DIVINO
AFFLANTE SPIRITU
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XII
SUR LES ÉTUDES BIBLIQUES
A nos
Vénérables Frères les Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et
autres Ordinaires en paix et communion avec le Siège apostolique,
ainsi qu'à tout le clergé et aux fidèles de l'univers catholique.
Vénérables
Frères et chers Fils, Salut et Bénédiction Apostolique !
1. Sous
l'inspiration de l'Esprit-Saint, les écrivains sacrés ont composé
les livres que Dieu dans sa paternelle bonté a voulu donner au genre
humain « pour enseigner, convaincre, corriger, former à la justice,
en vue de rendre l'homme de Dieu parfait, apte à toute bonne œuvre »
.
Ce trésor, qui lui est venu du ciel, l’Église le tient comme la
source la plus précieuse et une règle divine de la doctrine de la
foi et des mœurs. Il n'est donc pas étonnant qu'elle l'ait gardé
avec le plus grand soin tel qu'elle l'a reçu intact des mains des
apôtres ; qu'elle l'ait défendu contre toute interprétation fausse
et perverse ; qu'elle l'ait employé avec zèle dans sa tâche de
procurer aux âmes le salut éternel, comme d'innombrables documents
de toute époque l'attestent clairement.
2. Mais
parce que, dans les temps modernes, la divine origine des Saintes
Écritures et leur interprétation correcte ont été particulièrement
mises en question, l’Église s'est appliquée à les défendre et à les
protéger avec encore plus d'ardeur et de soin. Aussi le saint
Concile de Trente, dans un décret solennel, a-t-il déjà déclaré, au
sujet de la Bible, qu'on devait en reconnaître « comme sacrés et
canoniques les livres entiers, avec toutes leurs parties, tels qu'on
a coutume de les lire dans l’Église catholique et tels qu'ils sont
contenus dans l'ancienne édition de la Vulgate latine »
.
3. Puis, de
notre temps, le Concile du Vatican, voulant réprouver de fausses
doctrines sur l'inspiration, a déclaré que l’Église tient les Livres
Saints pour sacrés et canoniques, « non parce que, œuvre de la seule
industrie humaine, ils auraient été approuvés ensuite par son
autorité, ni pour cette seule raison qu'ils contiendraient la vérité
sans erreur, mais parce que, écrits sous l'inspiration du
Saint-Esprit, ils ont Dieu pour auteur et ont été transmis comme
tels à l’Égli-se ».
4. Plus
récemment cependant, en dépit de cette solennelle définition de la
doctrine catholique, qui revendique pour ces « livres entiers, avec
toutes leurs parties », une autorité divine les préservant de toute
erreur, quelques écrivains catholiques n'ont pas craint de
restreindre la vérité de l’Écriture Sainte aux seules matières de la
foi et des mœurs, regardant le reste, au domaine de la physique ou
de l'histoire, comme « choses dites en passant » et n'ayant — ainsi
qu'ils le prétendirent — aucune connexion avec la foi. Mais Notre
Prédécesseur Léon XIII, d'immortelle mémoire, dans son Encyclique
Providentissimus Deus du 18 novembre 1893, a confondu à bon
droit ces erreurs et réglé l'étude des Livres Divins par des
instructions et des directives très sages.
5. Puisqu'il
convient de célébrer le cinquantième anniversaire de la publication
de cette Encyclique, considérée comme la loi fondamentale des études
bibliques, après avoir affirmé dès le commencement de Notre
Pontificat Notre intérêt pour les sciences sacrées
,
Nous avons jugé très opportun, d'une part, de rappeler et de
confirmer ce que Notre Prédécesseur a établi dans sa sagesse et ce
que ses Successeurs ont ajouté pour affermir et parfaire son œuvre ;
d'autre part, d'indiquer ce que les temps présents semblent
postuler, afin de stimuler de plus en plus à une entreprise aussi
nécessaire et aussi louable tous les fils de l’Église qui s'adonnent
à ces études.
