AD
CATHOLICI SACERDOTII
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XI
SUR LE SACERDOCE
1. Depuis
que, par un mystérieux dessein de la divine Providence, Nous Nous
sommes vu élevé à ce sommet suprême du sacerdoce catholique, Nous
n’avons jamais cessé, parmi les innombrables fils que Dieu Nous a
donnés, de consacrer Nos soins les plus empressés et les plus
affectueux à ceux qui, revêtus du caractère sacerdotal, ont la
mission d’être le sel de la terre et la lumière du monde (Mt
5, 13.14), et d’une manière encore plus spéciale, à ceux qui sont
élevés à l’ombre du sanctuaire et se préparent à cette très noble
mission.
Déjà dans les
premiers mois de Notre Pontificat, avant même d’adresser Notre
parole solennelle à tout l’Univers catholique
,
Nous Nous sommes empressé, par la Lettre apostolique Officiorum
omnium, adressée à Notre très cher Fils le Cardinal-Préfet de la
Sacrée Congrégation des Séminaires et des Universités
,
de tracer les directives dont doit s’inspirer la formation
sacerdotale des jeunes lévites. Et toutes les fois que la
sollicitude pastorale Nous pousse à considérer d’une façon plus
particulière les intérêts et les besoins de l’Église, Notre
attention, avant toute autre chose, se dirige vers les prêtres et
les clercs qui forment toujours l’objet principal de Nos soins.
De cet intérêt
spécial, que Nous portons au sacerdoce, sont la preuve éloquente les
nombreux Séminaires que Nous avons érigés, là où ils n’existaient
pas encore, ou bien munis, et non sans grande dépense, d’édifices
nouveaux et imposants, ou bien mieux pourvus de moyens et de
personnes qui leur permettent d’atteindre plus dignement leur but
élevé.
Si ensuite, à
l’occasion de Notre jubilé sacerdotal, Nous avons consenti à ce que
l’on fêtât solennellement cet heureux anniversaire, et si, avec une
paternelle complaisance, Nous avons secondé les manifestations
d’affection filiale qui Nous venaient de toutes les parties du
monde, ce fut parce que, plus que comme un hommage à Notre personne,
Nous considérions cette célébration comme une juste exaltation de la
dignité et du caractère sacerdotal.
Et de même, la
réforme des études dans les Facultés ecclésiastiques, que Nous avons
décrétée par la Constitution apostolique Deus scientiarum Dominus
du 24 mai 1931, fut voulue par Nous surtout dans leur but
d’accroître et d’élever toujours davantage la culture et la science
des prêtres
.
2.
Mais le sujet est d’une importance si grande, on pourrait dire
universelle, qu’il Nous semble opportun de le traiter plus
expressément dans cette Lettre encyclique, afin que non seulement
ceux qui déjà possèdent le don inestimable de la foi, mais encore
tous ceux qui, avec droiture et sincérité de cœur, recherchent la
vérité, reconnaissent la sublimité du sacerdoce catholique et sa
mission providentielle dans le monde, et par-dessus tout afin que
ceux qui y sont appelés le reconnaissent et l’apprécient ; sujet
particulièrement opportun à la fin de cette année qui, à Lourdes,
aux purs rayons de l’Immaculée et dans la ferveur d’un triduum
eucharistique ininterrompu, a vu le sacerdoce catholique, de toute
langue et de tout rite, auréolé d’une lumière divine dans la
splendide clôture du Jubilé de la Rédemption étendu de la Ville de
Rome à l’Univers catholique, de cette Rédemption dont Nos prêtres
chers et vénérés sont les ministres, jamais plus actifs et
bienfaisants qu’en cette Année Sainte extraordinaire par laquelle on
célébrait aussi le dix-neuvième centenaire de l’institution du
sacerdoce, comme Nous l’avons dit dans la Proclamation apostolique
Quod nuper
.
3.
Et de plus, comme cette Encyclique se relie harmonieusement à Nos
précédentes par lesquelles Nous avons voulu projeter la lumière de
la doctrine catholique sur les plus graves problèmes qui travaillent
la vie moderne, Nous avons conscience de donner à Nos enseignements
solennels un complément opportun. En effet, le prêtre est, par
vocation et par commandement divin, l’apôtre principal et le
promoteur infatigable de l’éducation chrétienne de la jeunesse
;
le prêtre, au nom de Dieu, bénit le mariage chrétien et en défend la
sainteté et l’indissolubilité contre les attentats et les déviations
suggérées par la cupidité et la sensualité
,
le prêtre porte la plus solide contribution à la solution ou, du
moins, à l’atténuation des conflits sociaux, en prêchant la
fraternité chrétienne, en rappelant à tous les devoirs mutuels de la
justice et de la charité évangélique, en pacifiant les esprits
aigris par le malaise moral et économique, en montrant aux riches et
aux pauvres les uniques biens véritables auxquels tous doivent et
peuvent aspirer
; le prêtre, finalement, est le plus efficace héraut de cette
croisade d’expiation et de pénitence à laquelle Nous avons invité
tous les gens de bien pour réparer les blasphèmes, les turpitudes et
les crimes qui déshonorent l’humanité à l’heure présente, une heure
qui, comme peu d’autres dans l’histoire, a grandement besoin de la
miséricorde divine et de ses pardons
.
Et les ennemis de l’Église savent bien l’importance vitale du
sacerdoce, contre lequel précisément, comme Nous l’avons déjà
déploré pour Notre cher Mexique
,
ils dirigent en premier lieu leurs coups, afin de le supprimer et de
se frayer la voie à la destruction, toujours désirée et jamais
obtenue, de l’Église elle-même.
4. Le genre
humain a toujours éprouvé le besoin d’avoir des prêtres,
c’est-à-dire des hommes qui, par une mission officielle à eux
confiée, soient des médiateurs entre Dieu et l’humanité et qui,
consacrés entièrement à cette médiation, en fassent la tâche de leur
vie ; des hommes choisis pour offrir à Dieu des prières officielles
et des sacrifices au nom de la société qui, elle aussi, comme telle,
a l’obligation de rendre à Dieu un culte public et social, de
reconnaître en Lui le suprême Seigneur et le premier principe, de
tendre à Lui comme à sa fin dernière, en le remerciant et en
cherchant à se le rendre propice. En fait, chez tous les peuples
dont nous connaissons les usages, lorsque du moins ils ne sont pas
contraints par la violence à renier les lois les plus sacrées de la
nature humaine, on trouve des prêtres, quoique souvent au service de
fausses divinités ; partout où l’on professe une religion, partout
où se dressent des autels, il y a également un sacerdoce, entouré de
marques spéciales d’honneur et de vénération.
5. Mais à la
splendeur de la révélation divine, le prêtre se montre revêtu d’une
dignité beaucoup plus grande, déjà annoncée de loin par la
mystérieuse et vénérable figure de Melchisédech (cf. Gn 14,
18), prêtre et roi, que rappelle saint Paul, en le rapprochant de la
personne et du sacerdoce de Jésus-Christ lui-même (cf. Hb 5,
10 ; 6, 20 ; 7, 1. 10. 11. 15). Le prêtre, suivant la magnifique
définition qu’en donne le même saint Paul est, sans doute, un homme
choisi parmi les hommes, mais établi pour les hommes dans les choses
qui regardent Dieu (Hb 5, 1) : sa fonction n’a pas pour objet
les choses humaines et transitoires, aussi hautes et estimables
puissent-elles sembler, mais les choses divines et éternelles ;
choses dont, par ignorance, on peut se moquer et que l’on peut
mépriser, auxquelles aussi on peut faire obstacle avec une malice et
une fureur diaboliques, comme une triste expérience l’a souvent
prouvé et le prouve même aujourd’hui, mais qui occupent toujours la
première place dans les aspirations individuelles et sociales de
l’humanité, cette humanité qui sent irrésistiblement qu’elle est
faite pour Dieu et ne peut se reposer qu’en Lui.
6.
Dans la loi mosaïque, au sacerdoce institué par une disposition
divine positive, promulguée par Moïse sous l’inspiration de Dieu,
sont minutieusement assignés ses devoirs, ses fonctions et ses rites
déterminés. Il semble que Dieu, dans sa sollicitude, ait voulu
imprimer dans l’esprit encore primitif du peuple hébreu une grande
idée centrale qui, dans l’histoire du peuple élu, répandit sa
lumière sur tous les événements, les lois, les dignités, les
emplois: l’idée de sacrifice et de sacerdoce, afin que, par la foi
dans le Messie futur, cette idée devînt source d’espérance, de
gloire, de force et de libération spirituelle. Le temple de Salomon,
admirable de richesse et de splendeur, et encore plus admirable dans
son ordonnance et dans ses rites, élevé à l’unique vrai Dieu comme
tabernacle de la divine Majesté sur la terre, était aussi un sublime
poème chanté en l’honneur de ce sacrifice et de ce sacerdoce qui,
n’étant pourtant qu’une ombre et un symbole, renfermait un mystère
assez grand pour faire incliner avec respect le vainqueur Alexandre
le Grand devant la figure hiératique du Grand Prêtre
;
et Dieu lui-même faisait sentir sa colère au roi impie Balthasar,
parce qu’il avait profané le sanctuaire et fait des orgies avec les
vases sacrés du temple (cf. Dn 5, 1-30). Et cependant, ce
sacerdoce ancien tirait uniquement Sa majesté et sa gloire du fait
qu’il était une préfiguration du sacerdoce chrétien, du sacerdoce du
Nouveau et éternel Testament, confirmé par le sang du Rédempteur du
monde, de Jésus-Christ vrai Dieu et vrai homme !
7. L’Apôtre
des Gentils résume en traits sculpturaux tout ce qu’on peut dire au
sujet de la grandeur, de la dignité et des devoirs du sacerdoce
chrétien, par ces paroles : Que l’homme nous regarde comme des
ministres du Christ et des dispensateurs des mystères divins (1
Co 4, 1). Le prêtre est ministre de Jésus-Christ ; donc
instrument entre les mains du divin Rédempteur pour la continuation
de son œuvre rédemptrice dans toute son universalité mondiale et sa
divine efficacité, pour la construction de cette œuvre admirable qui
transforma le mande ; bien plus, le prêtre, comme avec raison on a
coutume de le dire, est vraiment un autre Christ, parce qu’il
continue en quelque manière Jésus-Christ lui-même: Comme le Père m’a
envoyé, moi aussi je vous envoie (Jn 20, 21), continuant lui
aussi, comme Jésus, à rendre gloire à Dieu au plus haut des cieux et
paix sur la terre aux hommes de bonne volonté (Lc 2, 14).
8.
Et en premier lieu, comme l’enseigne le Concile de Trente
,
Jésus-Christ, pendant la dernière Cène, institua le sacrifice et le
sacerdoce de la Nouvelle Alliance : « Notre Dieu et Seigneur, bien
que devant s’offrir lui-même par sa mort sur l’autel de la Croix à
Dieu son Père pour y opérer la rédemption éternelle, cependant parce
que son sacerdoce ne devait pas s’éteindre par sa mort (cf. Hb
7, 24), à la dernière Cène, la nuit où il était livré (cf. 1 Co
11, 23), voulant laisser à son épouse bien-aimée, l’Église, un
sacrifice qui serait la représentation de ce sacrifice sanglant
qu’il allait accomplir sur la croix, voulant que le souvenir en
demeurât jusqu’à la fin des siècles (cf. 1 Co 11, 24-25) et
que sa vertu soit appliquée en rémission de ces péchés que nous
commettons tous les jours, se déclarant prêtre pour l’éternité selon
l’ordre de Melchisédech (cf. Ps 109, 4), offrit à Dieu le
Père son corps et son sang sous les espèces du pain et du vin ; et
sous les symboles de ces mêmes espèces les présenta, pour qu’ils les
prissent, aux Apôtres qu’il constituait alors prêtres du Nouveau
Testament, et à eux et à leurs successeurs dans le sacerdoce, il
commanda de les offrir par ces mots Faites ceci en mémoire de moi »
(Lc 22, 19 ; 1 Co 11, 24).
9.
