cœur en
reste encore tout enflammé.
Jésus
m’a préparée à la souffrance de mardi dernier. Je n’en connais pas le
motif. Sans doute parce que cette âme-là décidée à se réconcilier avec
le Seigneur est partie d’ici pour Braga ? Jésus le sait pour qui j’ai
offert mes souffrances et mes sacrifices afin que ce pécheur-là fasse
une bonne confession. La souffrance fut telle que je n’en pouvais plus.
Je n’ai pas ressenti de joie pour le retour de cette brebis. Mercredi,
jour de saint Joseph, j’ai reçu les couronnes que vous m’avez envoyées
par l’intermédiaire de cet homme.
Certaines personnes ont éprouvé une grande joie en le voyant faire la
communion devant tous. A cette nouvelle, je suis encore restée dans la
tristesse et dans la mort: je n’ai pas eu un seul moment de
satisfaction...
(...)
J’ai
passé la fête de saint Joseph dans les ténèbres, sans pouvoir voir le
ciel mais toujours dans l’anxiété de donner des âmes à mon Jésus et de
parcourir le pays entier à leur recherche...
Mon
pressentiment au sujet de l’examen du docteur Abel Pacheco est en train
de se concrétiser. J’ai parlé au docteur Azevedo et il m’a dit que
celui-ci était presque indispensable, mais que je réfléchisse à la chose
devant le Seigneur. Si après cela je pensais ne pas devoir le faire, on
ne le ferait pas. Mais le Seigneur m’a donné ces sentiments “de me
remettre entre les mains des médecins comme Lui Il s’est remis jusqu’à
la mort; ce ne serait que comme cela que mon sacrifice serait complet”.
— Que
pouvez-vous me dire à ce sujet ?
La
journée d’aujourd’hui ne s’est pas écoulée sans qu’il tombe sur moi une
souffrance de l’âme et du cœur bien difficile à supporter. À la tombée
de la nuit s’est déchaînée une des plus terribles tempêtes. J’ai
commencé à ressentir une révolte et un très fort désir de m’imposer car
les médecins ne venaient pas pour leur examen, pour que je sois libérée
de beaucoup d’humiliations et de désagréments. Je sentais en moi une
forte résistance, je ne voulais pas me soumettre à la douleur ; je
voulais tout souffrir à condition de ne rien ressentir. C’est alors
qu’est tombée sur moi toute la rage infernale: j’ai compris que c’était
là, l’œuvre du malin. Les démons étaient enragés, ils voulaient
engloutir mon corps tout entier.
J’en
voulais surtout au docteur Azevedo ; j’avais l’impression de ressentir
contre lui une haine de mort et c’était moi-même à vouloir le mordre
pour le mettre en morceaux et le broyer. Quelle tempête terrible ! Ce
n’est que dans les bras de Jésus et de la Maman du ciel que je pouvais
être sûre de ne pas offenser mon Dieu.
Si le
monde connaissait les embûches du démon, les pièges qu’il prépare aux
âmes pour les conduire au péché !... Je pense ne pas avoir causé de
peine à Jésus, parce que je ne veux que ce qu’il veut et ne jamais
l’offensé...
—
Dis au Pape que Jésus, demande et ordonne de consacrer le monde à sa
Mère. Qu’il le lui consacre rapidement, s’il veut que la guerre se
termine, rapidement s’il veut que le monde ait la paix.
(...)
Le
médecin m’a écrit pour me dire qu’il était allé à Braga mais qu’il ne
vous a pas trouvé; mais qu’il vous écrira pour vous informer sur ce qui
se passe. Il a déjà parlé au docteur Abel Pacheco lequel est prêt à
venir pour l’examen. Le médecin des maladies nerveuses ne vient pas et
n’a pas assuré non plus de venir par la suite. Je ne connais pas encore
le jour où je serai examinée. Me le communiquerez-vous ? Priez pour moi
afin que Jésus me donne courage...
Mon
Père, si seulement vous me donniez l’autorisation de demander à Jésus le
paradis au plus vite !... Ce n’est pas pour fuir la douleur, mais parce
que ma souffrance et ma crucifixion sont en train de devenir trop
connues. Je voudrais fuir le monde afin que personne d’autre ne me
connaisse. Oh, combien de tourments ma crucifixion m'a apportée ! J’ai
tant de nostalgie du temps où Jésus me parlait souvent et personne n’en
savait rien de ma vie sinon celui qui en avait le droit...
Vers
le soir pour combler ma souffrance, j’ai reçu du digne docteur Azevedo
la nouvelle que jeudi, premier mai, le docteur Abel Pacheco, de Porto,
allait venir pour pratiquer l’examen. Ce fut comme une lance qui
m’aurait traversé le cœur et, cruellement le clouant sur la terre nue.
Et c’était contre cette même terre que celui-ci saignait de douleur. Le
lundi est arrivé et je l’ai passé dans la même souffrance. Je voulais
m’épancher de façon à chasser hors de moi la crainte et la honte qui me
tourmentaient. Je me suis souvenue que c’était là une bonne occasion
pour consoler et réparer pour mon Jésus, souffrant en silence avec Lui ;
je Lui ai offert le sacrifice du silence et je Lui ai promis de ne pas
en parler. Cela m’a été douloureux, mais avec Jésus j’ai vaincu... J’ai
préparé avec soin et joie le petit autel de la Maman chérie... Je lui ai
écrit une lettre et l’ai déposée à ses pieds pour le premier jour de son
mois. Je suis confiante qu’elle me fera tout ce que je lui ai demandé...
Le
jeudi est arrivé ; ce fut bien triste: j’attendais les médecins. Quel
tourment ! J’ai dit trois fois : “Premier mai, comme tu es pénible!
Qu’arrivera-t-il encore avant la fin ?”
À la
Communion j’ai offert le sacrifice que je devais affronter ; je l’ai
offert pour ces âmes qui s’en vont chez les médecins pour pêcher et
offenser Jésus. J’ai imploré la force du Ciel ; j’ai demandé la lumière
et l’amour de l’Esprit Saint, le secours de la très Sainte Trinité,
celle de Jésus Eucharistique, celle de la Petite-Maman, ainsi que celles
de saint Joseph, de sainte Thérèse,
de sainte Gemma,
etc..
L’heure est arrivée et j’ai été examinée. Les souffrances du corps m'ont
été douloureuses, mais celles de l’âme aussi. Quelle humiliation !
Aussitôt que les médecins sont partis, je voulais pleurer; exprès, j’ai
caché mes larmes. J’ai dit à Jésus que je ne pleurerais pas pour que Lui
non plus, ne pleure pas les péchés du monde.
J’ai
levé mon regard vers la Maman du ciel et je lui ai dit :
—
Je suis prête pour un autre sacrifice... Dites-le à Jésus pour moi.
Faites que je souffre ! Faites que j’aime ! Je veux mourir d’amour.
Pendant toute la journée, mon corps et mon âme étaient plongés dans une
mer de douleur !...
Il
est triste que le monde ne connaisse pas l’amour de Jésus pour les âmes!
Nous le verrions davantage aimé et moins offensé. À la fin, Jésus m’a
éclairée. Nous sommes partis à Porto. C’est sa volonté afin d’augmenter
ma souffrance.
Que cela soit pour sa plus grande gloire. Combien j’ai de honte et de
peur !...
—
Unis ta douleur à la mienne, ton amour au mien ; ce n’est que de cette
manière le chemin de ton Calvaire pourra être plus suave ; ce n’est que
de cette manière que les pécheurs pourront être sauvés ; ce n’est que de
cette manière que la paix pourra venir dans le monde, et elle viendra
vite. Ensuite, le monde entier se réjouira d’être consacré au Cœur de la
tienne et ma Mère bénie...
Je me
trouve dans une nuit obscure, sans la moindre goutte de rosée.
Il n’y a pas de baume pour les douleurs de mon âme. Je vois de loin les
coups qui blessent mon cœur. J’ai du mal à respirer sous le poids des
humiliations. À l’idée des souffrances que me procurera mon voyage à
Porto, je dis à moi-même :
—
Je vais en jugement.
Opprimée et anéantie par cette douleur, je pense :
—
C’est pour Jésus et pour les âmes !
Et
alors tout mon être se transforme en une seule pensée :
—
Dieu en tout et avant tout.
Je
passerai toute ma vie ne pensant qu’à Dieu seul. Tout passe : Dieu seul
reste. La pensée de Dieu enveloppe ciel et terre. Je m’abîme en Lui. Je
peux l’aimer et penser à Lui pendant toute l’éternité. Cette pensée me
soulage ; cependant c’est ainsi que j’adoucis ma douleur et que je peux
sourire au tableau triste et douloureux qui se présente à moi. Je fais
semblant d’avoir une grande joie de mon voyage à Porto, afin de
rasséréner les miens et qu’ils ne comprennent pas la douleur qui habite
mon cœur...
Le 29
janvier 1941 j’ai eu la visite d’un prêtre connu et de diverses autres
personnes de la paroisse. Après une longue conversation, j’ai appris que
parmi eux il y avait un médecin. J’ai rougi, non pas que j'ai menti au
sujet de mes douleurs, mais parce que je ne m’y attendais pas. Il m’a
parlé et est resté souriant. Je ne sais pas ce que j’ai éprouvé à son
égard. J’étais bien loin de penser que peu de temps après il serait
devenu mon médecin traitant.
Il
[le Dr Azevedo] a commencé [son œuvre] en m’examinant minutieusement,
avec beaucoup de délicatesse et de charité. À la fin de son examen, il a
jugé opportun d’inviter le docteur Abel Pacheco
et mon médecin traitant de l’époque.
Je
suis restée très triste parce que j’étais saturée d’examens médicaux,
mais j’ai accepté la nouvelle épreuve comme étant la volonté de Dieu et
pour le bien des âmes.
Le
premier mai de la même année j’ai été examinée par le docteur Pacheco.
L’examen a duré peu de minutes, mais il a été la cause de grandes
souffrances pour le corps et pour l’âme : pour le corps parce que ses
mains semblaient de fer ; pour l’âme parce que je ressentais déjà les
humiliations et les résultats de cet examen.
Malgré tout cela, j’étais encore loin d’en voir le bout !
J’ai
été informée par le docteur Azevedo qu’il serait mieux que je retourne à
Porto afin de consulter le docteur Gomes de Araujo.
Pendant un mois j’ai prié pour savoir si c’était bien là la volonté de
Dieu. Plus je demandais de la lumière et plus les ténèbres augmentaient
et plus profonde devenait la souffrance de l’âme, car je ne savais pas
quoi faire. Finalement, le Seigneur m’a dit qu’Il voulait que je parte.
Mon
état physique est assez grave. Ils craignaient de m’enlever de mon lit
pour un aussi grand voyage. Moi même je craignais beaucoup: si rien que
le fait de me toucher était cause de grandes souffrances, comment
pouvais-je aller aussi loin ?... Encouragée par les paroles du Seigneur,
j’ai confié en lui et sous sa divine action, je me préparais pour partir
à l’aube du 15 juillet 1941.
À
quatre heures, j’avais déjà fait mes prières. Pour montrer que j’en
étais contente, j’ai appelé ma sœur pour lui dire que “nous allions
en ville”: rien que pour cacher ma douleur. Pendant que je lui
disais cela, j’ai entendu la voiture qui arrivait chez nous.
Le
docteur Azevedo et une personne amie
sont entrés dans ma chambre. Après une courte conversation, pendant que
ma sœur s’habillait, nous nous sommes préparés pour partir. Nous sommes
partis à 4,30 heures, afin de ne pas alarmer la population ; il faisait
encore nuit. En effet, nous sommes sortis du pays sans rencontrer
personne.
Mon
âme était encore ans dans un plus grand silence ! Plongée dans un abîme
de tristesse, sans interrompre mon intime union avec Jésus, je voyageais
Lui demandant toujours davantage de courage pour les examens qui
m’attendaient et en offrant mon sacrifice afin d’avoir son divin Amour
et pour les âmes. J’invoquais aussi la Maman du ciel et les saints qui
m’étaient les plus chers.
Rien
ne m’attirait et, tout ce que je voyais me causait une profonde
tristesse. De temps à autre ils interrompaient mon silence pour me
demander si j’allais bien ; je les en remerciais sans même sortir de
l’abîme dans lequel j’étais plongée.
Il
faisait jour quand nous sommes arrivés à Trofa, chez la personne qui
nous accompagnait: là je devais me reposer et recevoir mon Jésus, en
attendant de repartir pour Porto.
Avant
de reprendre le voyage, j’ai été portée dans le jardin et, soutenue par
l’action divine, je me suis approchée de quelques petites fleurs que
j’ai cueillies en pensant :
—
Le Seigneur, quand Il les a créées, savait déjà qu’aujourd’hui je serais
venue les cueillir.
J’ai
été photographiée à deux endroits différents et, de l’un à l’autre, je
me suis déplacée toute seule, ce qui n’était plus jamais arrivé depuis
que j’avais pris le lit,
de la même façon que plus jamais je ne m’étais retournée dans mon lit
sans aide de quelqu’un. Ce fut un miracle de Dieu, car sans Lui, je
n’aurais pas pu le faire.
Nous
avons repris le voyage: mon âme souffrait horriblement.
À
quelques kilomètres de Porto, Jésus a retiré son action divine. J’ai
commencé à ressentir les habituelles souffrances physiques qui m’ont
tourmentée jusqu’à la fin du voyage. J’ai dit alors, non pas parce que
je connaissais la distance, mais parce que mon état me l’a fait dire :
—
Nous sommes déjà proches de Porto.
Quelqu’un a répondu :
—
Nous y sommes, nous y sommes !
En
effet, j’avais pu voir qu’il ne manquait plus que six kilomètres.
La
sortie vers le cabinet a été douloureuse, autrement dit : martyre pour
le corps, agonie pour l’âme; il me semblait que j’allais mourir.
Avant
d’entrer dans la salle de visites, j’ai dit à celui qui me portait dans
ses bras :
—
Posez-moi, posez-moi, même si c’est sur le carrelage !
À ce
même moment le médecin est arrivé et il me fit coucher sur un brancard,
où je suis restée en attendant la visite. Quelques instants avant que je
ne rentre dans le cabinet, Jésus m’a libérée de l’agonie de l’âme, ne me
laissant que les souffrances physiques, afin que je puisse mieux
résister.
La
visite a été assez longue et douloureuse. Pendant que l’on me
déshabillait, on m’encourageait et moi, me souvenant ce que l’on avait
fait à Jésus, j’ai dit en moi-même :
—
Même Jésus a été déshabillé.
Et je
n’ai pensé à rien d’autre.
Le
docteur Gomes de Araujo, même si un peu brusque, a été prudent et
attentionné.
Pendant le retour à la maison, Jésus a exercé sur moi son action divine,
afin que je résiste au voyage, mais il m’a laissée de nouveau l’âme
angoissée.
Arrivés à Ribeirão on m’a fait reposer chez le docteur Azevedo afin
d’attendre la nuit et de pouvoir rentrer au pays sans que personne s’en
rende compte.
Que
ce soit chez Monsieur Sampaio que chez le médecin j’ai été traitée avec
beaucoup d’attentions, mais nul ne parvenait à me réconforter, alors
même que je souriais pour cacher le plus possible ma douleur.
Il
faisait déjà nuit quand nous avons repris le voyage. Tout m’invitait à
un silence de plus en plus profond. J’étais indifférente à tout. Pendant
le trajet, je n’ai rien vu d’autre que les fleurs du jardin de Famalicão
parce que quelqu’un me les avait signalées.
Nous
sommes arrivés à la maison à minuit, obtenant ainsi, que personne ne se
soit rendu compte de notre absence.
Après
ce voyage, mes souffrances physiques ont assez augmenté.
Mon
voyage à Porto et la publication de ma vie ont alarmé les supérieurs de
mon directeur spirituel à un tel point que peut-être il lui sera
interdit de venir vers moi, de me porter assistance religieuse de
laquelle j’ai besoin et enfin, de m’écrire et de recevoir de mes
nouvelles !
Depuis lors, j’ai commencé à vivre d’illusions :
—
Viendra-t-il aujourd’hui, viendra-t-il demain ?
Combien de choses me venaient à l’esprit ! La pensée de perdre le temps
en divagations inutiles me tourmentait, mais je n’ai pas réussi à
détourner ma pensée de ce qui me faisait tant souffrir.
Ma
vie est devenue un sacrifice total. Je peux même affirmer que je ne sais
pas ce que c’est que d’être heureuse, cela aussi me peine. Je me sens à
la fin de ma vie: j’attends l’éternité. Là seulement je pourrai
remercier Jésus de m’avoir choisie pour cette vie de continuel
sacrifice, pour n’aimer que Lui, pour Lui sauver des âmes.
Préoccupée d’avoir Jésus sous les lèvres et dans le cœur, je suis
arrivée dans ma pauvre maison et aussitôt j’ai été triturée par les
douleurs qui me consumaient le corps, effet peut-être de l’examen et du
voyage... Dans les heures de plus grande angoisse, Jésus me disait :
—
Voici, ma fille, tes souffrances pour les prêtres. Souffre pour eux. La
souffrance répare. Les ardeurs qui te brûlent, ce sont les ardeurs de
leurs passions. Je me suis servi de l’examen médical pour te faire
souffrir pour eux...
Mes
douleurs, augmentées à cause de l’examen, continuent. Mais peu importe.
Je peux ainsi en donner davantage à Jésus et Lui, Il peut les distribuer
aux âmes. Je veux consoler son divin Cœur tellement blessé. Je veux que
ma souffrance soit comme l’encens très fin qui s’envole continuellement
vers le ciel.
Le
poids des humiliations pèse sur moi et, savoir que j’ai pu être la cause
d’humiliations pour vous et pour mon Père spirituel, m’afflige beaucoup.
Veuillez me le pardonner. Je ne voudrais pas vous faire souffrir...
Hier
je n’ai pas eu de forces pour décrire les sentiments de mon âme et tout
ce que j’ai souffert... L’heure de la crucifixion est arrivée. Jésus ne
m’a pas manqué, comme habituellement, afin d'atténuer ma douleur et me
donner courage pour monter au Calvaire.
—
Viens, ma fille, monte au Calvaire avec douceur et amour. Ta souffrance
a pour moi la douceur du miel ; ta souffrance me donne beaucoup de
consolation et sauve beaucoup de pécheurs. Courage ! Appuie-toi à ton
Directeur, à ton Jésus et à ta Petite-Maman.
Je
suis alors partie au Jardin des Oliviers, remplie de paix et de courage.
Cette jouissance a été de courte durée. Soudain, Jésus m’a appelée :
—
Ma fille, il y a à Lisbonne un prêtre qui est tout près de tomber en
enfer. Il m’offense très gravement. Appelle ton Père spirituel, et
demande-lui l’autorisation pour que je fasse souffrir, pendant la
passion, d’une façon bien plus atroce, pour ce prêtre.
C’est
ce que j’ai fait.
Comme
mon Père spirituel m’y a autorisée, je suis de nouveau tombée au Jardin
des Oliviers, afin d’y souffrir bien atrocement. Je sentais avec quelle
gravité ce prêtre offensait Notre-Seigneur. Je sentais pareillement
l’indignation de Notre-Seigneur contre lui. Jésus me disait :
—
L’enfer ! L’enfer !...
Et
j’avais l’impression que ce prêtre allait vraiment y tomber. Alors, moi,
je disais :
—
Non, non, mon Jésus ! Pas en enfer ! Il pèche, mais je serai sa victime;
non pas uniquement lorsqu’il commet le péché, mais pendant tout le temps
que vous voudrez.
Notre-Seigneur m’a dit alors :
—
Il trompe les gens. Tous pensent qu’il est bon, mais il m’offense
beaucoup.
Et
moi, je disais :
—
Il trompe les gens, mais vous, il ne vous trompe pas ; oubliez, mon
Jésus; ayez compassion de lui.
Jésus
m’a dit son nom : c’est le Père X...
Pendant presque tout le temps qu’a duré la Passion, j’ai ressenti son
péché. Et Jésus était toujours très en colère contre lui, et me disait :
—
En enfer ! En enfer !...
—
Pas en enfer, mon Jésus ; je souffre pour lui. Immolé mon corps, mais
épargnez-le des peines éternelles.
Et
pendant toute la Passion je sentais la blessure qu’il produisait dans
Cœur de Jésus. Quelle blessure si douloureuse ! C’était comme des épées
qui, continuellement, blessaient mon pauvre cœur.
Mon
corps a été horriblement mal traité, mais le prêtre n’est pas tombé en
enfer; bénies souffrances !
Lors
des premiers moments de mon épuisement,
j’ai senti que Jésus et la Maman me caressaient. Elle s’est placée à ma
gauche et prenant ma tête, l’a posée sur son très saint Cœur et d'une
voix très tendre m’a dit :
—
Ma fille, aie courage : c'est pour mon amour, pour l’amour de mon
Jésus...
La
Petite-Maman m'a embrassée et m’a serrée très fort contre son Cœur, m’a
fait voir la lumière qui pénétrait les âmes et son triomphe à Elle...
Les
visites de la Maman du Ciel
se sont répétées: Elle me caressait, me prenait dans ses bras, me
couvrait de sa douce tendresse.
La
Maman qui console...
Hier,
jeudi, j'étais envahie par la douleur et par la peur, et aveuglée par
les ténèbres... Je voguais dans les airs, perdue comme l'oiseau qui dans
la tempête cherche une branche où se poser. Je n'ai pas trouvé où me
reposer.
Je me
suis lancée entre les bras de la Maman et je Lui ai dit que j'offrais ma
douleur afin que la paix revienne dans le monde.
J’ai
senti quelques moments de soulagement.
Pauvre de moi, si à ces moments-là la Petite-Maman ne m'avait pas
secourue! Je n'en pouvais déjà plus !
Je
suis alors partie vers le couronnement d'épines. Mes souffrances
augmentèrent. Je suis restée pour quelque temps dans le refuge du Cœur
de la chère Petite-Maman: j’ai reçu de ses lèvres célestes un tendre
réconfort et beaucoup d'amour, comme s'il s'agissait de l'eau d'une
source pure et cristalline.
—
Je t'aime parce que tu m'aimes et aimes mon Fils Jésus. Je t'aime
parce que je vois en toi la candeur du lys et de l'iris, et leur parfum
t'embaume.
J'aime tous ceux qui t'aiment et qui te soutiennent. Ils recevront
tout de moi et de Jésus.
Le 27
août 1941 j’ai eu la visite de Monsieur le curé accompagné du Père
Terças et d’un autre prêtre. Cette visite fut pour moi très agaçante,
parce que j’ai dû faire le sacrifice de répondre devant tous à une série
de questions du Père Terças. J’ai répondu consciencieusement à toutes
les questions, car j’ai pensé qu’il était venu pour faire une étude,
comme d’autres l’avaient fait. Cependant, le Seigneur seul sait combien
cela m’a coûté de devoir parler de la “Passion” ; et c’est surtout sur
celle-ci qu’il m’interrogea.
Monsieur le Curé m’a dit que le Révérend désirait revenir vendredi, 29
août.
Je ne voulais pas y consentir sans consulter mon directeur mais, m’ayant
dit qu’il devait repartir à Lisbonne ce jour-là,
j’ai cédé à sa demande, lui disant :
—
Je pense que vous ne venez pas ici par curiosité, n’est-ce pas ?
Ayant
été rassurée sur ce point, j’ai accepté, même si sa visite un vendredi
me déplaisait assez.
Il
est venu, mais accompagné de trois prêtres. J’étais bien loin de penser
que cette visite me préparait un nouveau calvaire : peu après il publia
tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait appris sur moi.
Que
le Seigneur accepte les souffrances qui m’ont été causées par cette
publication qui mis sur la place publique mes secrets cachés pendant de
longues années.
De
temps à autre, les commentaires qui étaient faits sur moi, me venaient
aux oreilles : c’étaient comme des épines que les gens involontairement
m’enfonçaient dans l’âme. Ceux qui lisaient cette revue là ou écoutaient
ce qui se disait sur moi, en recevaient des sensations diverses.
(...)
Je
sais que très peu personnes me comprendront, mais à moi, une seule chose
me suffit: Jésus comprend tout.
J’ai
su qu'hier déjà on s’informait sur une certaine Alexandrina de Balasar
et que des gens du village réclamaient la revue dans laquelle on parlait
de moi. J’ai beaucoup pleuré. Tournée vers le Tabernacle de l’église
j’ai dit à Jésus :
—
Vous avez permis que j’arrive à ce stade et Vous ne venez pas me
chercher pour aller au ciel !
Tout
d’un coup il m'est venu à l’esprit que je pouvais faire plaisir à Jésus
et je me suis dite :
—
Je ne pleure plus, parce que Jésus ne le veut pas. Je veux tout souffrir
pour le salut des âmes et par amour pour Jésus et la Maman du ciel.
En
effet, j’ai toujours le sourire, même si dans mon intérieur je pleure,
parce que dans mon cœur seule la souffrance règne. La publication de ma
vie est comme une épine qui ne cessera jamais de me blesser...
Sans
Directeur
Lors
de ma préparation pour recevoir mon Jésus [dans l’Eucharistie],
j’ai demandé à la Maman de me remplir d'amour et de me revêtir de sa
grâce et de sa pureté, de rendre mon cœur pur comme quand j’ai reçu mon
baptême, parce que Jésus comprends tout je voulais renaître en ce
premier jour de la nouvelle année pour aimer mon Jésus et ne jamais
l'offenser.
Jésus
est venu et a allumé dans mon cœur un peu de son divin feu ; il m’a
donné quelques rayons de sa lumière :
—
Ma fille, l’heure de me donner la plus grande preuve d’amour et
d’héroïsme est arrivée : cheminer sans lumière dans un complet
abandon...
Mon
âme semble se déchirer en morceaux. Ce ne fut que le 7 janvier, jour où
vous êtes venu me voir, Père, que ma souffrance, aussi bien physique que
morale, a connu une pause.
Il est vrai que Jésus me prive actuellement de tout, mais Il m’a donné
encore quelques heures de soulagement et quelques moments de douceur et
de suavité pour l’âme. Je m’en souviens avec peine et il me semble
mentir, car maintenant je n’ai pas de lumière...
Vivre
sans soutien me fait peur. J’ai tout perdu sur la terre et dans le ciel.
Je veux savoir aveuglément que Jésus et la Maman du ciel ne m’ont pas
abandonnée, mais je tombe dans le découragement, je reste abattue,
plongée dans la détresse.
—
Mon Dieu, mon Jésus, je crois en Vous, je crois en votre divin Amour
pour moi. Je Vous aime et je veux vous donner des âmes.
Hier
le médecin est resté ici presque deux heures. Jésus s’est servi de lui
pour adoucir ma douleur... J’ai encore sur la terre quelqu’un qui a de
la compassion pour moi. Cette pensée a redonné vie à ma fidélité...
Hier,
un journaliste de Lisbonne est venu ici ; je ne lui ai rien dit des
choses de Jésus, mais le fait m’a fait souffrir. Presque tous les prêtes
me cherchent: ils posent mil questions à Monsieur le Curé. Et tout cela
à cause des écrits du Père Terças. Si seulement je pouvais partir d’ici!
Je ne voudrais pas être connue; j’aimerais me cacher...
Aujourd’hui Monsieur le Curé est venu me lire deux feuilles du Père
Terças avec plusieurs demandes. Désirera-t-il continuer à parler de
moi ? Je lui ai dit ne rien avoir révélé des choses du Seigneur et que
je souffre du fait de lui avoir parlé. Ce n’est point la peur d’être
prise en quelque mensonge: je pourrais être interrogée des milliers de
fois que je dirais toujours la même chose, parce que la vérité n’a qu’un
seul chemin. C’est la blessure que je ressens qui m’oblige à procéder de
la sorte.
Vienne qui voudra: je ne parlerai cependant qu’avec l’autorisation de
mon directeur...
Combien douloureuse est ma souffrance !... Mon Dieu, Si du moins cette
croix n’était destinée qu’à moi seule! Mais, malheureusement, ce n’est
pas le cas. Il est inutile que vous, mon Père, que vous me disiez que
vous ne souffrez pas
:
je n’ai pas besoin d’autres témoignages, les sentiments de mon âme me
suffisent... Pour ma plus grande confusion je sens en être la cause de
tant de souffrance; je le suis et le serai la vie entière.
Je
serai aussi la cause de beaucoup d’humiliations et de souffrances pour
le médecin. Quelle triste récompense pour tout ce que vous avez fait
pour moi! C’est une chose bien involontaire ; je ne souhaiterais être
ingrate envers qui que ce soit.
Quand
je reçois Jésus je m’en rappelle aussitôt et je reste seule dans ma
douleur. Il me semble que si j’entendais Jésus, je ne l’écouterais pas
et Lui tournerais le dos, même si je ne l’ai jamais fait...
Combien grande est la peur de me tromper ! J’ai beaucoup pleuré et je
suis triste de mon comportement. Je ne voudrais pas recevoir la croix
avec des larmes, mais je n’ai plus la force.
Je
pleure, mais dans le cœur, la volonté de Le suivre, de Le consoler, de
tout souffrir par amour pour Lui et de Lui donner des âmes, est toujours
présente. Priez pour moi...
Vous
a-t-on interdit de venir ici ? On ne cesse pas de vous faire souffrir ?
On essaie de vous humilier et de vous déprimer davantage ? Jésus soit
avec nous ! Que nous vienne en aide la Maman du ciel et qu’elle nous
donne la force pour supporter autant de souffrance. Que tout ceci soit
pour la plus grande gloire de Jésus et un avantage pour les âmes...
Je
sens que vous souffrez presque tout seul... Mon Dieu, j’ai érigé un
calvaire pour mon Père spirituel qui a tant fait pour amener mon âme à
Jésus.
J’en
ai élevé un autre pour le docteur, qui se sacrifie tant pour mon corps.
O Jésus, ô Maman du ciel, appelez-moi à vous afin que je ne sois
davantage la cause de tant d’humiliations et de souffrances !... Je
préférerais souffrir toute seule. Si seulement j’avais pu souffrir cette
marée de souffrances et que personne n’en ait eu connaissance, excepté
Jésus ! Je voudrais disparaître du monde, de sous le regard de tous et
rester dans l’oubli...
