Alexandrina Maria da Costa

JOURNAL SPIRITUEL
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1940

Marie, Corédemptrice

À Jésus par Marie...

Hier, puisque c'était le premier jour de l'année, je me suis consacrée à Notre-Dame. Je lui ai demandé de me consacrer à Jésus et de me clouer à son divin Cœur.

Je Lui ai demandé d'être ma première protectrice parmi les saints que je choisis — comme protecteurs pendant la nouvelle année. Je Lui ai demandé des grâces pour mon âme et amour pour aimer Jésus. Je lui ai dit :

Petite-Maman, je ne veux plus m'arrêter de vous demander de l'amour, pour ne jamais cesser d'aimer. Mais hélas, mon Jésus, j'avais l'impression que tout ce que je disais ne servait à rien. Malgré cela, la foi me permet de croire et d'être fidèle. Comment peut cheminer une aveugle qui ne connaît pas le chemin et qui a perdu toutes ses forces ?... Pauvre de moi : je suis cette aveugle! Je ne vous vois pas, je ne connais pas le chemin, je suis exténuée ! Mon Jésus, j'ai confiance! Petite-Maman, j'ai confiance! Aidez-moi, Vous. Conduisez-moi vers ma destinée: c'est au Ciel que je veux être conduite”.[1]

Celui qui aime la Mère aime le Fils...

Dis à ton directeur spirituel qu’il fasse connaître et aimer ma très Sainte Mère : celui qui aime la Mère aime le Fils... Dis-lui de prêcher que celui-là qui aimera ma très Sainte Mère ne se perdra pas ; en vain l’enfer tentera de le l’abattre.

Pendant que j’écoutais ces paroles, je me sentais serrée entre les Cœurs de Jésus et de la Maman du ciel. J’avais l’impression de me trouver sous une presse. J’avais tant de lumière, tant de paix, tant d’amour. Je peux dire que si Jésus ne m’avait pas aidée, je n’aurais pas continué de vivre: mon cœur ne pourrais pas résister...[2]

La souffrance et la réparation

En tous temps J'ai eu besoin d'âmes victimes, mais maintenant plus que jamais. Je t'ai destinée à être immolée en cette époque, pendant laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan de boue, de vices. C'est de cela que Je t'ai enlevée du monde. C'est le vice le voleur de tout ce qui est à moi.

(...)

O vie combien amère ! J’ai l’impression de ne plus pouvoir vivre. Mon cœur est broyé. Les pierres qui servent à le triturer, ont la taille du monde. Le moulin ne cesse pas de moudre ; la douleur, elle non plus ne peut pas cesser; moi même, je ne le veux pas. O Jésus, c’est ma volonté d’être broyée, brisée par amour pour vous ! Étant donné que je ne sais pas vous prouver autrement mon amour, je veux, dans la douleur et dans l’amertume, que de mes lèvres ne sortent que ces paroles : tout pour votre amour ! La douleur est ma pierre précieuse, déjà, ici, sur la terre, elle est mon trésor. Je dépose tout entre vos mains, afin que vous en fassiez la distribution à qui vous voudrez...

Dans la majorité des foyers, la crainte de Dieu est disparue. Il n'y a plus de bons parents, il n'y a plus non plus de bons enfants... Quelle horreur sur les plages, dans les casinos et dans les maisons de vice. Ceux qui pourraient les secourir, ne le font pas !... Toi, toi du moins, secours le monde, donne-Moi, dans la joie, la réparation que Je te demande, rends suave la douleur de mon divin Cœur. [3]

« Incendiez le monde... »

(...)

Je ne peux pas regarder le ciel parce que le cœur s’élève plus véloce qu’une fusée et ne tient pas dans ma poitrine. Il ne peut se reposer qu’en Jésus.

Petite Maman, venez et prenez votre petite fille dans vos bras ; je veux vous donner mon cœur ; ce n’est que vous qui pouvez le remplir de votre amour afin que je puisse aimer Jésus. Incendiez-le avec des flammes si fortes d’amour afin que je puise incendier le monde. Jésus n’est pas aimé! Avec ma douleur et votre amour, je ferai en sorte qu’il soit aimé. Ce n’est que comme ça, que moi même je l’aimerai.

Douce Maman, comme il sera beau de voir tous les cœurs brûler pour Jésus d’un seul amour ! Je ne veux pas cesser d’être victime sans que ce feu soit allumé dans le monde...[4]

« Je crains la douleur mais je l’aime... »

Vous devez être déjà saturé d’entendre tant de lamentations et tant de discours sur la douleur, mais la douleur est mon aliment, jour et nuit, toujours. Auguste aliment! J’ai atteint l’heure de ma Passion dans un état d’affliction et d’abandon. Je sentais comme si tous étaient révoltés contre moi. Je disais au Seigneur :

Je crains la douleur, mais je l’aime. Le corps s’y prête moins, mais la volonté est forte: je suis prête pour la croix et pour l’amour.

Le cœur semblait s’effriter tellement il était écrasé ; j’avais du mal à respirer. Jésus est venu à moi et il m’a dit :

Ma fille, allons dans le Jardin des Oliviers. Viens préparer l’aliment dont Jésus a tant besoin pour les pécheurs: aliment précieux qui leur donne vie éternelle, aliment béni qui leur donne la vie de la grâce. Courage, tu ne seras pas abandonnée : Jésus et la Maman du ciel viennent avec toi.

Durant la Passion, Jésus m’a parlé deux fois ; le reste du temps, je me suis sentie toute seule, couverte de tous les maux,[5] remplie de honte devant Dieu, objet de sa divine Justice. Combien je me suis découragée! J’avais même l’impression que Jésus n’était pas avec moi. Il est venu, pourtant :

Courage ! Les anges te survolent, et portent l’aliment aux pécheurs...

Alors, je me suis sentie un peu réconfortée, mais pour peu de temps. La deuxième fois, Jésus m’a dit :

Courage, ma fille ! La colère de Dieu qui s’abat sur toi, ce n’est pas toi qui la provoques, mais ceux pour qui tu es l’expiatrice.

Ensuite j’ai cheminé toute seule. Quand tout a été fini, je suis restée comme endeuillée et triste. Jésus m’a transmis les souffrances et l’agonie de son divin Cœur ; moi, je les accueille parce que je veux le consoler.

Vive Jésus, vive la Maman du ciel ! Que règne la douleur, afin que règne l’amour !...[6]

« Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous!... »

Je suis abandonnée de tous; je ne reçois même pas mon Jésus. Ma croix devient plus pesante. Combien cela me coûte de ne pas recevoir la Communion ! Si Jésus me manque, tout me manque. Encore aujourd’hui, me souvenant que je ne l’avais pas reçu, j’ai soupiré avec une profonde nostalgie et j’ai murmuré :

“Deux jours déjà sans recevoir Jésus et combien d’autres encore, peut-être ! Quelle tristesse et quelle nostalgie ! Mon Jésus, je ne peux vivre sans vous. Venez! Faites de mon cœur votre demeure. Venez et régnez en moi ! Venez, mon tout ! Si cela ne vous déplaît pas, ô mon Jésus, choisissez pour moi d’autres souffrances, mais ne me privez pas de la Communion ! S’il était à moi, je vous donnerai le monde entier afin de pouvoir vous posséder, rien que pour avoir votre visite”.

Mon Père, combien douloureuse est ma souffrance et lourde ma croix! Je me sens épuisée. Oh, le vide que je sens par le manque de l’aliment eucharistique ! Quelle nostalgie. On dirait que mon cœur explose. Je ne sais pas comment tant d’âmes peuvent vivre des années, voire la vie entière, sans recevoir Jésus ! Malheureux, car ils ne le connaissent pas.[7]

« Jésus, venez!... »

Jésus eucharistique, ma vie, ma joie, m’a manqué. La nostalgie que j’ai de Lui me consume.

Jésus, venez ! Régnez dans mon cœur ! Vous seul êtes l’aliment de mon âme. Donnez-moi la vie de la grâce, donnez-moi votre amour. Venez décharger votre tristesse dans la mienne.

Par ma nostalgie infusez de la nostalgie que vous avez de prendre possession des cœurs qui ne vous aiment pas et vivent vous oubliant. Je veux par ma douleur rallumer votre amour sur la terre... Je veux me perdre en lui. Peu importe donner la vie. Souffrir reste toujours mon désir : c’est de la douleur que l’amour naît...[8]

« O combien je veux le consoler !... »

Le jour s’est levé : j’avais un grand désir de recevoir la Communion, mais je ne l’ai pas reçue. Quelle nostalgie ! J’ai demandé si monsieur le Curé ne pourrais venir m’apporter Jésus ; on me répondit que non; je me suis résignée. J’ai offert à Jésus ce sacrifice afin de mériter l’amour de mes « quatre » : la très Sainte Trinité et la Maman du ciel. Je cherche en tout, même dans les plus petites choses, à Les consoler.

Et mon Jésus eucharistique ? O combien je veux le consoler et le couvrir d’amour ! Toutes les douleurs et tous les sacrifices sont occasion pour moi de consoler l’Abandonné, l’Oublié, le Prisonnier de l’Eucharistie...[9]

O douleur bénie !...

O douleur, douleur bénie ! O croix, ô lit sacré, je veux que tu sois ma tombe, d’où je ne puisse plus sortir ! Tu es, ô croix bénie, l’immense trésor dont Jésus m’a enrichie ! Je te veux, je t’embrasse, je veux être clouée à toi, et être entourée d’épines ! C’est pour Jésus que je veux être blessée et avec Lui, sur l’autel, être immolée ! Heureuse fortune — celle de la croix — qui m’attend sur la terre ; elle me fera éternellement bienheureuse au ciel !...[10]

« Mon âme est morte... »

Mon cœur est toujours oppressé, mais toujours au milieu de vives flammes; ma poitrine est brûlante du côté gauche; c’est un feu incandescent. La douleur ne consent aucune suavité, elle me pénètre de tous côtés.

L’abîme dans lequel je me trouve est nauséabond et honteux. Pour m’appuyer, je n’ai que de l’immondice. J’y suis enchaînée par de grosses chaînes de fer qui ne se cassent pas. Quelques fois j’essaie de me libérer et de sortir de cet immense abîme, mais je ne le peux pas, je n’en ai pas la force. Je suis si étroitement enchaînée que je n’arrive même pas à bouger.

Au milieu des épines qui me blessent et pénètrent dans tout mon être, mon cœur se tourne vers Jésus, il veut s’envoler vers Lui, mais il ne le peut pas et bas de l’aile au ras du sol. Quelle horrible affliction! Quelle douleur poignante, que de salir des ailes blanches dans la fange !

Mon Père, que signifie tout cela ? Je n’y comprends rien. Cela ne me dérange pas d’être salie et couverte par les maux d’autrui. Ce que je veux, c’est que tous deviennent justes et s’envolent vers Jésus. Mais le pire c’est que je vois comme si le mal venait de moi ; mais moi, je ne veux pas pécher, je ne veux pas déplaire à Jésus. Mais je me trouve un monstre abominable, une effrontée, une ingrate à son égard. J’ai peur et je tremble pour mon néant. Je sens la colère de Dieu sur moi et je ne peux pas lever mes yeux vers le ciel. Je me sens indigne de pardon et de compassion.

Mon âme est morte:[11] elle expira dans l’obscurité; ni même Jésus, en y entrant, lui redonna la vie. Il m’a complètement oubliée, et moi, sans les yeux pour voir, je courre toujours, mais toujours disparate, dans une nuit très triste et obscure.

J’ai perdu toute énergie, je suis tombée dans le découragement. Mais je veux, avec tous les êtres de la terre, louer et aimer mon Jésus. Je voudrais rester toujours à genoux et les mains jointes, à entonner hymnes et louanges d’amour et d’action de grâces à mon Jésus, pour tout ce que je reçois de Lui...[12]

« Ta passion ne s’arrêtera pas... »

Je ne te parlerai plus, sauf en de rares exceptions.[13]

Je ne viendrai plus, ni les vendredis, ni les premiers samedis.

Ta passion ne s’arrêtera pas, elle continuera toujours, sans arrêt, et même plus douloureuse encore. Seulement ainsi elle sera complète. O combien elle sera grande ton agonie ! Toutes les merveilles et sciences divines, seront inscrites dans le livre de ta vie, un livre qui n’a jamais eu d’égal. Tous pourront venir dans le jardin que moi-même j’ai cultivé, afin que tous puissent y cueillir des fleurs de vert, des fleurs de pureté, des fleurs de grâce, des fleurs de charité, des fleurs d’héroïsme, des fleurs de toutes variétés.

Venez tous, cueillez, ce sont des fleurs célestes ! Après cela, vite viendra le Ciel. Combien belle sera ta mort : ce sera une mort entourée de la plus grande angoisse, mais aussi du plus grand amour !

Dis-moi, ma fille: pour qui offres-tu ces dernières souffrances de ta vie ?

Pour ce qui sera de votre sainte Volonté, mon Jésus: c’est tout ce que je veux.

Ma bien-aimée, ma fille, je veux que tu m’offres une partie de ces souffrances pour les prêtres, afin qu’ils possèdent la lumière divine et comprennent ma vie dans les âmes ; afin qu’ils la possèdent davantage et n’aient pas d’autre vie que la mienne. Tu l’offriras aussi pour ceux d’entre eux qui ne la comprennent pas, afin qu’ils l’étudient, pour que, ne l’étudiant pas et ne la comprenant pas, ils ne soient pas tentés de l’éteindre cette même vie dans les âmes. Tu prieras aussi pour tous les prêtres qui m’offensent gravement.

L’autre partie, ce sera pour le monde entier... car il t’appartient. Je te l’ai confié ! Tu peux me demander tout ce que tu voudras, pour tous. Ceux qui te connaissent, ressentiront ton départ; mais tu poursuivras ta mission.

Va, ma petite fille, va écrire tout ceci: tu as les lumières de l’Esprit Saint.[14]

« Si elle ne m’avait pas aidée... »

Pendant la journée, dans mon affliction, je lève les yeux vers le Sacré-Cœur de Jésus et vers ma chère Petite-Maman. Jamais je n'ai regardé vers Eux sans qu'il me semble les voir me sourire avec bonté. Il fait déjà nuit et il me semble que Leur sourire me reste empreint dans l'âme et dans le cœur.

Ma Maman, ma Petite-Maman chérie, ô combien, combien je veux l'aimer ! A quoi auraient servi ces longues années de lit si Elle n'avait pas veillé sur moi, si Elle ne m'avait pas aidée ?...[15]

« Quel grand mal est le péché !... »

Mon Dieu, quelle nuit terrible dans mon âme !

Jésus a commencé par me dire :

Le péché essaie de broyer et d’anéantir mon divin Cœur ! Quel grand mal est le péché ! Regarde les mauvais traitements que je reçois ! Sais-tu de qui ? De ceux qui les premiers devraient m’aimer, desquels j’attendais tout. Répare, si tu veux qu’ils se convertissent. Laisse-toi immoler si tu veux qu’ils soient sauvés ! Tu es leur victime...[16]

« Mon cœur n’a presque plus de vie... »

Mon cœur n’a presque plus de vie: il est broyé au maximum. Je suis dans les ténèbres et presque sans foi en Jésus: tout est perdu; personne ne réussit à me sauver.

Mon âme semble émettre des cris d’une extrême affliction. Sa nuit est devenue immense pour recevoir Jésus Eucharistique. Et Lui, d’un ton de jugement, comme quelqu’un qui demande des comptes, me disait :

Quel grand mal est le péché ! T’es morte à Dieu au lieu d’être morte au monde ! Convertis-toi, viens dans mon divin Cœur. Tu me fais souffrir par chaque peine et cruauté ; Je pleure parce que Je t’aime ! Pourquoi veux-tu me fuir ? Je pleure parce que Je t’ai créée et préparée pour Moi. [17]

Et mon Jésus pleurait amèrement. Et c’est cette douleur de Jésus que mon cœur ne supportait pas, à moins qu’il ne souffre à ma place. Mais en me sentant ainsi blessée, je peux dire avec Lui :

Quel grand mal est le péché ! Combien il est horrible ! Combien il blesse le Cœur d’un Dieu !

Mon Jésus, je ne veux pas Vous fuir ! Je veux Vous suivre ! Je veux que tous Vous suivent, qu’aucun ne Vous fuie. Laissez-moi écrire sur la terre avec mon sang:

La douleur est le chemin tracé par Jésus. La douleur est amour ; la douleur est union avec Dieu. L’âme qui souffre avec Jésus se sent attirée par Lui; désire la solitude afin de se rencontrer plus facilement avec Lui ; désire vivre de Lui et en Lui. Combien précieuse est la douleur! Quel bonheur pour l’âme qui souffre ! Elle ne se préoccupe que de Jésus; elle ne veut d’autre vie que celle de Jésus. Elle cherche son amour, sa gloire, le salut des âmes...[18]

« Avancer l’heure de la consécration... »

Dis à ton directeur spirituel d’informer le Pape que s’il veut que monde soit sauvé, qu’il avance l’heure de la consécration à ma Mère. Qu’il la place à la tête de la bataille et la proclame Reine de la victoire et Messagère de la paix. [19]

« Accompagnez-moi auprès de la Croix... »

La nuit est passée, le jour passe, et je ne m’alimente que de douleur...

Je lève mon regard vers la Maman du ciel et je lui dis :

Maman chérie, accompagnez-moi auprès de la Croix du vôtre et mon cher Jésus ; laissez-moi souffrir avec Vous: je veux sentir Vos douleurs. Je veux aussi réparer tant de maux. Les âmes dorment dans le péché : par ma douleur , je veux les réveiller; par ma mort, je veux les ressusciter.

Maman chérie, faites que je reste comme Madeleine enlacée à la Croix de Jésus. Je veux verser des larmes de sang pour moi, pour les miens et pour les péchés de toute l’humanité. Petite Maman, je me sens surchargée de tous les crimes. Donnez-moi la douleur pour les pleurer et les détester. Demandez pardon pour moi à Jésus. Donnez-moi de l’amour afin que j’aime Jésus et qu’il puisse ainsi par cet amour oublier chaque méchanceté.

Mon Père, je suis tourmentée de mil façons : j’ai des doutes de toutes sortes. La pensée que je vous trompe et que je trompe beaucoup d’âmes me tourmente.

Mon cœur est une source ouverte : plus la douleur et l’agonie sont grandes, plus j’ai de sang à donner. Je sens qu’autour de moi y boivent, en grand nombre, je ne sais quoi. Ils boivent, boivent et semblent ne jamais se rassasier. Mais moi nom plus, je ne suis pas rassasiée du fait de ne pas pouvoir rassasier ; et je ne suis pas rassasiée parce que je n’ai pas d’amour pour aimer mon Jésus...

(...)

L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière dont Il descend dans mon cœur [dans la Communion], sans lumière ni flamme, sans me donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort et que moi-même je sois morte, m’oblige presque à penser que j’ai une vie d’illusion et d’imposture.

Mais je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’Il m’aime et ne m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis que pour Lui. Ma vie a servi à Jésus...

Jésus, pressez bien cette fine grappe et enlevez-en tout le jus... Je bénirai et j’aimerai la douleur : quand je serai au ciel, je ne souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a créé en moi des liens d’un si grand amour...

J’aime la douleur, j’aime Jésus...[20]

« Ma fille, viens sur mon Cœur... »

Dans l'après-midi j’ai récité les prières du mois de mai à ma chère Petite-Maman. Mon âme, pendant cette dévotion, se voyait libérée d'un poids qui l'écrasait et retrouvait la paix et la suavité.

À la fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait :

— Ma fille, ma fille.

Mon âme se sentait encore plus soulevée.

Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée avec tendresse et douceur :

— Ma fille, ma fille, viens sur mon Cœur. Je t'invite à te reposer entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon Cœur de mère. Tu es la préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée par nos deux Cœurs !

Je me suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée et couverte de tendresse.

Il n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une mère de la terre avec celle de la Maman du ciel !...

Mon âme a été réconfortée: mon cœur en resta heureux pendant un peu près une heure.[21]

« Compter pour rien... »

Je suis couverte de crimes et d’imperfections: j’ai honte de Jésus, je crains la justice du Père éternel.

Jésus, en descendant aujourd’hui dans mon cœur, a rendu plus suave ma douleur. Une petite flamme s’est allumée dans mon âme, mais elle s’est éteinte rapidement et je suis restée dans la plus grande obscurité... J’ai senti que la justice du Père éternel me détruisait, me réduisait en poussière.

Mon Jésus, compter pour rien, par amour pour vous, c’est avoir la félicité sur la terre. Ma joie, même si vous ne permettez pas que je la ressente, c’est souffrir pour vous consoler et pour sauver les âmes. Avec vous je suis victorieuse.

Je veux vous prouver mon amour, mais je ne sais pas comment: je n’ai rien à vous donner.

Mon corps ? Cela fait bien longtemps qu’il vous appartient. Je vous l’ai donné afin qu’il soit martyrisé et crucifié.

Mon sang ? Même celui-là vous appartient. Qu’il serve au moins d’encre pour écrire sur toute la terre le mot « Amour » : amour pur et seulement pour Jésus.

Ma vie ? Elle ne m’appartient plus: elle aussi est à vous. vous êtes mort pour moi, pour me sauver et moi je meurs par amour pour vous et pour sauver les âmes.

O Jésus, que dois-je vous donner d’autre ?

Je veux que ma volonté soit votre, afin que la votre soit mienne. J’accepte, par amour pour vous, tout ce que Vous m’enverrez. Je ne veux que ce que vous voudrez ; même si pour cela je devais rester à plat ventre, enroulée dans la terre comme le verre le plus insignifiant...[22]

« Mon Jésus, pressez bien cette faible grappe... »

L’abandon dans lequel Jésus laisse mon âme, la manière dont Il descend dans mon cœur,[23] sans lumière ni flamme, sans me donner ni recevoir de l’amour, comme s’il y venait mort et que moi-même je sois morte, m’oblige presque à penser que j’ai une vie d’illusion et d’imposture.

Mais je dois croire que Jésus vit et règne en moi, qu’il m’aime et ne m’abandonne pas, que je suis à Lui et que je ne vis que pour Lui. Ma vie a servi à Jésus...

Jésus, pressez bien cette faible grappe et enlevez-en tout le jus… Je bénirai et j’aimerai la douleur: quand je serai au ciel, je ne souffrirai plus. La douleur m’a attachée à Vous, a créé en moi des liens d’un si grand amour...

J’aime la douleur, j’aime Jésus...[24]

« Je suis un monde d’horreurs... »

Je suis un monde d'horreurs et d'épouvantables ténèbres. C'est ainsi que mon âme le ressent. Je rends grâces à mon Jésus de ne pas être moi-même ce que sent mon âme. Je serais bien tout cela si Lui, vu mon état de ténèbres, ne veillait pas sur moi, ne me soutenait pas et, ma chère Petite-Maman, Elle, ne me portait toujours entre ses bras très saints, ne me protégeait pas de son divin manteau.

Pauvre de moi, si Jésus et Marie n'avaient pas été là ![25]

« Il me semble que Jésus soit parti... »

Je suis très malade. J’aimerais dire tant de choses, mais je ne peux pas... Je sens mon âme et mon corps comme sous une grille avec du feu au-dessous et par-dessus : je ne peux pas me retourner sans être brûlée... Même le cœur a sa douleur... combien il est opprimé...

Et il me semble que Jésus soit parti si loin, me laissant seule dans le monde, privée de tout confort. Je sens comme si l’on me privait de mon directeur. Serait-ce vrai ? Pouvez-vous au moins me dire, par charité, si en quelque chose, je suis pour vous cause de souffrance ?...[26]

« Demandez et vous recevrez... »

Après une courte prière et l’offrande de moi-même, avec d’autres victimes, en union avec la Maman du Ciel, pour obtenir que le Portugal soit libéré du terrible mal de la guerre, j’ai été, tout à coup, écoutée; Jésus a bien voulu me répondre de suite :

Demandez et vous recevrez. Demandez avec confiance. Le Portugal sera épargné. Mais, malheur à lui s’il ne correspond pas à une aussi grande grâce ! Aie confiance ; c’est Jésus qui te le dit, et il ne trompe jamais.[27]

« Accrochons-nous à Jésus et à Marie... »

(...)

Je reste persuadée que vous, mon Père, vous m’informerez sur ce qui arrive, sans rien me cacher. Je vous le demande par charité; ne consentez pas que Sãozinha me trompe. Si l’on vous interdit de revenir ici, je ne veux pas que vous en souffriez. Acceptons que Jésus presse sa grappe de raisin et réduise en poudre le grain de blé! Qu’il soit consolé et nous, souffrons. Cependant, accrochons-nous immédiatement à Jésus et à la Maman du ciel.

(...)

Combien je souffre à cause des doutes que ce soit moi, avec mon imagination, à faire toutes ces choses [Passion, extases, etc. ]. Quand viendrez-vous me tranquilliser, au moins pour quelques instants ? J’ai l’impression de mourir seule, abandonnée. Venez me secourir !

J’éprouve une très grande désolation parce que je crois que l’on me prive de mon Père spirituel. Je sais que vous avez été malade, mais personne ne m’en a rien dit. Malheureux celui qui est éloigné !...[28]

« Sur la terre l’amour est presque disparu... »

Lundi, au commencement de la sainte Messe, disparaissait de mon âme cette nuit sans lumière qui ne me causait que la mort: les doutes ont disparu. Peu avant la Communion j’ai ressenti une force que je n’ai pas pu dominer: je me suis agenouillée et dans cette position j’ai reçu Jésus. [29] Je suis restée longtemps ravie, tellement unie à Jésus qu’il me semblait me trouver dans une autre région.

J’avais de très fortes impulsions pour aimer Jésus et Il m’a dit ses désirs : [30] — Sur la terre l’amour est presque disparu des cœurs. Voilà la raison des souffrances de Jésus: il n’y a pas d’amour pour réparer les péchés de l’humanité; on blesse son divin Cœur.

O Jésus, que puis-je faire pour cela ?... J’accepte tout, je ne veux pas vous voir souffrir... J’écrirai à Salazar. [31] Lui, plus que tous les prêtres, peut mettre un terme à tant de péchés... J’en parlerai à mon Père spirituel et je ferai tout ce qu’il me permettra de faire... Voulez-vous que j’écrive à votre cher cardinal patriarche ? [32]Les deux, ensemble, seront l’instrument pour sauver le Portugal et faire que votre très saint Cœur ne soit plus offensé. Je le ferai, ô Jésus ; [33] mais j’aimerais que personne ne le sache, excepté eux et les personnes que mon Père spirituel jugera opportun d’informer...[34]

« Je crois mourir... »

Je crois mourir, rien que de penser à vendredi et aux souffrances qui m’attendent. Si Jésus ne prend pas ce pauvre corps pour souffrir dans celui-ci et le soutenir, je ne résisterai pas: je mourrai. Je sens de continuels coups de marteau dans mon cœur. Une foule universelle lui donne l’assaut et le blesse. Toutes ces souffrances viennent sur moi, j’en suis dépositaire, mais elles sont destinées à Jésus: l’attaqué et le blessé, c’est le Cœur de Jésus.

Il me semble voir Jésus, les bras ouverts, me demandant compassion et de souffrir avec Lui... Le fait que Jésus se tourne vers une créature humaine et s’abaisse jusqu’à lui demander de souffrir avec Lui, m’anéantit : Lui qui est la force, la vie, tout, avoir besoin d’aide de cette pauvre qui n’est qu’un néant...

Je joins à cette lettre une lettre pour le Cardinal et une autre pour le Président Salazar. Ayez l'obligeance de la corriger et, si vous voyez que quelque chose n’est pas bien, faites-le moi savoir... J’ai écrit comme Jésus me l’a dit...[35]

« La Maman contemplait l’humanité... »

Dimanche dernier, anniversaire de ma très chère Maman du ciel, une image, qui n’est toujours pas effacée, s’est imprimée dans mon âme.

Avec la venue de Jésus dans mon cœur, mes souffrances ce sont aggravées et ma nuit a augmenté. Je n’ai pas fait la fête à Jésus : je ne l’ai pas reçu avec joie, même si je le voulais et désirais brûler d’amour. Pauvre de moi !... À peine est-il descendu en moi, j’ai senti dans mon âme le portrait vivant de la très chère Petite-Maman qui, du haut du ciel, contemplait la pauvre humanité, son très saint Cœur souffrant d’une tristesse presque mortelle. La tête inclinée vers la terre, elle ne détournait pas son regard plein de tendresse et de compassion. Quelle douleur si forte et poignante !

Combien Elle souffre, la Maman chérie ! Nous sommes déjà mardi, et cette scène ne s’évanouit pas. C’est comme si elle était imprimée en moi pour toujours. Il y a à peine une heure, je l’ai vue de nouveau inclinée vers la terre, impossible de lui faire détourner le regard : de ces yeux coulaient deux rivières de larmes, larmes de profonde douleur qui baignaient la terre. Moi aussi je voulais pleurer, essuyer ses pleurs et guérir la blessure du Cœur très aimant de Jésus. Je ne sais pas quoi faire pour Eux : par amour je fais semblant d’être joyeuse alors même que je suis toujours triste.

J’encourage et je console les malheureux et je n’ai pas qui me console. Mais je suis contente de la volonté de mon Seigneur. Je veux Le consoler dans ma détresse... [36]

« Il faut que je souffre en silence... »

J’ai l’impression d’être infidèle à Jésus. Il veut et me fait comprendre dans mon âme la grande nécessité que je souffre, mais que je souffre en silence, sans rien laisser apparaître. Je cherche à le faire du mieux que je peux, sans me confier à qui que ce soit, excepté Lui et la chère Petite-Maman. Quelquefois pourtant, involontairement, une parole m’échappe. C’est pour cela que je dis être infidèle à mon Jésus: je ne suis pas encore constante dans ce qu’il veut, excepté de tout vous dire, mon Père, parce que Jésus me place dans l’âme la nécessité de me confier à vous...[37]

« Votre cœur saignera toujours... »

Jésus m’a dit qu’il vous aime beaucoup et qu’il vous avait préparé des épines qui vous blesseront jusqu’à la mort ; que votre cœur saignera toujours ; mais vous ne devez pas craindre, car vous serez victorieux...[38]

« J’accepte tout par amour pour vous... »

Combien terrible fut la tempête qui s’est déchaînée dans mon âme ! Il me semblait tout perdre: pour l’âme et pour le corps.

Lors de ces souffrances, pendant quelques instants, je suis arrivée jusqu’à me convaincre que l’on m’avait privé de mon directeur spirituel. Mon Dieu, je resterai sans lumière et sans vie !...

Je n’ai pas résisté et j’ai dû pleurer. J’ai offert mes larmes à Jésus et j’ai ouvert mes bras vers le ciel :

Mon Jésus, j’accepte chaque sacrifice ; j’accepte tout par amour pour vous... Brisez-moi, mais donnez la paix au monde et sauvez les âmes. Je veux vous aimer ; et si par ma douleur je peux vous prouver mon amour, je suis prête à souffrir. Soutenez-moi, donnez-moi la force, mon Dieu !...[39]

« Jésus veut ma souffrance silencieuse... »

Ma crucifixion s’est terminée il y a quelques heures... J’ai besoin de me confier et je ne peux le faire qu’avec vous. Jésus me veut silencieuse et tenace comme un rocher: Il veut que je souffre sans que l’on sache ce qui se passe en moi. Je sens que c’est lui qui place cette exigence dans mon âme. Il veut que ma douleur soit silencieuse comme la sienne: Il exige que je l’imite même en cela.

Ce matin, à mes souffrances et à mes peurs, se sont adjoint les souffrances et les larmes de Jésus : je n’en pouvais presque plus. Parmi le bruit, la curiosité et les blasphèmes autour de lui, Il m’a fait comprendre comment Il avait souffert tout cela en silence, comme s’il n’avait pas de lèvres pour parler. Ma détresse était si grande que quelquefois il m’est venu à l’esprit de dire à Jésus que je ne voulais pas la Passion, mais immédiatement je lui disais :

Je veux, je l’accepte par amour pour vous. J’accepte chaque souffrance, même si, sur moi, devraient tomber, pour m’écraser, toutes les montagnes du monde...[40]

« Je sens que vous souffrez... »

Je sens que vous souffrez. Je sens l’instrument avec lequel vous êtes blessé. Je sens clairement que cette douleur vous blessera jusqu’à la fin.

Je ne sais pas de quel côté me tourner : tout est douleur, de vives douleurs dans l’âme et dans le corps. Je le veux et je l’accepte comme Jésus le veut...[41]

« Le Saint-Père sera épargné... »

La paix viendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père sera épargné ; le dragon orgueilleux haineux qu’est le monde, n’osera pas le toucher dans son corps; mais son âme souffrira beaucoup.[42]

1941

Le Docteur Azevedo

« Tu n’es pas seule... »

― Courage, ma fille, courage, épouse si chère ! Offre-moi ta douleur, offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'es pas seule sur celle-ci, comme je te le fais sentir : Je suis avec toi et veille sur toi, ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment Elle t'est apparue dans la nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception, titre que toi tu aimes tout particulièrement ? Elle est venue te réconforter, sans que tu le voies, Elle est venue veiller sur toi, comme une mère empressée veille auprès de son enfant endormi. Elle est venue te câliner et te couvrir de son manteau. Et toi, tu n'en as pas parlé dans le Journal que tu as dicté: je ne veux pas que tu agisses ainsi.

Avec une grande tristesse je lui ai dit :

Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même, je craignais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis attristée ! Si vous me réprimandiez pour mes péchés, je ne serais pas davantage attristée.

— Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci sont permis par moi  mais je te réprimande parce que je veux que tu dises tout ce qui se passe en toi: c'est pour le bien des âmes.[43]

« Ton Calvaire finira bientôt... »

Ton Calvaire finira bientôt, mais pas avant que mes desseins se soient réalisés. Courage ! Tu bénéficies de l’aide de ton Directeur, de ton Jésus et de ta Mère bénie ! [44]

Divines promesses...

Je te promets, en ce samedi qui lui est consacré (à la Sainte Vierge), que ta vie sur terre ne durera pas bien longtemps. Je te promets aussi de t’accorder dans le ciel, par tes demandes et ton amour, ce que déjà maintenant je t’accorde sur la terre par ta douleur. Mais pour cela, ma fille, il faut que tu demandes au Saint-Père qu’il ait pitié de ton martyre et qu’il donne satisfaction aux sollicitations de Jésus, c’est-à-dire, consacrer le monde à ma Mère bénie.[45]

« La Maman veillait sur moi !... »

(...)

Mon père, l’aurore de cette journée m’est apparue toute gaie et souriante.[46] Je sentais la douleur, mais celle-ci était rendue suave par la Maman qui veillait sur moi... De nouveau j’ai senti son Manteau se déployer sur moi et sur beaucoup d'âmes qu'Elle étreignait et unissait comme en une seule : à toutes Elle dispensait sa tendresse, son amour. Mon cœur en reste encore tout enflammé.[47]

« Jésus m’a préparée à la souffrance... »

Jésus m’a préparée à la souffrance de mardi dernier. Je n’en connais pas le motif. Sans doute parce que cette âme-là décidée à se réconcilier avec le Seigneur est partie d’ici pour Braga ? Jésus le sait pour qui j’ai offert mes souffrances et mes sacrifices afin que ce pécheur-là fasse une bonne confession. La souffrance fut telle que je n’en pouvais plus. Je n’ai pas ressenti de joie pour le retour de cette brebis. Mercredi, jour de saint Joseph, j’ai reçu les couronnes que vous m’avez envoyées par l’intermédiaire de cet homme.[48] Certaines personnes ont éprouvé une grande joie en le voyant faire la communion devant tous. A cette nouvelle, je suis encore restée dans la tristesse et dans la mort: je n’ai pas eu un seul moment de satisfaction...

(...)

J’ai passé la fête de saint Joseph dans les ténèbres, sans pouvoir voir le ciel mais toujours dans l’anxiété de donner des âmes à mon Jésus et de parcourir le pays entier à leur recherche...[49]

« Mon pressentiment se réalise... »

Mon pressentiment au sujet de l’examen du docteur Abel Pacheco est en train de se concrétiser. J’ai parlé au docteur Azevedo et il m’a dit que celui-ci était presque indispensable, mais que je réfléchisse à la chose devant le Seigneur. Si après cela je pensais ne pas devoir le faire, on ne le ferait pas. Mais le Seigneur m’a donné ces sentiments “de me remettre entre les mains des médecins comme Lui Il s’est remis jusqu’à la mort; ce ne serait que comme cela que mon sacrifice serait complet”.

— Que pouvez-vous me dire à ce sujet ? [50]

« Quelle tempête terrible... »

La journée d’aujourd’hui ne s’est pas écoulée sans qu’il tombe sur moi une souffrance de l’âme et du cœur bien difficile à supporter. À la tombée de la nuit s’est déchaînée une des plus terribles tempêtes. J’ai commencé à ressentir une révolte et un très fort désir de m’imposer car les médecins ne venaient pas pour leur examen, pour que je sois libérée de beaucoup d’humiliations et de désagréments. Je sentais en moi une forte résistance, je ne voulais pas me soumettre à la douleur ; je voulais tout souffrir à condition de ne rien ressentir. C’est alors qu’est tombée sur moi toute la rage infernale: j’ai compris que c’était là, l’œuvre du malin. Les démons étaient enragés, ils voulaient engloutir mon corps tout entier.

J’en voulais surtout au docteur Azevedo ; j’avais l’impression de ressentir contre lui une haine de mort et c’était moi-même à vouloir le mordre pour le mettre en morceaux et le broyer. Quelle tempête terrible ! Ce n’est que dans les bras de Jésus et de la Maman du ciel que je pouvais être sûre de ne pas offenser mon Dieu.

Si le monde connaissait les embûches du démon, les pièges qu’il prépare aux âmes pour les conduire au péché !... Je pense ne pas avoir causé de peine à Jésus, parce que je ne veux que ce qu’il veut et ne jamais l’offensé...

Dis au Pape que Jésus, demande et ordonne de consacrer le monde à sa Mère. Qu’il le lui consacre rapidement, s’il veut que la guerre se termine, rapidement s’il veut que le monde ait la paix.[51]

« Le médecin m’a écrit... »

(...)

Le médecin m’a écrit pour me dire qu’il était allé à Braga mais qu’il ne vous a pas trouvé; mais qu’il vous écrira pour vous informer sur ce qui se passe. Il a déjà parlé au docteur Abel Pacheco lequel est prêt à venir pour l’examen. Le médecin des maladies nerveuses ne vient pas et n’a pas assuré non plus de venir par la suite. Je ne connais pas encore le jour où je serai examinée. Me le communiquerez-vous ? Priez pour moi afin que Jésus me donne courage...[52]

« Je voudrais fuir le monde... »

Mon Père, si seulement vous me donniez l’autorisation de demander à Jésus le paradis au plus vite !... Ce n’est pas pour fuir la douleur, mais parce que ma souffrance et ma crucifixion sont en train de devenir trop connues. Je voudrais fuir le monde afin que personne d’autre ne me connaisse. Oh, combien de tourments ma crucifixion m'a apportée ! J’ai tant de nostalgie du temps où Jésus me parlait souvent et personne n’en savait rien de ma vie sinon celui qui en avait le droit...[53]

« Je dois aller à Porto... »

Vers le soir pour combler ma souffrance, j’ai reçu du digne docteur Azevedo la nouvelle que jeudi, premier mai, le docteur Abel Pacheco, de Porto, allait venir pour pratiquer l’examen. Ce fut comme une lance qui m’aurait traversé le cœur et, cruellement le clouant sur la terre nue. Et c’était contre cette même terre que celui-ci saignait de douleur. Le lundi est arrivé et je l’ai passé dans la même souffrance. Je voulais m’épancher de façon à chasser hors de moi la crainte et la honte qui me tourmentaient. Je me suis souvenue que c’était là une bonne occasion pour consoler et réparer pour mon Jésus, souffrant en silence avec Lui ; je Lui ai offert le sacrifice du silence et je Lui ai promis de ne pas en parler. Cela m’a été douloureux, mais avec Jésus j’ai vaincu... J’ai préparé avec soin et joie le petit autel de la Maman chérie... Je lui ai écrit une lettre et l’ai déposée à ses pieds pour le premier jour de son mois. Je suis confiante qu’elle me fera tout ce que je lui ai demandé...

