Non
abbiamo bisogno
Lettre
encyclique
de sa sainteté PIE XI
du 29 juin 1931
AAS XXIII (1931) 285 -
312
pour l'Action catholique
Aux Patriarches,
Primats, Archevêques Évêques et autres Ordinaires en paix et
communion avec le Siège apostolique :
Nous n'avons pas à vous
apprendre, Vénérables Frères, les événements qui, en ces derniers
temps, se sont accomplis en cette ville de Rome, Notre Siège
épiscopal, et dans toute l'Italie, c'est-à-dire précisément dans
Notre circonscription primatiale, événements qui ont eu une si ample
et si profonde répercussion dans le monde entier et, plus
particulièrement dans tous et dans chacun des diocèses de l'Italie
et du monde catholique. Ils se résument en ces brèves et tristes
paroles : on a tenté de frapper à mort tout ce qui était et ce qui
sera toujours le plus cher à Notre cœur de Père et de Pasteur des
âmes, et Nous pouvons bien, Nous devons même ajouter : “et la
manière même Nous offense”.
C'est en présence et
sous la pression de ces événements que Nous sentons le besoin et le
devoir de Nous adresser à vous et, pour ainsi dire, de visiter en
esprit chacun de vous, Vénérables Frères, en premier lieu, pour
remplir un devoir de fraternelle reconnaissance, devoir grave et qui
devient urgent ; en deuxième lieu, pour satisfaire à un non moins
grave et non moins urgent devoir de défendre la vérité et la justice
en une matière qui, regardant les intérêts et les droits vitaux de
la sainte Église, vous regarde aussi tous et chacun de vous en
particulier, partout où l'Esprit Saint vous a placés pour la
gouverner en union avec Nous ; en troisième lieu, Nous voulons vous
exposer les conclusions et réflexions que les événements semblent
imposer ; en quatrième lieu, Nous voulons vous confier Nos
préoccupations pour l'avenir ; et finalement, Nous vous inviterons à
partager Nos espérances et à prier avec Nous et avec le monde
catholique pour leur accomplissement.
I. La paix
intérieure, cette paix qui vient de la pleine et claire conscience
que l'on a d'être du côté de la vérité et de la justice et de
combattre et de souffrir pour elles, cette paix que seul le Roi
divin sait donner, et que le monde est aussi incapable d'ôter que de
donner, cette paix bénie et bienfaisante ne Nous a, grâce à la bonté
et à la miséricorde de Dieu, jamais abandonné ; et, Nous en avons la
pleine confiance, elle ne Nous abandonnera jamais quoiqu'il arrive ;
mais cette paix, vous le savez très bien, Vénérables Frères, laisse
libre accès aux amertumes les plus douloureuses : il en fut ainsi
pour le coeur de Jésus durant la Passion, il en va de même dans les
coeurs de ses fidèles serviteurs, et Nous avons, Nous aussi,
expérimenté la vérité de cette mystérieuse parole : “voici que ma
suprême amertume se change en paix” (Is 38, 17).
Votre intervention
rapide, large, affectueuse, qui se prolonge encore, Vénérables
Frères, vos sentiments fraternels et filiaux et, par-dessus tout, ce
sentiment de haute, de surnaturelle solidarité, d'intime union de
pensées et de volontés que respirent vos communications pleines
d'amour, Nous ont rempli l'âme d'indicibles consolations et ont bien
des fois fait monter de Notre coeur à Nos lèvres les paroles du
psaume : “dans l'excès des soucis qui m'envahissent, tes
consolations délectent mon âme”. (Ps 93, 19).
De toutes ces
consolations, après Dieu, c'est vous que Nous remercions du fond du
coeur, Vénérables Frères, vous à qui Nous pouvons redire le mot de
Jésus aux apôtres, vos prédécesseurs : " Vous êtes, vous, ceux qui
sont demeurés constamment avec moi dans mes épreuves ". (Lc 22, 28)
Nous sentons aussi et
Nous voulons aussi accomplir le devoir très doux à Notre coeur
paternel, de remercier avec vous, Vénérables Frères, tant de vos
bons et dignes fils qui, individuellement et collectivement en leur
nom personnel et de la part des diverses organisations et
associations dévouées au bien, et plus largement de la part des
associations d'Action Catholique et de jeunesse Catholique, Nous ont
envoyé tant et de si filialement affectueuses expressions de
condoléances, de dévouement et de généreuse et agissante conformité
à Nos désirs. Ce fut pour Nous un spectacle singulièrement beau et
consolant de voir les Actions catholiques de tous les pays, depuis
les plus proches jusqu'aux plus lointains, se trouver rassemblées
autour du Père commun, animées et comme portées par un unique esprit
de foi, de piété filiale, de propos généreux où s'exprime
unanimement la pénible surprise de voir persécutée et frappée
l'Action catholique au centre de l'apostolat hiérarchique, là où
elle a le plus sa raison d'être, elle qui, en Italie comme en toutes
les parties du monde, suivant son authentique et essentielle
définition et suivant Nos vigilantes et assidues directives, si
généreusement secondées par vous, Vénérables Frères, ne veut et ne
peut être rien d'autre que la participation et la collaboration du
laïcat à l'apostolat hiérarchique.
Vous porterez,
Vénérables Frères, l'expression de Notre paternelle reconnaissance à
tous vos fils et Nos fils en Jésus Christ, qui se sont montrés si
bien formés à votre école, si bons et si pieux envers leur Père
commun, au point de Nous faire dire : " Je surabonde de joie dans
toutes nos tribulations " (2 Co 7,4).
Quant à vous, évêques
des diocèses, de cette chère Italie, à tous ensemble et à chacun en
particulier, Nous ne devons pas seulement l'expression de Notre
reconnaissance pour les consolations qu'avec une si noble et si
sainte émulation vous Nous avez prodiguées par vos lettres, durant
tout le mois dernier et spécialement le jour même des saints
apôtres, par vos affectueux et éloquents télégrammes ; mais Nous
devons aussi vous adresser à Notre tour des condoléances pour ce que
chacun de vous a souffert et en voyant soudain s'abattre la tempête
dévastatrice sur les parterres déjà richement fleuris et pleins de
promesses de vos jardins spirituels que l'Esprit Saint a confiés à
vos sollicitudes et que vous cultivez avec tant de zèle et un si
grand bien pour les âmes. Votre coeur, Vénérables Frères, s'est tout
de suite tourné vers le Nôtre pour compatir à Notre peine dans
laquelle vous sentiez converger, comme en leur centre, se rencontrer
et se multiplier toutes les vôtres : vous Nous en avez fourni la
plus claire et la plus affectueuse démonstration, et Nous vous en
remercions de tout coeur. Nous vous sommes particulièrement
reconnaissants de l'unanime et vraiment imposant témoignage que vous
avez rendu à l'Action catholique italienne et spécialement aux
associations de jeunesse, d'être restées dociles et fidèles à Nos
directives et aux vôtres qui excluent toute activité politique de
parti. En même temps que vous, Nous remercions aussi tous vos
prêtres et fidèles, vos religieux et religieuses qui se sont unis à
vous avec un si grand élan de foi et de piété filiale. Nous
remercions spécialement vos Associations d'Action catholique et en
tout premier lieu, les associations de jeunesse, de toutes les
catégories jusqu'aux plus petites benjamines et aux plus petits
enfants qui Nous sont d'autant plus chers qu'ils sont plus petits,
dans les prières desquels Nous avons surtout confiance et espoir.
Vous avez senti,
Vénérables Frères, que Notre coeur était et qu'il est avec vous,
avec chacun de vous, souffrant avec vous, priant pour vous et avec
vous pour que Dieu, en son infinie miséricorde, Nous vienne en aide
et que, de ce grand mal même, déchaîné par l'antique ennemi du bien,
il fasse sortir une nouvelle floraison de bien, et d'un grand bien.
II.
Stigmatisation des faux reproches et des mesures injustes prises par
le gouvernement italien ; lutte des fascistes contre l'Église et
plus spécialement contre l'Action catholique ; état des faits ;
l'Action catholique, organisation ecclésiale et non catholique.