Je
suis dans un état de révolte et je me sens seule, complètement seule...
Quelle horrible tempête !... Je suis au comble de mon agonie. Je crains
de devenir infidèle à mon Jésus : je n’ai pas de force pour en supporter
d’avantage... Quand viendra-t-il le ciel ? Pauvre de moi s’il tarde !...
Dimanche après-midi [8 février], vers le soir, un grand tourment envahit
mon esprit: la crainte de rester sans mon Jésus [eucharistique], que
Monsieur le curé, interdit par Monseigneur, l’archevêque, ne viendrait
plus me porter ; que tous les prêtres seraient défendus de venir me
voir, aussi bine que toute autre personne, sous peine d’excommunication.
Mon Dieu, sans avoir un prêtre pour me confesser, que dois-je faire ?
Faire en sorte de ne pas pécher, de ne pas causer, dans la moindre chose
de la tristesse à mon Jésus et Lui demander bien pardon. Mon Dieu, mon
Dieu, quelle confusion de devoir mourir ainsi, sans un prêtre !...
O mon
Père, une nouvelle souffrance vient de survenir: on m’interdit de
prendre conseil auprès de mon Père spirituel... À qui dois-je
recourir ?...
Les
hommes essaient d’éloigner et d’arracher d’auprès de moi pour toujours
celui qui m’aidait et pouvait me donner réconfort. Ils m’ont enlevé mon
Père spirituel, m’interdisant enfin toute correspondance. Consentez-moi
au moins, mon Jésus, de m’épancher avec Vous. Je me trouve seule au
milieu de la tempête qui ne se calme pas. Je Vous ouvre mon cœur. Il n’y
a que Vous qui puissiez lire tout ce qui s’y trouve écrit avec douleur
et sang. Vous seul pouvez évaluer mon sacrifice. Le monde l’ignore; les
hommes ne le comprennent pas.
Laissez-moi Vous dire ce que Vous avez dit à votre Père :
“Pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font”. Ils sont
aveugles, il leur manque votre divine lumière. Éclairez-les ; donnez
votre amour à tous.
O
Jésus, mes pressentiments ce sont réalisés !
Pourront-ils m’interdire de Vous recevoir sacramentellement ? Pauvre de
moi ! Ils me tueraient si Vous, avec votre pouvoir divin ne me
conserviez pas la vie. Qu’ils disent et qu’ils fassent ce qu’ils
veulent. Ils ne réussiront jamais à me priver de l’union intime avec
Vous.
Me
voler Jésus eucharistique ! Cela ne m’étonnerait pas qu’ils le fassent.
Mas arracher de mon cœur le Trésor si riche que j’adore et que j’aime
plus que toutes choses, « le Père, le Fils et le Saint-Esprit », les
hommes ne le pourront jamais. Pûssent-ils me faire vivre sans cœur et
sans âme. Impossible !
Que
vienne le monde entier avec toute sa force ; que tout s’oppose à moi :
seul le péché pourrait me séparer de cette grandeur infinie, de cet
amour sans fin.
Mais
j’ai pleinement confiance en Vous, mon Jésus. J’attends tout de Vous,
même si les sentiments de mon âme arrivent presque à me persuader que je
me trompe moi-même.
(...)
Quel
mal ai-je fait ? Quel crime ai-je commis ?... Mon Jésus, si ce n’était
pas par amour pour Vous, si ce n’était le désir de Vous ramener des
âmes, je me refuserais à tout...
Je
brûle du désir du ciel, mais je ne voudrais pas mourir de la sorte.
J’aimerai la mort que Jésus me donnera, mais pas celle que me donnent
les hommes! Je n’aimerais pas les laisser avec les remords de me l’avoir
donnée... Je ne sais pas comment je peux vivre ainsi.
Pour
le moment je vous ai, vous qui me soutenez dans un si pénible calvaire.
Pourront-ils dire aussi que les choses du Seigneur me viennent à la
suite des visites du médecin ? Je n’en doute pas. Mais dans ce cas, il
serait mieux de m’enfermer dans un cachot où personne ne puisse me voir;
ainsi je souffrirai toute seule et ne serai la cause des souffrances
d’autrui.
Il ne
manquerait plus qu’ils me prennent aussi mon médecin ! Grâces à mon bon
Jésus, je ne suis pas attachée aux choses de la terre, mais je ressens
le besoin que l’on m’aide à parcourir mon calvaire: toute seule je ne le
peux pas...
Quelques heures après ma “Passion” mon médecin m’a dit que ces
derniers jours l’état de mon cœur avait davantage empiré. Il m’inculqua
courage et fidélité. Je me suis épanchée à lui parce que je sens que le
Seigneur se sert de lui pour m’aider à poursuivre dans les chemins
épineux et difficiles. Je me suis sentie bien plus forte.
Vers
les six heures du, soir on m’apporta le courrier et immédiatement j’ai
découvert votre lettre. Aussitôt que je l’ai eue en main, les bras me
sont tombés et mon sang s’est glacé dans mes veines. Je n’avais pas la
force de l’ouvrir. Je me suis dite à moi-même : “Quoi qu’il arrive,
en avant ! Mon Jésus, j’accepte tout pour amour pour Vous et pour Vous
donner des âmes”.
J’ai
commencé à la lire, mais les larmes m’en empêchaient : c’étaient des
larmes de parfaite résignation. On dirait que l’on me perçait le cœur
avec une lance. Quelques jours se sont déjà écoulés et je me sens
pourtant encore dans le même état. C’est comme si je n’avais plus de
cœur et que la mort me guette. Dans mon fond intérieur, je disais :
“Pardon pour tous ceux qui sont la cause de cette mort.
Il
est vrai que Deolinda, plus d’une fois, goutte à goutte, m’avait
administré le “poison” que la lettre contenait, mais maintenant
c’est arrivé au comble : la dernière goutte de ce “fiel” si
désagréable.
Mes
larmes et ma prière à Jésus pour obtenir le pardon pour tous: voilà ma
vengeance.
Dans
cette triste lettre que je n’oublierai jamais, vous me dites que cela
est conforme à ce que vous supérieurs ont décidé ; que vous devez obéir
parce que le Seigneur le veut.
Je
suis d’accord. Obéissance, sainte obéissance, combien je t’aime ! Vous
ne voulez pas désobéir et moi-même, je veux que vous obéissiez. Plutôt
toutes les souffrances que la moindre offense envers Jésus. Celui qui
obéi fait sa sainte Volonté, mais malheureux ceux qui ne commandent pas
selon ses divins désirs! C’est pourtant qui arrive maintenant. Les
hommes s’opposent à la volonté de Jésus. C’est ce que ressent mon âme
remplie de douleur. Mon cœur vole comme un oiseau qui ne sait pas ou se
poser; je me trouve dans le supplice le plus douloureux.
Je me
suis confessée au Père Alberto Gomes
dans lequel j’ai entière confiance et en qui je vois toute la sainteté.
Je sens qu’il me comprend bien, mais ce n’est pas lui cette lumière que
Jésus m’a choisie, et non plus la source qui peut me rassasier. C’est
pour cela que je dis : “Malheureux ceux qui ne commandent pas selon
la volonté de Jésus !”
Je
continuerai de vous appeler mon Père spirituel sur la terre comme au
ciel. Quoi que les hommes disent ou fassent, cela ne sert qu’à m’écraser
de plus en plus et à m’ôter la vie...
Ne
vous souvenez-vous pas qu’il y a quelque temps j’avais eu le
pressentiment de ce qui arrive maintenant ? On vous interdit de venir
ici ! De m’écrire ! Volonté divine de mon Dieu, je t’aime plus que
tout...
O mon
Jésus, donnez-moi votre divine force ! Je veux cacher ma douleur. Toute
seule je n’y réussis pas. Que mon cœur pleure nuit et jour, si vous le
voulez, mais que mon regard soit joyeux et mes lèvres souriantes. Que
votre saint amour et les âmes soient le motif de ma souffrance !
Je
suis comme la colombe qui, dans son envol, secoue les ailes nuit et
jour, et ne trouve pas où se poser si vous ne venez pas à son secours.
Les forces lui manquent, elle est incapable de poursuivre son vol: c’est
moi qui navigue dans les airs, c’est moi qui suis tout près d’être
anéantie par la tempête ; je suis la plus indigne de vos petites filles,
sans lumière et sans soutien.
O
Jésus, je ne savais pas que j’avais encore tant à vous donner ! Combien
grande est mon ignorance ! Je pensais vous avoir tout donné. Je me
trompais : vous êtes venu faire la dernière moisson. Prenez tout,
hâtez-vous de tout prendre : moissonnez pour vous. Le vingt, je vous ai
donné mon Père spirituel jusqu’au jour on l’on voudra bien me le rendre
; je vous ai donné ses lettres qui m’ont servi de lumière et acheminée
vers Vous.
Vous
avez bien vu, ô Jésus, combien grand a été le sacrifice ! Non point pour
l’attachement à celles-ci, mais parce qu’elles m’ont été demandées lors
d’une journée remplie de tant de souffrances. Quand je les ai eues en
main pour les ficeler ensemble, vous, ô mon Seigneur, vous avez entendu
que je me répétais : “Jésus me les a données, Jésus me les reprend.”
Et
même en les rendant, je n’ai fait que répéter : “Jésus ne mérite-t-il
pas encore davantage ?... Tout cela est encore bien peu pour Lui sauver
des âmes...” Ce qui me peinait c’était de devoir servir
d’instrument pour faire souffrir les autres !...
O
Jésus... mon calvaire ne s’arrête pas. Les obscures ténèbres de la nuit,
ne finiront-elles jamais ?
Je n’aperçois même pas le chemin ; je ne puis ni avancer ni reculer ! Je
n’ai pas de guide ; je n’ai pas de vie. Le cœur et l’âme s’en vont en
morceaux. Par l’amour de qui j’accepte tout cela ? Pour Vous, ô Jésus,
uniquement pour Vous et pour les âmes. Servez-vous de ma tristesse et de
mon agonie, servez-vous du sacrifice qui m’a amenée à l’extrême limite,
pour donner la paix au monde et afin que Votre divin Cœur puisse avoir
de moi toute la joie, consolation et amour possibles.
(...)
Si je
ne vis pas pour sauver les âmes, si mes souffrances ne sont pas
suffisantes pour leur éviter l’enfer, oh ! alors, mon Amour, prenez-moi
avec Vous. Il n’est pas possible de vivre ainsi. Qu’il me reste au moins
l’espérance que mon agonie console votre divin Cœur.
Hâtez-vous, Jésus, de me secourir. Faites que je sois ferme dans mes
propos. Placez sur mes lèvres un sourire “trompeur”,
sous lequel je puisse cacher toute la souffrance de mon âme. Il suffit
que Vous seul connaissiez ma souffrance.
Examinez, ô Jésus, tout mon corps, tout mon cœur, toute mon âme: voyez
si Vous y trouvez encore quelque chose qui puisse vous être utile ; je
veux tout Vous donner.
La
privation de mon directeur spirituel et tous les sacrifices qui sont
venus par la suite m’ont portée à la plus grande souffrance. Et
maintenant, mon Jésus, le fait de le savoir aussi proche
pendant que moi, comme un oiseau pendant les jours d’hiver, je reste là,
affamée de ne pas pouvoir lui parler, de ne pas pouvoir recevoir de lui
aliment et vie pour mon âme... il y a de quoi mourir de douleur !
Que
seul votre amour règne: seul l’amour peut vaincre !
Je
Vous ai promis, ô Jésus, de souffrir en silence, de ne pas me permettre
un seul soupir afin que je puisse contenir toute la douleur de ma triste
épreuve. Et pourtant, maintenant je n’en peux plus, mon Jésus : les
humiliations, les mépris les abandons, m’écrasent...
Mon
âme ne ressent que peur et détresse.
Mon
triste cœur est angoissé de contenir le sang du monde entier afin de
paver tous les sentiers du Calvaire avec ces paroles de sang : l’amour,
l’amour de Jésus !
Malheureusement je n’ai rien et je n’arrive même pas, dans ma détresse,
à Le consoler et à L’aimer.
Mon
Jésus, les lettres de mon directeur m’ont été restituées. Pourquoi tout
cela ? Le sacrifice a été fait. Ce fut comme si on les plaçait sur un
cadavre qui ne ressent plus rien. Mais l’obéissance le veut et, moi je
l’accepte...
Jésus, m’entendez-vous ? On dirait que mes paroles sont suffoquées par
le poids de la mort. Je veux vous dire une fois encore :
—
“Je suis vôtre dans le temps et je serai vôtre dans l’éternité. Je me
donne seulement à vous, je ne veux appartenir qu’à vous”.
C’est
avec l’âme en agonie et le cœur écrasé par la douleur que mes lèvres
balbutient ces paroles: “uniquement par amour”.
De
noires ténèbres m’entourent : je marche au milieu de buissons épineux.
Je suis tout entière blessée: je sens le sang couler tout le long de mon
pauvre corps.
Je me
sens seule: on m’a volé le réconfort, le soulagement de l’âme, mon
soutien sur la terre. Quelquefois je ne supporte même pas la nostalgie
que j’ai de la Messe dans ma chambre...
Pardonnez, mon Jésus, à qui a été la cause de tout cela. Pour tous, je
vous demande compassion ; je Vous demande lumière pour leur cécité.
Sur
cette mer de souffrance, dans cette lutte contre de noires ténèbres,
dans cette nuit très opaque, mon âme jouit de la plus grande paix ; je
ne crains pas de comparaître en votre divine présence. Quelquefois il me
vient à l’esprit si cela ne serait pas de l’orgueil. Que jamais je ne le
connaisse. Serait-il né de mon ignorance ?
Vous
m’avez accordé la grâce de connaître l’abîme de ma misère, mais en même
temps je vois très bien je vois très clairement que l’abîme de votre
amour et de votre miséricorde est infiniment plus grand. Je confie
aveuglément en vous et j’espère en vous.
(Moments de la Passion)
Le
vendredi saint, 27 mars 1942, Jésus m’a dit :
—
Ne crains pas, ma fille ; tu ne seras plus crucifiée ; la crucifixion
que tu souffres est des plus douloureuses que l’histoire a pu
enregistrer.
—
Ne me dérobez pas vos forces, Jésus, afin que je puisse décrire de la
meilleure manière possible ce que j’ai souffert pendant la sainte
Passion. Que votre protection et votre amour ne me manquent pas non plus
à cette pauvre créature que je suis. Que tout soit pour votre plus
grande gloire et pour le salut des âmes.
Mes
yeux semblaient ne pas voir l’approximation de la passion. Mon
abattement m’épouvantait ; l’abandon dans lequel je me trouvais semblait
me conduire à la sépulture. Quel tourment ! Devoir lutter contre un
monde sans vie! Votre Vie et votre Amour sont descendus sur moi, j’ai
entendu votre Voix, douce et tendre :
—
Ma fille, amour de Jésus, courage ! Ne crains pas. Le chemin du calvaire
est presque terminé. Allons, viens, traverse les dernières épines : des
blessures causées par ces épines sortiront des sources de salut. Les
âmes ont besoin de tout.
Jésus est heureux de ta crucifixion ; Il trouve en toi toute la
réparation que l’on peut trouver sur la terre. Courage ! Jésus, avec sa
Mère bénie, nous ne t’abandonnerons jamais.
J’ai
cheminé vers le Jardin des Oliviers. Dans un total abandon, je
remémorais vos douces paroles, lesquelles, pendant un certain temps,
sont restées gravées dans mon cœur. Ensuite, à cause des coups et des
mauvais traitements de la part de l’humanité, tout a disparu. Et, dans
le Jardin des Oliviers, toute seule, dans un profond silence, dans la
plus grande obscurité, moribonde, je cherchais à me cacher pour
toujours, comme, si la terre aurait pu m’occulter à la justice du Père
éternel.
Mon
Dieu, mon Dieu... combien je me sens seule !
Pas
la moindre brise ne soufflait. Même les feuilles des oliviers restaient
immobiles, bien que les branches se courbassent jusqu’à terre en signe
d’adoration.
O
douleur, ô agonie de Jésus, ô amour de Jésus pour les âmes !
Mes
souffrances, ô Jésus, ne m’appartenaient point ! Elles n’étaient qu’à
vous, rien qu’à vous, mon Jésus.
J’ai
suivi les étapes de la Passion ; ici et là je tombais écrasée par la
souffrance. Très souvent j’ai invoqué : “Jésus, Petite-Maman,
donnez-moi de vos forces afin que les miennes se ressourcent”.
Merci, Jésus ! Avec vous j’ai résisté.
Lors
de la flagellation, protégée par votre divin Cœur, j’ai vu devant moi
les bourreaux tenant en main des fouets pour châtier mon corps. À
l’ombre de votre divin amour, je ne les craignais pas.
Au
couronnement d’épines j’ai vu entrelacer d’aiguës épines et fabriquer le
casque, afin qu’il soit enfoncé sur ma tête.
Je me
suis élancée sur le chemin du Calvaire, sans vitalité suffisante pour
arriver jusqu’au bout. Je ne pouvais pas avancer davantage : les forces
m’abandonnaient petit à petit.
J’ai
été clouée sur la croix : à chaque coup de marteau je m’évanouissais.
Le
Calvaire s’était obscurci. On n’entendait plus que les soupirs de la
chère Maman, étouffés par les blasphèmes : je les ressentais plus que
ces derniers dans mon cœur.
Depuis le Vendredi Saint
j’ai commencé à me sentir morte sur le Calvaire, entourée de ténèbres et
dans un grand abandon.
Tous
les lions sont tombés sur moi.
Mon
corps n’a pas reçu de sépulture. Des oiseaux de nuit, malgré les
épaisses ténèbres, voyaient bien mon corps, pour le manger. Je suis
restée ainsi dans cette souffrance. Maintenant je sens que ces oiseaux,
de leur bec, pénètrent mes os, les réduisant en cendres.
La
croix où j’ai été crucifiée est tombée à terre, mais, malgré cela, je
sens qu’une partie de mon corps y reste fixé par les clous. Ces
oiseaux-là ont encore beaucoup à dépouiller dans mon corps, qui n’a pas
la vie terrestre ; seul mon cœur sent une vie qui n’est pas humaine;
c’est une vie divine. Cette vie lui procure du sang, et l’humanité
entière, comme une volée d’oiseaux, boit cette vie. Je sens que ce n’est
qu’après que ces oiseaux de nuit auront réduit mes os en cendres, que je
pourrai partir.
Je ne
sens plus sur la croix, mais la souffrance est la même ; il n’est pas
moins douloureux. Les lions profitent maintenant davantage de ma chair,
qui est déjà en putréfaction et nauséabonde ; pendant que les oiseaux
s’attaquent à mes os et les taraudent. Vous ne pouvez pas comprendre
combien je soufre et, moi-même, je ne sais pas m’expliquer. Ils ont
laissé mon âme en pleine montagne, en butte au plus grand tourbillon,
noire, très triste, aride : ils m’ont abandonnée. Tous les lions sont
tombés sur moi! Combien est amère l’ingratitude des hommes!
(...)
Hier,
20 avril, quand j’ai reçu l’ordre de l’archevêque de me laisser
transporter à Coimbra pour être examinée par le docteur Elísio de Moura,
cette pensée m’a assaillie : Combien la souffrance est incomprise ! Je
suis sûre que si l’on goûtait, pendant quelques moments, ce qui arrive
dans mon corps, personne au monde n’aurait plus le courage de faire une
telle proposition.
Le
regard fixé dans le ciel, je peux dire : Que tout soit pour l’amour
de Jésus ! Lui, il est digne de tout. Les âmes méritent tout, parce
qu’elles sont le prix de son Sang.
L’agonie de mon âme continue de s’aggraver de plus en plus. Toutefois le
ciel peut mettre fin à tout cela.
Que
le Seigneur soit avec moi, car ce n’est qu’avec son aide que je peux
vaincre.
Je
demande à Jésus avec beaucoup de foi de mourir le 1er
vendredi de mai, afin de passer le 1er samedi au ciel.
Jésus
m’a dit le 2 mai (samedi) :
—
Bienheureux les humbles et les persécutés pour l’amour de Jésus. Ce sont
ceux-là les élus du Seigneur et les aimés de son divin Cœur. La mission
de la crucifiée de Jésus sur la terre est presque terminée. Jésus lui
donnera la mort la plus touchante, la plus remplie d’amour. Quelle
gloire pour le Portugal et pour le monde entier ! Quelle fête et quel
triomphe au Paradis !
Mais
l’agonie indicible de mon âme augmentait en sachant toutes les avanies
que l’on disait sur moi. Il me semblait que cela continuerait après ma
mort, causant ainsi de la peine à mes chers familiers. Mon désir serait
que toutes ses vexations meurent avec moi.
Mon
cœur est tellement blessé que l’on dirait qu’il n’a même plus la forme
d’un cœur humain. Toutefois, il est une source abondante de sang. C’est
la vie divine qui le fait ruisseler. Je sens que toute l’humanité y boit
avidement, de peur que le sang cesse de couler.
L’âme
affligée, je répétais : Combien je suis triste et combien sont amères
les derniers jours de ma vie ! De mon amertume tirez, o Jésus, douceur
et joie pour vous et bénéfice pour les âmes...
(...)
Jésus
est venu en disant :
—
Gloire, gloire, gloire à Jésus ! Honneur et gloire à Marie ! Le cœur du
Pape, cœur d’or, est décidé à consacrer le monde au Cœur de Marie ! Quel
bonheur ! Quelle joie pour le monde d’être consacré, d’appartenir plus
que jamais à la Mère de Jésus.
Le monde entier appartient déjà au Cœur de Jésus ; il va appartenir,
désormais, tout entier au Cœur Immaculé de Marie.
Mon
cher Jésus, ma chère Petite-Maman, je suis privée de mon Père spirituel,
justement en ces jours où j’en ai le plus besoin ! Je me sens abandonnée
de tous, excepté si, miraculeusement, même si peu souvent, vous me
donnez ce qui peut me réconforter.
Pardonnez à ceux qui m’ont blessée ; pardonnez toute leur cécité; car
moi-même je leur pardonne.
Dans
mon cœur il n’y a plus de place pour d’autres épées ; j’en ai souffert
dans tous les sens ; j’ai même reçu des chagrins de qui je m’y attendais
le moins.
O mon
Jésus, accordez à tous votre pardon, votre amour, votre compassion.
Purifiez, sanctifiez, brûlez dans votre divin amour et appelez vite
auprès de Vous votre petite fille agonisante...
—
Le Ciel, le Ciel est comblé de gloire ! Le Ciel est comblé de
triomphe !...
Une couronne merveilleuse, plus resplendissante que le soleil et que les
étoiles, est préparée pour la petite folle de Jésus. Jésus est le tout
de sa crucifiée. Jésus lui donne tout, afin de tout recevoir d’elle !...
(...)
Depuis le 24 mai — jour de Pentecôte — et journée pendant laquelle j’ai
demandé à l’Esprit-Saint toute la lumière et toute la flamme de son
divin amour, amour sanctifiant — l’état de mon âme s’est modifié...
Le 25
mai [ceux qui fréquentaient la maison] se sont aperçus qu’il y avait en
moi quelque chose de changée, mais ce changement n’était que la
transformation de mon âme. Je ne ressentais que rarement, les grandes
désolations, les ténèbres, les sécheresses et les épuisements, mais par
contre, je ressentais de grandes envies de m’envoler vers le ciel ; ces
désirs me donnaient des impulsions qui me faisaient lever comme si
j’avais des ailes pour prendre mon envol.
Je ne
peux pas rassasier mes aspirations et la nostalgie que j’ai des aliments
de la terre ; je soupire et je brûle du désir d’aller me rassasier des
aliments célestes...
Le
fil divin qui retient mon cœur dans sa demeure va bientôt se rompre : je
crois que sa solidité a été limitée. Ce qui lui a permis de ne pas se
rompre c’est que la tempête ne lui a causé que de petits dégâts, de
temps en temps.
Si,
maintenant je peux dire :
—
Le ciel est tout proche, je vais aller voir mon Jésus ! Je vais aller
voir ma chère Petite-Maman ! Je vais aller voir le Paradis ! Je vais
aimer éternellement mes amours: le Père, le Fils, le Saint-Esprit.
Je
quitte le monde sans regrets: je ne lui appartiens pas.
Le 25
mai j’ai prié ainsi :
—
Ave Maria, Mère de Jésus ! Honneur, gloire, triomphe pour votre Cœur
immaculé ! Ave Maria, Mère de Jésus, Mère de tout l’univers ! Qui ne
voudrait pas appartenir à la Mère de Jésus, à la Dame de la victoire ?
Le monde va bientôt être consacré tout entier à votre Cœur maternel !
Accueillez, Vierge pure, accueillez, Vierge Mère, dans votre Cœur très
saint tous vos enfants.
Il me
semble que la détermination du Saint-Père à vouloir consacrer le monde
fut ce qui m’oblige à rester encore sur la terre; triste exil que je ne
peux plus supporter...
Ma
vie !... Qu’un tout petit souffle de vie ! Tout juste un corps pour
souffrir et rien d’autre !... Des rayons divins m’ont entraînée tout
près des portes du Paradis... Mais, un je ne sais quoi d’humain m’oblige
à vivre sur terre, m’oblige à une continuelle immolation. Pauvre de
moi ! Et je ne peux plus attendre ! Je m’inquiète et je regarde mon
corps, pour voir s’il existe encore; ce qui se passe en lui, Dieu seul
le sait. On dirait même que je ne peux pas m’unir à Jésus ni à l’amour
qui me tuera. Voila ce que c’est que la vie de victime ! Malgré cela, je
n’ai pas de regrets de m’être offerte à Jésus, pour les âmes !
Je
creuse ma sépulture. Le terrain où je la creuse n’est pas sûr ; il est
même répugnant ; il est rempli de pourriture : c’est le terrain, c’est
la sépulture mondiale. Quelle horreur !
Je
sens comme, si à l’intérieur de moi, il y avait quelqu’un en larmes,
poussant de grands soupirs, dans une tristesse sans égale. En observant
toute cette putréfaction je sens toujours mon corps blessé, la tête
couronnée d’épines, les plaies ouvertes et, celle de mon cœur toujours
renouvelée par la lance.
Sur
la terre je n’ai pas de vie ni rien qui me satisfasse: seul le ciel !
Seul le Ciel ! Seul le ciel sera ma vie; ce n’est qu’au ciel que mes
désirs seront comblés.
Je
peux presque déjà entrer au ciel au prix de tant de douleur. La tempête
semble s’apaiser. Mais quelle grosse averse ! Quelle fureur, quelle
fureur qui a tant blessé mon pauvre cœur ! Mon Jésus, puis-je entrer !
Je ne sais pas quel est l’état de mon âme ! C’est comme si je me
trouvais entre le Purgatoire et le Ciel : la plus part du temps, je ne
ressens pas une très grande douleur, mais non plus une grande
jouissance. Toutefois, par moments — pauvre de moi, ô Jésus ! — je me
vois au bord d’un abîme, sans rien à quoi je puisse me soutenir. Vais-je
y tomber ? Venez, mon Jésus, venez me libérer d’une pareille horreur;
soutenez-moi, écartez-moi de lui !
(...)
Mon
état est grave; mes souffrances sont très douloureuses. Mais à
l’intérieur de moi est né un désir irrésistible de dicter quelques
paroles pour vous, mon Père. Les forces qui vous parlent ne sont pas les
miennes : je n’en ai plus, car je suis exsangue. Mais c’est le cri de ma
volonté ; c’est un léger souffle de vie qui vous parle. Mon corps ne
sert à rien d’autre que pour souffrir; je n’éprouve rien d’autre. Je ne
suis plus qu’une petite bulle d’écume qu’un rien fait disparaître.
Les
sentiments de mon âme sont étranges. Je me trouve comme dans un endroit
où l’on ne ressent ni joie ni peine. Je sens comme si les hommes
m’avaient attachée à la terre, m’obligeant à suspendre mon voyage. Je
vis arrêtée, voisine du ciel, mais sans pouvoir entrer. De temps à autre
il me venait une très grande nostalgie de ma patrie céleste, capable de
m’enlever mil vies; cette nostalgie est presque insupportable ; j’ai
envie de pleurer, de beaucoup pleurer. Il me semble que la mission que
Jésus m’a confiée soit accomplie. Je reste là, mais je ne fais rien. Je
suis, toutefois convaincue que Jésus rompra ces liens qui empêchent mon
envol vers le ciel...
Je
continue le jeûne et je ne peux même pas rassasier avec goût la soif
brûlante qui me consume. Je peux boire quelques gouttes qui ne me
soulagent que très peu.
Je ne sais pas expliquer la nostalgie que j’ai des aliments. Je ressens
le désir de tout porter à ma bouche ; j’aimerais me nourrir des aliments
qui me plaisent, mais je ne le peux point.
Grâce
à Dieu, mon intelligence est très vive. J’offre à Jésus, par amour pour
Lui, mon martyre et aussi pour obtenir la lumière pour ceux qui sont
privés sur la terre, de lumière et de confort...
—
Triomphe ! Triomphe ! Gloire, gloire à Jésus et Marie ! Paix pour
l’humanité ! Jésus se réjouit, Jésus est heureux. La Reine du ciel, la
Reine du monde triomphe en lui !
La
Mère de Jésus et les victimes apportent la paix dans le monde. C’est la
Mère de Jésus, avec la petite folle de l’Eucharistie !
Pénitence ; faites pénitence et remerciez le Ciel ! Pénitence pour
réparer, remerciements en reconnaissance des moyens utilisés par Jésus
pour sauver ses enfants.
(...)
[La paix] ne tardera pas, oui, elle ne tardera pas, ma bien-aimée !
Mais, malheur au monde, s’il ne se convertit pas ! Pauvre de lui, s’il
n’abandonne pas ses crimes qui ont tant déchiré le divin Cœur de Jésus !
(...)