Le jeudi est arrivé ; ce fut bien triste: j’attendais les médecins. Quel tourment ! J’ai dit trois fois : “Premier mai, comme tu es pénible! Qu’arrivera-t-il encore avant la fin ?”

À la Communion j’ai offert le sacrifice que je devais affronter ; je l’ai offert pour ces âmes qui s’en vont chez les médecins pour pêcher et offenser Jésus. J’ai imploré la force du Ciel ; j’ai demandé la lumière et l’amour de l’Esprit Saint, le secours de la très Sainte Trinité, celle de Jésus Eucharistique, celle de la Petite-Maman, ainsi que celles de saint Joseph, de sainte Thérèse,[54] de sainte Gemma,[55] etc..

L’heure est arrivée et j’ai été examinée. Les souffrances du corps m'ont été douloureuses, mais celles de l’âme aussi. Quelle humiliation ! Aussitôt que les médecins sont partis, je voulais pleurer; exprès, j’ai caché mes larmes. J’ai dit à Jésus que je ne pleurerais pas pour que Lui non plus, ne pleure pas les péchés du monde.

J’ai levé mon regard vers la Maman du ciel et je lui ai dit :

Je suis prête pour un autre sacrifice... Dites-le à Jésus pour moi. Faites que je souffre ! Faites que j’aime ! Je veux mourir d’amour.

Pendant toute la journée, mon corps et mon âme étaient plongés dans une mer de douleur !...[56]

Partie à Porto...

Il est triste que le monde ne connaisse pas l’amour de Jésus pour les âmes! Nous le verrions davantage aimé et moins offensé. À la fin, Jésus m’a éclairée. Nous sommes partis à Porto. C’est sa volonté afin d’augmenter ma souffrance. [57] Que cela soit pour sa plus grande gloire. Combien j’ai de honte et de peur !...[58]

« Unis ta douleur à la mienne... »

Unis ta douleur à la mienne, ton amour au mien ; ce n’est que de cette manière le chemin de ton Calvaire pourra être plus suave ; ce n’est que de cette manière que les pécheurs pourront être sauvés ; ce n’est que de cette manière que la paix pourra venir dans le monde, et elle viendra vite. Ensuite, le monde entier se réjouira d’être consacré au Cœur de la tienne et ma Mère bénie... [59]

« Je me trouve dans une nuit obscure... »

Je me trouve dans une nuit obscure, sans la moindre goutte de rosée. [60] Il n’y a pas de baume pour les douleurs de mon âme. Je vois de loin les coups qui blessent mon cœur. J’ai du mal à respirer sous le poids des humiliations. À l’idée des souffrances que me procurera mon voyage à Porto, je dis à moi-même :

Je vais en jugement.

Opprimée et anéantie par cette douleur, je pense :

C’est pour Jésus et pour les âmes !

Et alors tout mon être se transforme en une seule pensée :

Dieu en tout et avant tout.

Je passerai toute ma vie ne pensant qu’à Dieu seul. Tout passe : Dieu seul reste. La pensée de Dieu enveloppe ciel et terre. Je m’abîme en Lui. Je peux l’aimer et penser à Lui pendant toute l’éternité. Cette pensée me soulage ; cependant c’est ainsi que j’adoucis ma douleur et que je peux sourire au tableau triste et douloureux qui se présente à moi. Je fais semblant d’avoir une grande joie de mon voyage à Porto, afin de rasséréner les miens et qu’ils ne comprennent pas la douleur qui habite mon cœur...[61]

Première rencontre avec le docteur Azevedo.
Nouveaux examens médicaux

Le 29 janvier 1941 j’ai eu la visite d’un prêtre connu et de diverses autres personnes de la paroisse. Après une longue conversation, j’ai appris que parmi eux il y avait un médecin. J’ai rougi, non pas que j'ai menti au sujet de mes douleurs, mais parce que je ne m’y attendais pas. Il m’a parlé et est resté souriant. Je ne sais pas ce que j’ai éprouvé à son égard. J’étais bien loin de penser que peu de temps après il serait devenu mon médecin traitant.

Il [le Dr Azevedo] a commencé [son œuvre] en m’examinant minutieusement, avec beaucoup de délicatesse et de charité. À la fin de son examen, il a jugé opportun d’inviter le docteur Abel Pacheco [62] et mon médecin traitant de l’époque. [63]

Je suis restée très triste parce que j’étais saturée d’examens médicaux, mais j’ai accepté la nouvelle épreuve comme étant la volonté de Dieu et pour le bien des âmes.

Le premier mai de la même année j’ai été examinée par le docteur Pacheco. L’examen a duré peu de minutes, mais il a été la cause de grandes souffrances pour le corps et pour l’âme : pour le corps parce que ses mains semblaient de fer ; pour l’âme parce que je ressentais déjà les humiliations et les résultats de cet examen.

Malgré tout cela, j’étais encore loin d’en voir le bout !

Retour à Porto

J’ai été informée par le docteur Azevedo qu’il serait mieux que je retourne à Porto afin de consulter le docteur Gomes de Araujo. [64]

Pendant un mois j’ai prié pour savoir si c’était bien là la volonté de Dieu. Plus je demandais de la lumière et plus les ténèbres augmentaient et plus profonde devenait la souffrance de l’âme, car je ne savais pas quoi faire. Finalement, le Seigneur m’a dit qu’Il voulait que je parte. [65]

Deuxième voyage à Porto

Mon état physique est assez grave. Ils craignaient de m’enlever de mon lit pour un aussi grand voyage. Moi même je craignais beaucoup: si rien que le fait de me toucher était cause de grandes souffrances, comment pouvais-je aller aussi loin ?... Encouragée par les paroles du Seigneur, j’ai confié en lui et sous sa divine action, je me préparais pour partir à l’aube du 15 juillet 1941.

À quatre heures, j’avais déjà fait mes prières. Pour montrer que j’en étais contente, j’ai appelé ma sœur pour lui dire que “nous allions en ville”: rien que pour cacher ma douleur. Pendant que je lui disais cela, j’ai entendu la voiture qui arrivait chez nous.

Le docteur Azevedo et une personne amie [66] sont entrés dans ma chambre. Après une courte conversation, pendant que ma sœur s’habillait, nous nous sommes préparés pour partir. Nous sommes partis à 4,30 heures, afin de ne pas alarmer la population ; il faisait encore nuit. En effet, nous sommes sortis du pays sans rencontrer personne.

Mon âme était encore ans dans un plus grand silence ! Plongée dans un abîme de tristesse, sans interrompre mon intime union avec Jésus, je voyageais Lui demandant toujours davantage de courage pour les examens qui m’attendaient et en offrant mon sacrifice afin d’avoir son divin Amour et pour les âmes. J’invoquais aussi la Maman du ciel et les saints qui m’étaient les plus chers.

Rien ne m’attirait et, tout ce que je voyais me causait une profonde tristesse. De temps à autre ils interrompaient mon silence pour me demander si j’allais bien ; je les en remerciais sans même sortir de l’abîme dans lequel j’étais plongée.

Il faisait jour quand nous sommes arrivés à Trofa, chez la personne qui nous accompagnait: là je devais me reposer et recevoir mon Jésus, en attendant de repartir pour Porto.

Avant de reprendre le voyage, j’ai été portée dans le jardin et, soutenue par l’action divine, je me suis approchée de quelques petites fleurs que j’ai cueillies en pensant :

Le Seigneur, quand Il les a créées, savait déjà qu’aujourd’hui je serais venue les cueillir.

J’ai été photographiée à deux endroits différents et, de l’un à l’autre, je me suis déplacée toute seule, ce qui n’était plus jamais arrivé depuis que j’avais pris le lit,[67] de la même façon que plus jamais je ne m’étais retournée dans mon lit sans aide de quelqu’un. Ce fut un miracle de Dieu, car sans Lui, je n’aurais pas pu le faire.

Nous avons repris le voyage: mon âme souffrait horriblement.

À quelques kilomètres de Porto, Jésus a retiré son action divine. J’ai commencé à ressentir les habituelles souffrances physiques qui m’ont tourmentée jusqu’à la fin du voyage. J’ai dit alors, non pas parce que je connaissais la distance, mais parce que mon état me l’a fait dire :

Nous sommes déjà proches de Porto.

Quelqu’un a répondu :

Nous y sommes, nous y sommes !

En effet, j’avais pu voir qu’il ne manquait plus que six kilomètres.

La sortie vers le cabinet a été douloureuse, autrement dit : martyre pour le corps, agonie pour l’âme; il me semblait que j’allais mourir.

Avant d’entrer dans la salle de visites, j’ai dit à celui qui me portait dans ses bras :

Posez-moi, posez-moi, même si c’est sur le carrelage !

À ce même moment le médecin est arrivé et il me fit coucher sur un brancard, où je suis restée en attendant la visite. Quelques instants avant que je ne rentre dans le cabinet, Jésus m’a libérée de l’agonie de l’âme, ne me laissant que les souffrances physiques, afin que je puisse mieux résister.

La visite a été assez longue et douloureuse. Pendant que l’on me déshabillait, on m’encourageait et moi, me souvenant ce que l’on avait fait à Jésus, j’ai dit en moi-même :

Même Jésus a été déshabillé.

Et je n’ai pensé à rien d’autre.

Le docteur Gomes de Araujo, même si un peu brusque, a été prudent et attentionné.

Pendant le retour à la maison, Jésus a exercé sur moi son action divine, afin que je résiste au voyage, mais il m’a laissée de nouveau l’âme angoissée.

Arrivés à Ribeirão on m’a fait reposer chez le docteur Azevedo afin d’attendre la nuit et de pouvoir rentrer au pays sans que personne s’en rende compte.

Que ce soit chez Monsieur Sampaio que chez le médecin j’ai été traitée avec beaucoup d’attentions, mais nul ne parvenait à me réconforter, alors même que je souriais pour cacher le plus possible ma douleur.

Il faisait déjà nuit quand nous avons repris le voyage. Tout m’invitait à un silence de plus en plus profond. J’étais indifférente à tout. Pendant le trajet, je n’ai rien vu d’autre que les fleurs du jardin de Famalicão parce que quelqu’un me les avait signalées.

Nous sommes arrivés à la maison à minuit, obtenant ainsi, que personne ne se soit rendu compte de notre absence.

Après ce voyage, mes souffrances physiques ont assez augmenté. [68]

« Combien de choses me venaient à l’esprit !... »

Mon voyage à Porto et la publication de ma vie ont alarmé les supérieurs de mon directeur spirituel à un tel point que peut-être il lui sera interdit de venir vers moi, de me porter assistance religieuse de laquelle j’ai besoin et enfin, de m’écrire et de recevoir de mes nouvelles !

Depuis lors, j’ai commencé à vivre d’illusions :

Viendra-t-il aujourd’hui, viendra-t-il demain ?

Combien de choses me venaient à l’esprit ! La pensée de perdre le temps en divagations inutiles me tourmentait, mais je n’ai pas réussi à détourner ma pensée de ce qui me faisait tant souffrir.

Ma vie est devenue un sacrifice total. Je peux même affirmer que je ne sais pas ce que c’est que d’être heureuse, cela aussi me peine. Je me sens à la fin de ma vie: j’attends l’éternité. Là seulement je pourrai remercier Jésus de m’avoir choisie pour cette vie de continuel sacrifice, pour n’aimer que Lui, pour Lui sauver des âmes.[69]

« Tes souffrances pour les prêtres... »

Préoccupée d’avoir Jésus sous les lèvres et dans le cœur, je suis arrivée dans ma pauvre maison et aussitôt j’ai été triturée par les douleurs qui me consumaient le corps, effet peut-être de l’examen et du voyage... Dans les heures de plus grande angoisse, Jésus me disait :

Voici, ma fille, tes souffrances pour les prêtres. Souffre pour eux. La souffrance répare. Les ardeurs qui te brûlent, ce sont les ardeurs de leurs passions. Je me suis servi de l’examen médical pour te faire souffrir pour eux...[70]

« Le poids des humiliations pèse sur moi... »

Mes douleurs, augmentées à cause de l’examen, continuent. Mais peu importe. Je peux ainsi en donner davantage à Jésus et Lui, Il peut les distribuer aux âmes. Je veux consoler son divin Cœur tellement blessé. Je veux que ma souffrance soit comme l’encens très fin qui s’envole continuellement vers le ciel.

Le poids des humiliations pèse sur moi et, savoir que j’ai pu être la cause d’humiliations pour vous et pour mon Père spirituel, m’afflige beaucoup. Veuillez me le pardonner. Je ne voudrais pas vous faire souffrir...[71]

« Il trompe les gens... »

Hier je n’ai pas eu de forces pour décrire les sentiments de mon âme et tout ce que j’ai souffert... L’heure de la crucifixion est arrivée. Jésus ne m’a pas manqué, comme habituellement, afin d'atténuer ma douleur et me donner courage pour monter au Calvaire.

Viens, ma fille, monte au Calvaire avec douceur et amour. Ta souffrance a pour moi la douceur du miel ; ta souffrance me donne beaucoup de consolation et sauve beaucoup de pécheurs. Courage ! Appuie-toi à ton Directeur, à ton Jésus et à ta Petite-Maman.

Je suis alors partie au Jardin des Oliviers, remplie de paix et de courage. Cette jouissance a été de courte durée. Soudain, Jésus m’a appelée :

Ma fille, il y a à Lisbonne un prêtre qui est tout près de tomber en enfer. Il m’offense très gravement. Appelle ton Père spirituel, et demande-lui l’autorisation pour que je fasse souffrir, pendant la passion, d’une façon bien plus atroce, pour ce prêtre.

C’est ce que j’ai fait.

Comme mon Père spirituel m’y a autorisée, je suis de nouveau tombée au Jardin des Oliviers, afin d’y souffrir bien atrocement. Je sentais avec quelle gravité ce prêtre offensait Notre-Seigneur. Je sentais pareillement l’indignation de Notre-Seigneur contre lui. Jésus me disait :

L’enfer ! L’enfer !...

Et j’avais l’impression que ce prêtre allait vraiment y tomber. Alors, moi, je disais :

Non, non, mon Jésus ! Pas en enfer ! Il pèche, mais je serai sa victime; non pas uniquement lorsqu’il commet le péché, mais pendant tout le temps que vous voudrez.

Notre-Seigneur m’a dit alors :

Il trompe les gens. Tous pensent qu’il est bon, mais il m’offense beaucoup.

Et moi, je disais :

Il trompe les gens, mais vous, il ne vous trompe pas ; oubliez, mon Jésus; ayez compassion de lui.

Jésus m’a dit son nom : c’est le Père X...[72]

Pendant presque tout le temps qu’a duré la Passion, j’ai ressenti son péché. Et Jésus était toujours très en colère contre lui, et me disait :

En enfer ! En enfer !...

Pas en enfer, mon Jésus ; je souffre pour lui. Immolé mon corps, mais épargnez-le des peines éternelles.

Et pendant toute la Passion je sentais la blessure qu’il produisait dans Cœur de Jésus. Quelle blessure si douloureuse ! C’était comme des épées qui, continuellement, blessaient mon pauvre cœur.

Mon corps a été horriblement mal traité, mais le prêtre n’est pas tombé en enfer; bénies souffrances ![73]

« Ma Petite-Maman m’a embrassée... »

Lors des premiers moments de mon épuisement,[74] j’ai senti que Jésus et la Maman me caressaient. Elle s’est placée à ma gauche et prenant ma tête, l’a posée sur son très saint Cœur et d'une voix très tendre m’a dit :

Ma fille, aie courage : c'est pour mon amour, pour l’amour de mon Jésus...

La Petite-Maman m'a embrassée et m’a serrée très fort contre son Cœur, m’a fait voir la lumière qui pénétrait les âmes et son triomphe à Elle...

Les visites de la Maman du Ciel [75] se sont répétées: Elle me caressait, me prenait dans ses bras, me couvrait de sa douce tendresse.[76]

La Maman qui console...

Hier, jeudi, j'étais envahie par la douleur et par la peur, et aveuglée par les ténèbres... Je voguais dans les airs, perdue comme l'oiseau qui dans la tempête cherche une branche où se poser. Je n'ai pas trouvé où me reposer.

Je me suis lancée entre les bras de la Maman et je Lui ai dit que j'offrais ma douleur afin que la paix revienne dans le monde.[77]

J’ai senti quelques moments de soulagement.

Pauvre de moi, si à ces moments-là la Petite-Maman ne m'avait pas secourue! Je n'en pouvais déjà plus ![78]

Vers le couronnement d’épines...

Je suis alors partie vers le couronnement d'épines. Mes souffrances augmentèrent. Je suis restée pour quelque temps dans le refuge du Cœur de la chère Petite-Maman: j’ai reçu de ses lèvres célestes un tendre réconfort et beaucoup d'amour, comme s'il s'agissait de l'eau d'une source pure et cristalline.[79]

« J’aime tous ceux qui t’aiment... »

Je t'aime parce que tu m'aimes et aimes mon Fils Jésus. Je t'aime parce que je vois en toi la candeur du lys et de l'iris, et leur parfum t'embaume.

J'aime tous ceux qui t'aiment et qui te soutiennent. Ils recevront tout de moi et de Jésus.[80]

Visite d’un prêtre “journaliste”:Ses conséquences.

Le 27 août 1941 j’ai eu la visite de Monsieur le curé accompagné du Père Terças et d’un autre prêtre. Cette visite fut pour moi très agaçante, parce que j’ai dû faire le sacrifice de répondre devant tous à une série de questions du Père Terças. J’ai répondu consciencieusement à toutes les questions, car j’ai pensé qu’il était venu pour faire une étude, comme d’autres l’avaient fait. Cependant, le Seigneur seul sait combien cela m’a coûté de devoir parler de la “Passion” ; et c’est surtout sur celle-ci qu’il m’interrogea.

Monsieur le Curé m’a dit que le Révérend désirait revenir vendredi, 29 août. [81] Je ne voulais pas y consentir sans consulter mon directeur mais, m’ayant dit qu’il devait repartir à Lisbonne ce jour-là,[82] j’ai cédé à sa demande, lui disant :

Je pense que vous ne venez pas ici par curiosité, n’est-ce pas ?

Ayant été rassurée sur ce point, j’ai accepté, même si sa visite un vendredi me déplaisait assez.

Il est venu, mais accompagné de trois prêtres. J’étais bien loin de penser que cette visite me préparait un nouveau calvaire : peu après il publia tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait appris sur moi. [83]

Que le Seigneur accepte les souffrances qui m’ont été causées par cette publication qui mis sur la place publique mes secrets cachés pendant de longues années.

De temps à autre, les commentaires qui étaient faits sur moi, me venaient aux oreilles : c’étaient comme des épines que les gens involontairement m’enfonçaient dans l’âme. Ceux qui lisaient cette revue là ou écoutaient ce qui se disait sur moi, en recevaient des sensations diverses.

(...)

Je sais que très peu personnes me comprendront, mais à moi, une seule chose me suffit: Jésus comprend tout.

J’ai su qu'hier déjà on s’informait sur une certaine Alexandrina de Balasar et que des gens du village réclamaient la revue dans laquelle on parlait de moi. J’ai beaucoup pleuré. Tournée vers le Tabernacle de l’église j’ai dit à Jésus :

Vous avez permis que j’arrive à ce stade et Vous ne venez pas me chercher pour aller au ciel !

Tout d’un coup il m'est venu à l’esprit que je pouvais faire plaisir à Jésus et je me suis dite :

— Je ne pleure plus, parce que Jésus ne le veut pas. Je veux tout souffrir pour le salut des âmes et par amour pour Jésus et la Maman du ciel.

En effet, j’ai toujours le sourire, même si dans mon intérieur je pleure, parce que dans mon cœur seule la souffrance règne. La publication de ma vie est comme une épine qui ne cessera jamais de me blesser...[84]

1942

Sans Directeur

Recours à la Vierge...

Lors de ma préparation pour recevoir mon Jésus [dans l’Eucharistie], j’ai demandé à la Maman de me remplir d'amour et de me revêtir de sa grâce et de sa pureté, de rendre mon cœur pur comme quand j’ai reçu mon baptême, parce que Jésus comprends tout je voulais renaître en ce premier jour de la nouvelle année pour aimer mon Jésus et ne jamais l'offenser.[85]

Cheminer sans lumière...

Jésus est venu et a allumé dans mon cœur un peu de son divin feu ; il m’a donné quelques rayons de sa lumière :

Ma fille, l’heure de me donner la plus grande preuve d’amour et d’héroïsme est arrivée : cheminer sans lumière dans un complet abandon...[86]

« Mon âme semble se déchirer... »

Mon âme semble se déchirer en morceaux. Ce ne fut que le 7 janvier, jour où vous êtes venu me voir, Père, que ma souffrance, aussi bien physique que morale, a connu une pause. [87] Il est vrai que Jésus me prive actuellement de tout, mais Il m’a donné encore quelques heures de soulagement et quelques moments de douceur et de suavité pour l’âme. Je m’en souviens avec peine et il me semble mentir, car maintenant je n’ai pas de lumière...[88]

« Je veux vous donner des âmes... »

Vivre sans soutien me fait peur. J’ai tout perdu sur la terre et dans le ciel. Je veux savoir aveuglément que Jésus et la Maman du ciel ne m’ont pas abandonnée, mais je tombe dans le découragement, je reste abattue, plongée dans la détresse.

Mon Dieu, mon Jésus, je crois en Vous, je crois en votre divin Amour pour moi. Je Vous aime et je veux vous donner des âmes.

Hier le médecin est resté ici presque deux heures. Jésus s’est servi de lui pour adoucir ma douleur... J’ai encore sur la terre quelqu’un qui a de la compassion pour moi. Cette pensée a redonné vie à ma fidélité...[89]

Un journaliste de Lisbonne...

Hier, un journaliste de Lisbonne est venu ici ; je ne lui ai rien dit des choses de Jésus, mais le fait m’a fait souffrir. Presque tous les prêtes me cherchent: ils posent mil questions à Monsieur le Curé. Et tout cela à cause des écrits du Père Terças. Si seulement je pouvais partir d’ici! Je ne voudrais pas être connue; j’aimerais me cacher...[90]

Les feuilles du Père Terças...

Aujourd’hui Monsieur le Curé est venu me lire deux feuilles du Père Terças avec plusieurs demandes. Désirera-t-il continuer à parler de moi ? Je lui ai dit ne rien avoir révélé des choses du Seigneur et que je souffre du fait de lui avoir parlé. Ce n’est point la peur d’être prise en quelque mensonge: je pourrais être interrogée des milliers de fois que je dirais toujours la même chose, parce que la vérité n’a qu’un seul chemin. C’est la blessure que je ressens qui m’oblige à procéder de la sorte.

Vienne qui voudra: je ne parlerai cependant qu’avec l’autorisation de mon directeur...[91]

« Combien douloureuse est ma souffrance... »

Combien douloureuse est ma souffrance !... Mon Dieu, Si du moins cette croix n’était destinée qu’à moi seule! Mais, malheureusement, ce n’est pas le cas. Il est inutile que vous, mon Père, que vous me disiez que vous ne souffrez pas [92]: je n’ai pas besoin d’autres témoignages, les sentiments de mon âme me suffisent... Pour ma plus grande confusion je sens en être la cause de tant de souffrance; je le suis et le serai la vie entière.

Je serai aussi la cause de beaucoup d’humiliations et de souffrances pour le médecin. Quelle triste récompense pour tout ce que vous avez fait pour moi! C’est une chose bien involontaire ; je ne souhaiterais être ingrate envers qui que ce soit.

Quand je reçois Jésus je m’en rappelle aussitôt et je reste seule dans ma douleur. Il me semble que si j’entendais Jésus, je ne l’écouterais pas et Lui tournerais le dos, même si je ne l’ai jamais fait...[93] Combien grande est la peur de me tromper ! J’ai beaucoup pleuré et je suis triste de mon comportement. Je ne voudrais pas recevoir la croix avec des larmes, mais je n’ai plus la force.

Je pleure, mais dans le cœur, la volonté de Le suivre, de Le consoler, de tout souffrir par amour pour Lui et de Lui donner des âmes, est toujours présente. Priez pour moi...[94]

« Vous a-t-on interdit de venir ici ?... »

Vous a-t-on interdit de venir ici ? On ne cesse pas de vous faire souffrir ? On essaie de vous humilier et de vous déprimer davantage ? Jésus soit avec nous ! Que nous vienne en aide la Maman du ciel et qu’elle nous donne la force pour supporter autant de souffrance. Que tout ceci soit pour la plus grande gloire de Jésus et un avantage pour les âmes...[95]

« J’ai érigé un calvaire... »

Je sens que vous souffrez presque tout seul... Mon Dieu, j’ai érigé un calvaire pour mon Père spirituel qui a tant fait pour amener mon âme à Jésus.

J’en ai élevé un autre pour le docteur, qui se sacrifie tant pour mon corps. O Jésus, ô Maman du ciel, appelez-moi à vous afin que je ne sois davantage la cause de tant d’humiliations et de souffrances !... Je préférerais souffrir toute seule. Si seulement j’avais pu souffrir cette marée de souffrances et que personne n’en ait eu connaissance, excepté Jésus ! Je voudrais disparaître du monde, de sous le regard de tous et rester dans l’oubli...[96]

Craintes de rester sans la Communion...

Je suis dans un état de révolte et je me sens seule, complètement seule... Quelle horrible tempête !... Je suis au comble de mon agonie. Je crains de devenir infidèle à mon Jésus : je n’ai pas de force pour en supporter d’avantage... Quand viendra-t-il le ciel ? Pauvre de moi s’il tarde !...

Dimanche après-midi [8 février], vers le soir, un grand tourment envahit mon esprit: la crainte de rester sans mon Jésus [eucharistique], que Monsieur le curé, interdit par Monseigneur, l’archevêque, ne viendrait plus me porter ; que tous les prêtres seraient défendus de venir me voir, aussi bine que toute autre personne, sous peine d’excommunication. Mon Dieu, sans avoir un prêtre pour me confesser, que dois-je faire ? Faire en sorte de ne pas pécher, de ne pas causer, dans la moindre chose de la tristesse à mon Jésus et Lui demander bien pardon. Mon Dieu, mon Dieu, quelle confusion de devoir mourir ainsi, sans un prêtre !...

O mon Père, une nouvelle souffrance vient de survenir: on m’interdit de prendre conseil auprès de mon Père spirituel... À qui dois-je recourir ?...[97]

Les pressentiments se réalisent...

Les hommes essaient d’éloigner et d’arracher d’auprès de moi pour toujours celui qui m’aidait et pouvait me donner réconfort. Ils m’ont enlevé mon Père spirituel, m’interdisant enfin toute correspondance. Consentez-moi au moins, mon Jésus, de m’épancher avec Vous. Je me trouve seule au milieu de la tempête qui ne se calme pas. Je Vous ouvre mon cœur. Il n’y a que Vous qui puissiez lire tout ce qui s’y trouve écrit avec douleur et sang. Vous seul pouvez évaluer mon sacrifice. Le monde l’ignore; les hommes ne le comprennent pas.

Laissez-moi Vous dire ce que Vous avez dit à votre Père : “Pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font”. Ils sont aveugles, il leur manque votre divine lumière. Éclairez-les ; donnez votre amour à tous.

O Jésus, mes pressentiments ce sont réalisés !

Pourront-ils m’interdire de Vous recevoir sacramentellement ? Pauvre de moi ! Ils me tueraient si Vous, avec votre pouvoir divin ne me conserviez pas la vie. Qu’ils disent et qu’ils fassent ce qu’ils veulent. Ils ne réussiront jamais à me priver de l’union intime avec Vous.

Me voler Jésus eucharistique ! Cela ne m’étonnerait pas qu’ils le fassent. Mas arracher de mon cœur le Trésor si riche que j’adore et que j’aime plus que toutes choses, « le Père, le Fils et le Saint-Esprit », les hommes ne le pourront jamais. Pûssent-ils me faire vivre sans cœur et sans âme. Impossible !

Que vienne le monde entier avec toute sa force ; que tout s’oppose à moi : seul le péché pourrait me séparer de cette grandeur infinie, de cet amour sans fin.

Mais j’ai pleinement confiance en Vous, mon Jésus. J’attends tout de Vous, même si les sentiments de mon âme arrivent presque à me persuader que je me trompe moi-même.

(...)

Quel mal ai-je fait ? Quel crime ai-je commis ?... Mon Jésus, si ce n’était pas par amour pour Vous, si ce n’était le désir de Vous ramener des âmes, je me refuserais à tout...[98]

« Je brûle du désir du ciel... »

Je brûle du désir du ciel, mais je ne voudrais pas mourir de la sorte. J’aimerai la mort que Jésus me donnera, mais pas celle que me donnent les hommes! Je n’aimerais pas les laisser avec les remords de me l’avoir donnée... Je ne sais pas comment je peux vivre ainsi.

Pour le moment je vous ai, vous qui me soutenez dans un si pénible calvaire. Pourront-ils dire aussi que les choses du Seigneur me viennent à la suite des visites du médecin ? Je n’en doute pas. Mais dans ce cas, il serait mieux de m’enfermer dans un cachot où personne ne puisse me voir; ainsi je souffrirai toute seule et ne serai la cause des souffrances d’autrui.

Il ne manquerait plus qu’ils me prennent aussi mon médecin ! Grâces à mon bon Jésus, je ne suis pas attachée aux choses de la terre, mais je ressens le besoin que l’on m’aide à parcourir mon calvaire: toute seule je ne le peux pas...[99]

Le départ du Père Mariano Pinho...

Quelques heures après ma “Passion” mon médecin m’a dit que ces derniers jours l’état de mon cœur avait davantage empiré. Il m’inculqua courage et fidélité. Je me suis épanchée à lui parce que je sens que le Seigneur se sert de lui pour m’aider à poursuivre dans les chemins épineux et difficiles. Je me suis sentie bien plus forte.

Vers les six heures du, soir on m’apporta le courrier et immédiatement j’ai découvert votre lettre. Aussitôt que je l’ai eue en main, les bras me sont tombés et mon sang s’est glacé dans mes veines. Je n’avais pas la force de l’ouvrir. Je me suis dite à moi-même : “Quoi qu’il arrive, en avant ! Mon Jésus, j’accepte tout pour amour pour Vous et pour Vous donner des âmes”.

J’ai commencé à la lire, mais les larmes m’en empêchaient : c’étaient des larmes de parfaite résignation. On dirait que l’on me perçait le cœur avec une lance. Quelques jours se sont déjà écoulés et je me sens pourtant encore dans le même état. C’est comme si je n’avais plus de cœur et que la mort me guette. Dans mon fond intérieur, je disais : “Pardon pour tous ceux qui sont la cause de cette mort.

Il est vrai que Deolinda, plus d’une fois, goutte à goutte, m’avait administré le “poison” que la lettre contenait, mais maintenant c’est arrivé au comble : la dernière goutte de ce “fiel” si désagréable.

Mes larmes et ma prière à Jésus pour obtenir le pardon pour tous: voilà ma vengeance.

Dans cette triste lettre que je n’oublierai jamais, vous me dites que cela est conforme à ce que vous supérieurs ont décidé ; que vous devez obéir parce que le Seigneur le veut.

Je suis d’accord. Obéissance, sainte obéissance, combien je t’aime ! Vous ne voulez pas désobéir et moi-même, je veux que vous obéissiez. Plutôt toutes les souffrances que la moindre offense envers Jésus. Celui qui obéi fait sa sainte Volonté, mais malheureux ceux qui ne commandent pas selon ses divins désirs! C’est pourtant qui arrive maintenant. Les hommes s’opposent à la volonté de Jésus. C’est ce que ressent mon âme remplie de douleur. Mon cœur vole comme un oiseau qui ne sait pas ou se poser; je me trouve dans le supplice le plus douloureux.

Je me suis confessée au Père Alberto Gomes [100] dans lequel j’ai entière confiance et en qui je vois toute la sainteté. Je sens qu’il me comprend bien, mais ce n’est pas lui cette lumière que Jésus m’a choisie, et non plus la source qui peut me rassasier. C’est pour cela que je dis : “Malheureux ceux qui ne commandent pas selon la volonté de Jésus !”

Je continuerai de vous appeler mon Père spirituel sur la terre comme au ciel. Quoi que les hommes disent ou fassent, cela ne sert qu’à m’écraser de plus en plus et à m’ôter la vie...

Ne vous souvenez-vous pas qu’il y a quelque temps j’avais eu le pressentiment de ce qui arrive maintenant ? On vous interdit de venir ici ! De m’écrire ! Volonté divine de mon Dieu, je t’aime plus que tout...[101]

« Les lettres de mon Père spirituel... »

O mon Jésus, donnez-moi votre divine force ! Je veux cacher ma douleur. Toute seule je n’y réussis pas. Que mon cœur pleure nuit et jour, si vous le voulez, mais que mon regard soit joyeux et mes lèvres souriantes. Que votre saint amour et les âmes soient le motif de ma souffrance !

Je suis comme la colombe qui, dans son envol, secoue les ailes nuit et jour, et ne trouve pas où se poser si vous ne venez pas à son secours. Les forces lui manquent, elle est incapable de poursuivre son vol: c’est moi qui navigue dans les airs, c’est moi qui suis tout près d’être anéantie par la tempête ; je suis la plus indigne de vos petites filles, sans lumière et sans soutien.

O Jésus, je ne savais pas que j’avais encore tant à vous donner ! Combien grande est mon ignorance ! Je pensais vous avoir tout donné. Je me trompais : vous êtes venu faire la dernière moisson. Prenez tout, hâtez-vous de tout prendre : moissonnez pour vous. Le vingt, je vous ai donné mon Père spirituel jusqu’au jour on l’on voudra bien me le rendre ; je vous ai donné ses lettres qui m’ont servi de lumière et acheminée vers Vous.

Vous avez bien vu, ô Jésus, combien grand a été le sacrifice ! Non point pour l’attachement à celles-ci, mais parce qu’elles m’ont été demandées lors d’une journée remplie de tant de souffrances. Quand je les ai eues en main pour les ficeler ensemble, vous, ô mon Seigneur, vous avez entendu que je me répétais : “Jésus me les a données, Jésus me les reprend.”

Et même en les rendant, je n’ai fait que répéter : “Jésus ne mérite-t-il pas encore davantage ?... Tout cela est encore bien peu pour Lui sauver des âmes...” Ce qui me peinait c’était de devoir servir  d’instrument pour faire souffrir les autres !... [102]

Obscures ténèbres...

O Jésus... mon calvaire ne s’arrête pas. Les obscures ténèbres de la nuit, ne finiront-elles jamais ? [103] Je n’aperçois même pas le chemin ; je ne puis ni avancer ni reculer ! Je n’ai pas de guide ; je n’ai pas de vie. Le cœur et l’âme s’en vont en morceaux. Par l’amour de qui j’accepte tout cela ? Pour Vous, ô Jésus, uniquement pour Vous et pour les âmes. Servez-vous de ma tristesse et de mon agonie, servez-vous du sacrifice qui m’a amenée à l’extrême limite, pour donner la paix au monde et afin que Votre divin Cœur puisse avoir de moi toute la joie, consolation et amour possibles.

(...)

Si je ne vis pas pour sauver les âmes, si mes souffrances ne sont pas suffisantes pour leur éviter l’enfer, oh ! alors, mon Amour, prenez-moi avec Vous. Il n’est pas possible de vivre ainsi. Qu’il me reste au moins l’espérance que mon agonie console votre divin Cœur. [104]

Hâtez-vous, Jésus, de me secourir. Faites que je sois ferme dans mes propos. Placez sur mes lèvres un sourire “trompeur”,[105] sous lequel je puisse cacher toute la souffrance de mon âme. Il suffit que Vous seul connaissiez ma souffrance.

Examinez, ô Jésus, tout mon corps, tout mon cœur, toute mon âme: voyez si Vous y trouvez encore quelque chose qui puisse vous être utile ; je veux tout Vous donner.

La privation de mon directeur spirituel et tous les sacrifices qui sont venus par la suite m’ont portée à la plus grande souffrance. Et maintenant, mon Jésus, le fait de le savoir aussi proche [106] pendant que moi, comme un oiseau pendant les jours d’hiver, je reste là, affamée de ne pas pouvoir lui parler, de ne pas pouvoir recevoir de lui aliment et vie pour mon âme... il y a de quoi mourir de douleur !

Que seul votre amour règne: seul l’amour peut vaincre !

Je Vous ai promis, ô Jésus, de souffrir en silence, de ne pas me permettre un seul soupir afin que je puisse contenir toute la douleur de ma triste épreuve. Et pourtant, maintenant je n’en peux plus, mon Jésus : les humiliations, les mépris les abandons, m’écrasent...

Mon âme ne ressent que peur et détresse.

Mon triste cœur est angoissé de contenir le sang du monde entier afin de paver tous les sentiers du Calvaire avec ces paroles de sang : l’amour, l’amour de Jésus !

Malheureusement je n’ai rien et je n’arrive même pas, dans ma détresse, à Le consoler et à L’aimer. [107]

Les lettres rendues...

Mon Jésus, les lettres de mon directeur m’ont été restituées. Pourquoi tout cela ? Le sacrifice a été fait. Ce fut comme si on les plaçait sur un cadavre qui ne ressent plus rien. Mais l’obéissance le veut et, moi je l’accepte...[108]

« Jésus, m’entendez-vous ?... »

Jésus, m’entendez-vous ? On dirait que mes paroles sont suffoquées par le poids de la mort. Je veux vous dire une fois encore :

“Je suis vôtre dans le temps et je serai vôtre dans l’éternité. Je me donne seulement à vous, je ne veux appartenir qu’à vous”.

C’est avec l’âme en agonie et le cœur écrasé par la douleur que mes lèvres balbutient ces paroles: “uniquement par amour”.

De noires ténèbres m’entourent : je marche au milieu de buissons épineux. Je suis tout entière blessée: je sens le sang couler tout le long de mon pauvre corps.

Je me sens seule: on m’a volé le réconfort, le soulagement de l’âme, mon soutien sur la terre. Quelquefois je ne supporte même pas la nostalgie que j’ai de la Messe dans ma chambre...

Pardonnez, mon Jésus, à qui a été la cause de tout cela. Pour tous, je vous demande compassion ; je Vous demande lumière pour leur cécité.

Sur cette mer de souffrance, dans cette lutte contre de noires ténèbres, dans cette nuit très opaque, mon âme jouit de la plus grande paix ; je ne crains pas de comparaître en votre divine présence. Quelquefois il me vient à l’esprit si cela ne serait pas de l’orgueil. Que jamais je ne le connaisse. Serait-il né de mon ignorance ?

Vous m’avez accordé la grâce de connaître l’abîme de ma misère, mais en même temps je vois très bien je vois très clairement que l’abîme de votre amour et de votre miséricorde est infiniment plus grand. Je confie aveuglément en vous et j’espère en vous. [109]

Nouvelle forme de crucifixion

(Moments de la Passion)

Le vendredi saint, 27 mars 1942, Jésus m’a dit :

Ne crains pas, ma fille ; tu ne seras plus crucifiée ; la crucifixion que tu souffres est des plus douloureuses que l’histoire a pu enregistrer. [110]

Ne me dérobez pas vos forces, Jésus, afin que je puisse décrire de la meilleure manière possible ce que j’ai souffert pendant la sainte Passion. Que votre protection et votre amour ne me manquent pas non plus à cette pauvre créature que je suis. Que tout soit pour votre plus grande gloire et pour le salut des âmes.

Mes yeux semblaient ne pas voir l’approximation de la passion. Mon abattement m’épouvantait ; l’abandon dans lequel je me trouvais semblait me conduire à la sépulture. Quel tourment ! Devoir lutter contre un monde sans vie! Votre Vie et votre Amour sont descendus sur moi, j’ai entendu votre Voix, douce et tendre :

Ma fille, amour de Jésus, courage ! Ne crains pas. Le chemin du calvaire est presque terminé. Allons, viens, traverse les dernières épines : des blessures causées par ces épines sortiront des sources de salut. Les âmes ont besoin de tout.

Jésus est heureux de ta crucifixion ; Il trouve en toi toute la réparation que l’on peut trouver sur la terre. Courage ! Jésus, avec sa Mère bénie, nous ne t’abandonnerons jamais.

