SACRA VIRGINITAS
LETTRE ENCYCLIQUE
DE S.S. LE PAPE
PIE
XII
A nos Vénérables Frères
les Patriarches, Primats, Archevêques, Évêques et autres Ordinaires
en paix et communion avec le Siège Apostolique.
VÉNÉRABLES FRÈRES,
SALUT ET BÉNÉDICTION APOSTOLIQUE,
Introduction
Virginité et chasteté parfaite sont le plus beau fleuron de l’Église
1. La sainte virginité
et cette parfaite chasteté, qui est consacrée au service de Dieu
sont sans aucun doute, un des plus précieux trésors que son
Fondateur a laissé comme héritage à la société qu’il a établie,
l’Église.
2. C’est assurément
pourquoi les saints Pères ont souligné que la virginité perpétuelle
est un don supérieur d’origine essentiellement chrétienne. Et c’est
à bon droit qu’ils remarquent que, si les païens de l’antiquité
demandaient aux vestales un tel genre de vie, ils ne l’imposaient
que pour un certain temps
; et lorsque dans l’Ancien Testament on prescrivait de garder et de
pratiquer la virginité, on l’ordonnait seulement comme une
conditions préliminaire au mariage
; et par ailleurs — comme l’écrit saint Ambroise
— « nous lisons qu’il y avait aussi des vierges au Temple de
Jérusalem. Mais que, dit l’Apôtre ? » Toutes ces choses leurs sont
arrivées en figure
« pour présager les temps futurs ».
3. Et certainement
depuis les temps apostoliques, cette vertu s’est développée et a
fleuri dans le jardin de l’Église. Lorsque, dans les Actes des
Apôtres
,
il est écrit que les quatre filles du diacre Philippe étaient
vierges, c’est pour signifier assurément leur état de vie plus que
leur jeunesse. Et, pas longtemps après, Ignace d’Antioche, en
saluant les vierges, rappelle
,
qu’elles constituaient déjà, avec les veuves, un élément important
de la communauté de Smyrne. Au IIe siècle — comme en témoigne saint
Justin, — « un grand nombre des deux sexes, à l’âge de 60 et 70 ans,
persévèrent sans tache, formés depuis leur enfance à la discipline
du Christ »
.
Peu à peu s’accrût le nombre des hommes et des femmes qui vouaient
leur virginité à Dieu ; et de la même façon l’importance de l’office
dont ils s’acquittaient dans l’Église s’accentua grandement comme
Nous l’avons amplement exposé dans Notre Constitution apostolique
Sponsa Christi
.
4. Et, d’autre part,
les saints Pères — comme Cyprien, Athanase, Ambroise, Jean
Chrysostome, Jérôme, Augustin et bien d’autres — l’ont exaltée, dans
leurs écrits sur la virginité avec les plus grandes louanges. Cette
doctrine des saints Pères, enrichie au cours des siècles par les
Docteurs de l’Église et les maîtres de l’ascèse chrétienne, a
certainement une grande influence pour susciter et affermir la
résolution une fois prise de se vouer à Dieu dans la chasteté
parfaite et d’y persévérer jusqu’à la mort.
La
Virginité fleurit chez de nombreux fidèles de toute condition
5. La multitude des
fidèles qui, depuis le début de l’Église jusqu’à nos jours, ont
consacré à Dieu leur chasteté, est incalculable : les uns en gardant
intacte leur virginité, d’autres en lui vouant à la mort du conjoint
leur veuvage, d’autres enfin, en regrettant leurs péchés, par le
choix d’une vie parfaitement chaste ; mais tous se distinguent par
cette résolution commune de s’abstenir pour Dieu, des plaisirs de la
chair et cela pour toujours. Que, par conséquent, ce que les saints
Pères ont proclamé touchant le mérite et la gloire de la virginité,
que cela soit pour tous ceux-ci une invitation, une aide et une
force pour persévérer fermement dans l’offrande de leur sacrifice, à
savoir de ne rien soustraire, même si peu que ce soit, ni se
réserver de l’holocauste qu’ils ont offert sur l’autel de Dieu.