Quand, par télégramme, j’ai eu la nouvelle de la consécration du monde à
la chère Maman du ciel,
Jésus m’accorda de cours instants de consolation. Au comble de ma joie,
je ne savais comment remercier Jésus et Marie. Les mains levées vers le
ciel, je me suis exclamée :
—
Béni soit Jésus ! Bénie soit la Petite-Maman !
J’avais envie, à ce moment-là d’introduire moi-même le Saint-Père dans
les Cœurs de Jésus et Marie: quelle joie !
D’une
façon imprévue, j’ai ressenti une très grande humiliation : je me suis
sentie méprisée ; et le léger souffle de vie qui me restait commença
d’être un néant qui peu à peu s’enfonçait dans la terre, jusqu’à
disparaître. Toutefois, même dans cet état j’ai continué de remercier.
J’ai récité le “Magnificat” et j’ai fait allumer une lampe en
l’honneur de la Maman du ciel.
Mon
Père, mon jeûne continue ; je n’ai pas faim, mais je ressens une très
grande envie de tout porter à la bouche. Si vous saviez combien m’est
coûteuse cette souffrance! Je l’offre à Jésus pour les âmes !...
En voyant la Vierge de Fatima...
Mon
cœur semblait ne plus tenir dans ma poitrine, à cause de la violence de
ses battements.
Je me
sentais attirée par Elle:
j’ai eu l’impression de sortir de moi-même et d’être transportée dans
une autre région : je ne vivais déjà plus sur la terre.
Je ne
sais pas combien de temps j’y suis restée.
La
grande épreuve
Ma
fin n’est pas encore pour tout de suite: c’est là un sacrifice
supplémentaire. Que cela soit pour la gloire de Jésus et le salut des
âmes.
Dois-je encore attendre longtemps avant que les hommes ne se soumettent
à la volonté de Dieu ? Je suis impatiente et je dis à Jésus :
—
Mon cœur bat de moins en moins. Je ne peux plus attendre. Je n’ai commis
aucun délit, pour qu’il me soit appliqué un aussi grave châtiment.
Pauvre de moi, si je devais être jugée par les gens ! En vérité ils ont
raison de mal me juger : sans le Seigneur je serais capable de faire ce
qu’ils disent et encore pire.
D’après les paroles de Jésus, auxquelles je crois aveuglément, il me
semble que ma vraie vie soit proche: le ciel, oh le ciel! Je vais être
heureuse au ciel!
Le 13
décembre, de bon matin — ce ne fut pas un rêve, non plus une illusion —
j’ai vu la Notre-Dame de Fatima élevée — je ne sais pas sur quoi elle
posait — à une grande hauteur. Autours d’Elle, en bas, une grande foule
Qu’elle regardait avec tendresse. Je me suis trouvée hors de moi-même:
il me semblait avoir été transportée dans une autre région.
(...)
Mon
âme souffre beaucoup après la consécration du monde à la Maman chérie...
(...)
Ma
fièvre continue... mes sueurs ne s’expliquent pas ; je ne sais pas
comment je peux vivre ; cela seulement devrait arriver à donner
lumière...
Révérend Père Provincial,
Cette nuit, vers deux heures et demie, j’ai demandé à ma sœur de bouger
mon corps couver de sueur. La vie semblait me quitter, les forces me
manquaient. Mon âme, toujours désireuse de s’envoler vers Dieu, était
dans une douloureuse agonie. J’avais besoin de soutien: elle voulait de
la lumière, cette lumière que peu de prêtres savent donner aux âmes.
Toute seule avec Jésus, intérieurement, je Lui disais :
—
Donnez-moi le Père spirituel, donnez-le-moi de nouveau, bien que vous
l’ayez éloigné de moi, grâce à cette union qui n’est pas toute à fait,
ou presque, comprise. Mais maintenant, mon Jésus, celle-ci ne suffit
pas, je ne peux pas vivre ainsi.
La
paix m’a envahie et l’idée de vous écrire m’est venue, pour vous
demander, par l’amour de Jésus et des douleurs de Marie, de permettre au
Père Mariano Pinho de venir et de reprendre la direction de mon âme,
pendant le peu de jours qui me restent à vivre.
Très souvent j’ai eu l’idée de m’adresser à vous, mais aussitôt mon idée
était étouffée par la crainte et par quelque chose d’autre qui ne me
permettait de l’écrire. Mais, cette fois-ci elle a été durable et menée
à bien.
Ce
n’est pas moi qui l’ai choisi [comme directeur spirituel]. Il y a dix
ans, j’étais seule, sans guide, et très éprouvée entre quatre murs
depuis huit ans. Le Seigneur a eu pitié de moi, il me l’a choisi et me
l’envoya. Ce fut alors, qu’en suivant ses saints conseils, que j’ai
connu alors davantage le Seigneur. Depuis treize mois déjà il est
interdit de venir ici. Jésus seul sait combien cela m’a coûté, aussi
j’ai tout souffert par amour pour Lui. Maintenant, toutefois, j’ai
besoin de quelqu’un qui me soutienne ; je ne peux plus vivre dans un
martyr pareil. Si vous pouviez voir, rien que quelques instants ce que
je souffre dans mon corps et dans mon âme, et combien j’ai souffert
pendant cette période, je suis sûre que vous auriez pitié de moi. Ma
fièvre est montée à 40° et plus ; des douleurs horribles agitent et font
trembler mon corps, comme une tempête qui voudrait tout détruire.
Je
me suis vengée et, ma vengeance continuera au ciel, à l’égard de ceux
qui ont été la cause de ma souffrance. Savez-vous quelle sera ma
vengeance ? Je prierai et je demanderai, pour eux, le pardon.
J’implorerai pour eux la lumière afin qu’ils vivent de la vie intérieure
de Jésus et ne soient plus des obstacles pour d’autres âmes éprises de
Dieu et ayant besoin des lumières et du soutien de saints directeurs.
Êtes-vous fâché contre moi ? Ne le soyez pas! Je sais que je suis
méchante, et la créature la plus misérable, la fille la plus indigne de
Jésus, mais pour cette raison même digne de compassion. Moi, sans la
grâce de Dieu, je me crois capable de faire et d’être tout ce de quoi on
m’accuse auprès de vous; toutefois, avec la grâce et toute la force du
Seigneur, mon innocence sera reconnue.
Permettez-moi, Révérend Père Provincial, de vous demander, une fois
encore, pour l’amour de ce qui vous est le plus cher au ciel et sur la
terre: permettez à mon Père spirituel de venir m’assister pendant mes
derniers jours; qu’il apporte les dernières lumières, les derniers
conseils à cette pauvre qui espère aller bientôt au ciel.
Je
fais confiance à Jésus et à la Maman du ciel pour que je ne sois plus un
motif de honte pour votre Ordre.
Adieu, Révérend Père. Veuillez me pardonner. Je n’ai rien fait dans
l’idée de vous offenser. Je ne veux offenser personne et encore moins
les disciples de Jésus. Ayez l'obligeance de me pardonner. A nous revoir
au ciel.
(...)
Après
la Communion Jésus m’a parlé ainsi :
—
Te voici à l’ombre de l’Eucharistie ; c’est l’aliment qui fait germer
les vierges les plus pures, les plus chères, les plus aimées de mon
divin Cœur. Combien tu me dois, ma fille, et combien me doit l’humanité
entière pour l’institution de cet Aliment sacré !
Comme Je me sens bien à l’ombre de ton cœur ! Ici Je trouve toute la
richesse, toute la pureté, tout l’amour. J’y trouve tout ce que
J’attends d’une âme qui n’appartient qu’à Moi. Je Me donne à toi par
amour...
(...)
Le
premier mai, Jésus m’a encore parlé et Il m’a dit :
—
Ma fille, combien belle est une âme en état de grâce ! Oh! la beauté et
les charmes d’une épouse de Jésus ! Jésus s’est épris d’Alexandrina ; Il
l’a préparée pour en faire son tabernacle sur la terre. Réjouis-toi, ma
petite fiancée, réjouis-toi avec ton Jésus. Que le monde dise et fasse
ce qu’il veut : Jésus est à toi, tout à toi; tu es à Lui, toute à Lui.
L’aveuglement de mes disciples et de ceux qui se disent mes amis me font
davantage de peine que les délits des pécheurs. Jésus immole ses
victimes pour les sauver. Et ceux qui devraient toujours posséder la
lumière divine n’en veulent pas, ne la cherchent pas et essaient de
détruire les causes les plus sublimes et les plus chères à Jésus, ce
Qu’il a préparé de plus riche dans le monde, de plus grande gloire pour
Lui et encore davantage pour les âmes.
Courage, petite fille ! Celui qui est avec Jésus ne craint rien. Celui
qui Le possède a toute la force. Courage, mon aimée ! Ce sont les
derniers combats... Après ce sera le Ciel.
Si
d’un côté les épines me blessent et la montagne escarpée de mon Calvaire
me mène à un plus grand désarroi, me laissant par terre dans la nuit la
plus obscure et les plus grandes et poignantes souffrances; d’un autre
côté j’ai la voix douce et suave de Jésus qui me dit :
—
Courage, ma fille, c’est pour moi que tu souffres ! Aie courage ! Je
suis Jésus !
Cette
voix m’oblige à me lever et à cheminer avec lassitude. Jésus m’appelle,
il veut ses âmes. Et par où je chemine! Pauvre de moi ; quelle aveugle
je suis ! Je ne vois rien ! Après m’être levée, je n’ai pas de lumière
sur mon chemin; je n’entends pas la voix divine qui m’appelle. Mon Dieu,
si vous me manquez, je n’ai plus personne. Ayez compassion de moi !...
Combien ont de la haine envers moi; combien me méprisent; combien me
calomnient! Quand je m’interroge, me disant : — “Quel mal leur ai-je
fait ?” — aussitôt la pensée me vient : — “Quel mal nous a fait
Jésus, sinon de nous aimer et de mourir pour nous ?” Et aussitôt je
me sens obligée de leur pardonner et de répéter bien souvent :
“Pardonnez leur, mon Jésus, faites qu’ils se convertissent et ouvrent
leurs cœurs à votre divin Amour. Mais vous seul, mon Amour, connaissez
mon amertume !...”
Je me
sens seule. Un incendie s’est allumé en moi, un incendie qui a tout
enflammé et tout détruit.
J’ai tout perdu. Et vous même, mon Jésus, vous n’êtes plus descendu dans
ma chambre par le saint sacrifice de la Messe... Quelle nostalgie,
quelle douleur ; on m’a tout volé ! Ayez compassion, Jésus, de ce
faible souffle de vie, qui n’est même plus comme l’agonisant qui par
moments peut encore respirer. Regardez, Jésus, je suis encore plus à
plaindre que cet agonisant. Ma respiration est de plus en plus lente ;
on dirait que je ne respire que par intermittences de plusieurs jours,
ce qui fait que ma vie s’essouffle doucement. Je suis comme une lumière
qui s’éteint, pour ne plus jamais s’allumer. Mes yeux semblent avoir
perdu la lumière de la terre ; je ne peux plus vivre la vie humaine.
Mais, malgré cela, j’ai confiance en vous.
Laissez que ma confiance puisse aller aussi loin qu’il lui soit permis ;
laissez qu’elle augmente autant que possible. J’ai choisi de vivre entre
vos très saints bras et dans votre très saint Cœur, que j’ai choisi pour
demeure. Comme il est doux de vivre et de mourir avec vous, mon Jésus !
Que m’arrivera-t-il encore ? Arrive ce qui doit arriver. Enchaînée par
les liens de votre amour, que puis-je craindre ? La tempête ne s’arrête
pas. J’entends le sifflement des vents furieux et destructeurs.
J’entends le roulement du tonnerre qui fait tout trembler. Laissez-moi,
ô Jésus ! Ou plutôt, permettez que je fixe, d’une fois pour toutes, mon
regard sur votre divin regard, afin de ne plus m’éloigner de vous, afin
d’accepter le martyr que vous voudrez que je souffre; afin de ne plus
vouloir que ce que vous voulez vous-même. Je veux vivre de vous et pour
vous, ne rien craindre ; être forte avec vous ; ne craindre que le
péché, en ayant devant les yeux toute l’étendue de ma misère. Que
suis-je sans Jésus ?
Pour
satisfaire aux désirs de Monseigneur l’Archevêque, je me suis soumise à un
autre examen médical qui a eu lieu le 27 mai 1943. Quand celui-ci m’a
été annoncé,
une nouvelle souffrance s’empara de mon esprit. Mais voyant en tout cela
la très sainte Volonté de Dieu, comme toujours, par obéissance, bien
qu'un nouvel examen médical fût pour moi bien pénible, j’y ai consenti.
Lors que j’ai appris la date de celui-ci, j’ai ardemment prié la très
Sainte Vierge de me donner la sérénité nécessaire pour tout supporter
avec courage et résignation, pour Jésus et pour les âmes.
Le
jour fixé, mon médecin traitant, le docteur Henrique Gomes de Araujo, et
le professeur Carlos Lima, sont venus chez nous. Je
suis restée calme et sereine ; le Seigneur m'avait exaucée. L'un des
médecins m'a demandé, tout à coup, si je souffrais beaucoup, pour qui
j'offrais mes souffrances et si je souffrais volontairement. Il m'a
demandé si je serais contente si le Seigneur, d'un moment à l'autre, me
libérait de mes douleurs. Je lui ai répondu qu'en vérité je souffrais
beaucoup, que j'endurais celles-ci pour l'amour de Dieu et pour la
conversion des pécheurs. Ils m'ont demandé quel était mon désir le plus
grand. J'ai répondu : — Le Ciel.
Alors
l’un d’eux m’a demandé si je désirais être sainte, comme sainte Thérèse,
comme sainte Claire, et bien d’autres, et être mise sur les autels, en
laissant comme elles une grande renommée dans le monde. J'ai répondu :
—
Célébrité ?... C'est ce qui m'intéresse le moins !
Pour
éprouver ma foi en Dieu, il m'a posé encore cette question :
—
Si pour sauver les pécheurs il était nécessaire de perdre ton âme, que
ferais-tu ?
—
J’ai pleinement confiance que la mienne serait sauvée, en sauvant celles
des autres ; mais si je devais la perdre, je dirais non au Seigneur ; Il
ne me demanderait jamais une pareille chose. Je peux toutefois dire que
j’ai offert au Seigneur mes yeux, qui sont ce que j’ai de plus cher dans
mon corps, si cela était nécessaire pour la conversion d’Hitler, de
Staline et de tous les autres fauteurs de guerre.
—
Et pourquoi ne manges-tu pas ?
—
Je ne mange pas parce que je ne le peux pas; je me sens rassasiée, je
n’en éprouve pas le besoin, par contre j’ai la nostalgie des aliments.
Après
cela les médecins ont commencé l’examen que j’ai accepté dans une bonne
disposition. Ce fut un examen rigoureux, mais en même temps je dois dire
qu’ils ont usé de délicatesse envers mon pauvre corps. A la fin, étant
donné que je n’étais pas en état de supporter un voyage, ils ont décidé
de faire venir chez nous deux religieuses infirmières afin que celles-ci
s’assurent de la véracité de mon jeûne.
Quand
les médecins sont partis, le Seigneur m’a fait comprendre que leurs
décisions ne se réaliseraient pas, et je suis restée alors dans
l’attente de leurs nouvelles et de leurs instructions.
Le 4
juin le docteur Azevedo et le Père Alberto, mon confesseur, sont venus
m’annoncer la décision des médecins, et me convaincre, moi et ma
famille, de l’opportunité d’aller au “Refuge de la Paralysie
Enfantine” de Foz.
Je devais être placée dans une chambre sous surveillance, pendant un
mois, pour un contrôle plus direct de tout ce qui se passait en moi.
Moi, sur le coup, j’ai dit non, mais aussitôt je me suis avisée, pensant
à l’obéissance que je devais à l’Archevêque, et pour ne pas mettre dans
une situation délicate mon directeur, le docteur Azevedo et tous ceux
qui s’intéressent à moi. J’ai donc accepté la proposition, mais j’ai
posé quelques conditions :
1 —
pouvoir communier tous les jours ;
2 —
d’être toujours accompagnée de ma sœur ;
3 —
de ne plus être soumise à aucun autre examen, car je partais pour des
observations et non point pour des examens.
Pendant les jours où je suis encore restée à la maison, j’ai demandé à
Jésus et à la Maman du Ciel de me donner force et courage ainsi que
force et courage pour les miens, qui étaient désolés. Combien de fois,
pendant la nuit, le cœur oppressé et les larmes aux yeux, j’ai supplié
Jésus de m’aider car j’avais l’impression que toutes mes forces
m’abandonnaient et que je me voyais sans courage pour moi-même, et
encore moins pour en insuffler aux autres !
Le 27
mai jésus m’avait dit :
—
Ma fille, ne craint pas. Tu n’as aucune raison de craindre. Tu as en toi
la Force qui est du Ciel et de la terre. La Chair et le Sang de Jésus
sont ton aliment. Imprime sur ton cœur Ma divine Image, et dans les
moments d’affliction regarde et contemple le crucifix. Le courage
viendra. Un raz-de-marée de délits s’abat sur le monde : aie compassion
de Ma douleur, répare pour les pécheurs. Aie courage ! Ma divine Volonté
s’accomplira.
Le 5
juin Jésus me dit encore :
—
L’âme fidèle ne craint pas la croix ; elle la prend, l’embrasse, la
caresse, la porte par amour. Les épines avec lesquelles Jésus pare ses
victimes sur la terre, se transforment, au Ciel, en pétales des plus
belles roses.
(...)
Dis à ta sœur qu’elle t’accompagne dans tes douleurs, dis à tous ceux
qui t’aident de t’accompagner dans ton douloureux calvaire, car les
premières grâces et les premières bénédictions seront pour eux.
La
veille [9 juin],
après avoir offert au Seigneur le sacrifice de mon départ, sans aucune
lumière, du plus profond de mon cœur, j’ai dit :
—
O mon Jésus, je ne veux faire que votre très sainte volonté !
Tour
d’un coup, par son infinie bonté, je L’ai entendu :
—
Courage, ma fille... C’est pour ma cause, c’est pour les brebis que mon
divin Cœur aime tendrement.
Le 10
juin arriva et, tout était prêt pour le voyage vers l’hôpital de Foz do
Douro. Un immense chagrin s’empara de moi, mais en même temps un grand
courage m’est venu qui me permis de cacher tout ce qui se passait dans
mon âme. Je déposais toute ma confiance en Jésus, et j’étais si certaine
de son aide divine, que je pensais que s’il en était besoin, Il
m’enverrait ses anges pour m’aider dans l’exil où me voulaient les
hommes.
Quand
le médecin — Dr Azevedo — est arrivé pour me prendre, il n’a pas eu le
courage de me dire qu’il nous fallait partir ; c’est moi qui suis
intervenue, lui disant :
—
Allons, docteur, pour revenir il nous faut partir !
Nous
avons pris congé. Jésus seul sait ce que m’a coûté la séparation des
miens qui, remplis de douleur, m’entouraient et m’embrassaient. Moi je
ne faisais que fixer le Cœur de Jésus et de la Petite-Maman pour leur
demander de la force.
En
descendant les escaliers sur un brancard, j’ai dit aux miens, pour les
encourager :
—
Courage ! Que tout ceci soit pour Jésus et pour les âmes !
Mais
je n’ai rien pu dire d’autre, tellement mon cœur était oppressé, et
aussi pour retenir mes larmes. Il le fallait pour ne pas augmenter
davantage leur chagrin.
À
peine déposée dans l’ambulance, j’ai été entourée par une centaine de
personnes, qui avaient les larmes aux yeux. J’ai entendu aussi les
sanglots de ma mère et des autres parents. La douleur qu’alors j’ai
éprouvée est indicible. J’avais hâte de partir, et partir vite ; mon
cœur battait si violemment que j’avais l’impression qu’il me cassait les
côtes. J’ai dit alors à Jésus :
—
Acceptez toutes les pulsations de mon cœur comme autant d’actes d’amour
pour le salut des âmes.
Le
voyage fut difficile. Je pensais que mon cœur n’y résisterait pas. De
temps en temps je regardais ma sœur ; elle était si abattue ! Le médecin
disait qu’il n’était pas difficile de voyager avec des malades comme moi
parce qu’il me voyait toujours souriante. Mais Jésus seul sait combien
grande était l’amertume de mon cœur et les tourments de mon pauvre
corps. À cause des secousses de l’ambulance je me sentais déprimée, mais
je répétais inlassablement :
—
Tout pour votre amour, Jésus ! Que l’obscurité de mon âme puisse
éclairer d’autres âmes !
Près
des dernières maisons de Balasar, Monsieur Sampaio releva les rideaux de
l’ambulance. J’ai remarqué que le médecin avait les larmes aux yeux. Je
lui ai dit :
—
Nous voilà bien !
Et je
lui ai demandé ce qui se passait. Il m’expliqua alors que sur le bord de
la route quelques enfants nous avaient jeté des fleurs. Je me suis
sentie toute attendrie et c’est avec peine que j’ai pu retenir mes
larmes.
Quand
nous sommes arrivés à Matosinhos,
le médecin décrocha les rideaux afin que je puisse regarder la mer. Un
énorme silence m’envahit et, en observant le continuel va-et-vient des
vagues venant mourir sur la plage, j’ai demandé à Jésus que mon amour,
lui aussi, soit continuel et permanent.
Arrivés près du “Refuge”, le docteur Gomes de Araujo s’opposa à
ce que l’ambulance s’avance jusqu’à la porte. Il chargea quelques hommes
de prendre mon brancard et de m’emmener ainsi, après m’avoir recouvert
le visage afin que personne ne me reconnaisse. Mon cœur s’est attristé
davantage, me représentant ce que ce serait de passer de longs dans un
tel établissement. Ainsi recouverte il me semblait être dans un cachot
et je me demandais à moi-même :
—
Quel crime ai-je commis ?
La
montée des escaliers du “Refuge” m’a causé bien des peines car
l’on me portait la tête en bas.
Ce ne
fut qu’une fois dans ma chambre que mon visage fut découvert. Là j’ai
été entourée par le docteur Araujo et par quelques dames qui devaient
m’assister. Ensuite on m’a placée dans mon lit.
À ma
sœur ils avaient attribué une autre chambre, contrairement à ce qui
avait été convenu. Ce fut l’un des plus grands sacrifices que l’on
pouvait exiger de moi : comment pouvais-je rester sans elle ; Elle qui
savait comment me bouger quand c’était nécessaire et m’aider avec de
bonnes paroles qui m’étaient d’un grand secours pour supporter mon
douloureux calvaire.
À
peine m’avait-on allongée sur le lit que Deolinda s’est présentée sur le
seuil de la porte avec la valise contenant le linge. Le docteur Araujo,
la voyant, hurla comme un forcené :
—
Hors d’ici cette valise !
Ce
fut là une autre épine parmi tant d’autres. Ensuite il commença à donner
ses ordres :
—
Mesdames les assistantes, la malade peut dire tout ce qu’elle voudra,
mais vous n’êtes pas autorisées à lui poser des questions.
Ces
ordres ayant été donnés, il se retira et je suis restée seule avec le
médecin
et deux dames; celles-ci ayant été désignées pour rester en permanence
auprès de moi pour surveiller tous mes mouvements.
Quand, déjà il faisait nuit, le docteur Azevedo se préparait pour
partir, je n’ai pas pu retenir davantage les larmes. Lui alors, bien
plus qu’avec du respect, avec tendresse pour ma douleur, il m’a dit :
—
Ayez du courage ! Demain je reviendrai.
Oui,
j’ai pleuré malgré moi, mais j’ai offert mes larmes si amères à mon
Bien-Aimé Jésus. Me voyant ainsi désolée il fut admis que ma sœur reste
dans ma chambre avec l’une des surveillantes, afin qu’elle lui apprenne
la façon de me bouger. Mais il m’a été précisé de suite :
—
Seulement cette nuit, jamais plus !
Le
lendemain, vendredi, commença pour moi, dans cette maison, un vrai
calvaire. À l’heure de l’extase, comme il arrive tous les vendredis, ma
sœur est entrée ; le docteur Azevedo, monsieur Sampaio et une infirmière
étaient déjà présents. Aux observateurs présents, aucun détail n’a
échappé, et tout a été divulgué et commenté. Par exemple que monsieur
Sampaio avait sorti sa montre, que ma sœur s’était agenouillée en
entendant les paroles de l’extase ; que l’une des infirmières avait
pleuré, etc.
Le
docteur Azevedo, comme toujours, a écrit le colloque de l’extase pour le
remettre aux médecins.
Deolinda, qui avait reçu l’ordre de ne plus revenir dans ma chambre,
était attristée et elle dit :
—
Ne pourrais-je voir ma sœur même si ce n’est que depuis le seuil de la
porte de la chambre ? Pensez-vous que mon regard puisse l’alimenter ?
Inclinée sur mon lit elle pleurait, inconsolable. Ce fut alors que je
lui ai dit :
—
Ne t’affliges pas, le Seigneur est avec nous.
L’assistante qui avait pleuré pendant l’extase, lui tapant sur l’épaule
lui dit :
—
Ne pleurez pas. Le docteur Araujo est un homme d’une grande charité.
Il a
suffi cette phrase à l’adresse de ma sœur pour que cette assistante soit
démise de ma surveillance ; nous ne l’avons revue que dans les derniers
jours, mais accompagnée, quand déjà ils avaient les preuves de la
vérité. Ceci est arrivé à cause d’une assistante qui a été mon bourreau
pendant toute la durée de mon séjour au “Refuge”. Elle ne peut
pas s’imaginer ce qu’elle m’a fait souffrir. Que le Seigneur lui
pardonne.
Dans
la nuit du vendredi au samedi j’ai eu l’une de ces crises de
vomissements qui me font tant souffrir. Cela m’a été d’autant plus
pénible que je n’avais personne pour me soutenir.
Le
samedi le docteur Araujo est revenu pour voir comment j’allais et pour
se renseigner sur ce qui était arrivé. Ma prostration était telle que je
ne me suis même pas rendue compte quand il a frappé à la porte, toujours
fermée à clef. Je ne l’ai entendu que quand, tout près de moi, il
susurrait à l’infirmière :
—
Elle est condamnée ! Elle est condamnée !
A ces
paroles j’ai ouvert les yeux et je lui ai dit :
—
Docteur, même chez moi j’ai de pareilles crises.
Il
m’a répondu immédiatement, d’un ton impérieux :
—
Mademoiselle, ne croyez pas être venue ici pour jeûner !
J’ai compris ce qu’il voulait dire et je me suis sentie profondément
blessée.
Informé sur ce qui était arrivé le vendredi, il a voulu lire le récit de
l’extase et il commenta, furieux :
—
Il paraît impossible que le docteur Azevedo, si intelligent, se laisse
séduire par de semblables choses ! Il faut en finir avec tout ceci. En
attendant, enlevons d’ici toutes les horloges afin que cette malade
ignore jusqu’à l’heure qu’il est (Comme si le Seigneur avait besoin
d’horloge !).
Me
voyant si fatiguée, il aurait voulu me soulager à l’aide de médicaments,
mais je m’y suis opposée.
Combien de fois les infirmières se sont approchées de moi, me croyant
morte !
Cinq
jours d’une continuelle agonie — davantage dans l’âme que dans le corps
— se sont passés. Pendant les crises de vomissements, ils ne
permettaient pas à Deolinda de venir à côté de moi, alors que chez nous,
parfois, deux personnes n’étaient pas de trop pour me tenir.
Ils
étaient tous persuadés que les crises étaient dues au manque
d’alimentation et que, ainsi exilée et sans personnes qui ait pu me la
procurer, j’aurais besoin de la demander, sinon je mourrais.
Comme
ils se trompaient ! Ils ne savaient pas que l’aliment me venait de la
sainte Hostie que je recevais tous les jours.
En
ces jours, le docteur Azevedo est venu me voir et ma sœur, sans que je
le sache, l’a mis au courant de tout. Il est venu près de mon lit sans
que je me réveille ; l’infirmière lui suggéra que j’avais besoin de
médecine. Ce fut à ce moment-là que j’ai ouvert les yeux et que j’ai
entendu ce qu’il lui répondait :
—
Cette malade est venue pour que l’on constate son jeûne et pour rien
d’autre. J’espère que le docteur Araujo respecte ces conditions. Je ne
permets pas qu’on lui fasse des piqûres ou n'importe quoi d’autre, à
moins qu’elle ne le demande elle-même. Vous verrez, les crises
passeront, les cernes autour des yeux disparaîtront, le teint et le
pouls deviendront normaux, ou presque, car l’air marin ne les favorise
pas. Je vous assure d’une chose, madame : vous mourrez, je mourrai, mais
la malade ne mourra pas dans cet hôpital.
Ensuite, assis à côté de moi, il me prodigua un peu de ce réconfort dont
j’avais tant besoin.
Par
la volonté de Dieu, cinq jours plus tard, les vomissements ont cessé, le
teint est redevenu normal, ainsi que la luminosité des yeux.
Pendant la visite suivante de mon médecin — le docteur Azevedo —
l’assistante le salua par cette phrase :
—
Regardez, docteur, regardez ce beau visage !
Et le
docteur de lui répondre délicatement mais néanmoins fermement :
—
Ce sont les côtelettes et les piqûres !
Jésus
a bien voulu montrer encore une fois son pouvoir sur cette humble
créature.
Toutes les assistantes accomplissaient scrupuleusement les consignes du
docteur Araujo et elles ne m’ont jamais abandonnée un seul instant.
Elles n’ouvraient la porte de la chambre que pour laisser entrer les
médecins et les infirmières.
En
dépit de ma transformation, ni le docteur Araujo ni l’infirmière
voulaient se convaincre que je pouvais vivre sans manger. En effet, ils
utilisaient parfois des arguments pour m’intimider: ils passaient
ensuite aux phrases pleines de tendresse et d’intérêt pour ma personne.
Dans leurs discours je les ai entendues dire que mon cas relevait de
l’hystérie ou à un quelconque phénomène inexplicable.