J’ai cheminé vers le Jardin des Oliviers. Dans un total abandon, je remémorais vos douces paroles, lesquelles, pendant un certain temps, sont restées gravées dans mon cœur. Ensuite, à cause des coups et des mauvais traitements de la part de l’humanité, tout a disparu. Et, dans le Jardin des Oliviers, toute seule, dans un profond silence, dans la plus grande obscurité, moribonde, je cherchais à me cacher pour toujours, comme, si la terre aurait pu m’occulter à la justice du Père éternel.

Mon Dieu, mon Dieu... combien je me sens seule !

Pas la moindre brise ne soufflait. Même les feuilles des oliviers restaient immobiles, bien que les branches se courbassent jusqu’à terre en signe d’adoration.

O douleur, ô agonie de Jésus, ô amour de Jésus pour les âmes !

Mes souffrances, ô Jésus, ne m’appartenaient point ! Elles n’étaient qu’à vous, rien qu’à vous, mon Jésus.

J’ai suivi les étapes de la Passion ; ici et là je tombais écrasée par la souffrance. Très souvent j’ai invoqué : “Jésus, Petite-Maman, donnez-moi de vos forces afin que les miennes se ressourcent”.

Merci, Jésus ! Avec vous j’ai résisté.

Lors de la flagellation, protégée par votre divin Cœur, j’ai vu devant moi les bourreaux tenant en main des fouets pour châtier mon corps. À l’ombre de votre divin amour, je ne les craignais pas.

Au couronnement d’épines j’ai vu entrelacer d’aiguës épines et fabriquer le casque, afin qu’il soit enfoncé sur ma tête.

Je me suis élancée sur le chemin du Calvaire, sans vitalité suffisante pour arriver jusqu’au bout. Je ne pouvais pas avancer davantage : les forces m’abandonnaient petit à petit.

J’ai été clouée sur la croix : à chaque coup de marteau je m’évanouissais.

Le Calvaire s’était obscurci. On n’entendait plus que les soupirs de la chère Maman, étouffés par les blasphèmes : je les ressentais plus que ces derniers dans mon cœur.[111]

Une nouvelle vie...

Depuis le Vendredi Saint [112] j’ai commencé à me sentir morte sur le Calvaire, entourée de ténèbres et dans un grand abandon.

Tous les lions sont tombés sur moi. [113]

Mon corps n’a pas reçu de sépulture. Des oiseaux de nuit, malgré les épaisses ténèbres, voyaient bien mon corps, pour le manger. Je suis restée ainsi dans cette souffrance. Maintenant je sens que ces oiseaux, de leur bec, pénètrent mes os, les réduisant en cendres. [114]

La croix où j’ai été crucifiée est tombée à terre, mais, malgré cela, je sens qu’une partie de mon corps y reste fixé par les clous. Ces oiseaux-là ont encore beaucoup à dépouiller dans mon corps, qui n’a pas la vie terrestre ; seul mon cœur sent une vie qui n’est pas humaine; c’est une vie divine. Cette vie lui procure du sang, et l’humanité entière, comme une volée d’oiseaux, boit cette vie. Je sens que ce n’est qu’après que ces oiseaux de nuit auront réduit mes os en cendres, que je pourrai partir.

Je ne sens plus sur la croix, mais la souffrance est la même ; il n’est pas moins douloureux. Les lions profitent maintenant davantage de ma chair, qui est déjà en putréfaction et nauséabonde ; pendant que les oiseaux s’attaquent à mes os et les taraudent. Vous ne pouvez pas comprendre combien je soufre et, moi-même, je ne sais pas m’expliquer. Ils ont laissé mon âme en pleine montagne, en butte au plus grand tourbillon, noire, très triste, aride : ils m’ont abandonnée. Tous les lions sont tombés sur moi! Combien est amère l’ingratitude des hommes!

(...)

Hier, 20 avril, quand j’ai reçu l’ordre de l’archevêque de me laisser transporter à Coimbra pour être examinée par le docteur Elísio de Moura, cette pensée m’a assaillie : Combien la souffrance est incomprise ! Je suis sûre que si l’on goûtait, pendant quelques moments, ce qui arrive dans mon corps, personne au monde n’aurait plus le courage de faire une telle proposition.

Le regard fixé dans le ciel, je peux dire : Que tout soit pour l’amour de Jésus ! Lui, il est digne de tout. Les âmes méritent tout, parce qu’elles sont le prix de son Sang.

L’agonie de mon âme continue de s’aggraver de plus en plus. Toutefois le ciel peut mettre fin à tout cela.

Que le Seigneur soit avec moi, car ce n’est qu’avec son aide que je peux vaincre.

Je demande à Jésus avec beaucoup de foi de mourir le 1er vendredi de mai, afin de passer le 1er samedi au ciel.[115]

« Quelle gloire pour le Portugal !... »

Jésus m’a dit le 2 mai (samedi) :

Bienheureux les humbles et les persécutés pour l’amour de Jésus. Ce sont ceux-là les élus du Seigneur et les aimés de son divin Cœur. La mission de la crucifiée de Jésus sur la terre est presque terminée. Jésus lui donnera la mort la plus touchante, la plus remplie d’amour. Quelle gloire pour le Portugal et pour le monde entier ! Quelle fête et quel triomphe au Paradis !

Mais l’agonie indicible de mon âme augmentait en sachant toutes les avanies que l’on disait sur moi. Il me semblait que cela continuerait après ma mort, causant ainsi de la peine à mes chers familiers. Mon désir serait que toutes ses vexations meurent avec moi.[116]

« Mon cœur est tellement blessé... »

Mon cœur est tellement blessé que l’on dirait qu’il n’a même plus la forme d’un cœur humain. Toutefois, il est une source abondante de sang. C’est la vie divine qui le fait ruisseler. Je sens que toute l’humanité y boit avidement, de peur que le sang cesse de couler.[117]

« Combien je suis triste... »

L’âme affligée, je répétais : Combien je suis triste et combien sont amères les derniers jours de ma vie ! De mon amertume tirez, o Jésus, douceur et joie pour vous et bénéfice pour les âmes...[118]

« Gloire à Jésus; gloire à Marie !... »

(...)

Jésus est venu en disant :

Gloire, gloire, gloire à Jésus ! Honneur et gloire à Marie ! Le cœur du Pape, cœur d’or, est décidé à consacrer le monde au Cœur de Marie ! Quel bonheur ! Quelle joie pour le monde d’être consacré, d’appartenir plus que jamais à la Mère de Jésus.[119] Le monde entier appartient déjà au Cœur de Jésus ; il va appartenir, désormais, tout entier au Cœur Immaculé de Marie.[120]

« Je me sens abandonnée de tous... »

Mon cher Jésus, ma chère Petite-Maman, je suis privée de mon Père spirituel, justement en ces jours où j’en ai le plus besoin ! Je me sens abandonnée de tous, excepté si, miraculeusement, même si peu souvent, vous me donnez ce qui peut me réconforter.[121] Pardonnez à ceux qui m’ont blessée ; pardonnez toute leur cécité; car moi-même je leur pardonne.

Dans mon cœur il n’y a plus de place pour d’autres épées ; j’en ai souffert dans tous les sens ; j’ai même reçu des chagrins de qui je m’y attendais le moins.

O mon Jésus, accordez à tous votre pardon, votre amour, votre compassion. Purifiez, sanctifiez, brûlez dans votre divin amour et appelez vite auprès de Vous votre petite fille agonisante...[122]

« Le Ciel est rempli de gloire !... »

Le Ciel, le Ciel est comblé de gloire ! Le Ciel est comblé de triomphe !...

Une couronne merveilleuse, plus resplendissante que le soleil et que les étoiles, est préparée pour la petite folle de Jésus. Jésus est le tout de sa crucifiée. Jésus lui donne tout, afin de tout recevoir d’elle !...[123]

« Le ciel est tout proche... »

(...)

Depuis le 24 mai — jour de Pentecôte — et journée pendant laquelle j’ai demandé à l’Esprit-Saint toute la lumière et toute la flamme de son divin amour, amour sanctifiant — l’état de mon âme s’est modifié...

Le 25 mai [ceux qui fréquentaient la maison] se sont aperçus qu’il y avait en moi quelque chose de changée, mais ce changement n’était que la transformation de mon âme. Je ne ressentais que rarement, les grandes désolations, les ténèbres, les sécheresses et les épuisements, mais par contre, je ressentais de grandes envies de m’envoler vers le ciel ; ces désirs me donnaient des impulsions qui me faisaient lever comme si j’avais des ailes pour prendre mon envol.

Je ne peux pas rassasier mes aspirations et la nostalgie que j’ai des aliments de la terre ; je soupire et je brûle du désir d’aller me rassasier des aliments célestes...

Le fil divin qui retient mon cœur dans sa demeure va bientôt se rompre : je crois que sa solidité a été limitée. Ce qui lui a permis de ne pas se rompre c’est que la tempête ne lui a causé que de petits dégâts, de temps en temps.

Si, maintenant je peux dire :

Le ciel est tout proche, je vais aller voir mon Jésus ! Je vais aller voir ma chère Petite-Maman ! Je vais aller voir le Paradis ! Je vais aimer éternellement mes amours: le Père, le Fils, le Saint-Esprit.

Je quitte le monde sans regrets: je ne lui appartiens pas.

Le 25 mai j’ai prié ainsi :

Ave Maria, Mère de Jésus ! Honneur, gloire, triomphe pour votre Cœur immaculé ! Ave Maria, Mère de Jésus, Mère de tout l’univers ! Qui ne voudrait pas appartenir à la Mère de Jésus, à la Dame de la victoire ? Le monde va bientôt être consacré tout entier à votre Cœur maternel ! Accueillez, Vierge pure, accueillez, Vierge Mère, dans votre Cœur très saint tous vos enfants.[124]

Il me semble que la détermination du Saint-Père à vouloir consacrer le monde fut ce qui m’oblige à rester encore sur la terre; triste exil que je ne peux plus supporter...[125]

« Un corps pour souffrir.... »

Ma vie !... Qu’un tout petit souffle de vie ! Tout juste un corps pour souffrir et rien d’autre !... Des rayons divins m’ont entraînée tout près des portes du Paradis... Mais, un je ne sais quoi d’humain m’oblige à vivre sur terre, m’oblige à une continuelle immolation. Pauvre de moi ! Et je ne peux plus attendre ! Je m’inquiète et je regarde mon corps, pour voir s’il existe encore; ce qui se passe en lui, Dieu seul le sait. On dirait même que je ne peux pas m’unir à Jésus ni à l’amour qui me tuera. Voila ce que c’est que la vie de victime ! Malgré cela, je n’ai pas de regrets de m’être offerte à Jésus, pour les âmes ![126]

« Je creuse ma sépulture... »

Je creuse ma sépulture. Le terrain où je la creuse n’est pas sûr ; il est même répugnant ; il est rempli de pourriture : c’est le terrain, c’est la sépulture mondiale. Quelle horreur !

Je sens comme, si à l’intérieur de moi, il y avait quelqu’un en larmes, poussant de grands soupirs, dans une tristesse sans égale. En observant toute cette putréfaction je sens toujours mon corps blessé, la tête couronnée d’épines, les plaies ouvertes et, celle de mon cœur toujours renouvelée par la lance.[127]

« Seul le ciel sera ma vie... »[128]

Sur la terre je n’ai pas de vie ni rien qui me satisfasse: seul le ciel ! Seul le Ciel ! Seul le ciel sera ma vie; ce n’est qu’au ciel que mes désirs seront comblés.[129]

« Je me vois au bord d’un abîme... »

Je peux presque déjà entrer au ciel au prix de tant de douleur. La tempête semble s’apaiser. Mais quelle grosse averse ! Quelle fureur, quelle fureur qui a tant blessé mon pauvre cœur ! Mon Jésus, puis-je entrer ! Je ne sais pas quel est l’état de mon âme ! C’est comme si je me trouvais entre le Purgatoire et le Ciel : la plus part du temps, je ne ressens pas une très grande douleur, mais non plus une grande jouissance. Toutefois, par moments — pauvre de moi, ô Jésus ! — je me vois au bord d’un abîme, sans rien à quoi je puisse me soutenir. Vais-je y tomber ? Venez, mon Jésus, venez me libérer d’une pareille horreur; soutenez-moi, écartez-moi de lui ![130]

« Mon état est grave... »

(...)

Mon état est grave; mes souffrances sont très douloureuses. Mais à l’intérieur de moi est né un désir irrésistible de dicter quelques paroles pour vous, mon Père. Les forces qui vous parlent ne sont pas les miennes : je n’en ai plus, car je suis exsangue. Mais c’est le cri de ma volonté ; c’est un léger souffle de vie qui vous parle. Mon corps ne sert à rien d’autre que pour souffrir; je n’éprouve rien d’autre. Je ne suis plus qu’une petite bulle d’écume qu’un rien fait disparaître.

Les sentiments de mon âme sont étranges. Je me trouve comme dans un endroit où l’on ne ressent ni joie ni peine. Je sens comme si les hommes m’avaient attachée à la terre, m’obligeant à suspendre mon voyage. Je vis arrêtée, voisine du ciel, mais sans pouvoir entrer. De temps à autre il me venait une très grande nostalgie de ma patrie céleste, capable de m’enlever mil vies; cette nostalgie est presque insupportable ; j’ai envie de pleurer, de beaucoup pleurer. Il me semble que la mission que Jésus m’a confiée soit accomplie. Je reste là, mais je ne fais rien. Je suis, toutefois convaincue que Jésus rompra ces liens qui empêchent mon envol vers le ciel...

Je continue le jeûne et je ne peux même pas rassasier avec goût la soif brûlante qui me consume. Je peux boire quelques gouttes qui ne me soulagent que très peu.[131] Je ne sais pas expliquer la nostalgie que j’ai des aliments. Je ressens le désir de tout porter à ma bouche ; j’aimerais me nourrir des aliments qui me plaisent, mais je ne le peux point.

Grâce à Dieu, mon intelligence est très vive. J’offre à Jésus, par amour pour Lui, mon martyre et aussi pour obtenir la lumière pour ceux qui sont privés sur la terre, de lumière et de confort...[132]

« Triomphe ! Triomphe !... »

— Triomphe ! Triomphe ! Gloire, gloire à Jésus et Marie ! Paix pour l’humanité ! Jésus se réjouit, Jésus est heureux. La Reine du ciel, la Reine du monde triomphe en lui ![133]

La Mère de Jésus et les victimes apportent la paix dans le monde. C’est la Mère de Jésus, avec la petite folle de l’Eucharistie !

Pénitence ; faites pénitence et remerciez le Ciel ! Pénitence pour réparer, remerciements en reconnaissance des moyens utilisés par Jésus pour sauver ses enfants.

(...)

[La paix] ne tardera pas, oui, elle ne tardera pas, ma bien-aimée ! Mais, malheur au monde, s’il ne se convertit pas ! Pauvre de lui, s’il n’abandonne pas ses crimes qui ont tant déchiré le divin Cœur de Jésus ![134]

L’annonce de la Consécration...

(...)

Quand, par télégramme, j’ai eu la nouvelle de la consécration du monde à la chère Maman du ciel,[135] Jésus m’accorda de cours instants de consolation. Au comble de ma joie, je ne savais comment remercier Jésus et Marie. Les mains levées vers le ciel, je me suis exclamée :

Béni soit Jésus ! Bénie soit la Petite-Maman !

J’avais envie, à ce moment-là d’introduire moi-même le Saint-Père dans les Cœurs de Jésus et Marie: quelle joie !

D’une façon imprévue, j’ai ressenti une très grande humiliation : je me suis sentie méprisée ; et le léger souffle de vie qui me restait commença d’être un néant qui peu à peu s’enfonçait dans la terre, jusqu’à disparaître. Toutefois, même dans cet état j’ai continué de remercier. J’ai récité le “Magnificat” et j’ai fait allumer une lampe en l’honneur de la Maman du ciel.

Mon Père, mon jeûne continue ; je n’ai pas faim, mais je ressens une très grande envie de tout porter à la bouche. Si vous saviez combien m’est coûteuse cette souffrance! Je l’offre à Jésus pour les âmes !...[136]

En voyant la Vierge de Fatima...

Mon cœur semblait ne plus tenir dans ma poitrine, à cause de la violence de ses battements.

Je me sentais attirée par Elle:[137] j’ai eu l’impression de sortir de moi-même et d’être transportée dans une autre région : je ne vivais déjà plus sur la terre.

Je ne sais pas combien de temps j’y suis restée.[138]

1943

La grande épreuve

« Mon cœur bat de moins en moins... »

Ma fin n’est pas encore pour tout de suite: c’est là un sacrifice supplémentaire. Que cela soit pour la gloire de Jésus et le salut des âmes.

Dois-je encore attendre longtemps avant que les hommes ne se soumettent à la volonté de Dieu ? Je suis impatiente et je dis à Jésus :

Mon cœur bat de moins en moins. Je ne peux plus attendre. Je n’ai commis aucun délit, pour qu’il me soit appliqué un aussi grave châtiment.

Pauvre de moi, si je devais être jugée par les gens ! En vérité ils ont raison de mal me juger : sans le Seigneur je serais capable de faire ce qu’ils disent et encore pire.

D’après les paroles de Jésus, auxquelles je crois aveuglément, il me semble que ma vraie vie soit proche: le ciel, oh le ciel! Je vais être heureuse au ciel!

Le 13 décembre, de bon matin — ce ne fut pas un rêve, non plus une illusion — j’ai vu la Notre-Dame de Fatima élevée —  je ne sais pas sur quoi elle posait — à une grande hauteur. Autours d’Elle, en bas, une grande foule Qu’elle regardait avec tendresse. Je me suis trouvée hors de moi-même: il me semblait avoir été transportée dans une autre région.

(...)

Mon âme souffre beaucoup après la consécration du monde à la Maman chérie...

(...)

Ma fièvre continue... mes sueurs ne s’expliquent pas ; je ne sais pas comment je peux vivre ; cela seulement devrait arriver à donner lumière...[139]

« Rendez-moi mon Père spirituel... »

Révérend Père Provincial,

Cette nuit, vers deux heures et demie, j’ai demandé à ma sœur de bouger mon corps couver de sueur. La vie semblait me quitter, les forces me manquaient. Mon âme, toujours désireuse de s’envoler vers Dieu, était dans une douloureuse agonie. J’avais besoin de soutien: elle voulait de la lumière, cette lumière que peu de prêtres savent donner aux âmes. Toute seule avec Jésus, intérieurement, je Lui disais :

— Donnez-moi le Père spirituel, donnez-le-moi de nouveau, bien que vous l’ayez éloigné de moi, grâce à cette union qui n’est pas toute à fait, ou presque, comprise. Mais maintenant, mon Jésus, celle-ci ne suffit pas, je ne peux pas vivre ainsi.

La paix m’a envahie et l’idée de vous écrire m’est venue, pour vous demander, par l’amour de Jésus et des douleurs de Marie, de permettre au Père Mariano Pinho de venir et de reprendre la direction de mon âme, pendant le peu de jours qui me restent à vivre.

Très souvent j’ai eu l’idée de m’adresser à vous, mais aussitôt mon idée était étouffée par la crainte et par quelque chose d’autre qui ne me permettait de l’écrire. Mais, cette fois-ci elle a été durable et menée à bien.

Ce n’est pas moi qui l’ai choisi [comme directeur spirituel]. Il y a dix ans, j’étais seule, sans guide, et très éprouvée entre quatre murs depuis huit ans. Le Seigneur a eu pitié de moi, il me l’a choisi et me l’envoya. Ce fut alors, qu’en suivant ses saints conseils, que j’ai connu alors davantage le Seigneur. Depuis treize mois déjà il est interdit de venir ici. Jésus seul sait combien cela m’a coûté, aussi j’ai tout souffert par amour pour Lui. Maintenant, toutefois, j’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne ; je ne peux plus vivre dans un martyr pareil. Si vous pouviez voir, rien que quelques instants ce que je souffre dans mon corps et dans mon âme, et combien j’ai souffert pendant cette période, je suis sûre que vous auriez pitié de moi. Ma fièvre est montée à 40° et plus ; des douleurs horribles agitent et font trembler mon corps, comme une tempête qui voudrait tout détruire.

Je me suis vengée et, ma vengeance continuera au ciel, à l’égard de ceux qui ont été la cause de ma souffrance. Savez-vous quelle sera ma vengeance ? Je prierai et je demanderai, pour eux, le pardon. J’implorerai pour eux la lumière afin qu’ils vivent de la vie intérieure de Jésus et ne soient plus des obstacles pour d’autres âmes éprises de Dieu et ayant besoin des lumières et du soutien de saints directeurs.

Êtes-vous fâché contre moi ? Ne le soyez pas! Je sais que je suis méchante, et la créature la plus misérable, la fille la plus indigne de Jésus, mais pour cette raison même digne de compassion. Moi, sans la grâce de Dieu, je me crois capable de faire et d’être tout ce de quoi on m’accuse auprès de vous; toutefois, avec la grâce et toute la force du Seigneur, mon innocence sera reconnue.

Permettez-moi, Révérend Père Provincial, de vous demander, une fois encore, pour l’amour de ce qui vous est le plus cher au ciel et sur la terre: permettez à mon Père spirituel de venir m’assister pendant mes derniers jours; qu’il apporte les dernières lumières, les derniers conseils à cette pauvre qui espère aller bientôt au ciel.

Je fais confiance à Jésus et à la Maman du ciel pour que je ne sois plus un motif de honte pour votre Ordre.

Adieu, Révérend Père. Veuillez me pardonner. Je n’ai rien fait dans l’idée de vous offenser. Je ne veux offenser personne et encore moins les disciples de Jésus. Ayez l'obligeance de me pardonner. A nous revoir au ciel.[140]

Préparation pour l’exil de 40 jours...

(...)

Après la Communion Jésus m’a parlé ainsi :

Te voici à l’ombre de l’Eucharistie ; c’est l’aliment qui fait germer les vierges les plus pures, les plus chères, les plus aimées de mon divin Cœur. Combien tu me dois, ma fille, et combien me doit l’humanité entière pour l’institution de cet Aliment sacré !

Comme Je me sens bien à l’ombre de ton cœur ! Ici Je trouve toute la richesse, toute la pureté, tout l’amour. J’y trouve tout ce que J’attends d’une âme qui n’appartient qu’à Moi. Je Me donne à toi par amour...[141]

« Jésus s’est épris d’Alexandrina !... »

(...)

Le premier mai, Jésus m’a encore parlé et Il m’a dit :

Ma fille, combien belle est une âme en état de grâce ! Oh! la beauté et les charmes d’une épouse de Jésus ! Jésus s’est épris d’Alexandrina ; Il l’a préparée pour en faire son tabernacle sur la terre. Réjouis-toi, ma petite fiancée, réjouis-toi avec ton Jésus. Que le monde dise et fasse ce qu’il veut : Jésus est à toi, tout à toi; tu es à Lui, toute à Lui.

L’aveuglement de mes disciples et de ceux qui se disent mes amis me font davantage de peine que les délits des pécheurs. Jésus immole ses victimes pour les sauver. Et ceux qui devraient toujours posséder la lumière divine n’en veulent pas, ne la cherchent pas et essaient de détruire les causes les plus sublimes et les plus chères à Jésus, ce Qu’il a préparé de plus riche dans le monde, de plus grande gloire pour Lui et encore davantage pour les âmes.

Courage, petite fille ! Celui qui est avec Jésus ne craint rien. Celui qui Le possède a toute la force. Courage, mon aimée ! Ce sont les derniers combats... Après ce sera le Ciel.[142]

« Jésus m’appelle... »

Si d’un côté les épines me blessent et la montagne escarpée de mon Calvaire me mène à un plus grand désarroi, me laissant par terre dans la nuit la plus obscure et les plus grandes et poignantes souffrances; d’un autre côté j’ai la voix douce et suave de Jésus qui me dit :

Courage, ma fille, c’est pour moi que tu souffres ! Aie courage ! Je suis Jésus !

Cette voix m’oblige à me lever et à cheminer avec lassitude. Jésus m’appelle, il veut ses âmes. Et par où je chemine! Pauvre de moi ; quelle aveugle je suis ! Je ne vois rien ! Après m’être levée, je n’ai pas de lumière sur mon chemin; je n’entends pas la voix divine qui m’appelle. Mon Dieu, si vous me manquez, je n’ai plus personne. Ayez compassion de moi !... Combien ont de la haine envers moi; combien me méprisent; combien me calomnient! Quand je m’interroge, me disant : — “Quel mal leur ai-je fait ?” — aussitôt la pensée me vient : — “Quel mal nous a fait Jésus, sinon de nous aimer et de mourir pour nous ?”  Et aussitôt je me sens obligée de leur pardonner et de répéter bien souvent : “Pardonnez leur, mon Jésus, faites qu’ils se convertissent et ouvrent leurs cœurs à votre divin Amour. Mais vous seul, mon Amour, connaissez mon amertume !...”

Je me sens seule. Un incendie s’est allumé en moi, un incendie qui a tout enflammé et tout détruit.[143] J’ai tout perdu. Et vous même, mon Jésus, vous n’êtes plus descendu dans ma chambre par le saint sacrifice de la Messe... Quelle nostalgie, quelle douleur ; on m’a tout volé ! Ayez compassion, Jésus, de ce faible souffle de vie, qui n’est même plus comme l’agonisant qui par moments peut encore respirer. Regardez, Jésus, je suis encore plus à plaindre que cet agonisant. Ma respiration est de plus en plus lente ; on dirait que je ne respire que par intermittences de plusieurs jours, ce qui fait que ma vie s’essouffle doucement. Je suis comme une lumière qui s’éteint, pour ne plus jamais s’allumer. Mes yeux semblent avoir perdu la lumière de la terre ; je ne peux plus vivre la vie humaine. Mais, malgré cela, j’ai confiance en vous.

Laissez que ma confiance puisse aller aussi loin qu’il lui soit permis ; laissez qu’elle augmente autant que possible. J’ai choisi de vivre entre vos très saints bras et dans votre très saint Cœur, que j’ai choisi pour demeure. Comme il est doux de vivre et de mourir avec vous, mon Jésus ! Que m’arrivera-t-il encore ? Arrive ce qui doit arriver. Enchaînée par les liens de votre amour, que puis-je craindre ? La tempête ne s’arrête pas. J’entends le sifflement des vents furieux et destructeurs. J’entends le roulement du tonnerre qui fait tout trembler. Laissez-moi, ô Jésus ! Ou plutôt, permettez que je fixe, d’une fois pour toutes, mon regard sur votre divin regard, afin de ne plus m’éloigner de vous, afin d’accepter le martyr que vous voudrez que je souffre; afin de ne plus vouloir que ce que vous voulez vous-même. Je veux vivre de vous et pour vous, ne rien craindre ; être forte avec vous ; ne craindre que le péché, en ayant devant les yeux toute l’étendue de ma misère. Que suis-je sans Jésus ?[144]

Obéissance à l’Archevêque

Pour satisfaire aux désirs de Monseigneur l’Archevêque, [145] je me suis soumise à un autre examen médical qui a eu lieu le 27 mai 1943. Quand celui-ci m’a été annoncé,[146] une nouvelle souffrance s’empara de mon esprit. Mais voyant en tout cela la très sainte Volonté de Dieu, comme toujours, par obéissance, bien qu'un nouvel examen médical fût pour moi bien pénible, j’y ai consenti. Lors que j’ai appris la date de celui-ci, j’ai ardemment prié la très Sainte Vierge de me donner la sérénité nécessaire pour tout supporter avec courage et résignation, pour Jésus et pour les âmes.

Le jour fixé, mon médecin traitant, le docteur Henrique Gomes de Araujo, et le professeur Carlos Lima, [147] sont venus chez nous. Je suis restée calme et sereine ; le Seigneur m'avait exaucée. L'un des médecins m'a demandé, tout à coup, si je souffrais beaucoup, pour qui j'offrais mes souffrances et si je souffrais volontairement. Il m'a demandé si je serais contente si le Seigneur, d'un moment à l'autre, me libérait de mes douleurs. Je lui ai répondu qu'en vérité je souffrais beaucoup, que j'endurais celles-ci pour l'amour de Dieu et pour la conversion des pécheurs. Ils m'ont demandé quel était mon désir le plus grand. J'ai répondu : — Le Ciel.

Alors l’un d’eux m’a demandé si je désirais être sainte, comme sainte Thérèse, comme sainte Claire, et bien d’autres, et être mise sur les autels, en laissant comme elles une grande renommée dans le monde. J'ai répondu :

Célébrité ?... C'est ce qui m'intéresse le moins !

Pour éprouver ma foi en Dieu, il m'a posé encore cette question :

Si pour sauver les pécheurs il était nécessaire de perdre ton âme, que ferais-tu ?

J’ai pleinement confiance que la mienne serait sauvée, en sauvant celles des autres ; mais si je devais la perdre, je dirais non au Seigneur ; Il ne me demanderait jamais une pareille chose. Je peux toutefois dire que j’ai offert au Seigneur mes yeux, qui sont ce que j’ai de plus cher dans mon corps, si cela était nécessaire pour la conversion d’Hitler, de Staline et de tous les autres fauteurs de guerre.

Et pourquoi ne manges-tu pas ?

Je ne mange pas parce que je ne le peux pas; je me sens rassasiée, je n’en éprouve pas le besoin, par contre j’ai la nostalgie des aliments.

Après cela les médecins ont commencé l’examen que j’ai accepté dans une bonne disposition. Ce fut un examen rigoureux, mais en même temps je dois dire qu’ils ont usé de délicatesse envers mon pauvre corps. A la fin, étant donné que je n’étais pas en état de supporter un voyage, ils ont décidé de faire venir chez nous deux religieuses infirmières afin que celles-ci s’assurent de la véracité de mon jeûne.

Quand les médecins sont partis, le Seigneur m’a fait comprendre que leurs décisions ne se réaliseraient pas, et je suis restée alors dans l’attente de leurs nouvelles et de leurs instructions.

Le 4 juin le docteur Azevedo et le Père Alberto, mon confesseur, sont venus m’annoncer la décision des médecins, et me convaincre, moi et ma famille, de l’opportunité d’aller au “Refuge de la Paralysie Enfantine” de Foz.[148] Je devais être placée dans une chambre sous surveillance, pendant un mois, pour un contrôle plus direct de tout ce qui se passait en moi. Moi, sur le coup, j’ai dit non, mais aussitôt je me suis avisée, pensant à l’obéissance que je devais à l’Archevêque, et pour ne pas mettre dans une situation délicate mon directeur, le docteur Azevedo et tous ceux qui s’intéressent à moi. J’ai donc accepté la proposition, mais j’ai posé quelques conditions :

1 — pouvoir communier tous les jours ;

2 — d’être toujours accompagnée de ma sœur ;

3 — de ne plus être soumise à aucun autre examen, car je partais pour des observations et non point pour des examens.

Pendant les jours où je suis encore restée à la maison, j’ai demandé à Jésus et à la Maman du Ciel de me donner force et courage ainsi que force et courage pour les miens, qui étaient désolés. Combien de fois, pendant la nuit, le cœur oppressé et les larmes aux yeux, j’ai supplié Jésus de m’aider car j’avais l’impression que toutes mes forces m’abandonnaient et que je me voyais sans courage pour moi-même, et encore moins pour en insuffler aux autres !

« Jésus est venu me réconforter »

Le 27 mai jésus m’avait dit :

— Ma fille, ne craint pas. Tu n’as aucune raison de craindre. Tu as en toi la Force qui est du Ciel et de la terre. La Chair et le Sang de Jésus sont ton aliment. Imprime sur ton cœur Ma divine Image, et dans les moments d’affliction regarde et contemple le crucifix. Le courage viendra. Un raz-de-marée de délits s’abat sur le monde : aie compassion de Ma douleur, répare pour les pécheurs. Aie courage ! Ma divine Volonté s’accomplira.

Le 5 juin Jésus me dit encore :

— L’âme fidèle ne craint pas la croix ; elle la prend, l’embrasse, la caresse, la porte par amour. Les épines avec lesquelles Jésus pare ses victimes sur la terre, se transforment, au Ciel, en pétales des plus belles roses.

(...)

Dis à ta sœur qu’elle t’accompagne dans tes douleurs, dis à tous ceux qui t’aident de t’accompagner dans ton douloureux calvaire, car les premières grâces et les premières bénédictions seront pour eux.[149]

« Courage, ma fille, c’est pour ma cause... »

La veille [9 juin],[150] après avoir offert au Seigneur le sacrifice de mon départ, sans aucune lumière, du plus profond de mon cœur, j’ai dit :

O mon Jésus, je ne veux faire que votre très sainte volonté !

Tour d’un coup, par son infinie bonté, je L’ai entendu :

— Courage, ma fille... C’est pour ma cause, c’est pour les brebis que mon divin Cœur aime tendrement.

À l’hôpital de Foz

Le 10 juin arriva et, tout était prêt pour le voyage vers l’hôpital de Foz do Douro. Un immense chagrin s’empara de moi, mais en même temps un grand courage m’est venu qui me permis de cacher tout ce qui se passait dans mon âme. Je déposais toute ma confiance en Jésus, et j’étais si certaine de son aide divine, que je pensais que s’il en était besoin, Il m’enverrait ses anges pour m’aider dans l’exil où me voulaient les hommes.

Quand le médecin — Dr Azevedo — est arrivé pour me prendre, il n’a pas eu le courage de me dire qu’il nous fallait partir ; c’est moi qui suis intervenue, lui disant :

Allons, docteur, pour revenir il nous faut partir !

Nous avons pris congé. Jésus seul sait ce que m’a coûté la séparation des miens qui, remplis de douleur, m’entouraient et m’embrassaient. Moi je ne faisais que fixer le Cœur de Jésus et de la Petite-Maman pour leur demander de la force.

En descendant les escaliers sur un brancard, j’ai dit aux miens, pour les encourager :

Courage ! Que tout ceci soit pour Jésus et pour les âmes !

Mais je n’ai rien pu dire d’autre, tellement mon cœur était oppressé, et aussi pour retenir mes larmes. Il le fallait pour ne pas augmenter davantage leur chagrin.

À peine déposée dans l’ambulance, j’ai été entourée par une centaine de personnes, qui avaient les larmes aux yeux. J’ai entendu aussi les sanglots de ma mère et des autres parents. La douleur qu’alors j’ai éprouvée est indicible. J’avais hâte de partir, et partir vite ; mon cœur battait si violemment que j’avais l’impression qu’il me cassait les côtes. J’ai dit alors à Jésus :

Acceptez toutes les pulsations de mon cœur comme autant d’actes d’amour pour le salut des âmes.

Le voyage fut difficile. Je pensais que mon cœur n’y résisterait pas. De temps en temps je regardais ma sœur ; elle était si abattue ! Le médecin disait qu’il n’était pas difficile de voyager avec des malades comme moi parce qu’il me voyait toujours souriante. Mais Jésus seul sait combien grande était l’amertume de mon cœur et les tourments de mon pauvre corps. À cause des secousses de l’ambulance je me sentais déprimée, mais je répétais inlassablement :

Tout pour votre amour, Jésus ! Que l’obscurité de mon âme puisse éclairer d’autres âmes !

Près des dernières maisons de Balasar, Monsieur Sampaio releva les rideaux de l’ambulance. J’ai remarqué que le médecin avait les larmes aux yeux. Je lui ai dit :

Nous voilà bien !

Et je lui ai demandé ce qui se passait. Il m’expliqua alors que sur le bord de la route quelques enfants nous avaient jeté des fleurs. Je me suis sentie toute attendrie et c’est avec peine que j’ai pu retenir mes larmes.

Quand nous sommes arrivés à Matosinhos,[151] le médecin décrocha les rideaux afin que je puisse regarder la mer. Un énorme silence m’envahit et, en observant le continuel va-et-vient des vagues venant mourir sur la plage, j’ai demandé à Jésus que mon amour, lui aussi, soit continuel et permanent.

Arrivés près du “Refuge”, le docteur Gomes de Araujo s’opposa à ce que l’ambulance s’avance jusqu’à la porte. Il chargea quelques hommes de prendre mon brancard et de m’emmener ainsi, après m’avoir recouvert le visage afin que personne ne me reconnaisse. Mon cœur s’est attristé davantage, me représentant ce que ce serait de passer de longs dans un tel établissement. Ainsi recouverte il me semblait être dans un cachot et je me demandais à moi-même :

Quel crime ai-je commis ?

La montée des escaliers du “Refuge” m’a causé bien des peines car l’on me portait la tête en bas.

Ce ne fut qu’une fois dans ma chambre que mon visage fut découvert. Là j’ai été entourée par le docteur Araujo et par quelques dames qui devaient m’assister. Ensuite on m’a placée dans mon lit.

À ma sœur ils avaient attribué une autre chambre, contrairement à ce qui avait été convenu. Ce fut l’un des plus grands sacrifices que l’on pouvait exiger de moi : comment pouvais-je rester sans elle ; Elle qui savait comment me bouger quand c’était nécessaire et m’aider avec de bonnes paroles qui m’étaient d’un grand secours pour supporter mon douloureux calvaire.

À peine m’avait-on allongée sur le lit que Deolinda s’est présentée sur le seuil de la porte avec la valise contenant le linge. Le docteur Araujo, la voyant, hurla comme un forcené :

Hors d’ici cette valise !

Ce fut là une autre épine parmi tant d’autres. Ensuite il commença à donner ses ordres :

Mesdames les assistantes, la malade peut dire tout ce qu’elle voudra, mais vous n’êtes pas autorisées à lui poser des questions.

Ces ordres ayant été donnés, il se retira et je suis restée seule avec le médecin[152] et deux dames; celles-ci ayant été désignées pour rester en permanence auprès de moi pour surveiller tous mes mouvements.

Quand, déjà il faisait nuit, le docteur Azevedo se préparait pour partir, je n’ai pas pu retenir davantage les larmes. Lui alors, bien plus qu’avec du respect, avec tendresse pour ma douleur, il m’a dit :

Ayez du courage ! Demain je reviendrai.

Oui, j’ai pleuré malgré moi, mais j’ai offert mes larmes si amères à mon Bien-Aimé Jésus. Me voyant ainsi désolée il fut admis que ma sœur reste dans ma chambre avec l’une des surveillantes, afin qu’elle lui apprenne la façon de me bouger. Mais il m’a été précisé de suite :

Seulement cette nuit, jamais plus !

Étroitement surveillée...

Le lendemain, vendredi, commença pour moi, dans cette maison, un vrai calvaire. À l’heure de l’extase, comme il arrive tous les vendredis, ma sœur est entrée ; le docteur Azevedo, monsieur Sampaio et une infirmière étaient déjà présents. Aux observateurs présents, aucun détail n’a échappé, et tout a été divulgué et commenté. Par exemple que monsieur Sampaio avait sorti sa montre, que ma sœur s’était agenouillée en entendant les paroles de l’extase ; que l’une des infirmières avait pleuré, etc.

Le docteur Azevedo, comme toujours, a écrit le colloque de l’extase pour le remettre aux médecins.

Deolinda, qui avait reçu l’ordre de ne plus revenir dans ma chambre, était attristée et elle dit :

Ne pourrais-je voir ma sœur même si ce n’est que depuis le seuil de la porte de la chambre ? Pensez-vous que mon regard puisse l’alimenter ?

Inclinée sur mon lit elle pleurait, inconsolable. Ce fut alors que je lui ai dit :

Ne t’affliges pas, le Seigneur est avec nous.

L’assistante qui avait pleuré pendant l’extase, lui tapant sur l’épaule lui dit :

Ne pleurez pas. Le docteur Araujo est un homme d’une grande charité.

Il a suffi cette phrase à l’adresse de ma sœur pour que cette assistante soit démise de ma surveillance ; nous ne l’avons revue que dans les derniers jours, mais accompagnée, quand déjà ils avaient les preuves de la vérité. Ceci est arrivé à cause d’une assistante qui a été mon bourreau pendant toute la durée de mon séjour au “Refuge”. Elle ne peut pas s’imaginer ce qu’elle m’a fait souffrir. Que le Seigneur lui pardonne.

Dans la nuit du vendredi au samedi j’ai eu l’une de ces crises de vomissements qui me font tant souffrir. Cela m’a été d’autant plus pénible que je n’avais personne pour me soutenir.

Le samedi le docteur Araujo est revenu pour voir comment j’allais et pour se renseigner sur ce qui était arrivé. Ma prostration était telle que je ne me suis même pas rendue compte quand il a frappé à la porte, toujours fermée à clef. Je ne l’ai entendu que quand, tout près de moi, il susurrait à l’infirmière :

Elle est condamnée ! Elle est condamnée !