Depuis lors, les Apôtres et leurs successeurs dans le sacerdoce
commencèrent à élever vers le ciel cette oblation pure prédite par
Malachie (Ml 1, 11), grâce à laquelle le nom de Dieu est
grand parmi les nations et qui, offerte désormais dans toutes les
parties de la terre et à chaque heure du jour et de la nuit,
continuera à l’être d’une façon permanente jusqu’à la fin du monde.
C’est un vrai sacrifice et non un pur symbole, qui a une réelle
efficacité pour la réconciliation des pécheurs avec la divine
Majesté, « car le Seigneur apaisé par cette oblation accorde la
grâce et le don de la pénitence, pardonne des péchés et des crimes
énormes »
.
Le même Concile nous en dit la raison par ces paroles : « Il y a, en
effet, une seule et même hostie, une même personne qui s’offre
maintenant par le ministère des prêtres et qui s’est offerte
autrefois sur la Croix, seule la manière de l’offrir est
différente »
.
De là
apparaît lumineuse l’ineffable grandeur du sacerdoce humain, qui a
pouvoir sur le corps même de Jésus-Christ, le rendant présent sur
nos autels et au nom du Christ lui-même, l’offrant en victime
infiniment agréable à la divine Majesté. « Ô miracle ! s’écrie
justement saint Jean Chrysostome, ô bénignité de Dieu ! »
10. Outre ce
pouvoir qu’il exerce sur le corps réel du Christ, le prêtre a reçu
d’autres pouvoirs très hauts et sublimes sur son Corps mystique.
Nous n’avons pas besoin, Vénérables Frères, de Nous étendre sur
cette belle doctrine du Corps mystique de Jésus-Christ, si chère à
saint Paul ; cette belle doctrine qui nous montre la personne du
Verbe fait chair uni à tous ses frères, chez qui se répand
l’influence surnaturelle qui dérive de lui, formant avec lui, comme
Chef, un seul Corps dont ils sont les membres. Or, le prêtre est
constitué dispensateur des mystères divins (1 Co 4, 1) en
faveur de ces membres du Corps mystique de Jésus-Christ, puisqu’il
est le ministre ordinaire de presque tous les sacrements qui sont
les canaux à travers lesquels coule, pour le bien de l’humanité, la
grâce du Rédempteur. Le chrétien, presque à tous les moments
importants de sa carrière mortelle, trouve à ses côtés le prêtre
pour lui communiquer ou accroître en lui avec le pouvoir reçu de
Dieu cette grâce qui est la vie surnaturelle. A peine est-il né à la
vie du temps, le prêtre le fait renaître par le Baptême à une vie
plus noble et plus précieuse, la vie surnaturelle, et il le fait
fils de Dieu et de l’Église de Jésus-Christ ; pour le fortifier et
le préparer à combattre généreusement dans les luttes spirituelles,
un prêtre, revêtu d’une dignité spéciale, le fait soldat du Christ
par la Confirmation ; dès qu’il est capable de discerner et de
goûter le Pain des anges, le prêtre le lui donne, nourriture vivante
et vivifiante descendue du ciel ; s’il est tombé, le prêtre le
relève au nom de Dieu et le fortifie par la Pénitence ; si Dieu
l’appelle à former une famille et à collaborer avec lui à la
transmission de la vie humaine dans le monde pour augmenter d’abord
le nombre des fidèles sur la terre et ensuite celui des élus dans le
ciel, le prêtre est là pour bénir son mariage et ses chastes
amours ; et quand le chrétien, parvenu au seuil de l’éternité, a
besoin de force et de courage avant de se présenter au tribunal du
Juge divin, le prêtre s’incline sur les membres endoloris du malade,
il le consacre de nouveau et le fortifie par l’Extrême-Onction ;
après avoir ainsi guidé le chrétien à travers le pèlerinage
terrestre jusqu’aux portes du ciel, le prêtre accompagne son corps à
la sépulture avec les rites et les prières de l’espérance
immortelle, et il suit son âme au-delà du seuil de l’éternité pour
lui donner l’aide des suffrages chrétiens, si jamais elle a encore
besoin d’être purifiée et soulagée. Ainsi, du berceau à la tombe ou
plutôt jusqu’au ciel, le prêtre est auprès des fidèles guide,
réconfort, ministre du salut, distributeur de grâces et de
bénédictions.
11.
Mais parmi tous ces pouvoirs qu’a le prêtre sur le Corps mystique du
Christ au profit des fidèles, il en est un pour lequel Nous ne
pouvons Nous contenter de la simple allusion faite tout à l’heure :
c’est le pouvoir « que Dieu n’a donné ni aux anges ni aux
archanges’, comme dit saint Jean Chrysostome
,
c’est-à-dire le pouvoir de remettre les péchés : Ceux à qui vous
aurez remis les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les
retiendrez, ils leur seront retenus (Jn 20, 23). Pouvoir
formidable, tellement propre a Dieu que l’orgueil humain lui-même ne
pouvait admettre qu’il pût être communiqué à l’homme : Qui peut
remettre les péchés, sinon Dieu seul ? (Mc 2, 7) Et le voyant
exercé par un simple mortel, il y a vraiment lieu de se demander,
non par scandale pharisaïque, mais par un respectueux étonnement
pour une si grande dignité : Quel est celui qui remet même les
péchés ? (Lc 7, 49) Mais précisément l’Homme-Dieu, qui avait
et a le pouvoir sur terre de remettre les péchés (Lc 5, 24),
a voulu le transmettre à ses prêtres pour aller, avec une libéralité
et une miséricorde divine, au-devant de ce besoin de purification
morale inhérent à la conscience humaine. Quel réconfort pour l’homme
coupable, brisé par le remords et le repentir, d’entendre la parole
du prêtre qui, au nom de Dieu, lui dit : « Je t’absous de tes
péchés ! » Et l’entendre de la bouche de quelqu’un qui, à son tour,
aura besoin lui aussi de la réclamer pour lui à un autre prêtre, non
seulement n’avilit pas le don miséricordieux, mais le fait
apparaître plus grand, en faisant mieux entrevoir, à travers la
créature fragile, la main de Dieu par la vertu de laquelle s’opère
la merveille. C’est pourquoi — pour Nous servir des paroles d’un
écrivain qui traite aussi des choses sacrées avec une compétence
rare chez un laïque — « quand un prêtre frémissant intérieurement à
la pensée de son indignité et de la hauteur de ses fonctions, a posé
sur notre tête ses mains consacrées quand, humilié de se trouver le
dispensateur du Sang de l’Alliance, étonné chaque fois de proférer
des paroles qui donnent la vie, pécheur il a absous un pécheur, nous
relevant, nous sentons que nous n’avons pas commis une bassesse...
Nous avons été aux pieds d’un homme qui représentait Jésus-Christ...
nous y avons été pour acquérir la qualité d’hommes libres et
d’enfants de Dieu »
.
12. Et ces
pouvoirs élevés, conférés au prêtre par un sacrement institué
spécialement dans ce but, ne sont pas en lui transitoires et
passagers, mais stables et perpétuels, unis qu’ils sont à un
caractère indélébile imprimé dans son âme, par lequel il est devenu
prêtre pour l’éternité (Ps 109, 4), à la ressemblance de
Celui qui possède le sacerdoce éternel dont il est fait participant,
caractère que le prêtre, même dans les plus déplorables aberrations
où peut le faire tomber la fragilité humaine, ne pourra jamais
effacer de son âme.
13. Mais avec
ce caractère et ces pouvoirs, le prêtre reçoit aussi, par le
sacrement de l’Ordre, une grâce nouvelle et spéciale, avec un droit
à des secours particuliers, par lesquels, si sa coopération libre et
personnelle seconde fidèlement l’action divinement puissante de la
grâce elle-même, il pourra dignement s’acquitter de toutes les
obligations difficiles de l’état sublime auquel il a été appelé, et
porter, sans en être accablé, les redoutables responsabilités qui
sont inhérentes au ministère sacerdotal et qui faisaient trembler
même les plus forts athlètes du sacerdoce chrétien, comme saint Jean
Chrysostome, saint Ambroise, saint Grégoire le Grand, saint Charles
et tant d’autres.
14. Mais le
prêtre catholique est encore ministre du Christ et dispensateur des
mystères divins (cf. 1 Co 4, 1) par la parole, par ce
ministère du verbe (Ac 6, 4) qui est un droit inaliénable et
à la fois un devoir imprescriptible qui lui est imposé par
Jésus-Christ lui-même : Allez, enseignez toutes les nations... leur
enseignant à garder tout ce que je vous ai ordonné (Mt 28,
19-20). L’Église du Christ, dépositaire et gardienne infaillible de
la divine révélation, par le moyen de ses prêtres répand les trésors
des vérités célestes, prêchant Celui qui est la vraie lumière
illuminant tout homme venant en ce monde (Jn 1, 9), répandant
avec une divine profusion cette semence, bien petite et méprisée au
regard profane du monde, mais qui, comme le grain de sénevé (cf.
Mt 13, 31-32), a en elle la vertu de pousser des racines solides
et profondes dans les âmes sincères et altérées de vérité et les
rend capables de résister, comme des arbres vigoureux, même aux plus
fortes tempêtes.
15. Au milieu
de toutes les aberrations de la pensée humaine ivre d’une fausse
liberté qui l’exempte de toute loi et de tout frein, au milieu de la
corruption effroyable de la malice humaine, se dresse, phare
lumineux, l’Église qui condamne toute déviation à droite ou à gauche
de la vérité, qui indique à tous et à chacun la voie droite à
suivre, et malheur si même ce phare, Nous ne disons pas venait à
s’éteindre, ce qui est impossible grâce aux promesses infaillibles
sur lesquelles il est fondé, mais venait à être gêné dans la large
diffusion de ses rayons bienfaisants ! Nous voyons déjà combien
néfaste a été pour le monde le fait d’avoir rejeté orgueilleusement
la révélation divine et d’avoir suivi, fût-ce même sous le titre
spécieux de science, de fausses théories philosophiques et morales !
Que si, sur la pente de l’erreur et du vice, on n’est pas encore
tombé plus bas, on le doit aux rayons de la vérité chrétienne sans
cesse répandus dans le monde. Or, l’Église exerce son « ministère du
verbe » par le moyen des prêtres, sagement répartis à travers les
degrés variés de la hiérarchie sacrée. Elle envoie sur tous les
rivages des hérauts infatigables de la bonne nouvelle qui seule peut
conserver, ou porter, ou faire revivre la vraie civilisation. La
parole du prêtre, même au milieu du tourbillon des passions, s’élève
sereine, annonce sans crainte la vérité et le bien : cette vérité
qui éclaire et résout les plus graves problèmes de la vie humaine ;
ce bien qu’aucun malheur, pas même la mort, ne peut enlever, que la
mort plutôt assure et rend immortel.
16. Si l’on
considère une à une les vérités que le prêtre doit inculquer
fréquemment pour être fidèle aux devoirs de son ministère, et si
l’on en pèse la force intime, on comprend combien grande et
bienfaisante est l’influence du prêtre pour l’élévation morale, la
pacification et la tranquillité des peuples. Cela ne s’avère-t-il
pas quand il rappelle aux grands et aux petits le caractère éphémère
de la vie présente, la caducité des biens terrestres, la valeur des
biens spirituels et de l’âme immortelle, la sévérité du Souverain
Juge, la sainteté incorruptible de l’œil divin qui scrute les cœurs
de tous et rendra à chacun selon ses œuvres ? (Mt 16, 27)
Rien de plus approprié que ces enseignements et autres semblables
pour tempérer cette avidité fébrile de jouissance, cette cupidité
effrénée des biens temporels, qui dégradent aujourd’hui tant d’âmes
et poussent les diverses classes de la société à se combattre, au
lieu de s’aider tour à tour par une collaboration mutuelle. Au
milieu de tant d’égoïsmes qui s’entrechoquent, de tant de haines qui
s’enflamment, parmi tant de sombres projets de vengeance, rien de
plus opportun et de plus efficace que de proclamer hautement le
commandement nouveau (Jn 13, 34) de Jésus, le précepte de la
charité, qui s’étend à tous, ne connaît ni barrière ni frontière de
nations ou de peuples, n’excepte pas même l’ennemi.