Un
jour j’ai raconté au docteur Azevedo tout ce que j’avais dans mon âme si
attristée et que pour guérir l’hystérie il n’était pas nécessaire de
rester dans un tel hôpital. Mais il m’a encouragée et m’a redonné
confiance. Je lui ai obéi pour faire en tout, la volonté de Dieu.
Le
docteur Araujo venait me voir deux ou trois fois par jour, mais jamais à
la même heure. Je pense qu’il le faisait ainsi pour voir s’il découvrait
quelque chose. Une fois il est entré dans ma chambre la nuit, quand s’y
trouvait l’assistante que certains ont appelé du sobriquet de « cardinal-diable ».
Même
si je vivais jusqu’à la fin du monde, je ne pourrais oublier
l’impression que j’éprouvais quand le docteur ouvrait et ensuite fermait
immédiatement la porte : je restais comme suspendue à ce qu’il avait
dit. J’éprouvais une telle impression que dans mon cœur et dans mon âme
la tristesse augmentait. Combien de fois je répétais à Jésus : “Que
cette nuit puisse contribuer à donner de la lumière à ceux qui
m’entourent et à toutes les âmes qui vivent dans les ténèbres”.
Lors
des conversations et des interrogatoires, le docteur Araujo utilisait
tous les arguments possibles pour me convaincre de manger, me disant que
Dieu n’était pas content de mon jeûne. Il est parvenu à me faire avoir
des scrupules. En outre, les infirmières ont essayé de me prendre par
les sentiments.
Une
fois, le docteur Araujo a voulu essayer de m’ôter la foi. Il s’est servi
de tout ce que son intelligence avait de maille-leur, me soumettant à
des interrogatoires interminables et torturants afin de me décourager,
persuadé que tout ce qui se passait en moi était dû à une influence
humaine et non pas divine.
Si à
chaque fois que j’étais interrogé j’avais l’impression de me trouver en
face d’un loup habillé en agneau, ce jour-là ce fut bien pire: il me
semblait voir en lui Satan lui-même qui, avec art et des sourires
malins, voulait m’ôter la foi et me convaincre que tout cela n’était
qu’illusion.
Il me
disait :
—
Soyez convaincue, mademoiselle, que Dieu ne veut pas que vous
souffriez ! S’il veut sauver les autres, qu’il les sauve Lui-même, il en
a le pouvoir. S’il est vrai que Dieu récompense ceux qui souffrent, il
n’y a pas de récompense adéquate pour vous qui avez déjà trop souffert.
Mais,
mon Dieu — me disais-je — je sais que vous êtes infini, infini en
pouvoir, infini dans les récompenses. S’il en était comme il me dit,
pourquoi je souffre ?
Le
docteur Araujo accompagnait ses paroles d’un regard malicieux,
démoniaque — c’était l’impression que j’avais. Je lui ai alors répondu :
—
Elles sont si grandes, si grandes les choses de Dieu ! Et nous, nous
sommes si petits, moi en tout cas !
L’espace d’un instant il se tût, ensuite, indigné, il s’est exclamé :
—
Vous avez raison, mais moi, je suis une personne bien plus grande !
Et il
est sorti. Il était bien loin de connaître cette loi d’amour pour les
âmes. S’il connaissait la valeur d’une âme, il verrait alors que tous ce
que nous faisons n’est jamais de trop pour les sauver.
Les
humiliations et les sacrifices affluaient constamment. Si du moins
j’avais su bien les souffrir, j’aurais tant eu à offrir à Jésus. On me
présentait toujours de nouvelles choses qui réclamaient de moi
humiliations et sacrifices.
J’avais au pied de mon lit une photographie de Jacinta
de Fatima. Je la regardais avec amour et, sans craindre que les
assistantes le répètent au docteur, je soupirais :
—
Chère Jacinta, malgré ton jeune âge, tu as pu évaluer combien coûtent
ces choses ! Du Ciel où tu demeures, aide-moi ! Seule l’aide du Ciel et
les prières des âmes bonnes pourront me donner force pour cheminer dans
un si douloureux calvaire, et supporter le poids de cette croix très
pesante.
Toutes les fois que le docteur Araujo entrait, il me tenait le même
discours et me laissait très épouvantée quand il me disait :
—
Nous devons parler longuement.
Quand
je le voyais sortir, je respirais profondément et je me disais :
“Béni soit le Seigneur pour ton départ !” Mais la pensée qu’il
reviendrait bientôt, me procurait une très amère souffrance.
Un
jour, assis à ma droite, il cherchait à me convaincre que j’étais dans
l’illusion. Il a commencé par un discours très vague sur la médecine et
sur l’un de ses professeurs de Porto, auquel il avait présenté un
travail couvrant de beaucoup de pages, élaboré après de longs jours et
de longues nuits d’études. Il était convaincu d’avoir bien profité des
leçons. Le professeur, ayant lu cet écrit, lui avait demandé :
“Êtes-vous sûr de ce que vous avez écrit ?” — “Oui, je suis sûr, pour
telle et telle raison.”
La
conversation se prolongeait et moi je fixais le docteur faisant semblant
de ne pas comprendre où il voulait en venir, et je disais pour
moi-même : “Plus on veut monter, plus haute est la chute !” Mais
le docteur poursuivait :
—
J’étais convaincu d’avoir fait un excellent travail ; le professeur m’a
laissé parler et ensuite m’a démontré que j’avais tort. Je suis resté
sans souffle: mon Dieu, tant d’heures de perdues ! Combien d’heures
d’illusion ! Ma longue étude s’était écroulée en quelques minutes.
Moi
qui savais où il voulait en venir, je lui ai dit, à ce moment-là, en
souriant :
—
Mais mon cas ne s’écroule pas, docteur ! J’ai été guidée par un
directeur très saint et très sage, et qui m’a étudiée pendant de longues
années. Si l’œuvre est de Dieu, personne ne la faire s’écrouler !
Le
docteur, un peu embarrassé, faisant semblant que ce n’était pas celui-là
le but de ses paroles, a conclu :
—
Ah non !...
Il
s’est levé en hâte et sortit. Il en était temps ! Cependant, toute
seule, je me confiais à Jésus, le seul avec qui je pouvais le faire et
je lui offrais mes larmes, que je cherchais à dissimuler à l’assistante.
Je chantais des louanges à Jésus et à la Maman du Ciel, cherchant à me
montrer remplie de joie. Je chantais avec le plus grand enthousiasme,
mais au-dedans de moi et dans mes yeux il semblait n’y avoir ni soleil
ni jour.
Durant la nuit, quelques fois, je me demandais : “Que peut faire ma
sœur, à cette heure-ci ? Pleure-t-elle ?” Pensant qu’elle souffrait à
cause de moi, une fois je n’ai pas pu retenir mes larmes. Combien j’ai
alors pleuré ! Je n’avais qu’une crainte: déplaire à Jésus. Mais Lui, Il
savait que j’acceptais tout par amour pour Lui, avec un immense désir de
Lui gagner des âmes. En effet, je Lui ai offert mes larmes comme autant
d’actes d’amour pour les Tabernacles.
—
“Plus la désolation est grande, plus grand est aussi l’amour”,
n’est-ce pas ainsi, mon Jésus ? Acceptez tout cela.
Le
seizième et le trentième jour de mon séjour, j’ai reçu la visite de
maman. J’avais si grande envie de la voir ! Elle n’a pu rester que très
peu de temps avec moi et toujours sous le regard inquisiteur des
surveillantes. Elle pleurait et moi, je faisais semblant de ne pas avoir
de chagrin : je lui souriais, je plaisantais avec elle, je la cajolais,
et avec mon sourire trompeur,
je cachais la tristesse de mon âme, en retenant les larmes qui à tout
prix voulaient couler. Je l’ai encouragée, m’épanchant intérieurement
avec Jésus. C’était ma croix : ne devais-je pas la porter par amour de
Jésus qui est mort pour moi ?
Mes
journées passaient ainsi, dans une continuelle lutte, entrecoupée
seulement par l’alternance des infirmières qui se succédaient selon la
volonté du docteur Araujo. À cause de certaines d’entre elles, j’ai
beaucoup souffert, parce qu’elles outrepassaient les limites de leurs
droits et de leurs devoirs.
Le
jour est arrivé où le docteur, convaincu désormais de la vérité,
permis un plus relâchement, permettant pour quelque temps la venue de ma
sœur, même si toujours sous la surveillance de l’assistante. Il permit
aussi à la Sœur franciscaine du “Refuge” de me rendre une très
brève visite.
Nous
avions déjà projeté de faire savoir à la maison la date de notre retour
quand, inopportunément surgit un contretemps. L’une des infirmières
avait parlé de mon cas au docteur Alvaro. Celui-ci qui ne me connaissait
pas, et connaissait encore moins mes phénomènes, a fait naître des
doutes. Il a commencé par affirmer que c’étaient des choses impossibles,
que les assistantes s’étaient fait berner et qu’il ne croirait qu’un
envoyant auprès de moi l’une de ses infirmières de confiance. Le docteur
Araujo, indigné par la méfiance manifestée vis-à-vis de ses assistantes,
lui imposa d’envoyer lui-même, auprès de moi, une personne plus âgée, en
qui il aurait entièrement confiance : la propre sœur du docteur Alvaro a
été choisie.
Quand
nous pensions nous voir libérées de notre douleur, ce fut alors qu’une
nouvelle éprouve, bien plus triste et douloureuse, nous a été imposée.
Le docteur Araujo est venu me convaincre de la nécessité de rester
encore dix jours. Ma sœur n’était pas d’accord, mais je lui ai répondu :
—
Quand on y a passé trente jours, on peut bien y passer quarante...
Le
docteur Alvaro, en vérité, n’exigeait pas dix jours. Pour se convaincre
il lui suffisait que je reste quarante-huit heures de plus, sans manger
ni rejeter. Mais ce fut le docteur Araujo qui, délicatement, pour
l’honneur de son nom, invita l’assistante à rester un jour de plus, puis
un autre jour...
Cette
dernière période fut un nouveau calvaire que j’ai offert à Jésus et à la
Petite-Maman: dure épreuve, mon Dieu !
[Au
cours de l’une de ces journées], le docteur Araujo, sans aucune
explication, prit la bourse en caoutchouc que j’avais sur l’estomac et
une carafe d’eau que les assistantes conservaient pour humidifier le
mouchoir que je tenais sur le front, et versa dans les deux récipients
je ne sais quoi : si j’avais sucé le mouchoir ou bu de l’eau de la
bourse en caoutchouc, comme l’a dit par suite le docteur Alvaro,
j’aurais eu des indispositions qui leur auraient permis de s’en rendre
compte. Il ordonna ensuite aux assistantes de ne plus changer la glace
de la bourse même si je le demandais. Ses ordres ont été respectés, bien
que la nouvelle assistante ait essayé, à plusieurs reprises de changer
la glace. Moi-même, je lui disais quelquefois :
—
Enlevez-moi la bourse quelques instants afin qu’elle rafraîchisse, puis
remettez-la-moi de nouveau. Il est nécessaire d’obéir aux ordres du
médecin.
Nous
étions revenues au point de départ, sauf que bien plus strict. Il a
finalement été interdit de parler de Jésus, car on pensait que de cette
façon on pourrait découvrir ce qui se passait en nous.
Un
jour, le docteur m’a dit :
—
Je n’admettrai pas que vous appeliez votre sœur plus d’une fois la nuit.
L’assistante, plusieurs fois, comme pour me tenter, et avec une
intention tortueuse — c’est l’impression qu’elle me donnait — me
disait :
—
Pauvre sainte, toujours dans cette même position ! Je vais appeler votre
sœur !
À ce
que je répondais :
—
Je vous en remercie, madame, mais je ne le veux pas. Ce sont les ordres
du médecin : ma sœur ne doit pas venir plus d’une fois par nuit !
Quand
ma sœur toquait pour entrer — cette seule fois qui lui était permise par
le docteur — pour me changer de position, la nouvelle assistante
allumait la lampe, ouvrait la porte et se plaçait à côté de ma sœur.
Aussitôt que celle-ci quittait la chambre, l’assistante, simulant de la
compassion envers moi, pour le froid que j’aurais pu souffrir, et comme
si elle raccommodait les draps et les couvertures, me découvrait
complètement pour voir si Deolinda n’avait rien laissé dans le lit. Je
comprenais très bien son intention, mais sous prétexte de commodité, je
levais les bras au-dessus des coussins afin qu’elle puisse mieux faire
son inspection.
—
Mon Jésus, tout et uniquement pour votre gloire !
Les
séductions pour me faire manger quelque chose de son repas n’ont pas
manqué! Elle me présentait un morceau, sans mot dire, et moi, je lui
souriais. Si l’invitation était verbale, je lui disais : “Merci”,
mais toujours souriante, faisant semblant de ne pas comprendre sa
malice.
La
nuit, particulièrement quand je ressentais davantage la solitude, le
temps me paraissait bien long. Je sentais mon cœur, tel un arbre aux
racines épaisses, bien plantées dans le sol, et que la furie d’une
grosse tempête arrachait, le jetant à terre... Il me semblait que tout
et tous me piétinaient. Même en l’expliquant de la sorte, je sens que je
ne dis rien de comparable à ce que j’ai souffert. Encore aujourd’hui je
revis dans ma mémoire ces choses-là et j’éprouve un vrai tourment. Seul
l’amour pour Jésus et pour les âmes me permet de supporter une telle
épreuve !
Quand
je sentais s’approcher le docteur, je disais :
—
Voilà qu'arrive le bourreau qui vient visiter la pauvre prisonnière par
amour de Jésus et des âmes. Je n’ai offense personne d’autre que vous, ô
mon Jésus, mais les hommes veulent, sans même s’en rendre compte, que de
cette façon, je paie mes ingratitudes !
En
voyant ma sœur épouvantée parce que quelqu’un lui avait dit que mon
échéance était proche parce que je n’évacuais pas, j’ai cherché à lui
redonner courage. Pauvres hommes ! Jésus sait faire les choses bien
mieux qu’eux !
La
veille du départ fut un jour de visites. Tous les enfants du “Refuge”
sont passés devant moi. J’ai prié avec eux et je leur ai distribué des
caramels. Ma sœur ne semblait plus la même: tous s’en sont rendu compte.
En plus des enfants, environ mille cinq cents personnes sont venues me
visiter... Les policiers ont dû intervenir pour maintenir l’ordre. L’un
d’eux s’est posté à côté de moi, se contentant de répéter
inlassablement: “En avant! Allez, allez, avancez !” Quelle
impression que ce mouvement de foule ! Ni les suppliques de ma sœur ni
les policiers n’ont réussi à le contenir.
Le
docteur Araujo lui-même, depuis la fenêtre, a dû intervenir pour que
l’on arrête un tel mouvement sinon on allait me tuer. Moi, en effet, je
me sentais humiliée, las et exténuée, ayant un sentiment de gêne pour
les baisers que je recevais et les larmes que l’on laissait tomber sur
mon visage, comme signe d’une estime que je ne mérite pas et que je ne
veux pas.
Restée seule, j’ai d’abord demandé à ma sœur de me laver.
Dans
la matinée du jour ne notre retour, le docteur Araujo, qui n’avait
presque pas dormi vu sa responsabilité, est venu au “Refuge” où
beaucoup de monde attendait pour me voir. Il est resté à côté de moi et
a permis l’entrée de quelques personnes. Puis il nous a dit que nous
étions libres, que leurs observations étaient terminées. Il autorisa ma
sœur à manger dans ma chambre, puis ajouta :
—
En octobre je viendrai vous visiter à Balasar, non plus comme médecin
espion, mais comme un ami qui vous estime
.
Reconnaissante, j’ai baisé la main du docteur et je l’ai remercié pour
son intérêt envers moi. Je l’ai fait avec sincérité, parce que, bien
qu'il ait été sévère et rude envers moi, il montra une attention
sérieuse envers mon cas.
Dans
l’après-midi de cette journée du 20, les religieuses et les assistantes
m’ont fait des cadeaux. Certaines sont même venues assister à mon
départ. Alors que j’étais déjà installée dans l’ambulance, l’une d’elles
m’a aspergée de parfum, alors qu’une autre dame m’a offert un bouquet
d’œillets.
Au
cours du voyage j’ai reçu quelques bouquets de fleurs. Je les ai
acceptés par délicatesse, bien loin de penser qu’ils seraient par la
suite un prétexte à certains pour me faire souffrir.
Ni le
parfum, ni les fleurs n’ont été pour moi un motif de vanité. Quand,
pendant le voyage, nous nous arrêtions pour reposer, si je voyais que
des gens s’approchaient, par admiration pour moi, je disais au docteur
Azevedo:
—
Ne nous arrêtons pas, docteur, allons plus loin.
J’ai
du être indélicate, mais lui, il s’est montré toujours d’une extrême
patience.
Je
vivais davantage à l’intérieur qu’à l’extérieur de moi. La mer était
tout ce qui se présentait devant mes yeux, m’invitant au silence, au
recueillement en Dieu.
Quand
je me suis retrouvée dans ma petite chambre, je croyais rêver! j’ai
pleuré, mais des larmes de joie.
Une
fois déposée sur mon lit, pendant bien longtemps, je n’ai plus permis
que l’on me touche; de continuels gémissements m’échappaient, à cause
des douleurs de plus en plus fortes, dues, probablement au voyage.
Pourquoi me suis-je sacrifiée ? Par vanité, peut-être ? Pauvre monde !
Vanité ? Pourquoi ? Que sommes-nous sans Dieu ? Qui pourrait souffrir
autant seulement par veine gloire ou par vanité ? Quarante jours à
l’hôpital ! Combien d’humiliations ! Le docteur Azevedo avait raison
quand, pendant le voyage aller, en me plaçant un mouchoir humide sur le
front, il me disait :
—
Vous avez quelques cheveux blancs, mais au voyage de retour, vous en
aurez encore davantage.
Et
c’est ce qui est arrivé: il prévoyait ce qui allait m’arriver.
Cependant, il est très beau de tout affronter pour Jésus, pour l’amour
de Lui.
—
(...) Ta souffrance a été bien grande, ma petite fille, dure la
souffrance de ta sœur, dans cette prison-là.
En avant ! Ce fut pour Jésus, pour le salut de milliers et de milliers
d’âmes pécheresses. Quel triomphe pour le Cœur de Jésus ! Le voici
exalté, le voici glorifié dans ses chers humiliés...
Cela suffit ! Dorénavant tu ne sortiras plus de ta chambre... Dis, ma
fille, dis à ton Père spirituel, dis à ton médecin que pour toutes leurs
humiliations, ils seront exaltés. Jésus leur est reconnaissant pour le
triomphe de sa cause. Les hommes tenteront de la faire tomber,
mais Jésus veillera, et ceux qui lui sont chers coopéreront. Tout ce qui
est à Jésus ne tombe pas : reste solide au milieu de toutes les
tempêtes, brille, triomphe...
—
O mon Jésus, j’ai surmonté l’épreuve pour votre plus grande gloire et
pour le salut des âmes. Je veux être toujours petite aux yeux du monde,
mais grande dans l’amour, grande à pouvoir sauver les âmes...
(...)
J’ai
dicté du mieux que j’ai pu les grandes souffrances vécues au “Refuge”,
mais ce que j’ai pu dire n’est rien, comparé à ce que j’ai vécu, en
réalité. J’ai su le ressentir, mais je ne sais que bien mal l’expliquer.
Je suis toujours confiante d’avoir obéi. Jésus est digne de tout,
n’est-ce pas ?
Mon
corps a souffert une grande secousse; aujourd’hui encore les douleurs
sont presque insupportables, et souvent il me semble ne plus pouvoir
m’en sortir. Mais lors des moments de plus grande douleur, fixant le
Cœur de Jésus, je lui dis avec toute la ferveur de mon cœur :
—
Cœur très saint de Jésus, j’ai confiance en vous, j’ai confiance !
Quand
on me parle de la guerre et du danger dans lequel se trouve le Portugal
de devoir y participer, je souris, et pendant que mon cœur redouble de
confiance, je dis à Jésus :
—
J’ai confiance en vous !
À
ceux qui m’expriment leurs craintes je réponds :
—
Il n’en sera rien; le Seigneur est miséricorde infinie !... Et pourtant,
nous ne le méritons pas davantage que les autres nations. Mais, les
pères, n’ont-ils pas quelquefois une particulière prédilection pour un
enfant plus que pour un autre ? Le Seigneur, lui aussi agit parfois de
la sorte.
Ces
conversations sur la guerre me font toujours souffrir parce que,
contrastant avec ce que j’entends de la part du Seigneur, lequel très
souvent me répète :
—
Aie confiance, ma fille !
J’étais fréquemment tentée d’estimer que de telles paroles puissent
venir du démon, mais les effets que je ressentais dans mon âme étaient
différents: en effet, en entendant “Aie confiance, ma fille !”, je
sentais en moi une grande paix et une paix capables de vaincre la
guerre.
À la
fin, il m’est arrivé aux oreilles que le Saint-Père avait été fait
prisonnier,
mais je ne l’ai pas cru, considérant une telle nouvelle comme une
confusion du peuple...
J’ai
toutefois ressenti dans mon âme un deuil semblable à celui que l’on
éprouve pour la mort d’un père de famille qui laisse des enfants
orphelins. Bien des jours se sont passés dans cette lutte continuelle ;
je ne me lassais pas d’offrir toutes mes souffrances à Jésus afin
d’obtenir la paix. je voulais soulager, réconforter, libérer le Pape de
toutes ses souffrances, mais je ne savais pas comment.
Un
jour, après la Communion, j’ai ressenti un grand désir d’écrire au Pape.
Je ne pouvais pas contenir ce désir, et j’ai dit à ma sœur :
—
Je veux écrire au Pape ; apporte-moi une plume et du papier.
Et,
immédiatement je me suis mise au travail, demandant au Seigneur lumière
et force, lui offrant le sacrifice même d’écrire.
Très Saint-Père,
Je
sais qu’en ces heures tragiques pour l’humanité, le cœur qui souffre
davantage, après celui de Jésus, c’est celui de votre Sainteté. Jésus
souffre de voir le monde en guerre, rempli de haine, couvert de
crimes...
Oh ! combien souffre aussi le cœur de la plus pauvre, de la plus
misérable et indigne de vos filles, de ne point pouvoir défendre le Cœur
de Jésus contre les crimes de l’humanité, et empêcher qu’il soit blessé;
mon cœur souffre de ne pouvoir alléger le vôtre de la douleur si cruelle
et profonde qui transperce le cœur de mon Père spirituel et celui du
monde entier !
Oh
mon bien-aimé Saint-Père, je ne compte pour rien, je n’ai aucun pouvoir,
je ne suis que pauvreté et misère, mais Jésus peut me rendre forte et
puissante, et c’est avec Jésus et la Maman du Ciel que je me mets à côté
de votre Sainteté pour vous aider, par mes souffrances, à porter votre
croix si pesante !
J’aimerais embrasser la terre où votre Sainteté pose ses pieds ;
j’aimerais marcher à plat ventre partout où vous êtes contraint de
passer : ceci comme preuve de ma douleur de vous voir souffrir et de mon
profond respect envers vous.
Courage, courage, très Saint-Père, Jésus ne manque jamais ! La force
vient d’en-Haut, la guerre se termine; la paix régnera de nouveau parmi
les hommes, mais toujours au prix de la douleur et du sacrifice. Le
règne de votre Sainteté continuera toujours entouré d’épines, mais la
grâce et l’amour de Jésus ne vous feront pas défaut, afin que vous
puissiez vous en sortir serein de votre si douloureux calvaire.
Ce
fut lui qui se choisit un aussi aimable fils pour père de nous tous,
pour répandre la sainte lumière du divin Esprit.
Votre pontificat sur la terre est triste, à cause de la malice des
hommes, mais il sera heureux et glorieux au Ciel, comme prix de tant de
souffrances et de tant d’amour pour Jésus.
Très Saint-Père, je suis l’une de vos filles, malade depuis 26 ans et
paralysée depuis presque 19. Cette lettre me coûte un énorme sacrifice,
car je suis étendue sur mon lit, mon pauvre corps traversé par d’aiguës
douleurs; mais c’est une preuve d’amour, d’un saint amour envers mon
cher Saint-Père. Ah ! mon Saint-Père, s’il m’était possible de dire
combien je souffre dans mon corps et dans mon âme ! Elle ne s’égaye que
quand je fixe mes yeux en Jésus.
Père, mon Saint-Père, accordez-moi votre bénédiction apostolique afin
que mes souffrances soient davantage supportables et pardonnez mon
hardiesse.
Je
n’ai pas demandé l’autorisation de qui que ce soit, parce que depuis
deux ans, je n’ai plus mon directeur: commande qui peut, obéi qui doit!
La bénédiction, la bénédiction, mon Saint-Père, et le pardon pour mon
écrit, mais je ne sais pas mieux le faire. Je ne vous oublierai plus sur
la terre, et encore moins au Ciel. Je ne sais pas trouver des paroles
adéquates pour mon Saint-Père: pardon, pardon !
Je
suis la pauvre Alexandrina Maria da Costa.
Une
fois écrite [la lettre au Pape], je suis restée bien plus soulagée ;
j’ai même ressenti finalement un certain contentement, mais de peu de
durée.
Un
jour après l’avoir expédiée, lors du recueillement après la Communion,
j’ai éprouvé une énorme souffrance pour le Saint-Père. J’étais très
préoccupée à cause des manœuvres militaires; malgré ma confiance, j’ai
souffert à cause de tout ce que j’entendais. Sans m’attendre à une
réponse, je disais à Jésus :
—
O mon Jésus, sauvez le Saint-Père, donnez la paix au monde entier !
Et le
Seigneur de me répondre :
—
Oui, ma fille, bientôt j’accorderai la paix. Jésus ne trompe pas.
Et
j’ai continué :
—
O mon Jésus, épargnez le Portugal de la guerre. Nous ne le méritons pas,
mais ayez pitié de nous. Épargnez le Portugal !
—
Oui, ma fille, le Portugal sera épargné ! Il n’entrera pas dans la
guerre.
N’ai-je pas la crucifiée de ce Calvaire à côté de ma Mère bénie pour
soutenir le bras du Père éternel ?
Environ une heure plus tard, j’ai entendu dire que nous serions tombés
aux mains des français et que le Pape avait été tué. J’ai eu
l’impression que mon cœur se brisait : j’avais du mal à respirer; je ne
pouvais ni parler ni prier. Les yeux fixés sur le Cœur de Jésus, je
disais mentalement : “Aidez-moi Jésus ! Petite-Maman, aidez-moi ! Ne
me laissez pas tomber !”
J’offrais à Jésus toutes mes souffrances afin que le Saint-Père soit
libéré, persuadée que j’étais qu’il n’était pas mort et que ce n’était
pas vrai tout ce que l’on racontait au sujet du Portugal.
Ce
fut un jour d’une effroyable lutte. Je demandais au Seigneur de
m’envoyer quelqu’un qui puisse me réconforter, parce que je ne voulais
pas l’offenser par mon découragement. Des heures d’une affreuse agonie
se sont ainsi passées. Je me sentais comme au milieu dune terrible
tempête qui détruisait tout, sans que personne ne vienne à mon secours.
Je gardais mon cœur fixé sur Jésus et sur la Maman du Ciel, demandant
toute l’aide du Ciel.
Jésus
est venu me réconforter :
—
Le Saint-Père n’est pas mort ; il vit et il continue sa mission.
Il me
répéta plusieurs fois, au plus intime de mon cœur :
—
Aie confiance ! Aie confiance ! Jésus ne trompe jamais !
Mais
le démon, non content de ma souffrance, et enragé à cause de l’inutilité
de ses efforts, me répétait fréquemment :
—
Le Portugal en guerre ! Le Portugal en sang !
Sa
rage était si grande qu’elle faisait peur...
Il me
semblait entendre le tocsin pour le Saint-Père, entendre, au Portugal,
le bruit et le fracas d’artillerie. Toutefois, j’ai gardé ma confiance à
Jésus.
Tout
ceci est arrivé le 14 octobre 1943, et déjà le 10 du même mois, le
Seigneur m’avait dit plus ou mois la même chose...
Que
le démon soit maudit, car il essayait de m’enlever la paix et de me
faire perdre la confiance en celui qui ne trompe ni ne peut être
trompé !
Mon
confesseur étant venu, il a tout fait pour me tranquilliser et il y a
réussi durant la confession.
Par
la suite j’ai continué à prier pour le Saint-Père, et la souffrance que
je ressentais à cause de lui s’est estompée jour après jour.
Le
jour du Christ-Roi,
j’ai senti comme si mon corps et mon esprit mouraient, comme si mon
existence sur la terre cessait. Je ne peux pas exprimer la douleur qui
en résulta. Au contraire: je me sentais encore davantage au purgatoire !
Quelle douleur, mon Dieu !
Certains jours je me sentais traversée par des flammes. Je pensais que
cela était dû à la soif ardente ; je me suis trompée. Ce n’étaient point
des flammes de la terre : elles avaient une splendeur merveilleuse.
Elles me pénétraient pendant des heures, tourmentant mon corps et tous
mes sens ; tout mon être en était pénétré et je souffrais de douleurs
indicibles. Malgré cela, je sentais la nécessité de plonger dans ces
flammes pour me purifier.
Comme
le papillon est attiré par les flammes, moi aussi, j’y suis attirée, et
les bras ouverts, j’entrais dans ce feu
qui tourmentait mais ne consumait point, animée par un seul désir :
libérée de ceci, je m’en vais à mon Jésus !
J’ignorais la signification de cette souffrance. Je ressentais et rien
d’autre. J’ai su simplement la ressentir et rien d’autre. Jésus est venu
me l’expliquer :
—
... Tu vis au Purgatoire. L’empêchement qui semble te séparer du monde,
c’est moi qui l’ai permis. Maintenant, tu ne vis plus dans le monde, tu
y es comme si tu n’y vivais plus. Ton tourment est inénarrable : je ne
l’ai jamais donné à aucune âme. Veux-tu me consoler de cette manière ?
Veux-tu continuer cette souffrance ?
—
Tout ce que vous voudrez, mon Jésus; tout ce que vous voudrez !
