PAUL VI
Giovanni Battista Montini
(1897-1978)
pape (1963-1978)
Né à Concesio dans la
province de Brescia en Italie, Giambattista Montini est le fils d’un
journaliste, Giorgio Montini (1860-1943), qui fut l’un des
collaborateurs de don Sturzo lors de la fondation du Parti populaire
italien et fut député de 1919 jusqu’à la dissolution des Chambres par
Mussolini en 1926. Ordonné prêtre en 1920 à Brescia, G.-B. Montini suit
des cours à l’Académie des nobles ecclésiastiques et, après un stage à
la nonciature apostolique de Pologne, entre comme
minutante
à la secrétairerie d’État. Il devient aumônier national de la Fédération
des étudiants universitaires catholiques italiens, poste qu’il abandonne
en 1933 pour se consacrer exclusivement à ses tâches au Vatican. En
1937, il est nommé substitut de la secrétairerie d’État et, par là,
devient l’un des principaux collaborateurs de Pie XII. Il refuse la
pourpre cardinalice en 1953. Nommé archevêque de Milan le 1er novembre
1954, il est créé cardinal par Jean XXIII le 15 décembre 1958. Le 21
juin 1963, il est élu pape et prend le nom de Paul VI.
Le deuxième concile
du Vatican avait achevé sa première session. Dans son discours
d’ouverture de la deuxième session, Paul VI
affirme sa détermination à conduire jusqu’à son terme l’entreprise
conciliaire en restant fidèle à l’esprit de son prédécesseur. Cette
orientation est confirmée par l’encyclique
Ecclesiam suam
(1964), qui, dans une démarche plus réflexive et plus théologique,
assume de façon explicite le grand projet d’aggiornamento
lancé par Jean XXIII. Au cours des
travaux conciliaires, Paul VI
intervient directement pour imposer une note explicative réaffirmant les
prérogatives du pape et placée en préambule au chapitre sur la
«collégialité» des évêques dans la constitution dogmatique sur l’Église.
Il intervient aussi pour soustraire à la discussion l’éventualité
d’ordonner prêtres des hommes mariés et la possibilité d’aborder de
manière nouvelle le problème de la contraception. Il se donne ainsi la
liberté de se prononcer seul sur ces questions, qu’il traite, en effet,
dans l’encyclique Sacerdotalis
cœlibatus (1967) sur le
célibat sacerdotal et dans l’encyclique
Humanae vitae
(1968) sur la signification chrétienne du mariage. L’un et l’autre
document — mais le second plus particulièrement dans les pays
occidentaux — créent une vive et profonde tension dans le catholicisme
et sont à l’origine d’un malaise qui pèse sur l’exercice du pouvoir
pontifical.
Bien qu’elle n’ait
pas eu le même retentissement que ces deux dernières encycliques, on
peut placer dans la même ligne du strict maintien de la théologie de la
Contre-Réforme l’encyclique
Mysterium fidei (1965) sur
l’eucharistie. Par contre, dans le domaine social, l’encyclique
Populorum progressio
(1967) sur le développement des peuples témoigne de la même volonté
d’ouverture que les textes de
Mater et magistra et
Pacem in terris
promulgués par Jean XXIII et qui avaient trouvé un écho favorable
au-delà du monde catholique. La
Lettre au cardinal Roy (1971)
manifeste à son tour une attitude qui se veut positive vis-à-vis du
socialisme. Ces actes d’enseignement s’inscrivent dans une œuvre de
longue haleine qui caractérise le pontificat de Paul VI:
la mise en œuvre des orientations du concile.
Avec lenteur mais
avec détermination, Paul VI n’a pas
cessé d’introduire des réformes, spécialement dans le fonctionnement des
institutions ecclésiastiques. Il faut signaler la création, à côté des
dicastères romains traditionnels, des secrétariats pour l’unité des
chrétiens, pour les religions non chrétiennes et pour les non-croyants,
qui indiquent bien les trois directions du «dialogue» que le concile
voulait instaurer. La curie romaine est elle-même soumise à diverses
transformations, dont celle du Saint-Office, vivement pris à partie
pendant le concile et devenu la Congrégation pour la doctrine de la foi.