17. Une
expérience glorieuse, vieille déjà de vingt siècles, démontre toute
l’efficacité salutaire de la parole sacerdotale qui, étant l’écho
fidèle et la répercussion de cette parole de Dieu qui est vivante et
efficace et plus pénétrante qu’aucune épée à deux tranchants,
atteint, elle aussi, jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit (Hb
4, 12), suscite des héroïsmes de tout genre, dans toute classe et en
tout lieu, et crée l’action désintéressée des cœurs les plus
généreux. Tous les bienfaits que la civilisation chrétienne a portés
dans le monde sont dus, du moins à leur origine, à la parole et à
l’action du sacerdoce catholique. Et un tel passé suffirait par
lui-même à donner confiance même pour l’avenir, si nous n’avions une
parole plus ferme (2 P 1, 19) dans les promesses infaillibles
du Christ.
18. L’œuvre
missionnaire aussi, qui manifeste d’une manière si lumineuse la
puissance d’expansion dont est dotée l’Église par vertu divine, est
formée et réalisée principalement par le prêtre qui, pionnier de la
foi et de la charité, au prix d’innombrables sacrifices, étend et
dilate le Royaume de Dieu sur la terre.
19.
Le prêtre, finalement, continuant encore en cela la mission du
Christ qui passait la nuit entière à prier Dieu (Lc 6, 12) et
vit toujours pour intercéder en notre faveur (Hb 7, 25), à
titre d’intercesseur public et officiel de l’humanité auprès de
Dieu, a la charge et le mandat d’offrir à Dieu au nom de l’Église,
non seulement le sacrifice de l’autel, mais aussi le sacrifice de
louange (Ps 49, 14) avec la prière publique et officielle ;
par des psaumes, des prières et des cantiques empruntés en grande
partie aux livres inspirés, il paie à Dieu chaque jour, à plusieurs
reprises, ce tribut obligatoire d’adoration, et accomplit ce devoir
nécessaire d’impétration pour l’humanité, aujourd’hui plus que
jamais dans l’affliction et le besoin de Dieu. Qui peut dire combien
de châtiments la prière sacerdotale éloigne de l’humanité
prévaricatrice et que de bienfaits elle lui procure et lui obtient ?
Si la prière, même privée, a des promesses divines aussi magnifiques
et aussi solennelles que celles que Jésus-Christ lui a faites (cf.
Mt 7, 7-11 ; Mc 11, 24 ; Lc 11, 9-13), combien
plus puissante sera la prière faite d’office au nom de l’Église,
Épouse bien-aimée du Rédempteur ! Et le chrétien, même si trop
souvent il oublie Dieu dans la prospérité, conserve au fond de l’âme
la confiance en la prière ; il sent que celle-ci peut tout, et par
une sorte d’instinct surnaturel, en toute difficulté, en tout péril
privé ou public, il recourt avec une singulière confiance à la
prière sacerdotale. C’est à elle que demandent un réconfort les
malheureux de toute sorte ; c’est à elle que l’on recourt pour
implorer l’aide divine dans toutes les vicissitudes de cet exil
terrestre. Vraiment, « le prêtre est placé entre Dieu et la nature
humaine : nous communiquant les biens qui viennent de Lui, lui
portant nos prières, apaisant le Seigneur irrité »
.
Du reste, comme
Nous l’indiquions dès le début, les ennemis de l’Église eux-mêmes
montrent à leur façon qu’ils sentent toute la dignité et
l’importance du sacerdoce catholique, dirigeant contre lui leurs
traits les plus acérés et les plus féroces, sachant parfaitement
combien est intime le lien qui unit l’Église et ses prêtres. Les
ennemis les plus acharnés du sacerdoce catholique sont aujourd’hui
les ennemis mêmes de Dieu ; voilà un titre d’honneur qui rend le
sacerdoce plus digne de respect et de vénération.
20. Elle est
donc très sublime, Vénérables Frères, la dignité du sacerdoce. Les
faiblesses de quelques indignes, si déplorables et douloureuses
qu’elles soient, ne peuvent obscurcir la splendeur d’une si haute
dignité ; elles ne doivent pas faire oublier les mérites de tant de
prêtres remarquables par leur vertu, leur savoir, les œuvres de leur
zèle, leur martyre. D’autant plus que l’indignité du sujet ne rend
pas invalides les actes de son ministère : l’indignité du ministre
ne porte pas préjudice à la validité des sacrements qui tirent leur
efficacité du Sang du Christ indépendamment de la sainteté de
l’instrument : comme on dit en langage scolastique, ils produisent
leur effet « ex opere operato ».
21.
Il est pourtant très vrai qu’une pareille dignité exige par
elle-même de celui qui en est revêtu une élévation de pensées, une
pureté de cœurs, une sainteté de vie qui répondent à la sublimité et
à la sainteté de la fonction sacerdotale. Celle-ci, comme nous
l’avons dit, fait du prêtre un médiateur entre Dieu et l’homme, au
nom et par délégation de celui qui est le seul médiateur entre Dieu
et les hommes, le Christ Jésus homme (1 Tm 2, 5). Le prêtre
doit donc s’approcher, autant qu’il est possible, de la sainteté de
celui dont il tient la place et se rendre toujours plus agréable à
Dieu par la sainteté de sa vie et de ses œuvres ; car, plus que le
parfum de l’encens, plus que l’éclat des temples et des autels, Dieu
aime la vertu et s’y complaît. « Ceux qui sont médiateurs entre Dieu
et le peuple — dit saint Thomas — doivent briller devant Dieu par
leur bonne conscience et devant les hommes par leur bonne renommée »
.
D’autre part, si celui qui touche et administre les choses saintes
mène une vie coupable, il les profane et devient sacrilège : « Ceux
qui ne sont pas saints ne doivent pas toucher les choses saintes »
.
22.
C’est pourquoi, déjà sous l’Ancienne Loi, Dieu commandait à ses
prêtres et à ses lévites : Qu’ils soient saints, parce que moi le
Seigneur qui les sanctifie je suis saint (Lv 21, 8). Et
Salomon le Sage, dans le cantique pour la dédicace du temple,
demandait précisément ceci pour les fils d’Aaron : Que tes prêtres
se revêtent de la justice, et que tes saints exultent (Ps
131, 9). Or, Vénérables Frères, « si une telle justice, une telle
sainteté et une telle promptitude — dirons-nous avec saint Robert
Bellarmin — étaient demandées à ces prêtres qui sacrifiaient des
brebis et des bœufs et louaient Dieu pour des bienfaits temporels,
qu’est-il exigé, je vous le demande, de prêtres qui sacrifient
l’Agneau divin et rendent grâces pour des bienfaits éternels ? »
.
« C’est une grande dignité, s’écrie saint Laurent Justinien, une
charge plus grande encore ; placés sur un degré élevé, il faut aussi
qu’ils s’élèvent au sommet de la vertu ; autrement, ce n’est pas
pour leur mérite, mais pour leur condamnation qu’ils sont au-dessus
des autres »
.
23.
Et, en vérité, toutes les raisons que Nous avons invoquées plus haut
pour démontrer la dignité du sacerdoce catholique, reviennent ici
comme autant d’arguments pour démontrer le devoir qui incombe aux
prêtres d’une sublime sainteté, car, comme l’enseigne le docteur
angélique, « pour s’acquitter dignement des fonctions sacerdotales,
il ne suffit pas d’une vertu quelconque, mais il faut une vertu
excellente, afin que, de même que ceux qui reçoivent les ordres sont
placés au-dessus des autres par le rang, ils leur soient aussi
supérieurs par le mérite de leur sainteté »
.
De fait, le Sacrifice eucharistique, dans lequel s’immole la Victime
immaculée qui enlève les péchés du monde, exige d’une façon
particulière que le prêtre, par une vie sainte et droite, se rende
le moins indigne possible du Dieu à qui, tous les jours, il offre
cette Victime adorable, le Verbe de Dieu lui-même incarné par amour
pour nous. « Reconnaissez ce que vous faites, imitez ce que vous
accomplissez »
,
dit l’Église par la bouche de l’évêque aux diacres qui vont être
consacrés prêtres. En outre, le prêtre distribue la grâce de Dieu
dont les sacrements sont les canaux ; mais il répugnerait par trop
que ce dispensateur fût lui-même privé de cette grâce si précieuse,
ou même qu’il en fit une piètre estime et s’en montrât gardien
négligent.
24.
De plus, il doit enseigner la vérité de la foi ; or la vérité
religieuse ne s’enseigne jamais si dignement et si efficacement que
lorsqu’elle est enseignée par la vertu, car, selon l’adage courant :
« Les actes de vertu convainquent, mais les exemples entraînent ».
Il doit annoncer la loi évangélique, mais pour obtenir que les
autres l’embrassent, l’argument le plus accessible et le plus
persuasif, avec la grâce de Dieu, c’est la vue de cette loi mise en
pratique dans la vie de celui qui en prêche l’observation. Et saint
Grégoire le Grand en donne la raison : « La voix qui pénètre le plus
facilement dans le cœur des auditeurs est celle que la vie du
prédicateur appuie, car ce qu’il enseigne par ses paroles, il aide à
le faire par son exemple »
.
Aussi la Sainte Écriture dit précisément du divin Rédempteur qu’il
commença par faire et enseigner (Ac 1, 1), et si les foules
l’acclamaient, ce n’est pas tant parce que personne n’a jamais parlé
comme cet homme (Jn 7, 46), mais bien plutôt parce qu'Il a
bien fait toute chose (Mc 7, 37).
25. Et au
contraire, ceux qui disent et ne font pas (Mt 23, 3) se
rendent semblables aux scribes et aux pharisiens que blâma le divin
Rédempteur, sauvegardant cependant l’autorité de la parole divine
qu’ils prêchaient légitimement, en disant au peuple qui l’écoutait :
Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse ;
faites donc et observez tout ce qu’ils vous disent, mais ne faites
comme ils font (Mt 23, 2. 3). Un prédicateur qui ne
s’efforcerait pas de confirmer par l’exemple de sa vie la vérité
qu’il annonce, détruirait d’une main ce qu’il bâtit de l’autre. En
revanche, Dieu bénit largement les fatigues des hérauts de
l’Évangile qui, avant tout, s’appliquent sérieusement à leur propre
sanctification. Ceux-ci volent s’épanouir abondamment les fleurs et
les fruits de leur apostolat, et au jour de la moisson,
s’approchant, ils viendront avec joie, portant les gerbes de leur
récolte (Ps 125, 6).
26. Quelle
erreur très grave et très dangereuse commettrait le prêtre qui,
entraîné par faux zèle, négligerait sa propre sanctification, pour
se plonger entièrement dans les œuvres extérieures, si bonnes
soient-elles, du ministère sacerdotal. En agissant ainsi, non
seulement il mettrait en péril son propre salut éternel, comme le
grand Apôtre des Gentils le craignait pour lui-même : Je châtie mon
corps et je le tiens en servitude, de peur qu’après avoir prêché aux
autres, je ne sois moi-même réprouvé (1 Co 9, 27) ; mais il
s’exposerait aussi à perdre, sinon la grâce divine, du moins cette
onction du Saint-Esprit, qui donne à l’apostolat extérieur une force
et une efficacité merveilleuses.
27.
Du reste, s’il est dit à tous les chrétiens : Soyez... parfaits
comme votre Père céleste est parfait (Mt 5, 48), combien plus
les prêtres doivent-ils considérer comme leur étant adressées ces
paroles du divin Maître, eux qui sont appelés par spéciale vocation
à le suivre de plus près. C’est pourquoi l’Église inculque
ouvertement à tous les clercs ce très grave devoir, en l’insérant
dans le code de ses lois. « Les clercs doivent mener une vie
intérieurement et extérieurement plus sainte que celle des laïques
et leur être exemple sublime par la vertu et la rectitude de leurs
actions »
.
Le prêtre s’acquitte d’une mission au nom du Christ (2 Co, 5,
20), il doit donc vivre de manière à pouvoir faire siennes les
paroles de l’Apôtre : Soyez mes imitateurs comme je le suis du
Christ (1 Co 4, 16 ; 11, 1). Il doit vivre comme un autre
Christ qui, par l’éclat de ses vertus, illuminait et illumine encore
le monde.