6. Mais si un des trois
vœux qui constituent l’état religieux repose sur cette chasteté
parfaite
,
et si elle est demandée aux clercs de l’Église latine ordonnés dans
les Ordres majeurs
et si on l’exige des membres des Instituts séculiers
,
cette vertu est également florissante chez de nombreux fidèles qui
restent à l’état purement laïque ; car il y a des hommes et des
femmes qui ne sont pas dans l’état public de perfection et qui
cependant renoncent totalement au mariage et aux plaisirs de la
chair de propos délibéré et même par vœu privé, afin de servir plus
librement le prochain et d’unir leur âme à Dieu plus facilement et
d’une manière plus intime.
7. A chacun et à tous
ces fils et filles très chers qui ont consacré leur corps et leur
âme à Dieu, de quelque façon que ce soit, Nous Nous adressons d’un
cœur paternel, et Nous les exhortons vivement à affermir la
résolution qu’ils ont prise et à vouloir y rester fidèles avec soin.
8. Mais, parce qu’il y
en a aujourd’hui un bon nombre qui, s’écartant de la voie droite sur
ce point exaltent tellement le mariage au point de le préférer même
à la virginité et déprécient à cause de cela la chasteté consacrée à
Dieu et le célibat ecclésiastique, conscient des exigences de Notre
charge apostolique Nous devons proclamer et défendre spécialement à
présent, l’excellence du don de la virginité, pour garder de ces
erreurs la vérité catholique.
I
La foi chrétienne nous
enseigne
l’excellence de la virginité.
9. Tout d’abord nous
pensons devoir rappeler que l’Église a reçu des lèvres mêmes de son
divin Époux l’essentiel de la doctrine touchant la virginité.
10. Comme en effet, les
disciples trouvaient trop lourds les liens et les difficultés du
mariage que leur Maître leur avait exposés dans son discours et
comme ils lui disaient : « Si telle est la situation de l’homme à
l’égard de la femme, mieux vaut ne pas se marier »
.
Jésus-Christ leur répondit que tous ne comprenaient pas cette
parole, mais seulement ceux qui en avaient le don ; que certaines
étaient empêchés de se marier par un défaut naturel, d’autres par la
violence et la malice des hommes, mais que d’autres s’en abstenaient
spontanément, de leur propre volonté et le faisaient « pour le règne
des cieux » ; et il conclut par ces paroles : « Comprenne qui peut
comprendre »
.
11. Par ce mot donc, le
divin Maître ne faisait pas allusion aux empêchements physiques de
contracter mariage, mais à la résolution spirituelle d’une libre
volonté de s’abstenir pour toujours du mariage et des plaisirs du
corps. En faisant cette comparaison entre ceux qui ont décrété
spontanément ce renoncement et ceux qui du fait de la nature ou de
la violence des hommes, sont forcés d’y renoncer, le divin
Rédempteur ne nous enseigne-t-il pas qu’en vérité la chasteté, pour
être réellement parfaite, doit être perpétuelle?
Ce
qu’est la Virginité chrétienne dans l’enseignement des Pères et des
Docteurs
12. De plus — comme
l’ont enseigné très clairement les saints Pères et Docteurs de
l’Église, — la virginité ne peut être une vertu chrétienne si nous
ne l’embrassons pas « pour le règne des cieux »
:
c’est-à-dire si nous ne prenons pas cette condition de vie pour
pouvoir plus facilement nous appliquer aux choses divines ; pour
arriver plus sûrement un jour à la béatitude éternelle : pour
pouvoir enfin plus librement, conduire les autres aussi au règne des
cieux en nous nous y appliquant avec soin.
13. Ils ne peuvent donc
revendiquer l’honneur de la virginité chrétienne ces chrétiens ou
chrétiennes qui renoncent au mariage par égoïsme démesuré ou pour en
fuir les charges comme l’observe saint Augustin
,
ou même à la manière des pharisiens pour faire orgueilleusement
parade de leur intégrité corporelle, ce que déjà le Concile de
Gangres réprouvait, condamnant ceux qui, vierges ou continents,
s’abstenaient du mariage comme d’une abomination et non pour la
beauté et la sainteté même de la virginité
.