Après avoir satisfait à
Notre dette de reconnaissance pour les consolations que Nous avons
reçues en une si grande douleur, Nous devons satisfaire aux
obligations que le ministère apostolique Nous impose vis-à-vis de la
vérité et de la justice.
Déjà, à plusieurs
reprises, Vénérables Frères, de la façon la plus explicite, et en
assumant toute la responsabilité de ce que Nous disions, Nous Nous
sommes exprimés et Nous avons protesté contre la campagne de fausses
et injustes accusations qui précéda la dissolution des associations
d'universitaires dépendant de l'Action catholique. Dissolution
exécutée par des voies de fait et par des procédés qui donnèrent
l'impression que c'était une vaste et périlleuse association de
criminels que l'on poursuivait ; ils s'agissait de jeunes gens et
d'enfants qui sont certainement les meilleurs parmi les bons et
auxquels Nous sommes heureux et paternellement fier de pouvoir, une
fois de plus, rendre ce témoignage. Les exécuteurs de ces procédés
(pas tous, tant s'en faut, mais nombre d'entre eux) eurent eux-mêmes
cette impression et ils ne la cachèrent pas : ils cherchaient à
tempérer l'accomplissement de leur consigne par des paroles et par
des égards par lesquels ils semblaient présenter des excuses et
vouloir obtenir leur pardon pour ce qu'on les contraignait à faire ;
Nous en avons tenu compte en leur réservant de particulières
bénédictions.
Mais, par une
douloureuse compensation, que de brutalités et de violences allant
jusqu'aux coups et jusqu'au sang, que d'irrévérences de presse, de
paroles et d'actes, contre les choses et contre les personnes, y
compris la Nôtre, ont précédé, accompagné et suivi l'exécution de
l'inopinée mesure de police, et celle-ci, souvent, a été étendue par
l'ignorance ou un zèle malveillant à des associations et à des
institutions qui n'étaient pas même visées par les ordres
supérieurs, jusqu'aux patronages des tout petits et aux pieuses
Congrégations des Enfants de Marie.
Et tout ce lamentable
accompagnement d'irrévérences et de violences devait s'accomplir
avec une telle intervention de membres du parti en uniforme, avec
une telle condescendance des autorités et des forces de la Sûreté
publique, qu'il fallait nécessairement penser à des décisions venues
d'en haut. Il Nous est très facile d'admettre et il n'était pas
moins facile de prévoir, que ces décisions pourraient, voire
qu'elles devraient nécessairement être dépassées. Nous avons dû
rappeler ces choses antipathiques et pénibles, parce que la
tentative n'a pas manqué de faire croire au grand public et au monde
que la déplorable dissolution des Associations qui Nous sont si
chères, s'était accomplie sans incidents et presque comme une chose
normale.
Mais on a attenté en
une bien autre et plus vaste mesure à la vérité et à la justice.
Quoi que toutes les inventions, tous les mensonges et toutes les
véritables calomnies répandus par la presse adverse de parti, la
seule libre et habituée quasi par ordre à tout dire et à tout oser,
n'aient pas été recueillis dans un message, non officiel sans doute
(prudent qualificatif), la plupart l'y ont été, et livrés au public
par les plus puissants moyens de diffusion que l'heure présente
connaisse. L'histoire des documents rédigés non pour servir la
vérité et la justice, mais pour les offenser, est une longue et
triste histoire ; mais Nous devons dire, avec la plus profonde
amertume que, dans les nombreuses années de Notre vie et de Notre
activité de bibliothécaire, Nous avons rarement trouvé sur Notre
chemin un document si tendancieux et si contraire à la vérité et à
la justice, par rapport au Saint Siège, à l'Action catholique
italienne et plus particulièrement aux Associations catholiques si
durement frappées. Si Nous Nous taisions, si Nous laissions passer,
c'est-à-dire si Nous laissions croire, Nous en deviendrions plus
indigne encore que Nous ne le sommes d'occuper cet auguste Siège
apostolique, indigne du filial et généreux dévouement par lequel
Nous ont toujours consolé, et Nous consolent aujourd'hui plus que
jamais Nos chers fils de l'Action catholique ; Nous pensons surtout
à ceux de Nos fils et de Nos filles, si nombreux grâce à Dieu, qui,
pour leur religieuse fidélité à Nos appels et directives, ont tant
souffert et souffrent tant, honorant d'autant plus l'école où ils
ont été formés, et le divin Maître et son indigne Vicaire, qu'ils
démontrent plus lumineusement par leur chrétienne attitude, même en
face des menaces et des violences, de quel côté se trouvent la vraie
dignité de caractère, la vraie force d'âme, le vrai courage, la
civilisation elle-même.
Nous Nous efforcerons
d'être très bref, en rectifiant les faciles affirmations du message
dont Nous venons de parler, Nous disons " faciles ", pour ne pas les
appeler audacieuses, affirmations que le grand public, on le savait,
se trouverait dans la quasi impossibilité de contrôler d'aucune
façon. Nous serons bref, d'autant plus que plusieurs fois déjà,
surtout en ces derniers temps, Nous avons parlé des sujets qui se
représentent aujourd'hui, et que Notre parole, Vénérables Frères, a
pu arriver jusqu'à vous, et par vous, à Nos chers fils en Jésus
Christ de la jeunesse catholique et Nous espérons qu'il en ira de
même pour la présente lettre.
Le message en question
disait notamment que les révélations de la presse adverse de parti
auraient été, dans leur presque totalité confirmées, dans leur
substance tout au moins et précisément par l'Osservatore Romano. La
vérité est que l'Osservatore Romano a, cas par cas, démontré que les
prétendues révélations étaient autant d'inventions, ou en tout et
pour tout, ou tout au moins dans l'interprétation donnée aux faits.
Il suffit de lire sans mauvaise foi et avec la plus minime capacité
de compréhension.
Le message disait
encore que c'était une tentative ridicule que de faire passer le
Saint-Siège comme une victime dans son pays où des milliers de
voyageurs peuvent rendre témoignage du respect dont y sont l'objet
les prêtres, les prélats, l'Église et les cérémonies religieuses.
Oui, Vénérables Frères, ce serait là, malheureusement, une tentative
ridicule, comme il serait ridicule de vouloir enfoncer une porte
ouverte ; car les milliers de voyageurs étrangers qui ne font jamais
défaut en Italie et à Rome ont pu constater personnellement les
irrévérences, souvent impies et blasphématoires, les violences, les
outrages, les vandalismes commis contre des lieux, des choses et des
personnes, dans tout le pays, et en cette même ville, Notre Siège
épiscopal, toutes choses déplorées par Nous à plusieurs reprises, à
la suite d'informations certaines et précises.
Le message dénonce la "
noire ingratitude " des prêtres qui se mettent contre le parti qui a
été (dit-il), pour toute l'Italie, la garantie de la liberté
religieuse. Le clergé, l'épiscopat et le Saint-Siège même n'ont
jamais méconnu l'importance de ce qui a été fait en toutes ces
années au bénéfice et à l'avantage de la religion ; ils en ont même
fréquemment exprimé une vive et sincère reconnaissance. Mais, avec
Nous, l'épiscopat et le clergé et tous les fidèles, voire tous les
citoyens soucieux de l'ordre et de la paix, se sont mis et se
mettent en peine et en préoccupation, en face d'attentats
systématiques, trop vite inaugurés, contre les plus légitimes et les
plus précieuses libertés de la religion et des consciences : savoir
tous les attentats contre l'Action catholique et ses diverses
associations, principalement de jeunesse, attentats et mesures qui
font sérieusement se demander si les premières attitudes
bienveillantes et bienfaisantes provenaient uniquement d'un sincère
amour et d'un zèle sincère pour la religion.
Que si l'on veut parler
d'ingratitude, l'ingratitude a été et reste, à l'égard du
Saint-Siège, le fait d'un parti et d'un régime qui, au jugement du
monde entier, ont tiré de leurs rapports amicaux avec le
Saint-Siège, dans le pays et au dehors, une augmentation de prestige
et de crédit qui, à certains en Italie et à l'étranger, parut
excessive, comme leur parurent trop larges la faveur et la confiance
de Notre part.