28. Mais si
toutes les vertus chrétiennes doivent fleurir dans une âme
sacerdotale, il en est cependant certaines qui conviennent au prêtre
de façon plus particulière et lui sont comme propres. La première de
toutes est la piété, selon l’exhortation de l’Apôtre à son cher
Timothée : Exerce-toi à la piété (1 Tm 4, 7). De fait, si les
rapports du prêtre avec Dieu sont si intimes, si fréquents et si
délicats, ils doivent être accompagnés et comme embaumés du parfum
de la piété ; si la piété est utile à tout (1 Tm 4, 8), elle
est utile par-dessus tout pour bien exercer le ministère sacerdotal.
Sans la piété, les plus saintes pratiques, les plus augustes rites
du ministère sacré seront exécutés mécaniquement et avec routine. Il
leur manquera l’esprit, l’onction, la vie. Aussi, la piété dont nous
parlons, Vénérables Frères, n’est pas cette piété inconstante et
superficielle qui plaît mais ne nourrit pas, qui flatte mais ne
sanctifie pas. Il s’agit de cette piété solide, qui n’est pas
soumise aux fluctuations incessantes du sentiment, mais s’appuie sur
les principes de la doctrine la plus sûre, et s’édifie sur des
convictions fermes qui résistent aux assauts et aux séductions de la
tentation. Si elle doit en premier lieu avoir pour objet le Père qui
est dans les cieux, cette piété doit aussi s’étendre à la Mère de
Dieu ; et elle doit, chez le prêtre, dépasser en tendresse celle du
simple fidèle, d’autant que sont plus véritables et profondes les
ressemblances entre les rapports du prêtre et du Christ et ceux de
Marie avec son divin Fils.
29.
Intimement unie à la piété dont elle doit recevoir éclat et fermeté,
l’autre perle brillante du sacerdoce catholique est la chasteté les
clercs de l’Église latine qui ont reçu les Ordres majeurs sont tenus
à l’observer totalement, et cela sous une obligation si grave, que
s’ils la transgressaient, ils se rendraient coupables jusqu’au
sacrilège
.
Si une même loi
ne lie pas dans toute sa rigueur les clercs de l’Église orientale,
chez eux aussi pourtant le célibat catholique est en honneur ; et
dans certains cas, spécialement pour les plus hauts degrés de la
hiérarchie, c’est une condition nécessaire et obligatoire.
La seule
lumière de la raison fait percevoir un lien indubitable entre cette
vertu et le ministère sacerdotal puisque Dieu est esprit (Jn
4, 24), il convient que celui qui se voue et se consacre à son
service « se dépouille de son corps » en quelque manière. Déjà les
anciens Romains avaient entrevu cette convenance. Une de leurs lois,
qui se formulait ainsi « qu’on s’approche chastement des dieux »,
est citée par leur plus grand orateur avec ce commentaire : « La loi
ordonne de s’approcher chastement des dieux, c’est-à-dire avec une
âme chaste, puisque c’est en elle que tout réside, et cela ne
dispense pas de la pureté du corps ; celle-ci est supposée, puisque
l’âme l’emporte de beaucoup sur le corps. Remarquez d’ailleurs que,
pour s’approcher avec un corps pur, il faut que la pureté soit
gardée bien mieux encore par l’âme »
.
Sous l’Ancienne Loi, Moïse commanda au nom de Dieu à Aaron et à ses
fils de ne pas sortir du Tabernacle et donc d’observer la continence
pendant les sept jours durant lesquels se faisait leur consécration
(cf. Lv 8, 33-35).
30.
Mais au sacerdoce chrétien, si supérieur à l’ancien, convenait une
pureté beaucoup plus grande. De fait, la loi du célibat
ecclésiastique, dont la première trace écrite, qui suppose
évidemment une coutume plus ancienne, se rencontre dans un canon du
Concile d’Elvire
au début du IVe siècle, alors que la persécution
sévissait encore, ne fait que rendre obligatoire une certaine
exigence morale, pourrions-nous dire, qui ressort de l’Évangile et
la prédication apostolique. Constater la haute estime dont le divin
Maître avait fait montre pour la chasteté en l’exaltant comme une
chose qui dépasse les forces ordinaires (cf. Mt 19, 11) ;
savoir qu’il était « fleur d’une mère vierge »
,
et depuis l’enfance élevé dans la famille virginale de Marie et de
Joseph ; voir sa prédilection pour les âmes pures, comme les deux
Jean, le Baptiste et l’Évangéliste ; entendre le grand Apôtre Paul,
fidèle interprète de la loi évangélique et des pensées du Christ,
prêcher le prix inestimable de la virginité, spécialement dans le
but d’un service de Dieu plus assidu : celui qui est sans épouse se
préoccupe des choses du Seigneur ; il cherche comment plaire à Dieu
(1 Co 7, 32) ; tout cela devrait pour ainsi dire
nécessairement faire sentir aux prêtres de la Nouvelle Alliance
l’attrait céleste de cette vertu choisie, leur faire désirer d’être
du nombre de ceux à qui il a été donné de comprendre cette parole
(cf. Mt 19, 11), et leur faire adopter spontanément cette
observance, sanctionnée très tôt par une loi très grave dans toute
l’Église latine, « afin que ce que les Apôtres ont enseigné — comme
l’affirme à la fin du IVe siècle le IIIe
Concile de Carthage — et ce que nos prédécesseurs ont observé, nous
aussi, nous y soyons fidèles »
.
31.
Il ne manque pas de témoignages d’illustres Pères orientaux qui
exaltent la beauté et l’excellence du célibat ecclésiastique et
montrent qu’à cette époque il y avait accord et conformité entre
l’Église latine et l’Église orientale. Saint Épiphane, à la fin du
IVe siècle, atteste que la loi du célibat s’étendait déjà
aux sous-diacres. « (L’Église) n’admet cependant pas au diaconat, à
la prêtrise, à l’épiscopat, au sous-diaconat, celui qui est encore
dans les liens du mariage, mais seulement celui qui a renoncé à la
vie conjugale ou est veuf ; ce qui se fait surtout là où on observe
avec soin les canons de l’Église »
.
" Mais le plus éloquent en cette matière c’est le saint diacre
d’Édesse, le Docteur de l’Église universelle, Ephrem le Syrien,
« appelé à juste titre la cithare de l’Esprit Saint »
.
Il s’adresse dans un de ses chants à son ami l’évêque Abraham : « Tu
es digne de ton nom, Abraham, lui dit-il, parce que tu es devenu le
père de nombreux enfants. Mais parce que tu n’as pas d’épouse, comme
Abraham avait pour femme Sarah, ton épouse à toi, c’est ton
troupeau. Élève tes fils dans la vérité, qu’ils deviennent pour toi
fils de l’esprit et fils de la promesse, afin qu’ils deviennent
héritiers dans le Paradis. Ô beau fruit de la chasteté, en qui le
sacerdoce s’est complu..., l’huile sainte a coulé, et il t’a oint,
t’a imposé les mains et il t’a choisi ; l’Église t’a discerné et
t’aime »
.
" Et ailleurs : « Il ne suffit pas au prêtre et à sa dignité de se
purifier l’âme, de se purifier la langue, les mains et tout le
corps, quand il offre le corps vivant (du Christ), mais c’est en
tout temps qu’il doit être pur, parce qu’il est établi comme
médiateur entre Dieu et le genre humain. Louange à celui qui a voulu
une telle pureté chez ses ministres »
.
Et saint Jean Chrysostome affirme que « pour cette raison, celui qui
exerce le sacerdoce doit être pur comme s’il se trouvait dans les
cieux au milieu des Puissances »
.
32.
Du reste, la sublimité même, ou pour employer l’expression de saint
Épiphane « l’honneur et la dignité incroyables »
du sacerdoce chrétien, que Nous avons déjà brièvement exposés,
démontrent la convenance suprême du célibat ecclésiastique et de la
loi qui l’impose aux ministres de l’autel : celui qui remplit un
office qui dépasse d’une certaine manière celui de purs esprits qui
se tiennent devant le Seigneur (cf. Ph 3, 20), n’est-il pas
juste qu’il soit obligé de vivre autant qu’il est possible comme un
pur esprit ? Celui qui doit être tout entier aux affaires du
Seigneur (Lc 2, 49 ; 1 Co 7, 32), n’est-il pas juste
qu’il soit entièrement détaché des choses terrestres et que sa vie
soit toujours dans les cieux ? (cf. Tb 12, 15) Celui qui doit
être sans cesse préoccupé du salut éternel des âmes et continuer
vis-à-vis d’elles l’œuvre du Rédempteur, n’est-il pas juste qu’il se
libère des préoccupations d’une famille propre qui absorberaient une
grande partie de son activité ?
33.
Et en vérité, c’est un spectacle qui mérite une admiration émue,
quelque fréquent qu’il soit dans l’Église catholique, que de voir de
jeunes lévites qui, avant de recevoir l’ordre sacré du
sous-diaconat, c’est-à-dire avant de se consacrer entièrement au
service et au culte de Dieu, renoncent librement aux joies et aux
satisfactions qu’ils pourraient légitimement se permettre dans un
autre genre de vie ! Nous disons « librement » parce que si, après
l’ordination, ils ne seront plus libres de contracter un mariage
terrestre, à l’ordination même, ils se présentent sans y être
contraints par aucune loi ni par aucune personne, mais spontanément
et de leur propre mouvement
.
Tout ce que Nous
avons dit pour recommander le célibat ecclésiastique, Notre
intention n’est pas qu’on l’interprète comme un blâme et une
remontrance à l’égard de la discipline différente, légitimement
admise dans l’Église orientale. Nous le disons uniquement pour
exalter dans le Seigneur cette vérité que nous considérons comme une
des gloires les plus pures du sacerdoce catholique et qui Nous
paraît répondre mieux aux désirs du Cœur de Jésus et à ses desseins
sur les âmes sacerdotales.
34. Non moins
que par la chasteté, le prêtre catholique doit se faire remarquer
par son désintéressement. Au milieu d’un monde corrompu où tout se
vend et tout s’achète, il doit passer exempt de tout égoïsme,
saintement dédaigneux de toute basse cupidité et de gain terrestre,
se donnant à la recherche des âmes, non de l’argent, de la gloire de
Dieu, non de la sienne. Il n’est ni le mercenaire qui travaille pour
bénéficier d’une récompense temporelle, ni le fonctionnaire qui,
tout en s’appliquant consciencieusement à remplir les devoirs de son
emploi, pense aussi à sa carrière et à son avancement ; il est le
bon soldat du Christ qui ne s’embarrasse pas dans les affaires du
monde, pour plaire à celui auquel il s’est consacré (2 Tm 2,
3.4) ; il est le ministre de Dieu et le père des âmes. Il sait que
son travail et ses soucis ne peuvent trouver une juste compensation
dans les trésors et les honneurs de la terre. Il ne lui est pas
interdit de recevoir ce qui est convenable pour son entretien, selon
cette parole de l’Apôtre : Ceux qui servent à l’autel participent à
l’autel... ; le Seigneur lui-même a prescrit à ceux qui annoncent
l’Évangile de vivre de l’Évangile (1 Co 9, 13.14) ; mais
« appelé dans l’héritage du Seigneur », comme l’indique son nom même
de clerc, qu’il n’attende d’autre récompense que celle que Jésus
promettait à ses Apôtres : Votre récompense est grande dans les
cieux (Mt 5, 12), celle-là même que Dieu avait prédite à
Abraham : Je serai ta récompense très grande (Gn 15, 1).
35. Malheur au
prêtre si, oublieux des divines promesses, il commençait à se
montrer avide d’un gain honteux (Tt 1, 7) et s’il entrait
dans la foule de ces mondains sur qui l’Église gémit avec l’Apôtre :
Tous cherchent leurs propres intérêts, non ceux de Jésus-Christ (Ph
2, 21). En pareil cas, outre qu’il manquerait à sa vocation, le
prêtre ne recueillerait que le mépris de son peuple lui-même, qui
verrait en lui une déplorable contradiction entre sa conduite et la
doctrine évangélique, si clairement exprimée par Jésus, qu’il doit
prêcher : Ne vous faites pas de trésors sur terre où la rouille et
les vers les attaquent et où les voleurs fouillent et dérobent.