14. Et c’est pourquoi
l’Apôtre des nations, inspiré de l’Esprit-Saint, nous avertit :
« L’homme qui n’est pas marié a souci des affaires du Seigneur, des
moyens de plaire au Seigneur… Et la femme sans mari, comme la
vierge, pense aux choses du Seigneur, pour être sainte de corps et
d’esprit »
.
Telle est donc la première intention, telle est la principale raison
de la virginité chrétienne ; à savoir d’aspirer uniquement et de
diriger son esprit et son cœur vers les choses divines ; de vouloir
plaire à Dieu en toutes choses ; de penser à lui intensément et de
lui consacrer totalement son esprit et son corps.
15. Les saints Pères
ont toujours interprété de cette façon la parole de Jésus-Christ et
la doctrine de l’Apôtre des nations ; depuis les premiers temps de
l’Église, en effet, ils ont tenu la virginité pour l’offrande à Dieu
de la consécration du corps et de l’esprit. Aussi saint Cyprien
demande aux vierges « que s’étant consacrées au Christ, elles
s’abstiennent de tout plaisir charnel, qu’elles se vouent à Dieu de
corps et d’esprit… qu’elles ne recherchent point de parure, ni à
plaire à qui que ce soit, si ce n’est à Dieu »
.
L’évêque d’Hippone, avec plus de précision déclare : « Ce n’est pas
pour elle-même, parce que c’est la virginité, mais parce qu’elle est
consacrée à Dieu qu’on l’honore… Et nous ne la louons pas dans les
vierges parce qu’elles sont vierges, mais parce qu’elles sont des
vierges consacrées à Dieu par une pieuse continence »
.
Les principes de la sacrée théologie, saint Thomas d’Aquin
et saint Bonaventure
,
se basant sur l’autorité de saint Augustin enseignent que la
virginité ne possède pas la fermeté de la vertu si elle ne vient pas
d’un vœu de la garder perpétuellement sans tache. Et, en effet,
ceux-là réalisent le mieux et le plus parfaitement la parole du
Christ touchant la perpétuelle abstinence du mariage qui s’obligent
par un vœu perpétuel à la garder ; et on ne peut justement prétendre
que soit meilleure et plus parfaite l’intention de ceux qui
voudraient se réserver la possibilité de se libérer de son
obligation.
La
charité seule inspire et anime la virginité chrétienne
16. Les saints Pères
ont considéré ce lien de la chasteté parfaite comme une espèce de
mariage spirituel par lequel l’âme s’unit au Christ ; et c’est
pourquoi certains se sont avancés jusqu’à comparer à l’adultère la
violation d’un vœu en cette matière
.
C’est pourquoi saint Athanase écrit que l’Église catholique a la
coutume d’appeler épouses du Christ celles qui se distinguent par la
vertu de virginité
.
Et saint Ambroise, en écrivant sobrement sur la virginité, a ce
mot : « Est vierge celle qui épouse Dieu »
.
Bien mieux, comme il ressort des écrits du même évêque de Milan
,
dès le IVe siècle, le rite de la consécration des vierges
était fort semblable à celui qu’emploie l’Église dans la bénédiction
du Mariage jusqu’en notre temps
.
17. C’est pourquoi les
saints Pères exhortent les vierges pour qu’elles aiment leur divin
Époux avec plus d’ardeur qu’elles n’aimeraient celui qui aurait été
leur conjoint, et de suivre toujours sa volonté dans leurs pensées
et leurs actions
.
Saint Augustin leur écrit même : « Aimez de tout votre cœur le plus
beau des enfants des hommes : cela vous est loisible ; votre cœur
est libre des liens conjugaux… Si donc vous devriez un grand amour à
vos conjoints, combien plus devez-vous aimer Celui pour qui vous
n’avez pas voulu avoir de conjoints ? Qu’il soit fixé dans votre
cœur profondément Celui qui pour vous a été attaché à la croix »
.
Ce qui d’ailleurs correspond aux sentiments et résolutions que
l’Église elle-même demande aux vierges, dans le rite de leur
consécration à Dieu, quand elle les invite à prononcer ces paroles :
« J’ai méprisé le royaume de ce monde et tout le faste du siècle
pour l’amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que j’ai vu, que j’ai
aimé, en qui j’ai cru, que j’ai préféré »
.