Lorsqu'eurent été
consommées les mesures de police et consommées, avec cet
accompagnement et cette suite de violences, d'irrévérences et aussi,
hélas ! d'acquiescements et de connivence des autorités de Sûreté
publique, Nous avons suspendu l'envoi d'un cardinal légat aux fêtes
centenaires de Padoue, et, en même temps, les processions
solennelles à Rome et en Italie. Nous avions évidemment qualité pour
prendre cette décision ; Nous en voyions des motifs si graves et si
urgents, qu'ils Nous en créaient le devoir ; tout en ignorant point
les graves sacrifices que, par là, Nous imposions aux bons fidèles
et malgré la chagrin que Nous en ressentions plus que personne.
Comment, en effet, ces joyeuses solennités auraient-elles pu garder
leur cours habituel parmi le deuil et la peine où avaient été plongé
le coeur du Père commun de tous les fidèles et le coeur maternel de
Notre sainte Mère l'Église, à Rome, en Italie, voire dans tout le
monde catholique, comme l'a tout de suite prouvé la sympathie
universelle et vraiment mondiale de tous Nos fils, et vous à leur
tête, Vénérables Frères ? Comment pouvions-Nous aussi ne point
craindre pour le respect et la sécurité même des personnes et des
choses les plus sacrées, étant donné l'attitude des autorités et des
forces publiques, en face de tant d'irrévérences et de violences ?
Partout où Nos
décisions ont pu être connues, les bons prêtres et les bons fidèles
eurent les mêmes impressions et les mêmes sentiments ; et là où ils
ne furent point intimidés, menacés ou pire encore, ils en donnèrent
des preuves magnifiques et très consolantes pour Nous, en remplaçant
les célébrations solennelles par des heures de prières, d'adoration
et de réparation, en union de peine et d'intention avec le Saint
Père et avec un merveilleux concours de peuple.
Nous savons comment les
choses se sont passées là où Nos instructions ne purent arriver à
temps, et avec quelle intervention des autorités, que souligne le
message, de ces mêmes autorités qui déjà avaient assisté ou qui, peu
après, auraient assisté, muettes et passives, à l'accomplissement
d'actes nettement anticatholiques et antireligieux : chose que le
message ne dit point. Il dit, au contraire, qu'il y eut des
autorités ecclésiastiques locales qui se crurent en état " de ne
point prendre acte " de Notre prohibition. Nous ne connaissons pas
une seule autorité ecclésiastique locale qui ait mérité l'affront et
l'offense impliqués en de pareilles paroles. Nous savons, au
contraire, et Nous déplorons vivement les prescriptions, souvent
menaçantes et violentes, qui ont été infligées et qu'on a laissé
infliger aux autorités ecclésiastiques locales; Nous avons en
connaissance d'impies parodies de chants sacrés et de cortèges
religieux, tolérées au profond chagrin de tous les vrais fidèles et
à la stupeur de tous les citoyens amis de la paix et de l'ordre, qui
voyaient la paix et l'ordre non défendus et, pire encore, justement
par ceux qui ont le très grave devoir de les défendre et qui ont, à
remplir ce devoir, un intérêt vital.
Le message renouvelle
la comparaison, si souvent énoncée, entre l'Italie et d'autres
États, dans lesquels l'Église est réellement persécutée et contre
lesquels on n'a pas entendu prononcer des paroles pareilles à celles
qui l'ont été contre l'Italie, où (dit-on) la religion a été
restaurée. Nous avons déjà dit que Nous gardons et que Nous
garderons une reconnaissance impérissable pour tout ce qui a été
fait en Italie, au bénéfice de la religion, encore que le bénéfice
réciproque n'en ait pas été moins grand, que même il ait été
peut-être plus considérable pour le parti et le régime. Nous avons
dit et répété qu'il n'est pas nécessaire (ce serait fort nuisible au
but poursuivi) de faire entendre et de faire savoir à tout le monde
ce que Nous et le Saint-Siège, par le moyen de Nos représentants, de
Nos frères dans l'épiscopat, Nous devons dire et les remontrances
que Nous présentons partout où les intérêts de la religion le
réclament, et dans la mesure que Nous jugeons qu'ils réclament,
surtout là où l'Église est réellement persécutée.
C'est avec une douleur
indicible que Nous voyons une vraie et réelle persécution se
déchaîner en Notre Italie et dans Notre Rome même contre ce que
l'Église et son chef ont de plus précieux et de plus cher en fait de
liberté et de droits, liberté et droits qui sont aussi ceux des âmes
et plus particulièrement des âmes de jeunes gens plus spécialement
confiées à l'Église par le divin Créateur et Rédempteur.
Comme il est notoire,
Nous avons, à plusieurs reprises et solennellement, affirmé et
protesté que l'Action catholique tant par sa nature et par son
essence même (participation et collaboration du laïcat à l'apostolat
hiérarchique) que par Nos précises et catégoriques directives et
prescriptions, est en dehors et au-dessus de toute politique de
parti. Nous avons en même temps affirmé et protesté que Nous savions
de science certaine que Nos directives et prescriptions ont été en
Italie fidèlement obéis et suivies.
Le message prononce :
que l'affirmation que l'Action catholique n'a pas eu un vrai
caractère politique, est complètement fausse. Nous ne voulons pas
relever tout ce qu'il y a d'irrespectueux en cette affirmation ;
aussi bien, les motifs que le message allègue en démontrent toute la
fausseté et toute la légèreté, que Nous taxerions de ridicules si le
cas n'était si lamentable.
L'Action catholique
avait, en réalité, dit le message, des étendards, des insignes, des
cartes d'adhérents et toutes les autres formes extérieures d'un
parti politique. Comme si des étendards, des insignes, des cartes
d'adhérents et de pareilles formes extérieures n'étaient pas
aujourd'hui communs, dans tous les pays du monde, aux associations
les plus diverses et à des activités qui n'ont et ne veulent avoir
rien de commun avec la politique : sportives et professionnelles,
civiles et militaires, commerciales et industrielles, scolaires de
la première enfance, religieuses, du caractère religieux le plus
pieux, le plus dévot, et presque enfantin, comme les petits Croisés
du Saint Sacrement.
Le message a senti
toute la faiblesse et toute la vanité du motif allégué et comme pour
sauver son argumentation, il produit aussitôt trois autres raisons.
La première serait que
les chefs de l'Action catholique étaient presque tous membres ou
chefs du parti populaire, lequel a été un des plus forts adversaires
de fascisme. Cette accusation a été plus d'une fois lancée contre
l'Action catholique, mais toujours d'une façon générale et sans
formuler aucun nom. Chaque fois, Nous avons réclamé des précisions
et des noms, mais en vain. C'est seulement un peu avant les mesures
de police infligées à 1' Action catholique, et dans le but évident
de les préparer, que la presse adverse, utilisant non moins
évidemment des rapports de police, a publié quelques séries de faits
et de noms : les prétendues révélations auxquelles fait allusion le
message dans son préambule et que l'Osservatore Romano a dûment
démenties et rectifiées et non point confirmées, comme l'affirme le
grand message, mystifiant ainsi et trompant le grand public.
Quant à Nous,
Vénérables Frères, outre les informations déjà réunies depuis
longtemps et les enquêtes personnelles déjà faites auparavant, Nous
avons estimé qu'il était de Notre devoir de Nous procurer de
nouvelles informations et de procéder à de nouvelles enquêtes : en
voici, Vénérables Frères, les résultats positifs. Tout d'abord, Nous
avons constaté que, au temps où le parti populaire subsistait encore
et où le nouveau parti ne s'était pas encore affirmé, des
dispositions publiées en 1919 interdisaient à quiconque avait rempli
des charges de direction dans le parti populaire d'occuper en même
temps des fonctions de direction dans l'Action catholique.
Nous avons en outre
constaté, Vénérables Frères, que les cas d'ex dirigeants locaux
laïcs du parti populaire devenus ensuite dirigeants locaux de
l'Action catholique, parmi ceux signalés comme Nous 1' avons dit
plus haut par la presse adverse, se réduisent à quatre. Nous disons
quatre, et ce nombre infime porte sur 250 fédérations diocésaines,
4000 sections d'hommes catholiques et plus de 5000 cercles de
Jeunesse catholique masculine.