Faites-vous des trésors dans les cieux (Mt 6, 19.20). Si l’on
pense qu’un apôtre du Christ, un des douze (Mt 26, 14 ; Mc
14, 10 ; Lc 22, 3), comme notent tristement les Évangélistes,
Judas, fut conduit à l’abîme de l’iniquité précisément par l’esprit
de cupidité des biens terrestres, on comprend facilement que ce même
esprit ait pu causer tant de dommages dans l’Église à travers les
siècles. La cupidité, qui est appelée par le Saint-Esprit la racine
de tous les vices (1 Tm 6, 10), peut entraîner à n’importe
quelle faute ; et même s’il ne va pas si loin, un prêtre atteint
d’un pareil vice, consciemment ou inconsciemment, fait cause commune
avec les ennemis de Dieu et de l’Église et coopère à leurs desseins
iniques.
36. Au
contraire, un désintéressement sincère concilie au prêtre toutes les
âmes, d’autant plus que ce détachement des biens de la terre, quand
il provient de la force intime de la foi, est toujours accompagné de
cette tendre compassion pour tous les malheureux, qui transforme le
prêtre en un vrai père des pauvres, se souvenant de ces paroles
touchantes du Seigneur Tout ce que vous aurez fait aux plus petits
de mes frères, c’est à moi-même que vous l’aurez fait (Mt 25,
40) ; il voit, vénère et aime en eux Jésus-Christ lui-même avec une
affection toute particulière.
37. Libéré
ainsi des principaux liens qui pourraient le tenir attaché à la
terre, liens d’une famille personnelle, liens de l’intérêt propre,
le prêtre catholique sera mieux disposé à être enflammé de ce feu
céleste qui s’échappe du Coeur de Jésus et ne cherche qu’à se
communiquer aux coeurs apostoliques pour embraser toute la terre
(cf. Lc 12, 49) : à savoir le feu du zèle. Ce zèle pour la
gloire de Dieu et le salut des âmes doit, comme il est dit de Jésus
dans l’Écriture Sainte (cf. Ps 68, 10 ; Jn 2, 17),
consumer le prêtre, faire qu’il s’oublie lui-même et qu’il oublie
toutes les choses terrestres, l’inciter puissamment à se consacrer
tout entier à sa sublime mission, en cherchant sans cesse des moyens
plus efficaces pour la remplir toujours plus largement et toujours
mieux.
Comment un prêtre
peut-il méditer l’Évangile, entendre la plainte du bon Pasteur :
J’ai d’autres brebis qui ne sont pas de ce bercail et il faut que je
les y conduise (Jn 10, 16), voir les champs déjà blanchis
pour la moisson (Jn 4, 35) et ne pas sentir son coeur
s’enflammer du désir de conduire ces âmes au coeur du Pasteur, ne
pas s’offrir au Maître de la moisson comme un ouvrier infatigable ?
Comment un prêtre peut-il voir, non seulement dans les pays de
Missions, mais aussi, hélas dans des pays chrétiens depuis des
siècles, tant de pauvres malheureux, gisant comme des brebis sans
pasteur (Mt 9, 36) et ne pas entendre en lui un écho profond
de cette divine compassion, dont le Coeur du Fils de Dieu fut tant
de fois ému ? (cf. Mt 9, 36 ; 14, 14 ; 15, 32 ; Mc 6,
34 ; 8, 2, etc.) Nous parlons d’un prêtre qui sait qu’il a sur les
lèvres la parole de vie et dans ses mains les moyens divins de
régénération et de salut. Mais, Dieu en soit loué, cette flamme du
zèle apostolique est précisément un des plus brillants rayons qui
illuminent le sacerdoce catholique ; et c’est avec le coeur
débordant de consolation paternelle que Nous voyons Nos Frères et
Nos très chers Fils, les évêques et les prêtres, comme une milice
choisie, toujours prête à courir à l’appel du Chef, aux différents
fronts de l’immense champ de bataille où se livrent les âpres
combats de la vérité contre l’erreur, de la lumière contre les
ténèbres, du Règne de Dieu contre le règne de Satan.
38.
Mais du fait même que le sacerdoce catholique constitue une milice
agile et valeureuse, découle la nécessité de l’esprit de discipline,
ou pour employer un mot plus profondément chrétien, la nécessité de
l’obéissance : cette obéissance qui unit harmonieusement entre eux
les différents degrés de la hiérarchie ecclésiastique. Comme dit
l’évêque dans une monition aux ordinands : « Une variété admirable
règne dans la constitution et dans le gouvernement de l’Église,
celle-ci consacre des Pontifes et des prêtres d’un ordre inférieur,
et cependant un seul corps, celui du Christ, est constitué par cette
multitude de membres de dignité inégale »
.
Cette obéissance, les prêtres l’ont promise à leur évêque au moment
où ils s’éloignent de lui, immédiatement après avoir reçu l’onction
sacrée ; cette obéissance, les évêques à leur tour l’ont jurée le
jour de leur consécration au Chef suprême visible de l’Église, au
successeur de saint Pierre, au Vicaire de Jésus-Christ. Que
l’obéissance lie donc toujours plus fortement entre eux les
différents membres de la sainte hiérarchie, qu’elle les unisse
toujours plus étroitement à leur Chef, rendant ainsi l’Église
militante vraiment terrible aux ennemis de Dieu, comme une armée
rangée en bataille (Ct 6, 3.9) : que l’obéissance tempère le
zèle peut-être trop ardent des uns et qu’elle stimule la faiblesse
et la langueur des autres ; qu’elle assigne à chacun son poste et
ses attributions, et que chacun les accepte sans des résistances qui
ne feraient qu’entraver l’oeuvre magnifique qu’accomplit l’Église
dans le monde ; que chacun voie, dans les mesures prises par ses
Supérieurs hiérarchiques, les préceptes du vrai et unique Chef, à
qui tous obéissent, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui s’est fait pour
nous obéissant jusqu’à la mort et jusqu’à la mort de la croix (Ph
2, 8).
39. De fait, le
divin et suprême Pontife a voulu que son obéissance très parfaite au
Père Éternel nous fût manifestée d’une manière toute particulière,
et c’est pourquoi nombreux sont les témoignages des prophètes et des
évangélistes qui affirment cette entière soumission du Fils de Dieu
à la volonté du Père : En entrant dans le monde il a dit : Vous
n’avez voulu ni sacrifice ni oblation, mais vous m’avez formé un
corps... Alors j’ai dit : me voici ; il est écrit de moi en tête du
livre que je fasse, mon Dieu, votre volonté (Hb 10, 5-7). Et
il leur était soumis (Lc 2, 51). Ma nourriture est de faire
la volonté de celui qui m’a envoyé (Jn 4, 34). Et même sur la
croix, il ne voulut pas remettre son âme entre les mains du Père
sans avoir d’abord déclaré que tout ce que les Saintes Écritures
avaient prédit de lui était accompli, c’est-à-dire toute la mission
qui lui avait été confiée par le Père, jusqu’au dernier et si
profondément mystérieux Sitio, qu’il prononça pour que
l’Écriture fût accomplie (Jn 19, 28), en voulant montrer par
là que même le zèle le plus ardent doit être toujours profondément
soumis à la volonté du Père, c’est-à-dire toujours réglé par
l’obéissance à l’égard de ceux qui tiennent pour nous la place du
Père et nous font connaître ses volontés, les Supérieurs
hiérarchiques légitimes.
40. Mais la
figure du prêtre catholique que Nous voulons mettre en lumière au
regard du monde entier serait incomplète si Nous omettions de faire
mention d’une autre qualité très importante que l’Église exige de
lui : la science. Le prêtre catholique est constitué maître en
Israël (Jn 3, 10), ayant reçu de Jésus le devoir et la
mission d’enseigner la vérité : Enseignez toutes les nations (Mt
28, 19). Il doit enseigner la doctrine du salut, et de cet
enseignement, comme l’en avertit l’Apôtre des Gentils, il est
redevable aux sages et aux ignorants (Rm 1, 14). Mais comment
pourrait-il l’enseigner s’il ne la possède pas : Les lèvres du
prêtre sont les gardiennes de la science, et c’est de sa bouche
qu’on demande l’enseignement, dit le Saint-Esprit dans Malachie (Ml
2, 7) ; et personne ne pourrait, pour recommander la science
sacerdotale, prononcer une parole plus grave que celle que la
Sagesse divine elle-même dit un jour par la bouche d’Osée : Parce
que tu as rejeté la science, je te rejetterai de mon sacerdoce (Os
4, 6). Le prêtre doit posséder pleinement la doctrine de la foi et
de la morale catholique.
41.
il doit savoir la proposer, il doit savoir rendre raison des dogmes,
des lois, du culte de l’Église dont il est le ministre ; il doit
dissiper l’ignorance qui, malgré les progrès de la science profane,
enténèbre en matière de religion l’esprit de tant de nos
contemporains. Jamais n’a été si opportun qu’aujourd’hui
l’avertissement de Tertullien : « Parfois, le seul désir de la
vérité est de ne pas être condamnée sans être connue »
.
C’est le devoir du prêtre de débarrasser les intelligences des
préjugés et des erreurs, accumulés par la haine des adversaires : à
l’âme moderne qui cherche anxieusement la vérité, il doit savoir la
montrer avec une sereine franchise ; à l’âme encore dans
l’incertitude, travaillée par le doute, il doit inspirer courage et
confiance et la guider avec une tranquille assurance vers le port
sûr de la vérité consciemment et fortement embrassée ; aux assauts
de l’erreur opiniâtre et obstinée, il doit savoir opposer une
résistance énergique et vigoureuse, mais tout à la fois calme et
solide.
Il est donc
nécessaire, Vénérables Frères, que le prêtre, même au milieu des
occupations pressantes de son saint ministère, et pour bien
s’acquitter de celui-ci, continue l’étude sérieuse et profonde des
disciplines théologiques, qu’il ajoute au bagage suffisant de
science qu’il aura emporté du séminaire, une érudition sacrée
toujours plus riche qui le rende toujours plus apte à la sainte
prédication et à la direction des âmes
.
42. En outre,
pour l’honneur de la fonction qu’il exerce et pour s’attirer comme
il convient la confiance et l’estime du peuple qui sont si utiles
pour l’efficacité de son oeuvre pastorale, le prêtre doit posséder
ce patrimoine de connaissances (même si elles ne se rapportent pas
strictement aux sciences sacrées) qui sont communes aux hommes
cultivés de son temps, c’est-à-dire qu’il devra être sainement
moderne à l’exemple de l’Église catholique, qui embrasse tous les
temps et tous les milieux, s’y adapte, bénit et favorise toutes les
saines initiatives et n’a pas peur des progrès, même les plus hardis
de la science, pourvu qu’il s’agisse d’une science authentique. Dans
tous les temps, le clergé catholique s’est distingué dans tous les
domaines du savoir humain ; parmi les siècles d’autrefois, il en fut
où il était tellement à l’avant-garde du savoir que clerc devint
synonyme de savant. Et après avoir gardé et sauvé les trésors de la
culture antique qui, sans elle et ses monastères, se seraient
presque entièrement perdus, l’Église a montré dans ses plus
illustres docteurs comment toutes les connaissances humaines peuvent
servir à confirmer et à défendre la foi catholique ; de cette
vérité, Nous avons Nous-même récemment donné au monde une lumineuse
illustration, en couronnant du nimbe des saints et de l’auréole des
docteurs ce grand Maître de l’éminent saint Thomas d’Aquin, cet
Albert le Teutonique, que ses contemporains honoraient déjà du nom
de Grand et de Docteur universel.
43.