Il n’y a donc rien d’autre qui incline avec suavité la vierge à
consacrer totalement son corps et son âme au divin Rédempteur, sinon
l’amour de Dieu, selon les très belles paroles que saint Méthode,
évêque d’Olympe, met sur ses lèvres : « Christ, tu es tout pour moi.
Je me garde chaste pour toi, et tenant ma lampe resplendissante, je
cours au-devant de toi »
.
C’est donc l’amour du Christ qui conseille à la vierge de se
réfugier dans l’enceinte d’un monastère, et d’y demeurer toujours
pour contempler et aimer plus librement et plus facilement son Époux
céleste ; c’est cet amour qui la stimule puissamment à entreprendre
les œuvres de miséricorde en faveur du prochain de toutes ses forces
jusqu’à la mort.
18. Pour ces hommes
« qui ne se sont pas souillés avec les femmes, car ils sont
vierges »
,
l’apôtre saint Jean assure : « Ceux-ci suivent l’Agneau partout où
il va »
.
Méditons donc cette exhortation que saint Augustin adresse à tous :
« Suivez l’Agneau, parce que vierge est assurément la chair de
l’Agneau… A bon droit vous le suivez par la virginité du cœur et de
la chair partout où il va. Qu’est-ce, en effet, que le suivre sinon
l’imiter ? Car le Christ a souffert pour nous, nous laissant son
exemple, comme dit l’apôtre Pierre « pour que nous suivions ses
traces »
.
Tous ces disciples et épouses du Christ ont donc embrassé l’état de
la virginité, comme le dit saint Bonaventure, « par conformité avec
le Christ leur époux, à qui leur état rend semblables les vierges »
.
Il ne pouvait souffrir, en effet à leur ardente charité envers le
Christ de lui être unie par les simples liens de l’affection : mais
il fallait absolument que cette même charité fût éprouvée par
l’imitation de ses vertus, particulièrement par une conformité avec
sa vie, toute consacrée au bien et au salut du genre humain. Si les
prêtres, si les religieux, si les religieuses, si enfin tous ceux
qui d’une manière ou d’une autre, se sont voués au service de Dieu,
observent la chasteté parfaite, c’est en définitive parce que leur
Maître divin fut vierge jusqu’à la fin de sa vie. « C’est même le
Fils unique de Dieu, s’écrie saint Fulgence. Fils également unique
de la Vierge, unique Époux de toutes les vierges saintes, fruit,
ornement et récompense de la sainte virginité, lui que la sainte
virginité a engendré, que la sainte virginité épouse
spirituellement, lui qui féconde la sainte virginité pour qu’elle
persévère sans tache, lui dont elle est ornée pour qu’elle reste
belle, lui qui la couronne pour qu’elle règne éternellement
glorieuse »
.
… Pour
servir Dieu plus librement et plus facilement
19. Nous estimons ici
opportun, Vénérables Frères, de développer davantage et d’expliquer
avec un plus grand soin pour quelles raisons l’amour du Christ
pousse les cœurs généreux à renoncer au mariage et quels liens
secrets existent entre la virginité et la perfection de la charité
chrétienne. La parole du Christ que Nous avons rapportée plus haut
suggère déjà que le parfait renoncement au mariage libère les hommes
de leurs lourds fardeaux et graves devoirs. Inspiré par l’Esprit
divin, l’Apôtre des nations expose la raison de cette libération en
ces termes : « Je veux vous voir exempts de soucis… Celui qui est
avec une femme a souci des affaires de ce monde, des moyens de
plaire à sa femme ; et le voilà partagé »
.
On doit pourtant, à cet égard, remarquer que l’Apôtre ne blâme pas
les hommes de se préoccuper de leurs épouses, et il ne reproche pas
aux épouses de chercher à plaire à leurs maris ; mais il assure
plutôt que leurs cœurs sont partagés entre l’amour du conjoint et
leur amour de Dieu, et qu’ils sont tiraillés par des soucis aigus,
et qu’à cause des devoirs qu’ils ont contractés en se mariant, ils
ne peuvent facilement se donner à la méditation des choses divines.
