Evangelii Praecones
LETTRE ENCYCLIQUE DE
SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XII
POUR
LE PROGRÈS DES MISSIONS
A nos Vénérables Frères
les Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires
locaux en paix et communion avec le Siège Apostolique.
VÉNÉRABLES FRÈRES,
Salut et bénédiction
apostolique. LES prédicateurs de l'Évangile qui dans des champs de
travail presque infinis peinent « pour que la parole de Dieu
poursuive sa course et soit en honneur » (II Thess., III, 1) sont,
d'une façon particulière, présents à Notre esprit et à Notre cœur au
cours de la vingt-cinquième année qui s'écoule depuis la
promulgation par Notre prédécesseur d'immortelle mémoire, Pie XI, de
l'Encyclique Rerum Ecclesiae (Acta Apostolicae Sedis, 1926, p. 65
sq.), dans laquelle il donnait des règles très sages pour le
développement toujours plus grand des Missions Catholiques. Et
considérant combien pendant cette période une aussi saine cause a
progressé, Nous sommes pénétrés d'une grande joie. En effet ― comme
Nous avons eu l'occasion de l'affirmer le 24 juin 1944 en Nous
adressant aux Directeurs des Œuvres Missionnaires Pontificales ―
« l'ardeur et le zèle déployés par les propagateurs de la religion
chrétienne aussi bien dans les régions déjà éclairées par la lumière
de l'Évangile que dans les nations où celle-ci n'a pas encore
resplendi, ont atteint une intensité et un développement tels que
jamais peut-être on n'en a noté dans les annales des Missions
Catholiques » (A. A. S., 1944, p. 209).
Actuellement cependant,
en ces temps pleins de troubles et de menaces, où de nombreux
peuples sont séparés les uns des autres par des oppositions
réciproques, il Nous semble particulièrement opportun de recommander
cette cause une fois de plus, s'il est vrai que les messagers de
l'Évangile conseillent à tous les hommes la bonté humaine et
chrétienne et les exhortent à des rapports fraternels qui s'élèvent
au-dessus des rivalités et des frontières nationales.
Voilà pourquoi, lorsque
dans les circonstances rappelées plus haut Nous Nous adressions aux
Directeurs des Œuvres Missionnaires, Nous leur disions entre autres
choses : « ... La nature de votre charge, qui n'est restreinte par
aucune limite nationale, ainsi que votre travail commun et
fraternel, font ressortir aux yeux de tous ce caractère remarquable
de l'Église catholique qui n'admet pas la discorde, qui fuit les
désaccords et demeure absolument étrangère aux divisions qui
troublent les peuples et parfois les bouleversent misérablement ;
Nous parlons de la foi chrétienne, de la charité chrétienne envers
tous les hommes, qui se transportent au delà de tous les partis en
guerre, au delà des frontières de tous les États, au delà de tous
les territoires et de tous les océans, qui vous excitent et vous
stimulent tous et chacun à atteindre le but que vous vous êtes fixé
et qui consiste à étendre le Royaume de Dieu à toutes les parties de
la terre » (A. A. S., 1944, p. 207).
C'est pourquoi,
profitant volontiers de l'occasion offerte par le 25e
anniversaire de l'Encyclique Rerum Ecclesiae, Nous louons
avec grande joie le travail déjà accompli et Nous vous exhortons
tous à le poursuivre toujours avec la plus grande ardeur, vous tous,
Vénérables Frères dans l'Épiscopat, vous, propagateurs de
l'Évangile, ministres sacrés, et chacun des fidèles, soit qu'ils
travaillent dans les territoires qui sont encore pays de Mission,
soit qu'en un point quelconque de la terre, par des prières
adressées à Dieu, par la formation et l'aide apportée aux candidats
se destinant aux Missions, ou bien enfin en quêtant des aumônes, ils
viennent en aide à cette cause si importante.
Nous aimons d'abord
parler brièvement ici des progrès réalisés. En 1926 on comptait 400
Missions ; actuellement on en compte 600 ; alors les catholiques
n'atteignaient pas 15 millions, aujourd'hui ils sont près de
28.000.000. En cette même année 1926, les prêtres, soit venus de
l'extérieur, soit des Missions mêmes, étaient 14.800 ; aujourd'hui,
ils sont plus de 26.800. A cette époque, presque tous les pasteurs,
chefs de Missions, étaient étrangers ; en 25 ans, 88 de ces Missions
ont été confiées au clergé indigène ; et comme en de nombreux
endroits la Hiérarchie Ecclésiastique est déjà normalement
constituée avec des Évêques choisis parmi les habitants du lieu, il
apparaît encore plus clairement que la religion de Jésus-Christ est
vraiment catholique et qu'elle ne peut être considérée comme
étrangère en aucun point de la terre.
C'est ainsi que, pour
donner des exemples, en Chine et en certaines régions de l'Afrique,
la Hiérarchie Ecclésiastique a été établie selon les lois canoniques
; trois conciles " pléniers " de très grande importance ont été
réunis, le premier en 1934 en Indochine, le second en 1937 en
Australie, le troisième, l'an dernier, aux Indes. Les petits
Séminaires ont grandement augmenté en nombre et en qualité ; les
grands Séminaristes qui, il y a 25 ans, n'étaient que 1.770, sont à
présent 4.300, et de nombreux Séminaires Régionaux ont été
construits. A Rome, à l'Athénée de la Propagande, un Institut
Missionnaire a été fondé ; à Rome également, et en d'autres
endroits, de nombreuses chaires de Missiologie ont été constituées.
A Rome encore, le Collège Saint-Pierre a été institué pour la
formation plus complète des prêtres indigènes aux sciences sacrées,
à la vertu et à l'apostolat. Deux nouvelles Universités ont été
fondées ; les collèges et les écoles d'enseignement supérieur et
moyen, qui précédemment étaient environ 1.600, sont aujourd'hui plus
de 5.000 ; les écoles élémentaires sont à peu près deux fois plus
nombreuses qu'alors ; on peut dire également que le nombre des
dispensaires et des hôpitaux où sont soignés toutes sortes de
malades, d'infirmes et de lépreux, a doublé. De plus, l'Union
Missionnaire du Clergé a pris pendant ces années un développement
considérable ; l'Agence Fides a été créée, dont le but est de
rechercher, rédiger et diffuser les nouvelles religieuses ; la
presse missionnaire a presque partout augmenté ses éditions et ses
tirages ; de nombreux congrès missionnaires ont été tenus, parmi
lesquels il convient de signaler celui qui eut lieu l'an dernier à
Rome pendant l'Année Sainte, et qui a fort bien montré tout ce qui a
été réalisé dans cet ordre d'idées ; il n'y a pas longtemps, un
Congrès Eucharistique, tenu dans la Côte de l'Or, à Kumasi, a réuni
dans une piété fervente un nombre remarquable d'assistants ;
finalement, en faveur de l'Œuvre Pontificale de la Sainte Enfance,
Nous avons désigné un jour spécial chaque année, destiné à la
promouvoir par la prière et les aumônes (Epist. Praeses Consilii, A.
A. S., 1951, pp. 88-89) ; tous ces faits montrent clairement que les
œuvres d'apostolat répondent comme il se doit aux changements de
condition et aux besoins nouveaux par de nouvelles méthodes et des
entreprises plus adaptées.