Et Nous devons ajouter
que dans les quatre cas en question, il s'agit d'individualités qui
ne donnèrent jamais lieu à aucune difficulté et dont quelques une
sont même des sympathisants à l'égard du régime et du parti, où
elles sont vues d'un bon oeil.
Et Nous ne voulons pas
omettre cette autre garantie de religiosité apolitique de l'Action
catholique que vous connaissez bien, Vénérables Frères, évêques
d'Italie, qui a consisté, qui consiste et qui consistera toujours
dans le fait que l'Action catholique dépend de l'épiscopat, de
vous-mêmes, à qui a toujours appartenu le choix des prêtres "
assistants " et la nomination des " présidents des fédérations
diocésaines " ; par où il est clair qu'en remettant entre vos mains
et en vous recommandant, Vénérables Frères, les Associations
frappées, Nous n'avons rien ordonné et disposé de substantiellement
nouveau. Après la dissolution et la disparition du parti populaire,
ceux qui appartenaient déjà à l'Action catholique continuèrent à y
appartenir, se soumettant avec une parfaite discipline à la loi
fondamentale de l'Action catholique, c'est-à-dire en s'abstenant de
toute activité politique et c'est ce que firent aussi ceux qui
demandèrent alors d'y être admis.
Avec quelle justice et
quelle charité d'ailleurs les aurait-on exclus ou aurait-on refusé
de les recevoir, lorsque, présentant les qualités requises, ils se
soumettaient à cette loi ! Le régime et le parti, qui semblent
attribuer une force si redoutable et si redoutée aux membres du
parti populaire, sur le terrain politique devraient se montrer
reconnaissants à l'Action catholique, qui, justement, les a retirés
de ce terrain et qui leur a fait prendre l'engagement formel de
n'exercer aucune action politique, mais d'exercer seulement une
action religieuse.
Mais Nous, au
contraire, Nous, Église, religion, catholiques fidèles (et pas Nous
seulement), Nous ne pouvons être reconnaissants de ce qu'après avoir
mis dehors le socialisme et la maçonnerie, nos ennemis déclarés (et
pas seulement nos ennemis à nous), on les ait si largement
réintroduits, comme tout le monde le voit et le déplore ; ils sont
même devenus d'autant plus forts et plus dangereux qu'ils sont plus
dissimulés et, en même temps, favorisés par le nouvel uniforme.
Il a été souvent parlé
d'infractions à l'engagement pris : Nous avons toujours réclamé des
noms et des faits concrets, toujours décidé à intervenir et à
prendre des mesures; jamais il n'a été fait de réponse à Notre
demande.
Le message dénonce
qu'une partie considérable des actes portant sur l'organisation
étaient particulièrement de nature politique et qu'ils n'avaient
rien à faire avec l'" éducation religieuse et la propagation de la
foi ". Sans Nous attarder autrement à la façon incompétente et
confuse dont semblent indiquées ici les objections de l'Action
catholique, notons simplement avec tous ceux qui connaissent et qui
vivent la vie d'aujourd'hui, qu'il n'est pas d'initiative et
d'activité, depuis les plus spirituelles et les plus scientifiques
jusqu'aux plus matérielles et les plus mécaniques, qui n'aient
besoin d'organisation et d'actes visant à l'organisation, et que, ni
ceux-ci, ni ceux-là ne s'identifient avec les finalités des diverses
initiatives et activités, mais ne sont que des moyens pour mieux
atteindre les fins que chacun se propose.
Toutefois (continue le
message), l'argument le plus fort qui peut être employé pour
justifier la destruction des cercles catholiques de jeunesse, est la
défense de l'État, laquelle est plus qu'un simple devoir pour
n'importe quel gouvernement. Aucun doute sur la solennité et sur
l'importance vital d'un tel devoir et d'un tel droit, ajoutons-Nous
Nous-même, puisque Nous estimons et voulons mettre en pratique cette
conviction, d'accord avec tous les gens honnêtes et sensés, que le
premier droit est celui de faire son devoir. Mais tous ceux qui
auront reçu le message et qui l'auront lu, n'auraient pu réprimer un
sourire d'incrédulité ou se défendre d'une vraie stupeur si le
message avait ajouté que sur les cercles catholiques de jeunes
frappés, 10 000 étaient et sont toujours des cercles de Jeunesse
féminine, avec un total de 500 000 jeunes femmes et jeunes filles ;
qui peut y voir un péril sérieux ou une menace réelle pour la
sécurité de l'Etat ?
Et il faut considérer
que 220000 seulement sont des membres effectifs, plus de 100000, de
petites " aspirantes ", plus de 150000, des " benjamines " encore
plus petites.
Restent les cercles de
Jeunesse catholique masculine, cette même Jeunesse catholique qui,
dans les publications de jeunesse du parti et dans les discours, et
dans les circulaires des dirigeants, sont représentés et signalés au
mépris et aux outrages (avec quel sens des responsabilités
pédagogiques, chacun peut en juger), comme un ramassis de poltrons
et d'individus capables seulement de porter des cierges et de
réciter des rosaires dans les processions ; peut-être est-ce pour ce
motif qu'ils ont été en ces derniers temps, si souvent et avec un si
peu noble courage, assaillis et maltraités jusqu'au sang, abandonnés
sans défense par ceux qui devaient et pouvaient les protéger et les
défendre, ne fût-ce que parce que, désarmés et paisibles, ils
étaient assaillis par des gens violents et souvent armés.
Si c'est là qu'il faut
trouver l'argument le plus fort pour justifier la " destruction "
(le mot ne laisse en vérité aucun doute, sur les intentions) de Nos
chères et héroïques Associations de jeunes de l'Action catholique,
vous voyez, Vénérables Frères, que Nous pourrions et que Nous
devrions Nous réjouir, tant l'argument se montre, à l'évidence,
incroyable et inconsistant. Mais Nous devons, hélas ! répéter que "
l'iniquité s'est contredite elle-même " (Ps 26, 12), et que
l'argument le plus fort en faveur de la destruction que l'on a
voulue doit se chercher sur un autre terrain : la bataille qui est
en cours aujourd'hui n'est pas politique, elle est morale et
religieuse : spécifiquement morale et religieuse.
Il faut fermer les yeux
à cette vérité, il faut apercevoir ou, pour mieux dire, inventer de
la politique là où il n'y a que religion et morale, pour conclure,
comme fait le message, que s'était créée la situation absurde d'une
forte organisation aux ordres d'un pouvoir " étranger ", le
"Vatican", chose qu'aucun gouvernement de ce monde n'aurait permise.
On a séquestré en masse
les documents dans tous les sièges de l'Action catholique italienne
: on continue (on en est arrivé à ce point) à intercepter et à
séquestrer toute correspondance que l''on peut supposer avoir
quelque rapport avec les associations frappées et même avec celles
qui ne le sont pas : les patronages.
Qu'on Nous dise donc, à
Nous, au pays, au monde, quels sont et combien sont les documents
relatifs à la politique mise en branle et tramée par l'Action
catholique au péril de l'État. Nous osons dire qu'on en trouvera
point, à moins de lire et d'interpréter suivant des idées
préconçues, injustes et en pleine contradiction avec les faits et
avec l'évidence de preuves et de témoignages sans nombre. Que si
l'on en découvrait d'authentiques et dignes de considération, Nous
serions les premiers à les reconnaître et à en tenir compte. Mais
qui voudra, par exemple, incriminer de politique et de politique
périlleuse pour l'État, quelques indications et quelques
désapprobations touchant les odieux traitements si souvent infligés
déjà, et en tant de lieux, même avant les derniers faits, à l'Action
catholique ? Qui donc pourrait se fier à des déclarations dictées ou
extorquées, comme cela s'est produit à Notre connaissance en
quelques endroits ?
On trouvera, au
contraire, parmi les documents séquestrés, les preuves et
témoignages sans nombre du profond et constant esprit de religion et
de la religieuse activité de toute l'Action catholique et, tout
particulièrement, des Associations de jeunes et d'universitaires. Il
suffira de savoir lire et apprécier, comme Nous l'avons fait
Nous-même un nombre incalculable de fois, les programmes, les
comptes rendus, les procès-verbaux de congrès, de semaines d'études
religieuses et de prières, de retraites spirituelles, de
fréquentations de sacrements, de conférences apologétiques, d'études
et d'activité catéchistique, de coopération aux initiatives de vraie
et Pure charité chrétienne dans les Conférences de Saint Vincent et
en d'autres formes d'activité et de coopération missionnaire.