Aujourd’hui, évidemment, on ne peut demander que le clergé tienne
pareillement la tête dans tous les domaines du savoir ; le
patrimoine scientifique de l’humanité est devenu chose tellement
vaste qu’aucun homme ne peut le posséder entièrement, encore moins
devenir remarquable dans chacune de ses innombrables branches. Mais,
d’une part, on doit avec prudence encourager et aider ceux des
membres du clergé qui, par leurs goûts et leurs dons spéciaux, se
sentent appelés à cultiver et approfondir telle ou telle science,
tel ou tel art qui ne messied pas à leur profession ecclésiastique,
parce que ces études, si on les maintient dans les limites
nécessaires et sous la direction de l’Église, tournent à l’honneur
de cette même Église et à la gloire de son divin Chef Jésus-Christ ;
d’autre part, tous les autres clercs ne doivent pas se contenter de
ce qui suffisait peut-être en d’autres temps, mais être en état
d’acquérir, ou plutôt posséder en fait, une culture générale plus
vaste et plus complète, qui réponde au niveau plus élevé et à
l’extension plus considérable, qu’en comparaison avec les siècles
passés a, généralement parlant, atteint de nos jours la culture
moderne.
44. Que si
parfois le Seigneur qui se joue dans le monde (Pv 8, 31) a
voulu élever à la dignité sacerdotale et opérer des merveilles de
bien par l’intermédiaire d’hommes presque entièrement dépourvus de
ce patrimoine de connaissances dont nous parlons, ce fut pour que
nous apprenions tous à estimer plus la sainteté que la science, à ne
pas mettre plus de confiance dans les moyens humains que dans les
moyens divins ; en d’autres termes, c’est parce que le monde a
besoin de temps à autre de s’entendre répéter cette leçon pratique :
Ce qui est fou aux jeux du monde, Dieu l’a choisi pour confondre les
sages... pour qu’aucune chair ne se glorifie devant lui (1 Co
1, 27. 29). Mais, comme dans le domaine de la nature les miracles
suspendent pour un moment l’effet des lois physiques sans les
supprimer, ainsi l’existence de ces hommes, vrais miracles vivants,
ne détruit pas la vérité et la nécessité de ce que Nous venons de
dire.
45. Cette
nécessité de la vertu et de la science, cette exigence d’être un
exemple et d’édifier, d’être cette bonne odeur du Christ (2 Co
2, 15) que le prêtre doit par-dessus tout répandre autour de lui
chez ceux qui l’approchent, est aujourd’hui plus opportune que
jamais. En effet, l’Action Catholique, ce mouvement si consolant qui
sait pousser les âmes vers le plus sublime idéal de perfection, met
les laïques en contact plus fréquent et en collaboration plus intime
avec le prêtre ; non seulement — ce qui est naturel — ils se
tournent vers lui comme vers un guide, mais ils le regardent aussi
comme un exemple de vie chrétienne et de vertu apostolique.
46. De la
dignité si éminente du sacerdoce et des qualités si relevées qu’il
réclame, dérive, Vénérables Frères, l’inéluctable nécessité de
donner aux candidats du sanctuaire une formation proportionnée.
Consciente de
cette nécessité, l’Église n’a peut-être jamais, au cours des
siècles, témoigné pour aucune autre oeuvre une aussi tendre
sollicitude, une aussi maternelle préoccupation que pour la
formation de ses prêtres. Elle n’ignore pas que si l’état religieux
et moral des peuples dépend en grande partie du sacerdoce, l’avenir
du prêtre lui-même dépend de la formation qu’il aura reçue ; pour
lui aussi se vérifie la parole de l’Esprit-Saint : De la voie par
laquelle il aura été acheminé dans son adolescence, il ne
s’éloignera pas dans sa vieillesse (Pv 22, 6). Aussi
l’Église, conduite par l’Esprit Saint, a voulu que partout fussent
érigés des Séminaires pour y élever et y former avec un soin tout
particulier les aspirants au sacerdoce.
Le Séminaire est
donc et doit être comme la pupille de vos yeux, Vénérables Frères,
qui partagez avec Nous le redoutable fardeau du gouvernement de
l’Église. Il est et doit être l’objet principal de vos
préoccupations.
47. Avant tout,
votre premier soin sera le choix des Supérieurs, des Maîtres et tout
particulièrement du Directeur spirituel auquel incombe une part si
délicate et si importante dans la formation de l’âme sacerdotale.
Donnez à vos Séminaires les prêtres les meilleurs ; ne craignez pas
de les dérober même à des charges apparemment plus brillantes, mais
ne pouvant, en réalité, se comparer à cette oeuvre capitale et
irremplaçable ; au besoin, faites-les venir du dehors, de partout où
vous en trouverez vraiment à la hauteur d’une si noble tâche ;
choisissez-les tels que, par l’exemple encore plus que par la
parole, ils enseignent les vertus sacerdotales et qu’ils sachent
infuser, avec la science, un esprit solide, viril, apostolique ;
qu’ils fassent fleurir dans le Séminaire la piété, la pureté, la
discipline, les études ; qu’ils prémunissent avec prudence les
jeunes clercs non seulement contre les tentations présentes, mais
aussi contre les périls autrement graves auxquels ils se trouveront
exposés dans le monde où ils sont appelés à vivre un jour pour le
salut de tous (1 Co 9, 22).
48.
Et pour que les futurs prêtres puissent avoir cette science
qu’exigent les temps présents, comme Nous l’avons exposé plus haut,
il est d’une suprême importance qu’après une solide formation
classique, ils soient initiés et entraînés à la philosophie
scolastique « selon la méthode, la doctrine et les principes du
Docteur angélique »
.
Cette « philosophie de tous les temps, philosophia perennis »,
comme l’appelle Notre grand Prédécesseur Léon XIII, non seulement
leur est nécessaire pour approfondir le dogme, mais aussi les
prémunit efficacement contre les erreurs modernes, quelles qu’elles
soient, en rendant leur esprit apte à distinguer nettement le vrai
du faux ; dans les questions de tout genre et dans les autres études
qu’ils auront à faire, elle leur donnera aussi une clarté de vue
intellectuelle, qui surpassera de beaucoup celle d’autres, munis
d’une plus grande érudition, mais privés de cette formation
philosophique.
49.
Et si, comme le cas se présente en certaines régions, l’exiguïté des
diocèses, ou la douloureuse pénurie de vocations, ou le manque de
ressources et d’hommes capables ne permettaient pas à chaque diocèse
d’avoir son propre Séminaire bien organisé selon toutes les règles
du Droit canonique
et les autres prescriptions ecclésiastiques, il serait
souverainement opportun que les évêques de la région se prêtassent
un fraternel concours pour unir leurs forces et les concentrer sur
un Séminaire commun correspondant pleinement à sa haute destination.
Les grands avantages d’une telle concentration compenseront
amplement les sacrifices à supporter ; et s’il est douloureux pour
le coeur paternel de l’évêque de voir ses chers lévites s’éloigner
momentanément du Pasteur qui aurait aimé transmettre lui-même à ses
futurs collaborateurs son esprit apostolique, s’éloigner aussi du
sol même qui sera un jour leur champ d’apostolat, le sacrifice lui
sera payé avec usure quand il les verra revenir mieux formés et plus
riches de ce patrimoine spirituel qu’ils pourront ensuite dépenser
en plus grande abondance et au plus grand profit de leur diocèse.
Voilà pourquoi Nous n’avons négligé aucune occasion d’encourager, de
promouvoir, de favoriser pareilles initiatives ; souvent même Nous
les avons suggérées et recommandées. Bien plus, pour Notre propre
compte, là où Nous l’avons estimé nécessaire, Nous avons Nous-même
érigé, perfectionné, amplifié quelques-uns de ces Séminaires
régionaux, chacun le sait, et cela non sans lourdes dépenses ni gros
soucis ; Dieu aidant, Nous continuerons encore, dans l’avenir, à
consacrer tout Notre zèle à une oeuvre que Nous rangeons parmi les
plus utiles au bien de l’Église.
50. Pourtant,
tout ce magnifique effort pour l’éducation des élèves du sanctuaire
servirait peu sans une soigneuse sélection des candidats en faveur
desquels sont érigés et entretenus les Séminaires. A cette sélection
ont à concourir tous ceux qui sont préposés à la formation du clergé
: Supérieurs, Directeurs spirituels, confesseurs, chacun selon le
mode et dans les limites propres de sa charge. De même qu’ils
doivent avec tout leur dévouement cultiver la vocation divine et
l’affermir, ainsi doivent-ils, avec non moins de zèle, écarter et
éloigner à temps d’une voie qui n’est pas la leur les jeunes gens
qu’ils voient dépourvus des qualités nécessaires et qu’ils prévoient
inhabiles à remplir dignement et honorablement le ministère
sacerdotal. Et, bien qu’il soit de beaucoup préférable que cette
élimination se fasse dès le début, parce qu’en pareille affaire
l’attente et les délais sont tout à la fois une grave erreur et un
grave dommage, néanmoins, quelle qu’ait été la cause du retard, il
faut corriger l’erreur aussitôt constatée, sans aucune considération
humaine, sans cette fausse miséricorde qui tournerait en véritable
cruauté, non seulement pour l’Église à qui elle livrerait un
ministre incapable ou indigne, mais également pour le jeune homme
lui-même qui, ainsi aiguillé sur une fausse route, se verrait exposé
à devenir une pierre d’achoppement et pour lui et pour les autres,
et risquerait sa vie éternelle.
51. A celui qui
gouverne le Séminaire, avec prudence et vigilance, qui suit avec une
sollicitude attentive chacun des jeunes gens confiés à ses soins,
qui sonde leurs qualités et dispositions d’esprit, il ne sera pas
malaisé de discerner et découvrir ceux qui sont appelés d’en haut au
sacerdoce. Vous le savez bien, Vénérables Frères, pour accéder à cet
office, plutôt qu’un attrait intérieur et un penchant sensible, qui
peuvent parfois faire défaut, c’est l’inclination droite et
l’intention de l’esprit vers le sacerdoce, ainsi qu’un ensemble de
qualités du corps et de l’âme qui le rendent propre à embrasser cet
état. Quiconque aspire au sacerdoce uniquement pour le noble motif
de se consacrer au service de Dieu et au salut des âmes, et en même
temps possède une solide piété, une pureté de vie à toute épreuve,
et a atteint ou du moins s’efforce d’acquérir une science suffisante
au sens où Nous l’avons exposé plus haut, montre qu’il est appelé
par Dieu à l’état sacerdotal. Celui-là, au contraire, qui, poussé
peut-être par des parents mal inspirés, voudrait embrasser cet état
avec la perspective d’avantages temporels et des gains terrestres
qu’il entrevoit ou qu’il espère à travers le sacerdoce, ainsi qu’il
pouvait arriver plus fréquemment jadis ; celui qui est
habituellement réfractaire à la dépendance et à la discipline, peu
enclin à la piété, peu studieux et peu zélé pour les âmes ; celui
surtout qui est porté à la sensualité et qu’une expérience prolongée
montre incapable de la vaincre, celui qui a si peu de dispositions
pour les études que l’on prévoit qu’il n’en pourra suivre, de
manière à donner satisfaction, le cours normal : tous ceux-là ne
sont pas faits pour le sacerdoce, et les laisser avancer presque
jusqu’au seuil du sanctuaire, ce n’est que leur rendre plus
difficile le retour en arrière, c’est peut-être les pousser à
franchir ce seuil par respect humain, sans vocation et sans esprit
sacerdotal.
52.
Que les Supérieurs de Séminaires, que les Directeurs spirituels et
les confesseurs songent à la grave responsabilité qu’ils assument
devant Dieu, devant l’Église, devant les jeunes gens eux-mêmes si,
pour leur part, ils ne font pas tout le possible pour empêcher une
fausse orientation. Nous disons que les confesseurs et les
Directeurs spirituels pourraient eux aussi être responsables d’une
si lourde erreur : ce n’est pas qu’ils puissent en aucune façon agir
au for externe, ce qui leur est sévèrement défendu par le fait de
leur ministère extrêmement délicat et souvent même par l’inviolable
sceau sacramentel, mais ils peuvent exercer une influence profonde
sur l’esprit de chacun des élèves, et ils doivent les guider chacun
suivant les exigences de son bien spirituel ; par conséquent, s’il
arrive que, pour une raison quelconque, les Supérieurs n’agissent
point ou se montrent trop faibles, ils doivent, sans aucune
considération humaine, faire aux inaptes comme aux indignes un
devoir de conscience de se retirer tandis qu’il en est encore temps,
et ils doivent en cela s’en tenir à la solution la plus sûre,
laquelle en pareil cas est aussi la plus avantageuse pour le
pénitent, puisqu’elle le détourne de faire un pas qui pourrait lui
être fatal pour l’éternité. Dans le cas même où le devoir de
conscience n’apparaîtrait pas aussi clairement, qu’ils usent du
moins de toute l’autorité qu’ils tiennent de leur charge et de leur
affection paternelle envers leurs fils spirituels pour amener ceux
qui n’ont pas les dispositions requises à se retirer spontanément.