Car le devoir de leur union qui les lie leur commande clairement :
« Ils seront deux dans une seule chair »
.
Et, en effet, les conjoints sont tenus par des liens mutuels, tant
dans les tristesses que dans les joies de tout ce qui arrive
.
On comprend dès lors facilement pourquoi ceux qui désirent s’adonner
au service de Dieu embrassent l’état de vie virginale comme une
libération, c’est-à-dire pour pouvoir plus pleinement servir Dieu et
se dévouer de toutes leurs forces au bien du prochain. Comment, par
exemple un missionnaire de l’Évangile comme saint François Xavier,
un père des pauvres comme saint Vincent de Paul, un éducateur de la
jeunesse comme saint Jean Bosco, une « mère des émigrés » comme
sainte Françoise-Xavier Cabrini, auraient-ils pu accomplir des
œuvres aussi grandes et aussi pénibles s’ils avaient dû pourvoir aux
besoins matériels et spirituels d’un conjoint et de plusieurs
enfants ?
Elle
facilite l’élévation de la vie spirituelle et féconde l’apostolat
20. Il y a encore une
autre raison pour que tous ceux qui aspirent à se dévouer à Dieu et
au salut du prochain embrassent l’état de virginité. C’est ce
qu’affirment les saints Pères, quand ils traitent des avantages que
peuvent trouver ceux qui s’abstiennent de ces plaisirs du corps pour
mieux goûter les élévations de la vie spirituelle. Sans aucun doute
comme ils l’ont clairement observé, — une volupté de ce genre, comme
celle qui vient légitimement du mariage, n’est pas condamnable en
soi ; bien mieux, le chaste usage du mariage est ennobli et consacré
par un sacrement spécial. Toutefois, il faut également reconnaître
que les facultés inférieures de la nature humaine, après la chute
misérable d’Adam, font obstacle à la droite raison et même parfois
poussent l’homme à agir contre ses devoirs. Comme l’écrit le Docteur
angélique, l’usage du mariage « occupe l’âme et l’empêche de
s’adonner entièrement au service de Dieu »
.
21. C’est précisément
pour que ses ministres sacrés arrivent à cette liberté spirituelle
de l’esprit et du corps et qu’ils ne soient pas embarrassés dans des
affaires terrestres que l’Église latine leur demande d’assumer
volontairement et de bon gré l’obligation de la chasteté parfaite
.
« Si cette même loi ne lie pas dans toute sa rigueur — comme le
rappelait Notre Prédécesseur d’immortelle mémoire, Pie XI — les
clercs de l’Église orientale, chez eux aussi pourtant, le célibat
ecclésiastique est en honneur : et en certains cas — quand il s’agit
des plus hauts degrés de la hiérarchie — c’est une condition
nécessaire et obligatoire »
.
22. Il faut de plus
observer que les ministre sacrés s’abstiennent complètement du
mariage, non seulement pour qu’ils s’acquittent de leur charge
apostolique, mais également parce qu’ils servent à l’autel. Car, si
déjà, dans l’Ancien Testament les prêtres s’abstenaient de l’usage
du mariage lorsqu’ils s’acquittaient du service du Temple pour ne
pas contracter l’impureté légale comme les autres hommes
,
combien plus il convient que les ministres de Jésus-Christ, qui
offrent chaque jour le Sacrifice eucharistique, se distinguent par
une chasteté perpétuelle ? Pour ce qui regarde cette continence
parfaite des prêtres, saint Pierre Damien observe sous une forme
interrogative ; « Si donc notre Rédempteur a tant aimé cette fleur
de la chasteté parfaite, au point non seulement de naître du sein
d’une Vierge, mais encore de recevoir les soins d’un nourricier
vierge, et cela alors que tout enfant il vagissait dans la crèche, à
qui, dites-moi, veut-il confier son corps maintenant qu’il règne
immense dans les cieux ? »
Sa
supériorité sur le mariage
23. Pour ce motif
surtout, il faut affirmer — ce que l’Église enseigne clairement —
que la sainte virginité l’emporte par son excellence sur le mariage.