C' est en présence de
tels faits et d'une telle documentation, donc avec l'oeil et la main
sur la réalité, que Nous avons toujours dit et que Nous disons
encore qu'accuser l'Action catholique italienne de faire de la
politique, c'était et c'est une véritable et pure calomnie. Les
faits ont démontré à quoi l'on visait de la sorte, et ce que l'on
préparait : rarement et en des proportions si grandes, s'est
vérifiée la fable du loup et de l'agneau, et l'histoire ne pourra
que s'en souvenir.
Pour Nous, certain
jusqu'à l'évidence d'être et de Nous maintenir sur le terrain
religieux, Nous n'avons jamais cru que Nous puissions être considéré
comme un " pouvoir étranger ", surtout par des catholiques et par
des catholiques italiens.
C'est en raison du
pouvoir apostolique qui Nous est confié par Dieu en dépit de Notre
indignité, que les bons catholiques du monde entier (vous le savez
fort bien, Vénérables Frères), considèrent Rome comme la seconde
patrie de tous et de chacun d'eux. Il n'y a pas si longtemps, un
homme d'État qui restera certainement parmi les plus célèbres, non
catholique ni ami du catholicisme, déclarait en pleine assemblée
politique, qu'il ne pouvait considérer comme un pouvoir étranger,
celui auquel obéissaient vingt millions d'Allemands.
Pour dire ensuite
qu'aucun gouvernement du monde n'aurait laissé subsister la
situation créée en Italie par l'Action catholique, il faut
absolument ignorer ou bien oublier que l'Action catholique subsiste,
vit et travaille dans tous les États du monde et jusqu'en Chine ;
qu'elle y imite souvent dans les grandes lignes et jusque dans les
détails, l'Action catholique italienne et que, souvent aussi, elle y
présente des formes d'organisation encore plus accentuées qu'en
Italie. En aucun État du monde, l'Action catholique n'a jamais été
considérée comme un péril pour l'État ; en aucun État du monde,
l'Action catholique n'a été aussi odieusement persécutée (Nous ne
voyons pas quel autre mot pourrait répondre à la réalité des faits)
comme en Notre Italie et en Notre Siège épiscopal de Rome : et c'est
là en vérité, une situation absurde qui n'a pas été créée par Nous
mais contre Nous.
Nous Nous sommes
imposé, Vénérables Frères, un grave et pénible devoir ; pour Nous,
c'était un devoir précis de charité et de justice paternelle: et
c'est dans cet esprit que Nous l'avons accompli afin de remettre
dans la juste lumière les faits et la vérité que certains de Nos
fils ont, peut-être avec une certaine inconscience, mis dans une
fausse lumière, au détriment d'autres de Nos fils.
III. Origine de
ces mesures : monopolisation de la vie spirituelle de la société et
plus spécialement de la jeunesse.
Une première réflexion
et conclusion : de tout ce que Nous avons exposé et plus encore, des
événements mêmes, tels qu'ils se sont déroulés, il résulte que
l'activité politique de l'Action catholique, l'hostilité ouverte ou
sournoise de certaines de ses sections contre le régime et le parti,
comme aussi le refuge éventuel que l'Action catholique
constitueraient pour les adversaires du parti jusqu'ici épargnés
(cf. Communiqué du Directoire du 4 juin 1931), tout cela n'est que
prétexte ou une accumulation de prétextes ; l'Action catholique
elle-même, Nous osons le dire, est un prétexte ; ce que l'on a voulu
et ce que l'on a tenté de faire, ce fut d'arracher à l'Action
catholique et par elle à l'Église, la jeunesse, toute la jeunesse.
C'est si vrai, qu'après avoir tant parlé de l'Action catholique, on
s'est attaqué aux Associations de jeunesse et l'on ne s'en est pas
tenu aux Associations de Jeunesse d'Action catholique, mais on a
porté tumultuairement la main sur des Associations et des oeuvres de
pure piété et de première instruction religieuse comme les
Congrégations d'Enfants de Marie et les patronages, si
tumultuairement qu'il a fallu souvent reconnaître 1' erreur
grossière.
Ce point essentiel est
largement confirmé par ailleurs. Il est confirmé surtout par les
nombreuses affirmations antérieures d'éléments plus ou moins
responsables, et aussi par celles des éléments les plus
représentatifs du régime et du parti ; à ces affirmations, les
derniers événements ont apporté le plus concluant et le plus
significatif des commentaires.
La confirmation a été
encore plus explicite et plus catégorique, Nous allions dire plus
solennelle tout ensemble et plus violente de la part de quelqu'un
qui, non seulement représente tout, mais qui peut tout, dans une
publication officielle ou peu s'en faut, dédiée à la jeunesse, et
dans les entretiens destinés à être publiés à l'étranger avant de
l'être dans le pays et aussi, à la dernière heure, dans des messages
et des communications aux représentants de la presse.
Une autre réflexion ou
conclusion s'impose tout de suite et inévitablement. On n'a donc
tenu aucun compte de Nos assurances et de Nos protestations
répétées, on n'a tenu aucun compte de vos protestations et de vos
assurances, Vénérables Frères, évêques d'Italie, sur la nature et
sur l'activité véritable et réelle de l'Action catholique et sur les
droits sacrés et inviolables des âmes et de l'Église qui sont
représentés et incorporés en elle.
Nous disons, Vénérables
Frères, " les droits sacrés et inviolables des âmes et de l'Église
", et c'est cette réflexion et conclusion qui s'imposent, comme
elles sont d'ailleurs, de toutes, les plus graves. Déjà, à plusieurs
reprises, comme il est notoire, Nous avons exprimé Notre pensée ou
mieux, la pensée de l'Église, sur des sujets aussi importants et
aussi essentiels et ce n'est pas à vous, Vénérables Frères, maîtres
fidèles en Israël, qu'il convient de la développer davantage ; mais
Nous ne pouvons Nous empêcher d'ajouter quelque chose pour ces
chères populations qui vous entourent, que vous paissez et gouvernez
par mandat divin et qui, désormais, ne peuvent plus guère connaître
que par vous la pensée du Père commun de leurs âmes.
Nous avons dit : " les
droits sacrés et inviolables des âmes et de l'Église ". Il s'agit du
droit qu'ont les âmes de se procurer le plus grand bien spirituel
sous le magistère et l'oeuvre éducative de l'Église, divinement
constituée unique mandataire de ce magistère et de cette oeuvre, en
cet ordre surnaturel fondé dans le sang du Dieu Rédempteur,
nécessaire et obligatoire pour tous, afin de participer à la divine
Rédemption. Il s'agit du droit des âmes ainsi formées à communiquer
les trésors de la Rédemption à d'autres âmes, en collaborant à
l'activité de l'apostolat hiérarchique.
C'est en considération
de ce double droit des âmes que Nous Nous disions récemment heureux
et fier de combattre le bon combat pour la liberté des consciences,
non pas (comme certains, par inadvertance peut-être, Nous l'ont fait
dire) pour la liberté de conscience, manière de parler équivoque et
trop souvent utilisée pour signifier l'absolue indépendance de la
conscience, chose absurde en une âme créée et rachetée par Dieu.