—
Si tu savais combien grand est le bien, que tu procureras aux âmes dès
qu’elles apprendront de quelle manière tu as souffert ! Ton esprit est
mort au monde ; ta vie est celle des âmes du Purgatoire. Mais tu ne
souffres pas uniquement pour toi.
Vite, vite, il faut faire connaître au monde combien elles souffrent.
Vite, vite, il faut libérer mes âmes, mes bien-aimées.
— (...)
Ta vie n’a rien d’humain, elle est uniquement divine... Les ornements
que je donne à mes épouses les plus chères ce sont des épines, et des
plus aiguës. Mais toi, tu les transformes avec tant de douceur et amour
qu’elles deviennent toutes des pierres précieuses. Quelle merveille,
quelle richesse est ton cœur, ô ma belle colombe! La pureté ne se tache
pas; elle devient de plus en plus blanche et pure. Tu sens que ton
esprit est mort ? C’est Moi qui le permets: il est mort pour le monde,
mais il vit de plus en plus pour le Ciel. Le feu qui te tourmente
signifie en réalité le feu du purgatoire. Je te purifie afin qu’après ta
mort tu viennes directement à Moi. C’est ce que désire ma Mère bénie,
afin que tu saches ce que souffrent les âmes qui y vont et qui nous sont
chères. Souffre tout, offre tout pour elles.
A
l’aide de la lampe électrique, je contemple l’image du Sacré-Cœur, que
j’ai dans ma chambre, ainsi que celle de ma chère Petite-Maman. Je
demande leurs bénédictions, ainsi que de l’amour pour moi et pour tous
ceux qui me sont chers, ainsi que pour le monde entier. J’ai moins de
courage; je n’ai pas d’amour ; et aimer qui ? Mes misères m’oppriment.
Quelle honte ! Quelle confusion ! Le poids des humiliations tombe sur
moi. Ma lutte ressent les censures, les rumeurs de tempêtes lointaines.
Je chemine péniblement, terrorisée. Des épines sans nombre; une pluie
d’épines tombe sur moi. Mon âme, mon cœur et mon corps tout entier s’en
trouvent déchirés et trempés dans le sang. Je regardant derrière moi, je
n’ai pas vu le passé ; tous les chemins parcourus ont disparu. Mon Dieu,
quelle destruction ! Devant moi, une gigantesque montagne. C’est
impossible, je ne peux pas l’escalader, mais je ne peux pas non plus
reculer d’un pas.
Tout
d’un coup, je me suis retrouvée à genoux, les mains jointes, regardant
vers le haut, j’ai invoqué le nom de Jésus et celui de la Petite-Maman.
J’ai crié, crié, à l’intérieur de mon âme. Mon cri ne montait pas ; il
restait accroché aux rochers de la montagne ; il s’imbibait dans mon
sang et dans mes chairs déchirées pour mourir avec moi. L’agonie de mon
âme augmentait ; je ne pouvais plus crier ; je ne voyais pas venir le
moindre soutien.
Dans
cette angoisse, les battements de mon cœur étaient si forts, que je
croyais perdre la vie. Oh ! combien il est doux, mon Jésus, de mourir
pour vous ! Ou vous aimer ou mourir ! Souffrir pour vous procurer des
âmes !
J’ai
senti mon âme se détacher de la terre et s’élever vers les hauteurs ; à
maintenir le corps contraint ici-bas, il resta comme un courent
électrique qui le reliait à l’âme. Un tel détachement a été assez
pénible pour mon corps. Mes yeux fixaient Jésus crucifié comme
soulagement de mes douleurs. En attendant, mon âme se sentait dans le
sein de la Petite-Maman qui, avec moi, soutenait son divin Fils mort.
Ce
qui a donné lumière à mon intelligence, me faisant comprendre que tout
ce que Jésus m’avait promis ne se réaliserait pas de la manière que je
croyais être plus naturelle, autrement dit en allant au Ciel pour
toujours, mais que je serais allée au Ciel pour revenir.
Cette
lumière n’a pas été une impression momentanée. Elle m’a fait comprendre
qu’une nouvelle transformation s'opérait en moi, me faisant convaincre
que, certainement, je ne mourrais pas, et que Jésus avait fait allusion,
évidemment, à ce nouvel état de mon âme.
Je
n’ai plus jamais pensé à une mort physique.
Une
nouvelle transformation s’est opérée dans mon âme. Ce léger souffle de
vie est mort complètement; je ne sens plus cette respiration qui de
temps à autre je sentais. La douleur vit en moi: elle est de toutes
sortes et genres. Je suis morte pour le monde. Tout est descendu dans la
tombe afin d’y rester pour toujours. Quelle horreur, mon Dieu ! Je ne
vis plus ; c’est ma douleur bien-aimée qui vit, ce n’est que mon
inexplicable martyr qui vit. Est-ce que ceci, sans ma vie, donnera vie
aux âmes ? Est-ce que je pourrai encore être utile à l’humanité ? Est-ce
que je pourrai encore vous aimer, mon Jésus, et consoler votre très
saint Cœur ?
Pauvre de moi ! Après la haine et l’abandon, après l’oubli et le mépris,
je descends dans la tombe.
Je
vis déjà dans l’éternité sans avoir récupéré mon Père spirituel et sans
jamais plus avoir la sainte Messe...
Mon
éternité est sans lumière, c’est une éternité qui ne vous aime pas, qui
ne vous loue pas, qui ne vous voit pas, qui ne jouit pas de vous.
Terrible éternité ! Ne pas voir Jésus est une éternité morte.
C’est ce que mon âme vit dans cette éternité, c’est ce que je ressens.
Quel que soit l’état de mon âme, hâtez-vous, Jésus, d’accomplir vos
saintes promesses... Jésus, donnez vie aux âmes avec ma mort, avec mon
éternité. Donnez-leur votre éternité, donnez-leur le ciel, mon Jésus !
Dans
l'après-midi j’ai récité les prières du mois de mai à ma chère
Petite-Maman. Mon âme, pendant cette dévotion, se voyait libérée d'un
poids qui l’écrasait et retrouvait la paix et la suavité.
À la
fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait :
—
Ma fille, ma fille.
Mon
âme se sentait plus soulevée.
Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée avec
tendresse et douceur :
—
Ma fille, ma fille, viens sur mon cœur. Je t'invite à te reposer
entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon cœur de mère. Tu es la
préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée par nos deux Cœurs !
Je me
suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée et couverte de
tendresse.
Il
n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une mère de
la terre avec celle de la Maman du Ciel !...
Mon
âme a été réconfortée : mon cœur en resta heureux pendant un peu près
une heure.
J’étais dans une grande affliction et, après la Communion, je me suis
confiée à Jésus, sans en attendre une réponse. Bon comme toujours, Il a
daigné me soulager :
—
Ma fille, dis à ta sœur que je suis en train de voir jusqu’où va sa
confiance en Moi. Près de ton calvaire, elle tient le rôle que tenait ma
très sainte Mère auprès du mien. Dis-lui que je confie beaucoup en elle
: s’il n’en était pas ainsi, je ne l’aurais pas attachée aussi
étroitement à ton martyre.
Et se
référant à celle qui nous faisait tant souffrir, Il dit :
—
Allons, allons, courage ! Satan est enragé : il étend sur vous ses
artifices infernaux, mais il ne vaincra pas ! Ayez confiance !
Elle est une insensée. Elle a été, envers vous, de la plus grande
ingratitude ;
mais, pardonnez-lui de tout votre cœur, comme je lui pardonne Moi-même.
Si tu savais combien je souffre ! On me reçoit froidement dans la
Communion, par habitude. Combien en souffre mon Cœur !
Jésus, à plusieurs reprises, m’avait confirmé tout ce qu’il m’avait dit
et promis au début de ma crucifixion : comme prix de mon acceptation à
me laisser crucifier, les portes de l’enfer seraient fermées depuis midi
de vendredi à minuit de dimanche. Quand il a plu à Jésus de ne plus me
crucifier,
ou mieux, de changer la manière de me crucifier, je continue de lui
rappeler sa promesse, parce que j’estimais avoir le même droit.
Le 16
juin 1944 Jésus est venu et Il m’a dit :
—
Ma fille, viens te reposer et te réconforter dans les bras de ta
Petite-Maman. Tu es tendrement cajolée par Jésus et Marie.
Pendant que je parlais, je sentais leurs caresses.
—
Tu es bercée par les anges. Je viens te dire, ma fille, les jours
supplémentaires pendants lesquels, par ton mérite, l’enfer est clos : je
t’accorde l’après-midi du jeudi en l’honneur de mon Eucharistie, pour
l’amour que tu as envers Celle-ci, et pour l’amour qui m’a amené à y
rester prisonnier ; je te concède le mercredi matin en l’honneur de
saint Joseph que tu aimes tant; combien je désire, ma fille, le voir
aimé ! Je veux que tu fasses connaître que celui qui aura pour lui une
vraie et constante dévotion, ne m’offensera pas gravement au point de se
perdre...
Je
te concède ceci pour l’amour avec lequel tu te laisses crucifier.
—
Jésus souffle sur toi et t’embrase...
J’unis mon Cœur au tien. J’habite en toi et toi en moi. Reçois, reçois,
ma petite fille, l’amour de ton Jésus. Reçois-le, enrichis-toi en, afin
que tu le donnes aux âmes. J’ai soif, j’ai soif, ma fille, j’ai soif
d’amour. Les âmes ne connaissent pas ma folie pour elles. Les pécheurs
sont ingrats envers mon divin Cœur. Tu vois, tu vois, ma belle colombe ?
Je suis toujours près à les recevoir ; je leur offre, je leur donne mon
Cœur et je veux les y accueillir ; je veux les posséder.
—
Jésus, Jésus, je ressens vos ardents désirs. Je vois votre divin Cœur
ouvert. Ce fut l’amour, Jésus, ce fut l’amour qui vous a déchiré la
poitrine. Ce fut encore l’amour qui vous a laissé être blessé de la
sorte. Quelle blessure, quelle plaie si profonde !... Je vois que de
celui-ci sortent des rayons brillants, enchanteurs, des rayons dorés.
Embrasez-moi, Jésus, embrasez-moi dans ce feu divin ; faites que je
puisse embraser tous les cœurs, tous vos enfants...
Vous
avez soif, vous avez soif, mon Jésus, vous avez soif de posséder les
âmes. Regardez, mon Amour, voyez ma soif ; c’est une soif qui me
conserve. Vous voyez pourtant que mon seul et ardent désir est de les
livrer toutes à votre Amour, à votre divin Cœur. Vous connaissez mes
tourments. Regardez la torture dont souffre mon pauvre cœur. Vous savez
bien, que souvent, j’aimerais vous dire : “Jésus, je n’en peux plus;
je ne peux plus résister !” Mais je ne le veux pas, mon Amour, je ne
veux pas vous parler ainsi. Accordez-moi votre grâce, accordez-moi votre
force, donnez-moi encore et encore des souffrances, ô mon Jésus, ô mon
Amour ! Hâtez-vous, mon Jésus ! Si je peux souffrir davantage,
envoyez-moi encore des souffrances ; donnez-moi les vite, mais
donnez-moi aussi les âmes.
—
O beauté, ô beauté, ô enchantement de mes yeux divins ! Tu ne peux pas
souffrir davantage, mais garde ton courage : Je suis avec toi, je
veuille, je suis vainqueur, je triomphe. Ne vacille pas, ne tombes pas
au point de m’offenser, mon divin Cœur n’a pas le courage de
t’abandonner. Tu es ma victime la plus aimée. Tu as la mission la plus
riche, la plus belle pour moi. Je te fais souffrir autant afin que tu me
sauves beaucoup d’âmes.
— O
Jésus, si je vous aime, comme tant de fois vous me l’affirmez, si je
vous aime vous et la Petite-Maman et je suis aimée d’Elle comme vous me
le dites, et je le crois et j’ai confiance, que puis-je désirer d’autre,
sinon vous aimer et vous sauver des pécheurs ? Crucifiez-moi, ô mon
Jésus, ne m’épargnez pas, mon Amour, mes éloignez-les des peines de
l’enfer! Ne manquez pas, mon Jésus, ne manquez pas à ce que vous m’avez
promis. Gardez, Jésus, gardez, je vous en prie, les portes de l’enfer
bien fermées. Placez-moi, mon Amour, placez-moi, devant elles.
Emmenez-moi devant elles, comme je vous l’ai déjà dit, mon Amour,
placez-moi là, devant leur seuil, comme une barrière ; jusqu’à ce que le
monde soit monde, et qu’il y ait des pécheurs à sauver. Ou bien, mon
Amour, laissez-moi dans le monde, tant qu’il existera ; appelez à vous
tous les miens, tous ceux qui me sont chers ; laissez-moi seule ; vous
me suffisez, mon Jésus...
—
Combien elle est belle, combien belle est ta prière ! Quelle joie,
quelle consolation pour moi ! O combien de bénéfice pour les âmes !
Combien de grâces tu obtiens pour les ingrats de mon divin Cœur ! O
monde, pourquoi ne connais-tu pas ma victime bien aimée ! Vite, vite,
que la lumière soit faite ; que brille la lumière que Jésus désire.
C’est à l’aide de cette lumière, ma fille bien-aimée, de cette lumière
qui brille en toi, que les pécheurs vont voir le chemin, la vérité et la
vie.
— O
Jésus, Amour de mon cœur ! La Vérité c’est vous ; le vrai Chemin c’est
vous ; l’unique Vie, c’est vous. Faites, ô Jésus, que tous vous suivent,
que tous vous aiment ! Je ne veux que ce que vous voulez, je vous le
demande de tout mon cœur, de toute mon âme. Donnez-moi le courage ;
donnez-moi la force ; donnez-moi la grâce ; donnez-moi tout ce qui est à
vous. Sans vous je ne peux rien ; sans vous je ne peux résister à tant
de souffrance.
—
Courage, ma petite fille, ne te décourage pas ! Tu le sais bien, tu
demeures dans mon divin Cœur, à la place la plus élevée. Dans ma divine
demeure, tu ne coures aucun risque. Repose-toi, repose-toi en moi ;
repose, repose-toi pour toujours. Reçois, reçois la vie dont tu as
besoin pour vivre. Vis uniquement de ma vie divine.
—
Merci, merci, mon Jésus.
À la
tombée du jour, alors que la lumière du soleil s’enfonçait dans
l’obscurité de la nuit; pour moi il n’y avait plus ni soleil ni jour,
mais seulement nuit. Le découragement, l’abattement, la constante lutte
m’étaient presque insupportables...
—
Jésus, Petite-Maman, aidez-moi, ne me laissez pas tomber !
O
mon Dieu, il me semble que le Ciel n’existe pas !... La lutte est
continuelle et le doute me tourmente. Mon cri vers les saints semble ne
servir à rien.
Jésus, j’ai confiance ! Petite-Maman, j’ai confiance !
Mais
le temps passe et aucun secours ne me vient. Je sens l’abandon de la
terre et du Ciel. Pauvre de moi ! Je ne veux pas me tromper ni tromper
personne.
Une
nouvelle preuve d’amour de la part de Jésus est venue me soulager dans
l’abîme de ténèbres et de mort. De ses divins bras il m’a inclinée sur
son divin Côté et m’a donné à boire du sang de son Cœur. Merveille !
Bonté divine ! Je sentais le Sang du Cœur de Jésus pénétrer abondamment
en moi, pendant que Jésus, tout doucement me disait :
—
Courage, ma fille ! Mon Sang et ma Chair son ton aliment et ta vie.
Jésus
m’a rassasiée, m’a fait revivre : le jour s’est levé, le soleil me
réchauffa de ses rayons. Maintenant le monde ne pouvait rien contre moi.
Combien il est bon, Jésus !
Je ne
sais pas si c’est à cause de ma grande souffrance, je suis restée très
accablée, presque oublieuse d’avoir reçu Jésus Eucharistique. Oh !
l’état de mon âme !
À
l’improviste j’ai vu Jésus devant moi, cloué sur la Croix, mais aussitôt
tout a disparu. Si je me sentais comme morte, morte je suis restée : il
me semblait que pour moi la vie n’existait pas.
Quelques instants après, mon Bien-Aimé est venu, mais maintenant il
était merveilleux : son visage était si beau, tout resplendissant,
rempli de lumière. Il s’est approché de moi, m’affirmant, en même temps,
qu’il me confiait son divin Cœur, avec une grande plaie d’où il sortait
une énorme flamme brillante qui serait capable d’enflammer et de brûler
le monde entier.
—
Ma fille, cache en toi mon divin Cœur afin que les pécheurs ne puissent
m’offenser.
Je ne
sais pas comment le Cœur de Jésus m’a pénétrée.
J’ai été plongée en Lui et Lui en moi. Combien grand est l’amour de
Jésus !
Quelle transformation de mon âme ! Déjà j’avais vie, courage et force.
Souffrance, combien tu es douce si supportée pour Jésus !
Mais,
ô combien il est coûteux de vouloir consoler et de ne pas pouvoir le
faire, garder son divin Cœur et ne savoir comment s’y prendre ! Pauvre
Jésus, à qui avez-vous confié la garde de votre Cœur ! Où pourrai-je le
cacher afin qu’il ne soit pas blessé ? Je ne suis que misère.
Transformez-moi, purifiez-moi, et ensuite, entrez chez moi.
—
O Jésus, est-il possible que la morte puisse parler, que le cœur d’un
cadavre puisse avoir la nostalgie du Ciel, ainsi que le désir de voler
vers vous, désireux de se cacher pour se plonger dans l’immensité de
votre divin Amour ! Jésus, Jésus, c’est ma douleur qui vous parle...
c’est une douleur qui rassemble en elle toutes les douleurs.
Jésus, je sens que mon corps n’est plus un cadavre où les vers de terre
n’ont pas encore pénétré, un cadavre qui, quelques jours après avoir été
descendu dans la tombe, pourrait être reconnu. Non, mon Jésus, je n’en
possède même plus les cendres, tout a disparu.
O mon
Dieu, quelle mort la mienne, quelle perte éternelle ! Écoutez, Jésus,
ayez pitié de moi ! Tournez votre regard vers moi, lisez ma douleur:
c’est pour vous, et pour les âmes... Soutenez le poids que m’a causé la
mort, voyez que sans vous je ne résiste pas à tant de nostalgie du Ciel
; il m’est impossible de rester ici alors que je désire ardemment vous
aimer... La nuit n’a plus d’étoiles ; il n’y a plus de jour; il n’y a
plus de soleil. O douleur, ô douleur, toi seule vis en moi, il n’y a que
toi qui restes, mais tu n’aimes pas Jésus, tu ne vis pas pour Jésus !
Écoutez, Seigneur, mon cri ! Que ma clameur arrive jusqu’à vous ! Qu’en
sera-t-il de moi, mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi sans Vous ? O lutte,
ô terrible lutte !...
Faites que je vous aime et vous fasse aimer ; j’ai faim de vous donner
le monde entier.
O mon
Jésus, en ce qui concerne la nostalgie des aliments, ce n’est pas moi,
c’est mon corps qui a faim et soif, parce que moi, je n’existe plus !...
Mais, c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient à moi, ont
faim et soif.
(...)
Jésus, cela fait un an que mon martyre à Foz a été terminé. Pendant ces
derniers quarante jours j’ai remémoré tout ce que j’y ai souffert.
Acceptez-vous, mon Jésus, ce martyr si douloureux ? Je ne suis pas
retournée à Foz, mais je peux dire que j’ai presque souffert autant que
lors de mon séjour dans cette maison. Vous avez fait en sorte que tout
se renouvelle : j’ai tout revécu, mon Jésus. Acceptez ma souffrance et,
pour amour pour les âmes, fermez l’enfer. Faites que je vous aime et
vous fasse aimer. J'ai faim de vous donner le monde entier. Pauvre de
moi, mon Jésus ! J'ai la nostalgie des aliments, mais ce n’est pas moi
qui la souffre ; ce n’est pas mon corps qui a faim et soif parce que je
n’existe déjà plus ; mais c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils
étaient à moi, souffrent cette faim et cette soif.
Vous
avez entendu, mon Jésus, que cette dure souffrance m’a fait dire: “je
donnerais tout, je donnerais le monde, je donnerais la vie, s’il était
possible, pour un peu d’alimentation”. Quelle envie, quelle envie,
mon Jésus, de tout posséder pour tout vous donner !
Je
veux vous aimer, je veux vous donner des âmes !...
Tournez vers moi votre divin regard, car je veux fixer le mien sur le
vôtre.
Ne
pensez pas, mon bon Père Umberto, que mon silence soit un oubli. Je ne
vous oublierai ni sur la terre ni au ciel. La cause de celui-ci, ce sont
les “cadeaux”
de Jésus. Si vous saviez combien je souffre... Mais la souffrance
importe peu; ce qu’il faut c’est consoler Jésus. Il me suffit que sa
grâce et sa force ne me fassent pas défaut pour résister à tout... Je
n’ai pas oublié vos intentions de prière ni celles des novices de votre
sainte maison Salésienne... Par charité, pardonnez-moi mes manquements.
Je vous remercie de tout mon cœur et de toute mon âme pour tout ce que
vous avez fait pour moi. Que Jésus vous récompense, vous comble de ses
bienfaits et de son amour, car Lui seul connaît et sais le réconfort que
vous m’avez apporté.
Je
vous sens à côté de moi, et cela me procure du courage pour soutenir ma
souffrance. Que Dieu soit béni. Je ne suis pas encore haïe de tout le
monde...
Sans la Communion ?...
Nuit
ténébreuse, atrocités de la mort ! Le cri de la douleur continue :
écoutez-le, Jésus, c’est lui qui pleure, c’est lui qui invoque votre
secours !... Je n’aperçois aucune lumière... Mon cœur sent qu’il a été
comme lacéré, traversé par une lance bien effilée, avoir reçu une
nouvelle et grave blessure, il sent qu’il ne peut plus être blessé...
Je
suis dans un état de grande inquiétude; je ne sais pas ce que cela
présage.
Quelle horreur ! La tempête se déchaîne, j’entends le sifflement des
vents, je vois les éclairs annonceurs du tonnerre effrayant, je sens des
menaces de destruction.
Tous
sont partis terrorisés et moi, seule, au milieu de la mer, sans
gouvernail, sans bateau, sans lumière, je suis menacée de plonger pour
toujours dans cet abîme. Quelle horreur ! Quelle peur !... Mon Dieu,
qu’est-ce qui m’attend encore ? Je m’abandonne entre vos bras très
saints...
—
Écoutez, mon Jésus, ma souffrance presque moribonde. Un coup très dur
lui a été porté. O souffrance qui tue la douleur ! O souffrance qui ne
peut être comprise que de vous ! Le regard fixé sur vous, ô Jésus, les
calomnies, les humiliations, les mépris, les haines, les oublis ont
toute la douceur de votre Amour ! Qu’il m’arrive, ô Jésus, qu’il
m’arrive tout ce qui vous fait plaisir ! Que mon nom meure, comme je
sens qu’il arrivera à mon corps et à mon âme, afin que triomphe votre
divin Amour dans les cœurs et votre Grâce dans les âmes. Me voici, mon
Bien-Aimé, prête à être immolée. Mais comment résister à tout cela ?
Regardez ce cœur qui éclate et se décompose dans la douleur : il ne peut
pas supporter autant de tourments si vous ne lui venez pas en aide.
Venez, mon Jésus, aidez-le, aidez-le ! Ils veulent me priver de tout:
ils menacent même de me priver de la Communion, interdisant le curé de
venir chez moi, sauf en cas de danger de mort, si je n’obéis pas.
J’obéis, j’obéis, ô mon Jésus, avec votre divine Grâce !
O
sainte obéissance, je t’aime pour Jésus et pour les âmes !
On
m’a mise sur la place publique sans mon consentement : je n’en savais
rien. Et maintenant on voulait, au prix de ma souffrance, recueillir les
plumes que le vent furieux a dispersées ! Comment le pourront-ils ? Ah
mon Jésus, jamais plus, jamais plus ! Si seulement je pouvais vivre
cachée, vous aimer comme je le désire tant, être toute à vous, sans
limites, mais, sans avoir une vie
pareille. Combien sont devenus saints sans avoir ce genre de vie ! Et
moi, je ne suis que misère ! Quelle nostalgie de mes années passées !
Combien de colloques j’ai eu avec vous sans que personne ne le sache !
Je donnerais des vies, je donnerais des mondes pour vivre cachée.
Pardonnez, mon Jésus, je n’ai pas à vouloir ; je n’ai pas à avoir de
volonté propre.
Mon
Dieu, si je savais au moins que par ma souffrance votre consolation
était satisfaite ! Si seulement je pouvais vivre cachée dans cette
chambre, où Vous seul et ces murs avez été les témoins de mes
souffrances ! Si les miens et tous ceux qui me sont chers pouvait
oublier que je vis ici et que je vis avec eux, ô, alors je ne
souffrirais pas !
Je vois toutefois que celui qui souffre c’est votre divin Cœur ; ceux
qui me sont chers souffrent avec moi et ne peuvent pas m’oublier : ce
qui me peine énormément. Combien de fois je ne peux même pas contenir
mes larmes, aveuglée par la douleur ! Puis cette pensée me vient : il
vaut mieux ne pas pleurer, Jésus est davantage content. Je pose mes yeux
sur la croix où Il est crucifié ; je reste un moment à le contempler ;
alors les larmes, qui semblaient ne plus tarir, cessent: je ressens une
nouvelle vie.
Mon
Dieu, quelle terrible lutte ! Pauvre de moi sans Vous, Jésus et
Petite-Maman ! Secourez-moi, je suis votre victime...
Jésus, ne permettez pas que je cède, ne consentez pas que mes lèvres
s’arrêtent de répéter : “Jésus, je vous aime ! Je suis votre victime !
Que
les hommes jugent comme ils veulent; peu importe. Donnez-moi votre
certitude de me vaincre moi-même, de vous aimer et de vous donner des
âmes.
Jésus, je ne vois ni mon passé ni mon présent, je ne vois que mon
avenir: je vois mon sang couler parmi les épines; dans une nuit terrible
et obscure ma souffrance avance et continue de vivre...
—
Jésus, je regarde d’un côté et de l’autre et je ne vois personne ; je
crains et je tremble ; quelle frayeur !...
Jésus, ne me laissez pas sans vous recevoir: que je perde tout,
absolument tout, mais que je puisse avoir la Communion ; tout perdre,
mais vous posséder vous !...
Mon Dieu, quelle vie si mal comprise ! Si ce n’était par l’amour de vous
et des âmes, je ne me serais pas soumise aux âpretés des hommes, je
n’aurais pas à leur obéir.
Ces
pensées défilaient rapides comme des éclairs. Je me suis sentie ensuite
obligée toutes les joies avec l’amour de Jésus : Lui, Il est digne de
tout. Les âmes, les âmes ! Cette pensée a vibré en moi, allumant des
désirs plus fermes de marché parmi les épines...; il m’a mieux fait
comprendre qui est Jésus et ce qu’est le monde...
Je
sens la nostalgie de ma “Passion” du vendredi, mais j’ai peur des
extases. Je crains le vendredi et le premier samedi, je crains n’importe
quel jour ou n’importe quelle heure, mon Jésus, où vous daignez me
parler. Serait-ce une imperfection ? Ayez compassion de moi, Jésus !...
Quelques heures après : la nuit était déjà bien avancée ; à la maison
tout n’était que silence, seuls, ma douleur et ma lutte continuaient.
À
l’improviste, Jésus m’est apparu :
—
Donne-moi la main, ma fille, ne t’ai-je pas promis de soulager ton
accablement ? Allez, va dans les bras de la Petite-Maman, vas-y recevoir
du réconfort.
Aussitôt je me suis retrouvée dans les bras de la Maman du Ciel et,
comme une enfant, j’ai enroulé mes bras autour de son cou. Elle m’a
enlacée doucement et m’a caressée, me couvrant de baisers. Je pleurais ;
Elle m’essuyait les larmes à l’aide de son très saint Manteau et me
disait :
—
Ne pleure pas. Console avec moi le mien et ton Jésus. Il est si
offensé ! Allons, allons, prend courage !
Et
Jésus :
—
Ta douleur, ma fille, ton martyr arrache des artifices de Satan les âmes
que lui, avec tant de rage m’avait prises. Courage... La tempête passe.
Reçois Grâce, Amour et la Lumière de l’Esprit-Saint.
J’ai
vu l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe qui laissait tomber
d’en-Haut sur moi des rayons dorés et un déluge de lumière... J’en ai
été fortifiée. Peu après, dans une douce paix, je me suis endormie.
Vers
14 heures, appuyée sur mes coussins et étendue sur ma croix dans un
profond anéantissement, j’invoquais Jésus, seulement Jésus.
Quelques notes mélodieuses m’ont attirée. Tout d’abord j’ai pensé qu’il
s’agissait de sons de la terre et je me suis mise à l’écoute pour
découvrir d’où ils venaient. Ils m’arrivaient d’en-Haut. Je l’ai très
bien compris et alors mon cœur a frémi avec tant de force qu’il n’en
pouvait plus résister... Toute la tempête s’est estompée... Je me suis
sentie toute remplie d’une grande douceur et suavité. L'harmonie était
composée de beaucoup de sons, comme si émis par un très grand nombre
d’instruments... Je les ai tous écoutés, mais l’un de ceux-ci parmi tant
d’autres m’attirait plus particulièrement... Je ne sais combien de temps
ce ravissement a duré... Peut-être bien une demie heure.
Après
le soulagement qui m’a été accordé le 12, je suis retournée à mon état
de tristesse. Le jour de l’Assomption de la Maman du Ciel est arrivé, et
rien que de penser à la solennité... et à la jubilation du Ciel, il me
semblait ne plus pouvoir résister davantage aux tourments de la terre.
Quelques minutes après la Communion, j’ai ressenti comme un assaut
au-dedans de moi. Il me semblait que c’était Jésus qui, comme un voleur,
était entré et sorti de moi en un instant emportant avec lui le peu de
vie qui était la vie de ma douleur.