Le divin Rédempteur l’avait déjà suggéré à ses disciples comme un
conseil de vie plus parfaite
et l’apôtre Paul après avoir dit du père qui donne sa fille en
mariage : « Il fait bien » ajoute aussitôt : « Et celui qui ne la
donne pas en mariage fait mieux »
.
Ce même apôtre, tout en comparant le mariage avec la virginité, plus
d’une fois expose sa pensée, surtout lorsqu’il dit : « Je veux, en
effet, que vous soyez tous comme moi… Aux célibataires et aux
veuves, je dis donc : qu’il est bon de demeurer comme moi »
.
Si donc, comme Nous l’avons écrit, la virginité l’emporte sur le
mariage cela vient surtout sans doute de ce qu’elle tend à réaliser
une fin plus excellente
;
et que, de plus, elle offre un moyen très efficace de s’adonner
totalement au service de Dieu : alors qu’au contraire, l’âme de
celui qui est engagé dans les liens et affaires du mariage est plus
ou moins " partagée »
.
24. Mais si nous
considérons l’abondance de fruits qui en proviennent alors sans
aucun doute, son excellence est mise encore en plus grande lumière :
car « on connaît l’arbre à ses fruits »
.
Des
multitudes de vierges ont été de tous temps l’honneur et la gloire
de l’Église
25. Nous ne pouvons
Nous empêcher d’éprouver une immense et très douce joie à la pensée
de cette innombrable phalange de vierges et d’apôtres qui dès les
débuts de l’Église jusqu’en nos temps ont renoncé au mariage pour se
consacrer plus facilement et plus pleinement au salut du prochain
par amour pour le Christ et ont déployé de si admirables initiatives
sur le plan de la religion et de la charité. Car, même si Nous ne
voulons, comme il convient, rien enlever de leurs mérites et des
fruits de leur apostolat à ceux qui militent dans les rangs de
l’Action catholique et peuvent dans leur activité salutaire,
atteindre ceux que des prêtres et des religieux et religieuses ne
peuvent approcher : néanmoins, Nous savons que c’est à ceux-ci pour
la plus grande part qu’il faut attribuer les œuvres de cette
charité. Ceux-là, en effet, suivent et dirigent la vie des hommes de
tout âge et de toute condition d’un cœur généreux et quand ils
succombent à la fatigue ou à l’infirmité, ils confient aux autres la
continuation de leur mission sacrée, comme un héritage. Aussi, il
arrive souvent que l’enfant à peine né soit accueilli en des mains
virginales et que rien ne lui manque de ce que la mère elle-même
pourrait en son amour intense lui donner ; de même lorsqu’il a
grandi et s’est ouvert à la raison, on le confie pour l’élever à
ceux qui pourront donner à son âme l’enseignement de la doctrine
chrétienne, orner son esprit des sciences profitables et formeront
comme il faut ses facultés et son caractère. Si quelqu’un souffre
d’une maladie ou pâtit d’autres maux, il est entouré de ceux qui
animés par la charité du Christ, s’efforcent de lui rendre la santé
par leurs soins vigilants et les remèdes convenables. Qu’ils
s’agisse de celui qui est privé de ses parents ou qui se trouve
accablé de misères spirituelles ou par la pauvreté ou qui ait été
mis en prison, il ne sera pas sans réconfort et sans secours ; mais
les ministres sacrés, les religieux, les vierges consacrées verront
avec pitié en lui comme un membre souffrant du Corps mystique de
Jésus-Christ, se souvenant de la parole du divin Rédempteur
lui-même : « J’ai eu faim, en effet, et vous m’avez donné à manger ;
j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger et
vous m’avez recueilli ; nu et vous m’avez vêtu ; infirme et vous
m’avez visité ; en prison, et vous êtes venu à moi… En vérité, je
vous le dis, ce que vous avez fait à l’un des moindres d’entre mes
frères que voici, c’est à moi que vous l’avez fait »
.
Que dirions-Nous pour louer en tout point les hérauts de la parole
de Dieu, qui, loin de leur patrie supportent les plus accablants
labeurs pour convertir des multitudes d’infidèles à la foi
chrétienne ? Que dire des épouses sacrées du Christ qui leur donnent
le secours de leur collaboration très précieuse ? Pour chacun et
pour tous, Nous répétons ces mots que Nous écrivions dans Notre
Exhortation apostolique Menti Nostræ : « … Par cette
obligation du célibat, bien loin de perdre entièrement le privilège
de la paternité, le prêtre l’accroît à l’infini, car la postérité
qu’il ne suscite pas à cette vie terrestre, il l’engendre à la vie
céleste et éternelle »
.