Il ne faut pas omettre
de signaler que, durant cette période, cinq Délégations Apostoliques
ont été juridiquement constituées en diverses régions qui dépendent
du Conseil suprême de la Propagande ; en outre, bon nombre de
territoires dépendent désormais de Nonces et d'Internonces
Apostoliques. Nous aimons, à ce sujet, déclarer que la présence et
le zèle de ces Prélats ont déjà porté des fruits très abondants :
ils ont surtout obtenu que les œuvres missionnaires, mieux
organisées et s'aidant mutuellement davantage, concourent plus
efficacement au même but. Nos Légats ont aussi grandement concouru à
cette même fin en visitant chaque région, en participant, revêtus de
Notre autorité, à des réunions épiscopales dans lesquelles les
Ordinaires locaux mettaient en commun leur expérience en vue du bien
général pour déterminer des méthodes d'apostolat plus convenables et
plus faciles. Ce concours fraternel de la foi et des œuvres eut
aussi cet avantage que les autorités civiles et ceux qui ne
partagent pas la foi catholique eurent une plus grande estime de la
religion chrétienne.
Ce que Nous venons de
rappeler brièvement des progrès des Missions pendant ces 25
dernières années, et ce que Nous avons pu voir pendant l'Année
Sainte ― lorsque des foules importantes affluaient à Rome des
régions lointaines cultivées par les prédicateurs de l'Évangile pour
obtenir les dons de Dieu et Notre bénédiction ― ces choses,
disons-Nous, Nous incitent vivement à renouveler le vœu ardent de
l'Apôtre des nations quand il écrivait aux Romains : « ... pour vous
communiquer quelque don spirituel qui puisse vous affermir, ou
plutôt pour nous encourager chez vous mutuellement par la foi qui
nous est commune, à vous et à moi » (Rom., I, 11-12).
Et il Nous semble que
le Divin Maître Lui-même nous répète à tous ces paroles de
consolation et d'exhortation : « Levez les yeux et voyez les champs
: ils sont déjà blancs pour la moisson » (Joan., IV, 35). Cependant,
comme les propagateurs de la vérité chrétienne ne suffisent pas aux
besoins actuels, à ces paroles répond en quelque sorte l'invitation
du même Divin Rédempteur : « La moisson est abondante, mais les
ouvriers sont en petit nombre. Priez donc le Maître de la moisson
d'envoyer des ouvriers à sa moisson » (Matth., IX, 37-38).
Nous savons assurément,
et c'est une grande consolation pour Notre cœur, que le nombre de
ceux qu'un instinct surnaturel appelle à propager l'Évangile par
toute la terre augmente heureusement de nos jours et ravive les
espoirs de l'Église ; mais il reste encore beaucoup à faire, il
reste beaucoup à obtenir de Dieu par d'humbles prières. Considérant
les innombrables nations qui doivent être appelées par ces ouvriers
évangéliques à l'unique bercail et à l'unique port du salut. Nous
adressons au Chef des Pasteurs ces paroles de l'Ecclésiastique :
« De même que vous avez montré devant eux votre sainteté en nous, de
même, devant nous, manifestez votre sainteté en eux, pour qu'ils
apprennent, comme nous l'avons appris nous-mêmes, qu'il n'y a pas
d'autre Dieu que Vous, Seigneur » (Eccli., XXXVI, 4 et 5).
Ces heureux
accroissements des Missions ont été dus non seulement aux travaux
des semeurs de la parole divine, mais aussi au sang versé en
abondance dans le témoignage du martyre, car au cours de ces
dernières années, les persécutions les plus âpres contre l'Église
naissante se firent sentir en certaines nations ; de nos jours même
telles régions de l'Extrême-Orient voient verser le sang pour la
même cause. Nous apprenons, en effet, que pour avoir été
courageusement fidèles à leur religion de nombreux chrétiens, des
religieuses missionnaires, des prêtres indigènes et même certains
Évêques ont été chassés de leur domicile et de leurs biens et
souffrent la faim hors de leur pays, ou bien sont jetés en prison ou
en camp de concentration, ou même parfois sont sauvagement mis à
mort.
C'est pour Notre cœur
une très grande souffrance que de songer aux angoisses, aux
douleurs, à la mort de ces fils très chers ; non seulement Nous les
accompagnons tous de Notre amour de père, mais Nous en parlons avec
un respect paternel, car Nous savons fort bien que leur rôle s'élève
parfois jusqu'à la dignité du martyre. Jésus-Christ, le premier des
martyrs, a déclaré : « S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront
vous aussi » (Joan., XV, 20) ; « dans le monde vous aurez de la
tribulation ; mais ayez confiance : moi, j'ai vaincu le monde »
(Joan., XVI, 33) ; « si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas,
il demeure seul ; mais s'il meurt il porte beaucoup de fruit »
(Joan., XII, 24-25).
Les messagers et
propagateurs de la vérité et de la vertu chrétiennes qui, loin de
leur patrie, trouvent la mort en s'acquittant de leur sainte
fonction sont des semences dont la volonté de Dieu fera un jour
germer des fruits très abondants. C'est pourquoi l'apôtre Paul
affirmait : « Nous nous glorifions, dans nos tribulations » (Rom.,
V, 3) ; et saint Cyprien, Évêque et martyr, consolait et exhortait
les chrétiens de son temps en ces termes : « Le Seigneur a voulu que
nous nous réjouissions et que nous exultions dans les persécutions,
parce que lorsque les persécutions se produisent, c'est alors que se
distribuent les couronnes de la foi, c'est alors que sont éprouvés
les soldats de Dieu, c'est alors que les cieux sont ouverts aux
martyrs. Nous n'avons pas, en effet, donné notre nom à la milice
pour devoir songer uniquement à la paix et refuser le combat, alors
que le Seigneur le premier a marché au combat, notre maître en
humilité, en patience et en souffrance, lui qui a fait le premier ce
qu'il enseignait à faire, lui qui a souffert le premier pour nous ce
qu'il exhortait à souffrir » (S. Cypriani Epist., LVI, ML, IV, 351
A).
Les semeurs de
l'Évangile qui peinent aujourd'hui dans les régions lointaines font
progresser une cause semblable à celle de l'Église primitive. Ceux
en effet qui, avec les Princes des Apôtres Pierre et Paul,
apportaient la vérité de l'Évangile à la citadelle de l'empire
romain, se trouvaient à Rome à peu près dans des conditions
semblables. Quiconque considère l'Église qui naissait à cette époque
la verra dépourvue de toutes ressources humaines, soumise aux
difficultés, aux malheurs, aux attaques ; il ne pourra se défendre
d'un sentiment d'admiration en voyant que la troupe pacifique des
chrétiens a vaincu une puissance telle qu'il n'y en avait peut-être
jamais eu de plus grande. Or, ce qui est arrivé alors, arrivera
encore sans aucun doute maintes et maintes fois. De même que le
jeune David, se confiant plus dans le secours divin que dans sa
fronde, jeta à terre le géant Goliath que protégeait une cuirasse,
ainsi cette société divine que le Christ a fondée, ne pourra jamais
être vaincue par aucune puissance terrestre, mais elle triomphera
d'un front serein de toutes les attaques. Bien que Nous sachions que
cela soit l'effet de promesses divines qui ne faillirent jamais,
Nous ne pouvons cependant Nous retenir d'exprimer Notre
reconnaissance à tous ceux qui ont témoigné de leur foi courageuse
et invincible à Jésus-Christ et à l'Église, colonne et fondement de
la vérité (cf. I Tim., III, 15), tout en les exhortant à continuer
toujours avec la même constance.
Nous recevons très
souvent des nouvelles de cette foi invincible et de ce courage
intrépide, et c'est pour Nous une grande consolation. S'il n'a pas
manqué d'hommes pour s'efforcer de séparer les catholiques de ce
Siège Apostolique de Rome, sous prétexte que l'amour de chacun pour
sa propre patrie et la fidélité envers elle requerrait une telle
séparation, Nos fils ont pu et peuvent à bon droit répondre qu'ils
ne le cèdent à aucun citoyen en matière de patriotisme, mais qu'ils
veulent absolument jouir d'une juste liberté.