Partout sont mises en place des conférences épiscopales, auxquelles sont
transférés certains pouvoirs jusqu’ici exercés par les congrégations
romaines elles-mêmes. L’affirmation conciliaire de la collégialité des
évêques est également concrétisée par la création du synode épiscopal,
qui doit théoriquement associer les évêques du monde entier au
gouvernement de l’Église universelle. D’autres mesures sont prises avec
le même souci de modifier le fonctionnement des institutions
ecclésiastiques: renouvellement des charges tous les cinq ans pour les
hauts dignitaires de la curie; suppression, pour les cardinaux de plus
de quatre-vingts ans, du droit à prendre part à l’élection du pape;
invitation adressée aux évêques pour les engager à quitter leur siège
dès l’âge de soixante-quinze ans, etc. Sur le plan liturgique, la
réforme, malgré de vives oppositions, a été menée à son terme.
Plus globalement, le
pontificat de Paul VI s’attache à
fixer une interprétation officielle du concile, surtout en matière
doctrinale; ainsi se constitue une nouvelle orthodoxie qui provoque une
redistribution des tendances. En assumant jusqu’à un certain point des
courants (liturgiques, bibliques, œcuméniques, personnalistes...) qui
étaient avant le deuxième concile du Vatican plus ou moins déviants,
cette nouvelle orthodoxie rejette dans l’opposition ceux qui se veulent
fidèles à une certaine image du catholicisme anticonciliaire. Mais, d’un
autre côté, en fixant des normes, la nouvelle orthodoxie «marginalise»
aussi ceux pour qui la problématique conciliaire doit être à son tour
dépassée. Quoi qu’il en soit, l’action réformatrice entreprise se
heurte, de la part de beaucoup, à une méfiance grandissante à l’égard
des institutions, à une difficulté de plus en plus grande à supporter
une autorité non partagée, à l’effondrement de la cohésion catholique, à
un vaste et profond déplacement du croyable. De cette situation Paul VI,
le 29 juin 1972, tirait cette conclusion désabusée: «Satan est venu
gâter et dessécher les fruits du concile.»
L’action du
pontificat dans le domaine de la politique internationale cherche à
faire du Saint-Siège un agent impartial de la paix mondiale. Une
normalisation des rapports entre les États communistes et le Vatican est
recherchée activement. Dans le même temps, la représentation du
Saint-Siège auprès de tous les organismes internationaux est
méthodiquement mise en place. L’une des idées-forces du pontificat est
de faire du développement du tiers monde la condition de la paix. Pour
intervenir en tant que chef spirituel de la religion catholique dans les
affaires du monde, Paul VI choisit
délibérément la solution traditionnelle, où, grâce à son statut de chef
d’État, à l’échange d’ambassadeurs, au réseau de ses nonciatures, le
pape se donne comme moyen d’action privilégié la voie diplomatique.
L’image de Paul VI restera liée aux
voyages qu’il a entrepris. La plupart d’entre eux furent spectaculaires
et tous avaient une portée symbolique: le voyage à Jérusalem et le
baiser de paix au patriarche Athénagoras sur le mont des Oliviers
(1969), Bombay et l’attention portée à la fois au tiers monde et aux
religions non chrétiennes (1964), New York et le discours à l’O.N.U.
(1965), Fatima (1967), Istanbul et Éphèse (1967), Bogotá et le message à
l’Amérique latine (1968), Genève et la visite aux Organisations
internationales du travail, ainsi qu’au Conseil œcuménique des Églises
(1969), Ouganda et le message à l’Afrique (1969), l’Extrême-Orient avec
48 850 kilomètres de parcours et des escales dans huit pays (1970). Le
contraste est saisissant entre cette aptitude à poser des gestes
symboliques et la difficulté qu’éprouve Paul VI
à se faire entendre par l’ensemble des catholiques et par l’ensemble des
peuples
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