A ces paroles j’ai ouvert les yeux et je lui ai dit :

Docteur, même chez moi j’ai de pareilles crises.

Il m’a répondu immédiatement, d’un ton impérieux :

Mademoiselle, ne croyez pas être venue ici pour jeûner !

J’ai compris ce qu’il voulait dire et je me suis sentie profondément blessée.

Informé sur ce qui était arrivé le vendredi, il a voulu lire le récit de l’extase et il commenta, furieux :

Il paraît impossible que le docteur Azevedo, si intelligent, se laisse séduire par de semblables choses ! Il faut en finir avec tout ceci. En attendant, enlevons d’ici toutes les horloges afin que cette malade ignore jusqu’à l’heure qu’il est (Comme si le Seigneur avait besoin d’horloge !).

Me voyant si fatiguée, il aurait voulu me soulager à l’aide de médicaments, mais je m’y suis opposée.

Combien de fois les infirmières se sont approchées de moi, me croyant morte !

Cinq jours d’une continuelle agonie — davantage dans l’âme que dans le corps — se sont passés. Pendant les crises de vomissements, ils ne permettaient pas à Deolinda de venir à côté de moi, alors que chez nous, parfois, deux personnes n’étaient pas de trop pour me tenir.

Ils étaient tous persuadés que les crises étaient dues au manque d’alimentation et que, ainsi exilée et sans personnes qui ait pu me la procurer, j’aurais besoin de la demander, sinon je mourrais.

Comme ils se trompaient ! Ils ne savaient pas que l’aliment me venait de la sainte Hostie que je recevais tous les jours.

En ces jours, le docteur Azevedo est venu me voir et ma sœur, sans que je le sache, l’a mis au courant de tout. Il est venu près de mon lit sans que je me réveille ; l’infirmière lui suggéra que j’avais besoin de médecine. Ce fut à ce moment-là que j’ai ouvert les yeux et que j’ai entendu ce qu’il lui répondait :

Cette malade est venue pour que l’on constate son jeûne et pour rien d’autre. J’espère que le docteur Araujo respecte ces conditions. Je ne permets pas qu’on lui fasse des piqûres ou n'importe quoi d’autre, à moins qu’elle ne le demande elle-même. Vous verrez, les crises passeront, les cernes autour des yeux disparaîtront, le teint et le pouls deviendront normaux, ou presque, car l’air marin ne les favorise pas. Je vous assure d’une chose, madame : vous mourrez, je mourrai, mais la malade ne mourra pas dans cet hôpital.

Ensuite, assis à côté de moi, il me prodigua un peu de ce réconfort dont j’avais tant besoin.

Par la volonté de Dieu, cinq jours plus tard, les vomissements ont cessé, le teint est redevenu normal, ainsi que la luminosité des yeux.

Pendant la visite suivante de mon médecin — le docteur Azevedo — l’assistante le salua par cette phrase :

Regardez, docteur, regardez ce beau visage !

Et le docteur de lui répondre délicatement mais néanmoins fermement :

Ce sont les côtelettes et les piqûres !

Jésus a bien voulu montrer encore une fois son pouvoir sur cette humble créature.

Toutes les assistantes accomplissaient scrupuleusement les consignes du docteur Araujo et elles ne m’ont jamais abandonnée un seul instant. Elles n’ouvraient la porte de la chambre que pour laisser entrer les médecins et les infirmières.

En dépit de ma transformation, ni le docteur Araujo ni l’infirmière voulaient se convaincre que je pouvais vivre sans manger. En effet, ils utilisaient parfois des arguments pour m’intimider: ils passaient ensuite aux phrases pleines de tendresse et d’intérêt pour ma personne. Dans leurs discours je les ai entendues dire que mon cas relevait de l’hystérie ou à un quelconque phénomène inexplicable.

Un jour j’ai raconté au docteur Azevedo tout ce que j’avais dans mon âme si attristée et que pour guérir l’hystérie il n’était pas nécessaire de rester dans un tel hôpital. Mais il m’a encouragée et m’a redonné confiance. Je lui ai obéi pour faire en tout, la volonté de Dieu.

Face à face avec le médecin

Le docteur Araujo venait me voir deux ou trois fois par jour, mais jamais à la même heure. Je pense qu’il le faisait ainsi pour voir s’il découvrait quelque chose. Une fois il est entré dans ma chambre la nuit, quand s’y trouvait l’assistante que certains ont appelé du sobriquet de « cardinal-diable ».

Même si je vivais jusqu’à la fin du monde, je ne pourrais oublier l’impression que j’éprouvais quand le docteur ouvrait et ensuite fermait immédiatement la porte : je restais comme suspendue à ce qu’il avait dit. J’éprouvais une telle impression que dans mon cœur et dans mon âme la tristesse augmentait. Combien de fois je répétais à Jésus : “Que cette nuit puisse contribuer à donner de la lumière à ceux qui m’entourent et à toutes les âmes qui vivent dans les ténèbres”.

Lors des conversations et des interrogatoires, le docteur Araujo utilisait tous les arguments possibles pour me convaincre de manger, me disant que Dieu n’était pas content de mon jeûne. Il est parvenu à me faire avoir des scrupules. En outre, les infirmières ont essayé de me prendre par les sentiments.

Une fois, le docteur Araujo a voulu essayer de m’ôter la foi. Il s’est servi de tout ce que son intelligence avait de maille-leur, me soumettant à des interrogatoires interminables et torturants afin de me décourager, persuadé que tout ce qui se passait en moi était dû à une influence humaine et non pas divine.

Si à chaque fois que j’étais interrogé j’avais l’impression de me trouver en face d’un loup habillé en agneau, ce jour-là ce fut bien pire: il me semblait voir en lui Satan lui-même qui, avec art et des sourires malins, voulait m’ôter la foi et me convaincre que tout cela n’était qu’illusion.

Il me disait :

Soyez convaincue, mademoiselle, que Dieu ne veut pas que vous souffriez ! S’il veut sauver les autres, qu’il les sauve Lui-même, il en a le pouvoir. S’il est vrai que Dieu récompense ceux qui souffrent, il n’y a pas de récompense adéquate pour vous qui avez déjà trop souffert.

Mais, mon Dieu — me disais-je — je sais que vous êtes infini, infini en pouvoir, infini dans les récompenses. S’il en était comme il me dit, pourquoi je souffre ?

Le docteur Araujo accompagnait ses paroles d’un regard malicieux, démoniaque — c’était l’impression que j’avais. Je lui ai alors répondu :

Elles sont si grandes, si grandes les choses de Dieu ! Et nous, nous sommes si petits, moi en tout cas !

L’espace d’un instant il se tût, ensuite, indigné, il s’est exclamé :

Vous avez raison, mais moi, je suis une personne bien plus grande !

Et il est sorti. Il était bien loin de connaître cette loi d’amour pour les âmes. S’il connaissait la valeur d’une âme, il verrait alors que tous ce que nous faisons n’est jamais de trop pour les sauver.

Les humiliations et les sacrifices affluaient constamment. Si du moins j’avais su bien les souffrir, j’aurais tant eu à offrir à Jésus. On me présentait toujours de nouvelles choses qui réclamaient de moi humiliations et sacrifices.

J’avais au pied de mon lit une photographie de Jacinta[153] de Fatima. Je la regardais avec amour et, sans craindre que les assistantes le répètent au docteur, je soupirais :

Chère Jacinta, malgré ton jeune âge, tu as pu évaluer combien coûtent ces choses ! Du Ciel où tu demeures, aide-moi ! Seule l’aide du Ciel et les prières des âmes bonnes pourront me donner force pour cheminer dans un si douloureux calvaire, et supporter le poids de cette croix très pesante.

Toutes les fois que le docteur Araujo entrait, il me tenait le même discours et me laissait très épouvantée quand il me disait :

Nous devons parler longuement.

Quand je le voyais sortir, je respirais profondément et je me disais : “Béni soit le Seigneur pour ton départ !” Mais la pensée qu’il reviendrait bientôt, me procurait une très amère souffrance.

Un jour, assis à ma droite, il cherchait à me convaincre que j’étais dans l’illusion. Il a commencé par un discours très vague sur la médecine et sur l’un de ses professeurs de Porto, auquel il avait présenté un travail couvrant de beaucoup de pages, élaboré après de longs jours et de longues nuits d’études. Il était convaincu d’avoir bien profité des leçons. Le professeur, ayant lu cet écrit, lui avait demandé : “Êtes-vous sûr de ce que vous avez écrit ?” — “Oui, je suis sûr, pour telle et telle raison.”

La conversation se prolongeait et moi je fixais le docteur faisant semblant de ne pas comprendre où il voulait en venir, et je disais pour moi-même : “Plus on veut monter, plus haute est la chute !” Mais le docteur poursuivait :

J’étais convaincu d’avoir fait un excellent travail ; le professeur m’a laissé parler et ensuite m’a démontré que j’avais tort. Je suis resté sans souffle: mon Dieu, tant d’heures de perdues ! Combien d’heures d’illusion ! Ma longue étude s’était écroulée en quelques minutes.

Moi qui savais où il voulait en venir, je lui ai dit, à ce moment-là, en souriant :

Mais mon cas ne s’écroule pas, docteur ! J’ai été guidée par un directeur très saint et très sage, et qui m’a étudiée pendant de longues années. Si l’œuvre est de Dieu, personne ne la faire s’écrouler !

Le docteur, un peu embarrassé, faisant semblant que ce n’était pas celui-là le but de ses paroles, a conclu :

Ah non !...

Il s’est levé en hâte et sortit. Il en était temps ! Cependant, toute seule, je me confiais à Jésus, le seul avec qui je pouvais le faire et je lui offrais mes larmes, que je cherchais à dissimuler à l’assistante. Je chantais des louanges à Jésus et à la Maman du Ciel, cherchant à me montrer remplie de joie. Je chantais avec le plus grand enthousiasme, mais au-dedans de moi et dans mes yeux il semblait n’y avoir ni soleil ni jour.

Durant la nuit, quelques fois, je me demandais : “Que peut faire ma sœur, à cette heure-ci ? Pleure-t-elle ?” Pensant qu’elle souffrait à cause de moi, une fois je n’ai pas pu retenir mes larmes. Combien j’ai alors pleuré ! Je n’avais qu’une crainte: déplaire à Jésus. Mais Lui, Il savait que j’acceptais tout par amour pour Lui, avec un immense désir de Lui gagner des âmes. En effet, je Lui ai offert mes larmes comme autant d’actes d’amour pour les Tabernacles.

“Plus la désolation est grande, plus grand est aussi l’amour”, n’est-ce pas ainsi, mon Jésus ? Acceptez tout cela.

Le seizième et le trentième jour de mon séjour, j’ai reçu la visite de maman. J’avais si grande envie de la voir ! Elle n’a pu rester que très peu de temps avec moi et toujours sous le regard inquisiteur des surveillantes. Elle pleurait et moi, je faisais semblant de ne pas avoir de chagrin : je lui souriais, je plaisantais avec elle, je la cajolais, et avec mon sourire trompeur,[154] je cachais la tristesse de mon âme, en retenant les larmes qui à tout prix voulaient couler. Je l’ai encouragée, m’épanchant intérieurement avec Jésus. C’était ma croix : ne devais-je pas la porter par amour de Jésus qui est mort pour moi ?

Non plus 30 mais 40 jours

Mes journées passaient ainsi, dans une continuelle lutte, entrecoupée seulement par l’alternance des infirmières qui se succédaient selon la volonté du docteur Araujo. À cause de certaines d’entre elles, j’ai beaucoup souffert, parce qu’elles outrepassaient les limites de leurs droits et de leurs devoirs.

Le jour est arrivé où le docteur, convaincu désormais de la vérité,[155] permis un plus relâchement, permettant pour quelque temps la venue de ma sœur, même si toujours sous la surveillance de l’assistante. Il permit aussi à la Sœur franciscaine du “Refuge” de me rendre une très brève visite.

Nous avions déjà projeté de faire savoir à la maison la date de notre retour quand, inopportunément surgit un contretemps. L’une des infirmières avait parlé de mon cas au docteur Alvaro. Celui-ci qui ne me connaissait pas, et connaissait encore moins mes phénomènes, a fait naître des doutes. Il a commencé par affirmer que c’étaient des choses impossibles, que les assistantes s’étaient fait berner et qu’il ne croirait qu’un envoyant auprès de moi l’une de ses infirmières de confiance. Le docteur Araujo, indigné par la méfiance manifestée vis-à-vis de ses assistantes, lui imposa d’envoyer lui-même, auprès de moi, une personne plus âgée, en qui il aurait entièrement confiance : la propre sœur du docteur Alvaro a été choisie.

Quand nous pensions nous voir libérées de notre douleur, ce fut alors qu’une nouvelle éprouve, bien plus triste et douloureuse, nous a été imposée. Le docteur Araujo est venu me convaincre de la nécessité de rester encore dix jours. Ma sœur n’était pas d’accord, mais je lui ai répondu :

Quand on y a passé trente jours, on peut bien y passer quarante...

Le docteur Alvaro, en vérité, n’exigeait pas dix jours. Pour se convaincre il lui suffisait que je reste quarante-huit heures de plus, sans manger ni rejeter. Mais ce fut le docteur Araujo qui, délicatement, pour l’honneur de son nom, invita l’assistante à rester un jour de plus, puis un autre jour...

Cette dernière période fut un nouveau calvaire que j’ai offert à Jésus et à la Petite-Maman: dure épreuve, mon Dieu !

[Au cours de l’une de ces journées], le docteur Araujo, sans aucune explication, prit la bourse en caoutchouc que j’avais sur l’estomac et une carafe d’eau que les assistantes conservaient pour humidifier le mouchoir que je tenais sur le front, et versa dans les deux récipients je ne sais quoi : si j’avais sucé le mouchoir ou bu de l’eau de la bourse en caoutchouc, comme l’a dit par suite le docteur Alvaro, j’aurais eu des indispositions qui leur auraient permis de s’en rendre compte. Il ordonna ensuite aux assistantes de ne plus changer la glace de la bourse même si je le demandais. Ses ordres ont été respectés, bien que la nouvelle assistante ait essayé, à plusieurs reprises de changer la glace. Moi-même, je lui disais quelquefois :

Enlevez-moi la bourse quelques instants afin qu’elle rafraîchisse, puis remettez-la-moi de nouveau. Il est nécessaire d’obéir aux ordres du médecin.

Nous étions revenues au point de départ, sauf que bien plus strict. Il a finalement été interdit de parler de Jésus, car on pensait que de cette façon on pourrait découvrir ce qui se passait en nous.

Un jour, le docteur m’a dit :

Je n’admettrai pas que vous appeliez votre sœur plus d’une fois la nuit.

L’assistante, plusieurs fois, comme pour me tenter, et avec une intention tortueuse — c’est l’impression qu’elle me donnait — me disait :

— Pauvre sainte, toujours dans cette même position ! Je vais appeler votre sœur !

À ce que je répondais :

Je vous en remercie, madame, mais je ne le veux pas. Ce sont les ordres du médecin : ma sœur ne doit pas venir plus d’une fois par nuit !

Quand ma sœur toquait pour entrer — cette seule fois qui lui était permise par le docteur — pour me changer de position, la nouvelle assistante allumait la lampe, ouvrait la porte et se plaçait à côté de ma sœur. Aussitôt que celle-ci quittait la chambre, l’assistante, simulant de la compassion envers moi, pour le froid que j’aurais pu souffrir, et comme si elle raccommodait les draps et les couvertures, me découvrait complètement pour voir si Deolinda n’avait rien laissé dans le lit. Je comprenais très bien son intention, mais sous prétexte de commodité, je levais les bras au-dessus des coussins afin qu’elle puisse mieux faire son inspection.

— Mon Jésus, tout et uniquement pour votre gloire !

Les séductions pour me faire manger quelque chose de son repas n’ont pas manqué! Elle me présentait un morceau, sans mot dire, et moi, je lui souriais. Si l’invitation était verbale, je lui disais : “Merci”, mais toujours souriante, faisant semblant de ne pas comprendre sa malice.

La nuit, particulièrement quand je ressentais davantage la solitude, le temps me paraissait bien long. Je sentais mon cœur, tel un arbre aux racines épaisses, bien plantées dans le sol, et que la furie d’une grosse tempête arrachait, le jetant à terre... Il me semblait que tout et tous me piétinaient. Même en l’expliquant de la sorte, je sens que je ne dis rien de comparable à ce que j’ai souffert. Encore aujourd’hui je revis dans ma mémoire ces choses-là et j’éprouve un vrai tourment. Seul l’amour pour Jésus et pour les âmes me permet de supporter une telle épreuve !

Quand je sentais s’approcher le docteur, je disais :

Voilà qu'arrive le bourreau qui vient visiter la pauvre prisonnière par amour de Jésus et des âmes. Je n’ai offense personne d’autre que vous, ô mon Jésus, mais les hommes veulent, sans même s’en rendre compte, que de cette façon, je paie mes ingratitudes !

En voyant ma sœur épouvantée parce que quelqu’un lui avait dit que mon échéance était proche parce que je n’évacuais pas, j’ai cherché à lui redonner courage. Pauvres hommes ! Jésus sait faire les choses bien mieux qu’eux !

Enfin libérée !...[156]

La veille du départ fut un jour de visites. Tous les enfants du “Refuge” sont passés devant moi. J’ai prié avec eux et je leur ai distribué des caramels. Ma sœur ne semblait plus la même: tous s’en sont rendu compte. En plus des enfants, environ mille cinq cents personnes sont venues me visiter... Les policiers ont dû intervenir pour maintenir l’ordre. L’un d’eux s’est posté à côté de moi, se contentant de répéter inlassablement: “En avant! Allez, allez, avancez !” Quelle impression que ce mouvement de foule ! Ni les suppliques de ma sœur ni les policiers n’ont réussi à le contenir.

Le docteur Araujo lui-même, depuis la fenêtre, a dû intervenir pour que l’on arrête un tel mouvement sinon on allait me tuer. Moi, en effet, je me sentais humiliée, las et exténuée, ayant un sentiment de gêne pour les baisers que je recevais et les larmes que l’on laissait tomber sur mon visage, comme signe d’une estime que je ne mérite pas et que je ne veux pas.

Restée seule, j’ai d’abord demandé à ma sœur de me laver.

Dans la matinée du jour ne notre retour, le docteur Araujo, qui n’avait presque pas dormi vu sa responsabilité, est venu au “Refuge” où beaucoup de monde attendait pour me voir. Il est resté à côté de moi et a permis l’entrée de quelques personnes. Puis il nous a dit que nous étions libres, que leurs observations étaient terminées. Il autorisa ma sœur à manger dans ma chambre, puis ajouta :

En octobre je viendrai vous visiter à Balasar, non plus comme médecin espion, mais comme un ami qui vous estime [157].

Reconnaissante, j’ai baisé la main du docteur et je l’ai remercié pour son intérêt envers moi. Je l’ai fait avec sincérité, parce que, bien qu'il ait été sévère et rude envers moi, il montra une attention sérieuse envers mon cas.

Dans l’après-midi de cette journée du 20, les religieuses et les assistantes m’ont fait des cadeaux. Certaines sont même venues assister à mon départ. Alors que j’étais déjà installée dans l’ambulance, l’une d’elles m’a aspergée de parfum, alors qu’une autre dame m’a offert un bouquet d’œillets.

Au cours du voyage j’ai reçu quelques bouquets de fleurs. Je les ai acceptés par délicatesse, bien loin de penser qu’ils seraient par la suite un prétexte à certains pour me faire souffrir.[158]

Ni le parfum, ni les fleurs n’ont été pour moi un motif de vanité. Quand, pendant le voyage, nous nous arrêtions pour reposer, si je voyais que des gens s’approchaient, par admiration pour moi, je disais au docteur Azevedo:

Ne nous arrêtons pas, docteur, allons plus loin.

J’ai du être indélicate, mais lui, il s’est montré toujours d’une extrême patience.

Je vivais davantage à l’intérieur qu’à l’extérieur de moi. La mer était tout ce qui se présentait devant mes yeux, m’invitant au silence, au recueillement en Dieu.

Quand je me suis retrouvée dans ma petite chambre, je croyais rêver! j’ai pleuré, mais des larmes de joie.

Une fois déposée sur mon lit, pendant bien longtemps, je n’ai plus permis que l’on me touche; de continuels gémissements m’échappaient, à cause des douleurs de plus en plus fortes, dues, probablement au voyage.[159]

Pourquoi me suis-je sacrifiée ? Par vanité, peut-être ? Pauvre monde ! Vanité ? Pourquoi ? Que sommes-nous sans Dieu ? Qui pourrait souffrir autant seulement par veine gloire ou par vanité ? Quarante jours à l’hôpital ! Combien d’humiliations ! Le docteur Azevedo avait raison quand, pendant le voyage aller, en me plaçant un mouchoir humide sur le front, il me disait :

Vous avez quelques cheveux blancs, mais au voyage de retour, vous en aurez encore davantage.

Et c’est ce qui est arrivé: il prévoyait ce qui allait m’arriver. Cependant, il est très beau de tout affronter pour Jésus, pour l’amour de Lui.

— (...) Ta souffrance a été bien grande, ma petite fille, dure la souffrance de ta sœur, dans cette prison-là.[160] En avant ! Ce fut pour Jésus, pour le salut de milliers et de milliers d’âmes pécheresses. Quel triomphe pour le Cœur de Jésus ! Le voici exalté, le voici glorifié dans ses chers humiliés...

Cela suffit ! Dorénavant tu ne sortiras plus de ta chambre... Dis, ma fille, dis à ton Père spirituel, dis à ton médecin que pour toutes leurs humiliations, ils seront exaltés. Jésus leur est reconnaissant pour le triomphe de sa cause. Les hommes tenteront de la faire tomber,[161] mais Jésus veillera, et ceux qui lui sont chers coopéreront. Tout ce qui est à Jésus ne tombe pas : reste solide au milieu de toutes les tempêtes, brille, triomphe...

O mon Jésus, j’ai surmonté l’épreuve pour votre plus grande gloire et pour le salut des âmes. Je veux être toujours petite aux yeux du monde, mais grande dans l’amour, grande à pouvoir sauver les âmes...[162]

« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous !... »

(...)

J’ai dicté du mieux que j’ai pu les grandes souffrances vécues au “Refuge”, mais ce que j’ai pu dire n’est rien, comparé à ce que j’ai vécu, en réalité. J’ai su le ressentir, mais je ne sais que bien mal l’expliquer. Je suis toujours confiante d’avoir obéi. Jésus est digne de tout, n’est-ce pas ?

Mon corps a souffert une grande secousse; aujourd’hui encore les douleurs sont presque insupportables, et souvent il me semble ne plus pouvoir m’en sortir. Mais lors des moments de plus grande douleur, fixant le Cœur de Jésus, je lui dis avec toute la ferveur de mon cœur :

Cœur très saint de Jésus, j’ai confiance en vous, j’ai confiance ![163]

« Aie confiance, ma fille... »

Quand on me parle de la guerre et du danger dans lequel se trouve le Portugal de devoir y participer, je souris, et pendant que mon cœur redouble de confiance, je dis à Jésus :

J’ai confiance en vous !

À ceux qui m’expriment leurs craintes je réponds :

Il n’en sera rien; le Seigneur est miséricorde infinie !... Et pourtant, nous ne le méritons pas davantage que les autres nations. Mais, les pères, n’ont-ils pas quelquefois une particulière prédilection pour un enfant plus que pour un autre ? Le Seigneur, lui aussi agit parfois de la sorte.

Ces conversations sur la guerre me font toujours souffrir parce que, contrastant avec ce que j’entends de la part du Seigneur, lequel très souvent me répète :

Aie confiance, ma fille !

J’étais fréquemment tentée d’estimer que de telles paroles puissent venir du démon, mais les effets que je ressentais dans mon âme étaient différents: en effet, en entendant “Aie confiance, ma fille !”, je sentais en moi une grande paix et une paix capables de vaincre la guerre.

À la fin, il m’est arrivé aux oreilles que le Saint-Père avait été fait prisonnier,[164] mais je ne l’ai pas cru, considérant une telle nouvelle comme une confusion du peuple...

J’ai toutefois ressenti dans mon âme un deuil semblable à celui que l’on éprouve pour la mort d’un père de famille qui laisse des enfants orphelins. Bien des jours se sont passés dans cette lutte continuelle ; je ne me lassais pas d’offrir toutes mes souffrances à Jésus afin d’obtenir la paix. je voulais soulager, réconforter, libérer le Pape de toutes ses souffrances, mais je ne savais pas comment.

Un jour, après la Communion, j’ai ressenti un grand désir d’écrire au Pape. Je ne pouvais pas contenir ce désir, et j’ai dit à ma sœur :

Je veux écrire au Pape ; apporte-moi une plume et du papier.

Et, immédiatement je me suis mise au travail, demandant au Seigneur lumière et force, lui offrant le sacrifice même d’écrire.[165]

Lettre au Pape

Très Saint-Père,

Je sais qu’en ces heures tragiques pour l’humanité, le cœur qui souffre davantage, après celui de Jésus, c’est celui de votre Sainteté. Jésus souffre de voir le monde en guerre, rempli de haine, couvert de crimes...

Oh ! combien souffre aussi le cœur de la plus pauvre, de la plus misérable et indigne de vos filles, de ne point pouvoir défendre le Cœur de Jésus contre les crimes de l’humanité, et empêcher qu’il soit blessé; mon cœur souffre de ne pouvoir alléger le vôtre de la douleur si cruelle et profonde qui transperce le cœur de mon Père spirituel et celui du monde entier !

Oh mon bien-aimé Saint-Père, je ne compte pour rien, je n’ai aucun pouvoir, je ne suis que pauvreté et misère, mais Jésus peut me rendre forte et puissante, et c’est avec Jésus et la Maman du Ciel que je me mets à côté de votre Sainteté pour vous aider, par mes souffrances, à porter votre croix si pesante !

J’aimerais embrasser la terre où votre Sainteté pose ses pieds ; j’aimerais marcher à plat ventre partout où vous êtes contraint de passer : ceci comme preuve de ma douleur de vous voir souffrir et de mon profond respect envers vous.

Courage, courage, très Saint-Père, Jésus ne manque jamais ! La force vient d’en-Haut, la guerre se termine; la paix régnera de nouveau parmi les hommes, mais toujours au prix de la douleur et du sacrifice. Le règne de votre Sainteté continuera toujours entouré d’épines, mais la grâce et l’amour de Jésus ne vous feront pas défaut, afin que vous puissiez vous en sortir serein de votre si douloureux calvaire.

Ce fut lui qui se choisit un aussi aimable fils pour père de nous tous, pour répandre la sainte lumière du divin Esprit.

Votre pontificat sur la terre est triste, à cause de la malice des hommes, mais il sera heureux et glorieux au Ciel, comme prix de tant de souffrances et de tant d’amour pour Jésus.

Très Saint-Père, je suis l’une de vos filles, malade depuis 26 ans et paralysée depuis presque 19. Cette lettre me coûte un énorme sacrifice, car je suis étendue sur mon lit, mon pauvre corps traversé par d’aiguës douleurs; mais c’est une preuve d’amour, d’un saint amour envers mon cher Saint-Père. Ah ! mon Saint-Père, s’il m’était possible de dire combien je souffre dans mon corps et dans mon âme ! Elle ne s’égaye que quand je fixe mes yeux en Jésus.

Père, mon Saint-Père, accordez-moi votre bénédiction apostolique afin que mes souffrances soient davantage supportables et pardonnez mon hardiesse.

Je n’ai pas demandé l’autorisation de qui que ce soit, parce que depuis deux ans, je n’ai plus mon directeur: commande qui peut, obéi qui doit! La bénédiction, la bénédiction, mon Saint-Père, et le pardon pour mon écrit, mais je ne sais pas mieux le faire. Je ne vous oublierai plus sur la terre, et encore moins au Ciel. Je ne sais pas trouver des paroles adéquates pour mon Saint-Père: pardon, pardon !

Je suis la pauvre Alexandrina Maria da Costa.[166]

Une fois écrite [la lettre au Pape], je suis restée bien plus soulagée ; j’ai même ressenti finalement un certain contentement, mais de peu de durée.

Un jour après l’avoir expédiée, lors du recueillement après la Communion, j’ai éprouvé une énorme souffrance pour le Saint-Père. J’étais très préoccupée à cause des manœuvres militaires; malgré ma confiance, j’ai souffert à cause de tout ce que j’entendais. Sans m’attendre à une réponse, je disais à Jésus :

O mon Jésus, sauvez le Saint-Père, donnez la paix au monde entier !

Et le Seigneur de me répondre :

Oui, ma fille, bientôt j’accorderai la paix. Jésus ne trompe pas.

Et j’ai continué :

O mon Jésus, épargnez le Portugal de la guerre. Nous ne le méritons pas, mais ayez pitié de nous. Épargnez le Portugal !

Oui, ma fille, le Portugal sera épargné ! Il n’entrera pas dans la guerre.[167] N’ai-je pas la crucifiée de ce Calvaire à côté de ma Mère bénie pour soutenir le bras du Père éternel ?

Environ une heure plus tard, j’ai entendu dire que nous serions tombés aux mains des français et que le Pape avait été tué. J’ai eu l’impression que mon cœur se brisait : j’avais du mal à respirer; je ne pouvais ni parler ni prier. Les yeux fixés sur le Cœur de Jésus, je disais mentalement : “Aidez-moi Jésus ! Petite-Maman, aidez-moi ! Ne me laissez pas tomber !

J’offrais à Jésus toutes mes souffrances afin que le Saint-Père soit libéré, persuadée que j’étais qu’il n’était pas mort et que ce n’était pas vrai tout ce que l’on racontait au sujet du Portugal.

Ce fut un jour d’une effroyable lutte. Je demandais au Seigneur de m’envoyer quelqu’un qui puisse me réconforter, parce que je ne voulais pas l’offenser par mon découragement. Des heures d’une affreuse agonie se sont ainsi passées. Je me sentais comme au milieu dune terrible tempête qui détruisait tout, sans que personne ne vienne à mon secours. Je gardais mon cœur fixé sur Jésus et sur la Maman du Ciel, demandant toute l’aide du Ciel.

Jésus est venu me réconforter :

Le Saint-Père n’est pas mort ; il vit et il continue sa mission.

Il me répéta plusieurs fois, au plus intime de mon cœur :

Aie confiance ! Aie confiance ! Jésus ne trompe jamais !

Mais le démon, non content de ma souffrance, et enragé à cause de l’inutilité de ses efforts, me répétait fréquemment :

Le Portugal en guerre ! Le Portugal en sang !

Sa rage était si grande qu’elle faisait peur...

Il me semblait entendre le tocsin pour le Saint-Père, entendre, au Portugal, le bruit et le fracas d’artillerie. Toutefois, j’ai gardé ma confiance à Jésus.

Tout ceci est arrivé le 14 octobre 1943, et déjà le 10 du même mois, le Seigneur m’avait dit plus ou mois la même chose...

Que le démon soit maudit, car il essayait de m’enlever la paix et de me faire perdre la confiance en celui qui ne trompe ni ne peut être trompé !

Mon confesseur étant venu, il a tout fait pour me tranquilliser et il y a réussi durant la confession.

Par la suite j’ai continué à prier pour le Saint-Père, et la souffrance que je ressentais à cause de lui s’est estompée jour après jour.

Les flammes du Cœur de Jésus...

Le jour du Christ-Roi,[168] j’ai senti comme si mon corps et mon esprit mouraient, comme si mon existence sur la terre cessait. Je ne peux pas exprimer la douleur qui en résulta. Au contraire: je me sentais encore davantage au purgatoire ! Quelle douleur, mon Dieu ![169] Certains jours je me sentais traversée par des flammes. Je pensais que cela était dû à la soif ardente ; je me suis trompée. Ce n’étaient point des flammes de la terre : elles avaient une splendeur merveilleuse. Elles me pénétraient pendant des heures, tourmentant mon corps et tous mes sens ; tout mon être en était pénétré et je souffrais de douleurs indicibles. Malgré cela, je sentais la nécessité de plonger dans ces flammes pour me purifier.

Comme le papillon est attiré par les flammes, moi aussi, j’y suis attirée, et les bras ouverts, j’entrais dans ce feu[170] qui tourmentait mais ne consumait point, animée par un seul désir : libérée de ceci, je m’en vais à mon Jésus !

J’ignorais la signification de cette souffrance. Je ressentais et rien d’autre. J’ai su simplement la ressentir et rien d’autre. Jésus est venu me l’expliquer :

... Tu vis au Purgatoire. L’empêchement qui semble te séparer du monde, c’est moi qui l’ai permis. Maintenant, tu ne vis plus dans le monde, tu y es comme si tu n’y vivais plus. Ton tourment est inénarrable : je ne l’ai jamais donné à aucune âme. Veux-tu me consoler de cette manière ? Veux-tu continuer cette souffrance ?

— Tout ce que vous voudrez, mon Jésus; tout ce que vous voudrez !

Si tu savais combien grand est le bien, que tu procureras aux âmes dès qu’elles apprendront de quelle manière tu as souffert ! Ton esprit est mort au monde ; ta vie est celle des âmes du Purgatoire. Mais tu ne souffres pas uniquement pour toi.

Vite, vite, il faut faire connaître au monde combien elles souffrent. Vite, vite, il faut libérer mes âmes, mes bien-aimées.[171]

« Ta vie n’a rien d’humain... »

— (...) Ta vie n’a rien d’humain, elle est uniquement divine... Les ornements que je donne à mes épouses les plus chères ce sont des épines, et des plus aiguës. Mais toi, tu les transformes avec tant de douceur et amour qu’elles deviennent toutes des pierres précieuses. Quelle merveille, quelle richesse est ton cœur, ô ma belle colombe! La pureté ne se tache pas; elle devient de plus en plus blanche et pure. Tu sens que ton esprit est mort ? C’est Moi qui le permets: il est mort pour le monde, mais il vit de plus en plus pour le Ciel. Le feu qui te tourmente signifie en réalité le feu du purgatoire. Je te purifie afin qu’après ta mort tu viennes directement à Moi. C’est ce que désire ma Mère bénie, afin que tu saches ce que souffrent les âmes qui y vont et qui nous sont chères. Souffre tout, offre tout pour elles.[172]

1944

Transformations mystiques

« Ou vous aimer ou mourir ! »

A l’aide de la lampe électrique, je contemple l’image du Sacré-Cœur, que j’ai dans ma chambre, ainsi que celle de ma chère Petite-Maman. Je demande leurs bénédictions, ainsi que de l’amour pour moi et pour tous ceux qui me sont chers, ainsi que pour le monde entier. J’ai moins de courage; je n’ai pas d’amour ; et aimer qui ? Mes misères m’oppriment.

Quelle honte ! Quelle confusion ! Le poids des humiliations tombe sur moi. Ma lutte ressent les censures, les rumeurs de tempêtes lointaines. Je chemine péniblement, terrorisée. Des épines sans nombre; une pluie d’épines tombe sur moi. Mon âme, mon cœur et mon corps tout entier s’en trouvent déchirés et trempés dans le sang. Je regardant derrière moi, je n’ai pas vu le passé ; tous les chemins parcourus ont disparu. Mon Dieu, quelle destruction ! Devant moi, une gigantesque montagne. C’est impossible, je ne peux pas l’escalader, mais je ne peux pas non plus reculer d’un pas.

Tout d’un coup, je me suis retrouvée à genoux, les mains jointes, regardant vers le haut, j’ai invoqué le nom de Jésus et celui de la Petite-Maman. J’ai crié, crié, à l’intérieur de mon âme. Mon cri ne montait pas ; il restait accroché aux rochers de la montagne ; il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs déchirées pour mourir avec moi. L’agonie de mon âme augmentait ; je ne pouvais plus crier ; je ne voyais pas venir le moindre soutien.

Dans cette angoisse, les battements de mon cœur étaient si forts, que je croyais perdre la vie. Oh ! combien il est doux, mon Jésus, de mourir pour vous ! Ou vous aimer ou mourir ! Souffrir pour vous procurer des âmes ![173]

« J’ai senti mon âme se détacher... »

J’ai senti mon âme se détacher de la terre et s’élever vers les hauteurs ; à maintenir le corps contraint ici-bas, il resta comme un courent électrique qui le reliait à l’âme. Un tel détachement a été assez pénible pour mon corps. Mes yeux fixaient Jésus crucifié comme soulagement de mes douleurs. En attendant, mon âme se sentait dans le sein de la Petite-Maman qui, avec moi, soutenait son divin Fils mort.

Ce qui a donné lumière à mon intelligence, me faisant comprendre que tout ce que Jésus m’avait promis ne se réaliserait pas de la manière que je croyais être plus naturelle, autrement dit en allant au Ciel pour toujours, mais que je serais allée au Ciel pour revenir.[174]

Cette lumière n’a pas été une impression momentanée. Elle m’a fait comprendre qu’une nouvelle transformation s'opérait en moi, me faisant convaincre que, certainement, je ne mourrais pas, et que Jésus avait fait allusion, évidemment, à ce nouvel état de mon âme.

Je n’ai plus jamais pensé à une mort physique.[175]

« Je suis morte pour le monde... »

Une nouvelle transformation s’est opérée dans mon âme. Ce léger souffle de vie est mort complètement; je ne sens plus cette respiration qui de temps à autre je sentais. La douleur vit en moi: elle est de toutes sortes et genres. Je suis morte pour le monde. Tout est descendu dans la tombe afin d’y rester pour toujours. Quelle horreur, mon Dieu ! Je ne vis plus ; c’est ma douleur bien-aimée qui vit, ce n’est que mon inexplicable martyr qui vit. Est-ce que ceci, sans ma vie, donnera vie aux âmes ? Est-ce que je pourrai encore être utile à l’humanité ? Est-ce que je pourrai encore vous aimer, mon Jésus, et consoler votre très saint Cœur ?

Pauvre de moi ! Après la haine et l’abandon, après l’oubli et le mépris, je descends dans la tombe.

Je vis déjà dans l’éternité sans avoir récupéré mon Père spirituel et sans jamais plus avoir la sainte Messe...

Mon éternité est sans lumière, c’est une éternité qui ne vous aime pas, qui ne vous loue pas, qui ne vous voit pas, qui ne jouit pas de vous. Terrible éternité ! Ne pas voir Jésus est une éternité morte.[176] C’est ce que mon âme vit dans cette éternité, c’est ce que je ressens. Quel que soit l’état de mon âme, hâtez-vous, Jésus, d’accomplir vos saintes promesses... Jésus, donnez vie aux âmes avec ma mort, avec mon éternité. Donnez-leur votre éternité, donnez-leur le ciel, mon Jésus ! [177]

« Mon âme a été réconfortée... »

Dans l'après-midi j’ai récité les prières du mois de mai à ma chère Petite-Maman. Mon âme, pendant cette dévotion, se voyait libérée d'un poids qui l’écrasait et retrouvait la paix et la suavité.

À la fin j’ai cru entendre une voix très douce qui m'appelait :

Ma fille, ma fille.

Mon âme se sentait plus soulevée.

Quelques instants plus tard, la même voix, de nouveau m'a appelée avec tendresse et douceur :

Ma fille, ma fille, viens sur mon cœur. Je t'invite à te reposer entre mes bras très saints. Abandonne-toi sur mon cœur de mère. Tu es la préférée de Marie. Oh ! combien tu es aimée par nos deux Cœurs !

Je me suis sentie entre les bras de la Maman, enlacée, caressée et couverte de tendresse.

Il n'est pas possible de comparer la douceur et la tendresse d'une mère de la terre avec celle de la Maman du Ciel !...

Mon âme a été réconfortée : mon cœur en resta heureux pendant un peu près une heure. [178]

Une douloureuse ingratitude

J’étais dans une grande affliction et, après la Communion, je me suis confiée à Jésus, sans en attendre une réponse. Bon comme toujours, Il a daigné me soulager :

Ma fille, dis à ta sœur que je suis en train de voir jusqu’où va sa confiance en Moi. Près de ton calvaire, elle tient le rôle que tenait ma très sainte Mère auprès du mien. Dis-lui que je confie beaucoup en elle : s’il n’en était pas ainsi, je ne l’aurais pas attachée aussi étroitement à ton martyre.