Ce qu'il faut bien
avoir présent à l'esprit, et que Nous avons déjà signalé plus haut,
c'est que le travail qui reste à faire demande un effort gigantesque
et d'innombrables travailleurs. Rappelons-nous qu'une immense
multitude de nos frères « demeure assise dans les ténèbres et
l'ombre mortelle » (Ps. CVI, 10) et que leur nombre est de l'ordre
d'un milliard. C'est pourquoi semble résonner encore l'ineffable
gémissement du Cœur très aimant de Jésus-Christ : « J'ai aussi
d'autres brebis qui ne sont pas de ce bercail ; celles-là également,
il faut que je les conduise, et elles écouteront ma voix, et il y
aura un seul troupeau, un seul pasteur » (Joan., X, 16)
Et il ne manque pas de
pasteurs, comme vous le savez, Vénérables Frères, qui s'efforcent
d'écarter les brebis de cet unique bercail, de cet unique port du
salut ; vous savez aussi que ce péril est, en certains endroits,
plus grand de jour en jour. C'est pourquoi, considérant devant Dieu
cette immense multitude d'hommes qui sont encore privés de la vérité
évangélique et mesurant toute la gravité du danger dans lequel tant
d'hommes se trouvent soit à cause de l'extension du matérialisme
athée, soit à cause d'une certaine doctrine qui se dit chrétienne
mais qui est en fait imbue des idées et des erreurs communistes,
Nous sommes saisis d'une vive angoisse et poussés à promouvoir
partout et de toutes Nos forces les œuvres de l'apostolat, et Nous
considérons comme adressée à Nous-mêmes l'exhortation du prophète :
« Crie à pleine voix, ne te retiens pas, fais retentir ta voix comme
la trompette » (Is., LVIII, 1).
Et Nous recommandons à
Dieu d'une manière spéciale dans nos prières les ouvriers
apostoliques qui s'adonnent aux Missions dans les régions
intérieures de l'Amérique latine ; car Nous savons à quels dangers,
à quelles embûches, ils sont exposés par les erreurs cachées ou
manifestes que répandent les non-catholiques.
Dans l'intention de
rendre toujours plus efficace l'activité des prédicateurs de
l'Évangile et pour qu'aucune goutte de leur sueur et de leur sang ne
soit répandue en vain, Nous voulons exposer ici brièvement des
principes et des règles selon lesquelles l'action et le zèle des
Missionnaires doivent être conduits.
Il convient tout
d'abord de remarquer que celui qui, par une inspiration
surnaturelle, est appelé à faire fleurir chez les nations païennes
et lointaines la vérité de l'Évangile est destiné à une fonction
tout à fait grande, tout à fait élevée. Il consacre, en effet, sa
vie à Dieu pour propager son Règne jusqu'aux extrémités de la terre.
Celui-ci ne recherche pas ses propres avantages, mais ceux de
Jésus-Christ (Phil., II, 21). Celui-ci enfin considère comme
adressées particulièrement à lui-même ces phrases magnifiques de
l'Apôtre des Gentils : « Nous faisons fonction d'ambassadeurs...
pour le Christ » (II Cor., V, 20) ; « Si nous vivons dans la chair,
nous ne combattons pas selon la chair » (II Cor., X, 3) ; « Je me
suis fait faible avec les faibles afin de gagner les faibles » (I
Cor., IX, 22).
Il doit donc considérer
comme une seconde patrie la terre à laquelle il vient porter la
lumière de l'Évangile, et l'aimer comme il convient ; si bien qu'il
ne recherche pas d'avantages matériels, ni les intérêts de son pays
ou de son institut religieux, mais bien ce qui concerne le salut des
âmes. Assurément il doit avoir un grand amour pour son pays et pour
son institut, mais il doit aimer encore davantage l'Église. Et qu'il
se souvienne que son institut ne tirera aucun profit de ce qui
s'oppose au bien de l'Église.
Il faut, en outre, que
ceux qui sont appelés à ce genre d'apostolat, alors qu'ils sont
encore dans leur patrie, soient formés non seulement à toutes les
vertus et à toutes les connaissances ecclésiastiques, mais il faut
qu'ils apprennent encore les doctrines et acquièrent les
connaissances particulières qui leur seront un jour de la plus
grande utilité quand ils s'acquitteront de leur office de messagers
de l'Évangile. C'est pourquoi ils doivent connaître les langues,
celles surtout qui leur seront un jour nécessaires ; il faut qu'ils
soient également suffisamment initiés à la médecine, à
l'agriculture, à l'ethnographie, à l'histoire, à la géographie et
autres sciences du même genre.
Le but des Missions,
comme chacun sait, est d'abord de faire resplendir pour de nouveaux
peuples la lumière de la vérité chrétienne et de susciter de
nouveaux chrétiens. Mais le but dernier auquel elles doivent tendre
― et qu'il faut toujours avoir sous les yeux ― c'est que l'Église
soit fermement et définitivement établie chez de nouveaux peuples,
et qu'elle reçoive une Hiérarchie propre, choisie parmi les
habitants du lieu.
Dans la lettre que le 9
août de l'année dernière Nous avons adressée à Notre cher Fils le
Cardinal Pierre FUMASONI-BIONDI, Préfet de la Sacrée Congrégation de
la Propagande, Nous écrivions entre autres choses : « L'Église
assurément n'a nullement le dessein de dominer les peuples ou de
s'emparer du pouvoir temporel : son seul désir est de porter à
toutes les nations la lumière surnaturelle de la foi, de favoriser
le développement de la civilisation humaine et civile et la concorde
entre les peuples » (Epist. Perlibenti equidem, A. A. S., 1950, p.
727).
Dans la Lettre
Apostolique Maximum illud (A. A. S., 1919, p. 440 sq.), de
Notre prédécesseur Benoît XV, datée de 1919, ainsi que dans
l'Encyclique Rerum Ecclesiae (A. A. S., 1926, p. 65 sq.), de
Notre prédécesseur immédiat, Pie XI, il était proclamé que les
Missions devaient s'efforcer, comme vers leur but suprême, d'établir
l'Église dans de nouvelles terres. Et Nous-mêmes, lorsque en 1944,
comme Nous l'avons rappelé ci-dessus, Nous avons reçu les Directeurs
des Œuvres Missionnaires, Nous avons déclaré : « Le dessein que les
prédicateurs de l'Évangile embrassent avec courage et générosité,
consiste à étendre l'Église à de nouvelles régions, de telle sorte
qu'elle y fixe des racines toujours plus profondes, et qu'après s'y
être développée elle puisse le plus tôt possible y vivre et y
fleurir sans l'aide des œuvres missionnaires. Ces œuvres
missionnaires en effet ne cherchent pas leur propre intérêt, mais il
faut qu'elles tendent de toutes leurs forces à atteindre le but
élevé dont Nous venons de parler ; lorsqu'elles l'auront atteint,
elles se consacreront volontiers à d'autres entreprises » (A. A. S.,
1944, p. 210). « C'est pourquoi les propagateurs de l'Évangile ne
résident pas dans les champs d'apostolat déjà cultivés, comme s'ils
y étaient à demeure, mais leur mission est plutôt de faire briller
sur toute la terre la vérité de l'Évangile et de consacrer cette
terre par la sainteté chrétienne. L'entreprise qui est proposée aux
Missionnaires est en effet la suivante : étendre d'une région à
l'autre, d'un pas chaque jour plus rapide, jusqu'à la demeure la
plus éloignée et la plus inconnue, jusqu'à l'homme le plus éloigné
et le plus inconnu, le Règne du Divin Rédempteur, qui est ressuscité
triomphant de la mort et à qui tout pouvoir à été donné au ciel et
sur la terre » (cf. Matth. XXVIII, 18. - A. A. S., 1944, p. 208).