Il s'agit, en outre, du
droit non moins inviolable pour l'Église, de remplir le divin mandat
impératif que lui a assigné son divin Fondateur de porter aux âmes,
à toutes les âmes, tous les trésors de vérité et de bien, doctrinaux
et pratiques, qu'il avait lui-même ménagés au monde. " Allez donc,
de toutes les nations faites des disciples... leur apprenant à
observer tout ce que je vous ai prescrit " (Mt 28,19-20). Mais
quelle place devaient tenir le premier âge et la jeunesse en cette
absolue universalité et totalité du mandat, le divin Maître,
Créateur et Rédempteur des âmes, le montre lui-même par son exemple
et par ces paroles particulièrement mémorables et aussi
particulièrement formidables : " Laissez les petits venir à moi et
gardez-vous de les en empêcher... Ces petits qui (comme par un
instinct divin) croient en moi; auxquels est réservé le Royaume des
Cieux ; dont les anges gardiens, leurs défenseurs, voient toujours
la face du Père céleste ; malheur à l'homme qui aura scandalisé un
de ces petits ". " Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas
de venir à moi ; car c'est à eux.., qui croient en moi.., et à leurs
pareils qu'appartient le Royaume des Cieux ; leurs anges aux Cieux
se tiennent constamment en présence de mon Père qui est aux Cieux ;
malheur à l'homme qui doit scandaliser l'un de ces petits " (Mt 19,
13-15 ; 18, 1-10). Or, Nous voici en présence de tout un ensemble
d'authentiques affirmations et de faits non moins authentiques, qui
mettent hors de doute le propos, déjà exécuté en si grande partie,
de monopoliser entièrement la jeunesse, depuis la toute première
enfance jusqu'à 1' âge adulte, pour le plein et exclusif avantage
d'un parti, d'un régime, sur la base d'une idéologie qui,
explicitement, se résout en une vraie et propre statolâtrie païenne,
en plein conflit tout autant avec les droits naturels de la famille
qu'avec les droits surnaturels de l'Église. Se proposer et
promouvoir un tel monopole ; persécuter avec une telle intention,
comme on est venu à le faire depuis quelque temps, plus ou moins
dissimulée, l'Action catholique ; frapper dans ce but, comme on l'a
fait récemment, ses Associations de Jeunesse, cela équivaut, au pied
de la lettre, à empêcher qu'elle n'aille à Jésus Christ, puisque
c'est empêcher qu'elle n'aille à l'Église, et que, là où est
l'Église, là aussi est Jésus Christ. Et l'on est arrivé au point de
l'arracher d'un geste violent, cette jeunesse, du sein de 1' une et
de l'autre.
L'Église de Jésus
Christ n'a jamais contesté les droits et les devoirs de l'État
touchant l'éducation des citoyens : Nous les avons proclamés
Nous-même dans Notre récente Lettre encyclique sur l'éducation
chrétienne de la jeunesse ; ces droits et ces devoirs sont
incontestables aussi longtemps qu'ils restent dans les limites de la
compétence propre de l'État qui est, à son tour, fixée clairement
par les finalités de l'État, lesquelles ne sont pas seulement,
certes, corporelles et matérielles, mais sont, en soi,
nécessairement contenues dans les frontières du naturel, du
terrestre, du temporel. Le divin mandat universel dont l'Église de
Jésus Christ a été, par Jésus Christ lui-même, investie, d'une façon
incommunicable et exclusive, s'étend à l'éternel, au céleste, au
surnaturel, ordre de choses qui, d'une part, est étroitement
obligatoire pour toute créature raisonnable, et qui, d'autre part,
requiert que tout le reste lui soit subordonné et soit coordonné
avec lui.
L'Église de Jésus
Christ est certainement dans les limites de son mandat, non
seulement quand elle dépose dans les âmes les premiers principes
indispensables de la vie surnaturelle, mais encore quand elle
éveille cette vie, quand elle la développe suivant les opportunités
et les capacités, et avec les modes et moyens qu'elle juge
appropriés, même dans l'intention de préparer à l'apostolat
hiérarchique des coopérations éclairées et vaillantes. Elle est de
Jésus Christ, la solennelle déclaration qu'il est venu précisément
afin que les âmes n'aient pas seulement un certain commencement ou
quelques éléments de vie surnaturelle, mais afin qu'elles les aient
en plus grande abondance : " Moi je suis venu pour que les brebis
aient la vie et l'aient en abondance " (Jn 10, 10). Et Jésus
lui-même a posé les bases de l'Action catholique en choisissant et
formant, dans ses apôtres et dans ses disciples, les collaborateurs
de son divin apostolat, exemple immédiatement imité par les premiers
saints apôtres, comme le texte sacré en fait foi.
C'est, en conséquence,
une prétention injustifiable et inconciliable avec le nom et la
profession de catholiques, que celle de simples fidèles qui viennent
enseigner à l'Église et à son Chef ce qui suffit et doit suffire
pour l'éducation et la formation chrétienne des âmes, et pour
sauver, pour faire fructifier dans la société, principalement dans
la jeunesse, les principes de la foi et leur pleine efficacité dans
la vie.
À l'injustifiable
prétention s'associe la très claire révélation de l'absolue
incompétence et de la complète ignorance des matières en question.
Les derniers événements
doivent, à tous, avoir ouvert les yeux : ils ont, en effet, démontré
jusqu'à l'évidence ce qu'on a réussi en quelques années, non point à
sauver, mais à défaire et à détruire, en fait de vraie religiosité,
d'éducation chrétienne et civile. Vous savez, Vénérables Frères,
évêques d'Italie, par votre expérience pastorale, quelle grave,
quelle funeste erreur c'est de croire et de faire croire que
l'oeuvre accomplie par l'Église dans l'Action catholique et par le
moyen de l'Action catholique a été remplacée et rendue superflue par
l'instruction religieuse dans les écoles et par la présence
d'aumôniers dans les Associations de Jeunesse du parti et du régime.
L'une et l'autre sont très certainement nécessaires ; sans elles,
l'école et les Associations en question deviendraient
inévitablement, et bien vite, par fatale nécessité logique et
psychologique, des choses païennes.
Nécessaires donc, mais
non suffisantes : en effet, par cette instruction religieuse et
cette action des aumôniers, l'Église ne peut réaliser qu'un minimum
de son efficacité spirituelle et surnaturelle, et cela sur un
terrain et dans un milieu qui ne dépendent pas d'elle, où l'on est
préoccupé par nombre d'autres matières d'enseignement et par de tout
autres exercices, où commandent immédiatement des autorités qui,
souvent, sont peu ou point favorables et dont il n'est pas rare que
l'influence s'exerce en sens contraire par leur parole et par
l'exemple de leur vie.
Nous disions que les
derniers événements ont achevé de démontrer sans laisser de
possibilité de doute ce qu'en peu d'années on a pu, non point
sauver, mais perdre et détruire, en fait de véritable religiosité et
d'éducation, Nous ne disons pas chrétienne, mais simplement morale
et civique.
Nous avons, en effet,
vu en action une religiosité qui se rebelle contre les dispositions
des autorités religieuses supérieures et qui en impose ou en
encourage l'inobservation; une religiosité qui devient persécution
et qui tente de détruire ce que le Chef suprême de la religion
apprécie notoirement le plus et a le plus à cœur ; une religiosité
qui se permet et qui laisse se produire des insultes de paroles et
d'action contre la personne du Père de tous les fidèles, jusqu'à
lancer contre lui les cris de " À bas " et " À mort ", véritable
apprentissage du parricide. Pareille religiosité ne peut en aucune
façon se concilier avec la doctrine et la pratique catholiques, elle
est plutôt ce qu'on peut concevoir de plus contraire à l'une et à
l'autre.
L'opposition est plus
grave en elle-même et plus funeste en ses effets quand elle ne se
traduit pas seulement dans des faits extérieurement préparés et
consommés, mais aussi quand elle consiste en des principes et en des
maximes proclamés comme constituant un programme et comme
fondamentaux.
Une conception qui fait
appartenir à l'État, les jeunes générations, entièrement et sans
exception, depuis le premier âge jusqu'à l'âge adulte, n'est pas
conciliable pour un catholique avec la doctrine catholique ; elle
n'est pas même conciliable avec le droit naturel de la famille. Ce
n'est pas, pour un catholique, chose conciliable avec la doctrine
catholique, que de prétendre que l'Église, le Pape, doivent se
limiter aux pratiques extérieures de la religion (la messe et les
sacrements) et que le reste de l'éducation appartient totalement à
l'État.
Les doctrines erronées
et fausses que Nous venons de signaler et de déplorer, se sont déjà
présentées plus d'une fois durant les dernières années et, comme il
est notoire, Nous n'avons jamais, avec l'aide de Dieu, failli à
Notre devoir apostolique de les relever et d'y opposer les justes
rappels aux vrais doctrines catholiques et aux inviolables droits de
l'Église de Jésus Christ et des âmes rachetées par son Sang divin.