Je me suis sentie morte, mais j’ai continué de souffrir davantage du
fait de me sentir privée du peu de vie qui était la vie de ma douleur.
Je sentais que tout me manquait et j’étais scindée en deux morceaux: mon
cadavre resté ici-bas et, là-haut, au Ciel, le butin qui était une
partie de moi-même. Cette partie était plongée dans la joie absolue,
sauf la vision de Dieu, mais ne donnait pas à la partie restée sur la
terre aucun soulagement; bien au contraire, la laissait prosternée dans
un abîme de souffrance sans fin. J’ai passé toute la journée dans une
attente douloureuse de posséder cette autre partie de moi-même qui
m’appartenait et sans laquelle je n’étais qu’un cadavre.
Ce fut pour moi une journée interminable: je l’ai passée dans une
continuelle plainte envers Jésus et la Maman du Ciel, alors que je me
demandais :
—
O mon Dieu, comment puis-je vivre sans vie ?
Vers
le soir, j’ai de nouveau entendu l’harmonie du 12 de ce mois, et ceci a
été pour moi comme un baume pour ma souffrance ; sans cela, je crois que
je n’aurais pas résisté bien longtemps.
La
nuit, je ne saurais dire à quelle heure, le butin m’a été restitué ; je
m’en suis rendu compte parce que je me suis sentie revivre.
Je ne
sais pas pourquoi je suis effrayée et pourquoi j’ai peur... Je me sens
seule, complètement seule... La tempête continue... Vous seul, mon Dieu,
pouvez m’aider; mais, pauvre de moi, il me semble que même vous m’avez
abandonnée. Le cri de détresse n’arrive pas aux oreilles de personne.
Que m’arrivera-t-il de plus, mon Dieu ? Je jette mon regard par la
fenêtre de ma chambre : je n’y vois que des nuages ; je pose sur
celles-ci mon regard admirant la grandeur du Créateur. Si les nuages
s’évanouissent et que l’azur du Ciel apparaît, je ne puis résister à
tant de nostalgie ! Je voudrais m’envoler vers lui, mais combien est
grande la distance qui me sépare du firmament ! Je pleure, je pleure
bien des larmes...
Les
jours où je dois rester sans Communion approchent.
—
Mon Dieu, comment ferai-je pour me priver de vous. Jésus, ma
Petite-Maman chérie, venez à mon secours. Je ne puis vivre sans Jésus !
La
Maman du Ciel a eu pitié de ma douleur. Jésus a veillé sur moi : il ne
m’a pas laissé un seul jour sans le recevoir; il m’a envoyé le Père
Umberto, salésien qui, pour quelques jours, s’est efforcé d’illuminer et
de tranquilliser mon âme. J’ai senti qu’il me comprenait: il
m’insufflait du courage malgré ma grande souffrance.
Après qu’il m’ait écoutée en confession, j’ai ressenti dans mon âme joie
et suavité et, forcée par je ne sais quoi, j’ai chanté des cantiques à
Jésus et à la Maman du Ciel.
Ensuite je suis retournée dans mon habituel état d’affliction, de
douleur et de martyre...
Après
avoir reçu Jésus [Eucharistique], la souffrance de mon âme est devenue
plus suave: mon Bien-Aimé m’accorda en cette occasion une plus grande
intensité d’union, que j’avais déjà ressentie hier, dans le regard des
personnes que j’aime et qui en ces derniers jours me haïssent...
Mais
je suis rapidement retournée dans les douloureuses souffrances du corps
et de l’âme.
—
O mon Dieu, la tempête ne s’apaise point. Ayez pitié de moi : regardez
comme je suis blessée ! On essaie de m’enlever de vos divins bras.
Attachez-moi, attachez-moi à Vous, mon Jésus ! Ne permettez pas que l’on
me sépare de Vous. Que je perde tout ce qui appartient à la terre, mais
que je Vous possède !
Je
me sens abandonnée, seule, seule et sans personne à qui recourir :
Jésus, Petite-Maman, écoutez mon cri de détresse ! Je veux aimer Vos
Cœurs très saints, mais je ne sais pas ce que c’est que l’amour ; je ne
le connais pas; il me semble que l’amour n’existe pas sur la terre. Ayez
pitié de mon affliction. Donnez-moi l’amour que je désire, que j’espère
de Vous. Laissez que je me perde en Vous; que je me brûle dans vos
divines ardeurs...
Je
sens que mon cri reste suffoqué sous le monceau de cendres de mon pauvre
corps, qui n’est plus un cadavre, comme je le ressentais un instant
avant, mais cendre, seulement cendre. Mon Jésus !... Mon cœur n’est plus
dans ma poitrine, tellement grande est son envie de vous aimer et de
monter vers vous. Je ne dis pas bien, mon Jésus, ce cœur n’est pas le
mien, et je ne sais même pas à qui il appartient. Où est-il le mien, mon
Jésus ? À qui appartient celui-ci ? Tout est mort. Jésus, ayez pitié de
moi. Ma volonté c’est la vôtre, vous le savez bien ; oui, vous le savez
bien, mon Amour. Regardez, je ne suis que misère, je ne suis que néant ;
je ne peux rien sans vous. Ne m’abandonnez pas, mon Jésus. J’espère en
vous ; j’ai confiance en vous. La lutte est terrible ! Écouter votre
voix qui m’encourage et me confirme que tout cela est pour votre gloire,
que c’est pour vous consoler, ne me suffit plus. J’en veux davantage,
mon Jésus, j’ai besoin de plus, de bien davantage...
(...)
Le
démon m’est apparu en diverses occasions, de jour comme de nuit; tantôt
sous la forme d’un homme attaché par la ceinture, tantôt sous la forme
d’un lion attaché par le cou. Il a essayé plusieurs fois de m’attaquer,
mais n’est jamais parvenu à me toucher.
À
côté de lui je me sens comme une enfant terrorisée, mais qui ne pondère
pas le danger. Sous la forme d’un homme, il crache par terre et
m’insulte, faisant semblant d’être écœuré de moi; d’autres fois il
frappe des mains et ricane des sentiments malicieux dont il me juge
capable et veut me convaincre que je suis fautive; d’autres fois encore,
il prend des attitudes provocantes pour le mal.
Depuis que ces persécutions ont commencé, je sens, comme si mon corps
était réduit en miettes, et mon intérieur, et mon cœur, sortaient
violemment de moi.
Mon
cri, mon unique cri contre mon ennemi c’est : “Mon Jésus, je suis
votre victime !”
(...)
Après
la Communion, je me sentais découragée, abattue, je ne savais rien dire
à Jésus. Je m’efforçais de répéter très souvent :
—
Mon cher Jésus, mon Amour, je suis toute à Vous !
Je
n’ai rien dit d’autre pendant quelques minutes.
Jésus
est venu :
—
Cela me plaît beaucoup, ma fille, me console beaucoup, ma colombe
bien-aimée, ton affirmation : “Mon Jésus, mon cher Amour, je vous
aime, je suis toute à Vous”. Répète-la très souvent. Courage, ô mon
aimée ! Ne crains pas les assauts du démon. Ce n’est que par ce
sacrifice que tu peux réparer des crimes aussi graves. Donne-moi tout ce
que je te demande pour ma gloire et pour le salut des âmes. C’est pour
[t’aider à les supporter] que je t’ai donné un médecin très cher à mon
divin Cœur.
Dis à mon cher Dom Umberto qu’il a été choisi par moi pour venir près de
toi. Je n’interviens pas avec la fréquence qu’il aimerait pour l’étude
[sur ton cas]. Mais, ayant reçu mes divines lumières, je veux qu’il
aille vers ton Père spirituel,
tant aimé de mon Cœur, à qui j’envoie tout mon amour : ensemble ils
soutiendront et défendront ma divine cause, aidés par ceux qui sont de
mes amis et qui ont soin de tout ce qui me regarde. Va, ma petite fille,
donne l’abondance de mon divin amour à tous ceux qui sont autour de toi
et qui t’aident: ils Me sont tous bien chers.
Dis à mon cher Père Umberto que le parfum est un parfum divin,
c’est le parfum de tes vertus. Je dis cela parce qu’il en a besoin pour
son étude.
(...)
Je me
suis sentie obligée de m’agenouiller et de lever les bras au Ciel pour
plus dignement louer le Seigneur. Je ressentais une envie irrésistible
de me transformer en feu divin et de plonger dans celui-ci les cœurs et
les âmes...
Aujourd’hui j’ai senti le démon au-dedans et à côté de moi. J’ai éprouvé
une insupportable envie d’aimer Jésus, de lui donner des âmes, de le
consoler, de le faire connaître. Toute remplie d’amour je lui répétais :
—
Jésus, Jésus, amour, amour !
Dans
cet état, je n’ai pu contenir les larmes au vu de ma misère, la fange
dans laquelle je vis et qui me cause de l’horreur.
Mes
désirs d’aimer ne valaient rien, tout était perdu. Je me sentais comme
dans un vaste cimetière, presque sans vie, comme si je ne bougeais déjà
plus. À peine couverte de cendres, je ressemblais à l’un de ces vers qui
dans les pinèdes font leur résidence sous des monticules de terre et de
bois en décomposition. Malgré tout cela, mon offrande à Jésus comme
victime, inséparable de la crainte de l’offenser, restent toujours
présentes. Paradoxe terrible et presque permanent : je vis sans vivre ;
je souffre sans souffrir ; j’aime sans aimer.
Ce
matin Jésus est venu, et descendant dans ce cimetière, il s’est joint
aux vers et s’est recouvert des mêmes cendres. Il n’y avait que mort à
l’intérieur de moi; une mort qui semblait se fondre dans le gémissement
de toute l’humanité. Jésus n’a pas donné signe de vie au-dedans de moi :
je suis restée dans les plus épaisses ténèbres et dans une souffrance
amère ; les âmes et l’amour de Jésus m’obligent à tout endurer...
Pendant deux jours j’ai mieux pu respirer: Jésus a daigné, pour quelque
temps, soulager mes souffrances.
Aujourd’hui il m’a surchargée en plus du poids très aimant de sa croix.
Je me sens aux portes de l’éternité. Deux violentes luttes avec le démon
m’y ont propulsée. Mon Dieu, quelle terrible souffrance! J’ai lutté,
j’ai imploré le secours de Jésus et de la Maman du Ciel, de saint
Joseph... J’étais un monstre à l’intérieur d’un autre encore plus grand.
Les yeux fixés sur le crucifix, j’ai répété des dizaines de fois :
—
Jésus, je suis votre victime. Acceptez mes larmes. Que chacune d’elles
soient une mer d’amour dans laquelle je puisse cacher vos Tabernacles,
afin qu’ils ne soient pas attaqués ni profanés par vos enfants.
J’ai
souffert la première fois pour un prêtre qui se trouvait en grave
danger, et la seconde fois pour tous les prêtres.
La
rage du démon était terrible : il me semblait être entourée par une nuée
ténébreuse qui m’empêchait de voir.
O mon
Dieu, et les doutes d’avoir péché !… Je ne pouvais pas me souvenir que
j’étais en présence de Dieu, que je l’avais en moi...
Il
faisait déjà nuit quand Jésus est venu :
—
Ma fille, entre toi et le démon, il y a une grande distance: entre vous
deux, je m’y trouve. Ce sont des astuces à lui, mais ce qu’il te montre
est faux. Je l’ai Moi-même attaché et je ne permets pas qu’il s’approche
de toi.
Courage, mon aimée. Tu es à moi, toute à moi !
Je me
suis sentie revivre et je me suis tranquillisée pour quelque temps.
Hier,
sans que je m’y attende, Jésus, attendri par ma souffrance, a fait venir
ici le Père Umberto,
que je n’avais pas osé appeler. Ce ne fut qu’avec une certaine réserve
que j’ai pu lui ouvrir mon âme: j’ai fait un énorme sacrifice pour
parler;
je l’ai offert à Jésus pour ceux qui, par malice, cachent leurs fautes.
J’ai pleuré des larmes de soulagement et de pudeur; mais aussitôt, une
grande paix est entrée en moi, en même temps que de mon âme
s’échappaient toutes les ténèbres, les doutes et tout ce qui causait ma
souffrance... Je me sens aujourd’hui libérée des attaques du démon, mais
je sens dans mon âme de terribles menaces: il est comme attaché et
muet...
Ce
matin j’avais à peine fait ma préparation pour recevoir Jésus, quand
monsieur le curé est arrivé. L’Attendu de mon âme placé sur la petite
table et les cierges allumés, le cure m’a dit :
—
Voici que Jésus vient te rendre visite et te tenir en peu compagnie. Le
Père Umberto viendra te le donner après.
À
peine monsieur le curé était parti,
une force provenant je ne sais d’où m’a obligée de me lever. Je me suis
mise à genoux devant Jésus et je me suis inclinée vers Lui. Mon visage
et mon cœur n’avaient jamais été aussi près de Lui. Quelle félicité la
mienne ! Je l’ai intensément prié pour moi, pour tous ceux qui me sont
chers et pour le monde entier. Je me suis sentie brûler dans ces flammes
divines.
En
outre, Jésus m’a parlé :
—
Aime, aime, ma fille, n’aie pas d’autre préoccupation que celle de
m’aimer et de me donner des âmes. Là où est Dieu rien ne manque :
victoire, triomphe !
Je
demandé aux anges de venir chanter des louanges avec moi. J’ai beaucoup
chanté jusqu’à ce que le Père Umberto me donne l’ordre de me remettre au
lit.
Enflammée par l’amour divin, j’ai fait ma Communion.
Quelques instants après Jésus m’a dit :
—
Ce sont des merveilles, ce sont des preuves que je donne. Dis, ma fille,
à mon cher Dom Umberto que ce fut bien Moi qui le permit. Plus rien
n’est nécessaire de ma part. Maintenant il ne reste plus qu’à lutter,
lutter, combattre le regard fixé sur Moi. La cause est mienne, elle est
divine ! Pauvres hommes qui immolent de la sorte mes victimes ! Pauvres
âmes qui blessent ainsi mon divin Cœur ! Je me console dans l’amour de
cette colombe innocente, de cette victime tant aimée, maîtresse de mes
trésors et de toute ma richesse. Que le monde entier vienne, qu’il
vienne vite boire à cette source. C’est de l’eau qui lave et purifie,
c’est un feu qui brûle et sanctifie.
—
Mon Jésus, je vous aime, je suis toute à vous, je suis votre victime...
—
Combien d’âmes reculent !
Beaucoup, dès le début, beaucoup d’autres à moitié chemin. Elles veulent
tout recevoir de moi, mais rien me donner ! Elles veulent réparer, mais
sans immolation ni sacrifice.
Si
tous les maîtres et sages de la sainte Église comprenaient sérieusement,
profondément, ma vie divine dans les âmes, je serais bien plus aimé ; je
recevrais bien plus de réparation.
—
Écris tout, et donne-le à ceux qui prennent soin de toi et de ma divine
cause. Cela suffit; ils résolvent tout.
Ma
bien-aimée, dis au monde qu’il écoute la voix de Jésus résonner sur la
plus haute montagne, au milieu de la plus terrible tempête.
Qu’il y ait changement de vie, que l’on prie, que l’on fasse pénitence.
Ou
bien feu, sang et condamnation, ou réconciliation: feu de l’amour divin,
paix et pardon.
Attention, Portugal ! C’est Jésus qui te met en garde par les lèvres de
sa victime. Attention, monde entier ! Écoute la voix de Jésus !
Lève-toi, amende-toi, réconcilie-toi ! Écoute le Père qui t’appelle, te
met en garde, qui veut te sauver.
Je
suis morte, morte au monde, morte à tout. L’infime souffle de vie qui,
depuis déjà un certain temps agonisait, s’est éteint. Cette force qui
traînait la vie le long d’un immense cimetière, a complètement disparu.
(...)
Depuis quelques jours déjà, une pluie de sang qui venait d’en-Haut, a
commencé à tomber. Il pleut du sang, continuellement. Cette pluie a tout
d’abord mouillé et imbibé les cendres; ensuite, elle les a lavées
jusqu’à ce qu’elles disparaissent; il n’en reste plus rien. Et le sang
continue de tomber d’en-Haut. Il tombe sur ce qui est propre; il n’y a
plus rien à laver. O mon Dieu, comment puis-je parler d’une chose qui
n’existe pas !
(...)
Je
veux souffrir, je veux réparer pour tous ceux qui pèchent en ce moment.
Des heures se sont ainsi passées et je rentrais en moi pour parler aux
Personnes divines de mon âme. Combien de fois je sens en moi leur royale
présence ! Je sens l’Esprit Saint sur son trône, le trône de mon cœur,
entre le Père et le Fils, et, eux, surtout, battent de leurs ailes
blanches comme pour me réveiller et me dire qu’ils sont présents. Il
m’éclaire de son amour, me gratifie des effusions de son divin feu... O
si toutes les âmes connaissaient et sentaient en elles la présence du
Père, du Fils et du Saint-Esprit !
Jour
après jour ma vie devient de plus en plus, à chaque moment, pénible et
triste. L’ordre d’obéir m’oblige à vivre cachée, à ne recevoir plus
personne, devenant ainsi, petit à petit, oubliée. O mon Dieu, s’il ne
tenait qu’à ma volonté, c’est cela même que je voudrais, mais quel
leurre ! Plus on me veut cachée, plus on me fait connaître. Des
visiteurs arrivaient de toutes parts. La curiosité des médecins a été
éveillée.
—
Oh âmes, âmes, si vous saviez les souffrances qu’il faut endurer pour
vous sauver !
—
O mon Jésus, combien élevé est le prix pour la conquête de votre amour !
Ce
matin, quand je me préparais pour la visite de mon Aimé, je me suis
sentie triste et amère : mon Dieu, vous recevoir ainsi, si remplie de
misère !
—
Ayez pitié de moi, Jésus ! O Petite-Maman, purifiez mon cœur, mon
corps et mon âme ! Préparez-moi pour la visite de Jésus !
Il
est venu et m’a rassérénée : je le sentais dans mon âme. Il adoucit ma
douleur en m'unissant toute à Lui.
Quelques instants après on m’a apporté la nouvelle que mes écrits, que
nous croyions perdus et que le démon m’affirmait avoir dans sa main,
étaient arrivés à destination.
J’ai éprouvé une très grande joie et, étant donné que je venais de
recevoir Jésus, j’ai profité pour le remercier plus intimement.
Peu
après les visites ont commencé : Jésus m’a donné la force pour affronter
d’aussi grands sacrifices.
Vers
14,30 heures cinq hommes sont entrés dans ma chambre ; j’ai eu aussitôt
le pressentiment que l’un d’eux était médecin. Ils m’ont interrogée. Je
ne sais pas pourquoi mon regard se fixait plus particulièrement sur l’un
d’eux. J’ai su ensuite que celui-ci était médecin. Habitée par mon
pressentiment, je répondais à toutes les questions et cherchais à
m’expliquer de la meilleure manière que je pouvais sur ma maladie. Ce
n’est pas pour autant que j’étais sereine. O Jésus, vous seul savez tout
ce que cela m’a coûté ! Mon Dieu, quand tout cela sera-t-il fini ?
Certainement seulement avec ma mort.
Je
répondais aussi avec fermeté, car la vérité n’a qu’un seul chemin.
Ensuite ils ont porté la conversation sur l’alimentation. Quel rude
coup ! Si seulement tout le monde l’ignorait !
—
Alors, pourquoi ne mangez-vous pas ?
Je ne
savais pas si je parlais à des personnes religieuses ou pas, toutefois,
sans respect humain, j’ai répondu :
—
Je fais la Communion tous les jours.
Il
s’en est suivi un long et profond silence : pas un geste, pas un
sourire. Peu après ils ont pris congé avec respect et délicatesse.
—
Jésus, ma Petite-Maman, divin Esprit-Saint, donnez votre lumière à ces
âmes : qu’elles soient à vous et suivent votre chemin.
Que mes humiliations et mes sacrifices soient salut pour tous.
Avant
quinze heures, j’ai senti dans ma tête les épines si profondément, qu’il
me semblait, parfois, que ma tête se couvrait tout entière de sang.
J’étais sur la croix ; j’étais sur le Calvaire, sans lumière, sans joie,
sans vie.
Qui
n’a pas de vie, comment peut-il sentir ?
O mon
Dieu, combien grands sont vos mystères !
Fête
du Christ-Roi. Au petit matin, lors de la préparation à la Communion, je
me suis engagée à consoler Jésus : j’ai demandé à la Maman du Ciel de
lui offrir mes prières et tous mes actes pour sa plus grande gloire et
afin qu’il règne sur le monde entier et dans tous les cœurs. Je me suis
offerte à Jésus par Marie...
Beaucoup de personnes sont venues me rendre visite : des demandes
étranges et désagréables m’ont fait beaucoup souffrir. Que tout cela
soit par amour de Jésus et Marie ! Ce sont Eux qui me donnent la force
pour sourire à tous et cacher ainsi ma souffrance.
Je me
suis sentie un rien : un rien qui n’existe plus ; je me suis sentie
morte et, avec moi, morte aussi toute l’humanité ; mais il s’agissait
d’une mort qui n’avait jamais eu de vie.
Qu’en sera-t-il de moi, mon Dieu ? Quel tourment ! Dans cette mort
émergeaient des anxiétés presque insupportables d’aimer Jésus : aimer
sans sentir, aimer sans connaître l’amour.
Je
joins cette note : de terribles menaces du démon m’ont tourmentée et
m’ont remplie de peur et de terreur.
Mon
Dieu, je ne veux que ce que vous voulez. Je suis prête à tout. Ne
permettez pas que je vous offense.
Le
démon est menteur, mais cette fois-ci il ne l’a pas été. Hier, avec des
paroles grossières, il m’ordonnait de me préparer pour la nuit. Il a été
de parole. Je ne sais pas avec précision, mais probablement vers les 22
ou 23 heures, il est venu avec toute la fureur et la malice infernales.
Je ne veux même pas y penser. Quelle horreur ! J’ai lutté pendant
longtemps.
Ma
peur était qu’il arrive à obtenir de moi que je dise :
—
Je ne veux pas Jésus ; je ne veux pas Marie ; je ne veux pas le Ciel. Je
les hais ! Je leur tourne le dos ! Je veux le plaisir, je veux jouir.
Je ne
peux pas le jurer, mais je crois que je ne l’ai pas dit.
Ce
n’était que de temps à autre que je pouvais appeler Jésus et la
Petite-Maman, m’offrant comme victime.
Dans
les moments pendant lesquels il me semblait pécher sans autre
possibilité, j’étreignais, comme je le pouvais mon crucifix et la Maman
du Ciel, leur disant :
—
Aimer, oui ! Pécher, non !
L’affliction de mon cœur a été si grande que pendant longtemps j’ai cru
mourir.
Je me
rappelais ensuite des promesses de Jésus et cela me réconfortait.
Je
veux le Ciel, mais je veux une mort d’amour. Je ne veux pas mourir entre
les mains de Satan.
Je me
voyais au bord d’un horrible précipice. Parmi les ténèbres de cet abîme
on voyait de gros crochets, bien visibles. Très épouvantée parce qu’il
me semblait que j’allais y tomber sans la moindre possibilité de m’en
échapper, je me suis évanouie. Mon cœur battait très fort: ma mort
semblait éminente. Ce n’était que mentalement que j’arrivais à dire :
—
O mon Jésus, si seulement je ne péchais pas, cette souffrance
m’importerait peu !
Je
suis ainsi restée dans cet accablement et cette triste agonie : le
péché, le péché, quelle préoccupation !...
Mais
Jésus est venu et m’a parlé :
—
Tu ne pèches pas, tu ne pèches pas, ma fille ! Aie confiance, aie
courage ! J’exige de toi cette réparation. As-tu vu cet abîme ? Par ta
souffrance tu évites à un grand nombre d’âmes d’y tomber. Pendues à ces
crochets elles restent prisonnières pour toujours...
Toussaint. — Très tôt, au petit matin, pendant que je me préparais à
recevoir mon Jésus, j’ai chargé les Saints d'aimer pour moi Jésus, la
Petite-Maman et la Très Sainte-Trinité. Dans le doute d'avoir offensé
mon Jésus
je Lui ai demandé pardon à plusieurs reprises pour tous mes péchés et
j’ai prié la Vierge de Lui demander, Elle aussi, pardon pour moi : je
voulais faire une communion très fervente et sainte.
Jésus
est venu, et a ravivé en moi le désir d’un amour toujours plus grand.
Assez troublée par ma misère, je n’osais pas fixer sur Lui mon regard ni
Lui parler... Je cherchais à me cacher sous toutes les montagnes ; et je
l’ai fait: j’ai couru vers celles-ci et toutes, elles sont tombées sur
moi. Alors j’ai pu m’écrier :
—
Jésus, mon amour n’a d’autre fin que de vous aimer. Je veux vous aimer,
mais non pas pour paraître ni pour plaire aux créatures.
J’ai
continué de demander l’amour de Jésus, sous le poids écrasant des
terribles montagnes.
Je
voulais vivre la vie du Ciel, dans la pensée de tout ce que se passait
là-haut, en ce jour. Je voulais fêter les saints et louer le Seigneur
avec eux, mais je ne le pouvais point. Je criais seulement :
—
Jésus, je veux vous aimer !
Mais
mon cri n’était pas entendu, ne sortais pas, restait suffoqué par les
rochers.
—
Que faire, mon Dieu ? J’accepte avec joie tout ce qui m’arrive de vos
mains bénies. Je suis à vous et tout cela est pour vous.
De
temps à autre, parmi ces désirs d’amour, intervenaient les menaces du
démon, jusqu’au moment où, la nuit arrivant, il est devenu furieux. Il
utilisa tous les moyens et tous les noms mauvais ; il a même trouvé le
moyen de me faire sentir dans l’âme des désirs de pécher.
Ce
sont des choses à lui, car moi, je ne veux pas pécher. Je préfère des
millions d’enfers à la plus petite faute...
—
Ma reine ! Tu es ma reine, parce que je suis ton Roi, je suis sur ton
trône, je règne en toi, tu es donc ma reine...
Je
te donne encore davantage : le titre de reine de la douleur, reine de
l’amour, reine des pécheurs. Tu régneras, tu triompheras sur eux.
(...)
—
Je suis ton Époux, je suis ton Roi, Seigneur de tout ton être. Je t’ai
fait dépositaire de tout ; je t’ai donné toutes mes richesses... Je t’ai
fait puissante sur la terre et dans le Ciel... Bienheureux les pécheurs
qui, au moment de leur mort, auront quelqu’un qui te les recommande et
te les confie... Tu régneras, tu triompheras sur eux.
Jésus
m’a déposée entre les bras de la Maman du Ciel. Avec combien de douceur
et si affectueusement Elle m'a embrassée ! Mon visage était tout contre
le sien, couvert de tendresse et de ses caresses! Je peux le dire : plus
jamais je ne me suis sentie de la sorte. J'ai eu un avant goût du Ciel.
J'avais l'impression d'être enveloppée par un nuage.
—
Maman, ma Petite-Maman, quel bonheur le mien !... Qu'est-ce que ce sera
alors de jouir de vous au Ciel et pour toute l'éternité !...
— O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus, aie confiance, confie ! Dans
peu de temps, bien peu, pour toi ce sera le Ciel, la joie éternelle. Je
te le confirme, ma fille, les paroles du tien et mon Jésus : tu ne
l'offenses pas.
J'ai compassion de toi, de te voir au milieu d'aussi cruelles luttes,
sachant combien tu aimes la pureté : c'est pour cela que je t'aime et
que Jésus t’aime, Lui aussi. Il a besoin de ta réparation. Si seulement
tu savais combien Il est offensé par les manquements fréquents à la
vertu de la sainte pureté !
Elle
m’a caressée de nouveau et Elle-même m’a confiée à Jésus.
— Prends, mon Fils, prends ta fille. Donne-lui maintenant ton amour,
comble-la de tes tendresses.
(...)
Prise
dans les affres de l’amour, et la douleur amère de mes fautes, le divin
Esprit Saint a agité ses ailes, dans la partie la plus intime de mon
âme. Il a fait avec moi comme les oiseaux font avec leurs petits, dans
leur nid. Avec son bec de feu divin, il a alimenté mon cœur et ensuite,
l’introduisant entre mes lèvres, il a alimenté tout mon être. Je me suis
senti une vie toute nouvelle. Je pouvais aimer et servir mon Jésus. Ces
moments sont brefs ; je retourne presque aussitôt sur ma croix, presque
aussitôt je me retrouve sans vie.
—
Ma fille, tu es mon palais, le richissime tabernacle où j’habite. Ma
fille, reine du martyre, reine de l’immolation. Reine oui, parce que ton
martyre est supérieur à tout autre martyre et immolation. C’est pour
cela que tu es reine. Ma fille, ma belle colombe, étoile étincelante,
c’est par ton éclat et ta pureté que tu attires les âmes et les conduis
à mon divin Cœur...
Courage, ma petite bergère ! Quand tu seras au ciel, on t’invoquera sous
le titre de Bergère de Jésus et sous tous les titres sous lesquels je
t’ai appelée.
(...)
L’après midi, je me suis sentie plongée dans une nuit obscure. Il me
semblait que mon corps et mon âme tremblaient, comme s’il s’agissait
d’une branche souffle par le vent. Les yeux de mon âme, et non pas ceux
de mon corps, fixaient le ciel, sans savoir comment. Mon esprit
s’exclamait : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ?”
À cette exclamation, d’en-Haut, sont descendus sur moi, divers reflets,
comme des reflets d’un soleil radieux. Ces reflets venaient, comme des
flèches, me pénétrer le cœur et l’âme; ils me donnaient la force de
supporter ma grande frayeur.
(...)
Mes
souffrances sont diverses. À certaines heures mon esprit vogue dans
l'air, toujours plongé dans d’épouvantables ténèbres, sans trouver un
endroit où il puisse se reposer un peu. Je veux sortir, je veux m’en
aller, rejoindre le Ciel ; mais je ne le vois pas, je ne le trouve pas :
pour le moment il n’existe pas. Jésus et la Petite-Maman n’y sont pas;
ils n’entendent pas le cri qui les appelle, ne voient pas l’anxiété et
le martyr de ce pauvre esprit. O mon Dieu, tout est perdu !