Il est clair cependant
que l'Église ne peut s'établir convenablement en de nouvelles
régions à moins que les institutions et les œuvres n'y soient
organisées comme il faut, à moins surtout qu'un clergé indigène à la
hauteur des besoins n'y soit créé et formé, Nous aimons pour cela
répéter en les empruntant à l'Encyclique Rerum Ecclesiae ces
phrases graves et sages : « ... S'il faut prendre soin que chacun
d'entre vous ait le plus grand nombre possible d'élèves indigènes,
appliquez-vous en outre à les former comme il convient, à la
sainteté que demande la vie sacerdotale, à cet esprit d'apostolat
uni au désir du salut de leurs Frères qui les rendra capables de
sacrifier même leur vie pour leur concitoyens » (A. A. S., 1926, p.
76).
« Supposez qu'une
guerre ou d'autres événements politiques remplacent dans un
territoire de Mission un régime par un autre et que le départ des
Missionnaires de telle nation soit demandé ou décrété ; supposez ―
ce qui arrivera certes plus difficilement ― que des indigènes
parvenus à un certain degré de culture et ayant atteint une certaine
maturité politique veuillent, pour obtenir leur autonomie, chasser
de leur territoire les fonctionnaires, les troupes et les
Missionnaires de la nation qui leur commande, et ne puissent y
arriver qu'au moyen de la force. Quelle ruine, Nous le demandons, ne
menacerait pas l'Église en ces régions, si on n'avait entièrement
pourvu aux besoins des nouveaux chrétiens en disposant comme un
réseau de prêtres indigènes sur tout le territoire ? » (A. A. S.,
1926, p. 75).
En voyant réalisé en de
nombreuses régions de l'Extrême-Orient ce que Notre prédécesseur
immédiat écrivait dans une sorte de pressentiment, Nous sommes
saisis d'une grande douleur. Les florissantes missions qui s'y
trouvaient, déjà blanches pour la moisson (Joan., IV, 35), sont
actuellement, hélas ! dans les plus grandes difficultés. Qu'il Nous
soit permis d'espérer que les peuples de Corée et de Chine,
remarquables par leurs dons naturels d'humanité et de noblesse, et
qui depuis longtemps ont brillé par la splendeur de leur
civilisation, seront le plus tôt possible libérés non seulement des
conflits et des guerres qui les bouleversent, mais aussi de cette
doctrine néfaste, qui ne cherche que les biens d'ici-bas et refuse
les biens célestes ; qu'ils estiment aussi à leur juste prix la
charité et le courage chrétien des Missionnaires étrangers et des
prêtres indigènes, qui au prix de leurs fatigues, et s'il le faut,
au risque de leur vie, ne cherchent rien d'autre que le vrai bien du
peuple.
Nous rendons grâces à
Dieu de ce que dans l'un et l'autre pays un clergé de choix et déjà
nombreux s'est levé du milieu de ces populations pour l'espérance de
l'Église, et de ce que plusieurs diocèses ont été confiés à des
Évêques de ce pays. Si on a pu finalement en arriver là, l'éloge
doit en revenir aux Missionnaires étrangers.
A ce sujet toutefois,
il Nous semble opportun de noter un point, que Nous estimons digne
de considération attentive quand les Missions qui étaient auparavant
confiées au clergé étranger passent aux mains des Évêques et des
prêtres nationaux. L'Institut religieux dont les membres ont labouré
au prix de leur sueur le champ du Seigneur, lorsqu'un décret du
Conseil Supérieur de la Propagation de la Foi confie à d'autres
ouvriers la vigne cultivée par eux et déjà couverte de fruits, ne
doit pas nécessairement l'abandonner tout à fait ; mais ce sera
faire œuvre utile et convenable que de continuer à aider le nouvel
Évêque choisi dans le peuple du lieu. De même, en effet, que dans
tous les autres diocèses du monde, des Religieux aident la plupart
du temps l'Évêque local, de même dans les régions de Missions, les
Religieux, bien qu'originaires d'une autre nation, ne cesseront pas
de mener le combat comme des troupes auxiliaires ; et c'est ainsi
que se réalisera heureusement ce que le Divin Maître a déclaré au
puits de Sichar : « Le moissonneur reçoit son salaire et recueille
des fruits pour la vie éternelle, pour que le semeur se réjouisse en
même temps que le moissonneur » (Joan., IV, 36).
Nous désirons en outre
adresser Notre exhortation non seulement aux Missionnaires, mais
aussi aux laïques, qui « de grand cœur et de bon gré » (II Mach., I,
3), militant dans les rangs de l'Action catholique, prêtent leurs
concours aux Missions.
On peut certes assurer
que le concours des laïques, que nous appelons aujourd'hui Action
catholique, n'a jamais manqué depuis les origines de l'Église ; bien
plus, il a fourni aux Apôtres et aux autres propagateurs de
l'Évangile une aide considérable, et la religion chrétienne lui dut
un développement important. C'est ainsi que l'Apôtre des Gentils
nomme à ce sujet Apollos, Lydie, Aquila, Priscille, Philémon ; dans
l'épître aux Philippiens, il écrit : « Et toi aussi, mon fidèle
compagnon, je te prie de venir en aide à celles qui ont combattu
pour l'Évangile avec moi, avec Clément et mes autres collaborateurs
dont les noms sont dans le livre de vie » (Phil., IV, 3).
De même, chacun sait
que la doctrine chrétienne a été répandue le long des voies
consulaires non seulement par les Évêques et les prêtres, mais aussi
par les magistrats, les soldats et les particuliers. De nombreux
milliers de fidèles, qui venaient de recevoir la foi chrétienne et
dont les noms sont aujourd'hui inconnus, brûlant du désir de
propager la nouvelle religion qu'ils avaient embrassée, se sont
efforcés de préparer la voie à la vérité évangélique ; c'est
pourquoi en une centaine d'années le nom chrétien et la vertu
chrétienne étaient parvenus à toutes les principales villes de
l'Empire Romain.
Saint Justin, Minucius
Félix, Aristide, le consul Acilius Glabrion, le patrice Flavius
Clemens, saint Tarcisius, des saints et des saintes martyrs, presque
innombrables, pour avoir, par leurs peines et leur sang répandu,
fortifié et fécondé l'Église grandissante, peuvent être dits en
quelque sorte les avant-gardes et les précurseurs de l'Action
catholique. Nous aimons ici rapporter la phrase magnifique de
l'auteur de la lettre à Diognète, qui semble aujourd'hui encore un
avertissement d'actualité : « Les chrétiens... habitent des patries
particulières, mais comme des locataires ;... toute région étrangère
est pour eux une patrie, et toute patrie, une terre étrangère »
(Epist. ad Diognetum, V, 5 ; ed. Funk, I, 399).