Mais nonobstant les
jugements, les prévisions et les suggestions qui, de diverses
parties, même très dignes de considération, Nous parvenaient, Nous
Nous sommes toujours abstenu d'en venir à des condamnations
formelles et explicites ; Nous avons même été jusqu'à croire
possibles et à favoriser, de Notre part, des compatibilités et des
coopérations qui, à d'autres, semblèrent inadmissibles. Ainsi
avons-Nous fait parce que Nous pensions, ou plutôt parce que Nous
désirions que restât toujours la possibilité de pouvoir au moins
douter que Nous avions à faire à des affirmations et à des actions
exagérées, sporadiques, d'éléments insuffisamment représentatifs, en
somme, à des affirmations et à des actions imputables, dans leurs
parties censurables, plutôt aux personnes et aux circonstances que
vraiment et proprement à un programme.
Les derniers événements
et les affirmations qui les ont préparés, accompagnés et commentés,
Nous ôtent la possibilité que Nous avions désirée, et Nous devons
dire, Nous disons que l'on est catholique seulement par le baptême
et par le nom, en contradiction avec les exigences du nom et les
promesses même du baptême, quand on adopte et quand on développe un
programme qui fait siennes des doctrines et des maximes si
contraires aux droits de l'Église de Jésus Christ et des âmes, qui
méconnaît, combat et persécute l'Action catholique, c'est-à-dire
tout ce que l'Église et son Chef ont notoirement de plus cher et de
plus précieux. Vous Nous demandez, Vénérables Frères, ce qui reste à
penser, à la lumière de ce qui précède, d'une formule de serment qui
impose aux enfants eux-mêmes, l'obligation d'exécuter sans discuter
des ordres qui, Nous l'avons vu, peuvent commander, contre toute
vérité et contre toute justice, la violation des droits de l'Église
et des âmes, déjà par eux-mêmes sacrés et inviolables, et de servir
avec toutes ses forces, jusqu'au sang, la cause d'une révolution qui
arrache à l'Église et à Jésus Christ, la jeunesse, qui inculque à
ses jeunes forces la haine, les violences, les irrévérences, sans en
exclure la personne même du Pape, comme les derniers faits l'ont
surabondamment démontrés.
Quand la demande doit
se poser en ces termes, la réponse du point de vue catholique, et
même purement humain, est inévitablement unique, et Nous ne faisons,
Vénérables Frères, que confirmer la réponse que, déjà, vous vous
êtes donnée : un pareil serment, tel qu'il est, n'est pas licite.
IV. Sombres
perspectives d'avenir. Et Nous voici en face de préoccupations, de
très graves préoccupations qui, Nous le sentons, sont les vôtres,
Vénérables Frères, les vôtres spécialement évêques d'Italie. Nous
Nous préoccupons tout de suite par dessus tout, d'un si grand nombre
de Nos fils, jeunes gens et jeunes filles inscrits comme membres
effectifs et qui ont prêté ce serment. Nous compatissons
profondément à tant de consciences tourmentées par des doutes
(tourments et doutes dont arrivent jusqu'à Nous d'indubitables
témoignages), précisément à raison de ce tourment, spécialement
après les faits qui viennent de se produire.
Connaissant les
multiples difficultés de l'heure présente et sachant que
l'inscription au parti et le serment sont, pour un très grand
nombre, la condition même de leur carrière, de leur pain, de leur
subsistance, Nous avons cherché un moyen qui rendît la paix aux
consciences, en réduisant au minimum possible les difficultés
extérieures. Et il Nous semble que ce moyen, pour ceux qui sont déjà
inscrits au parti, pourrait être de faire devant Dieu et devant leur
propre conscience la réserve : " sauf les lois de Dieu et de
l'Église ", ou encore : " sauf les devoirs de bon chrétien ", avec
le ferme propos de déclarer extérieurement cette réserve si la
nécessité s'en présentait.
Nous voudrions ensuite
faire arriver Notre prière là d'où partent les dispositions et les
ordres, la prière d'un Père qui veut pourvoir aux consciences d'un
si grand nombre de ses fils en Jésus Christ, savoir que cette
réserve soit introduite dans la formule du serment, à moins que l'on
ne veuille faire mieux, beaucoup mieux, c'est-à-dire omettre le
serment qui est toujours un acte de religion et qui n'est
certainement pas à sa place sur la carte d'adhérent à un parti.
Nous avons veillé à
parler avec calme et sérénité et, en même temps, avec une totale
clarté ; Nous ne pouvons pas cependant ne point Nous préoccuper des
incompréhensions possibles, Nous ne disons pas de votre part,
Vénérables Frères, et aujourd'hui plus que jamais, unis à Nous par
les pensées et les sentiments, mais de la part du grand public. Et
c'est pourquoi Nous ajoutons comme conclusion de tout ce que Nous
venons de dire : Nous n'avons pas voulu condamner le parti et le
régime comme tel.
Nous avons entendu
signaler et condamner tout ce que, dans le programme et l'action du
parti, Nous avons vu et constaté de contraire à la doctrine et à la
pratique catholiques et, par suite, d'inconciliable avec le nom et
la profession de catholique. Ce faisant, Nous avons accompli un
devoir précis du ministère apostolique envers tous ceux de Nos fils
qui appartiennent au parti, afin qu'ils puissent se mettre en règle
avec leur conscience de catholiques.
Nous croyons d'ailleurs
que Nous avons en même temps fait oeuvre utile au parti lui-même et
au régime. Quel intérêt peuvent, en effet, avoir le parti et le
régime, dans un pays catholique comme l'Italie, à garder dans leur
programme des idées, des maximes et des pratiques inconciliables
avec la conscience catholique ? La conscience des peuples, comme
celle des individus, finit toujours par revenir à elle-même et à
rechercher les voies perdues de vue un moment et abandonnées depuis
un temps plus ou moins long.
Et que l'on ne dise pas
que l'Italie est catholique, mais anticléricale. Nous l'entendons
même seulement dans une mesure digne d'une particulière attention.
Vous qui, Vénérables Frères, vivez dans les grands et les petits
diocèses d'Italie en continuel contact avec les bonnes populations
de tout le pays, vous savez et vous voyez chaque jour combien, si on
ne les trompe pas et si on ne les égare pas, elles sont loin de tout
anticléricalisme.
Quiconque connaît un
peu intimement l'histoire du pays sait que l'anticléricalisme a eu
en Italie l'importance et la force que lui conférèrent la maçonnerie
et le libéralisme qui la gouvernaient.
De nos jours, du reste,
l'enthousiasme unanime qui unit et qui a transporté de joie, à un
point qui ne s'était jamais vérifié, tout le pays aux jours des
Conventions de Latran, n'aurait pas laissé à l'anticléricalisme le
moyen de relever la tête si, au lendemain de ces mêmes Conventions,
on ne l'avait pas évoqué et encouragé.
Dans les derniers
événements, des dispositions et des ordres l'ont fait entrer en
action et l'ont fait cesser, comme tous ont pu le voir et le
constater. Et sans aucun doute, il aurait suffi et il suffira
toujours pour le maintenir à sa place de la centième ou de la
millième partie des mesures longuement infligées à l'Action
catholique et couronnées récemment de la façon que tout le monde
sait.
L'avenir prochain Nous
inspire d'autres et de bien plus graves préoccupations. Dans une
assemblée officielle et solennelle au premier chef, on a, aussitôt
après les derniers faits très douloureux pour Nous et pour les
catholiques de toute l'Italie et du monde enfler, fait entendre
cette protestation : " Respect inaltéré envers la religion, son Chef
suprême ", etc. Respect " inaltéré ", dans ce même respect, sans
changement, que Nous avons expérimenté ; donc, ce respect qui
s'exprimait par des mesures de police aussi amples qu'odieuses,
préparées dans un silence profond comme une surprise inamicale et
foudroyante justement à la veille de Notre anniversaire de
naissance, occasion de grandes manifestations sympathiques de la
part du monde catholique et aussi du monde non catholique : donc ce
même respect qui se traduisait par des violences et des irrévérences
qu'on laissait se perpétrer sans encombre. Que pouvons-Nous donc
espérer, ou mieux, à quoi ne devons-Nous pas Nous attendre ?