Et se référant à celle qui nous faisait tant souffrir, Il dit :

Allons, allons, courage ! Satan est enragé : il étend sur vous ses artifices infernaux, mais il ne vaincra pas ! Ayez confiance !

Elle est une insensée. Elle a été, envers vous, de la plus grande ingratitude ;[179] mais, pardonnez-lui de tout votre cœur, comme je lui pardonne Moi-même. Si tu savais combien je souffre ! On me reçoit froidement dans la Communion, par habitude. Combien en souffre mon Cœur ![180]

« Je continue de lui rappeler sa promesse... »

Jésus, à plusieurs reprises, m’avait confirmé tout ce qu’il m’avait dit et promis au début de ma crucifixion : comme prix de mon acceptation à me laisser crucifier, les portes de l’enfer seraient fermées depuis midi de vendredi à minuit de dimanche. Quand il a plu à Jésus de ne plus me crucifier,[181] ou mieux, de changer la manière de me crucifier, je continue de lui rappeler sa promesse, parce que j’estimais avoir le même droit.

Le 16 juin 1944 Jésus est venu et Il m’a dit :

Ma fille, viens te reposer et te réconforter dans les bras de ta Petite-Maman. Tu es tendrement cajolée par Jésus et Marie.

Pendant que je parlais, je sentais leurs caresses.

Tu es bercée par les anges. Je viens te dire, ma fille, les jours supplémentaires pendants lesquels, par ton mérite, l’enfer est clos : je t’accorde l’après-midi du jeudi en l’honneur de mon Eucharistie, pour l’amour que tu as envers Celle-ci, et pour l’amour qui m’a amené à y rester prisonnier ; je te concède le mercredi matin en l’honneur de saint Joseph que tu aimes tant; combien je désire, ma fille, le voir aimé ! Je veux que tu fasses connaître que celui qui aura pour lui une vraie et constante dévotion, ne m’offensera pas gravement au point de se perdre...

Je te concède ceci pour l’amour avec lequel tu te laisses crucifier.[182]

« J’ai soif, j’ai soif, ma fille... »

— Jésus souffle sur toi et t’embrase...

J’unis mon Cœur au tien. J’habite en toi et toi en moi. Reçois, reçois, ma petite fille, l’amour de ton Jésus. Reçois-le, enrichis-toi en, afin que tu le donnes aux âmes. J’ai soif, j’ai soif, ma fille, j’ai soif d’amour. Les âmes ne connaissent pas ma folie pour elles. Les pécheurs sont ingrats envers mon divin Cœur. Tu vois, tu vois, ma belle colombe ? Je suis toujours près à les recevoir ; je leur offre, je leur donne mon Cœur et je veux les y accueillir ; je veux les posséder.

— Jésus, Jésus, je ressens vos ardents désirs. Je vois votre divin Cœur ouvert. Ce fut l’amour, Jésus, ce fut l’amour qui vous a déchiré la poitrine. Ce fut encore l’amour qui vous a laissé être blessé de la sorte. Quelle blessure, quelle plaie si profonde !... Je vois que de celui-ci sortent des rayons brillants, enchanteurs, des rayons dorés. Embrasez-moi, Jésus, embrasez-moi dans ce feu divin ; faites que je puisse embraser tous les cœurs, tous vos enfants...

Vous avez soif, vous avez soif, mon Jésus, vous avez soif de posséder les âmes. Regardez, mon Amour, voyez ma soif ; c’est une soif qui me conserve. Vous voyez pourtant que mon seul et ardent désir est de les livrer toutes à votre Amour, à votre divin Cœur. Vous connaissez mes tourments. Regardez la torture dont souffre mon pauvre cœur. Vous savez bien, que souvent, j’aimerais vous dire : “Jésus, je n’en peux plus; je ne peux plus résister !” Mais je ne le veux pas, mon Amour, je ne veux pas vous parler ainsi. Accordez-moi votre grâce, accordez-moi votre force, donnez-moi encore et encore des souffrances, ô mon Jésus, ô mon Amour ! Hâtez-vous, mon Jésus ! Si je peux souffrir davantage, envoyez-moi encore des souffrances ; donnez-moi les vite, mais donnez-moi aussi les âmes.

O beauté, ô beauté, ô enchantement de mes yeux divins ! Tu ne peux pas souffrir davantage, mais garde ton courage : Je suis avec toi, je veuille, je suis vainqueur, je triomphe. Ne vacille pas, ne tombes pas au point de m’offenser, mon divin Cœur n’a pas le courage de t’abandonner. Tu es ma victime la plus aimée. Tu as la mission la plus riche, la plus belle pour moi. Je te fais souffrir autant afin que tu me sauves beaucoup d’âmes.

— O Jésus, si je vous aime, comme tant de fois vous me l’affirmez, si je vous aime vous et la Petite-Maman et je suis aimée d’Elle comme vous me le dites, et je le crois et j’ai confiance, que puis-je désirer d’autre, sinon vous aimer et vous sauver des pécheurs ? Crucifiez-moi, ô mon Jésus, ne m’épargnez pas, mon Amour, mes éloignez-les des peines de l’enfer! Ne manquez pas, mon Jésus, ne manquez pas à ce que vous m’avez promis. Gardez, Jésus, gardez, je vous en prie, les portes de l’enfer bien fermées. Placez-moi, mon Amour, placez-moi, devant elles. Emmenez-moi devant elles, comme je vous l’ai déjà dit, mon Amour, placez-moi là, devant leur seuil, comme une barrière ; jusqu’à ce que le monde soit monde, et qu’il y ait des pécheurs à sauver. Ou bien, mon Amour, laissez-moi dans le monde, tant qu’il existera ; appelez à vous tous les miens, tous ceux qui me sont chers ; laissez-moi seule ; vous me suffisez, mon Jésus...

Combien elle est belle, combien belle est ta prière ! Quelle joie, quelle consolation pour moi ! O combien de bénéfice pour les âmes ! Combien de grâces tu obtiens pour les ingrats de mon divin Cœur ! O monde, pourquoi ne connais-tu pas ma victime bien aimée ! Vite, vite, que la lumière soit faite ; que brille la lumière que Jésus désire. C’est à l’aide de cette lumière, ma fille bien-aimée, de cette lumière qui brille en toi, que les pécheurs vont voir le chemin, la vérité et la vie.

— O Jésus, Amour de mon cœur ! La Vérité c’est vous ; le vrai Chemin c’est vous ; l’unique Vie, c’est vous. Faites, ô Jésus, que tous vous suivent, que tous vous aiment ! Je ne veux que ce que vous voulez, je vous le demande de tout mon cœur, de toute mon âme. Donnez-moi le courage ; donnez-moi la force ; donnez-moi la grâce ; donnez-moi tout ce qui est à vous. Sans vous je ne peux rien ; sans vous je ne peux résister à tant de souffrance.

Courage, ma petite fille, ne te décourage pas ! Tu le sais bien, tu demeures dans mon divin Cœur, à la place la plus élevée. Dans ma divine demeure, tu ne coures aucun risque. Repose-toi, repose-toi en moi ; repose, repose-toi pour toujours. Reçois, reçois la vie dont tu as besoin pour vivre. Vis uniquement de ma vie divine.

— Merci, merci, mon Jésus.[183]

« Jésus, mon seul aliment... »

À la tombée du jour, alors que la lumière du soleil s’enfonçait dans l’obscurité de la nuit; pour moi il n’y avait plus ni soleil ni jour, mais seulement nuit. Le découragement, l’abattement, la constante lutte m’étaient presque insupportables...

Jésus, Petite-Maman, aidez-moi, ne me laissez pas tomber !

O mon Dieu, il me semble que le Ciel n’existe pas !... La lutte est continuelle et le doute me tourmente. Mon cri vers les saints semble ne servir à rien.

Jésus, j’ai confiance ! Petite-Maman, j’ai confiance !

Mais le temps passe et aucun secours ne me vient. Je sens l’abandon de la terre et du Ciel. Pauvre de moi ! Je ne veux pas me tromper ni tromper personne.

Une nouvelle preuve d’amour de la part de Jésus est venue me soulager dans l’abîme de ténèbres et de mort. De ses divins bras il m’a inclinée sur son divin Côté et m’a donné à boire du sang de son Cœur. Merveille ! Bonté divine ! Je sentais le Sang du Cœur de Jésus pénétrer abondamment en moi, pendant que Jésus, tout doucement me disait :

Courage, ma fille ! Mon Sang et ma Chair son ton aliment et ta vie.

Jésus m’a rassasiée, m’a fait revivre : le jour s’est levé, le soleil me réchauffa de ses rayons. Maintenant le monde ne pouvait rien contre moi. Combien il est bon, Jésus ![184]

« Transformez-moi... entrez chez moi ! »

Je ne sais pas si c’est à cause de ma grande souffrance, je suis restée très accablée, presque oublieuse d’avoir reçu Jésus Eucharistique. Oh ! l’état de mon âme !

À l’improviste j’ai vu Jésus devant moi, cloué sur la Croix, mais aussitôt tout a disparu. Si je me sentais comme morte, morte je suis restée : il me semblait que pour moi la vie n’existait pas.

Quelques instants après, mon Bien-Aimé est venu, mais maintenant il était merveilleux : son visage était si beau, tout resplendissant, rempli de lumière. Il s’est approché de moi, m’affirmant, en même temps, qu’il me confiait son divin Cœur, avec une grande plaie d’où il sortait une énorme flamme brillante qui serait capable d’enflammer et de brûler le monde entier.

Ma fille, cache en toi mon divin Cœur afin que les pécheurs ne puissent m’offenser.

Je ne sais pas comment le Cœur de Jésus m’a pénétrée.[185] J’ai été plongée en Lui et Lui en moi. Combien grand est l’amour de Jésus !

Quelle transformation de mon âme ! Déjà j’avais vie, courage et force. Souffrance, combien tu es douce si supportée pour Jésus !

Mais, ô combien il est coûteux de vouloir consoler et de ne pas pouvoir le faire, garder son divin Cœur et ne savoir comment s’y prendre ! Pauvre Jésus, à qui avez-vous confié la garde de votre Cœur ! Où pourrai-je le cacher afin qu’il ne soit pas blessé ? Je ne suis que misère. Transformez-moi, purifiez-moi, et ensuite, entrez chez moi.[186]

Le souvenir de Foz do Douro

O Jésus, est-il possible que la morte puisse parler, que le cœur d’un cadavre puisse avoir la nostalgie du Ciel, ainsi que le désir de voler vers vous, désireux de se cacher pour se plonger dans l’immensité de votre divin Amour ! Jésus, Jésus, c’est ma douleur qui vous parle... c’est une douleur qui rassemble en elle toutes les douleurs.

Jésus, je sens que mon corps n’est plus un cadavre où les vers de terre n’ont pas encore pénétré, un cadavre qui, quelques jours après avoir été descendu dans la tombe, pourrait être reconnu. Non, mon Jésus, je n’en possède même plus les cendres, tout a disparu.

O mon Dieu, quelle mort la mienne, quelle perte éternelle ! Écoutez, Jésus, ayez pitié de moi ! Tournez votre regard vers moi, lisez ma douleur: c’est pour vous, et pour les âmes... Soutenez le poids que m’a causé la mort, voyez que sans vous je ne résiste pas à tant de nostalgie du Ciel ; il m’est impossible de rester ici alors que je désire ardemment vous aimer... La nuit n’a plus d’étoiles ; il n’y a plus de jour; il n’y a plus de soleil. O douleur, ô douleur, toi seule vis en moi, il n’y a que toi qui restes, mais tu n’aimes pas Jésus, tu ne vis pas pour Jésus ![187] Écoutez, Seigneur, mon cri ! Que ma clameur arrive jusqu’à vous ! Qu’en sera-t-il de moi, mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi sans Vous ? O lutte, ô terrible lutte !...

Faites que je vous aime et vous fasse aimer ; j’ai faim de vous donner le monde entier.

O mon Jésus, en ce qui concerne la nostalgie des aliments, ce n’est pas moi, c’est mon corps qui a faim et soif, parce que moi, je n’existe plus !... Mais, c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient à moi, ont faim et soif.

(...)

Jésus, cela fait un an que mon martyre à Foz a été terminé. Pendant ces derniers quarante jours j’ai remémoré tout ce que j’y ai souffert. Acceptez-vous, mon Jésus, ce martyr si douloureux ? Je ne suis pas retournée à Foz, mais je peux dire que j’ai presque souffert autant que lors de mon séjour dans cette maison. Vous avez fait en sorte que tout se renouvelle : j’ai tout revécu, mon Jésus. Acceptez ma souffrance et, pour amour pour les âmes, fermez l’enfer. Faites que je vous aime et vous fasse aimer. J'ai faim de vous donner le monde entier. Pauvre de moi, mon Jésus ! J'ai la nostalgie des aliments, mais ce n’est pas moi qui la souffre ; ce n’est pas mon corps qui a faim et soif parce que je n’existe déjà plus ; mais c’est un cœur, c’est une âme qui, comme s’ils étaient à moi, souffrent cette faim et cette soif.[188]

Vous avez entendu, mon Jésus, que cette dure souffrance m’a fait dire: “je donnerais tout, je donnerais le monde, je donnerais la vie, s’il était possible, pour un peu d’alimentation”. Quelle envie, quelle envie, mon Jésus, de tout posséder pour tout vous donner !

Je veux vous aimer, je veux vous donner des âmes !...

Tournez vers moi votre divin regard, car je veux fixer le mien sur le vôtre.[189]

« Je vous sens à côté de moi... »

Ne pensez pas, mon bon Père Umberto, que mon silence soit un oubli. Je ne vous oublierai ni sur la terre ni au ciel. La cause de celui-ci, ce sont les “cadeaux[190] de Jésus. Si vous saviez combien je souffre... Mais la souffrance importe peu; ce qu’il faut c’est consoler Jésus. Il me suffit que sa grâce et sa force ne me fassent pas défaut pour résister à tout... Je n’ai pas oublié vos intentions de prière ni celles des novices de votre sainte maison Salésienne... Par charité, pardonnez-moi mes manquements. Je vous remercie de tout mon cœur et de toute mon âme pour tout ce que vous avez fait pour moi. Que Jésus vous récompense, vous comble de ses bienfaits et de son amour, car Lui seul connaît et sais le réconfort que vous m’avez apporté.

Je vous sens à côté de moi, et cela me procure du courage pour soutenir ma souffrance. Que Dieu soit béni. Je ne suis pas encore haïe de tout le monde...[191]

Sans la Communion ?...

Nuit ténébreuse, atrocités de la mort ! Le cri de la douleur continue : écoutez-le, Jésus, c’est lui qui pleure, c’est lui qui invoque votre secours !... Je n’aperçois aucune lumière... Mon cœur sent qu’il a été comme lacéré, traversé par une lance bien effilée, avoir reçu une nouvelle et grave blessure, il sent qu’il ne peut plus être blessé...

Je suis dans un état de grande inquiétude; je ne sais pas ce que cela présage.[192]

Quelle horreur ! La tempête se déchaîne, j’entends le sifflement des vents, je vois les éclairs annonceurs du tonnerre effrayant, je sens des menaces de destruction.

Tous sont partis terrorisés et moi, seule, au milieu de la mer, sans gouvernail, sans bateau, sans lumière, je suis menacée de plonger pour toujours dans cet abîme. Quelle horreur ! Quelle peur !... Mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend encore ? Je m’abandonne entre vos bras très saints...[193]

« Me voici, prête à être immolée !... »

— Écoutez, mon Jésus, ma souffrance presque moribonde. Un coup très dur lui a été porté. O souffrance qui tue la douleur ! O souffrance qui ne peut être comprise que de vous ! Le regard fixé sur vous, ô Jésus, les calomnies, les humiliations, les mépris, les haines, les oublis ont toute la douceur de votre Amour ! Qu’il m’arrive, ô Jésus, qu’il m’arrive tout ce qui vous fait plaisir ! Que mon nom meure, comme je sens qu’il arrivera à mon corps et à mon âme, afin que triomphe votre divin Amour dans les cœurs et votre Grâce dans les âmes. Me voici, mon Bien-Aimé, prête à être immolée. Mais comment résister à tout cela ? Regardez ce cœur qui éclate et se décompose dans la douleur : il ne peut pas supporter autant de tourments si vous ne lui venez pas en aide. Venez, mon Jésus, aidez-le, aidez-le ! Ils veulent me priver de tout: ils menacent même de me priver de la Communion, interdisant le curé de venir chez moi, sauf en cas de danger de mort, si je n’obéis pas.[194]

J’obéis, j’obéis, ô mon Jésus, avec votre divine Grâce !

O sainte obéissance, je t’aime pour Jésus et pour les âmes !

On m’a mise sur la place publique sans mon consentement : je n’en savais rien. Et maintenant on voulait, au prix de ma souffrance, recueillir les plumes que le vent furieux a dispersées ! Comment le pourront-ils ? Ah mon Jésus, jamais plus, jamais plus ! Si seulement je pouvais vivre cachée, vous aimer comme je le désire tant, être toute à vous, sans limites, mais, sans avoir une vie[195] pareille. Combien sont devenus saints sans avoir ce genre de vie ! Et moi, je ne suis que misère ! Quelle nostalgie de mes années passées ! Combien de colloques j’ai eu avec vous sans que personne ne le sache ! Je donnerais des vies, je donnerais des mondes pour vivre cachée. Pardonnez, mon Jésus, je n’ai pas à vouloir ; je n’ai pas à avoir de volonté propre.

Mon Dieu, si je savais au moins que par ma souffrance votre consolation était satisfaite ! Si seulement je pouvais vivre cachée dans cette chambre, où Vous seul et ces murs avez été les témoins de mes souffrances ! Si les miens et tous ceux qui me sont chers pouvait oublier que je vis ici et que je vis avec eux, ô, alors je ne souffrirais pas ![196] Je vois toutefois que celui qui souffre c’est votre divin Cœur ; ceux qui me sont chers souffrent avec moi et ne peuvent pas m’oublier : ce qui me peine énormément. Combien de fois je ne peux même pas contenir mes larmes, aveuglée par la douleur ! Puis cette pensée me vient : il vaut mieux ne pas pleurer, Jésus est davantage content. Je pose mes yeux sur la croix où Il est crucifié ; je reste un moment à le contempler ; alors les larmes, qui semblaient ne plus tarir, cessent: je ressens une nouvelle vie.

Mon Dieu, quelle terrible lutte ! Pauvre de moi sans Vous, Jésus et Petite-Maman ! Secourez-moi, je suis votre victime...

Jésus, ne permettez pas que je cède, ne consentez pas que mes lèvres s’arrêtent de répéter : “Jésus, je vous aime ! Je suis votre victime !

Que les hommes jugent comme ils veulent; peu importe. Donnez-moi votre certitude de me vaincre moi-même, de vous aimer et de vous donner des âmes.

Jésus, je ne vois ni mon passé ni mon présent, je ne vois que mon avenir: je vois mon sang couler parmi les épines; dans une nuit terrible et obscure ma souffrance avance et continue de vivre...[197]

« Mon Dieu, quelle vie si mal comprise !... »

Jésus, je regarde d’un côté et de l’autre et je ne vois personne ; je crains et je tremble ; quelle frayeur !...

Jésus, ne me laissez pas sans vous recevoir: que je perde tout, absolument tout, mais que je puisse avoir la Communion ; tout perdre, mais vous posséder vous !...

Mon Dieu, quelle vie si mal comprise ! Si ce n’était par l’amour de vous et des âmes, je ne me serais pas soumise aux âpretés des hommes, je n’aurais pas à leur obéir.

Ces pensées défilaient rapides comme des éclairs. Je me suis sentie ensuite obligée toutes les joies avec l’amour de Jésus : Lui, Il est digne de tout. Les âmes, les âmes ! Cette pensée a vibré en moi, allumant des désirs plus fermes de marché parmi les épines...; il m’a mieux fait comprendre qui est Jésus et ce qu’est le monde...

Je sens la nostalgie de ma “Passion” du vendredi, mais j’ai peur des extases. Je crains le vendredi et le premier samedi, je crains n’importe quel jour ou n’importe quelle heure, mon Jésus, où vous daignez me parler. Serait-ce une imperfection ? Ayez compassion de moi, Jésus !...

Quelques heures après : la nuit était déjà bien avancée ; à la maison tout n’était que silence, seuls, ma douleur et ma lutte continuaient.

À l’improviste, Jésus m’est apparu :

Donne-moi la main, ma fille, ne t’ai-je pas promis de soulager ton accablement ? Allez, va dans les bras de la Petite-Maman, vas-y recevoir du réconfort.

Aussitôt je me suis retrouvée dans les bras de la Maman du Ciel et, comme une enfant, j’ai enroulé mes bras autour de son cou. Elle m’a enlacée doucement et m’a caressée, me couvrant de baisers. Je pleurais ; Elle m’essuyait les larmes à l’aide de son très saint Manteau et me disait :

Ne pleure pas. Console avec moi le mien et ton Jésus. Il est si offensé ! Allons, allons, prend courage !

Et Jésus :

Ta douleur, ma fille, ton martyr arrache des artifices de Satan les âmes que lui, avec tant de rage m’avait prises. Courage... La tempête passe. Reçois Grâce, Amour et la Lumière de l’Esprit-Saint.

J’ai vu l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe qui laissait tomber d’en-Haut sur moi des rayons dorés et un déluge de lumière... J’en ai été fortifiée. Peu après, dans une douce paix, je me suis endormie.[198]

« J’ai senti comme un assaut... »

Vers 14 heures, appuyée sur mes coussins et étendue sur ma croix dans un profond anéantissement, j’invoquais Jésus, seulement Jésus.

Quelques notes mélodieuses m’ont attirée. Tout d’abord j’ai pensé qu’il s’agissait de sons de la terre et je me suis mise à l’écoute pour découvrir d’où ils venaient. Ils m’arrivaient d’en-Haut. Je l’ai très bien compris et alors mon cœur a frémi avec tant de force qu’il n’en pouvait plus résister... Toute la tempête s’est estompée... Je me suis sentie toute remplie d’une grande douceur et suavité. L'harmonie était composée de beaucoup de sons, comme si émis par un très grand nombre d’instruments... Je les ai tous écoutés, mais l’un de ceux-ci parmi tant d’autres m’attirait plus particulièrement... Je ne sais combien de temps ce ravissement a duré... Peut-être bien une demie heure.[199]

« J’ai ressenti comme un assaut... »

Après le soulagement qui m’a été accordé le 12, je suis retournée à mon état de tristesse. Le jour de l’Assomption de la Maman du Ciel est arrivé, et rien que de penser à la solennité... et à la jubilation du Ciel, il me semblait ne plus pouvoir résister davantage aux tourments de la terre.

Quelques minutes après la Communion, j’ai ressenti comme un assaut au-dedans de moi. Il me semblait que c’était Jésus qui, comme un voleur, était entré et sorti de moi en un instant emportant avec lui le peu de vie qui était la vie de ma douleur.[200] Je me suis sentie morte, mais j’ai continué de souffrir davantage du fait de me sentir privée du peu de vie qui était la vie de ma douleur. Je sentais que tout me manquait et j’étais scindée en deux morceaux: mon cadavre resté ici-bas et, là-haut, au Ciel, le butin qui était une partie de moi-même. Cette partie était plongée dans la joie absolue, sauf la vision de Dieu, mais ne donnait pas à la partie restée sur la terre aucun soulagement; bien au contraire, la laissait prosternée dans un abîme de souffrance sans fin. J’ai passé toute la journée dans une attente douloureuse de posséder cette autre partie de moi-même qui m’appartenait et sans laquelle je n’étais qu’un cadavre.[201] Ce fut pour moi une journée interminable: je l’ai passée dans une continuelle plainte envers Jésus et la Maman du Ciel, alors que je me demandais :

O mon Dieu, comment puis-je vivre sans vie ?

Vers le soir, j’ai de nouveau entendu l’harmonie du 12 de ce mois, et ceci a été pour moi comme un baume pour ma souffrance ; sans cela, je crois que je n’aurais pas résisté bien longtemps.

La nuit, je ne saurais dire à quelle heure, le butin m’a été restitué ; je m’en suis rendu compte parce que je me suis sentie revivre.[202]

« Jésus m’a envoyé un prêtre... »

Je ne sais pas pourquoi je suis effrayée et pourquoi j’ai peur... Je me sens seule, complètement seule... La tempête continue... Vous seul, mon Dieu, pouvez m’aider; mais, pauvre de moi, il me semble que même vous m’avez abandonnée. Le cri de détresse n’arrive pas aux oreilles de personne. Que m’arrivera-t-il de plus, mon Dieu ? Je jette mon regard par la fenêtre de ma chambre : je n’y vois que des nuages ; je pose sur celles-ci mon regard admirant la grandeur du Créateur. Si les nuages s’évanouissent et que l’azur du Ciel apparaît, je ne puis résister à tant de nostalgie ! Je voudrais m’envoler vers lui, mais combien est grande la distance qui me sépare du firmament ! Je pleure, je pleure bien des larmes...

Les jours où je dois rester sans Communion approchent.[203]

Mon Dieu, comment ferai-je pour me priver de vous. Jésus, ma Petite-Maman chérie, venez à mon secours. Je ne puis vivre sans Jésus !

La Maman du Ciel a eu pitié de ma douleur. Jésus a veillé sur moi : il ne m’a pas laissé un seul jour sans le recevoir; il m’a envoyé le Père Umberto, salésien qui, pour quelques jours, s’est efforcé d’illuminer et de tranquilliser mon âme. J’ai senti qu’il me comprenait: il m’insufflait du courage malgré ma grande souffrance.[204] Après qu’il m’ait écoutée en confession, j’ai ressenti dans mon âme joie et suavité et, forcée par je ne sais quoi, j’ai chanté des cantiques à Jésus et à la Maman du Ciel.

Ensuite je suis retournée dans mon habituel état d’affliction, de douleur et de martyre...[205]

« Jésus et Maman du Ciel écoutez-moi ! »

Après avoir reçu Jésus [Eucharistique], la souffrance de mon âme est devenue plus suave: mon Bien-Aimé m’accorda en cette occasion une plus grande intensité d’union, que j’avais déjà ressentie hier, dans le regard des personnes que j’aime et qui en ces derniers jours me haïssent...[206]

Mais je suis rapidement retournée dans les douloureuses souffrances du corps et de l’âme.

O mon Dieu, la tempête ne s’apaise point. Ayez pitié de moi : regardez comme je suis blessée ! On essaie de m’enlever de vos divins bras. Attachez-moi, attachez-moi à Vous, mon Jésus ! Ne permettez pas que l’on me sépare de Vous. Que je perde tout ce qui appartient à la terre, mais que je Vous possède !

Je me sens abandonnée, seule, seule et sans personne à qui recourir : Jésus, Petite-Maman, écoutez mon cri de détresse ! Je veux aimer Vos Cœurs très saints, mais je ne sais pas ce que c’est que l’amour ; je ne le connais pas; il me semble que l’amour n’existe pas sur la terre. Ayez pitié de mon affliction. Donnez-moi l’amour que je désire, que j’espère de Vous. Laissez que je me perde en Vous; que je me brûle dans vos divines ardeurs...[207]

« Mon Jésus, mon cher Amour !... »

Je sens que mon cri reste suffoqué sous le monceau de cendres de mon pauvre corps, qui n’est plus un cadavre, comme je le ressentais un instant avant, mais cendre, seulement cendre. Mon Jésus !... Mon cœur n’est plus dans ma poitrine, tellement grande est son envie de vous aimer et de monter vers vous. Je ne dis pas bien, mon Jésus, ce cœur n’est pas le mien, et je ne sais même pas à qui il appartient. Où est-il le mien, mon Jésus ? À qui appartient celui-ci ? Tout est mort. Jésus, ayez pitié de moi. Ma volonté c’est la vôtre, vous le savez bien ; oui, vous le savez bien, mon Amour. Regardez, je ne suis que misère, je ne suis que néant ; je ne peux rien sans vous. Ne m’abandonnez pas, mon Jésus. J’espère en vous ; j’ai confiance en vous. La lutte est terrible ! Écouter votre voix qui m’encourage et me confirme que tout cela est pour votre gloire, que c’est pour vous consoler, ne me suffit plus. J’en veux davantage, mon Jésus, j’ai besoin de plus, de bien davantage...

(...)

Le démon m’est apparu en diverses occasions, de jour comme de nuit; tantôt sous la forme d’un homme attaché par la ceinture, tantôt sous la forme d’un lion attaché par le cou. Il a essayé plusieurs fois de m’attaquer, mais n’est jamais parvenu à me toucher.

À côté de lui je me sens comme une enfant terrorisée, mais qui ne pondère pas le danger. Sous la forme d’un homme, il crache par terre et m’insulte, faisant semblant d’être écœuré de moi; d’autres fois il frappe des mains et ricane des sentiments malicieux dont il me juge capable et veut me convaincre que je suis fautive; d’autres fois encore, il prend des attitudes provocantes pour le mal.

Depuis que ces persécutions ont commencé, je sens, comme si mon corps était réduit en miettes, et mon intérieur, et mon cœur, sortaient violemment de moi.

Mon cri, mon unique cri contre mon ennemi c’est : “Mon Jésus, je suis votre victime !”

(...)

Après la Communion, je me sentais découragée, abattue, je ne savais rien dire à Jésus. Je m’efforçais de répéter très souvent :

Mon cher Jésus, mon Amour, je suis toute à Vous !

Je n’ai rien dit d’autre pendant quelques minutes.

Jésus est venu :

Cela me plaît beaucoup, ma fille, me console beaucoup, ma colombe bien-aimée, ton affirmation : “Mon Jésus, mon cher Amour, je vous aime, je suis toute à Vous”. Répète-la très souvent. Courage, ô mon aimée ! Ne crains pas les assauts du démon. Ce n’est que par ce sacrifice que tu peux réparer des crimes aussi graves. Donne-moi tout ce que je te demande pour ma gloire et pour le salut des âmes. C’est pour [t’aider à les supporter] que je t’ai donné un médecin très cher à mon divin Cœur.

Dis à mon cher Dom Umberto qu’il a été choisi par moi pour venir près de toi. Je n’interviens pas avec la fréquence qu’il aimerait pour l’étude [sur ton cas]. Mais, ayant reçu mes divines lumières, je veux qu’il aille vers ton Père spirituel,[208] tant aimé de mon Cœur, à qui j’envoie tout mon amour : ensemble ils soutiendront et défendront ma divine cause, aidés par ceux qui sont de mes amis et qui ont soin de tout ce qui me regarde. Va, ma petite fille, donne l’abondance de mon divin amour à tous ceux qui sont autour de toi et qui t’aident: ils Me sont tous bien chers.

Dis à mon cher Père Umberto que le parfum est un parfum divin,[209] c’est le parfum de tes vertus. Je dis cela parce qu’il en a besoin pour son étude.

(...)

Je me suis sentie obligée de m’agenouiller et de lever les bras au Ciel pour plus dignement louer le Seigneur. Je ressentais une envie irrésistible de me transformer en feu divin et de plonger dans celui-ci les cœurs et les âmes...[210]

« J’étais un ver, dans un vaste cimetière... »

Aujourd’hui j’ai senti le démon au-dedans et à côté de moi. J’ai éprouvé une insupportable envie d’aimer Jésus, de lui donner des âmes, de le consoler, de le faire connaître. Toute remplie d’amour je lui répétais :

Jésus, Jésus, amour, amour !

Dans cet état, je n’ai pu contenir les larmes au vu de ma misère, la fange dans laquelle je vis et qui me cause de l’horreur.[211]

Mes désirs d’aimer ne valaient rien, tout était perdu. Je me sentais comme dans un vaste cimetière, presque sans vie, comme si je ne bougeais déjà plus. À peine couverte de cendres, je ressemblais à l’un de ces vers qui dans les pinèdes font leur résidence sous des monticules de terre et de bois en décomposition. Malgré tout cela, mon offrande à Jésus comme victime, inséparable de la crainte de l’offenser, restent toujours présentes. Paradoxe terrible et presque permanent : je vis sans vivre ; je souffre sans souffrir ; j’aime sans aimer.[212]

« Je suis restée dans les ténèbres... »

Ce matin Jésus est venu, et descendant dans ce cimetière, il s’est joint aux vers et s’est recouvert des mêmes cendres. Il n’y avait que mort à l’intérieur de moi; une mort qui semblait se fondre dans le gémissement de toute l’humanité. Jésus n’a pas donné signe de vie au-dedans de moi : je suis restée dans les plus épaisses ténèbres et dans une souffrance amère ; les âmes et l’amour de Jésus m’obligent à tout endurer...[213]

« Acceptez mes larmes... »

Pendant deux jours j’ai mieux pu respirer: Jésus a daigné, pour quelque temps, soulager mes souffrances.

Aujourd’hui il m’a surchargée en plus du poids très aimant de sa croix. Je me sens aux portes de l’éternité. Deux violentes luttes avec le démon m’y ont propulsée. Mon Dieu, quelle terrible souffrance! J’ai lutté, j’ai imploré le secours de Jésus et de la Maman du Ciel, de saint Joseph... J’étais un monstre à l’intérieur d’un autre encore plus grand. Les yeux fixés sur le crucifix, j’ai répété des dizaines de fois :

Jésus, je suis votre victime. Acceptez mes larmes. Que chacune d’elles soient une mer d’amour dans laquelle je puisse cacher vos Tabernacles, afin qu’ils ne soient pas attaqués ni profanés par vos enfants.

J’ai souffert la première fois pour un prêtre qui se trouvait en grave danger, et la seconde fois pour tous les prêtres.

La rage du démon était terrible : il me semblait être entourée par une nuée ténébreuse qui m’empêchait de voir.

O mon Dieu, et les doutes d’avoir péché !… Je ne pouvais pas me souvenir que j’étais en présence de Dieu, que je l’avais en moi...

Il faisait déjà nuit quand Jésus est venu :

Ma fille, entre toi et le démon, il y a une grande distance: entre vous deux, je m’y trouve. Ce sont des astuces à lui, mais ce qu’il te montre est faux. Je l’ai Moi-même attaché et je ne permets pas qu’il s’approche de toi.[214] Courage, mon aimée. Tu es à moi, toute à moi !

Je me suis sentie revivre et je me suis tranquillisée pour quelque temps.[215]

« J’ai pleuré des larmes de soulagement... »

Hier, sans que je m’y attende, Jésus, attendri par ma souffrance, a fait venir ici le Père Umberto,[216] que je n’avais pas osé appeler. Ce ne fut qu’avec une certaine réserve que j’ai pu lui ouvrir mon âme: j’ai fait un énorme sacrifice pour parler;[217] je l’ai offert à Jésus pour ceux qui, par malice, cachent leurs fautes. J’ai pleuré des larmes de soulagement et de pudeur; mais aussitôt, une grande paix est entrée en moi, en même temps que de mon âme s’échappaient toutes les ténèbres, les doutes et tout ce qui causait ma souffrance... Je me sens aujourd’hui libérée des attaques du démon, mais je sens dans mon âme de terribles menaces: il est comme attaché et muet...[218]

« Ce sont des merveilles... »

Ce matin j’avais à peine fait ma préparation pour recevoir Jésus, quand monsieur le curé est arrivé. L’Attendu de mon âme placé sur la petite table et les cierges allumés, le cure m’a dit :

Voici que Jésus vient te rendre visite et te tenir en peu compagnie. Le Père Umberto viendra te le donner après.

À peine monsieur le curé était parti,[219] une force provenant je ne sais d’où m’a obligée de me lever. Je me suis mise à genoux devant Jésus et je me suis inclinée vers Lui. Mon visage et mon cœur n’avaient jamais été aussi près de Lui. Quelle félicité la mienne ! Je l’ai intensément prié pour moi, pour tous ceux qui me sont chers et pour le monde entier. Je me suis sentie brûler dans ces flammes divines.

En outre, Jésus m’a parlé :

Aime, aime, ma fille, n’aie pas d’autre préoccupation que celle de m’aimer et de me donner des âmes. Là où est Dieu rien ne manque : victoire, triomphe !

Je demandé aux anges de venir chanter des louanges avec moi. J’ai beaucoup chanté jusqu’à ce que le Père Umberto me donne l’ordre de me remettre au lit.[220] Enflammée par l’amour divin, j’ai fait ma Communion.

Quelques instants après Jésus m’a dit :

Ce sont des merveilles, ce sont des preuves que je donne. Dis, ma fille, à mon cher Dom Umberto que ce fut bien Moi qui le permit. Plus rien n’est nécessaire de ma part. Maintenant il ne reste plus qu’à lutter, lutter, combattre le regard fixé sur Moi. La cause est mienne, elle est divine ! Pauvres hommes qui immolent de la sorte mes victimes ! Pauvres âmes qui blessent ainsi mon divin Cœur ! Je me console dans l’amour de cette colombe innocente, de cette victime tant aimée, maîtresse de mes trésors et de toute ma richesse. Que le monde entier vienne, qu’il vienne vite boire à cette source. C’est de l’eau qui lave et purifie, c’est un feu qui brûle et sanctifie.

Mon Jésus, je vous aime, je suis toute à vous, je suis votre victime...[221]

« Combien d’âmes reculent... »

Combien d’âmes reculent !

Beaucoup, dès le début, beaucoup d’autres à moitié chemin. Elles veulent tout recevoir de moi, mais rien me donner ! Elles veulent réparer, mais sans immolation ni sacrifice.

Si tous les maîtres et sages de la sainte Église comprenaient sérieusement, profondément, ma vie divine dans les âmes, je serais bien plus aimé ; je recevrais bien plus de réparation.[222]

« Attention, Portugal !... »

Écris tout, et donne-le à ceux qui prennent soin de toi et de ma divine cause. Cela suffit; ils résolvent tout.

Ma bien-aimée, dis au monde qu’il écoute la voix de Jésus résonner sur la plus haute montagne, au milieu de la plus terrible tempête.

Qu’il y ait changement de vie, que l’on prie, que l’on fasse pénitence.

Ou bien feu, sang et condamnation, ou réconciliation: feu de l’amour divin, paix et pardon.

Attention, Portugal ! C’est Jésus qui te met en garde par les lèvres de sa victime. Attention, monde entier ! Écoute la voix de Jésus ! Lève-toi, amende-toi, réconcilie-toi ! Écoute le Père qui t’appelle, te met en garde, qui veut te sauver.[223]

Une pluie de sang...

Je suis morte, morte au monde, morte à tout. L’infime souffle de vie qui, depuis déjà un certain temps agonisait, s’est éteint. Cette force qui traînait la vie le long d’un immense cimetière, a complètement disparu.

(...)

Depuis quelques jours déjà, une pluie de sang qui venait d’en-Haut, a commencé à tomber. Il pleut du sang, continuellement. Cette pluie a tout d’abord mouillé et imbibé les cendres; ensuite, elle les a lavées jusqu’à ce qu’elles disparaissent; il n’en reste plus rien. Et le sang continue de tomber d’en-Haut. Il tombe sur ce qui est propre; il n’y a plus rien à laver. O mon Dieu, comment puis-je parler d’une chose qui n’existe pas !

(...)

Je veux souffrir, je veux réparer pour tous ceux qui pèchent en ce moment. Des heures se sont ainsi passées et je rentrais en moi pour parler aux Personnes divines de mon âme. Combien de fois je sens en moi leur royale présence ! Je sens l’Esprit Saint sur son trône, le trône de mon cœur, entre le Père et le Fils, et, eux, surtout, battent de leurs ailes blanches comme pour me réveiller et me dire qu’ils sont présents. Il m’éclaire de son amour, me gratifie des effusions de son divin feu... O si toutes les âmes connaissaient et sentaient en elles la présence du Père, du Fils et du Saint-Esprit ! [224]

Visiteurs de toutes parts...

Jour après jour ma vie devient de plus en plus, à chaque moment, pénible et triste. L’ordre d’obéir m’oblige à vivre cachée, à ne recevoir plus personne, devenant ainsi, petit à petit, oubliée. O mon Dieu, s’il ne tenait qu’à ma volonté, c’est cela même que je voudrais, mais quel leurre ! Plus on me veut cachée, plus on me fait connaître. Des visiteurs arrivaient de toutes parts. La curiosité des médecins a été éveillée.

Oh âmes, âmes, si vous saviez les souffrances qu’il faut endurer pour vous sauver !

O mon Jésus, combien élevé est le prix pour la conquête de votre amour !