Pendant les invasions
barbares du Moyen Âge, nous voyons des hommes et des femmes du
premier rang, aussi bien que d'humbles artisans et d'énergiques
femmes du peuple chrétien s'efforcer de tout leur pouvoir de
convertir authentiquement leurs concitoyens à la religion de
Jésus-Christ et d'y conformer leurs mœurs, comme aussi bien de
sauver la religion et la cité en cas de danger. Avec Notre immortel
prédécesseur Léon le Grand, qui s'opposa fortement à l'invasion de
l'Italie par Attila, se trouvaient, nous dit la tradition, deux
personnages consulaires. Lorsque les terribles bandes des Huns
assiégeaient Paris, la sainte vierge Geneviève, qui mettait ses
délices dans les prières ininterrompues et les âpres pénitences,
veilla selon ses forces avec une admirable charité sur les âmes et
les corps de ses concitoyens. Théodelinde, reine des Lombards,
appelle instamment son peuple à embrasser la religion chrétienne. En
Espagne, le roi Récarède s'efforce de ramener de l'hérésie arienne à
la vraie foi le peuple qui lui est confié. En Gaule, on trouve non
seulement de saints évêques qui, ― comme Remi, évêque de Reims,
Césaire, évêque d'Arles, Grégoire, évêque de Tours, Éloi, évêque de
Noyon et plusieurs autres - brillèrent par leur vertu et leur ardeur
apostolique, mais on peut voir des reines qui, durant cette époque,
enseignent aux ignorants et aux humbles la vérité chrétienne,
nourrissent les malades, les affamés et toute sorte de malheureux ;
c'est ainsi, pour donner des exemples, que Clotilde attire si bien
le cœur de Clovis à la religion chrétienne, qu'elle finit par
l'amener à accepter volontiers le baptême ; Radegonde et Bathilde
recueillent avec la plus grande charité les malades, et soignent les
lépreux. En Angleterre, la reine Berthe reçoit à son arrivée saint
Augustin, l'apôtre de cette nation, et, par ses efforts, persuade
son mari Ethelbert d'accepter avec bienveillance les préceptes de
l'Évangile. A peine les Anglo-Saxons, nobles ou roturiers, hommes ou
femmes, vieillards ou jeunes gens, ont-ils embrassé la foi, comme
poussés par un instinct de la grâce, ils lient aussitôt avec le
Siège Apostolique des liens très étroits de piété, de fidélité, de
respect.
De la même manière en
Allemagne c'est un spectacle merveilleux de voir saint Boniface et
ses compagnons parcourir ces régions dans leurs voyages apostoliques
et les arroser généreusement de leurs sueurs. Les fils et les filles
de cette nation courageuse et généreuse, dans un élan d'ardeur,
prêtèrent leur aide et le secours de leur zèle aux moines, aux
prêtres, aux Évêques, pour que la lumière de la vérité évangélique
brillât chaque jour davantage sur ces vastes régions, et pour que
les préceptes chrétiens et la vertu chrétienne progressent de jour
en jour et portent des fruits de salut.
Il n'y a donc aucune
époque où l'Église catholique, non seulement par le travail
infatigable du clergé, mais aussi avec l'aide demandée aux laïques,
n'ait assuré de nouveaux développements à la religion et n'ait
également amené les peuples à une plus grande prospérité sociale.
Tout le monde sait ce qu'ont fait à ce sujet en Allemagne une sainte
Élisabeth, landgrave de Thuringe, un saint Ferdinand roi en
Castille, un saint Louis IX en France : par leur sainteté et leur
zèle ils ont étendu leurs bienfaits à tous les rangs de la société,
soit en instituant des œuvres utiles, soit en propageant de toutes
leurs forces la vraie religion, soit surtout en donnant à tous
l'exemple de leur vie. On n'ignore pas les mérites des fraternités
du Moyen Âge dans lesquelles étaient groupés artisans et ouvriers
des deux sexes qui, tout en poursuivant la vie séculière, avaient
néanmoins devant les yeux un idéal de perfection évangélique dont
ils poursuivaient personnellement la recherche et vers lequel ils
s'efforçaient avec le clergé d'orienter les autres.
Or, les conditions dans
lesquelles on se trouvait aux premiers temps de l'Église se
retrouvent aujourd'hui dans la plupart des régions où travaillent
les Missionnaires ; ou du moins les peuples dont ils ont le soin
souffrent de besoins auxquels il fut nécessaire de répondre à l'âge
suivant. C'est pourquoi il faut absolument que des laïcs, se
réunissant très nombreux dans les rangs de l'Action catholique
unissent là leur zèle généreux et actif à l'apostolat hiérarchique
du clergé. L'œuvre des catéchistes est assurément nécessaire, mais
non moins nécessaire est l'activité attentive de ceux qui, sans
recevoir aucun honoraire, mais uniquement poussés par l'amour de
Dieu, se mettent à la disposition des prêtres pour les aider dans
leurs fonctions.
Nous désirons donc que
partout, selon le nombre des catholiques hommes et femmes, des
associations se constituent ; qu'il y en ait aussi pour les jeunes
gens qui poursuivent leurs études, pour les ouvriers et les
artisans, pour les sportifs, qu'il y ait également des congrégations
et de pieuses associations qui puissent être dites les troupes
auxiliaires des Missionnaires. Pour constituer et former ces groupes
que l'on s'attache toutefois plus à l'honnêteté, à la vertu, au zèle
des membres qu'à leur nombre.
Il faut remarquer en
outre que rien ne concilie plus efficacement aux Missionnaires la
confiance des pères et mères de famille que le soin que l'on prend
de leurs enfants. Ceux-ci en convertissant leur esprit à la vérité
chrétienne et leurs mœurs à la vertu concourront non seulement au
bien de leur propre famille, mais aussi à la vigueur, à l'honneur et
à l'illustration de toute la communauté ; et il arrivera souvent que
si la vie de la communauté chrétienne était quelque peu affaiblie
ils la rappelleront heureusement à son ancienne vigueur.
Bien que, comme chacun
sait, l'Action catholique soit principalement destinée à promouvoir
les œuvres d'apostolat, rien n'empêche cependant que ceux qui en
font partie, soient également membres d'associations dont le but
soit de conformer les institutions sociales et politiques aux
principes et aux règles chrétiennes ; bien plus, le droit dont ils
jouissent permet, et le devoir qu'ils ont demande qu'ils y prennent
part, non seulement comme citoyens, mais aussi comme catholiques.
La jeunesse, surtout
celle que l'on cultive par les lettres, les études supérieures et
les arts libéraux, dirigera demain les affaires de son pays. Tous
reconnaissent l'importance des soins qu'il faut donner à
l'éducation, aux écoles, aux collèges. Nous exhortons donc
paternellement les Supérieurs de Missions à ne rien épargner de
leurs peines ni de leurs ressources pour développer ces entreprises.
Les écoles, en effet,
nouent d'opportunes relations entre les Missionnaires et les païens
de toute classe. La jeunesse surtout, souple encore comme la cire,
éprouve plus aisément le désir de comprendre, d'apprécier et
d'embrasser la doctrine catholique. Ces jeunes, plus instruits,
seront demain les chefs de l'État ; les masses les suivront comme
leurs guides et leurs maîtres. Ainsi, l'Apôtre des nations
présentait à l'élite la plus docte, la sagesse sublime de
l'Évangile, quand devant l'Aréopage il annonçait le Dieu inconnu. Si
après ces contacts quelques-uns seulement se donnent au Christ, un
plus grand nombre éprouvera un attrait secret pour la beauté
supérieure de cette religion et la charité de ceux qui la
professent.
Ces écoles et collèges
servent aussi éminemment à réfuter les erreurs de tout genre que
répandent de plus en plus les non catholiques et les communistes et
qui atteignent ouvertement ou en secret surtout les jeunes.
Il n'est pas moins
utile de publier et de répandre des écrits de circonstance. Il n'y a
pas lieu, croyons-nous, de nous étendre là-dessus ; on sait assez
l'influence des journaux, revues et tracts pour exposer la vérité et
le bien, pour en imprégner les esprits, pour démasquer l'erreur,
réfuter les mensonges qui attaquent la religion ou déforment au
détriment des âmes, les questions sociales violemment agitées. Nous
louons donc vivement les Pasteurs soucieux de répandre par la presse
le plus possible des écrits de ce genre, solides et soignés. On a
déjà beaucoup entrepris en ce domaine, mais il reste encore beaucoup
à faire.
Il Nous plaît de
recommander ici vivement les œuvres et les établissements qui
s'emploient auprès des malades, des infirmes, des éprouvés de tous
genres : hôpitaux, léproseries, dispensaires, hospices pour
vieillards, maternités, orphelinats, refuges pour nécessiteux. Ces
œuvres qui Nous paraissent pour ainsi dire les fleurs les plus
belles du jardin où se dépensent les ouvriers de l'Évangile, font
revivre sous nos yeux, en quelque sorte, le Divin Rédempteur en
personne « qui passa en faisant le bien et guérissant les malades »
(Act., X, 38).