—
O Jésus, pourquoi tant de souffrance ! Le Ciel n’existe-t-il pas ? N’y
a-t-il plus d’âmes à sauver ? Tout a cessé d’exister.
O
Jésus, je suis toujours votre victime, je crois en votre existence ! Je
crois au Ciel où vous habitez et qui m’attend pour vous y aimer et vous
y louer.
(...)
Tristes heures, tristes jours de mon existence... Heures terribles de
grande confusion... Mon âme avait des fracas de tempête...
(...)
Mon
Dieu, quelle destruction! Devant moi une épouvantable montagne: je ne
peux y monter, je ne peux pas non plus revenir sur mes pas.
Tout
à coup je me suis retrouvée à genoux, les yeux tournés vers le Ciel et
j’invoquais les noms de Jésus et Marie. J’ai crié fort du plus profond
de mon âme mais mon cri n’est pas arrivé là-haut : il se dispersait
contre les rochers de la montagne, il s’imbibait dans mon sang et dans
mes chairs lacérées par les épines, pour mourir avec moi.
(...)
Le
démon ne me tourmente pas de ses assauts, mais avec des artifices et des
paroles scandaleuses. Il vient tout près de moi comme pour m’agresser,
mais il ne me touche pas. Il me menace en me disant :
— Je dois détruire ton corps.
Et il
ajoute beaucoup d’attitudes dégoûtantes.
— Pèche quand tu veux et comme tu veux !
Et
faisant semblant d’être très content, il applaudit, danse et continue
ses ricanements.
— Regarde : Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici ; ils
t’ont abandonnée ; ils te croyaient une innocente alors que tu n’es
qu’une...
Et il
m’appela de tous les pires sobriquets. Avec d’autres ricanements il
ajoute :
— Ils ont été interdits de venir ici.
— Mon
Jésus, le père du mensonge ne me laisse pas. Il est mon ennemi, mais le
votre aussi. J’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne. Donnez-moi
courage. Ne me laissez pas commettre le péché. Je suis très pauvre,
donnez-moi vos richesses; je suis dans l’obscurité, donnez-moi votre
lumière. Je suis à vous, Jésus, je vis pour les âmes.
(...)
Mon
agonie se transforme. O quelle horreur, quelle horreur, terrible
horreur !
Mon
Dieu, que m’arrive-t-il maintenant ? Mon âme est morte ; tout ce qui
m’appartenait est mort. La mort de mon pauvre corps a été causée par les
misères, la méchanceté, les crimes honteux. Sans âme, sans vie, sans
rien, comment puis-je encore être là ? À qui appartiennent cette douleur
et cette agonie ?
Jésus, je ne sais pas !... O, quelle triste confusion ! C’est presque du
désespoir. O mon Jésus, ô Petite-Maman, qu’en sera-t-il de moi, si vous
ne venez pas à mon aide ? Si vous, vous me manquez, qui pourra me
soutenir. Sang de Jésus, douleurs de Marie, soyez ma force dans ce
martyre, car si j’y suis, c’est par amour pour vous, pour l’amour des
âmes. Je ne peut pas me complaire de la mort de mon âme ; j’ai envie de
me révolter contre vous ! Je pense aux condamnés à l’enfer ! Combien
plus pénible ne sera-t-il pas d’être condamnée pour toute l’éternité !
Nouveaux assauts du démon : cette nuit il est venu animé par une grande
fureur...
— Je détruirai ton corps. Tu peux vivre aussi bien des plaisirs, que
d’amour. Il est bien plus agréable de pécher. Je t’entraînerai dans les
plaisirs.
Ensuite, en ricanant :
— Tu vois ? Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici: ils en
ont été interdits.
Et il
ajoutait des sobriquets indécents.
Le
démon, quelquefois, a dit la vérité.
Depuis quelques jours j’avais le pressentiment que l’on avait interdit
le Père Umberto de venir me voir...
La
lutte contre le maudit s’est prolongée pendant longtemps... Je suis
restée exténuée de tant lutter.
(...)
Le
matin suivant, quelques heures après la Communion, en voyant les miens
manger des mets qui me plaisaient, j’ai ressenti une grande nostalgie,
presque insupportable, de m’alimenter.
Mais je suis restée silencieuse, offrant à Jésus le sacrifice et la
nostalgie des aliments, pour ceux qui n’ont que du désir pour le péché
et s’alimentent de choses qui offensent Jésus.
Il
était déjà tard quand j’ai eu des nouvelles qui confirmaient mes
pressentiments. Mon Dieu, quelle profonde blessure dans mon cœur! On ne
me le dit pas, mais j’ai été convaincue que le Père Umberto avait été
interdit de venir jusqu’ici. Pour moi-même, j’ai dit : “Que la
volonté du Seigneur soit faite! Bénie soit ma croix !”
J’ai
pu lever mes mains et réciter le “Magnificat”, comme action de grâces.
—
Acceptez, mon Jésus, encore cette offrande.
Une
force inexplicable envahit mon cœur: je voulais chanter des hymnes de
louange et d’actions de grâces. J’ai récité les prières du soir avec
beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’énergie. Et puis ce furent des
larmes, beaucoup de larmes autour de moi. J’ai adressé quelques paroles
de réconfort, mais cela ne servit à rien. À côté de moi je voyais se
creuser une sépulture pour ma sœur et c’était moi qui la creusait.
—
C’est moi, mon Jésus, qui suis en train d’ensevelir Deolinda, mais
involontairement.
Et
mon cœur saignait au profondément.
—
O Jésus, ô Petite-Maman, que tout cela soit par amour pour vous et pour
les âmes ! Que je reste seule, que tous m’abandonnent; mais Vous, ne
m’abandonnez pas ! J’ai confiance, j’ai confiance en Vous.
(...)
Une
crainte m’a envahie. Avec les pressentiments que j’avais eus et qui
s’étaient réalisés, et qui me faisaient tant souffrir, j’ai attendu le
curé avec anxiété, pour voir s’il me disait avoir reçu l’ordre de ne
plus me donner Jésus. Il est venu ; il ne m’a rien dit, mais la crainte
continue. N’y aura-t-il que cela ? On m’a tout enlevé, sauf Vous, ô
Jésus ! Tenteront-ils de le faire ?
—
O mon Dieu, je mérite tout cela à cause de mes méchancetés et de mes
misères ! Je suis sûre, mon Jésus, que s’ils procèdent de la sorte, vous
y suppléerez d’une autre façon: je le sais bien, je ne vis que pour
Vous.
Un
prêtre est arrivé de Mogofores
avec une famille. Cela me fut bien difficile ! De nouvelles épines m’ont
blessée, car celui qui comprenait si bien mon âme, n’est pas venu. J’ai
cherché à cacher ma douleur par un sourire. J’ai expliqué mes
pressentiments ; on m’a répondu en voilant le plus possible la vérité,
mais j’ai tout compris. En prenant congé de lui, je ne sais pas
expliquer la profonde douleur que j’ai ressentie. J’ai expérimenté une
grande nostalgie de celui que la bêtise des hommes m’avait enlevé. J’ai
tout confié à Jésus, pour tous j’ai demandé son pardon et son divin
Amour.
Volonté de mon Dieu, combien je te désire et combien je t’aime !
Je me
suis sentie plus forte, et ainsi j’ai pu couvrir, par mon sourire la
douleur qui broyait mon âme...
—
Donne aux âmes ce que je te donne; donne aux âmes ta vie intime avec
moi. Que de beautés, que de leçons tu donnes au monde !
Bénie de mon Père, dépositaire de tout ce qui est divin ; puissante en
tout, mais de tous les pouvoirs qui concernent les âmes...
O
auxiliatrice des pécheurs, aide-les, lave-les dans le sang de ta
douleur, purifie-les dans la plaie de ton cœur, plaie qui saigne
uniquement pour eux et pour moi !...
Je
dicterai ce qui se passe dans mon âme pour obéir, non pour satisfaire
mes désirs.
J’ai
toujours devant moi l’énormité de mes misères passées et je crains
toujours de nouvelles chutes.
Quelle horreur, de voir toujours ce que j’ai été ! Comment puis-je, moi
qui ne suis que misère, dire quelque chose de bien ? Elles sont bien
tristes ces pensées et ces craintes! Ma confusion augmente, me voyant
les mains vides... Je me mets en présence de Jésus sans rien, rien. Mon
Dieu... sans vie pour pratiquer le bien, et sans amour pour vous aimer !
Pour aimer et pratiquer le bien, la vie est trop courte, et je ne la
sens pas, je ne l’ai pas. Au contraire, dans l’attente de venir à Vous,
ô Jésus, pour vous aimer et vous louer éternellement, même une heure
devient une éternité ! Comment puis-je rester ici ? Ma vie qui
appartient à je ne sais qui s’est enfouie là-haut et de là contemple le
lieu où elle a laissé ce pauvre corps... elle lutte et souffre d’une
manière que je ne sais même pas exprimer.
De
dedans sortent des ondées de feu, feu qui brûle même ma langue. Souvent
je demande un peu d’eau pour mes lèvres, pour dire d’étancher ma soif.
Impossible ! Les ardeurs ne cessent pas et je demande que l’on me donne
de l’eau que je ne peux même pas avaler. Combien souffrent les
damnés !...
Je
continue d’entendre au loin les horreurs de la tempête. Je sens des
cœurs révoltés contre moi: ils tentent d’effacer mon nom, ils tentent
d’étouffer tout ce qui existe en moi, tandis que moi, entre ces quatre
murs, je souffre l’indicible. Mon nom parcoure le monde comme une
feuille que la tempête entraîne. Je suis poursuivie et calomniée.
—
Par qui, mon Jésus ? Vous le savez ! C’est pour toi et pour les âmes.
Je
sens mon corps comme une masse de sang; je le sens comme étant placé
entre deux montagnes qui l’écrasent jusqu’à le faire disparaître, le
réduisant à néant...
Mon
Dieu, tout est mort, tout est perdu ! Et je suis seule, sans personne !
Entre ces deux montagnes, lieu de supplice, il ne rentre pas un rayon de
lumière. Qui pourra me secourir ? Il n’y en a aucun. S’il en était
possible et que moi je l’ai pu, j’irais à genoux demander de l’aide,
afin que l’on libère celui qui souffre tant et duquel je souffre
l’absence. Combien je recevrais davantage de lumière et combien
davantage d’amour recevrait Jésus ! Si je le pouvais, j’irais à genoux
devant ceux qui me font souffrir, pour leur demander :
—
En quoi vous ai-je offensé, pour que vous me traitiez de la sorte ?...
(...)
Cela
s’est passé la nuit, je ne sais pas à quelle heure : j’ai vu à côté de
moi la Vierge de Fatima. Elle ne s'est pas arrêtée, Elle ne m’a pas
parlé. J’ai compris qu'Elle était venue pour me montrer que je ne me
trouvais pas seule, qu'Elle était à côté de moi.
Libérée ainsi de la tristesse qui m'habitait, une douce suavité
m'envahit et alors j’ai pu m'endormir.
(...)
Aujourd’hui, après la Communion je me suis épanchée avec mon Jésus pour
soulager ma souffrance, mais sans en attendre une réponse. Jésus
incendia d’abord mon cœur avec de vives flammes... Puis il a commencé à
me parler :
—
Ma fille, ta douleur est ma consolation ; tes larmes sont pour moi des
sourires, par la réparation que tu me procures. Courage pour toutes les
épreuves passées et celles qui peuvent encore venir. Tu as ton Jésus.
Que peux-tu craindre ? Tu as la grâce et la force pour combattre et
vaincre des milliers de mondes. La victoire est mienne, seulement
mienne. La gloire est mienne et de ceux qui en ont le soin de mes
affaires.
J’ai acquis une nouvelle force et mon âme a été réconfortée. Cela a peu
duré et je suis retombée dans la souffrance habituelle...
(...)
Hélas ! le vendredi et le premier samedi arrivent: deux jours pendant
lesquels vous me parlez. O Jésus, il a tant d’âmes qui ne connaissent
rien de tout cela et qui pourtant vous aiment et sont saintes ! Moi
aussi je pourrais vous aimer sans toutes ces choses. Eussé-je ma
volonté ! Mais je ne l’ai pas et je ne la veux pas.
C’est toujours pénible pour moi quand vous me donnez des consignes à
transmettre à d’autres personnes. Quelques fois je l’ai fait, mais très
peu. Je ne suis pas capable de le faire sinon par écrit et si par un
quelconque motif j’y suis obligée; cela me coûte un énorme sacrifice. Si
cela n’est pas indispensable, je ne dis jamais : « Écoute ce que
Jésus a dit... », même avec ma sœur, je ne prends jamais cette
liberté ; je n’y arrive pas, j’ai honte.
Si le
Seigneur se lamente de personnes en général, sans les nommer, quand je
dicte, je me sens intimidé, j’aimerais l’occulter en disant le moins
possible. Il en de même quand il parle de moi avec louange : Jésus seul
sait combien cela me gêne et me fait souffrir.
Il
était 14,30 heures quand j’ai entendu des pas. J’ai compris aussitôt
qu’il s’agissait de monsieur le Curé. Quand je l’ai vu seul, sans que
d’autres l’accompagnent, j’ai tout de suite compris que l’heure de
nouvelles épreuves était arrivée.
Il
est entré, s’est assit et, avant toute autre chose il m’a demandé qui
était mon directeur spirituel, en ajoutant de suite :
—
Je fais ceci, parce que j’y suis obligé. Cela me coûte beaucoup; mais
aie patience : il est nécessaire que je procède ainsi car j’ai reçu de
nouvelles consignes, afin que certaines choses soient éclairées. Tu ne
peux plus te confesser au Père Umberto. Moi-même je ne peux plus
l’autoriser à célébrer la messe dans l’église paroissiale et non plus
lui permettre de te porter la communion, sauf s’il me présente une
autorisation écrite de l’archevêque.
Je
Lui ai répondu :
—
Nous obéirons, Monsieur le Curé. Béni et loué soit le Seigneur !
Il
m’a demandé si je savais pourquoi il s’était rendu chez moi. J’ai
répondu que je l’ignorais.
—
Mais lui, est-il ton directeur spirituel ?
—
Je me suis confessée à lui deux ou trois fois. Je ne suis pas la seule à
le faire. Toutefois, j’avais remarqué qu’il comprenait bien mon âme. Mon
confesseur c’est le Père Alberto Gomes et çà vous le savez.
—
Mais est-il ton directeur ?
—
Il m’a dirigée. Toutefois il m’a dit qu’il ne voulait en aucun cas
s’ingérer ou se substituer à quelqu’un d’autre: c’est-à-dire le Père
Pinho et le confesseur. Il ajouta même qu’il était convenable que le
Père Alberto soit au courant que je m’étais confessée à lui.
Monsieur le Curé, avec beaucoup de charité m’a dit :
—
Le Père Umberto peut venir ici te visiter, et peut aussi te conseiller
par écrit.
L’interrogatoire terminé, il s’en alla.
À
peine monsieur le curé était sorti, qu'une personne de la famille est
entrée dans ma chambre, pour me demander s’il y avait du nouveau. En
souriant je lui ai répondu :
—
Ce sont les caresses de Jésus.
Et
j’ai continué de sourire pendant toute la conversation. J’avais en moi
une telle force que j’aurais été capable de tout accepter avec
résignation et joie. Mais cette force devait durer peu de temps. J’ai pu
encore dire à ma sœur quelques paroles de réconfort :
—
Ne t’attristes pas ! Si Dieu est avec nous, qui pourra être contre
nous ? Jésus est digne de tout notre amour. Que tout ceci soit en faveur
des âmes.
Petit
à petit je me suis écroulée sous le poids écrasant de la douleur: le
cœur sembla s’arrêter par deux fois et il me semblait que j’allais
perdre la vie. Quelques larmes me sont échappées : je les ai offerts à
Jésus comme autant d’actes d’amour.
—
Mon Dieu, par votre grâce, je n’ai aucun attachement au monde, non plus
qu’aux créatures. Ce que je souhaite c’est vous recevoir, et peu
m’importe que ce soit par un prêtre d’ici ou d’ailleurs. Vous êtes
toujours le même, Jésus; vous êtes toujours le Désiré de mon âme. J’ai
besoin de lumière et de quelqu’un qui me comprenne, et je suis privée de
tout. Que votre volonté soit faite. Restez, Jésus, cela me suffit.
Mon
médecin est arrivé et je me suis confiée à lui. Il m’a encouragée comme
toujours. En prenant congé il ajouta :
—
Alors, avez-vous du courage ?
—
J’en ai, docteur, mais j’ai aussi un cœur pour souffrir ! Si seulement
je ne l’avais que pour aimer !...
Le
soir j’ai récité le “Magnificat” deux fois...
Je
sens, mon Jésus, que mes épreuves ne s’arrêteront pas là. Arrive ce qui
doit arriver : restez toujours avec moi. J’ai confiance, j’ai confiance
et j’espère en vous.
Un
jour passe, passe une année, une autre encore, et moi, je me trouve
toujours au milieu de souffrances de plus en plus grandes. Je ne sais
pas comment peut-on souffrir de la sorte; comment peut-on résister à
autant ? Je ne veux pas dire que je souffre, car ce n’est pas moi qui
souffre: c’est Jésus qui souffre en moi. Mon âme a laissé la terre, mais
continue de ressentir la douleur: elle se sent broyée, détruite...
Mon
Dieu, combien coûte cette séparation de l’âme du corps ! Combien coûte
de ne pas avoir de vie et de ressentir la douleur ! Tous s’éloignent de
moi : je ne sens pas la présence de l’Esprit Saint ; je ne ressens pas
de l’amour pour Jésus. De temps à autre j’ai envie de l’aimer : ce ne
sont que des envies; c’est un amour qui naît pour mourir de suite, c’est
un feu qui consume, mais qui est éteint; on ne voit aucun signe de
flamme. O douleur qui tue l’amour ! O douleur, à qui appartiens-tu et
pour qui souffres-tu !
—
Jésus, je suis sur la cime du calvaire, clouée sur la croix. Ma peur et
mon cri ne s’arrêtent pas. Pauvre de moi ! Mais il n’est pas entendu: il
est étouffé par le souffle des vents, par la fureur de la tempête qui ne
s’arrête pas, qui continue toujours. Il est étouffé par les hurlements
de l’humanité révoltée contre moi.
Du
haut de la croix je ne peux lever mes yeux vers Vous, ô Jésus ! J’ai
honte, j’ai l’impression de ne pas être écoutée de vous...
Dans ma détresse, je suis allée jusqu’à demander au docteur si je
pouvais m’enfuir dans un endroit où personne d’autre ne me trouve.
—
Mon Jésus, j’aimerais partir, non pas pour m’enfuir, mais pour être
oubliée, pour ne pas être une entrave pour les âmes, pour ne pas causé
des troubles, comme le dit quelqu’un. Je ne demande pas vengeance, pour
celui qui me fait souffrir. Je souhaite pour eux ce que je souhaite pour
moi: abondance de grâces et l’Amour suprême. Ce ne sont pas des paroles
sorties uniquement de mes lèvres ; elles viennent du plus profond de mon
cœur et de mon âme...
O
Jésus, je n’ai jamais cherché à tromper quelqu’un ! Cela ne m’est jamais
venu à l’esprit de faire du bien pour être agréable aux créatures et
pour passer pour quelqu’un de bien. Mais j’ai eu la tentation de Vous
tromper, mon Jésus. Je sais que cela aurait été impossible ; mais vous
savez que je ne l’ai pas pensé, que je ne veux pas passer pour ce que je
ne suis pas. Grâces à vous je connais ma misère ; je suis mauvaise par
ma propre faute, rien que par ma faute. Et par votre grâce, je confesse
humblement l’être. Jamais je n’ai pensé me servir de vous pour remédier
à mes maux, ni à ceux des miens;
mais uniquement pour implorer votre secours et être toujours confiante
dans vos moyens... Si seulement je pouvais, Jésus, descendre de mon lit,
passer la nuit sur le dur parquet pour faire pénitence et implorer vos
divines grâces pour tous ceux qui souffrent à cause de moi ! Si
seulement j’étais la seule à souffrir ! Cela me fait beaucoup de peine
que ceux qui me sont chers, et ceux à qui je dois tant, pour tout ce
qu’ils ont fait pour moi, souffrent eux aussi...
(Moments de la Passion)
(...)
À
l’aube je me sentais en prison : triste, harassée, épouvantée et
honteuse ?
Plus
tard, les mains attachées et la tête douloureuse et sanguinolente à
cause des blessures de la couronne d’épines, j’avais l’impression d’être
conduite par les chemins. Une multitude de curieux me regardait : les
uns avec compassion, les autres avec dégoût. J’entendais le tumulte du
peuple : un énorme charivari ! Je me sentais seule. J’ai regardé vers
Jésus crucifié : je me suis vue enlacée à la croix et j’ai dit à Jésus :
—
Mon Jésus, qu’importe si tous m’abandonnent, si vous, vous ne
m’abandonnez pas ? Si je vous possède et si vous êtes avec moi, je ne
suis pas seule.
Dans
l’après-midi, je me suis sentie sur la croix: l’âme clouée avec le
corps, les deux dans une même douleur. L’âme élevait le regard vers le
Ciel : elle n’y voyait que douleur et mort, elle ne pouvait rien dire à
Jésus.
Il
est venu, il est venu plein d’amour :
—
Viens, ma fille, folle de douleur et d’amour, viens vers Moi. C’est
douleur qui sauve, c’est folie d’amour pour Moi. Si le monde connaissait
cette vie d’amour, cette union conjugale
de Jésus avec l’âme vierge, avec l’âme qu’Il se choisit pour épouse ! Le
monde l’ignore et, comme il l’ignore, il la calomnie, la méprise, la
poursuit.
O
ma belle colombe, tu es épouse et mère ; mère qui ne cesse d’être
vierge. Tu es mère des pécheurs : ils sont les enfants de ta douleur,
les enfants de ton sang, sang que tu perds goutte à goutte, enfants de
ton amour.
Du Ciel, ma fille, tu entendras très souvent les pécheurs t’appeler
depuis la terre et t’invoquer du doux nom de mère. T’invoqueront ainsi
ceux qui ce verront libérés des mains du démon et reconnaîtront avoir
été libérés par toi, s’approchant ainsi de mon divin cœur. Grande
douleur, bienheureuse douleur !...
—
Mon Jésus, combien je suis gênée et confuse ! Si je pouvais occulter
tout cela ! Si seulement tout ceci pouvait rester entre Vous et moi !
Cela me rend confuse, en regardant ma misère !
—
Tu sais déjà que j’ai besoin de ta misère pour cacher ma grandeur. Écris
tout cela, écris, ma fille. Si ce que je dis restait dans le secret,
cela ne servirait à rien, pour le monde. Mère des pécheurs, nouvelle
co-rédemptrice, sauve-les. Jamais il n’y eut et jamais il n’y aura
aucune autre victime immolée de cette manière, car jamais le besoin n’a
été aussi grand qu’aujourd’hui, mais le monde a tant péché. Dix-neuf
siècles se sont écoulés depuis que je suis venu sur la terre, et
pourtant j’ai dû susciter une nouvelle âme corédemptrice choisie par Moi
pour rappeler au monde ce que le Christ a souffert, ce que c’est que la
douleur, ce que c’est que l’amour et la folie pour les âmes. Tu es la
nouvelle corédemptrice qui vient les sauver; tu es la nouvelle
corédemptrice qui rallume dans l’humanité l’amour de Jésus. Nouvelle
corédemptrice qui sera rappelée jusqu’à ce que le monde existe.
Ma
fille, tu es le livre sur lequel sont écrites, avec douleur et sang, en
lettres d’or, toutes les sciences divines ! Courage, mon aimée, ne
crains pas la tempête, ne crains pas le bruit du tonnerre annonciateur
des nuages qui font pleuvoir des grâces, de l’amour et de la manne
céleste !
Rassasie-toi, ma fille: c’est d’amour et de manne que tu vis.
Rassasie-toi afin que tu puisses en distribuer aux âmes.
—
Merci, mon Jésus !
Je me
suis sentie plongée dans l’amour de Jésus avec une telle intensité que,
le colloque terminé, je pensais ne pas pouvoir supporter le feu qui me
dévorait le cœur...
Nuit
de douleur, nuit de ténèbres. Le démon est venu... Il m’est apparu sous
la forme d’un serpent épouvantable. Il était aussi gros qu’une personne,
recouvert d’écailles longues et dégoûtantes. Il s’enroulait de façon à
paraître non pas un, mais une montagne de serpents. J’en suis restée
troublée...
— Tu es condamnée à l’enfer ! Dis-moi que tu veux les plaisirs;
dis-moi que tu veux le péché ! Ou bien tu désistes de ton sacrifice
comme victime ou je détruis ton corps et je t’engloutis.
Et en
disant ceci, il faisait un mouvement comme pour m’avaler.
Dans
les moments les plus désespérés, j’ai demandé l’aide du Ciel... Combien
Jésus veille et défend celui qui ne veut pas l’offenser! J’ai été
libérée. Bien que la nuit ait été lumineuse, je suis restée dans la plus
grande obscurité et dans une tristesse de mort...
Au
matin, après la Communion, Jésus m’a parlé avec son habituelle douceur :
—
Ma fille, colombe aimée, lys blanc, viens et écoute-Moi. L’époux qui
aime est fidèle, il confie à l’épouse ses douleurs et ses chagrins.
Regarde comme je suis triste ! Mon Cœur est trop blessé. Les pécheurs
n’arrêtent pas de le blesser. ils m’offensent toujours davantage par
leur malhonnêteté et leur impudicité. Les plaisirs, la chair, la maudite
chair ! Même par des prêtres je suis énormément offensé... Ils font
désordre, scandalisent tant ! Courage ! Donne-Moi réparation par tes
combats contre le démon...
La
douleur est fille de l’amour. C’est par la douleur et l’amour que tu
donnes vie à mes enfants. Cette douleur et cet amour ne pouvaient être
partagés que par une victime à qui il a été donné d’accomplir sur la
terre la mission la plus haute et la plus sublime.
Les amis de ma cause portent dans leurs mains l’étendard du triomphe et
de la royauté divine.
Courage, ma fille. C’est Jésus qui te le demande: courage ! Je te rends
semblable à Moi. Moi aussi j’ai été persécuté. En tous temps, mon Église
et ce qui est à Moi ont été l’objet de persécutions. Comment ne devrait
pas l’être, maintenant, ma cause la plus chère, la mission la plus
difficile ? Courage, mon aimée ! C’est la rage de Satan.
La
Petite-Maman est venue ensuite se placer à ma droite. Elle m’a demandé
d’être courageuse au nom de son divin Fils :
— Courage, courage, ma fille ! Je te demande, au nom de mon amour et
au nom du tien et mon Jésus ! Accepte ; souffre tout. Console son Cœur
blessé par les péchés du monde.
Et maintenant je viens confirmer les paroles de mon divin Fils. Tu es
reine des pécheurs, tu es reine du monde. Accepte mon très saint
Manteau, il est à toi. Enveloppe-toi en lui, mets-le autours de tous
ceux qui te sont chers et qui de plus près participent à ta souffrance.
En prenant soin de la cause de mon Fils, ils sont chers à ton cœur, au
mien et au Cœur de mon Fils Bien-Aimé. Ceux qui se sont associés à ta
souffrance, ce sont ceux que nous voulons purifier et sanctifier. Place
donc autour de toi tous les pécheurs. Tu peux couvrir le monde entier
avec mon Manteau. Il est assez grand pour tous les couvrir. Accepte ma
couronne. C’est moi-même qui la pose sur ta tête. Tu es reine !
Mon
Dieu, que je suis gênée ! Comme j’étais petite, mesquine, devant la
Petite-Maman !...
(...)
Comme
une colombe qui dans l’obscurité ne trouve pas son chemin, je bats, sur
place les ailes liées, ne pouvant ni descendre ni partir, dans la
crainte de tomber irrémédiablement. O mon Dieu, qu’en sera-t-il de
moi ?...
Ce
matin, assez tôt, la douleur que je ressentais en moi était assez grande
: la répugnance et la gêne que me causait la vue de tout le peuple qui
se préparait, dans l’attente de nouveaux événements, étaient assez
fortes.
Il me semblait voir des groupes, ici - là, faisant des commentaires.
Mon
Dieu, le vendredi m’attend ! Quelle peur ! Tout ce que je ressens et
vois, vous est arrivé, Jésus ! Ce sont vos souffrances, celles que vous
avez souffertes par amour pour moi !
Mon
regard semble pénétrer au plus profond de la multitude qui s’agglutine
sur la route. Mon âme ressent tout cela.
Sur
le flanc d’une colline, près de l’entrée de la cité, je vois le figuier
maudit par Jésus. Plus bas, quelqu’un porte sur la tête une cruche
d’eau. Il y a des rencontres et des chuchotements; ils se parlent et se
préparent pour de nouveaux événements. Je vois tout, je ressens tout.
Combien je souffre en silence ! Le figuier, je me souviens l’avoir vu
bien vert; aujourd’hui il est desséché, comme du bois sec pour le feu.
Je ne
pensais pas tout à fait à tout cela. Toutefois, sentant que je
commençais à revivre ces scènes, je cherchais à me distraire et à faire
comme si je ne sentais rien. Efforts inutiles. Ces sentiments se
ravivaient de plus en plus dans mon âme. Je faisais des efforts pour ne
pas les ressentir, non pas pour fuir la douleur ni la volonté de mon
Jésus, mais par peur de me tromper et d’être dans l’illusion. Je me suis
toutefois convaincue que je n’étais point dans l’illusion. Jésus, en
voyant la peur que j’avais de me tromper, ne pouvait me laisser dans le
doute. Personne mieux que Lui ne sait que je ne veux tromper personne...
(...)
Jésus
est venu et il m’a réchauffée à la chaleur de son divin amour. Il m’a
dit :
—
Ta douleur, ma fille, est une douleur de salut. La mer immense de sang
qui ruisselle de ton cœur est un lieu où sont immergés les pécheurs.
