PRIMO
FELICITER
MOTU PROPRIO DU PAPE
PIE XII
1. Une année s'est
heureusement écoulée depuis la promulgation de Notre Constitution
apostolique
Provida Mater Ecclesia et au spectacle de la multitude de
tant d'âmes cachées " avec le Christ en Dieu"[1]
qui dans le siècle aspirent à la sainteté et "de grand cœur et de
bon gré",[2]
consacrent joyeusement toute leur vie à Dieu dans les nouveaux
Instituts séculiers, Nous ne pouvons Nous empêcher de rendre grâce à
la divine Bonté d'avoir suscité cette nouvelle phalange, venue
renforcer l'armée de ceux qui pratiquent les conseils évangéliques
au milieu du monde, comme aussi d'avoir accordé une aide puissante,
qui en nos temps troublés et malheureux fortifie providentiellement
l'apostolat catholique.
2. L'Esprit Saint, qui
restaure et renouvelle constamment[3]
la face de la terre désolée et ravagée chaque jour par tant et de si
grands maux, a appelé à lui, par une grâce insigne et spéciale, un
grand nombre de fils et de filles bien-aimés que Nous bénissons
affectueusement dans le Seigneur, afin que, réunis et organisés dans
des Instituts séculiers, ils soient, pour le monde fade et ténébreux
dont ils ne sont pas[4] et
au milieu duquel cependant ils doivent demeurer, en vertu d'une
disposition divine, le sel qui ne fait pas défaut et qui, renouvelé
par l'effet de la vocation, ne s'affadit pas;[5]
la lumière qui brille parmi les ténèbres du monde lui-même et qui ne
s'éteint pas;[6]
le modeste, mais efficace ferment, qui agissant partout et toujours
et mêlé à toutes les classes de citoyens, des plus infimes aux plus
élevées, s'efforce de les atteindre et de les imprégner toutes et
chacune, par l'exemple et de toutes façons, jusqu'à informer de
telle sorte la masse tout entière qu'elle soit toute levée et
transformée dans le Christ.[7]
3. Afin que, pour la
consolante effusion de cet Esprit de Jésus-Christ,[8]
tant d'Instituts, surgis partout, soient efficacement dirigés
d'après les prescriptions de la Constitution apostolique
Provida Mater Ecclesia, et produisent très abondamment
ces excellents fruits de Sainteté qu'on espère d'eux; afin, aussi,
que fermement et sagement organisés comme une armée,[9]
ils soient à même de lutter fortement dans les œuvres particulières
et communes de l'apostolat, confirmant avec une grande joie la
Constitution apostolique précitée, après mûre délibération, par Motu
proprio, en toute connaissance de cause, et en vertu de la plénitude
du pouvoir apostolique, Nous déclarons, décrétons et établissons ce
qui suit:
4. I. - Les Sociétés,
ou associations de clercs ou de laïcs, pratiquant la perfection
chrétienne dans le siècle, et paraissant posséder, d'une façon
certaine et complète, les éléments et remplir les conditions
qu'exige la Constitution apostolique
Provida Mater Ecclesia, ne doivent ni ne peuvent être
laissées arbitrairement, sous n'importe quel prétexte, parmi les
Associations communes de fidèles (canons 684-725), mais il faut
obligatoirement les amener et les élever à la nature et à la forme
propre d'Instituts séculiers qui répondent parfaitement à leur
caractère et à leur besoins.
5. II. - Dans cette
élévation des Associations de fidèles à la forme supérieure
d'Instituts séculiers (cf. no. 1) et dans l'organisation aussi bien
générale que particulière de tous les Instituts, il faut constamment
avoir devant les yeux que le caractère propre et spécial des
Instituts, c'est-à-dire le caractère séculier, en qui se trouve
toute leur raison d'être, doit paraître en toutes choses. On ne doit
rien retrancher à la parfaite profession de la perfection
chrétienne, basée solidement sur les conseils évangéliques et
véritablement religieuse quant à sa substance, mais cette perfection
doit être réalisée et professée dans le siècle; en conséquence, il
faut l'adapter à la vie séculière dans toutes les choses licites et
compatibles avec les obligations et les œuvres de cette même
perfection.
6. La vie tout entière
des membres des Instituts séculiers consacrée à Dieu par le fait de
professer la perfection, doit être convertie en apostolat; apostolat
qui (inspiré) par la pureté d'intention, l'union intime avec Dieu,
une courageuse abnégation et un généreux oubli de soi-même, doit
être exercé constamment et saintement de telle sorte qu'il révèle
l'esprit intérieur qui l'anime, autant qu'il le nourrit et le
renouvelle sans cesse. Cet apostolat, qui embrasse toute la vie, se
manifeste sans cesse de manière si profonde et si sincère dans ces
Instituts, qu'avec l'aide et l'inspiration de la divine Providence,
la soif des âmes et le zèle paraissent non seulement avoir
heureusement fourni l'occasion de cette consécration de la vie, mais
encore avoir imposé pour une bonne part (à ces Instituts) leur
manière d'être et leur forme. Ainsi, de façon étonnante, la fin
spécifique semble avoir exigé et créé la fin générique. Cet
apostolat des Instituts séculiers doit être fidèlement exercé non
seulement dans le siècle, mais aussi pour ainsi dire par le moyen du
siècle, et par conséquent par des professions, des activités, des
formes, dans des lieux, des circonstances répondant à cette
condition séculière.