Ces prodiges de charité
préparent souverainement les âmes et les attirent à la foi et à la
pratique chrétiennes. Jésus-Christ lui-même en a fait aux Apôtres la
recommandation : « En quelque ville que vous entriez et qu'on vous
reçoive... guérissez les malades qui s'y trouveront et dites-leur :
Le Royaume de Dieu est proche de vous » (Luc., X, 8-9).
Il faut enfin que les
religieux et les religieuses qui sentent l'appel de ces vocations
fructueuses se donnent, avant de quitter leur patrie, la culture
intellectuelle et morale que requièrent aujourd'hui ces services. Il
ne manque pas de religieuses, Nous le savons, qui munies de diplômes
officiels, ont poursuivi l'étude de maladies affreuses comme la
lèpre et ont trouvé des remèdes adaptés ; on leur doit des louanges
méritées. Nous les bénissons paternellement ainsi que tous les
Missionnaires qui se dépensent dans les léproseries et nous
adressons à leur charité sublime, l'hommage de Notre admiration.
Pour ce qui est de la
médecine et de la chirurgie, il sera à propos évidemment d'appeler à
l'aide des laïcs, diplômés, prêts à quitter volontiers leur patrie
pour aider les missionnaires, mais aussi hommes de saine doctrine et
de vertu.
Nous en venons
maintenant à un sujet qui n'a pas moins d'importance et de gravité ;
Nous voulons dire un mot de la question sociale et de sa solution
dans la justice et la charité. Pendant que les propos communistes se
répandent aujourd'hui partout et facilement trompent les simples et
les humbles, Nous croyons entendre retentir à Nos oreilles la parole
de Jésus-Christ : « J'ai pitié de la foule » (Marc., VIII, 2). Il
faut absolument faire passer dans la pratique avec zèle, ardeur,
énergie, les vrais principes qu'enseigne l'Église en matière
sociale. Il faut absolument garder tous les peuples de ces erreurs
pernicieuses ou bien, s'ils en ont été infectés, il faut les guérir
de ces doctrines violentes qui présentent la jouissance des biens de
ce monde comme l'unique but de l'homme en cette vie, qui attribuent
à la souveraineté de l'État et à sa décision la propriété et la
gestion de tous les biens, réduisant ainsi presque jusqu'à
l'anéantir, la dignité de la personne humaine. Il faut absolument
enseigner à tous en public, en privé, que nous sommes ici-bas des
exilés en route vers l'immortelle patrie, appelés à l'éternité, au
bonheur éternel que nous devons atteindre un jour en suivant les
dictées de la vérité et de la vertu. Seul, le Christ est le gardien
de l'humaine' justice et le très doux consolateur de la douleur,
inévitable ici-bas ; Lui seul nous découvre le port de la paix, de
la justice et de l'éternelle joie auquel tous, rachetés par son
sang, au terme de notre voyage terrestre, nous devons atteindre.
Mais c'est aussi le
devoir de tous, autant qu'il est possible, d'adoucir, d'alléger, de
soulager les souffrances, les misères, les angoisses qui affligent
nos frères en cette vie.
La charité peut en
partie remédier à bien des injustices d'ordre social, mais c'est
insuffisant ; il faut d'abord que la justice s'affirme, s'impose et
soit mise en pratique.
Il nous plaît à ce
propos de citer ici les paroles que Nous adressions à Noël 1942 aux
Éminentissimes Cardinaux et aux Évêques réunis : « L'Église a
condamné les divers systèmes du socialisme marxiste et elle les
condamne encore aujourd'hui conformément à son devoir et à son droit
permanent de mettre les hommes à l'abri de courants et d'influences
qui mettent en péril leur salut éternel. Mais l'Église ne peut pas
ignorer ou ne pas voir, que l'ouvrier dans son effort pour améliorer
sa situation, se heurte à tout un système qui, loin d'être conforme
à la nature, est en opposition avec l'ordre de Dieu et avec la fin
assignée par Dieu aux biens terrestres. Si fausses, si condamnables,
si dangereuses qu'aient été et que soient les voies suivies, qui
pourrait, et surtout quel prêtre, quel chrétien pourrait demeurer
sourd au cri qui monte d'en bas et réclame dans le monde d'un Dieu
juste, justice et fraternité ? Le silence serait coupable,
inexcusable devant Dieu, contraire au bon sens éclairé de l'Apôtre
qui, tout en prêchant la fermeté contre l'erreur, sait en même temps
qu'il faut montrer beaucoup de délicatesse envers les égarés, aller
à eux le cœur ouvert pour écouter leurs aspirations, leurs
espérances, leurs raisons... La dignité de la personne humaine
suppose donc normalement comme fondement naturel pour vivre, le
droit à l'usage des biens de la terre ; à ce droit correspond
l'obligation fondamentale d'accorder une propriété privée, autant
que possible à tous. Les normes juridiques positives, réglant la
propriété privée, peuvent changer et en restreindre plus ou moins
l'usage ; mais si elles veulent contribuer à la pacification de la
communauté, elles devront empêcher que l'ouvrier, père ou futur père
de famille, soit condamné à une dépendance, à une servitude
économique, inconciliable avec les droits de sa personne.
Que cette servitude
dérive de la puissance du capital privé ou du pouvoir de l'État,
l'effet est le même. Bien plus, sous la pression d'un État qui
domine tout, qui règle toute la sphère de la vie publique et privée,
qui pénètre jusque dans le champ des idées et des convictions de la
conscience, ce défaut de liberté peut avoir des conséquences plus
graves encore, comme l'expérience en fournit la manifestation et le
témoignage » (A. A. S., 1943, pp. 16-17).
Il vous revient,
Vénérables Frères, qui vous dépensez de toute façon dans les
Missions, de donner tous vos soins à ce que ces principes et ces
normes passent dans la pratique. Examinez les conditions
particulières du pays, consultez-vous en vos réunions d'Évêques, en
vos synodes et autres assemblées, et fondez selon vos ressources les
groupements sociaux et économiques, les associations et instituts
que les circonstances et le caractère de vos populations demandent.
C'est sûrement un
devoir de votre charge pastorale de veiller à ce que le troupeau qui
vous est confié n'aille pas s'égarer hors du vrai chemin, victime de
ces nouvelles erreurs qui se couvrent des apparences de la vérité et
de la justice, victime aussi d'entraînements néfastes. Que les
apôtres de l'Évangile qui vous secondent avec zèle, se distinguent
entre tous en ce point ; ils seront sûrs alors de ne point entendre
un jour cette parole : « Les fils de ce siècle sont plus prudents
que les fils de la lumière » (Luc., XVI, 8). Il sera toutefois
opportun qu'ils s'adjoignent, chaque fois que ce sera possible, des
laïques compétents, reconnus pour leur droiture et leur prudence,
qui prennent en mains ces entreprises et les développent.
Le vaste domaine de
l'apostolat missionnaire n'était pas jadis délimité par les
frontières ecclésiastiques précises, ni confié à des Ordres ou
Congrégations religieuses en collaboration avec un clergé indigène
en progrès, ce qui est devenu généralement, on le sait, la situation
actuelle. Il est aussi arrivé parfois qu'on a confié certaines
régions aux religieux d'une province particulière d'un même
Institut. Nous reconnaissons les avantages de ce régime,
l'organisation des missions en devient plus rapide et plus facile.
Cela toutefois peut susciter de sérieux inconvénients auxquels il
est à propos de remédier autant que possible. Nos prédécesseurs déjà
ont traité un sujet analogue en leurs lettres que Nous avons
rappelées (cf. A. A. S., 1919, p. 444, et A. A. S., 1926, pp.