Ce matin, quand je me préparais pour la visite de mon Aimé, je me suis sentie triste et amère : mon Dieu, vous recevoir ainsi, si remplie de misère !

Ayez pitié de moi, Jésus ! O Petite-Maman, purifiez mon cœur, mon corps et mon âme ! Préparez-moi pour la visite de Jésus !

Il est venu et m’a rassérénée : je le sentais dans mon âme. Il adoucit ma douleur en m'unissant toute à Lui.

Quelques instants après on m’a apporté la nouvelle que mes écrits, que nous croyions perdus et que le démon m’affirmait avoir dans sa main, étaient arrivés à destination.[225] J’ai éprouvé une très grande joie et, étant donné que je venais de recevoir Jésus, j’ai profité pour le remercier plus intimement.

Peu après les visites ont commencé : Jésus m’a donné la force pour affronter d’aussi grands sacrifices.

Vers 14,30 heures cinq hommes sont entrés dans ma chambre ; j’ai eu aussitôt le pressentiment que l’un d’eux était médecin. Ils m’ont interrogée. Je ne sais pas pourquoi mon regard se fixait plus particulièrement sur l’un d’eux. J’ai su ensuite que celui-ci était médecin. Habitée par mon pressentiment, je répondais à toutes les questions et cherchais à m’expliquer de la meilleure manière que je pouvais sur ma maladie. Ce n’est pas pour autant que j’étais sereine. O Jésus, vous seul savez tout ce que cela m’a coûté ! Mon Dieu, quand tout cela sera-t-il fini ? Certainement seulement avec ma mort.

Je répondais aussi avec fermeté, car la vérité n’a qu’un seul chemin. Ensuite ils ont porté la conversation sur l’alimentation. Quel rude coup ! Si seulement tout le monde l’ignorait !

Alors, pourquoi ne mangez-vous pas ?

Je ne savais pas si je parlais à des personnes religieuses ou pas, toutefois, sans respect humain, j’ai répondu :

Je fais la Communion tous les jours.

Il s’en est suivi un long et profond silence : pas un geste, pas un sourire. Peu après ils ont pris congé avec respect et délicatesse.

Jésus, ma Petite-Maman, divin Esprit-Saint, donnez votre lumière à ces âmes : qu’elles soient à vous et suivent votre chemin.

Que mes humiliations et mes sacrifices soient salut pour tous. [226]

« J’étais sur la croix... »

Avant quinze heures, j’ai senti dans ma tête les épines si profondément, qu’il me semblait, parfois, que ma tête se couvrait tout entière de sang.

J’étais sur la croix ; j’étais sur le Calvaire, sans lumière, sans joie, sans vie.

Qui n’a pas de vie, comment peut-il sentir ?

O mon Dieu, combien grands sont vos mystères ! [227]

« Je me suis sentie un rien... »

Fête du Christ-Roi. Au petit matin, lors de la préparation à la Communion, je me suis engagée à consoler Jésus : j’ai demandé à la Maman du Ciel de lui offrir mes prières et tous mes actes pour sa plus grande gloire et afin qu’il règne sur le monde entier et dans tous les cœurs. Je me suis offerte à Jésus par Marie...

Beaucoup de personnes sont venues me rendre visite : des demandes étranges et désagréables m’ont fait beaucoup souffrir. Que tout cela soit par amour de Jésus et Marie ! Ce sont Eux qui me donnent la force pour sourire à tous et cacher ainsi ma souffrance.

Je me suis sentie un rien : un rien qui n’existe plus ; je me suis sentie morte et, avec moi, morte aussi toute l’humanité ; mais il s’agissait d’une mort qui n’avait jamais eu de vie.[228] Qu’en sera-t-il de moi, mon Dieu ? Quel tourment ! Dans cette mort émergeaient des anxiétés presque insupportables d’aimer Jésus : aimer sans sentir, aimer sans connaître l’amour.

Je joins cette note : de terribles menaces du démon m’ont tourmentée et m’ont remplie de peur et de terreur.

Mon Dieu, je ne veux que ce que vous voulez. Je suis prête à tout. Ne permettez pas que je vous offense.[229]

Luttes indescriptibles [230]

Le démon est menteur, mais cette fois-ci il ne l’a pas été. Hier, avec des paroles grossières, il m’ordonnait de me préparer pour la nuit. Il a été de parole. Je ne sais pas avec précision, mais probablement vers les 22 ou 23 heures, il est venu avec toute la fureur et la malice infernales. Je ne veux même pas y penser. Quelle horreur ! J’ai lutté pendant longtemps.

Ma peur était qu’il arrive à obtenir de moi que je dise :

Je ne veux pas Jésus ; je ne veux pas Marie ; je ne veux pas le Ciel. Je les hais ! Je leur tourne le dos ! Je veux le plaisir, je veux jouir.

Je ne peux pas le jurer, mais je crois que je ne l’ai pas dit.

Ce n’était que de temps à autre que je pouvais appeler Jésus et la Petite-Maman, m’offrant comme victime.

Dans les moments pendant lesquels il me semblait pécher sans autre possibilité, j’étreignais, comme je le pouvais mon crucifix et la Maman[231] du Ciel, leur disant :

— Aimer, oui ! Pécher, non !

L’affliction de mon cœur a été si grande que pendant longtemps j’ai cru mourir.

Je me rappelais ensuite des promesses de Jésus et cela me réconfortait.

Je veux le Ciel, mais je veux une mort d’amour. Je ne veux pas mourir entre les mains de Satan.

Je me voyais au bord d’un horrible précipice. Parmi les ténèbres de cet abîme on voyait de gros crochets, bien visibles. Très épouvantée parce qu’il me semblait que j’allais y tomber sans la moindre possibilité de m’en échapper, je me suis évanouie. Mon cœur battait très fort: ma mort semblait éminente. Ce n’était que mentalement que j’arrivais à dire :

O mon Jésus, si seulement je ne péchais pas, cette souffrance m’importerait peu !

Je suis ainsi restée dans cet accablement et cette triste agonie : le péché, le péché, quelle préoccupation !...

Mais Jésus est venu et m’a parlé :

Tu ne pèches pas, tu ne pèches pas, ma fille ! Aie confiance, aie courage ! J’exige de toi cette réparation. As-tu vu cet abîme ? Par ta souffrance tu évites à un grand nombre d’âmes d’y tomber. Pendues à ces crochets elles restent prisonnières pour toujours...

« Jésus, je veux vous aimer !... »

Toussaint. — Très tôt, au petit matin, pendant que je me préparais à recevoir mon Jésus, j’ai chargé les Saints d'aimer pour moi Jésus, la Petite-Maman et la Très Sainte-Trinité. Dans le doute d'avoir offensé mon Jésus[232] je Lui ai demandé pardon à plusieurs reprises pour tous mes péchés et j’ai prié la Vierge de Lui demander, Elle aussi, pardon pour moi : je voulais faire une communion très fervente et sainte.

Jésus est venu, et a ravivé en moi le désir d’un amour toujours plus grand. Assez troublée par ma misère, je n’osais pas fixer sur Lui mon regard ni Lui parler... Je cherchais à me cacher sous toutes les montagnes ; et je l’ai fait: j’ai couru vers celles-ci et toutes, elles sont tombées sur moi. Alors j’ai pu m’écrier :

Jésus, mon amour n’a d’autre fin que de vous aimer. Je veux vous aimer, mais non pas pour paraître ni pour plaire aux créatures.

J’ai continué de demander l’amour de Jésus, sous le poids écrasant des terribles montagnes.[233]

Je voulais vivre la vie du Ciel, dans la pensée de tout ce que se passait là-haut, en ce jour. Je voulais fêter les saints et louer le Seigneur avec eux, mais je ne le pouvais point. Je criais seulement :

Jésus, je veux vous aimer !

Mais mon cri n’était pas entendu, ne sortais pas, restait suffoqué par les rochers.[234]

Que faire, mon Dieu ? J’accepte avec joie tout ce qui m’arrive de vos mains bénies. Je suis à vous et tout cela est pour vous.

De temps à autre, parmi ces désirs d’amour, intervenaient les menaces du démon, jusqu’au moment où, la nuit arrivant, il est devenu furieux. Il utilisa tous les moyens et tous les noms mauvais ; il a même trouvé le moyen de me faire sentir dans l’âme des désirs de pécher.

Ce sont des choses à lui, car moi, je ne veux pas pécher. Je préfère des millions d’enfers à la plus petite faute... [235]

« Tu es la reine de la douleur... »

Ma reine ! Tu es ma reine, parce que je suis ton Roi, je suis sur ton trône, je règne en toi, tu es donc ma reine...

Je te donne encore davantage : le titre de reine de la douleur, reine de l’amour, reine des pécheurs. Tu régneras, tu triompheras sur eux.

(...)

Je suis ton Époux, je suis ton Roi, Seigneur de tout ton être. Je t’ai fait dépositaire de tout ; je t’ai donné toutes mes richesses... Je t’ai fait puissante sur la terre et dans le Ciel... Bienheureux les pécheurs qui, au moment de leur mort, auront quelqu’un qui te les recommande et te les confie... Tu régneras, tu triompheras sur eux. [236]

« O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus !... »

Jésus m’a déposée entre les bras de la Maman du Ciel. Avec combien de douceur et si affectueusement Elle m'a embrassée ! Mon visage était tout contre le sien, couvert de tendresse et de ses caresses! Je peux le dire : plus jamais je ne me suis sentie de la sorte. J'ai eu un avant goût du Ciel. J'avais l'impression d'être enveloppée par un nuage.

Maman, ma Petite-Maman, quel bonheur le mien !... Qu'est-ce que ce sera alors de jouir de vous au Ciel et pour toute l'éternité !...

— O ma fille, ô bien-aimée de mon Jésus, aie confiance, confie ! Dans peu de temps, bien peu, pour toi ce sera le Ciel, la joie éternelle. Je te le confirme, ma fille, les paroles du tien et mon Jésus : tu ne l'offenses pas.[237] J'ai compassion de toi, de te voir au milieu d'aussi cruelles luttes, sachant combien tu aimes la pureté : c'est pour cela que je t'aime et que Jésus t’aime, Lui aussi. Il a besoin de ta réparation. Si seulement tu savais combien Il est offensé par les manquements fréquents à la vertu de la sainte pureté !

Elle m’a caressée de nouveau et Elle-même m’a confiée à Jésus.

— Prends, mon Fils, prends ta fille. Donne-lui maintenant ton amour, comble-la de tes tendresses.

(...)

Prise dans les affres de l’amour, et la douleur amère de mes fautes, le divin Esprit Saint a agité ses ailes, dans la partie la plus intime de mon âme. Il a fait avec moi comme les oiseaux font avec leurs petits, dans leur nid. Avec son bec de feu divin, il a alimenté mon cœur et ensuite, l’introduisant entre mes lèvres, il a alimenté tout mon être. Je me suis senti une vie toute nouvelle. Je pouvais aimer et servir mon Jésus. Ces moments sont brefs ; je retourne presque aussitôt sur ma croix, presque aussitôt je me retrouve sans vie. [238]

« Bergère de Jésus... »

Ma fille, tu es mon palais, le richissime tabernacle où j’habite. Ma fille, reine du martyre, reine de l’immolation. Reine oui, parce que ton martyre est supérieur à tout autre martyre et immolation. C’est pour cela que tu es reine. Ma fille, ma belle colombe, étoile étincelante, c’est par ton éclat et ta pureté que tu attires les âmes et les conduis à mon divin Cœur...

Courage, ma petite bergère ! Quand tu seras au ciel, on t’invoquera sous le titre de Bergère de Jésus et sous tous les titres sous lesquels je t’ai appelée.

(...)

L’après midi, je me suis sentie plongée dans une nuit obscure. Il me semblait que mon corps et mon âme tremblaient, comme s’il s’agissait d’une branche souffle par le vent. Les yeux de mon âme, et non pas ceux de mon corps, fixaient le ciel, sans savoir comment. Mon esprit s’exclamait : “Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonnée ?” À cette exclamation, d’en-Haut, sont descendus sur moi, divers reflets, comme des reflets d’un soleil radieux. Ces reflets venaient, comme des flèches, me pénétrer le cœur et l’âme; ils me donnaient la force de supporter ma grande frayeur.[239]

« Mon âme vivait la tempête... »

(...)

Mes souffrances sont diverses. À certaines heures mon esprit vogue dans l'air, toujours plongé dans d’épouvantables ténèbres, sans trouver un endroit où il puisse se reposer un peu. Je veux sortir, je veux m’en aller, rejoindre le Ciel ; mais je ne le vois pas, je ne le trouve pas : pour le moment il n’existe pas. Jésus et la Petite-Maman n’y sont pas; ils n’entendent pas le cri qui les appelle, ne voient pas l’anxiété et le martyr de ce pauvre esprit. O mon Dieu, tout est perdu !

O Jésus, pourquoi tant de souffrance ! Le Ciel n’existe-t-il pas ? N’y a-t-il plus d’âmes à sauver ? Tout a cessé d’exister.

O Jésus, je suis toujours votre victime, je crois en votre existence ! Je crois au Ciel où vous habitez et qui m’attend pour vous y aimer et vous y louer.

(...)

Tristes heures, tristes jours de mon existence... Heures terribles de grande confusion... Mon âme avait des fracas de tempête...

(...)

Mon Dieu, quelle destruction! Devant moi une épouvantable montagne: je ne peux y monter, je ne peux pas non plus revenir sur mes pas.

Tout à coup je me suis retrouvée à genoux, les yeux tournés vers le Ciel et j’invoquais les noms de Jésus et Marie. J’ai crié fort du plus profond de mon âme mais mon cri n’est pas arrivé là-haut : il se dispersait contre les rochers de la montagne, il s’imbibait dans mon sang et dans mes chairs lacérées par les épines, pour mourir avec moi.

(...)

Le démon ne me tourmente pas de ses assauts, mais avec des artifices et des paroles scandaleuses. Il vient tout près de moi comme pour m’agresser, mais il ne me touche pas. Il me menace en me disant :

— Je dois détruire ton corps.

Et il ajoute beaucoup d’attitudes dégoûtantes.

— Pèche quand tu veux et comme tu veux !

Et faisant semblant d’être très content, il applaudit, danse et continue ses ricanements.

— Regarde : Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici ; ils t’ont abandonnée ; ils te croyaient une innocente alors que tu n’es qu’une...

Et il m’appela de tous les pires sobriquets. Avec d’autres ricanements il ajoute :

— Ils ont été interdits de venir ici.

— Mon Jésus, le père du mensonge ne me laisse pas. Il est mon ennemi, mais le votre aussi. J’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne. Donnez-moi courage. Ne me laissez pas commettre le péché. Je suis très pauvre, donnez-moi vos richesses; je suis dans l’obscurité, donnez-moi votre lumière. Je suis à vous, Jésus, je vis pour les âmes.

(...)

Mon agonie se transforme. O quelle horreur, quelle horreur, terrible horreur !

Mon Dieu, que m’arrive-t-il maintenant ? Mon âme est morte ; tout ce qui m’appartenait est mort. La mort de mon pauvre corps a été causée par les misères, la méchanceté, les crimes honteux. Sans âme, sans vie, sans rien, comment puis-je encore être là ? À qui appartiennent cette douleur et cette agonie ?

Jésus, je ne sais pas !... O, quelle triste confusion ! C’est presque du désespoir. O mon Jésus, ô Petite-Maman, qu’en sera-t-il de moi, si vous ne venez pas à mon aide ? Si vous, vous me manquez, qui pourra me soutenir. Sang de Jésus, douleurs de Marie, soyez ma force dans ce martyre, car si j’y suis, c’est par amour pour vous, pour l’amour des âmes. Je ne peut pas me complaire de la mort de mon âme ; j’ai envie de me révolter contre vous ! Je pense aux condamnés à l’enfer ! Combien plus pénible ne sera-t-il pas d’être condamnée pour toute l’éternité ! [240]

« Je détruirai ton corps... »

Nouveaux assauts du démon : cette nuit il est venu animé par une grande fureur...

— Je détruirai ton corps. Tu peux vivre aussi bien des plaisirs, que d’amour. Il est bien plus agréable de pécher. Je t’entraînerai dans les plaisirs.

Ensuite, en ricanant :

— Tu vois ? Dom Umberto et le médecin ne reviendront plus ici: ils en ont été interdits.

Et il ajoutait des sobriquets indécents.

Le démon, quelquefois, a dit la vérité.[241] Depuis quelques jours j’avais le pressentiment que l’on avait interdit le Père Umberto de venir me voir...

La lutte contre le maudit s’est prolongée pendant longtemps... Je suis restée exténuée de tant lutter.

(...)

Le matin suivant, quelques heures après la Communion, en voyant les miens manger des mets qui me plaisaient, j’ai ressenti une grande nostalgie, presque insupportable, de m’alimenter.[242] Mais je suis restée silencieuse, offrant à Jésus le sacrifice et la nostalgie des aliments, pour ceux qui n’ont que du désir pour le péché et s’alimentent de choses qui offensent Jésus.

Un coup douloureux

Il était déjà tard quand j’ai eu des nouvelles qui confirmaient mes pressentiments. Mon Dieu, quelle profonde blessure dans mon cœur! On ne me le dit pas, mais j’ai été convaincue que le Père Umberto avait été interdit de venir jusqu’ici. Pour moi-même, j’ai dit : “Que la volonté du Seigneur soit faite! Bénie soit ma croix !”

J’ai pu lever mes mains et réciter le “Magnificat”, comme action de grâces.

Acceptez, mon Jésus, encore cette offrande.

Une force inexplicable envahit mon cœur: je voulais chanter des hymnes de louange et d’actions de grâces. J’ai récité les prières du soir avec beaucoup d’enthousiasme et beaucoup d’énergie. Et puis ce furent des larmes, beaucoup de larmes autour de moi. J’ai adressé quelques paroles de réconfort, mais cela ne servit à rien. À côté de moi je voyais se creuser une sépulture pour ma sœur et c’était moi qui la creusait.

C’est moi, mon Jésus, qui suis en train d’ensevelir Deolinda, mais involontairement.

Et mon cœur saignait au profondément.

O Jésus, ô Petite-Maman, que tout cela soit par amour pour vous et pour les âmes ! Que je reste seule, que tous m’abandonnent; mais Vous, ne m’abandonnez pas ! J’ai confiance, j’ai confiance en Vous.[243]

« J’ai tout confié à Jésus... »

(...)

Une crainte m’a envahie. Avec les pressentiments que j’avais eus et qui s’étaient réalisés, et qui me faisaient tant souffrir, j’ai attendu le curé avec anxiété, pour voir s’il me disait avoir reçu l’ordre de ne plus me donner Jésus. Il est venu ; il ne m’a rien dit, mais la crainte continue. N’y aura-t-il que cela ? On m’a tout enlevé, sauf Vous, ô Jésus ! Tenteront-ils de le faire ?[244]

O mon Dieu, je mérite tout cela à cause de mes méchancetés et de mes misères ! Je suis sûre, mon Jésus, que s’ils procèdent de la sorte, vous y suppléerez d’une autre façon: je le sais bien, je ne vis que pour Vous.

Un prêtre est arrivé de Mogofores [245] avec une famille. Cela me fut bien difficile ! De nouvelles épines m’ont blessée, car celui qui comprenait si bien mon âme, n’est pas venu. J’ai cherché à cacher ma douleur par un sourire. J’ai expliqué mes pressentiments ; on m’a répondu en voilant le plus possible la vérité, mais j’ai tout compris. En prenant congé de lui, je ne sais pas expliquer la profonde douleur que j’ai ressentie. J’ai expérimenté une grande nostalgie de celui que la bêtise des hommes m’avait enlevé. J’ai tout confié à Jésus, pour tous j’ai demandé son pardon et son divin Amour.

Volonté de mon Dieu, combien je te désire et combien je t’aime !

Je me suis sentie plus forte, et ainsi j’ai pu couvrir, par mon sourire la douleur qui broyait mon âme...[246]

« Que de leçons tu donnes au monde !... »

Donne aux âmes ce que je te donne; donne aux âmes ta vie intime avec moi. Que de beautés, que de leçons tu donnes au monde !

Bénie de mon Père, dépositaire de tout ce qui est divin ; puissante en tout, mais de tous les pouvoirs qui concernent les âmes...

O auxiliatrice des pécheurs, aide-les, lave-les dans le sang de ta douleur, purifie-les dans la plaie de ton cœur, plaie qui saigne uniquement pour eux et pour moi !... [247]

« Mon nom parcourt le monde... »

Je dicterai ce qui se passe dans mon âme pour obéir, non pour satisfaire mes désirs.[248]

J’ai toujours devant moi l’énormité de mes misères passées et je crains toujours de nouvelles chutes.[249] Quelle horreur, de voir toujours ce que j’ai été ! Comment puis-je, moi qui ne suis que misère, dire quelque chose de bien ? Elles sont bien tristes ces pensées et ces craintes! Ma confusion augmente, me voyant les mains vides... Je me mets en présence de Jésus sans rien, rien. Mon Dieu... sans vie pour pratiquer le bien, et sans amour pour vous aimer ! Pour aimer et pratiquer le bien, la vie est trop courte, et je ne la sens pas, je ne l’ai pas. Au contraire, dans l’attente de venir à Vous, ô Jésus, pour vous aimer et vous louer éternellement, même une heure devient une éternité ! Comment puis-je rester ici ? Ma vie qui appartient à je ne sais qui s’est enfouie là-haut et de là contemple le lieu où elle a laissé ce pauvre corps... elle lutte et souffre d’une manière que je ne sais même pas exprimer.

De dedans sortent des ondées de feu, feu qui brûle même ma langue. Souvent je demande un peu d’eau pour mes lèvres, pour  dire d’étancher ma soif. Impossible ! Les ardeurs ne cessent pas et je demande que l’on me donne de l’eau que je ne peux même pas avaler. Combien souffrent les damnés !...

Je continue d’entendre au loin les horreurs de la tempête. Je sens des cœurs révoltés contre moi: ils tentent d’effacer mon nom, ils tentent d’étouffer tout ce qui existe en moi, tandis que moi, entre ces quatre murs, je souffre l’indicible. Mon nom parcoure le monde comme une feuille que la tempête entraîne. Je suis poursuivie et calomniée.

Par qui, mon Jésus ? Vous le savez ! C’est pour toi et pour les âmes.

Je sens mon corps comme une masse de sang; je le sens comme étant placé entre deux montagnes qui l’écrasent jusqu’à le faire disparaître, le réduisant à néant...

Mon Dieu, tout est mort, tout est perdu ! Et je suis seule, sans personne ! Entre ces deux montagnes, lieu de supplice, il ne rentre pas un rayon de lumière. Qui pourra me secourir ? Il n’y en a aucun. S’il en était possible et que moi je l’ai pu, j’irais à genoux demander de l’aide, afin que l’on libère celui qui souffre tant et duquel je souffre l’absence. Combien je recevrais davantage de lumière et combien davantage d’amour recevrait Jésus ! Si je le pouvais, j’irais à genoux devant ceux qui me font souffrir, pour leur demander :

En quoi vous ai-je offensé, pour que vous me traitiez de la sorte ?...

(...)

Cela s’est passé la nuit, je ne sais pas à quelle heure : j’ai vu à côté de moi la Vierge de Fatima. Elle ne s'est pas arrêtée, Elle ne m’a pas parlé. J’ai compris qu'Elle était venue pour me montrer que je ne me trouvais pas seule, qu'Elle était à côté de moi.

Libérée ainsi de la tristesse qui m'habitait, une douce suavité m'envahit et alors j’ai pu m'endormir. [250]

« Ma fille, ta douleur est ma consolation... »

(...) Aujourd’hui, après la Communion je me suis épanchée avec mon Jésus pour soulager ma souffrance, mais sans en attendre une réponse. Jésus incendia d’abord mon cœur avec de vives flammes... Puis il a commencé à me parler :

Ma fille, ta douleur est ma consolation ; tes larmes sont pour moi des sourires, par la réparation que tu me procures. Courage pour toutes les épreuves passées et celles qui peuvent encore venir. Tu as ton Jésus. Que peux-tu craindre ? Tu as la grâce et la force pour combattre et vaincre des milliers de mondes. La victoire est mienne, seulement mienne. La gloire est mienne et de ceux qui en ont le soin de mes affaires.

J’ai acquis une nouvelle force et mon âme a été réconfortée. Cela a peu duré et je suis retombée dans la souffrance habituelle...[251]

« Restez, Jésus, cela me suffit... »

(...)

Hélas ! le vendredi et le premier samedi arrivent: deux jours pendant lesquels vous me parlez. O Jésus, il a tant d’âmes qui ne connaissent rien de tout cela et qui pourtant vous aiment et sont saintes ! Moi aussi je pourrais vous aimer sans toutes ces choses. Eussé-je ma volonté ! Mais je ne l’ai pas et je ne la veux pas.[252] C’est toujours pénible pour moi quand vous me donnez des consignes à transmettre à d’autres personnes. Quelques fois je l’ai fait, mais très peu. Je ne suis pas capable de le faire sinon par écrit et si par un quelconque motif j’y suis obligée; cela me coûte un énorme sacrifice. Si cela n’est pas indispensable, je ne dis jamais : « Écoute ce que Jésus a dit... », même avec ma sœur, je ne prends jamais cette liberté ; je n’y arrive pas, j’ai honte.

Si le Seigneur se lamente de personnes en général, sans les nommer, quand je dicte, je me sens intimidé, j’aimerais l’occulter en disant le moins possible. Il en de même quand il parle de moi avec louange : Jésus seul sait combien cela me gêne et me fait souffrir.

Il était 14,30 heures quand j’ai entendu des pas. J’ai compris aussitôt qu’il s’agissait de monsieur le Curé. Quand je l’ai vu seul, sans que d’autres l’accompagnent, j’ai tout de suite compris que l’heure de nouvelles épreuves était arrivée.

Il est entré, s’est assit et, avant toute autre chose il m’a demandé qui était mon directeur spirituel, en ajoutant de suite :

Je fais ceci, parce que j’y suis obligé. Cela me coûte beaucoup; mais aie patience : il est nécessaire que je procède ainsi car j’ai reçu de nouvelles consignes, afin que certaines choses soient éclairées. Tu ne peux plus te confesser au Père Umberto. Moi-même je ne peux plus l’autoriser à célébrer la messe dans l’église paroissiale et non plus lui permettre de te porter la communion, sauf s’il me présente une autorisation écrite de l’archevêque.

Je Lui ai répondu :

Nous obéirons, Monsieur le Curé. Béni et loué soit le Seigneur !

Il m’a demandé si je savais pourquoi il s’était rendu chez moi. J’ai répondu que je l’ignorais.

Mais lui, est-il ton directeur spirituel ?

Je me suis confessée à lui deux ou trois fois. Je ne suis pas la seule à le faire. Toutefois, j’avais remarqué qu’il comprenait bien mon âme. Mon confesseur c’est le Père Alberto Gomes et çà vous le savez.

Mais est-il ton directeur ?

Il m’a dirigée. Toutefois il m’a dit qu’il ne voulait en aucun cas s’ingérer ou se substituer à quelqu’un d’autre: c’est-à-dire le Père Pinho et le confesseur. Il ajouta même qu’il était convenable que le Père Alberto soit au courant que je m’étais confessée à lui.

Monsieur le Curé, avec beaucoup de charité m’a dit :

Le Père Umberto peut venir ici te visiter, et peut aussi te conseiller par écrit.

L’interrogatoire terminé, il s’en alla.[253]

À peine monsieur le curé était sorti, qu'une personne de la famille est entrée dans ma chambre, pour me demander s’il y avait du nouveau. En souriant je lui ai répondu :

Ce sont les caresses de Jésus.

Et j’ai continué de sourire pendant toute la conversation. J’avais en moi une telle force que j’aurais été capable de tout accepter avec résignation et joie. Mais cette force devait durer peu de temps. J’ai pu encore dire à ma sœur quelques paroles de réconfort :

Ne t’attristes pas ! Si Dieu est avec nous, qui pourra être contre nous ? Jésus est digne de tout notre amour. Que tout ceci soit en faveur des âmes.

Petit à petit je me suis écroulée sous le poids écrasant de la douleur: le cœur sembla s’arrêter par deux fois et il me semblait que j’allais perdre la vie. Quelques larmes me sont échappées : je les ai offerts à Jésus comme autant d’actes d’amour.

Mon Dieu, par votre grâce, je n’ai aucun attachement au monde, non plus qu’aux créatures. Ce que je souhaite c’est vous recevoir, et peu m’importe que ce soit par un prêtre d’ici ou d’ailleurs. Vous êtes toujours le même, Jésus; vous êtes toujours le Désiré de mon âme. J’ai besoin de lumière et de quelqu’un qui me comprenne, et je suis privée de tout. Que votre volonté soit faite. Restez, Jésus, cela me suffit.

Mon médecin est arrivé et je me suis confiée à lui. Il m’a encouragée comme toujours. En prenant congé il ajouta :

Alors, avez-vous du courage ?

J’en ai, docteur, mais j’ai aussi un cœur pour souffrir ! Si seulement je ne l’avais que pour aimer !...

Le soir j’ai récité le “Magnificat” deux fois...

Je sens, mon Jésus, que mes épreuves ne s’arrêteront pas là. Arrive ce qui doit arriver : restez toujours avec moi. J’ai confiance, j’ai confiance et j’espère en vous.[254]

« Je ne veux pas de vengeance... »

Un jour passe, passe une année, une autre encore, et moi, je me trouve toujours au milieu de souffrances de plus en plus grandes. Je ne sais pas comment peut-on souffrir de la sorte; comment peut-on résister à autant ? Je ne veux pas dire que je souffre, car ce n’est pas moi qui souffre: c’est Jésus qui souffre en moi. Mon âme a laissé la terre, mais continue de ressentir la douleur: elle se sent broyée, détruite...

Mon Dieu, combien coûte cette séparation de l’âme du corps ! Combien coûte de ne pas avoir de vie et de ressentir la douleur ! Tous s’éloignent de moi : je ne sens pas la présence de l’Esprit Saint ; je ne ressens pas de l’amour pour Jésus. De temps à autre j’ai envie de l’aimer : ce ne sont que des envies; c’est un amour qui naît pour mourir de suite, c’est un feu qui consume, mais qui est éteint; on ne voit aucun signe de flamme. O douleur qui tue l’amour ! O douleur, à qui appartiens-tu et pour qui souffres-tu !

Jésus, je suis sur la cime du calvaire, clouée sur la croix. Ma peur et mon cri ne s’arrêtent pas. Pauvre de moi ! Mais il n’est pas entendu: il est étouffé par le souffle des vents, par la fureur de la tempête qui ne s’arrête pas, qui continue toujours. Il est étouffé par les hurlements de l’humanité révoltée contre moi.

Du haut de la croix je ne peux lever mes yeux vers Vous, ô Jésus ! J’ai honte, j’ai l’impression de ne pas être écoutée de vous...[255] Dans ma détresse, je suis allée jusqu’à demander au docteur si je pouvais m’enfuir dans un endroit où personne d’autre ne me trouve.

Mon Jésus, j’aimerais partir, non pas pour m’enfuir, mais pour être oubliée, pour ne pas être une entrave pour les âmes, pour ne pas causé des troubles, comme le dit quelqu’un. Je ne demande pas vengeance, pour celui qui me fait souffrir. Je souhaite pour eux ce que je souhaite pour moi: abondance de grâces et l’Amour suprême. Ce ne sont pas des paroles sorties uniquement de mes lèvres ; elles viennent du plus profond de mon cœur et de mon âme...

O Jésus, je n’ai jamais cherché à tromper quelqu’un ! Cela ne m’est jamais venu à l’esprit de faire du bien pour être agréable aux créatures et pour passer pour quelqu’un de bien. Mais j’ai eu la tentation de Vous tromper, mon Jésus. Je sais que cela aurait été impossible ; mais vous savez que je ne l’ai pas pensé, que je ne veux pas passer pour ce que je ne suis pas. Grâces à vous je connais ma misère ; je suis mauvaise par ma propre faute, rien que par ma faute. Et par votre grâce, je confesse humblement l’être. Jamais je n’ai pensé me servir de vous pour remédier à mes maux, ni à ceux des miens;[256] mais uniquement pour implorer votre secours et être toujours confiante dans vos moyens... Si seulement je pouvais, Jésus, descendre de mon lit, passer la nuit sur le dur parquet pour faire pénitence et implorer vos divines grâces pour tous ceux qui souffrent à cause de moi ! Si seulement j’étais la seule à souffrir ! Cela me fait beaucoup de peine que ceux qui me sont chers, et ceux à qui je dois tant, pour tout ce qu’ils ont fait pour moi, souffrent eux aussi...[257]

Rappeler ce que le Christ a souffert

(Moments de la Passion)

(...)

À l’aube je me sentais en prison : triste, harassée, épouvantée et honteuse ?

Plus tard, les mains attachées et la tête douloureuse et sanguinolente à cause des blessures de la couronne d’épines, j’avais l’impression d’être conduite par les chemins. Une multitude de curieux me regardait : les uns avec compassion, les autres avec dégoût. J’entendais le tumulte du peuple : un énorme charivari ! Je me sentais seule. J’ai regardé vers Jésus crucifié : je me suis vue enlacée à la croix et j’ai dit à Jésus :

Mon Jésus, qu’importe si tous m’abandonnent, si vous, vous ne m’abandonnez pas ? Si je vous possède et si vous êtes avec moi, je ne suis pas seule.

Dans l’après-midi, je me suis sentie sur la croix: l’âme clouée avec le corps, les deux dans une même douleur. L’âme élevait le regard vers le Ciel : elle n’y voyait que douleur et mort, elle ne pouvait rien dire à Jésus.

Il est venu, il est venu plein d’amour :

Viens, ma fille, folle de douleur et d’amour, viens vers Moi. C’est douleur qui sauve, c’est folie d’amour pour Moi. Si le monde connaissait cette vie d’amour, cette union conjugale[258] de Jésus avec l’âme vierge, avec l’âme qu’Il se choisit pour épouse ! Le monde l’ignore et, comme il l’ignore, il la calomnie, la méprise, la poursuit.

O ma belle colombe, tu es épouse et mère ; mère qui ne cesse d’être vierge. Tu es mère des pécheurs : ils sont les enfants de ta douleur, les enfants de ton sang, sang que tu perds goutte à goutte, enfants de ton amour.[259] Du Ciel, ma fille, tu entendras très souvent les pécheurs t’appeler depuis la terre et t’invoquer du doux nom de mère. T’invoqueront ainsi ceux qui ce verront libérés des mains du démon et reconnaîtront avoir été libérés par toi, s’approchant ainsi de mon divin cœur. Grande douleur, bienheureuse douleur !...

Mon Jésus, combien je suis gênée et confuse ! Si je pouvais occulter tout cela ! Si seulement tout ceci pouvait rester entre Vous et moi ! Cela me rend confuse, en regardant ma misère !

Tu sais déjà que j’ai besoin de ta misère pour cacher ma grandeur. Écris tout cela, écris, ma fille. Si ce que je dis restait dans le secret, cela ne servirait à rien, pour le monde. Mère des pécheurs, nouvelle co-rédemptrice, sauve-les. Jamais il n’y eut et jamais il n’y aura aucune autre victime immolée de cette manière, car jamais le besoin n’a été aussi grand qu’aujourd’hui, mais le monde a tant péché. Dix-neuf siècles se sont écoulés depuis que je suis venu sur la terre, et pourtant j’ai dû susciter une nouvelle âme corédemptrice choisie par Moi pour rappeler au monde ce que le Christ a souffert, ce que c’est que la douleur, ce que c’est que l’amour et la folie pour les âmes. Tu es la nouvelle corédemptrice qui vient les sauver; tu es la nouvelle corédemptrice qui rallume dans l’humanité l’amour de Jésus. Nouvelle corédemptrice qui sera rappelée jusqu’à ce que le monde existe.

Ma fille, tu es le livre sur lequel sont écrites, avec douleur et sang, en lettres d’or, toutes les sciences divines ! Courage, mon aimée, ne crains pas la tempête, ne crains pas le bruit du tonnerre annonciateur des nuages qui font pleuvoir des grâces, de l’amour et de la manne céleste !

Rassasie-toi, ma fille: c’est d’amour et de manne que tu vis. Rassasie-toi afin que tu puisses en distribuer aux âmes.

Merci, mon Jésus !

Je me suis sentie plongée dans l’amour de Jésus avec une telle intensité que, le colloque terminé, je pensais ne pas pouvoir supporter le feu qui me dévorait le cœur...[260]

« La douleur est fille de l’amour !... »

Nuit de douleur, nuit de ténèbres. Le démon est venu... Il m’est apparu sous la forme d’un serpent épouvantable. Il était aussi gros qu’une personne, recouvert d’écailles longues et dégoûtantes. Il s’enroulait de façon à paraître non pas un, mais une montagne de serpents. J’en suis restée troublée...

— Tu es condamnée à l’enfer ! Dis-moi que tu veux les plaisirs; dis-moi que tu veux le péché ! Ou bien tu désistes de ton sacrifice comme victime ou je détruis ton corps et je t’engloutis.

Et en disant ceci, il faisait un mouvement comme pour m’avaler.

Dans les moments les plus désespérés, j’ai demandé l’aide du Ciel... Combien Jésus veille et défend celui qui ne veut pas l’offenser! J’ai été libérée. Bien que la nuit ait été lumineuse, je suis restée dans la plus grande obscurité et dans une tristesse de mort...

Au matin, après la Communion, Jésus m’a parlé avec son habituelle douceur :

Ma fille, colombe aimée, lys blanc, viens et écoute-Moi. L’époux qui aime est fidèle, il confie à l’épouse ses douleurs et ses chagrins. Regarde comme je suis triste ! Mon Cœur est trop blessé. Les pécheurs n’arrêtent pas de le blesser. ils m’offensent toujours davantage par leur malhonnêteté et leur impudicité. Les plaisirs, la chair, la maudite chair ! Même par des prêtres je suis énormément offensé... Ils font désordre, scandalisent tant ! Courage ! Donne-Moi réparation par tes combats contre le démon...

La douleur est fille de l’amour. C’est par la douleur et l’amour que tu donnes vie à mes enfants. Cette douleur et cet amour ne pouvaient être partagés que par une victime à qui il a été donné d’accomplir sur la terre la mission la plus haute et la plus sublime.

Les amis de ma cause portent dans leurs mains l’étendard du triomphe et de la royauté divine.

Courage, ma fille. C’est Jésus qui te le demande: courage ! Je te rends semblable à Moi. Moi aussi j’ai été persécuté. En tous temps, mon Église et ce qui est à Moi ont été l’objet de persécutions. Comment ne devrait pas l’être, maintenant, ma cause la plus chère, la mission la plus difficile ? Courage, mon aimée ! C’est la rage de Satan.

La Petite-Maman est venue ensuite se placer à ma droite. Elle m’a demandé d’être courageuse au nom de son divin Fils :

— Courage, courage, ma fille ! Je te demande, au nom de mon amour et au nom du tien et mon Jésus ! Accepte ; souffre tout. Console son Cœur blessé par les péchés du monde.

Et maintenant je viens confirmer les paroles de mon divin Fils. Tu es reine des pécheurs, tu es reine du monde. Accepte mon très saint Manteau, il est à toi. Enveloppe-toi en lui, mets-le autours de tous ceux qui te sont chers et qui de plus près participent à ta souffrance. En prenant soin de la cause de mon Fils, ils sont chers à ton cœur, au mien et au Cœur de mon Fils Bien-Aimé. Ceux qui se sont associés à ta souffrance, ce sont ceux que nous voulons purifier et sanctifier. Place donc autour de toi tous les pécheurs. Tu peux couvrir le monde entier avec mon Manteau. Il est assez grand pour tous les couvrir. Accepte ma couronne. C’est moi-même qui la pose sur ta tête. Tu es reine ! [261]

Mon Dieu, que je suis gênée ! Comme j’étais petite, mesquine, devant la Petite-Maman !...[262]

« Jésus m’a confié l’Humanité... »

(...)

Comme une colombe qui dans l’obscurité ne trouve pas son chemin, je bats, sur place les ailes liées, ne pouvant ni descendre ni partir, dans la crainte de tomber irrémédiablement. O mon Dieu, qu’en sera-t-il de moi ?...