Certains se sont demandés si cette étrange façon de parler, d'écrire
en de telles circonstances, dans le voisinage si proche de pareils
faits, a été tout à fait exempte d'ironie, d'une bien triste ironie,
mais pour ce qui Nous regarde, Nous aimons exclure cette hypothèse.
Dans le même contexte
et en immédiate relation avec le " respect inaltéré " (donc aux
mêmes adresses), on faisait allusion à des " refuges et protections
" accordés au reste des opposants au parti, et on " ordonnait aux
dirigeants des neuf mille faisceaux d'Italie " de s'inspirer pour
leur action de ces directives. Plus d'un d'entre vous, Vénérables
Frères et évêques d'Italie, a déjà expérimenté, en Nous en donnant
aussi des nouvelles affligées, l'effet de pareilles insinuations et
de pareils ordres, dans une reprise d'odieuses surveillances, de
délations, d'intimidations et de vexations. Que Nous prépare donc
l'avenir ? À quoi ne devons-Nous pas Nous attendre (Ne disons pas
craindre, parce que la crainte de Dieu élimine la crainte des
hommes) si, comme Nous avons des motifs de le croire, on a le
dessein de ne point permettre que Nos jeunes catholiques se
réunissent même silencieusement, sous peine de sanctions sévères
pour les dirigeants ?
Que Nous prépare donc
ou de quoi Nous menace l'avenir ? Nous demandons-Nous de nouveau.
V. Motifs
d'espérer. Et c'est précisément à cette extrémité de doutes et de
prévision à laquelle les hommes Nous ont réduit que toute
préoccupation, Vénérables Frères, s'évanouit, disparaît, et que
Notre esprit s'ouvre aux plus confiantes, aux plus consolantes
espérances, parce que l'avenir est dans les mains de Dieu, et que
Dieu est avec nous, et ... " Si Dieu est pour nous, qui sera contre
nous " ? (Rm 8, 31).
Un signe et une preuve
sensible de l'assistance et de la faveur divines, Nous les voyons
déjà et Nous les goûtons dans votre assistance et votre coopération,
Vénérables Frères. Si Nous sommes bien informé, on a dit récemment
que maintenant que l'Action catholique est aux mains des évêques, il
n'y a plus rien à craindre. Et jusqu'ici, tout va bien, très bien,
sauf ce " plus rien ", comme si auparavant il y avait eu quelque
chose à craindre, et sauf ce " maintenant " comme si, auparavant et
dès le principe, l'Action catholique n'avait pas toujours été
essentiellement diocésaine et dépendante des évêques (comme Nous
l'avons aussi indiqué plus haut), et c'est aussi pour cela,
principalement pour cela, que Nous avons toujours nourri la plus
entière confiance que Nos directives étaient suivies et secondées.
Pour ce motif, outre la promesse de l'immanquable secours divin,
Nous demeurons et demeurerons toujours dans la plus confiante
tranquillité, même si la tribulation, disons le vrai mot, la
persécution, doit continuer et s'intensifier. Nous savons que vous
êtes, et que vous savez que vous êtes Nos Frères dans l'épiscopat et
dans l'apostolat, Nous savons et vous savez Vénérables Frères, que
vous êtes les successeurs des apôtres que saint Paul appelait en des
termes d'une vertigineuse sublimité, " la gloire du Christ " (2 Co,
8, 23), vous savez que ce n'est pas un homme mortel, fût-il Chef
d'État ou de gouvernement, mais l'Esprit Saint qui vous a placés
dans la portion du troupeau que Pierre vous assigne pour régir
l'Église de Dieu. Ces saintes et sublimes choses et tant d'autres
qui vous regardent, Vénérables Frères, il les ignore évidemment ou
les oublie celui qui vous croit et vous appelle vous, évêques
d'Italie, " officiers de l'État ", car vous êtes clairement
distingués et séparés des officiers de l'État par la formule même du
serment qu'il vous faut prêter au monarque et qui précise
préalablement : " Comme il convient à un évêque catholique ".
C'est aussi pour Nous
un grand, un infini motif d'espérance que l'immense choeur de
prières que l'Église de Jésus Christ élève de tous les points du
monde vers son divin Fondateur et vers sa très Sainte Mère, pour son
Chef visible, le successeur de Pierre exactement comme lorsque,
voici vingt siècles, la persécution frappait la personne même de
Pierre, prières des pasteurs et des peuples, du clergé et des
fidèles, des religieux et des religieuses, des adultes et des jeunes
gens, des jeunes garçons et des petites filles ; prières sous les
formes les plus parfaites et les plus efficaces, de saints
sacrifices et de communions eucharistiques, de supplications,
d'adorations et de réparations, d'immolations spontanées et de
souffrances chrétiennement supportées ; prières dont tous ces
jours-ci et aussitôt après les tristes événements, Nous arrivaient
de toutes parts les échos très consolants, jamais aussi consolants
qu'en ce jour sacré et solennel dédié à la mémoire des princes des
apôtres et où la divine bonté a voulu que Nous puissions achever
cette Lettre Encyclique.
À la prière tout est
divinement promis : si elle ne nous obtient pas la sérénité et la
tranquillité de l'ordre rétabli, elle obtiendra pour tous la
patience chrétienne, le saint courage, la joie ineffable de souffrir
quelque chose avec Jésus et pour Jésus, avec la jeunesse et pour la
jeunesse qui lui est si chère, jusqu'à l'heure cachée dans le
mystère du coeur divin infailliblement la plus opportune pour la
cause de la vérité et du bien.
Et puisque de tant de
prières Nous devons tout espérer et puisque tout est possible à ce
Dieu qui a tout promis à la prière, Nous avons la confiante
espérance qu'il voudra éclairer les esprits par la lumière de la
vérité et tourner les volontés vers le bien ; et ainsi, à l'Église
de Dieu, qui ne dispute à l'État rien de ce qui revient à l'État, on
cessera de contester ce qui lui revient à elle, l'éducation et la
formation chrétiennes de la jeunesse, ce qui lui revient non par un
bon plaisir humain, mais par mandat divin, et qu'en conséquence,
elle doit toujours réclamer et réclamera toujours, avec une
insistance et une intransigeance qui ne peuvent cesser ni fléchir
parce qu'elles ne proviennent pas du bon plaisir, qu'elles ne
proviennent pas d'une vue humaine ou d'un calcul humain ou
d'humaines idéologies changeantes d'après les temps et les lieux,
mais s'inspirent d'un inviolable vouloir divin.
Ce qui Nous inspire
aussi confiance, c'est le bien qui, incontestablement, proviendrait
de la reconnaissance de cette vérité et de ce droit. Père de tous
les hommes rachetés, le Vicaire de ce Rédempteur qui, après avoir
enseigné et commandé à tous l'amour des ennemis, mourait pardonnant
à ceux qui le crucifiaient, n'est pas et ne sera jamais ennemi de
personne; ainsi feront tous ses bons et véritables fils, les
catholiques qui veulent rester dignes d'un si grand nom : mais ils
ne pourront jamais partager, adopter ou favoriser des maximes et des
règles de pensée et d'action contraires aux droits de l'Église et au
bien des âmes et par le fait même contraires aux droits de Dieu.
Prière et bénédiction.
Combien serait
préférable à cette irréductible division des esprits et des
volontés, la pacifique et tranquille union des pensées et des
sentiments ! Elle ne pourrait manquer de se traduire en une féconde
coopération de tous pour le vrai bien commun à tous ; elle serait
accueillie par l'applaudissement sympathique des catholiques du
monde entier, au lieu de leur blâme et de leur mécontentement
universel comme il arrive aujourd'hui. Nous prions le Dieu de toutes
les miséricordes par l'intercession de sa sainte Mère qui, tout
récemment, nous souriait parmi les splendeurs de ses commémorations
plusieurs fois centenaires et par celle des saints apôtres Pierre et
Paul, Nous le prions de nous accorder à tous de voir ce qu'il
convient de faire et de donner à tous la force de l'exécuter.
Que Notre bénédiction
apostolique, auspice et gage de toutes les bénédictions divines,
descende sur vous, Vénérables Frères, sur vos clergés, sur vos
peuples, et qu'elle y demeure toujours.
Rome, du Vatican, en la
solennité des saints apôtres Pierre et Paul, 29 juin 1931.
PIE XI, PAPE
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