81-82), et ils ont donné sur la matière des normes très sages qu'il
Nous plaît de renouveler ici et de confirmer. Connaissant votre zèle
pour la religion et le salut des âmes, Nous vous exhortons à les
accueillir avec un esprit filial et une prompte obéissance.
Il arrive en effet que
ces territoires, très vastes d'ordinaire, que le Saint Siège a
confiés à votre zèle pour que vous les gagniez au Christ
Notre-Seigneur, vos Instituts ne peuvent leur donner qu'un nombre de
missionnaires bien inférieur à la nécessité, N'hésitez donc pas à
imiter la pratique des diocèses constitués : des religieux clercs ou
laïcs de divers Instituts, des religieuses de Congrégations
différentes entourent l'Évêque et lui donnent leur concours. De même
pour la propagation de la foi, l'instruction de la jeunesse indigène
et d'autres œuvres du même genre, n'hésitez pas à appeler à partager
vos travaux des religieux ou des Missionnaires qui ne seraient pas
de votre Institut, qu'ils soient religieux, clercs ou laïcs. Les
Ordres et les Congrégations religieuses peuvent se glorifier de la
mission qu'ils ont reçue auprès des païens comme des conquêtes
qu'ils ont ajoutées au Royaume du Christ ; mais qu'ils se rappellent
aussi qu'ils n'ont point reçu les territoires de mission en droit
personnel et perpétuel ; ces territoires leur sont confiés selon le
gré du Siège Apostolique, à qui demeurent le droit et la charge de
veiller à leur juste et plein développement. Le Pontife Romain en
conséquence ne s'acquitterait pas de sa charge s'il se contentait de
répartir entre les Instituts des territoires plus ou moins étendus ;
il doit encore, ce qui importe davantage, veiller sans cesse de
toute façon à ce que ces Instituts missionnaires envoient en nombre
et surtout en qualité, les Missionnaires qu'il faut aux régions qui
leur sont confiées pour répandre en tout le pays la lumière de la
vérité chrétienne et y travailler efficacement (A. A. S., 1926, pp.
81-82).
Il Nous reste à toucher
un point que Nous souhaitons vivement voir parfaitement saisi de
tous. L'Église depuis son origine jusqu'à nos jours, a toujours
suivi la norme très sage selon laquelle l'Évangile ne détruit et
n'éteint chez les peuples qui l'embrassent, rien de ce qui est bon,
honnête et beau en leur caractère et leur génie. En effet lorsque
l'Église convie les peuples à s'élever sous la conduite de la
religion chrétienne à une forme supérieure d'humanité et de culture,
elle ne se conduit pas comme celui qui, sans rien respecter, abat
une forêt luxuriante, la saccage et la ruine, mais elle imite plutôt
le jardinier qui greffe une tige de qualité sur des sauvageons pour
leur faire produire un jour des fruits plus savoureux et plus doux.
La nature humaine garde
en elle, malgré la tache héritée de la triste chute d'Adam, un fonds
naturellement chrétien (cf. Tertull., Apologet., cap. XVII ; ML, I,
377 A) qui, éclairé par la lumière divine et nourri de la grâce,
peut s'élever à la vertu authentique et à la vie surnaturelle. Pour
ce motif, l'Église n'a jamais traité avec mépris et dédain les
doctrines des païens ; elle les a plutôt libérées de toute erreur et
impureté, puis achevées et couronnées par la sagesse chrétienne. De
même, leurs arts et leur culture, qui s'étaient élevés parfois à une
très grande hauteur, elle les a accueillis avec bienveillance,
cultivés avec soin et portés à un point de beauté qu'ils n'avaient
peut-être jamais atteint encore. Elle n'a pas non plus condamné
absolument, mais sanctifié en quelque sorte, les mœurs particulières
des peuples et leurs institutions traditionnelles. Tout en modifiant
l'esprit et la forme, elle a fait servir leurs fêtes à rappeler les
martyrs et à glorifier les saints mystères. A ce propos, saint
Basile écrit excellemment : « A la façon des teinturiers qui
préparent soigneusement leur étoffe, puis la plongent dans la
pourpre ou dans une autre couleur, si nous voulons que l'éclat du
bien demeure en nous à jamais indélébile, nous nous formerons
d'abord par des études profanes avant d'étudier à fond les sciences
sacrées et révélées. Habitués à regarder le soleil sur les eaux,
nous pourrons lever les yeux sur la Lumière elle-même... La vie de
l'arbre est de se charger de fruits à son heure et pourtant les
feuilles qui frémissent autour des rameaux ajoutent à leur beauté.
Ainsi l'âme trouve son fruit par excellence dans la Vérité même à
laquelle toutefois la sagesse humaine, sans déplaire, sert comme de
manteau, comme un feuillage qui entoure les fruits d'ombre et de
beauté... C'est la voie par laquelle, dit-on, l'incomparable Moïse,
dont la sagesse est réputée partout, s'étant d'abord formé chez les
maîtres d'Égypte, s'éleva à la contemplation de Celui qui est. On
rapporte également que plus tard, le sage Daniel aborda les
doctrines sacrées une fois instruit dans la sagesse des Chaldéens de
Babylone » (S. Basil., Ad adolescentes, 2 ; MG, XXXI, 567 A).
Nous écrivions
Nous-même en Notre première Encyclique Summi Pontificatus ces
paroles : « D'innombrables recherches et investigations de
pionniers, accomplies en esprit de sacrifice, de dévouement et
d'amour par les Missionnaires de tous les temps, se sont proposé de
faciliter l'intime compréhension et le respect des civilisations les
plus variées et d'en rendre les valeurs spirituelles fécondes pour
une vivante et vivifiante prédication de l'Évangile du Christ. Tout
ce qui, dans ces usages et coutumes, n'est pas indissolublement lié
à des erreurs religieuses sera toujours examiné avec bienveillance,
et quand ce sera possible, protégé et encouragé » (A. A. S., 1939,
p. 429).
En 1944, en Notre
discours aux Directeurs des Œuvres Pontificales Missionnaires, Nous
disions entre autres ces paroles : « L'apôtre est le messager de
l'Évangile et le héraut de Jésus-Christ. Le rôle qu'il remplit ne
demande pas qu'il transporte dans les lointaines Missions, comme on
y transplanterait un arbre, les formes de culture des peuples
d'Europe, mais ces nations nouvelles, fières parfois d'une culture
très ancienne, doivent être instruites et réformées de telle sorte
plutôt qu'elles deviennent aptes à recevoir, d'un cœur avide et
empressé, les règles et les pratiques de la vie chrétienne. Ces
règles peuvent s'accorder avec toute culture profane, pourvu qu'elle
soit saine et pure et la rendre plus capable de protéger la dignité
humaine et d'atteindre le bonheur. Les catholiques d'un pays sont
d'abord citoyens de la grande famille de Dieu et de son Royaume (cf.
Ephes., II, 19), mais ils ne cessent pas pour cela d'être citoyens
aussi de leur patrie terrestre » (A. A. S., 1944, p. 210).
Pie XI, Notre
prédécesseur, lors de l'Année Jubilaire 1925, fit préparer une très
vaste exposition missionnaire dont il marqua en ces termes l'heureux
résultat : « C'est presque un miracle que ce nouveau témoignage
grâce auquel Nous touchons la vivante structure de l'Église de Dieu,
une à travers toutes les nations. A vrai dire, l'Exposition a surgi
et demeure tel un livre immense et saisissant » (Allocution du 10
janvier 1926).