C’est dans le sang de ta douleur qu’ils sont purifiés.
Tu
es une deuxième arche de Noé. Je recueille en toi les pécheurs ; en toi,
comme à l’intérieur de cette arche, je rassemble tout pour la vie du
nouveau monde. Ta douleur, ton immolation ce sont des douleurs et des
immolations davantage pour les âmes que pour les corps. Courage, ma
petite fille ! Ne crains rien. La pluie qui tombe sur la nouvelle arche
n’est pas de condamnation, mais de salut : c’est une pluie
d’humiliations, de mépris et de sacrifices. L’arche n’est pas en danger
: elle vogue dans la haute mer. Une fois les flots de la persécution
abaissés, le monde verra la richesse du salut que l’arche contenait.
Ma
petite fille, ma Mère bénie est avec moi, écoute ce qu’elle a à te dire.
— Ma fille, me voici avec mon divin Fils pour te confier l’Humanité
et la renfermer dans ton cœur. La clef reste entre les mains de Jésus et
dans celles de ta Petite-Maman. Je t’ai donné mon Manteau et ma couronne
de reine : tu as été couronnée par moi. Sois la reine des pécheurs, du
monde, choisie par Jésus et par Marie. Aujourd’hui, jour de ma
conception Immaculée, nous te confirmons ton pouvoir royal. A partir de
ce jour, il est entre tes main s; dirige-le, conserve-le. Conserve-le
sur la terre comme tu les conserveras et dirigeras ensuite au Ciel. J’ai
choisi ce jour de fête en mon honneur, afin qu’en union avec moi soit
fêté ce jour où je t’ai confié l’Humanité...
J’ai
senti comme s’ils m’ouvraient le cœur. Après y avoir déposé quelque
chose, ils l’ont fermé à clef. Ils l’ont réchauffé. Ensuite je me suis
vue entre Jésus et Marie, comme sous une presse : tellement ils me
seraient entre leurs divins Cœurs. J’avais l’impression de ne pas
pouvoir résister à tant d’amour...
La
Petite-Maman a poursuivi :
— Ma petite fille bien-aimée, reçois la vie de laquelle tu vis,
reçois la vie du Ciel, reçois-la et donne-la aux âmes.
Puis,
Jésus ajouta :
—
Lys très pur, étoile scintillante qui brilleras nuit et jour, lumière
qui guides les pécheurs, lumière et guide de tous ceux qui me suivront
et m’aimeront d’un amour très pur et fort, courage, ne crains pas la
guerre du monde...
—
(...) O Conception pure, ô Mère de Jésus, conservez mon corps cloué
sur la croix, enlacé à la croix !...
J’ai
reçu de nouvelles consolations de Jésus et de la Maman du Ciel. Je leur
ai fait l’offrande de moi-même, de ceux qui me sont chers et enfin du
monde entier, en y incluant ceux qui me font souffrir davantage.
—
Petite-Maman, je dépose l’Humanité entre vos mains... Sauvez-la. Vous
seule le pouvez.
Je me
sens si confuse et gênée pour cette offrande du monde. Que pourrais
faire ma misère sans votre protection ? O Jésus, ô Petite-Maman, je me
consacre à vous, comme le soldat qui veut combattre pour défendre votre
royaume ! Je veux lutter et obéir : commandez ! Moi, avec votre grâce,
je produirai des fruits, je serai forte. Avec la grâce et la force
d’en-Haut, le monde sera sauvé...
Dans
la matinée d’aujourd’hui, à cause de ma douleur, je n’ai pas pu faire
mes prières, ni me préparer, comme je le dois, à recevoir la Communion.
L’âme
se déchirait comme un chiffon usagé ; fil à fil, elle se pulvérisait, se
dissolvait...
Même
la venue de Jésus ne m’a procurée ni soulagement ni joie. Je suis restée
dans le même état d’âme. Je l’ai remercié comme je l’ai pu.
Ensuite, je me mis à lire la correspondance que l’on m’avait confiée. La
deuxième lettre que j’ai lue, a fait briller un petit rayon de lumière
dans mon âme. Un poids écrasant qui m’opprimait tout mon être a été
soulagé : sans pour autant faillir à la sainte obéissance, le Père
Umberto a pu m’écrire pour alléger un peu ma souffrance et me donner
quelque lumière au milieu des ténèbres.
Je ne
sais comment, dans une impulsion d’amour, j’ai pu me mettre à genoux,
lever les mains, réciter le “Magnificat” : prière que je fais toujours
quand je reçois de Jésus une attention, soit qu’elle vienne me blesser,
soit qu’elle vienne adoucir ma souffrance... Avec ma sœur et mes
cousines nous avons chanté des louanges à Jésus-Hostie et à la Maman du
Ciel.
Après
cela, je suis retombé dans mon lit et retournée sous ma croix
bien-aimée. La joie est vite tombée. J’accepte tout comme Jésus le veut.
Je ne suis pas habituée à m’abandonner à la joie, mais si je l’étais, je
ne me sentirais soulagée que pour peu de temps: tout à coup elle arrive,
tout d'un coup elle s’en va. Les mêmes extases meurent comme des choses
qui ne me concernent pas.
J’ai
passé le reste de la journée plongée dans la souffrance, ressentant dans
mon âme l’humiliation par laquelle sont passés les pères Salésiens par
ma faute. Pour avoir fait du bien et soulagé une pauvre âme, ils en ont
souffert. Mais, comme il est doux de souffrir pour l’amour de Jésus et
des âmes !...
(...)
Je
suis fatiguée de tant de souffrances. Le corps s’y prête moins, mais la
volonté est prête: elle désire ardemment et veut uniquement la volonté
divine.
Ces
derniers jours j’ai commencé à ressentir, plus que jamais, et
aujourd’hui d’une manière insupportable, le souci de sauver le monde...
Je
veux tout le sacrifice, et de bonne volonté je me laisse immoler pour le
sauver. Je désirerais avoir en main un poignard pour ouvrir dans mon
cœur une plaie si profonde d’où coulerait assez de sang pour écrire sur
toute la terre : “convertissez-vous, ô pécheurs, n’offensez plus
Jésus ! Le Ciel est si beau ! Et Jésus nous a tous créés pour le Ciel”.
Je
désirerais aller à genoux, par étapes, dans toutes les parties du monde,
pour laisser bien visibles, sur chaque morceau de terre, écrites par mon
sang ces paroles : “Pécheurs, convertissez-vous, convertissez-vous !”
Je ne
sais pas ce que je dois faire de plus, mon Jésus, pour vous et pour les
âmes.
Pendant la nuit j’ai subi les assauts du démon... J’ai vu des abîmes
sans fin. Au milieu de nauséabonds détritus se trouvaient de gros
serpents et d’énormes crocodiles qui tourmentaient et terrorisaient une
multitude que je pense être des âmes qui y étaient tombées. Exténuée par
la lutte, et craignant tomber là-dedans, je ne pouvais invoquer Jésus.
Et le démon me disait :
— Invoque-moi, dis que tu veux de moi, que tu ne veux plus de Dieu,
que tu veux le péché et les plaisirs.
(...)
Je
vis les moments les plus terribles. Vers la fin de mon combat, j’ai pu
invoquer le Ciel...
Dans
le même endroit où se trouvaient les abîmes, j’ai vu apparaître un beau
jardin rempli de fleurs de diverses variétés. Elles étaient si belles !
Au milieu de celles-ci tombaient des rayons très brillants, plus
brillants que l’or. J’ai contemplé tout cela sans en connaître la
signification.
Au
même moment, Jésus m’a dit :
—
Les fleurs de ce beau jardin ce sont tes héroïques vertus. Leurs pétales
sont fins, délicats ; leur parfum est attrayant ; les rayons ce sont
ceux de mon divin Amour. Ne pleure pas, ma petite fille ; ta pureté ne
se salit pas dans les combats livrés contre le démon ; tu en sors chaque
fois bien plus pure, bien plus charmante. C’est la réparation que
j’exige de toi. Si cette réparation n’avait pas lieu, ils tomberaient
dans les abîmes où tu as vu tant et tant d’âmes, s’y tortillant
éternellement...
Un
nouveau tourment pour mon âme, qui me fait souffrir et qui ne me laisse
jamais de repos : j’aimerais me cacher dans un coffre, que personne ne
connaisse ni ne puisse ouvrir ; j’aimerais m’attacher les bras sur le
cœur par un nœud tellement serré que nul ne puisse le desserrer, parce
que je veux défendre je ne sais quoi qui m’a été confié et que je dois
veiller et garder.
—
Mon Dieu, je ne sais comment réussir à le défendre, à bien le garder, et
à le conserver entièrement. Je me réfugie, ô Jésus, dans votre divin
Cœur ; que celui-ci soit le coffre béni qui me garde pour toujours et
garde aussi ce qui m’a été confié, et me cause autant de
préoccupations ! En lui, je serai bien, je me sentirai sûre. Je ne
courrai pas de risques, ni moi ni ce que je dois garder. Gardez-nous
pour toujours.
(Moments de la Passion)
C’est
jeudi. Il fait déjà nuit. Le tourment est grand. Tout vendredi qui
approche est pour moi une mort.
Je me
sens comme si je me trouvais dans un grand banquet de joie, parlant avec
celui qui parle et souriant avec celui qui sourit.
Et
mon âme, dans une grande agonie, quitte la terre, monte vers le Ciel
pour exclamer :
—
O mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend !
Pendant ce banquet de joie, le cœur est broyé, à l’extérieur, maltraité,
raillé et méprisé. Tous sourient avec sarcasme dans l’attente de
nouveaux événements.
—
Jésus, je suis votre victime et rien de plus.
Avant
l’aurore je me suis réveillée d’un léger sommeil. Mon Dieu, c’est
vendredi. Sur moi tombe une nuit obscure. À chaque moment qui passait,
il me semblait cheminer vers la mort; non point comme quelqu’un qui
chemine avec amour et joie, mais comme quelqu’un qui va à la mort, et
qui ressent la plus grande horreur et la plus grande répugnance.
Plongée dans cette souffrance, l’heure de la Communion arriva. J’ai fait
mes demandes à Jésus. Il m’a parlé. J’ai reçu des forces pour pouvoir
résister à la douleur et supporter les bousculades, les plaisanteries,
les moqueries que je recevais. Je devais tout souffrir en silence, sans
mot dire. Je ressentais la douleur de Quelqu’un qui pleurait en voyant
tout ce que je souffrais. Et ce Quelqu’un avait un amour de Mère. En
silence j’ai uni ma douleur à la sienne.
Jésus
est venu et d’une voix douce et tendre, il m’a dit :
—
Ma fille, uni ton cœur au mien, adoucis-le dans l’amour de mon divin
Cœur ; Moi, je radoucis le mien dans le tien. Tu m’aimes ; Moi aussi je
t’aime; tu es un écrin de richesse, dépositaire des dons divins. Ma
fille, mon ange aimé, ta souffrance sert à embellir le manteau et la
couronne que ta chère Petite-Maman t’a confiée... C’est une souffrance
de gloire, c’est une souffrance de salut. C’est une mer de martyre ;
c’est une mer d’immolation. Ma fille, céleste jardin de divines fleurs,
prairie verdoyante qui alimentes les pécheurs ; alimente-les de grâce,
de pureté et d’amour ; garde-les, guide-les, bergère divine, bergère
choisie par Jésus.
Ma fille, maîtresse de la science divine, garde ce qui, cela fait huit
jours aujourd’hui, a été déposé dans ton cœur par Moi et par ma Mère
bénie : c’est le monde, ce sont les pécheurs... Ma fille, en toi il est
écrit tout ce qui est divin. Par toi ils apprendront à aimer ; par toi
ils apprendront à souffrir ; par toi ils apprendront à connaître comment
Moi, je me communique aux âmes. Ils ne le savent pas, ils ne l’étudient
pas et font, de cette manière, souffrir beaucoup mon divin Cœur.
Courage ! Celui qui souffre avec Moi, avec Moi est vainqueur. Ils
pleureront des larmes de repentir en voyant que ton nom, maintenant tant
décrié, sera glorifié avec Moi et avec ma Mère bénie, sur la terre et
dans le ciel...
Quand, il y a déjà quelques années, je te disais que c’était Moi ton
directeur, je faisais allusion à ces temps-ci. Ce n’était pas pour
mettre de côté ton directeur. Oui, j’avais besoin de lui, uni à Moi,
pour te guider et te porter à la hauteur que mon divin amour exige. Je
voyais déjà la cruauté et les persécutions des hommes. Courage ! Ton
nom, que tu sens souillé, dans peu de temps sera prononcé avec respect
et loué avec le Mien.
(...)
Je ne
sais pas comment vivre. Je suis exténuée par l’effort que je fais pour
conserver dans mon cœur ce que Jésus et la Petite-Maman m’ont confié.
J’ai l’impression de vivre les bras croisés sur la poitrine, très
serrés, pour défendre et protéger [le précieux dépôt].
D’autres fois, je coure comme une folle, pour fouir un considérable
assaut.
Il
vient sur moi je ne sais quoi. Une multitude innombrable veut me voler
ce que j’ai dans le cœur, et moi je fouis comme une folle pour tout
cacher. Je veux enrouler autour de moi des chaînes robustes, de grosses
chaînes, afin que rien ne me soit volé. Dur tourment pour mon âme : je
n’obtiens rien.
Pendant ces heures de souffrance, le démon m’a livré un terrible assaut.
J’ai cru qu’il m’avait tout volé; que j’étais restée sans cœur, sans
rien. J’étais comme une simple coquille d’œuf qui n’a plus rien à
l’intérieur. J’ai senti comme si ce butin avait été porté très loin.
Le
démon voulait m’obliger à dire :
— Je ne veux rien garder en moi ; je veux pécher, je veux jouir !
Et il
m’affirmait que je péchais...
Rarement j’ai réussi à implorer le secours du Ciel... J’étais dans un
bain de sueur, dans une faiblesse indicible.
Enfin, j’ai réussi à clamer :
—
Mon Jésus, je n’en peux plus !
L’assaut prit fin, mais je ne pouvais plus bouger. J’étais dans une
grande peine en me voyant privée de l’immense trésor que j’avais possédé
en moi, et dans la crainte d’avoir péché, je murmurais :
—
Mon Dieu, mon Dieu ! Et moi je suis dans l’obscurité, sans guide, sans
un prêtre à qui me confier ! O Ciel, ô Jésus, ô Petite-Maman !
Et
Jésus est venu :
—
Non, tu n’as pas péché ! Je suis avec toi !
Après
quelques instants, j’ai commencé à m’apercevoir que j’avais toujours en
moi le riche trésor que le démon affirmait m’avoir volé. Mon âme en
ressentit une grande joie et je voulais à tout prix enlacer et baiser
cette richesse : j’éprouvais la joie d’une mère qui, ayant perdu son
enfant, l’aurait retrouvé. Je ne peux pas expliquer la préoccupation que
cela me procure ; étant toujours sur le qui-vive, de peur que quelqu’un
me le vole...
(...)
Le
démon mène de terribles assauts contre mon cœur. Il veut y entrer pour
me voler la fortune qui lui a été confiée... Je ressens une telle
faiblesse que je reste effondrée.
—
Jésus, c’est pour amour pour vous. Je n’ai pas de force pour respirer ;
peu à peu j’ai perdu tout mon sang ; j’ai l’impression d’être moribonde.
J’ai
commencé à sentir dans mon âme une paix douce et suave : c’était une
paix céleste. C’était comme si je quittais le monde et si j’allais jouir
dans le ciel. Je suis restée longtemps comme si je dormais
tranquillement, réchauffée par une chaleur qui brûlait dans mon cœur et
m’irradia tout entière.
Jésus
a commencé à me parler :
—
Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde : tu es détachée de tout ce qui
lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin. Tes sentiers
sont les sentiers du Christ : c’est pour cela que tu n’es pas comprise.
Ta mission est sublime, mon ange ; c’est la plus riche des missions.
Voilà le motif de la haine et de la persécution : haine de la part du
démon à cause des âmes que tu lui enlèves; persécution de la part du
monde parce qu’il ne comprend pas la vie que tu mènes, parce qu’il ne
comprend pas ma Vie dans les âmes...
C’est douloureux pour mon Cœur de voir ta souffrance. Il est nécessaire
que les hommes étudient profondément, pour qu’ils puissent comprendre la
vie du Christ dans les âmes.
Quand je t’ai créée, je t’ai faite avec la perfection nécessaire pour
accomplir la mission la plus sublime. Ainsi j’ai choisi les âmes qui
devaient te guider, des âmes qui comprennent, des âmes qui vivent
uniquement ma vie, la vie intime avec Moi. Que l’on prenne soin de toi,
que l’on prenne soin de Moi. J’aimerais que tous mes disciples étudient
cette science divine. Mais ils ne l’étudient pas, ils ne la comprennent
pas. Je leur donne les lumières nécessaires et eux, ils cherchent à les
éteindre, mais en vain.
En
tous temps j’ai eu besoin de victimes, mais maintenant, plus que jamais.
Je t’ai choisie pour être immolée en cette époque pendant laquelle
l’humanité est plongée dans un immense océan de boue et de vices. C’est
ça que tu sens vouloir te voler: le monde. C’est le vice qui mène
l’homme ; c’est le vice le voleur de tout ce qui m’appartient.
O
bergère, reine du monde, c’est Moi, Jésus, qui t’ai choisie ; c’est Moi
qui t’élève aussi haut...
J’ai
tout écouté sans mot dire. Il parlait et moi je brûlais dans un feu
vivifiant qui m’unissait de plus en plus à son divin Cœur.
—
O mon Jésus, que pourrais-je vous dire ! Plus Vous me parlez, plus je me
rends compte de ma petitesse. Je m’humilie, je m’humilie, Jésus ! J’ai
honte pour ma misère et que malgré celle-ci vous veuillez Vous servir de
moi pour des choses aussi grandes. C’est Vous qui travaillez, qui Vous
faites connaître, c’est Vous qui parlez de votre puissance. Tout vous
appartient.
—
Violette aimée, asile très pur où j’habite ! J’habite en toi sur la
terre comme au ciel tu habiteras avec mon Père éternel ; tu es mon
Alexandrina transformée en Christ, uniquement en Christ.
—
Merci mon Jésus, mon Roi d’amour !
Avec
une telle faiblesse, avec une telle souffrance, pourrai-je rester encore
longtemps en cet exil ?
Mon
Dieu, si vous le voulez, je résiste à tout.
Ma
faiblesse est due à la souffrance, est due à mon vouloir embrasser le
monde, et l’embrasser d’un embrassement éternel.
J’aimerais le voir réuni dans une même hymne de louange à Jésus, dans un
incendie d’amour divin. Je ne sais pas quoi désirer de plus ; je ne sais
pas où me cacher avec lui. J’aimerais voler vers le ciel et emmener le
monde avec moi, le monde entier, ne laisser ici aucune créature. Je veux
monter avec lui et, une force invincible, ce me semble, me retient
ici-bas, cherchant à me le voler. Je ne sais pas ce que cela peut
être...
Dans
cette anxiété douloureuse de vouloir me purifier et purifier le monde,
d’aimer Jésus et de tout faire pour que le monde l’aime aussi, et dans
le fait de ne pas savoir comment y réussir pour moi et encore davantage
pour l’humanité entière, j’ai commencé à pleurer d’amères larmes, des
larmes que seul Jésus, du ciel, peut voir.
J’ai
de nouveau offert mon cœur à Jésus et je lui ai demandé de venir y
naître de nouveau...
Tous
les jours de fête sont pour moi des jours de profonde tristesse. Je
m’efforce toujours de consoler ceux qui m’entourent, de me montrer
joyeuse : mais c’est une joie feinte. Je regarde Jésus et la
Petite-Maman, j’élève ma pensée vers le ciel, et par amour j’accepte la
souffrance. C’est par amour que la triste devient pour moi allégresse.
Je ne regarde pas la terre, je fixe mon regard dans le ciel : ce n’est
qu’ainsi que les épines deviennent des roses, et la souffrance douceur.
À
minuit, le soir de Noël, autre était la nuit que j’avais dans mon âme.
Des douleurs très aiguës traversaient tout mon corps. Je n’ai pas
pleuré, mais j’ai gémi. Cependant, Jésus sait combien j’ai souffert.
J’ai
entendu les pétards et le son des cloches.
J’ai
demandé que l’on m’apporte la statuette de Jésus enfant. Je l’ai placée
sur ma poitrine, je voulais la réchauffer. La chaleur que je lui ai
procurée ne fut pas du tout celui que je voulais : j’aurais voulu
l’enflammer par un feu d’amour. Je désirais lui dire beaucoup de choses,
mais je ne savais pas. Je l’ai serré, doucement, contre ma poitrine, et
j’ai continué de gémir. Je suis certaine que Jésus les a acceptés, et ne
s’est pas attristé. Personne comme Lui ne voyait combien je souffrais;
personne comme Lui ne sait que quand je gémis, c’est par amour; que je
gémis, mais seulement quand je n’en peux plus.
Je ne
sais pas combien de temps s’est ainsi écoulé. Je sais que je suis passée
à une autre vie et que j’ai entendu Jésus dire dans mon cœur :
—
Je suis né dans la crèche de ton cœur, ma fille. C’est l’Époux qui vient
vers son épouse... Reine d’amour, comme je suis bien ici. La crèche que
tu m’offres n’est pas grossière comme celle de Béthléem : il est doux de
tes vertus. Dans ta crèche, je ne sens pas la rigueur du froid ; j’y
suis réchauffé par l’amour le plus pur et le plus brûlant.
Tu
es mon étoile, étoile qui guide le monde, comme l’étoile qui alors a
guidé les Mages dans leur route vers Béthléem.
Dis à tous, ma fille, à ceux qui ont soin de toi, à ceux qui te sont
chers, qui t’aiment et qui sont autours de toi, que je leur donne
l’abondance de mes grâces, une ondée de mon amour divin, une place toute
particulière dans mon divin Cœur, ainsi que la promesse du Ciel...
(...)
O mon
Dieu, je cours vers la mort et la mort court vers moi ! Ma tête est
torturée ; mon corps est défait en morceaux par des terribles martyres:
il est une plaie ouverte...
Par
la grâce et la grande miséricorde du Seigneur, je ne désespère pas. Je
sens l’effet du désespoir, mais je suis calme et sereine, prête à
accepter une plus grande douleur, une plus grande purification, un plus
grand amour. Ce n’est que par celui-ci que le monde sera sauvé ; ce
n’est qu’à l’aide de ces fortes chaînes que je pourrai le capturer.
La
vie s’en va. Elle s’en va pour donner la vie ; elle chemine
tranquillement pour sauver le monde.
—
Jésus, donnez-moi la douleur que j’aime, donnez-moi la purification
après laquelle j’attends ardemment. Accueillez-moi en vous et en la
Petite-Maman.
Écoutez le cri continuel de mon âme; cri d’angoisse par la douleur
qu’elle ressent et pour l’anxiété qu’elle a de vous confier le monde. Je
souhaiterais le voir dans mes mains pour pouvoir vous l’offrir, comme le
prêtre voit dans ses mains l’Hostie consacrée et l’offre au Père
éternel.
Jésus, protégez-moi ! Gardez mes angoisses pressantes et immolez-moi
comme il vous plaira, afin que je vous donne de l’amour, et avec
l’amour, l’humanité. J’aimerais vous dire tant d’autres choses, mais,
comme je ne sais pas le dire, je ne dis rien.
Pendant mes angoisses, Jésus est venu :
—
Ma fille, ange de la terre, aimable fleur, candide fleur du paradis !
Viens, ma fille, viens recevoir une autre preuve de mes épousailles avec
toi, de mon union conjugale.
Ce
disant, Jésus prit ma main, m’embrassa, me caressa et me serra doucement
contre Lui.
Je
suis resté comme plongée dans une mer de délices, dans une mer d’amour.
Jésus continua :
—
Reçois une effusion de mon divin Amour. Reçois-la parce que c’est ta
vie, et toi, tu es vie pour les âmes.
Courage, encore un peu: ton ciel est proche. Bientôt ton âme, détachée
de la terre, s’envolera vers le ciel comme la blanche et pure colombe
vers son nid. Ton nid c’est le ciel près du trône de la Majesté divine,
à côté de ma Mère bénie...
Près de ma Mère, ma fille, tu continueras à veiller, gouverner ta
possession royale de la terre...
Combien l’humanité t’est débitrice ! Combien te doit le Portugal ! Le
monde devrait être détruit... Demande, demande encore prière et
pénitence...
Jésus
ajouta enfin :
—
Ce sera en une extase d’amour, dégagée de la douleur, qui tu t’envoleras
vers le ciel...
En
voulant embrasser toute l’humanité il m’arrive de m’exclamer :
—
O monde, je deviens folle à cause de toi ! Combien je t’aime ! En toi je
vois Jésus.
J’aimerais dire tant de choses sur ces angoisses qui me consomment.
Comment cela peut-il arriver: aimer le monde, le haïr, vouloir le
posséder, vouloir le quitter ?
—
Mon Jésus, mon Dieu, fixez sur moi votre regard, protégez-moi: ainsi je
vaincrai.
L’année allait finir et je n’avais rien à donner à Jésus...
À
minuit je l’ai remercié pour tous les bienfaits de l’année et pour tout
ce qu’il m’avait fait souffrir. J’ai demandé aux miens de réciter avec
moi le “Te Deum”...
“La prison dans laquelle je me vois, c’est le monde; la
chaîne, c’est le corps. L’âme illuminée par la grâce, c’est elle
qui connaît l’importance d’être retenue ou retardée d’atteindre
sa fin, par quelque empêchement que ce soit.”
“Il faut que, pour l’amour de Dieu, cette créature vive
toujours comme si elle était morte.
Je la
compare à un homme pendu par les pieds et qui vivrait en cet
état; quand même on pourrait dire que le cœur de cet homme est
content, et que cela fût vrai, de quel bien jouirait son corps?
« Je me
permets de vous écrire, non pour justifier ma personne qui n’a
aucun intérêt, mais seulement pour éclaircir un événement lié à
des faits qui pourraient être sujets à des commentaires, ainsi
que pour enlever une marque qui risquerait de les défigurer. La
vérité est toujours un bien.
Je viens
de recevoir de mon directeur une lettre où il m’est reproché
d’avoir confessé dans une localité où je n’y avais pas été
autorisé. Voici donc pourquoi cela est arrivé deux fois, si je
ne me trompe. Je me suis rendu un jour à Balasar pour m’y
reposer un peu. Le curé de la localité devait s’absenter pour
raison de cure thermale. Informé de cela, je lui ai envoyé
quelqu’un pour demander l’autorisation de célébrer la messe
durant cette semaine-là. Heureux de ma démarche, celui-ci me
demanda de m’occuper de la paroisse, pendant son absence. Il va
de soit, j’imagine, qu’il se dit que je bénéficiais d’une
autorisation, car il me demanda, en outre, d’administrer
l’Extrême-onction aux infirmes, en cas de besoin (il y avait
dans le village un malade grave) ; de procéder aux funérailles,
de confesser, etc. S’il agit de bonne fois, je vous fais
remarquer que moi aussi, en pensant que “per modum actus”
j’avais la permission de le faire avec des prêtres connus, comme
je l’ai ici, dans la paroisse de Mogafores. Je m’en suis
davantage persuadé de cela quand, à un certain moment, il me
demanda de confesser une personne du presbytère. La bonne foi
était telle que jamais je n’ai pensé de lui demander quoi que ce
soit à ce sujet, et, par ailleurs, lui non plus.
À cette
occasion, j’ai confessé deux fois, ce me semble,
Alexandrina-Maria da Costa, que je connaissais déjà depuis deux
mois, et que, sur sa demande, je dirigeais spirituellement, en
dehors de la confession, depuis environ un mois. Quand je me
suis rendu compte que l’autorisation était nécessaire parce que
d’autres personnes, parmi lesquelles des prêtres, me demandaient
de les confesser, je l’ai demandée à votre Excellence.
Voici ce
qui arrive: sans la prétention de m’attribuer la charge
spirituelle de la malade (car le directeur spirituel ne s’impose
pas aux âmes ); et non plus sans être animé de la moindre
volonté d’enfreindre le droit canonique, ce qui serait tout
simplement diabolique.
Quant aux
ordres reçus de votre Excellence concernant les faits de
Balasar, je pense que mon supérieur, à qui j’ai informé en toute
vérité, vous a déjà répondu. Je n’ai été informé que de
l’interdiction d’assister aux extases du vendredi et, en cela
j’ai pleinement obéi. Pour ce qui concerne ce que j’ai écrit au
distingué docteur Azevedo, toujours sous le sceau de la
confidence et pour aider la vérité, je l’ai écrit avec une bonne
intention et je ne peux point me rétracter, même si je devais
être jugé par qui de droit. Ce que j’ai écrit, peut-il être
démenti, ou jugé sans valeur et erroné ? Sans aucun doute, cela
se peut, au même titre que toutes autres opinions ou conclusions
sur les faits de Balasar, étant donné que nous ne sommes pas
infaillibles. Mais la vérité naît des arguments et de l’étude de
l’ensemble des faits et de la personne.
L’ordre
reçu de mon supérieur supprime tout contact avec Balasar. Je ne
me lamente pas de ce fait ni de personne: j’obéirai parce que
dans l’obéissance je vois la volonté de Dieu. Le jour où la
vérité se fera, qu’elle soit pour moi ou contre moi, j’en serai
très content, mais je porterai pour toujours dans mon cœur
sacerdotal le calvaire d’une âme à qui a été enlevée l’aide d’un
directeur qui la soulage dans l’indicible souffrance et la guide
dans son cheminement si difficile. Si je le pouvais, je me
mettrais à genoux devant votre Excellence pour lui demander le
retour du directeur (je ne parle pas de mon inutile personne).
Veuillez me pardonner pour le temps que je vous ai pris, et le
désagrément que j’ai pu vous causer et, je vous demande votre
bénédiction.
Mogofores, le 4 décembre 1944
Père Umberto Pasquale »
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