7. Cette
doctrine, que Notre Prédécesseur Léon XIII a exposée avec tant de
force, Nous la proposons aussi avec Notre autorité et Nous insistons
pour qu'elle soit religieusement tenue par tous. Nous statuons aussi
qu'on doit se conformer, aujourd'hui encore, avec la même
application aux conseils et aux encouragements qu'il a donnés, pour
son temps, avec une si grande sagesse. En effet, comme de nouvelles
et graves difficultés et problèmes avaient surgi, soit en raison des
préjugés du rationalisme, qui s'était insinué partout, soit surtout
à la suite des fouilles et des explorations de monuments très
anciens, effectuées en maintes régions de l'Orient, afin de rendre
plus sûrement et plus abondamment accessible, pour l'utilité du
troupeau du Seigneur, cette source insigne de la révélation
catholique, et aussi afin de ne pas la laisser violer en aucun
point, Notre Prédécesseur, poussé par la sollicitude de la charge
apostolique, souhaita et voulut « que plusieurs entreprennent, comme
il convient, la défense des Saintes Lettres et s'y attachent avec
constance ; et que, surtout, ceux qui ont été appelés par la grâce
de Dieu dans les Ordres sacrés mettent de jour en jour un plus grand
soin et un plus grand zèle à lire, à méditer et à expliquer les
Écritures, rien n'étant plus conforme à leur état »
.
16. Ces
travaux et d'autres initiatives encore qui, de jour en jour, se
répandent plus largement et s'affermissent, comme, par exemple, les
Sociétés, Congrès et Semaines bibliques, les bibliothèques et les
Associations pour la méditation de l’Évangile, Nous font concevoir
une ferme espérance que le respect, l'usage, la science des Saintes
Lettres se développeront de plus en plus pour le bien des âmes. Il
en sera ainsi, pourvu que tous observent avec une fermeté, une
ardeur et une confiance toujours plus grandes la méthode des études
bibliques prescrite par Léon XIII, développée et perfectionnée par
ses Successeurs, confirmée et enrichie par Nous, seule méthode sûre
et pleinement approuvée par l'expérience, sans se laisser décourager
par les difficultés qui, ainsi qu'il arrive toujours dans la vie
humaine, ne manqueront jamais à une œuvre aussi excellente.
46. Ce que
Nous venons de dire, Vénérables Frères et chers Fils, nécessaire en
tout temps, l'est certainement beaucoup plus en ces jours
malheureux, où presque tous les peuples et nations sont plongés dans
un océan de calamités, tandis qu'une guerre affreuse accumule ruine
sur ruine, carnage sur carnage, tandis que, par le fait des haines
impitoyables des peuples excités les uns contre les autres, Nous
voyons, avec une suprême douleur, s'éteindre dans beaucoup d'hommes
non seulement le sens de la modération chrétienne et de la charité,
mais même celui de l'humanité. Qui peut porter remède à ces
mortelles blessures de la société humaine, sinon Celui à qui le
Prince des apôtres, plein d'amour et de confiance, adressa ces
paroles : « Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de
la vie éternelle »
.
A notre Rédempteur très miséricordieux il nous faut donc, de toutes
nos forces, ramener tous les hommes : il est le consolateur divin
des affligés ; il est Celui qui enseigne à tous — qu'ils tiennent en
main l'autorité publique ou que leur incombe le devoir de
l'obéissance et de la soumission — la probité digne de ce nom, la
justice intègre, la charité généreuse ; il est enfin, et lui seul,
Celui qui peut être le ferme fondement et le soutien de la paix et
de la tranquillité : « Car personne ne peut poser un autre fondement
que Celui qui est déjà posé, savoir Jésus-Christ »
.
47. Or, ce
Christ, auteur de notre salut, les hommes le connaîtront d'autant
plus parfaitement, l'aimeront d'autant plus ardemment, l'imiteront
d'autant plus fidèlement qu'ils seront poussés avec plus de zèle à
la connaissance et à la méditation des Saintes Lettres, en
particulier du Nouveau Testament. Car, comme le dit saint Jérôme, le
Docteur de Stridon : « L'ignorance des Écritures est l'ignorance du
Christ »
,
et « s'il y a quelque chose qui tienne l'homme sage en cette vie et
le persuade, au milieu des souffrances et des tourments de ce monde,
de garder l'égalité d'âme, j'estime que c'est en tout premier lieu
la méditation et la science des Écritures »
.