Ce matin, assez tôt, la douleur que je ressentais en moi était assez grande : la répugnance et la gêne que me causait la vue de tout le peuple qui se préparait, dans l’attente de nouveaux événements, étaient assez fortes.[263] Il me semblait voir des groupes, ici - là, faisant des commentaires.

Mon Dieu, le vendredi m’attend ! Quelle peur ! Tout ce que je ressens et vois, vous est arrivé, Jésus ! Ce sont vos souffrances, celles que vous avez souffertes par amour pour moi !

Mon regard semble pénétrer au plus profond de la multitude qui s’agglutine sur la route. Mon âme ressent tout cela.

Sur le flanc d’une colline, près de l’entrée de la cité, je vois le figuier maudit par Jésus. Plus bas, quelqu’un porte sur la tête une cruche d’eau. Il y a des rencontres et des chuchotements; ils se parlent et se préparent pour de nouveaux événements. Je vois tout, je ressens tout. Combien je souffre en silence ! Le figuier, je me souviens l’avoir vu bien vert; aujourd’hui il est desséché, comme du bois sec pour le feu.

Je ne pensais pas tout à fait à tout cela. Toutefois, sentant que je commençais à revivre ces scènes, je cherchais à me distraire et à faire comme si je ne sentais rien. Efforts inutiles. Ces sentiments se ravivaient de plus en plus dans mon âme. Je faisais des efforts pour ne pas les ressentir, non pas pour fuir la douleur ni la volonté de mon Jésus, mais par peur de me tromper et d’être dans l’illusion. Je me suis toutefois convaincue que je n’étais point dans l’illusion. Jésus, en voyant la peur que j’avais de me tromper, ne pouvait me laisser dans le doute. Personne mieux que Lui ne sait que je ne veux tromper personne...[264]

« Ta douleur, est une douleur de salut !... »

(...)

Jésus est venu et il m’a réchauffée à la chaleur de son divin amour. Il m’a dit :

Ta douleur, ma fille, est une douleur de salut. La mer immense de sang qui ruisselle de ton cœur est un lieu où sont immergés les pécheurs. C’est dans le sang de ta douleur qu’ils sont purifiés.

Tu es une deuxième arche de Noé. Je recueille en toi les pécheurs ; en toi, comme à l’intérieur de cette arche, je rassemble tout pour la vie du nouveau monde. Ta douleur, ton immolation ce sont des douleurs et des immolations davantage pour les âmes que pour les corps. Courage, ma petite fille ! Ne crains rien. La pluie qui tombe sur la nouvelle arche n’est pas de condamnation, mais de salut : c’est une pluie d’humiliations, de mépris et de sacrifices. L’arche n’est pas en danger : elle vogue dans la haute mer. Une fois les flots de la persécution abaissés, le monde verra la richesse du salut que l’arche contenait.

Ma petite fille, ma Mère bénie est avec moi, écoute ce qu’elle a à te dire.

— Ma fille, me voici avec mon divin Fils pour te confier l’Humanité et la renfermer dans ton cœur. La clef reste entre les mains de Jésus et dans celles de ta Petite-Maman. Je t’ai donné mon Manteau et ma couronne de reine : tu as été couronnée par moi. Sois la reine des pécheurs, du monde, choisie par Jésus et par Marie. Aujourd’hui, jour de ma conception Immaculée, nous te confirmons ton pouvoir royal. A partir de ce jour, il est entre tes main s; dirige-le, conserve-le. Conserve-le sur la terre comme tu les conserveras et dirigeras ensuite au Ciel. J’ai choisi ce jour de fête en mon honneur, afin qu’en union avec moi soit fêté ce jour où je t’ai confié l’Humanité...

J’ai senti comme s’ils m’ouvraient le cœur. Après y avoir déposé quelque chose, ils l’ont fermé à clef. Ils l’ont réchauffé. Ensuite je me suis vue entre Jésus et Marie, comme sous une presse : tellement ils me seraient entre leurs divins Cœurs. J’avais l’impression de ne pas pouvoir résister à tant d’amour...

La Petite-Maman a poursuivi :

— Ma petite fille bien-aimée, reçois la vie de laquelle tu vis, reçois la vie du Ciel, reçois-la et donne-la aux âmes.

Puis, Jésus ajouta :

Lys très pur, étoile scintillante qui brilleras nuit et jour, lumière qui guides les pécheurs, lumière et guide de tous ceux qui me suivront et m’aimeront d’un amour très pur et fort, courage, ne crains pas la guerre du monde...

— (...) O Conception pure, ô Mère de Jésus, conservez mon corps cloué sur la croix, enlacé à la croix !...

J’ai reçu de nouvelles consolations de Jésus et de la Maman du Ciel. Je leur ai fait l’offrande de moi-même, de ceux qui me sont chers et enfin du monde entier, en y incluant ceux qui me font souffrir davantage.

Petite-Maman, je dépose l’Humanité entre vos mains... Sauvez-la. Vous seule le pouvez.

Je me sens si confuse et gênée pour cette offrande du monde. Que pourrais faire ma misère sans votre protection ? O Jésus, ô Petite-Maman, je me consacre à vous, comme le soldat qui veut combattre pour défendre votre royaume ! Je veux lutter et obéir : commandez ! Moi, avec votre grâce, je produirai des fruits, je serai forte. Avec la grâce et la force d’en-Haut, le monde sera sauvé...[265]

Un petit rayon de lumière

Dans la matinée d’aujourd’hui, à cause de ma douleur, je n’ai pas pu faire mes prières, ni me préparer, comme je le dois, à recevoir la Communion.

L’âme se déchirait comme un chiffon usagé ; fil à fil, elle se pulvérisait, se dissolvait...

Même la venue de Jésus ne m’a procurée ni soulagement ni joie. Je suis restée dans le même état d’âme. Je l’ai remercié comme je l’ai pu.

Ensuite, je me mis à lire la correspondance que l’on m’avait confiée. La deuxième lettre que j’ai lue, a fait briller un  petit rayon de lumière dans mon âme. Un poids écrasant qui m’opprimait tout mon être a été soulagé : sans pour autant faillir à la sainte obéissance, le Père Umberto a pu m’écrire pour alléger un peu ma souffrance et me donner quelque lumière au milieu des ténèbres.[266]

Je ne sais comment, dans une impulsion d’amour, j’ai pu me mettre à genoux, lever les mains, réciter le “Magnificat” : prière que je fais toujours quand je reçois de Jésus une attention, soit qu’elle vienne me blesser, soit qu’elle vienne adoucir ma souffrance... Avec ma sœur et mes cousines nous avons chanté des louanges à Jésus-Hostie et à la Maman du Ciel.

Après cela, je suis retombé dans mon lit et retournée sous ma croix bien-aimée. La joie est vite tombée. J’accepte tout comme Jésus le veut. Je ne suis pas habituée à m’abandonner à la joie, mais si je l’étais, je ne me sentirais soulagée que pour peu de temps: tout à coup elle arrive, tout d'un coup elle s’en va. Les mêmes extases meurent comme des choses qui ne me concernent pas.

J’ai passé le reste de la journée plongée dans la souffrance, ressentant dans mon âme l’humiliation par laquelle sont passés les pères Salésiens par ma faute. Pour avoir fait du bien et soulagé une pauvre âme, ils en ont souffert. Mais, comme il est doux de souffrir pour l’amour de Jésus et des âmes !...[267]

« Convertissez-vous, pécheurs !... »

(...)

Je suis fatiguée de tant de souffrances. Le corps s’y prête moins, mais la volonté est prête: elle désire ardemment et veut uniquement la volonté divine.

Ces derniers jours j’ai commencé à ressentir, plus que jamais, et aujourd’hui d’une manière insupportable, le souci de sauver le monde...

Je veux tout le sacrifice, et de bonne volonté je me laisse immoler pour le sauver. Je désirerais avoir en main un poignard pour ouvrir dans mon cœur une plaie si profonde d’où coulerait assez de sang pour écrire sur toute la terre : “convertissez-vous, ô pécheurs, n’offensez plus Jésus ! Le Ciel est si beau ! Et Jésus nous a tous créés pour le Ciel”.

Je désirerais aller à genoux, par étapes, dans toutes les parties du monde, pour laisser bien visibles, sur chaque morceau de terre, écrites par mon sang ces paroles : “Pécheurs, convertissez-vous, convertissez-vous !”

Je ne sais pas ce que je dois faire de plus, mon Jésus, pour vous et pour les âmes.

Pendant la nuit j’ai subi les assauts du démon... J’ai vu des abîmes sans fin. Au milieu de nauséabonds détritus se trouvaient de gros serpents et d’énormes crocodiles qui tourmentaient et terrorisaient une multitude que je pense être des âmes qui y étaient tombées. Exténuée par la lutte, et craignant tomber là-dedans, je ne pouvais invoquer Jésus. Et le démon me disait :

— Invoque-moi, dis que tu veux de moi, que tu ne veux plus de Dieu, que tu veux le péché et les plaisirs.

(...)

Je vis les moments les plus terribles. Vers la fin de mon combat, j’ai pu invoquer le Ciel...

Dans le même endroit où se trouvaient les abîmes, j’ai vu apparaître un beau jardin rempli de fleurs de diverses variétés. Elles étaient si belles ! Au milieu de celles-ci tombaient des rayons très brillants, plus brillants que l’or. J’ai contemplé tout cela sans en connaître la signification.[268]

Au même moment, Jésus m’a dit :

Les fleurs de ce beau jardin ce sont tes héroïques vertus. Leurs pétales sont fins, délicats ; leur parfum est attrayant ; les rayons ce sont ceux de mon divin Amour. Ne pleure pas, ma petite fille ; ta pureté ne se salit pas dans les combats livrés contre le démon ; tu en sors chaque fois bien plus pure, bien plus charmante. C’est la réparation que j’exige de toi. Si cette réparation n’avait pas lieu, ils tomberaient dans les abîmes où tu as vu tant et tant d’âmes, s’y tortillant éternellement...[269]

« Je dois veiller et garder... »

Un nouveau tourment pour mon âme, qui me fait souffrir et qui ne me laisse jamais de repos : j’aimerais me cacher dans un coffre, que personne ne connaisse ni ne puisse ouvrir ; j’aimerais m’attacher les bras sur le cœur par un nœud tellement serré que nul ne puisse le desserrer, parce que je veux défendre je ne sais quoi qui m’a été confié et que je dois veiller et garder.

Mon Dieu, je ne sais comment réussir à le défendre, à bien le garder, et à le conserver entièrement. Je me réfugie, ô Jésus, dans votre divin Cœur ; que celui-ci soit le coffre béni qui me garde pour toujours et garde aussi ce qui m’a été confié, et me cause autant de préoccupations ! En lui, je serai bien, je me sentirai sûre. Je ne courrai pas de risques, ni moi ni ce que je dois garder. Gardez-nous pour toujours.

« Celui qui souffre avec Moi est vainqueur avec Moi »

(Moments de la Passion)

C’est jeudi. Il fait déjà nuit. Le tourment est grand. Tout vendredi qui approche est pour moi une mort.

Je me sens comme si je me trouvais dans un grand banquet de joie, parlant avec celui qui parle et souriant avec celui qui sourit.[270]

Et mon âme, dans une grande agonie, quitte la terre, monte vers le Ciel pour exclamer :

O mon Dieu, qu’est-ce qui m’attend !

Pendant ce banquet de joie, le cœur est broyé, à l’extérieur, maltraité, raillé et méprisé. Tous sourient avec sarcasme dans l’attente de nouveaux événements.

Jésus, je suis votre victime et rien de plus.[271]

« Ton nom sera prononcé avec respect... »

Avant l’aurore je me suis réveillée d’un léger sommeil. Mon Dieu, c’est vendredi. Sur moi tombe une nuit obscure. À chaque moment qui passait, il me semblait cheminer vers la mort; non point comme quelqu’un qui chemine avec amour et joie, mais comme quelqu’un qui va à la mort, et qui ressent la plus grande horreur et la plus grande répugnance.

Plongée dans cette souffrance, l’heure de la Communion arriva. J’ai fait mes demandes à Jésus. Il m’a parlé. J’ai reçu des forces pour pouvoir résister à la douleur et supporter les bousculades, les plaisanteries, les moqueries que je recevais. Je devais tout souffrir en silence, sans mot dire. Je ressentais la douleur de Quelqu’un qui pleurait en voyant tout ce que je souffrais. Et ce Quelqu’un avait un amour de Mère. En silence j’ai uni ma douleur à la sienne.[272]

Jésus est venu et d’une voix douce et tendre, il m’a dit :

Ma fille, uni ton cœur au mien, adoucis-le dans l’amour de mon divin Cœur ; Moi, je radoucis le mien dans le tien. Tu m’aimes ; Moi aussi je t’aime; tu es un écrin de richesse, dépositaire des dons divins. Ma fille, mon ange aimé, ta souffrance sert à embellir le manteau et la couronne que ta chère Petite-Maman t’a confiée... C’est une souffrance de gloire, c’est une souffrance de salut. C’est une mer de martyre ; c’est une mer d’immolation. Ma fille, céleste jardin de divines fleurs, prairie verdoyante qui alimentes les pécheurs ; alimente-les de grâce, de pureté et d’amour ; garde-les, guide-les, bergère divine, bergère choisie par Jésus.[273] Ma fille, maîtresse de la science divine, garde ce qui, cela fait huit jours aujourd’hui, a été déposé dans ton cœur par Moi et par ma Mère bénie : c’est le monde, ce sont les pécheurs... Ma fille, en toi il est écrit tout ce qui est divin. Par toi ils apprendront à aimer ; par toi ils apprendront à souffrir ; par toi ils apprendront à connaître comment Moi, je me communique aux âmes. Ils ne le savent pas, ils ne l’étudient pas et font, de cette manière, souffrir beaucoup mon divin Cœur.

Courage ! Celui qui souffre avec Moi, avec Moi est vainqueur. Ils pleureront des larmes de repentir en voyant que ton nom, maintenant tant décrié, sera glorifié avec Moi et avec ma Mère bénie, sur la terre et dans le ciel...

Quand, il y a déjà quelques années, je te disais que c’était Moi ton directeur, je faisais allusion à ces temps-ci. Ce n’était pas pour mettre de côté ton directeur. Oui, j’avais besoin de lui, uni à Moi, pour te guider et te porter à la hauteur que mon divin amour exige. Je voyais déjà la cruauté et les persécutions des hommes. Courage ! Ton nom, que tu sens souillé, dans peu de temps sera prononcé avec respect et loué avec le Mien.[274]

La garde du trésor caché...

(...)

Je ne sais pas comment vivre. Je suis exténuée par l’effort que je fais pour conserver dans mon cœur ce que Jésus et la Petite-Maman m’ont confié.[275] J’ai l’impression de vivre les bras croisés sur la poitrine, très serrés, pour défendre et protéger [le précieux dépôt].

D’autres fois, je coure comme une folle, pour fouir un considérable assaut.

Il vient sur moi je ne sais quoi. Une multitude innombrable veut me voler ce que j’ai dans le cœur, et moi je fouis comme une folle pour tout cacher. Je veux enrouler autour de moi des chaînes robustes, de grosses chaînes, afin que rien ne me soit volé. Dur tourment pour mon âme : je n’obtiens rien.

Pendant ces heures de souffrance, le démon m’a livré un terrible assaut. J’ai cru qu’il m’avait tout volé; que j’étais restée sans cœur, sans rien. J’étais comme une simple coquille d’œuf qui n’a plus rien à l’intérieur. J’ai senti comme si ce butin avait été porté très loin.

Le démon voulait m’obliger à dire :

— Je ne veux rien garder en moi ; je veux pécher, je veux jouir !

Et il m’affirmait que je péchais...

Rarement j’ai réussi à implorer le secours du Ciel... J’étais dans un bain de sueur, dans une faiblesse indicible.

Enfin, j’ai réussi à clamer :

— Mon Jésus, je n’en peux plus !

L’assaut prit fin, mais je ne pouvais plus bouger. J’étais dans une grande peine en me voyant privée de l’immense trésor que j’avais possédé en moi, et dans la crainte d’avoir péché, je murmurais :

Mon Dieu, mon Dieu ! Et moi je suis dans l’obscurité, sans guide, sans un prêtre à qui me confier ! O Ciel, ô Jésus, ô Petite-Maman !

Et Jésus est venu :

Non, tu n’as pas péché ! Je suis avec toi !

Après quelques instants, j’ai commencé à m’apercevoir que j’avais toujours en moi le riche trésor que le démon affirmait m’avoir volé. Mon âme en ressentit une grande joie et je voulais à tout prix enlacer et baiser cette richesse : j’éprouvais la joie d’une mère qui, ayant perdu son enfant, l’aurait retrouvé. Je ne peux pas expliquer la préoccupation que cela me procure ; étant toujours sur le qui-vive, de peur que quelqu’un me le vole...[276]

« Tu es ma transformée... »

(...)

Le démon mène de terribles assauts contre mon cœur. Il veut y entrer pour me voler la fortune qui lui a été confiée... Je ressens une telle faiblesse que je reste effondrée.

Jésus, c’est pour amour pour vous. Je n’ai pas de force pour respirer ; peu à peu j’ai perdu tout mon sang ; j’ai l’impression d’être moribonde.

J’ai commencé à sentir dans mon âme une paix douce et suave : c’était une paix céleste. C’était comme si je quittais le monde et si j’allais jouir dans le ciel. Je suis restée longtemps comme si je dormais tranquillement, réchauffée par une chaleur qui brûlait dans mon cœur et m’irradia tout entière.

Jésus a commencé à me parler :

Ma fille, tu ne vis pas la vie du monde : tu es détachée de tout ce qui lui appartient. Tu vis du ciel, tu vis de ce qui est divin. Tes sentiers sont les sentiers du Christ : c’est pour cela que tu n’es pas comprise. Ta mission est sublime, mon ange ; c’est la plus riche des missions. Voilà le motif de la haine et de la persécution : haine de la part du démon à cause des âmes que tu lui enlèves; persécution de la part du monde parce qu’il ne comprend pas la vie que tu mènes, parce qu’il ne comprend pas ma Vie dans les âmes...

C’est douloureux pour mon Cœur de voir ta souffrance. Il est nécessaire que les hommes étudient profondément, pour qu’ils puissent comprendre la vie du Christ dans les âmes.

Quand je t’ai créée, je t’ai faite avec la perfection nécessaire pour accomplir la mission la plus sublime. Ainsi j’ai choisi les âmes qui devaient te guider, des âmes qui comprennent, des âmes qui vivent uniquement ma vie, la vie intime avec Moi. Que l’on prenne soin de toi, que l’on prenne soin de Moi. J’aimerais que tous mes disciples étudient cette science divine. Mais ils ne l’étudient pas, ils ne la comprennent pas. Je leur donne les lumières nécessaires et eux, ils cherchent à les éteindre, mais en vain.

En tous temps j’ai eu besoin de victimes, mais maintenant, plus que jamais. Je t’ai choisie pour être immolée en cette époque pendant laquelle l’humanité est plongée dans un immense océan de boue et de vices. C’est ça que tu sens vouloir te voler: le monde. C’est le vice qui mène l’homme ; c’est le vice le voleur de tout ce qui m’appartient.

O bergère, reine du monde, c’est Moi, Jésus, qui t’ai choisie ; c’est Moi qui t’élève aussi haut...

J’ai tout écouté sans mot dire. Il parlait et moi je brûlais dans un feu vivifiant qui m’unissait de plus en plus à son divin Cœur.

O mon Jésus, que pourrais-je vous dire ! Plus Vous me parlez, plus je me rends compte de ma petitesse. Je m’humilie, je m’humilie, Jésus ! J’ai honte pour ma misère et que malgré celle-ci vous veuillez Vous servir de moi pour des choses aussi grandes. C’est Vous qui travaillez, qui Vous faites connaître, c’est Vous qui parlez de votre puissance. Tout vous appartient.

Violette aimée, asile très pur où j’habite ! J’habite en toi sur la terre comme au ciel tu habiteras avec mon Père éternel ; tu es mon Alexandrina transformée en Christ, uniquement en Christ.

Merci mon Jésus, mon Roi d’amour ![277]

« Ma faiblesse est due à la souffrance... »

Avec une telle faiblesse, avec une telle souffrance, pourrai-je rester encore longtemps en cet exil ?

Mon Dieu, si vous le voulez, je résiste à tout.

Ma faiblesse est due à la souffrance, est due à mon vouloir embrasser le monde, et l’embrasser d’un embrassement éternel.

J’aimerais le voir réuni dans une même hymne de louange à Jésus, dans un incendie d’amour divin. Je ne sais pas quoi désirer de plus ; je ne sais pas où me cacher avec lui. J’aimerais voler vers le ciel et emmener le monde avec moi, le monde entier, ne laisser ici aucune créature. Je veux monter avec lui et, une force invincible, ce me semble, me retient ici-bas, cherchant à me le voler. Je ne sais pas ce que cela peut être...

Dans cette anxiété douloureuse de vouloir me purifier et purifier le monde, d’aimer Jésus et de tout faire pour que le monde l’aime aussi, et dans le fait de ne pas savoir comment y réussir pour moi et encore davantage pour l’humanité entière, j’ai commencé à pleurer d’amères larmes, des larmes que seul Jésus, du ciel, peut voir.

J’ai de nouveau offert mon cœur à Jésus et je lui ai demandé de venir y naître de nouveau...[278]

La crèche...

Tous les jours de fête sont pour moi des jours de profonde tristesse. Je m’efforce toujours de consoler ceux qui m’entourent, de me montrer joyeuse : mais c’est une joie feinte. Je regarde Jésus et la Petite-Maman, j’élève ma pensée vers le ciel, et par amour j’accepte la souffrance. C’est par amour que la triste devient pour moi allégresse. Je ne regarde pas la terre, je fixe mon regard dans le ciel : ce n’est qu’ainsi que les épines deviennent des roses, et la souffrance douceur.

À minuit, le soir de Noël, autre était la nuit que j’avais dans mon âme. Des douleurs très aiguës traversaient tout mon corps. Je n’ai pas pleuré, mais j’ai gémi. Cependant, Jésus sait combien j’ai souffert.

J’ai entendu les pétards et le son des cloches.

J’ai demandé que l’on m’apporte la statuette de Jésus enfant. Je l’ai placée sur ma poitrine, je voulais la réchauffer. La chaleur que je lui ai procurée ne fut pas du tout celui que je voulais : j’aurais voulu l’enflammer par un feu d’amour. Je désirais lui dire beaucoup de choses, mais je ne savais pas. Je l’ai serré, doucement, contre ma poitrine, et j’ai continué de gémir. Je suis certaine que Jésus les a acceptés, et ne s’est pas attristé. Personne comme Lui ne voyait combien je souffrais; personne comme Lui ne sait que quand je gémis, c’est par amour; que je gémis, mais seulement quand je n’en peux plus.

Je ne sais pas combien de temps s’est ainsi écoulé. Je sais que je suis passée à une autre vie et que j’ai entendu Jésus dire dans mon cœur :

Je suis né dans la crèche de ton cœur, ma fille. C’est l’Époux qui vient vers son épouse... Reine d’amour, comme je suis bien ici. La crèche que tu m’offres n’est pas grossière comme celle de Béthléem : il est doux de tes vertus. Dans ta crèche, je ne sens pas la rigueur du froid ; j’y suis réchauffé par l’amour le plus pur et le plus brûlant.

Tu es mon étoile, étoile qui guide le monde, comme l’étoile qui alors a guidé les Mages dans leur route vers Béthléem.

Dis à tous, ma fille, à ceux qui ont soin de toi, à ceux qui te sont chers, qui t’aiment et qui sont autours de toi, que je leur donne l’abondance de mes grâces, une ondée de mon amour divin, une place toute particulière dans mon divin Cœur, ainsi que la promesse du Ciel...[279]

« Dans le monde je vois Jésus... »

(...)

O mon Dieu, je cours vers la mort et la mort court vers moi ! Ma tête est torturée ; mon corps est défait en morceaux par des terribles martyres: il est une plaie ouverte...

Par la grâce et la grande miséricorde du Seigneur, je ne désespère pas. Je sens l’effet du désespoir, mais je suis calme et sereine, prête à accepter une plus grande douleur, une plus grande purification, un plus grand amour. Ce n’est que par celui-ci que le monde sera sauvé ; ce n’est qu’à l’aide de ces fortes chaînes que je pourrai le capturer.

La vie s’en va. Elle s’en va pour donner la vie ; elle chemine tranquillement pour sauver le monde.

Jésus, donnez-moi la douleur que j’aime, donnez-moi la purification après laquelle j’attends ardemment. Accueillez-moi en vous et en la Petite-Maman.

Écoutez le cri continuel de mon âme; cri d’angoisse par la douleur qu’elle ressent et pour l’anxiété qu’elle a de vous confier le monde. Je souhaiterais le voir dans mes mains pour pouvoir vous l’offrir, comme le prêtre voit dans ses mains l’Hostie consacrée et l’offre au Père éternel.

Jésus, protégez-moi ! Gardez mes angoisses pressantes et immolez-moi comme il vous plaira, afin que je vous donne de l’amour, et avec l’amour, l’humanité. J’aimerais vous dire tant d’autres choses, mais, comme je ne sais pas le dire, je ne dis rien.

Pendant mes angoisses, Jésus est venu :

Ma fille, ange de la terre, aimable fleur, candide fleur du paradis ! Viens, ma fille, viens recevoir une autre preuve de mes épousailles avec toi, de mon union conjugale.

Ce disant, Jésus prit ma main, m’embrassa, me caressa et me serra doucement contre Lui.[280]

Je suis resté comme plongée dans une mer de délices, dans une mer d’amour. Jésus continua :

Reçois une effusion de mon divin Amour. Reçois-la parce que c’est ta vie, et toi, tu es vie pour les âmes.

Courage, encore un peu: ton ciel est proche. Bientôt ton âme, détachée de la terre, s’envolera vers le ciel comme la blanche et pure colombe vers son nid. Ton nid c’est le ciel près du trône de la Majesté divine, à côté de ma Mère bénie...

Près de ma Mère, ma fille, tu continueras à veiller, gouverner ta possession royale de la terre...

Combien l’humanité t’est débitrice ! Combien te doit le Portugal ! Le monde devrait être détruit... Demande, demande encore prière et pénitence...

Jésus ajouta enfin :

Ce sera en une extase d’amour, dégagée de la douleur, qui tu t’envoleras vers le ciel...[281]

« O monde, je deviens folle à cause de toi !... »

En voulant embrasser toute l’humanité il m’arrive de m’exclamer :

O monde, je deviens folle à cause de toi ! Combien je t’aime ! En toi je vois Jésus.

J’aimerais dire tant de choses sur ces angoisses qui me consomment. Comment cela peut-il arriver: aimer le monde, le haïr, vouloir le posséder, vouloir le quitter ?

Mon Jésus, mon Dieu, fixez sur moi votre regard, protégez-moi: ainsi je vaincrai.

L’année allait finir et je n’avais rien à donner à Jésus...

À minuit je l’ai remercié pour tous les bienfaits de l’année et pour tout ce qu’il m’avait fait souffrir. J’ai demandé aux miens de réciter avec moi le “Te Deum”...[282]


[1] Lettre du 2 janvier 1940 au Père Mariano Pinho.

[2] Lettre du 6 janvier 1940 au Père Mariano Pinho.

[3] Journal du 13 janvier 1940

[4] Lettre du 13 janvier 1940 au Père Mariano Pinho.

[5] Tous les maux de la terre, car elle s’est offerte comme victime pour tous les pécheurs.

[6] Lettre du 2 février 1940 au Père Mariano Pinho.

[7] Lettre du 17 février 1940 au Père Mariano Pinho.

[8] Lettre du 22 février 1940 au Père Mariano Pinho.

[9] Lettre du 25 février 1940 au Père Mariano Pinho.

[10] Lettre du 26 février 1940 au Père Mariano Pinho.

[11] Personnalisant l’humanité pécheresse qui se désintéresse de l’amour du Christ, Alexandrina souffre de l’absence de Dieu, de là l’angoisse d’être perdue dans l’obscurité.

[12] Lettre du 18 mars 1940 au Père Mariano Pinho.

[13] Jésus parle ici des dernières années de la vie d’Alexandrina.

[14] Journal du 23 mars 1940.

[15] Lettre du 14 avril 1940 au Père Mariano Pinho.

[16] Lettre du 22 avril 1940 au Père Mariano Pinho.

[17] Alexandrina représente, en ce cas précis, comme en d’autres occasions, l’humanité infidèle à la volonté divine.

[18] Lettre du 23 avril 1940 au Père Mariano Pinho.

[19] Lettre du 5 mai 1940 au Père Mariano Pinho.

  Il est intéressant de constater que le Saint-Père Pie XII, lors de la consécration le 31 octobre 1942 a utilisé ces mêmes titres.

[20] Lettre du 6 mai 1940 au Père Mariano Pinho

[21] Lettre du 8 mai 1940 au Père Mariano Pinho.

[22] Lettre du 14 mai 1940 au Père Mariano Pinho.

[23] Dans la Communion.

[24] Lettre du 19 mai1940 au Père Mariano Pinho.

[25] Lettre du 20 mai 1940 au Père Mariano Pinho.

[26] Lettre du 8 juin 1940 au Père Mariano Pinho.

[27] Journal du 4 juillet 1940.

[28] Lettre du 2 août 1940 au Père Mariano Pinho.

[29] Il est bon de rappeler qu’Alexandrina, retenue sur son lit depuis 1925, était dans l’impossibilité de se mouvoir et, encore moins de se mettre à genoux. Quelques fois, par une grâce particulière du Seigneur, elle pouvait le faire, particulièrement lors qu’elle vivait la Passion.

[30] Ce qui est arrivé le 2 septembre.

[31] Président du Conseil de la république portugaise. Alexandrina lui demanda de faire voter une loi pour faire respecter la décence dur les plages...

[32] Le Cardinal Manuel Gonçalves Cerejeira.

[33] Et elle le fit. Elle écrivit au Cardinal Patriarche et dans la lettre à celui-ci, elle ajouta une autre à remettre au Président du Conseil portugais, le docteur Salazar. Voir note 30.

[34] Lettre du 4 septembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[35] Lettre du 5 septembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[36] Lettre du 10 septembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[37] Lettre du 7 novembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[38] Lettre du 12 novembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[39] Lettre du 21 novembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[40] Lettre du 22 novembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[41] Lettre du 29 novembre 1940 au Père Mariano Pinho.

[42] Extase du 8 décembre 1940.

[43] Lettre du 1er janvier 1941 au Père Mariano Pinho.

[44] Extase du 17 janvier 1941.

[45] Extase du 24 janvier 1941.

[46] C'est le premier samedi du mois.

[47] Lettre du 1 février 1941 au Père Mariano Pinho.

[48] Il s’agit d’un certain Machado de Balasar.

[49] Lettre du 21 mars 1941 au Père Mariano Pinho.

[50] Lettre du 28 mars 1941 au Père Mariano Pinho.

[51] Lettre du 5 avril 1941 au Père Mariano Pinho.

[52] Lettre du 6 avril 1941 au Père Mariano Pinho.

[53] Lettre du 25 avril 1941 au Père Mariano Pinho.

[54] Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus.

[55] Sainte Gemma Galgani, dont le portrait est encore dans sa chambre, ainsi que celui de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, sa sœur spirituelle.

[56] Lettre du 2 mai 1941 au Père Mariano Pinho.

[57] L’amour de Jésus ne se manifeste pas aux âmes-victimes en les soulageant des leurs souffrances, mais leur offrant plusieurs occasions de souffrir encore davantage, en développant progressivement leur mission corédemptrice.

[58] Lettre du 3 juillet 1941 au Père Mariano Pinho.

[59] Extase du 26 juin 1941.

[60] Saint Jean de la Croix: “La Nuit Obscure de l’Esprit”; Chap. 16,6.

[61] Lettre du 14 juillet 1941 au Père Mariano Pinho.

[62] Médecin de Porto, spécialiste en maladies nerveuses.

[63] Le docteur João Alves Ferreira, de Macieira de Rates.

[64] L’un des plus grands neurologues du Portugal.

[65] Journal.

[66] Monsieur Antonio Sampaio de Trofa.

[67] Sauf pendant les extases de la Passion, où elle n’avait pas besoin d’aide pour accomplir tous les gestes et déplacements.

[68] Journal.

[69] Ici se termine l’autobiographie dictée par Alexandrina à Sãozinha, la maîtresse d’école.

[70] Lettre du 17 juillet 1941 au Père Mariano Pinho.

[71] Lettre du 23 juillet 1941 au Père Mariano Pinho.

[72]Pour m’en assurer — écrit le Père Mariano Pinho — j’ai écrit à une Religieuse de Lisbonne, supérieure, ma dirigée, en qui j’avais la plus grande confiance, et je lui ai demandé de s’informer discrètement auprès de son Éminence, si celui-ci était préoccupé au sujet de l’un de des prêtres de son diocèse... C’est ce qu’elle a fait et, elle reçut une réponse affirmative, et qu’il s’agissait du Père X..., indiqué par Alexandrina.”

Umberto Pasquale: “Alexandrina” — Éditions Salésiennes; Porto.

[73] Lettre du 9 août 1941 au Père Mariano Pinho.

[74] Pendant la Passion.

[75] Toujours durant la Passion.

[76] Lettre du 18 août 1941 au Père Mariano Pinho.

[77] Nous étions en 1941; c’était la guerre dans le monde.

[78] Lettre du 10 octobre 1941 au Père Mariano Pinho.

[79] Lettre du 24 octobre 1941 au Père Mariano Pinho.

[80] Lettre du 5 décembre 1941 au Père Mariano Pinho.

[81] Pour assister à la “Passion” d’Alexandrina.

[82] C’est pourquoi il (le Père Terças) ne pouvait pas attendre la réponse du Père Mariano Pinho, directeur d’Alexandrina.

[83] Cette publication eût pour résultat de mettre le Père Mariano Pinho dans une situation peu confortable vis à vis de ses collègues jésuites, lesquels sont allés jusqu’à publier dans leur revue “Brotéria” un article assez virulent contre le “cas de Balasar” et, ceci sans  la moindre enquête.

[84] Lettre du 19 décembre 1941 au Père Mariano Pinho.

[85] Lettre du 2 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[86] Lettre du 3 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[87] Ce fut la dernière visite du Père Mariano Pinho à Alexandrina. La lettre par laquelle le provincial des jésuites ordonne au Père Mariano Pinho de cesser toute relation avec la servante de Dieu est datée du 6 janvier 1942.

Toutefois, il lui permets, encore pour quelque temps, de recevoir les lettres d’Alexandrina, mais à condition que celles-ci transitent par lui. Voir explication du Père Abel Guerra dans les “Témoignages”.

  Le Père Mariano Pinho, par délicatesse, n’a pas voulu en informer Alexandrina immédiatement. Il chargea Deolinda de le faire auprès de sa sœur, petit à petit.

[88] Lettre du 9 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[89] Lettre du 15 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[90] Lettre du 16 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[91] Lettre du 17 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[92] Le Père Mariano Pinho n’a jamais révélé la lutte sournoise qui s’est déchaînée contre lui au sein de son Ordre.

[93] La perte de son Père spirituel est pour Alexandrina un vrai martyre. Son cœur se trouve blessé et même découragé. Cette situation la fait envisager tant de scénarios, inspirés par sa douleur habituelle, augmentée par celle de perdre l’appui dont elle avait tant besoin et qui lui était si nécessaire. Mais les voies du Seigneur restent impénétrables...

[94] Lettre du 21 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[95] Lettre du 26 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[96] Lettre du 30 janvier 1942 au Père Mariano Pinho.

[97] Lettre du 13 février 1942 au Père Mariano Pinho.

[98] Journal du 19 février 1942.

[99] Lettre du 21 février 1942 au Père Mariano Pinho.

[100] Ce fut le Père Mariano Pinho qui demanda à ce prêtre de devenir son confesseur. Il le resta jusqu’à la mort de la Servante de Dieu.

[101] Lettre du 23 février 1942 au Père Mariano Pinho.

[102] Journal du 27 février 1942.

[103] Pour adhérer à Dieu et devenir esprit avec Lui des purifications énergiques et terribles sont nécessaires. Celles-ci sont bien plus douloureuses que celles de la nuit des sens; c’est ce qui advient dans la nuit de l’esprit. Saint Jean de la Croix les décrit et affirme qu’elles peuvent être comparées à celles du purgatoire et de l’enfer. (Nuit II, chap. 6-8).

[104] Pendant cette période Alexandrina ayant la sensation de mourir, dicte son testament spirituel, reporté au chapitre sur sa mort qui eu lieu le 13 octobre 1955.

[105] Elle écrira plus tard dans son journal du 31 mai 1946: “Mon sourire est faux mais non pas dans le sens malhonnête; en effet, le sourire de mon âme aux douleurs et à la croix est véridique et continu”.

[106] Le Père Mariano Pinho se trouvait, en effet, à Macieira de Cambra qui est une petite ville assez proche de Balasar. Il y fut envoyé par ses supérieurs et privé d’une partie de son ministère sacerdotal.

[107] Journal du 6 mars 1942.

[108] Journal du 13 mars 1942.

[109] Journal du 27 mars 1942.

[110] La dernière Passion physique soufferte par Alexandrina eut lieu le vendredi précédent, fête de Notre-Dame des Douleurs.

  La vénérable sœur Barbara de Saint Dominique est passée en trois ans de la nuit des sens à celle de l’esprit (Vie, pages 229 à 230). Elle souffrit les horreurs de l’esprit, subissant toutes les semaines les tourments de la Passion du Sauveur jusqu’à être crucifiée avec Lui et à exhaler son dernier soupir.

Alexandrina entra dans la nuit des sens vers 1937. A partir de 1938 elle souffrit la Passion physique du Seigneur jusqu’à fin mars 1942. Pendant ce temps-là les fiançailles mystiques se consumèrent. A partir de mars 1942 et jusqu’à sa mort (en 1955) elle souffrit la Passion intime et traversa la nuit de l’esprit, pendant laquelle le mariage mystique se réalisa (1944).

  Sainte Angèle de Foligno  explique: « La transformation de l’âme en Dieu a trois modes d’accomplissement. La première transformation unit l’âme à la volonté de Dieu (union de conformité), la seconde l’unit avec Dieu (union mystique et fiançailles), la troisième en Dieu et Dieu en elle (union mystique et mariage).

  La première transformation est une imitation de Jésus-Christ crucifié, car la croix est une manifestation de la volonté divine.

  La seconde transformation unit l’âme avec Dieu. Son amour n’est plus seulement alors un acte de sa volonté; car la source est ouverte, la source des sentiments immenses, la source des immenses délices; cependant il y a encore place ici pour la parole et la pensée.

  La troisième transformation fond tellement l’âme en Dieu et Dieu en elle, qu’à la hauteur immense où le mystère s’accomplit, les paroles meurent avec les pensées: celui-là sait ces choses qui les sent ». “Visions et Instructions” - Éditions Christiana - STEIN AM RHEIN; Suisse.

[111] Journal du 27 mars 1942.

[112] 27 mars 1942.

[113] Pendant que l’âme est absorbée en Dieu, dans la mansion la plus élevée, la pensée s’agite aux alentours du château, souffrant et luttant, à son grand mérite, au milieu d’une grande quantité de bêtes féroces. (Voir sainte Thérèse d’Avila; Quatrième Mansion).

  Cf. saint Jean de la Croix “Cantique Spirituel”; strophe III

[114] Sainte Thérèse, dans le “Château Intérieur”, septième Mansion, chapitre IV, dit que l’âme, après être complètement brûlée, resurgit à une nouvelle vie à la manière du phénix qui, selon la fable, renaissait de ses propres cendres.

[115] C’est, certainement de cette période, la lettre sans date du docteur Azevedo lequel, comme tous, étant donné que le jeûne se prolongeait, pensait qu’Alexandrina mourrait bientôt.

  Journal du 21 avril 1942.

[116] Journal du 3 mai 1942.

[117] Journal du 6 mai 1942.

[118] Journal du 7 mai 1942.

[119] Depuis le mois de juin 1899. En effet, à cette date, à la suite de l’intervention de Jésus auprès de la Mère Marie du Divin Cœur, Supérieure du Bon Pasteur de Porto, le Pape Léon XIII consacra le monde entier au Cœur de Jésus.

[120] Journal du 22 mai 1942.

[121] Quelques rares colloques avec Jésus ou Marie.