7. III. - Les
prescriptions concernant la discipline canonique de l'état religieux
ne conviennent pas aux Instituts séculiers et, en général, la
législation relative aux religieux ne doit pas et ne peut, aux
termes de la Constitution apostolique
Provida Mater Ecclesia (art. 2. § 1), leur être
appliquée. Par contre, les dispositions qu'on trouve dans les
Instituts, cadrant harmonieusement avec leur caractère séculier,
peuvent être conservées, à la condition qu'elles ne portent
aucunement atteinte à la consécration parfaite de la vie tout
entière et qu'elles s'accordent avec la Constitution
Provida Mater Ecclesia.
8. IV. - La
constitution hiérarchique interdiocésaine et universelle, à la façon
d'un corps organique, peut être appliquée aux Instituts séculiers
(id. art. 9), et cette application doit, sans aucun doute, leur
conférer une vigueur intérieure, une influence plus grande, plus
efficace, et de la stabilité. Cependant, dans l'organisation qui
doit être adaptée à chaque Institut, il faut tenir compte de la
nature de la fin poursuivie par l'Institut, de son dessein
d'expansion plus ou moins grande, de son évolution et de son degré
de maturité, des circonstances dans lesquelles il se trouve et
d'autres éléments du même genre. IL ne faut pas rejeter ni mépriser
les formes d'Instituts qui sont établies en confédération et qui
veulent conserver et favoriser modérément le caractère local dans
chaque nation, région, diocèse, à la condition qu'il soit légitime
et imprégné du sens de la catholicité de l'Église.
9. V. - Les Instituts
séculiers dont les membres, quoique vivant dans le monde, en raison
cependant de la totale consécration à Dieu et aux âmes qu'ils
professent avec l'approbation de l'Église et en raison de
l'organisation hiérarchique interdiocésaine et universelle qu'ils
peuvent avoir à des degrés divers, sont à bon droit, en vertu de la
Constitution apostolique
Provida Mater Ecclesia, classés parmi les états de
perfection juridiquement organisés et reconnus par l'Église
elle-même. C'est donc à dessein que ces Instituts ont été rattachés
et confiés à la compétence et aux soins de la Sacrée Congrégation
qui a la charge et la garde des états publics de perfection. En
conséquence, tout en sauvegardant toujours, d'après la teneur des
canons et les prescriptions expresses (art. 4, §§ 1 et 2) de la
Constitution apostolique
Provida Mater Ecclesia, les droits de la Sacrée
Congrégation du Concile sur les pieuses sodalités et les pieuses
unions de fidèles (can. 250, § 2) ceux de la Sacrée Congrégation de
la Propagande concernant les Sociétés ecclésiastiques et Séminaires
destinés au service des Missions (can. 252, § 3), Nous avons décrété
que toutes les Sociétés de tous les pays - même pourvues de
l'approbation épiscopale ou même pontificale, - reconnues comme
réunissant les éléments et les conditions requises pour les
Instituts séculiers, soient obligatoirement et tout de suite
établies sous cette nouvelle forme, en conformité des normes
énoncées ci-dessus (cf. no. 1), et, afin de sauvegarder l'unité de
direction, qu'elles soient rattachées et confiées à la seule Sacrée
Congrégation des Religieux, au sein de laquelle a été constitué un
office spécial chargé des Instituts séculiers.
10. VI. - Nous
recommandons paternellement aux dirigeants et assistants de l'Action
catholique et des autres Associations de fidèles, dans le giron
maternel desquelles sont formés à une vie intégralement chrétienne
et en même temps initiés à la pratique de l'apostolat de si nombreux
jeunes gens d'élite qui, invités par une vocation céleste, aspirent
à une plus haute perfection, soit dans les Religions et Sociétés de
vie commune, soit même dans les Instituts séculiers, de promouvoir
généreusement ce genre de saintes vocations; comme aussi de prêter
assistance non seulement aux Religieux et aux Sociétés religieuses,
mais encore à ces Instituts véritablement providentiels, et, tout en
sauvegardant leur propre discipline intérieure, d'utiliser leur
concours.
11. En vertu de Notre
autorité, Nous confions la fidèle exécution de toutes ces choses,
que Nous décidons par Motu proprio, à la Sacrée Congrégation des
Religieux et autres Sacrées Congrégations mentionnées ci-dessus, aux
Ordinaires des lieux et aux directeurs de Sociétés que cela regarde,
dans la mesure où elles concernent chacun d'eux.
Quant aux prescriptions
que Nous édictons, par Motu proprio, dans les présentes lettres,
Nous ordonnons qu'elles soient toujours fermes et valides,
nonobstant toutes choses contraires.
Donné à Rome, près
Saint-Pierre, le 12 du mois de mars de l'an 1948, au début de la
dixième année de Notre Pontificat.
PIE XII
NOTES
[1] Col III, 3.
[2] II Mac, 1-3.
[3] Ps CIII, 30.
[4] Jn, XV, 19.
[5] Mt, V, 13; Mc, IX, 49;
Lc, XIV, 34.
[6] Jn,
IX, 5; I, 5; VIII, 12; Ep, V, 8.
[7] Mt,
XIII, 33; 1Co, V, 6; Ga, V, 9.
[8] Rm, VIII, 9.
[9] Ct, VI, 3.
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