C'est ici que tous ceux qui sont fatigués et opprimés par
l'adversité et l'affliction puiseront les véritables consolations et
la vertu divine de souffrir et d'endurer ; ici — à savoir dans les
Saints Évangiles — le Christ est présent pour tous, exemple suprême
et parfait de justice, de charité et de miséricorde ; ici s'ouvrent
pour le genre humain, déchiré et inquiet, les sources de cette grâce
divine sans laquelle peuples et conducteurs de peuples ne pourront
établir ou consolider ni l'ordre public ni la concorde des esprits.
C'est là, enfin, que tous apprendront à connaître ce Christ, « qui
est le chef de toute principauté et de toute puissance »
et « qui, de par Dieu, a été fait pour nous sagesse, et justice, et
sanctification, et rédemption »
.
48. Après
avoir exposé et recommandé les moyens requis pour adapter les études
bibliques aux besoins de l'heure, il Nous reste, Vénérables Frères
et chers Fils, à féliciter avec une paternelle bienveillance tous
ceux qui cultivent les études bibliques et qui, en fils dévoués de
l’Église, suivent fidèlement sa doctrine et ses directives, de ce
qu'ils ont été élus et appelés à une tâche aussi noble. A ces
félicitations, Nous voulons ajouter Nos encouragements afin qu'ils
poursuivent de tout leur zèle, avec tout leur soin et avec une
énergie toujours nouvelle, l'œuvre heureusement entreprise. Noble
tâche, avons-Nous dit, car qu'y a-t-il de plus sublime que de
scruter, d'expliquer, de proposer aux fidèles, de défendre contre
les infidèles, la parole même de Dieu, donnée aux hommes sous
l'inspiration du Saint-Esprit ? L'esprit lui-même de l'exégète se
nourrit de cet aliment spirituel et en profite « pour le
renouvellement de la foi, pour la consolation de l'espérance, pour
l'exhortation de la charité »
.
« Vivre au milieu de ces choses, les méditer, ne connaître ni ne
chercher rien d'autre, cela ne vous paraît-il pas dès ici-bas comme
le paradis sur terre ? »
Que les âmes
des fidèles se nourrissent aussi du même aliment, qu'elles y puisent
la connaissance et l'amour de Dieu, le progrès spirituel et la
félicité.
Que de tout
leur cœur les commentateurs de la parole divine se donnent à ce
saint commerce. « Qu'ils prient pour comprendre »
.
Qu'ils travaillent pour pénétrer chaque jour plus profondément dans
les secrets des pages sacrées ; qu'ils enseignent et qu'ils prêchent
pour ouvrir aussi aux autres les trésors de la parole de Dieu. Ce
qu'aux siècles révolus les illustres interprètes de la Sainte
Écriture ont réalisé avec tant de fruit, que les modernes
s'efforcent de l'imiter autant qu'ils le peuvent, en sorte que,
comme aux temps passés, ainsi à l'heure actuelle l’Église ait des
docteurs éminents dans l'exposition des Lettres Divines, et que les
fidèles, grâce à leur peine et à leur travail, reçoivent des Saintes
Écritures pleine lumière, exhortation, allégresse. Dans cette tâche,
certes ardue et lourde, qu'ils aient eux aussi « pour consolation
les Saints Livres »
;
qu'ils se souviennent de la récompense qui les attend, puisque
« ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du
firmament, et ceux qui en auront conduit beaucoup à la justice
seront comme les étoiles, éternellement et sans fin »
.
Et maintenant,
tandis que Nous souhaitons vivement à tous les fils de l’Église, et
nommément aux professeurs des sciences bibliques, au jeune clergé et
aux orateurs sacrés, que, méditant sans relâche la parole de Dieu,
ils goûtent combien l'esprit du Seigneur est suave et bon
,
comme gage des faveurs célestes, en témoignage de Notre paternelle
bienveillance, à vous tous et à chacun d'entre vous, Vénérables
Frères et chers Fils, Nous accordons, très affectueusement dans le
Seigneur, la Bénédiction apostolique.
Donné à
Rome, près Saint-Pierre, le 30 septembre, en la fête de saint
Jérôme, le plus grand des Docteurs dans l'exposition des Saintes
Écritures, l'année 1943, cinquième de Notre Pontificat.
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