[122] Journal du 24 mai 1942.

[123] Journal du 30 mai 1942.

[124] Cette prière a été écrite par Deolinda et par le docteur Azevedo lors d’une extase.

[125] Journal du 31 mai 1942.

[126] Journal du 26 juin 1942.

[127] Journal du 25 juillet 1942.

[128]La prison dans laquelle je me vois, c’est le monde; la chaîne, c’est le corps. L’âme illuminée par la grâce, c’est elle qui connaît l’importance d’être retenue ou retardée d’atteindre sa fin, par quelque empêchement que ce soit.”

— Sainte Catherine de Gênes “Traité du Purgatoire” - Chapitre 17

[129] Journal du 27 juillet 1942.

[130] Journal du 20 septembre 1942.

[131] Voir, sainte Thérèse d’Avila; “Vie par elle-même”, chapitre 15.

[132] Lettre du 22 août 1942 au Père Mariano Pinho.

[133] Il est intéressant de faire remarquer ici, comme dans tant d’autres colloques, le titre de Reine que Jésus utilise en parlant de sa Sainte Mère. Le Pape Pie XII les utilisera lors de la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.

[134] Journal du 6 novembre 1942.

[135] Pie XII fit la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie le 31 octobre 1942. Le Père Mariano Pinho envoya, à cette occasion, un télégramme à Alexandrina, pour lui annoncer la joyeuse nouvelle.

[136] Lettre du 7 novembre 1942 au Père Mariano Pinho.

[137] Le 13 décembre 1942, alors qu’Alexandrina priait Notre-Dame de Fatima pour diverses intentions, elle eut la vision de la Mère de Dieu, qui était “suspendue” à une grande hauteur. En bas, autour d’Elle, une immense foule, qu’Elle regardait avec tendresse et amour.

[138] Journal du 13 décembre 1942.

[139] Lettre du 2 janvier 1943 au Père Mariano Pinho.

[140] Lettre du  1943 au Père Provincial des Jésuites.

[141] Journal du 23 mars 1943.

[142] Journal du 1er mai 1943.

[143] Cf. saint Jean de la Croix; “La nuit obscure”; II, chapitre VI.

[144] Journal du 13 mai 1943.

[145] Celui de Braga, diocèse où vécut Alexandrina. Primat du Portugal.

[146] Par une lettre du Dr Azevedo.

[147] Professeur de l’Université de Porto.

[148] Le Dr. Azevedo communiqua au Père Mariano Pinho la nouvelle décision: “Les médecins sont restés bien impressionnés, mais dernièrement, et contre ce qui avait été convenu, ils exigent, pour un jugement définitif, que notre infirme soit internée dans une maison de santé. Ils ont affirmé que c’était là l’avis de plusieurs de leurs collègues... et qu’ils ne voulaient pas compromettre leur renommée.” (31 mai 1943).

  Et quelques jours plus tard: “... Alexandrina craignait, initialement, que son départ puisse compromettre la santé de la mère... Puis elle consentit à l’internement à Foz. Aujourd’hui je suis allé à Porto et il a été convenu de l’interner au « Refuge » pendant quelques jours. Je leur ai demandé, et eux ils m’ont promis, de contrôler uniquement les facultés mentales de la malade et le jeûne, mais sans la bouger... Ce qui nous intéresse c’est la survie sans alimentation.” (4 juin 1943).

  Le 6 juin il informe Alexandrina: “... Nous avons convenu de vous transporter à Foz la semaine prochaine... Personne vous touchera sans que je sois présent et sans mon autorisation. Tout d’abord nous vérifierons le jeûne absolu qui est ce qui nous intéresse pour le rapport... Au sujet de Deolinda il a été convenu qu’elle vous accompagnera à condition qu’elle ne sorte pas du « Refuge » (qu’elle n’ai pas l’idée de sortir en ville cherchez des aliments pour sa sœur). Il vaut mieux de prendre ceci comme une plaisanterie afin de ne pas nous avilir.”

[149] Journal.

[150] Ce même jour, le docteur Azevedo lui avait fait parvenir le message suivant: “... Si rien ne s’y oppose, demain jeudi, vers 14,30 heures, nous serons à Balasar pour le départ à Foz”.

[151] Ville située au bord de la mer, à quelques kilomètres de Porto. Port de mer important.

[152] Le docteur Azevedo.

[153] Cette photographie de l’une des trois voyantes de Fatima, lui avait été envoyé par le Père Mariano Pinho. Elle la gardait toujours auprès de son lit. Elle s’y trouve encore aujourd’hui (2004).

[154] Alexandrina a toujours eu des souffrances soit physiques soit morales à tel point qu’elle dit un jour à Dom Umberto: “J’ai tant souffert dans ma vie que, en y repensant, il me semble ne pas avoir eu aucun jour sans douleurs... Il n’existe pas dans mon corps aucun le moindre endroit qui n’ai pas souffert”.

  Malgré cela, elle avait toujours le sourire et chantait.

[155] Le docteur Azevedo, à la date du 4 juillet, écrivait au Père Mariano Pinho : “... La malade est depuis le 10 juin sous observation jour et nuit: son abstinence (de solides et liquides) a été vérifiée, elle n’a produit la moindre goutte d’urine; elle conserve le même poids et ses facultés sont très lucides...” Puis le 12 du même mois: “Le jeûne a été absolu, les analyses de sang normales... Les médecins affirment que chez Alexandrina le surnaturel est évident”.

[156] Le 20 juillet 1943.

[157] Il est en effet venu, comme il l’avait promis.

[158] “Certaines personnes se sont scandalisées parce que d’autres offraient des fleurs à Alexandrina: la chose fut même commentée par des prêtres qui ont réprouvé cette popularité, et considéré comme une preuve de faiblesse de la part de la servante de Dieu.” (Lettre de Deolinda au Père Umberto du 22 novembre 1971).

[159] Il est bon de signaler que les routes portugaises, à ce temps-là, étaient très mauvaises et mal entretenues, particulièrement les secondaires qui reliaient les petits villages entre eux.

[160] Le “Refuge” de Foz do Douro.

[161] Malgré que les doutes et les tribulations seront encore nombreuses, la reconnaissance du jeûne et de l’anurie totale par la science médicale, suite à la conclusion du docteur Araujo: “... Je viendrai vous visiter à Balasar, non plus comme médecin espion mais comme un ami qui vous estime”, on peut conclure à un triomphe pour tous ceux qui ont lutté contre l’indifférence des incrédules.

  Toutefois, la remarque amicale du docteur Araujo a été payée par Alexandrina par un autre genre de souffrances. Une lettre du docteur Azevedo au Père Mariano Pinho nous renseigne: “Avant même d’avoir rédigé son rapport, le docteur Araujo fut abordé par le Père Veloso (si attentionné qu’il fut interdit de prêcher dans les diocèses de Lamego et de Porto) qui lui dit de ne pas se compromettre car le cas de la malade de Balasar était une imposture; de se mettre en garde parce qu’il s’agissait d’une mystification et que moi-même j’étais un fanatique. J’ai appris la chose... mais pour ce qui me concerne, je lui pardonne et je ne veux pas qu’il en souffre: je vous le demande à genoux. En ce qui concerne les affirmations sur la malade il vaut mieux que cette personne se mette en garde... car il y a des familiers assez costauds qui, s’ils venaient à l’apprendre, la calomnie risquerait de lui coûter une sérieuse correction...”.

[162] Journal du 7 août 1943.

[163] Lettre du 27 septembre 1943 au Père Mariano Pinho.

[164] Karl Wolff, chef d’état-major, chargé de maintenir les liaisons entre les SS et le quartier général du Fuehrer, le 24 mars 1972 témoigna devant le tribunal de l’archevêché de Monaco, pour la cause de béatification de Pie XII, que le 12 septembre 1943 il avait reçu d’Hitler l’ordre d’occuper le Vatican et d’arrêter le Pape ainsi que les cardinaux de la Curie (Écho de Bergame, 14 avril 1972).

  Il est à signaler que la période de plus grand danger pour le Pape correspond à celle de la plus grande appréhension pour Alexandrina.

[165] Journal du 9 octobre 1943.

[166] Lettre du 17 octobre 1943 au Saint-Père Pie XII.

[167] C’est la deuxième fois que, d’une manière claire, Jésus déclare que le Portugal n’entrera pas dans le conflit mondial.

[168] 31 octobre 1943.

[169] Cf.: sainte Catherine de Gênes, “Traité du Purgatoire”, chapitre 17. Saint Jean de la Croix, “La nuit Obscure” II, 6-8.

[170] — “Les âmes (...) elles souffrent de très bon cœur leurs peines. Elles se rendent compte que Dieu leur fait grande miséricorde, considérant le châtiment qu’elles ont mérité, sachant aussi à quel point il leur est nécessaire. Si la bonté divine n’avait tempéré sa justice par sa miséricorde (payant pour elles par le précieux sang de Jésus-Christ) un seul péché mériterait mille enfers éternels.” — Sainte Catherine de Gênes “Traité du Purgatoire” - Chap. 16.

[171] Journal du 31 octobre 1943.

[172] Journal du 6 novembre 1943.

[173] Journal du 4 février 1944.

[174] Le docteur Azevedo écrivait, le 29 décembre 1943 au Père Mariano Pinho: “J’ai écrit au Vicaire-général de Braga et à l’Archevêque, d’une manière très respectueuse et franche, pour leur dire que le retard apporté à l’étude des phénomènes de Balasar est inadmissible. Le Vicaire-général m’a répondu: — Je vous informe que j’ai l’intention de faire contrôler les faits auxquels vous faites allusion, tout du moins pour donner satisfaction aux demandes citées, dans la mesure nécessaire et possible.

  Le 28 février 1944, le même médecin informe de nouveau le Père Mariano Pinho: “L’Archevêque me communique que bientôt seront étudiés, sous l’aspect mystique les phénomènes de Balasar. Sans me décourager, j’insisterai pour que cette étude soit menée à bien.

[175] Journal du mois de février 1944.

[176] Alexandrina souffre, par moments, dans son âme, les peines de la privation de Dieu, propres aux âmes damnées, toujours dans le but de sauver des âmes.

[177] Journal du 13 mai 1944.

[178] Journal du 21 mai 1944

[179] Au mois de février 1944, Felizmina Martins qui, depuis toute petite avait été accueillie, par charité, par la maman d’Alexandrina, quitta la maison, sans la moindre explication. Fille spirituelle du chanoine Molho de Faria, président de la Commission des théologiens, nommée par l’archevêque pour étudier le “cas” de Balasar, cette jeune fille sera, avec quelques autres dames du pays, la cause prépondérante du verdict négatif, voir même calomnieux, publié par l’archevêque de Braga, suite à l’enquête menée par lesdits théologiens.

  Il est bon de signaler que ces prêtres, chargés d’une mission aussi importante, n’ont jamais visité la Servante de Dieu au cours de ladite enquête, ce qui dénote déjà le peu de sérieux avec lequel cette “affaire” a été menée.

  En ce qui concerne la jeune Felizmina Martins, voici ce qu’écrivait le docteur Azevedo à son sujet, le 22 septembre 1944, dans une lettre adressé au Père Umberto Pasquale, deuxième directeur spirituel de la Servante de Dieu: “... Elle est la personnification de l’ingratitude... Ils se sont servis d’elle comme d’autres se sont servis de Judas...

  La troisième personne qui influença le chanoine Molho de Faria, contre Alexandrina et aida Felizmina Martins à écrire une lettre à ce dernier, ce fut Teresa Matias. Sur elle, divers témoins ont avoué: “Elle est une vraie renarde!

  Ce fut, malheureusement à cette source, que des théologiens responsables ont puisé la matière nécessaire pour porter un jugement sur les faits de Balasar. Au n° 6 de leur rapport, on peu lire cette affirmation plutôt symptomatique: “Avec Alexandrina, sa sœur et sa mère, vivait une jeune fille (Felizmina), déjà religieuse, que l’on disait bonne. Les contrastes ont été si importants que cette jeune fille a du quitter la maison.

[180] Journal du 29 mai 1944.

[181] Physiquement.

[182] Journal du 16 juin 1944.

[183] Extase du 23 juin 1944

[184] Journal du 25 juin 1944.

[185] L’échange de cœur est l’un des phénomènes les plus courants dans la vie des saints: sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse d’Avila, la bienheureuse Marie du Divin-Cœur, sainte Catherine de Ricci, et bien d’autres ont bénéficié de cette grâce inouïe.

[186] Journal du 3 juillet 1944.

[187] L’une des formes de souffrance consiste dans le fait d’avoir l’impression de ne pas aimer Jésus, et de se sentir dans une éternité sans Dieu.

[188] C’est Jésus qui vit en elle.

[189] Journal du 20 juillet 1944.

[190] Lire: les croix que Jésus lui envoi.

[191] Lettre du 20 juillet 1944 au Père Umberto Pasquale.

[192] Cette tempête présageait la conclusion inique de la commission d’enquête, suite à laquelle, l’archevêque prit publiquement position conte les “prétendus faits extraordinaires”, par une lettre pastorale, devant être lue dans toutes les églises de l’archidiocèse de Braga. Cela fut très douloureux pour Alexandrina et pour tous ceux, en dehors de sa famille et amis, qui s’intéressaient honnêtement aux “faits” de Balasar.

[193] Journal du 27 juillet 1944.

[194] A propos du “coup très dur” assorti de cette menace, il est bon de lire les lignes suivantes, écrites par le bon docteur Azevedo au Père Umberto Pasquale le 21 août 1944: “... Si je n’étais pas assuré, absolument certain, de la persévérance d’Alexandrina, j’aurais passé bien des jours dans la plus grande tristesse dans la crainte qu’elle ne perde courage. La dernière souffrance a été si poignante! Le curé lui a annoncé la nouvelle de telle manière que si Alexandrina n’était pas celle que nous connaissons, elle serait tombée dans le découragement, tout du moins pour le moment. Au contraire, héroïque comme toujours, elle en sort toujours victorieuse avec le Seigneur...”

[195] Vie mystique.

[196] Sainte Thérèse d’Avila dit que les hostilités servent au Seigneur à faire connaître les faveurs qu’il accorde aux âmes. C’est ainsi qu’a Balasar, les opposants et diffamateurs d’Alexandrina, devinrent, sans le vouloir, ses plus “ardents” propagateurs. Les voies du Seigneur...

[197] Journal du 1er août 1944.

[198] Journal du 10 août 1944.

[199] Journal du 12 août 1944.

[200] Saint Jean de la Croix “Cantique spirituel” B, Strophe 9, 3-6.

[201] Sainte Catherine de Gênes; Dialogue 2°, 11, et sainte Thérèse d’Avila; 7e Mansion, chapitre 1, parlent de la division de l’âme et de l’esprit que saint Paul, Heb. 4,12, attribue à la Parole divine. Alexandrina expérimenta cette séparation aussi en février de cette même année. Cette opération divine arrive pendant les fiançailles spirituelles Voir Arintero, “L’évolution mystique”, chapitre 5).

[202] Journal du 15 août 1944.

[203] Tous les ans, au mois de septembre, en effet, le curé, le Père Leopoldino, partait à la plage ou en cure et Dom Umberto, au courent de ceci, choisit Balasar pour y passer quelques jours de vacances, avec l’accord de son supérieur. Le curé, le voyant, avant son départ, fut assez content de pouvoir lui confier la charge de le remplacer , lui déléguant les pleins pouvoirs pastoraux. Dom Umberto se limita à la célébration de la Messe et à quelques confessions, quand sollicité. Au courant de l’interdiction d’assister aux extases du vendredi, lui, de 14,30 à 15,30 heures, restait à l’église, afin que nul ne pensa qu’il désobéissait aux dispositions de l’autorité ecclésiastique.

[204] Alexandrina avait sollicité le Père Umberto comme directeur spirituel. Celui-ci n’a pas voulu lui donner une réponse immédiate, ne se jugent digne de cette tâche et, ne voulant pas le faire non plus sans consulter, auparavant le Père Mariano Pinho, premier directeur spirituel de la Servante de Dieu.

  Il expliqua, en outre à Alexandrina, qu’il ne voulait, en aucun cas, prendre la place de quelqu’un d’autre. Il voulait bien, toutefois, remplacer le Père Mariano Pinho, pendant que celui-ci serait empêché de venir auprès d’elle.

  Ce même jour, sur deux petites images, Alexandrina nota: “J’ai l’impression que, aujourd’hui, vous vous êtes attaché notre âme. Dès ce moment, si vous me le permettez, je vous considérerez comme mon second Père... J’ai remarqué qu’après le premier, vous êtes celui qui m’avez le mieux comprise...”

  Le 9 septembre de cette même année, Jésus lui dit: “Union pure, union sainte, union divine sur la terre et dans le Ciel. Présente, ma fille, à celui qui le mérite, mon remerciement et celui de Marie, de mon amour et aussi sien!”

[205] Journal du 8 septembre 1944.

[206] Que l’une d’elles, Maria Machado, nourrissait une haine féroce à Alexandrina, on peut le déduire de la phrase suivante, prononcée en 1965, pendant l’instruction du procès en vue de la béatification et canonisation: “Tant que je vivrai, je m’opposerai à ce que Alexandrina arrive sur les autels.

  Laurentino Malta témoigna: “La Machado fait partie de toutes les associations paroissiales et les a bousculées par son caractère impérieux et intrigant. Elle est une dame dangereuse par son instinct de vengeance. Ce fut elle qui suggéra à Felizmina de quitter la maison d’Alexandrina. Felizmina est une malade qui se laisse manœuvrer.”

  Le père de Maria Machado, lui-même déposa: “Alexandrina est une âme de Dieu. Ceux qui la visitent l’ont fait souffrir beaucoup: ce sont d’authentiques diables! Quand ma fille s’est introduite dans cette maison, Alexandrina aurait du la chasser à coups de balai.”

  Sãozinha à son tour affirma: “Pendant une réunion de piété, la Machado menaça le curé, lui mettant ses poings devant le nez!

[207] Journal du 15 septembre 1944.

[208] Le Père Mariano Pinho, sj.

[209] Depuis quelques jours, à l’Institut salésien de Mogafores, la communauté (une trentaine de personnes), avait remarqué, par intermittences, des ondées d’un parfum très fin et indéfinissable, que ce soit à l’intérieur de la maison ou dans la cours. Étant donné que Alexandrina, coopératrice salésienne depuis le 15 août, s’unissait spirituellement aux prières et au travail des salésiens, Dom Umberto avait l’intention de lui demander une explication sur ces parfums. Il en prit note sur son agenda, mais arrivé à Balasar, il oublia de poser la question. Ayant déjà pris congé, il s’apprêtait à partir quand elle le rappela et lui donna cette explication de la part de Jésus.

[210] Le Père Pasquale était présent et il a vu Alexandrina bondir impétueusement sur son lit, ravie en extase. Son visage était enflammé.

  Journal du 27 septembre 1944.

[211] Ce ne sont pas ses péchés à elle; ce sont ceux des pécheurs, pour lesquels elle s’est offerte comme victime.

[212]Je me sens mourir d’amour et je ne sens pas d’amour, je me trouve abîmée dans l’amour, et je ne connais pas l’amour: je le sens opérer en moi et je ne comprends pas l’opération; je sens mon cœur brûler d’amour, et je n’en vois pas le feu” (Sainte Catherine de Gênes. “Dialogues” III Chap. 3).

  Journal du 28 septembre 1944.

[213] Journal du 29 septembre 1944.

[214] En cette période le démon la tourmentait dans son imagination. Depuis un certain temps déjà, Jésus n’avait plus permis que l’esprit infernal la touche, ce qui arrivait dans le passé, bien souvent. Le démon est allé jusqu’à la jeter hors du lit et à lui voler son crucifix qui fut trouvé deux ans après dans la porcherie, complètement mordu, non pas par les animaux eux-mêmes, mais par le diable.

[215] Journal du 2 octobre 1944.

[216] Ce même jour, le bon Salésien qui allait être le deuxième directeur spirituel d’Alexandrina, rencontra chez celle-ci le bon et actif docteur Azevedo. Il lui remit une relation pour l’archevêque laquelle démontait, point par point, tous les arguments fallacieux de la Commission d’enquête qui avait émis une conclusion défavorable vis-à-vis de la Servante de Dieu.

  La relation une fois remise au docteur, le Père Umberto fut pris d’une indicible angoisse, peut-être même d’une vraie panique, pressentant les conséquences de cette prise de position publique. Il dit à Alexandrina, qui ignorait tout, qu’il allait s’absenter quelques instants pour lire son bréviaire. Au contraire, il se réfugia dans une pinède voisine pour s’épancher, pleurant et tremblant. Puis il se mit à genoux et adressa au Seigneur cette prière fervente: “Vous connaissez la raison de ma venue à Balasar. J’ai droit à un signe qui me confirme que la cause est bien la votre...”

[217] Elle souhaitait s’ouvrir au Père Umberto, mais au moment de le faire elle ressentit une certaine difficulté, compréhensible, pour la délicatesse de l’affaire traitée.

[218] Journal du 11 octobre 1944.

[219] Le curé, qui devait encore prendre le train, avait une autre malade qui attendait pour recevoir la Communion. Afin de se dépêcher pour ne pas rater son voyage, il demanda au Père Umberto de donner lui-même la Communion à Alexandrina. Le Seigneur avait, en effet, une “commission” à faire au bon Salésien...

[220] Le Père Umberto, à peine la Messe terminée, demanda au sacristain le ciboire pour porter la communion à Alexandrina. Celui-ci lui répondit que monsieur le curé l’avait déjà pris et qu’il fallait attendre son retour. Le Salésien se mit alors en prière, en attendant le retour du curé. A un certain moment, Deolinda arriva et dit à Dom Pasquale: “Mon Père, venez, le Seigneur est déjà à la maison... Alexandrina est levée... et il fait si froid!” Et elle retourna chez elle en courant. En arrivant à son tour, le Père Umberto trouva Alexandrina en extase: elle chantait d’une voix merveilleuse. Dès qu’il l’approcha, elle s’est arrêtée: elle était transfigurée. Le Père Umberto lui ordonna alors de se remettre au lit. Toute seule — alors que d’habitude il fallait l’aider avec beaucoup de soin — elle y retourna.

  Dom Umberto lui administra alors la Communion et se rendit compte qu’elle était encore en extase. Bientôt il va avoir la réponse à ses préoccupations au sujet de sa prise de position contre le résultat de la Commission d’enquête.

[221] Journal du 12 octobre 1944.

  Le Père Pasquale la contemplait encore en extase, quand une pensée lui vînt: “Il me plairait de savoir ce qui se passe entre vous deux ” (Jésus et Alexandrina). Aussitôt Alexandrina commença à parler. Dom Umberto tremblait d’émotion en notant sur son carnet les paroles prononcées pendant l’extase. Alors qu’il écrivait, il prit du retard. Mentalement, au moins trois fois, il dit à Jésus: “J’ai pris du retard”. Et autant de fois Jésus recommença la phrase que Dom Pasquale n’avait pu écrire. Dans ce qu’il écrivait — le texte ci-dessus — le bon prêtre recevait la réponse qu’il avait demandé la veille, dans la pinède où il s’était caché pour pleurer et prier.

  Il faut encore souligner que cette extase avait lieu un jeudi, alors qu’habituellement Alexandrina ne parlait que pendant l’extase du vendredi.

[222] Journal du 15 octobre 1944.

[223] Journal du 20 octobre 1944.

[224] Journal du 24 octobre 1944.

[225] Les écrits étaient envoyés par la poste à Dom Umberto qui résidait à Mogafores (à environ 150 km de Balasar) pour être transcrits à la machine. Quelquefois il arrivait que certains plis soient égarés, ou simplement retardés. A ces écrits Alexandrina avait donné le titre de “Sentiments de l’Âme” (Sentimentos da Alma) et c’est sur ce titre qu’ils ont été recueillis pour être présentés lors du procès de béatification.

  Les précédents, lorsque son premier directeur spirituel lui a été enlevé, et qui se réduisent à quelques notes sur les choses spirituelles, ont été rassemblées aux autres et le tout intitulé “Journal“ (Diário), pour une meilleur uniformité.

[226] Journal du 25 octobre 1944.

[227] Journal du 27 octobre 1944.

[228]Il faut que, pour l’amour de Dieu, cette créature vive toujours comme si elle était morte.

  Je la compare à un homme pendu par les pieds et qui vivrait en cet état; quand même on pourrait dire que le cœur de cet homme est content, et que cela fût vrai, de quel bien jouirait son corps?

  Il en est ainsi de l’humanité dont je parle: ne pouvant vivre selon sa nature, je la vois toujours crucifiée et grandement affligée. Elle existe sans savoir comment, ni quelle et sa nourriture; elle n’a désir de rein; mais elle demeure en Dieu.”

— Sainte Catherine de Gênes “Dialogues” - III, Chap. 9

[229] Journal du 30 octobre 1944.

  À cette même date, le docteur Azevedo écrivait au Père Pasquale: “... Je m’aperçois que nous deux devrions aller voir cette martyr autant de fois que nous pourrions... Quelle héroïne! Si mal comprise pourtant de l’autorité ecclésiastique! Quelle gloire pour le Portugal et pour nous!”

[230] Ce sont des luttes contre le démon qui déjà depuis quelque temps la tourmente avec une grande violence.

  Le 18 octobre 1944, la lutte fut si violente que la cousine Maximina, présente, dû recourir à l’eau bénite et à une prière d’exorcisme (comme l’avait ordonné le Père Pasquale) pour éloigner le démon.

[231] Habituellement Alexandrina tenait dans sa main ou sur sa poitrine une petite statuette de la Sainte Vierge, et accrochée à une boucle, un crucifix.

[232] Suite aux assauts du démon.

[233] Voir: saint Jean de la Croix, “Cantique Spirituel”, strophe 3.

[234] Saint Jean de la Croix: “Cantique spirituel”, strophe 1-2.

[235] Journal du 1er novembre 1944.

[236] Journal du 3 novembre 1944.

[237] Pendant les assauts du démon.

[238] Journal du 4 novembre 1944.

[239] Journal du 10 novembre 1944.

[240] Journal du 14 novembre 1944.

[241] Cette fois-ci, en effet, le démon dit la vérité. A cette date, le Supérieur des Salésiens envoyait de Lisbonne une lettre interdisant au Père Umberto Pasquale de retourner à Balasar.

[242] Comme toujours, Alexandrina a de la “nostalgie”, mais en aucun le “besoin” de s’alimenter.

[243] Journal du 15 novembre 1944.

[244] Le Président de la Commission des théologiens, qui avait été chargé de s’occuper du cas d’Alexandrina, avait brandi une telle menace.

  Le docteur Azevedo a prévenu Alexandrina d’une telle éventualité, mais d’une façon délicate et en soulignant que cela serait presque impossible. Il en parle dans une lettre adressée au Père Pasquale, tout au début de l’éloignement de ce dernier: “J’ai reçu vos informations qui, en partie, correspondent à ce que je pensais. Que le Seigneur soit loué! Ceci vient encore augmenter notre douleur. Notre, car nous voyons aussi maltraitée et peu estimée l’une des plus belles âmes à qui le Portugal et le monde entier seront immensément débiteurs. Pendant toute la tempête, je ne l’ai jamais négligée et je me suis juré de ne jamais l’abandonner, quoi qu’il arrive; y compris si tout le monde se retournait contre elle.

  J’obéirai toujours à l’autorité légitime en ce qui ordonne la morale. Mais en matière libre, je ne peux pas, je ne dois pas penser de la même manière.

  Seul le Pape est infaillible, et encore en des matières bien déterminées et en des conditions bien précises. J’ai toujours été un misérable, mais il y a une raison à laquelle je dois obéir. Ceci ne veut pas dire que ce n’est pas bien de penser comme pense l’autorité, mais pas toujours, pas toujours.

  Alexandrina avait l’intuition de tout ce qui allait arriver. Lors d’une conversation je lui ai dit qu’il pouvait y avoir une douleur bien plus grande: celle d’être privée de la Communion. Elle m’a répondu: “Si cela arrive, je dirai à celui qui me l’annoncera: « Que Dieu soit béni! » Et je prierai pour qui me font souffrir autant.”

  Comme vous voyez, nous n’avons rien à craindre...

  Cependant, mon bon Père Umberto, vous lettres à Alexandrina, sont indispensables. Elles ne le seront plus dès lors que l’obéissance ne le permettra plus. Deolinda et la malade souffrent beaucoup, mais le Seigneur les soutient. Vous pouvez être franc avec elles; elles le désirent. Elles aimeraient être sûres de vos prières, mais elles veulent accepter, avant tout, la volonté de Dieu...

  Ayez l'obligeance d’ordonner la dictée du journal, car Alexandrina a l’intention de vous demander de l’en dispenser. N’y consentez pas... Nous et le monde, nous serions privés de ces merveilles.” (Sans date).

[245] Ville où demeurait le Père Umberto Pasquale, deuxième directeur spirituel de la servante de Dieu.

[246] Journal du 16 novembre 1944.

[247] Journal du 17 novembre 1944.

[248] Le Père Umberto Pasquale lui avait ordonné de continuer à dicter son journal, bien que cela lui coûte beaucoup.

[249] Sainte Thérèse d’Avila, “Vie”: “Plus une âme se trouve élevée dans la vie de Dieu, plus elle se découvre remplie de péchés.”

[250] Journal du 21 novembre 1944.

[251] Journal du 26 novembre 1944.

[252]Pour entrer dans la divine union, ce qui est dans l’âme, que ce soit peu ou beaucoup, petit ou grand, doit tout d’abord mourir, et que l’âme n’en conserve aucun désir, et en soit tellement détachée qu’elle soit comme une étrangère pour tout.” - Saint Jean de la Croix. “La Montée du Carmel”. Liv. I - Chap. 11.

[253] Le Père Umberto Pasquale écrivit à l’Archevêque pour lui exposer comment les choses s’étaient passées.

  « Je me permets de vous écrire, non pour justifier ma personne qui n’a aucun intérêt, mais seulement pour éclaircir un événement lié à des faits qui pourraient être sujets à des commentaires, ainsi que pour enlever une marque qui risquerait de les défigurer. La vérité est toujours un bien.

  Je viens de recevoir de mon directeur une lettre où il m’est reproché d’avoir confessé dans une localité où je n’y avais pas été autorisé. Voici donc pourquoi cela est arrivé deux fois, si je ne me trompe. Je me suis rendu un jour à Balasar pour m’y reposer un peu. Le curé de la localité devait s’absenter pour raison de cure thermale. Informé de cela, je lui ai envoyé quelqu’un pour demander l’autorisation de célébrer la messe durant cette semaine-là. Heureux de ma démarche, celui-ci me demanda de m’occuper de la paroisse, pendant son absence. Il va de soit, j’imagine, qu’il se dit que je bénéficiais d’une autorisation, car il me demanda, en outre, d’administrer l’Extrême-onction aux infirmes, en cas de besoin (il y avait dans le village un malade grave) ; de procéder aux funérailles, de confesser, etc. S’il agit de bonne fois, je vous fais remarquer que moi aussi, en pensant que “per modum actus” j’avais la permission de le faire avec des prêtres connus, comme je l’ai ici, dans la paroisse de Mogafores. Je m’en suis davantage persuadé de cela quand, à un certain moment, il me demanda de confesser une personne du presbytère. La bonne foi était telle que jamais je n’ai pensé de lui demander quoi que ce soit à ce sujet, et, par ailleurs, lui non plus.

  À cette occasion, j’ai confessé deux fois, ce me semble, Alexandrina-Maria da Costa, que je connaissais déjà depuis deux mois, et que, sur sa demande, je dirigeais spirituellement, en dehors de la confession, depuis environ un mois. Quand je me suis rendu compte que l’autorisation était nécessaire parce que d’autres personnes, parmi lesquelles des prêtres, me demandaient de les confesser, je l’ai demandée à votre Excellence.

  Voici ce qui arrive: sans la prétention de m’attribuer la charge spirituelle de la malade (car le directeur spirituel ne s’impose pas aux âmes ); et non plus sans être animé de la moindre volonté d’enfreindre le droit canonique, ce qui serait tout simplement diabolique.

  Quant aux ordres reçus de votre Excellence concernant les faits de Balasar, je pense que mon supérieur, à qui j’ai informé en toute vérité, vous a déjà répondu. Je n’ai été informé que de l’interdiction d’assister aux extases du vendredi et, en cela j’ai pleinement obéi. Pour ce qui concerne ce que j’ai écrit au distingué docteur Azevedo, toujours sous le sceau de la confidence et pour aider la vérité, je l’ai écrit avec une bonne intention et je ne peux point me rétracter, même si je devais être jugé par qui de droit. Ce que j’ai écrit, peut-il être démenti, ou jugé sans valeur et erroné ? Sans aucun doute, cela se peut, au même titre que toutes autres opinions ou conclusions sur les faits de Balasar, étant donné que nous ne sommes pas infaillibles. Mais la vérité naît des arguments et de l’étude de l’ensemble des faits et de la personne.

  L’ordre reçu de mon supérieur supprime tout contact avec Balasar. Je ne me lamente pas de ce fait ni de personne: j’obéirai parce que dans l’obéissance je vois la volonté de Dieu. Le jour où la vérité se fera, qu’elle soit pour moi ou contre moi, j’en serai très content, mais je porterai pour toujours dans mon cœur sacerdotal le calvaire d’une âme à qui a été enlevée l’aide d’un directeur qui la soulage dans l’indicible souffrance et la guide dans son cheminement si difficile. Si je le pouvais, je me mettrais à genoux devant votre Excellence pour lui demander le retour du directeur (je ne parle pas de mon inutile personne). Veuillez me pardonner pour le temps que je vous ai pris, et le désagrément que j’ai pu vous causer et, je vous demande votre bénédiction.

                               Mogofores, le 4 décembre 1944

                               Père Umberto Pasquale »

 

  Quelques mois après la décision prise par l’archevêque d’éloigner le Père Pasquale, celui-ci écrivit au curé de Balasar pour lui demander s’il ne serait pas possible, en son absence, de le remplacer et de pouvoir, par la même occasion porter la communion à Alexandrina. Il reçut de l’abbé Leopoldino la lettre suivante :

  “En réponse à votre lettre, il me déplaît de vous informer que vous, par des ordres supérieurs, ne pouvez exercer aucune fonction dans mon église et paroisse si vous ne présentez pas un document qui prouve qui vous êtes habilité en cet archidiocèse... Commande qui peut... obéi qui doit... Une commission de théologiens, ayant étudié le cas d’Alexandrina, n’y a trouvé rien de surnaturel. C’est pourquoi, les visites de prêtres ainsi que de laïcs doivent cesser afin que l’on fasse silence sur le cas. Si la malade souffre, et je le crois, elle a son directeur spirituel et ce n’est pas moi pour la réconforter et l’encourager au sacrifice. Nous ne devons pas faucher dans le champ d’autrui... Avec mes remerciements. Père Leopoldino.“

[254] Journal du 27 novembre 1944.

[255]L’humanité réduite à l’extrême, semble déjà blessée par la main de la mort. Le Seigneur semble se complaire en augmentant ses peines. Il la tient clouée sur la croix et lui envoie des dards enflammés d’amour.” - Sainte Catherine de Gênes “Dialogues” III-10.

[256] L’une des calomnies contre Alexandrina était de dire qu’elle se faisait passer pour sainte pour “faire fortune”. Les théologiens eux-mêmes, avaient recueilli cette affirmation et l’avaient adoptée. Rien n'est plus faux. Le Père Mariano Pinho, qui a bien connu Alexandrina lors de périodes d’extrême pauvreté, explique dans sa déclaration du 24 avril 1945: “Une autre accusation pour dénigrer le cas de Balasar c’était de dire qu’Alexandrina avait trouvé un moyen de vivre très rentable et qu’avec les sommes accumulées, elle avait acheté diverses parcelles de terrain. Il s’agit là d’une vraie insinuation calomnieuse.”

[257] Journal du 30 novembre 1944.

[258] Voir saint Jean de la Croix “Cantique spirituel”, 22.

[259]Mes petits enfants, vous que j’enfante à nouveau dans la douleur jusqu’à ce que le Christ soit formé en vous.” Saint Paul. Épître aux Galates: 4-19.

[260] Journal du 1er décembre 1944.

[261] Plusieurs maîtres de la mystique enseignent que dans l’âme chrétienne se produit non seulement la configuration avec le Christ, mais aussi  avec Marie. Celui-ci, et d’autres textes du Journal le confirment.

  Sainte Angèle de Foligno, au chapitre 70  de ses “Visions et Instructions”, dit: “Jésus-Christ, Fils de Dieu, m’a présentée au Père et j’ai entendu ces paroles: — O mon épouse et mon amour! O celle que j’ai aimée en vérité, je ne veux pas que tu viennes à moi chargée de douleurs, mais parée de la joie inénarrable. Que la reine revête le manteau royal, puisque voici le jour de ses noces!”

[262] Journal du 2 décembre 1944.

[263] Elle revit les sentiments de Jésus, lors du Jeudi-Saint, à la vue du peuple qui se préparait pour sa crucifixion.

[264] Journal du 7 décembre 1944.

[265] Journal du 8 décembre 1944.

[266] L’inspecteur salésien étant venu à Mogofores pour la vêture des novices, fut assiégé par ceux-ci qui prirent la défense d’Alexandrina. Il décida alors d’alléger le rigoureux interdit, et de permettre au Père Pasquale de reprendre la correspondance interrompue. Il ne faut pas oublier que la servante de Dieu était devenue membre de la société salésienne, comme zélatrice.

[267] Journal du 9 décembre 1944.

[268] Cf. saint Jean de la Croix; “Cantique Spirituel”, strophes 17-18.

[269] Journal du 11 décembre 1944.

[270] Elle se sent comme si elle était présente à la dernière cène de Jésus.

[271] Journal du 14 décembre 1944.

[272] Alexandrina vit la Passion. Elle représente Jésus, et pour cette même raison elle parle à la première personne “Je ressentais...”

[273] Sur ces titres, pleins d’amour et de tendresse, de l’Époux à l’épouse, voir le Cantique des Cantiques, ainsi que sainte Marie Madeleine de Pazzi, sainte Thérèse d’Avila, sainte Gemma Galgani, et bien d’autres saints et saintes. Nous retrouvons ces mêmes titres dans l’œuvre d’Angèle de Foligno: « O fille de la divine sagesse, temple du Bien-Aimé, son temple et ses délices; ô file de la paix, en toi repose la Trinité; en toi est toute vérité; tu me tiens, et je te tiens. » — Angèle de Foligno “Visions et Instructions” - Chap. 27.

[274] Journal du 15 décembre 1944.

[275] Il est à noter qu’Alexandrina ne dissocie jamais les deux noms. Mais il faut observer ici que le verbe est au singulier, car elle voit et comprend que l’action de Marie se confond avec celle de Jésus: le Sauveur c’est Lui.

[276] Journal du 18 décembre 1944.

[277] Journal du 22 décembre 1944.

[278] Journal du 24 décembre 1944.

[279] Journal du 25 décembre 1944.

[280] Il est utile de lire, dans la “Flamme d’Amour” de saint Jean de la Croix tout ce que dit le saint docteur de l’Église à ce sujet. Il n’est pas le seul à en parler. Angèle de Foligno en fait une description très intéressante:

  L’autre opération qui révèle à l’âme raisonnable la présence du Dieu tout-puissant, la voici: c’est un embrassement. Dieu embrasse l’âme raisonnable comme jamais père ni mère n’a embrassé un enfant, comme jamais créature n’a embrassé créature. Indicible est l’embrassement par lequel Jésus-Christ serre contre Lui l’âme raisonnable; indicible est cette douceur, cette suavité. Il n’est pas un homme au monde, qui puisse dire ce secret, ni le raconter, ni le croire, et quand quelqu’un pourrait croire quelque chose du mystère, il se tromperait sur le mode. Jésus apporte dans l’âme un amour très suave par lequel elle brûle tout entière en Lui; il apporte une lumière tellement immense, que l’homme, quoiqu’il éprouve en lui la plénitude immense de la bonté du Dieu tout-puissant, en conçoit encore infiniment plus qu’il n’en éprouve. Alors l’âme a la preuve et la certitude que Jésus-Christ habite en elle. — Angèle de Foligno “Visions et Instructions” - Chap. 52.

[281] Journal du 29 décembre 1944.

[282] Journal du 31 décembre 1944.

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