Que les confesseurs se rappellent ce que, en pareille matière,
déclare saint Alphonse de Liguori : « Généralement parlant... (dans
les cas de cette sorte), plus le confesseur usera de rigueur envers
ses pénitents, plus il contribuera à leur salut ; tandis que, plus
il se montrera indulgent, plus il sera effectivement cruel. Saint
Thomas de Villeneuve accusait les confesseurs trop indulgents d’une
cruelle pitié, impie pios. C’est une charité contraire à la
charité »
.
53.
Mais la responsabilité principale demeure toujours celle de l’évêque
qui, selon la loi très grave de l’Église, « ne doit conférer les
ordres sacrés à personne sans avoir la certitude morale, fondée sur
des raisons positives, de son aptitude canonique ; faute de quoi non
seulement il se rend coupable d’un péché grave, mais il s’expose en
outre à encourir sa part de responsabilité dans les péchés
d’autrui »
.
C’est l’écho fidèle de l’avis de l’Apôtre à Timothée, qui résonne
dans ce canon : Ne te hâte pas d’imposer les mains à personne, pour
n’avoir point part aux péchés d’autrui (1 Tm 5, 22).
« Or, comme
explique Notre prédécesseur saint Léon le Grand, c’est imposer
hâtivement les mains que de conférer la dignité sacerdotale à des
candidats non éprouvés, sans attendre la maturité de l’âge, le
mérite de l’obéissance, le temps de l’examen, l’expérience de la
discipline, et c’est participer aux péchés d’autrui que de faire un
consécrateur de celui qui ne méritait pas d’être consacré lui-même »
.
En effet, dit saint Jean Chrysostome s’adressant à l’évêque : « Tu
payeras la peine de ses péchés présents et futurs, toi qui l’as
constitué en dignité »
.
54.
Dures paroles, Vénérables Frères, mais plus redoutable encore la
responsabilité qu’elles soulignent, responsabilité qui faisait dire
au grand évêque de Milan, saint Charles Borromée : « En cette
matière, une légère négligence peut me charger d’une lourde faute »
.
Tenez-vous-en donc au conseil de saint Jean Chrysostome cité plus
haut : « Ce n’est pas après une première, une seconde, une troisième
épreuve, mais après une réflexion prolongée, après un minutieux
examen que tu imposeras les mains »
.
Et cela s’applique avant tout à la sainteté de vie du candidat au
sacerdoce : « Ce n’est pas assez, dit le saint évêque et docteur
Alphonse-Marie de Liguori, que l’évêque ne trouve rien de mal chez
l’ordinand, il doit être certain de sa vertu positive »
.
Ne craignez donc pas de paraître trop sévères, si, usant de votre
droit, vous exigez préalablement ces preuves positives, et si, en
cas de doute, vous remettez à plus tard l’ordination de quelqu’un,
car, comme l’enseigne élégamment saint Grégoire le Grand, « si l’on
veut bâtir une maison, on ne fait pas supporter tout le poids de
l’édifice à des bois que l’on vient à peine de couper dans la forêt
: ils ploieraient et jetteraient bas le poids dont on les a chargés
; mais on attend qu’ils aient bien séché et perdu toute la verdeur »
;
ou encore pour emprunter les paroles concises et claires du Docteur
angélique : « Les ordres sacrés présupposent la sainteté... ainsi le
fardeau des ordres repose sur des murailles que la sainteté a déjà
débarrassées de l’humidité des vices »
.
Du reste,
si l’on observe avec soin toutes les prescriptions canoniques, si
tous s’en tiennent aux règles de prudence que Nous avons fait
promulguer, il y a quelques années, sur ce sujet par la Sacrée
Congrégation des Sacrements
,
on épargnera bien des larmes à l’Église, bien des scandales aux
fidèles.
Et comme
Nous avons voulu que des règles analogues fussent données pour les
religieux
,
en même temps que Nous en inculquons à qui de droit l’exacte
observance, Nous rappelons à tous les Supérieurs généraux des
Instituts religieux qui ont des jeunes clercs se préparant au
sacerdoce, qu’ils ont à regarder comme s’adressant également à eux
ce que Nous avons recommandé jusqu’ici à propos de la formation du
clergé, puisqu’ils présentent leurs sujets à l’ordination et que
l’évêque s’en rapporte d’ordinaire à leur jugement.
55.
Que ni les évêques, ni les Supérieurs religieux ne se laissent
détourner de cette absolue sévérité par la crainte que le nombre des
prêtres du diocèse ou de l’Institut n’en vienne à décroître. Le
Docteur angélique, saint Thomas, s’est déjà posé la question, et
voici comme il y répond, avec sa clarté et sa sagesse coutumières :
« Dieu n’abandonne jamais tellement son Église qu’on n’y puisse
trouver les hommes qu’il faut pour suffire aux besoins du peuple,
pourvu qu’on fasse avancer ceux qui en sont dignes et que les
indignes soient exclus »
.
Du reste, comme le remarque justement le même saint Docteur, en
rapportant presque mot à mot les graves paroles du IVe
Concile oecuménique du Latran
:
« Si l’on ne pouvait trouver autant de prêtres qu’il y en a
maintenant, mieux vaudrait avoir un petit nombre de bons prêtres que
beaucoup de mauvais »
.
C’est ce que Nous-même avons rappelé dans une circonstance
solennelle quand, à l’occasion du pèlerinage international des
séminaristes, l’année de Notre jubilé sacerdotal, Nous adressant au
groupe imposant des archevêques et évêques d’Italie, Nous disions
qu’un seul prêtre bien formé vaut mieux qu’un grand nombre peu ou
point préparés et sur lesquels l’Église ne peut guère compter, à
supposer même qu’elle n’ait pas à pleurer sur eux
.
Quel compte
terrible, Vénérables Frères, n’aurons-nous pas à rendre au Prince
des Pasteurs (cf. 1 P 5, 4), à l’Évêque souverain des âmes
(cf. 1 P 2, 25), si jamais nous avons confié ces mêmes âmes à
des guides incapables, à des chefs qui ne seraient pas à la hauteur
de leur mission !
56. Et
pourtant, bien qu’il faille tenir ferme ce principe que le nombre ne
doit pas être pour lui-même la préoccupation primordiale de qui
collabore à la formation du clergé, tous, cependant, doivent
s’efforcer d’accroître le recrutement de vigoureux et vaillants
ouvriers pour la vigne du Seigneur, d’autant plus que les besoins
moraux de la société, loin de diminuer, vont toujours croissant. Et,
parmi tous les moyens de parvenir à un but si noble, le plus facile
et tout à la fois le plus efficace, le plus universellement à la
portée de tous et celui, en conséquence, que tous doivent employer,
c’est la prière, selon le précepte de Jésus-Christ lui-même : La
moisson est abondante, mais les ouvriers sont rares ; priez donc le
Maître de la moisson pour qu’il y envoie des moissonneurs (Mt
9, 37.38). Quelle prière pourrait être plus agréable au Coeur sacré
du Rédempteur ? Quelle prière peut espérer d’être exaucée plus vite
et plus pleinement que celle-là, si conforme aux ardents désirs de
ce Coeur divin ? Demandez donc et on vous donnera (Mt 7, 7) ;
demandez de bons et de saints prêtres, le Seigneur ne les refusera
pas à son Église : il lui en a toujours donné au cours des siècles,
aux époques même qui semblaient moins propices à l’éclosion de
vocations sacerdotales ; bien plus, il les donnait alors en plus
grande abondance, à ne conclure que des témoignages de
l’hagiographie catholique du XIXe siècle, si riche en
gloires de l’un et l’autre clergés, parmi lesquelles brillent comme
des étoiles de première grandeur ces trois géants de la sainteté qui
s’illustrèrent en des champs d’action si divers et que Nous avons eu
la consolation d’honorer de l’auréole des saints : saint Jean-Marie
Vianney, saint Joseph-Benoît Cottolengo et saint Jean Bosco.
57.
Il ne faudrait pas toutefois laisser de côté les moyens humains de
cultiver le germe précieux de la vocation que Dieu a semé à pleines
mains dans les coeurs généreux de tant de jeunes gens, et c’est
pourquoi Nous louons, Nous bénissons et Nous recommandons de tout
Notre coeur ces oeuvres pies qui, de maintes façons suggérées par
l’Esprit Saint, visent à conserver, à promouvoir, à seconder les
vocations sacerdotales. « Nous aurons beau penser, affirmait
l’aimable saint de la charité, Vincent de Paul, nous trouverons
toujours que nous n’aurions jamais pu contribuer à quelque chose de
plus grand qu’à faire de bons prêtres »
.
De fait, rien n’est plus agréable à Dieu, plus honorable à l’Église,
plus profitable aux âmes que le don d’un saint prêtre. Si donc celui
qui offre un verre d’eau au plus petit des disciples du Christ ne
perdra pas sa récompense (Mt 10, 42), quelle ne sera pas la
récompense de celui qui met pour ainsi dire dans les mains pures
d’un jeune lévite le calice sacré, empourpré du Sang de la
Rédemption, et qui l’aide à élever vers le ciel ce calice, gage de
pacification et de bénédiction pour l’humanité ?
58. C’est ici
que Notre pensée reconnaissante se porte vers cette Action
Catholique que Nous avons constamment voulue, promue et défendue, et
qui, en tant qu’elle est la participation du laïcat à l’apostolat
hiérarchique de l’Église, ne peut pas se désintéresser du problème
vital des vocations sacerdotales. Et de fait, pour Notre profonde
consolation, Nous la voyons en tous lieux se distinguer dans ce
champ particulier de l’activité chrétienne comme en tous les autres
; certainement, la plus riche récompense de son dévouement est
précisément de voir cette admirable floraison de vocations
sacerdotales et religieuses au sein de ses organisations de
jeunesse, prouvant par là qu’elles ne sont pas seulement un terrain
fécond pour le bien, mais un jardin bien gardé et bien cultivé, où
les fleurs les plus belles et les plus délicates peuvent s’épanouir
sans danger. Que tous les membres de l’Action Catholique apprécient
l’honneur qui en rejaillit sur leur association et qu’ils se
persuadent que, par la collaboration à ce recrutement du clergé
séculier et régulier, mieux qu’en aucune autre manière, le laïcat
participera effectivement à la haute dignité du sacerdoce royal,
dont le Prince des Apôtres salue tout le peuple des rachetés (1 P
2, 9).
59. Mais le
premier jardin, et le mieux adapté, où doivent comme spontanément
germer et éclore les fleurs du sanctuaire, c’est encore toujours la
famille vraiment et profondément chrétienne. La majeure partie des
évêques et des prêtres dont l’Église proclame la louange (Si
44, 15) doivent l’origine de leur vocation et de leur sainteté aux
exemples et aux leçons d’un père rempli de foi et de vertu virile,
d’une mère chaste et pieuse, d’une famille dans laquelle, avec la
pureté des moeurs, règne en souveraine la charité pour Dieu et pour
le prochain. Les exceptions à cette règle courante de la Providence
sont rares et ne font que confirmer la règle. Quand, dans une
famille, les parents, sur le modèle de Tobie et de Sara, demandent à
Dieu une nombreuse postérité, où soit béni le nom de Dieu dans les
siècles des siècles (Tb 8, 9), et qu’ils la reçoivent avec
gratitude comme un don du ciel et comme un dépôt précieux ; quand
ils s’efforcent d’inculquer à leurs enfants dès les premières années
la sainte crainte de Dieu, la piété chrétienne, une tendre dévotion
à Jésus Eucharistie et à la Vierge Immaculée, le respect envers les
lieux et les personnes sacrés ; quand, de leur côté, les enfants
voient dans leurs parents le modèle d’une vie d’honneur, de travail
et de piété ; quand ils les voient s’aimer saintement dans le
Seigneur, s’approcher souvent des sacrements, obéir non seulement à
la loi ecclésiastique de l’abstinence et du jeûne, mais en outre à
l’esprit chrétien de la mortification volontaire ; quand ils les
voient prier au foyer domestique, groupant autour d’eux toute la
famille, afin que la prière en commun monte plus agréable vers le
ciel ; quand ils les savent compatissants aux misères du prochain et
qu’ils les voient partager avec les pauvres leur riche ou leur
modique avoir, il est bien difficile que, tandis que tous les
enfants s’efforceront de suivre les exemples des parents, il n’y en
ait pas un au moins parmi eux qui n’entende au fond du coeur l’appel
du divin Maître : Viens, suis-moi (Mt 19, 21 ; Mc 10,
21) ; je ferai de toi un pêcheur d’hommes (cf. Mt 4, 19).