Suivant cet exemple,
afin de mettre à la portée du plus grand nombre possible les mérites
singuliers des Missions surtout dans le domaine de la haute culture,
Nous avons au cours de la dernière Année Sainte, fait recueillir une
riche documentation et l'avons fait exposer tout près du Vatican,
comme la présentation en pleine lumière du développement chrétien
des Beaux Arts suscité par les Missions chez les peuples cultivés et
chez d'autres moins développés. On a ainsi constaté la part très
grande qu'ont eue les travaux des Missionnaires dans le
développement des arts et dans les études des Académies sur la
matière. On y a vu aussi que l'Église ne s'oppose au génie d'aucun
peuple, mais plutôt le porte à sa plus haute perfection.
Nous attribuons à la
bonté de Dieu le fait que tous aient accueilli avec particulier
intérêt un événement semblable qui atteste publiquement la vitalité
et la vigueur accrues des Missions. Grâce en effet au zèle des
Missionnaires, l'Évangile a pénétré les âmes de peuples fort
éloignés et fort divers au point de susciter chez eux de belles
manifestations d'un renouveau artistique. Ce qui montre une fois de
plus que la foi chrétienne, assimilée et vécue, peut seule élever
l'esprit de l'homme jusqu'à produire ces œuvres exquises qui
demeurent la gloire impérissable de l'Église catholique et
l'ornement le plus beau du culte divin.
Vous vous rappelez fort
bien la vive recommandation faite par l'Encyclique Rerum
Ecclesiae à l'Union Missionnaire du Clergé dont le but est
d'unir les clercs de l'un et l'autre clergé et leurs grands
séminaristes, dans un effort commun de propagande en faveur des
Missions. Nous avons suivi ses progrès avec grand plaisir, comme
Nous l'indiquions plus haut. Nous désirons vivement qu'elle croisse
sans cesse et stimule le zèle des prêtres et des fidèles qui leur
sont confiés à aider les œuvres missionnaires. Cette association est
comme la source d'où dérivent les eaux nourricières aux autres
œuvres Pontificales de la Propagation de la Foi, de Saint-Pierre
Apôtre pour le Clergé indigène, de la Sainte-Enfance. Il n'y a pas
lieu de Nous attarder à rappeler l'importance, la nécessité et les
mérites éclatants de ces œuvres que Nos Prédécesseurs ont enrichies
d'indulgences. Il Nous plaît assurément que l'on recueille les
aumônes des fidèles, surtout le « jour des Missions », mais le
premier de nos vœux est que tous prient le Dieu Tout-puissant, de
susciter de nombreuses vocations missionnaires, qu'ils s'inscrivent
eux-mêmes aux Œuvres Pontificales que Nous avons dites et qu'ils
s'efforcent de les promouvoir. Vous n'ignorez pas, Vénérables
Frères, que Nous avons institué récemment une fête destinée aux
enfants, afin de promouvoir, par la prière et l'aumône, l'Œuvre de
la Sainte-Enfance. Puissent nos chers petits enfants s'habituer
ainsi à prier avec instance pour le salut des infidèles et puissent
dans leurs âmes encore innocentes germer et mûrir les vocations
missionnaires.
Il Nous plaît de louer
aussi l'Œuvre établie pour fournir aux Missions les ornements
sacerdotaux ; d'exprimer Notre paternelle bienveillance à ces
groupes de femmes qui concourent utilement, à la confection de
vêtements liturgiques ou de linge d'autel.
Enfin, Nous voulons
adresser à tous Nos chers Ministres de l'Église, cette parole
d'encouragement : le zèle du peuple chrétien pour le salut des
infidèles ravive sa foi et lui fait produire des fruits excellents ;
quand la ferveur pour les Missions s'accroît, la piété également
s'accroît.
Enfin, Nous ne voulons
point terminer cette Lettre sans dire au Clergé et à tous les
fidèles, Notre affectueuse gratitude. Nous avons constaté en effet
encore cette année, une augmentation des aumônes de Nos fils pour
les Missions. Il est bien sûr que votre charité ne peut mieux
s'employer qu'à étendre ainsi le Règne du Christ et à porter le
salut aux âmes privées de la foi, puisque « le Seigneur lui-même a
confié à chacun le salut de son prochain » (Eccli., XVII, 12).
En conséquence, il Nous
plaît de reprendre avec plus d'instance et dans une sollicitude
nouvelle, le mot d'ordre que Nous écrivions en Notre Lettre, le 9
août 1950, à Notre Cher Fils, le Cardinal FUMASONI- BIONDI, Préfet
de la Sacrée Congrégation de la Propagande : « Que tous les fidèles
persévèrent en leur volonté d'aider les Missions, qu'ils multiplient
pour elles leurs industries, qu'ils adressent à Dieu d'incessantes
prières, qu'ils aident les Missionnaires et leur fournissent les
secours nécessaires.
L'Église, en effet, est
le Corps Mystique du Christ dans lequel " tous les membres souffrent
quand un membre souffre " (I Cor., XII, 26). Puis donc qu'un grand
nombre de ses membres aujourd'hui sont déchirés et torturés, c'est
le devoir de tous les fidèles du Christ de s'unir à eux de cœur et
de fait. La fureur guerrière a saccagé et détruit en certaines
Missions un grand nombre d'églises, de résidences, d'écoles et
d'hôpitaux. Le monde catholique tout entier voudra généreusement
dans son ardente charité pour les Missions donner le nécessaire pour
relever tous ces édifices » (A. A. S., 1950, pp. 727-728).
Vous savez
parfaitement, Vénérables Frères, que l'humanité actuelle est
emportée comme en deux camps opposés, pour ou contre le Christ. Elle
court les plus grands dangers ; il en résultera le salut du Christ
ou d'épouvantables ruines. Le zèle industrieux et débordant des
Missionnaires s'efforce d'étendre le Règne du Christ, mais d'autres
hérauts qui ramènent tout à la matière et rejettent tout espoir d'un
bonheur éternel, veulent réduire les hommes à l'état le plus
affreux.
L'Église catholique a
donc bien raison, mère aimante de tous les hommes, d'appeler tous
ses fils, où qu'ils se trouvent, à aider les semeurs intrépides de
l'Évangile par leurs aumônes, leurs prières, l'aide aux futurs
Missionnaires. Elle les presse maternellement de manifester des
entrailles de miséricorde (cf. Coloss., III, 12) et de partager le
travail apostolique, sinon de fait du moins de cœur ; enfin de ne
pas laisser sans réponse l'appel du Cœur très doux de Jésus « venu
chercher et sauver ce qui était perdu » (Luc., XIX, 10). Si les
fidèles contribuent à porter la douce lumière de la foi, fût-ce dans
un seul foyer, ils auront fait surgir une source de grâces qui se
développera sans fin ; s'ils ont aidé à former un prêtre, il leur
reviendra le grand mérite de toutes ses messes, de tous ses fruits
d'apostolat et de sa sainteté. Tous les fidèles ne forment en effet
qu'une seule grande famille ayant tous en partage les mérites de
l'Église militante, souffrante et triomphante. Rien ne paraît mieux
indiqué que le dogme de la Communion des Saints pour graver dans
l'esprit et le cœur des fidèles l'utilité et l'importance des
Missions.
Vous ayant exprimé Nos
vœux paternels et donné ces normes appropriées, Nous avons confiance
que ce 25e anniversaire de l'Encyclique Rerum Ecclesiae sera
pour tous les catholiques le point de départ de nouveaux efforts en
faveur des Missions.
En cette douce
espérance, à chacun de vous, Vénérables Frères, au Clergé et à tout
le peuple fidèle, à ceux nommément qui soutiennent au pays cette
sainte cause par leurs prières et leurs aumônes, comme à ceux qui se
dépensent au loin dans les Missions, Nous accordons du fond du cœur
comme gage des bénédictions célestes et de Notre paternelle
bienveillance, la Bénédiction Apostolique.
Donné à Rome, près
Saint-Pierre, le 2 juin 1951, en la fête de saint Eugène Ier
, en la treizième année de Notre Pontificat.
PIE XII, PAPE. |