Bienheureux les
parents chrétiens qui, même s’ils ne font pas de ces divins appels à
leurs enfants l’objet de leurs plus ferventes prières, comme jadis
aux temps de plus grande foi où cela arrivait plus souvent
qu’aujourd’hui, du moins n’en ont pas peur et savent y voir un
honneur insigne, une grâce de prédilection du Seigneur pour la
famille.
60.
Il faut bien reconnaître, au contraire, que souvent, trop souvent,
hélas les parents, même parmi ceux qui se font une gloire d’être
sincèrement chrétiens et catholiques — et cela surtout dans les
classes les plus élevées et les plus cultivées de la société — ne
semblent pas pouvoir se résigner à la vocation sacerdotale ou
religieuse de leurs enfants et ne se font aucun scrupule de
combattre l’appel divin par toutes sortes d’arguments, voire par des
moyens qui peuvent mettre en péril non seulement la vocation à un
état plus parfait, mais la conscience même et le salut éternel de
ces âmes qui, pourtant, devraient leur être si chères. Ce déplorable
abus, comme celui, qui régnait fâcheusement aux siècles passés, de
contraindre les enfants à l’état ecclésiastique, même sans aucune
vocation ou aptitude
,
n’est certes pas à l’honneur de ces mêmes hautes classes sociales,
aujourd’hui généralement si peu représentées dans les rangs du
clergé. En effet, s’il est vrai que la dissipation de la vie
moderne, les attractions qui, surtout dans les grandes villes,
éveillent prématurément les passions de la jeunesse, les écoles si
peu favorables en tant de pays au développement de ces vocations,
sont en grande partie la cause et la douloureuse explication de la
rareté des vocations sacerdotales dans les familles aisées et
distinguées, on ne peut, par ailleurs, nier que cette rareté
témoigne également d’une déplorable diminution de foi dans les
familles elles-mêmes. Et de fait, s’ils regardaient les choses sous
la lumière de la foi, quelle dignité plus haute des parents
chrétiens pourraient-ils désirer pour leurs enfants, quel rôle plus
noble que celui qui, Nous l’avons dit, est digne de la vénération
des hommes et des anges ? Une longue et douloureuse expérience nous
enseigne du reste qu’une vocation trahie (et le mot n’est pas trop
sévère) est la source de larmes non seulement pour les enfants, mais
pour leurs aveugles parents. Dieu veuille que ces larmes trop
tardives ne deviennent des larmes éternelles.
61. Et
maintenant c’est à vous, Fils très aimés, que Nous adressons
directement Notre parole paternelle, vous tous, prêtres du
Très-Haut, membres de l’un et l’autre clergés, répandus dans tout
l’univers catholique ; à vous, qui êtes Notre gloire et Notre joie
(1 Th 2, 20), qui portez avec tant de générosité le poids du
jour et de la chaleur (Mt 20, 12) et qui Nous aidez si
efficacement, Nous et Nos Frères dans l’épiscopat, à remplir le
devoir de paître le troupeau du Christ ; à vous vont Notre
paternelle reconnaissance et Nos vifs encouragements ; mais en même
temps, bien que Nous connaissions et appréciions votre zèle si
louable, Nous vous adressons, dans les besoins de l’heure présente,
un appel angoissé. Plus ces besoins s’aggravent et plus doit croître
et s’intensifier votre oeuvre rédemptrice, parce que vous êtes le
sel de la terre et la lumière du monde (Mt 5, 13.14).
Mais, pour que
votre action soit vraiment bénie de Dieu et que ses fruits soient
abondants, il faut qu’elle ait pour base la sainteté de vie. C’est,
Nous l’avons dit plus haut, la première et la plus importante des
qualités du prêtre catholique : sans elle, les autres dons comptent
peu ; avec elle, même sans être éminemment doué, on peut accomplir
des merveilles, comme ce fut le cas, pour ne citer que quelques
exemples, de saint Joseph de Cupertino, et en des temps plus proches
de nous, celui de l’humble curé d’Ars, Jean-Marie Vianney, que Nous
avons déjà mentionné et que Nous voulons présenter à tous les curés
comme modèle et céleste Patron. Aussi vous dirons-Nous avec l’Apôtre
des Gentils : Considérez votre vocation (1 Co 1, 26), et
cette considération ne pourra pas ne pas vous faire estimer toujours
davantage cette grâce, qui vous a été conférée par l’ordination
sacrée, et ne pas vous stimuler à marcher dignes de la vocation à
laquelle vous avez été appelés (Ep 4, 1).
62.
A cela vous aidera beaucoup le moyen que Notre Prédécesseur de
sainte mémoire, Pie X, dans son Exhortation si pieuse et si
affectueuse au clergé catholique
,
dont Nous recommandons vivement la lecture assidue, place en premier
lieu, parmi les secours les plus efficaces pour conserver et
augmenter la grâce sacerdotale ; moyen dont Nous-même, à plusieurs
reprises et particulièrement dans Notre Encyclique Mens Nostra
,
avons paternellement et solennellement cherché à inculquer
l’importance à tous Nos fils, mais plus spécialement aux Prêtres :
il s’agit de l’usage fréquent des Exercices spirituels. Et comme en
clôturant Notre Jubilé sacerdotal, Nous n’avons pas cru pouvoir
donner à Nos enfants un meilleur et plus salutaire souvenir de cet
heureux événement qu’en les invitant, par la Lettre qui vient d’être
rappelée, à puiser plus abondamment à cette source intarissable que
Dieu a fait surgir providentiellement dans son Église l’eau vive qui
jaillit jusqu’à la vie éternelle (cf. Jn 4, 14) ; de même à
vous, aujourd’hui, Fils très aimés, à vous qui Nous êtes
spécialement chers parce que vous travaillez plus directement avec
Nous au progrès du Règne du Christ sur la terre, Nous ne croyons pas
pouvoir mieux vous montrer Notre paternelle affection qu’en vous
exhortant instamment à tirer le meilleur profit possible de ce moyen
de sanctification ; pour cela, vous suivrez les principes et les
normes que Nous avons exposés dans l’Encyclique précitée : vous
enfermant dans la sainte retraite des Exercices spirituels non
seulement pendant le temps et dans la mesure strictement prescrits
par les lois ecclésiastiques
,
mais encore le plus souvent et le plus longuement que cela sera
possible, vous réservant aussi chaque mois un jour pour le consacrer
à une prière plus fervente et à un plus grand recueillement
,
selon l’usage constant des prêtres les plus zélés.
63.
C’est aussi dans la retraite et le recueillement que pourra ranimer
la grâce de Dieu (2 Tm 1, 6) celui qui serait entré « au
service du Seigneur », non par la voie droite de la vraie vocation,
mais pour des fins terrestres et moins nobles : puisque lui aussi a
été dès lors indissolublement uni à Dieu et à l’Église, il ne lui
reste plus qu’à suivre le conseil de saint Bernard : « Fais en sorte
que désormais ta conduite et tes aspirations soient bonnes et que
ton ministère soit saint ; puisque la sainteté de vie n’a pas
précédé, que du moins elle suive »
.
La grâce de Dieu, et précisément celle qui est propre au Sacrement
de l’Ordre, ne manquera pas de l’aider, s’il le désire sincèrement,
à corriger ce qui alors a été défectueux dans ses dispositions
personnelles, et à remplir tous les devoirs de son état présent, de
quelque manière qu’il y soit entré.
64. Tous
ensuite vous sortirez de ce temps de recueillement et de prière
fortifiés contre les pièges du monde, animés d’un saint zèle pour le
salut des âmes, tout enflammés d’amour de Dieu, comme doivent l’être
plus que jamais les prêtres en ces temps où, à côté d’une corruption
si grande et d’une perversité satanique, on sent de toutes parts un
puissant réveil religieux dans les âmes, un souffle de l’Esprit
Saint qui se répand sur le monde pour le sanctifier et pour
renouveler de sa force créatrice la face de l’Univers (cf. Ps
103, 30). Pleins de cet Esprit Saint, vous communiquerez cet amour
de Dieu comme un saint incendie à tous ceux qui s’approchent de
vous, vous imprégnerez d’esprit chrétien la société bouleversée qui
ne peut mettre son espoir que dans le Christ, parce que toujours lui
seul est vraiment le Sauveur du monde (Jn 4, 42).
65. Et avant de
terminer, c’est à vous, jeunes clercs, qui vous formez pour le
sacerdoce, c’est à vous qu’avec une tendresse toute particulière va
Notre pensée et s’adressent Nos paroles : du fond de Notre coeur
Nous vous recommandons de vous préparer avec tout le soin possible à
la grande mission à laquelle Dieu vous appelle. Vous êtes l’espoir
de l’Église et des peuples qui attendent beaucoup, ou plutôt qui
attendent tout de vous, et principalement cette connaissance active
et vivifiante de Dieu et de Jésus-Christ, qui constitue la vie
éternelle (cf. Jn 17, 3).
Cherchez
donc par la piété, la pureté, l’humilité, l’obéissance, la
discipline, l’étude, à devenir des prêtres vraiment selon le Coeur
de Dieu ; persuadez-vous que le soin avec lequel vous travaillerez à
acquérir une formation solide, si grand et diligent qu’il soit, ne
sera jamais excessif, puisque de cette formation dépend en grande
partie votre future activité apostolique. Faites que l’Église, au
jour de votre ordination sacerdotale, vous trouve vraiment tels
qu’elle vous veut, c’est-à-dire « qu’une sagesse céleste, des moeurs
pures, une pratique de la vertu éprouvée par le temps, soient votre
recommandation », afin que « le parfum de votre vie charme l’Église
du Christ, et que, par votre prédication et votre exemple, vous
édifiiez la maison, c’est-à-dire la famille de Dieu »
.
Ainsi seulement
vous pourrez continuer les glorieuses traditions du sacerdoce
catholique et hâter le jour si désiré où il sera donné à l’humanité
de goûter les fruits de la paix du Christ dans le règne du Christ.
66. Et
maintenant, en terminant cette lettre, Nous désirons vous annoncer,
à vous, Nos Vénérables Frères dans l’épiscopat, et par vous à tous
Nos fils très chers, qu’à titre de témoignage solennel de Notre
reconnaissance pour la sainte coopération par laquelle, à votre
suite et à votre exemple, ils ont rendu si fructueuse pour les âmes
cette Année Sainte de la Rédemption, et plus encore pour perpétuer
le pieux souvenir et la glorification de ce sacerdoce, dont le Nôtre
et le vôtre, Vénérables Frères, et celui de tous les prêtres du
Christ, sont la participation et la continuation, Nous avons cru
opportun, après avoir entendu l’avis de la Sacrée Congrégation des
Rites, de préparer une messe propre " du suprême et éternel
Sacerdoce de Jésus-Christ ", messe que Nous avons le plaisir et la
consolation de publier en même temps que la présente Encyclique.
Il ne Nous reste,
Vénérables Frères, qu’à accorder à tous la Bénédiction Apostolique
et paternelle qu’ils attendent et désirent du Père commun. Que ce
soit une bénédiction d’action de grâces pour tous les bienfaits
départis par la Bonté divine au cours de ces deux Années Saintes
extraordinaires de la Rédemption, que ce soit une bénédiction pleine
de souhaits pour la nouvelle année qui va commencer !
Donné à Rome,
près Saint-Pierre, le 20 décembre 1935, jour du 56e
anniversaire de Notre ordination sacerdotale, la 14e
année de Notre Pontificat.
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