26. D’autre part, la
virginité n’est pas seulement féconde par les initiatives et les
œuvres extérieures auxquelles peuvent se dévouer plus facilement et
plus pleinement tous ceux qui l’embrassent mais encore en raison des
formes de charité parfaite à l’égard du prochain comme le sont leurs
ardentes prières appliquées à son intention et les lourdes
privations supportées spontanément et volontiers pour la même
raison. A tout cela, les serviteurs de Dieu et les épouses de
Jésus-Christ — ceux et celles surtout qui passent leur vie dans
l’enceinte du cloître — ont consacré leur vie.
27. Enfin, la virginité
consacrée au Christ témoigne par elle-même d’une telle foi dans le
royaume de Dieu, montre un tel amour à l’égard du divin Rédempteur,
qu’il ne faut pas s’étonner qu’elle produise des fruits abondants de
sainteté. Car ces vierges et tous ceux qui s’adonnent à l’apostolat
et se vouent à la chasteté parfaite par la sainteté élevée de leur
vie sont en nombre presque incalculable, l’honneur de l’Église.
Cette virginité donne en effet aux âmes une telle force spirituelle
qu’elle peut s’il le faut les mener jusqu’au martyre : et c’est ce
qu’enseigne l’histoire très nettement en proposant à l’admiration de
tous tant de phalanges de vierges depuis Agnès la Romaine jusqu’à
Maria Goretti.
La
“vertu angélique” témoigne de l’amour vivant de l’Église pour son
divin Époux
28. Ainsi ce n’est pas
sans raison qu’on appelle la virginité la vertu angélique : c’est ce
qu’assure saint Cyprien, en écrivant à des vierges : « Ce que nous
serons plus tard, vous commencez vous à l’être déjà. Vous jouissez
déjà en ce siècle de la gloire de la résurrection ; vous passez dans
le siècle sans en souffrir la contagion. En persévérant dans la
chasteté et la virginité vous êtes égales aux anges de Dieu »
.
A l’âme assoiffée de vie très pure et brûlante du désir d’arriver au
règne de Dieu la virginité est offerte « comme une pierre
précieuse » pour laquelle un homme « a vendu tout ce qu’il avait et
l’a achetée »
Quant à ceux qui sont mariés et même jusqu’à ceux qui se roulent
dans la fange des vices, lorsqu’ils voient des vierges souvent ils
admirent la splendeur de leur pureté et ils se sentent poussés à la
poursuite de ce qui doit surpassez les plaisirs des sens. Ce
qu’assure saint Thomas d’Aquin en écrivant : « A la virginité… ont
attribue une beauté plus sublime »
.
c’est sans aucun doute la raison pour laquelle les vierges attirent
tout le monde à leur exemple. Et, d’autre part ces hommes et ces
femmes ne démontrent-ils pas excellemment par leur parfaite
chasteté, que cette maîtrise de l’âme sur les mouvements du corps
est un effet du secours divin et un signe de puissante vertu ?
29. Il nous plaît
encore de souligner ce qui est le fruit le plus suave de la
virginité : c’est que les vierges manifestent et rendent comme
publique la parfaite virginité de leur Mère l’Église elle-même et la
sainteté de son étroite union avec le Christ. C’est pour cela que
très sagement ont été écrites les paroles dont se sert le pontife en
suivant le rite de la consécration des vierges et en suppliant Dieu
en ces termes : « Afin qu’il y ait des âmes plus sublimes qui
méprisant dans le mariage les plaisirs de la chair en cherchent la
signification secrète et au lieu d’imiter ce qui se pratique dans le
mariage, aspirent à ce qu’il symbolise »
.
30. C’est pour les
vierges leur plus grande gloire qu’elles soient les images vivantes
de cette parfaite intégrité qui unit l’Église avec son divin Époux.
Elles offrent en outre un signe admirable de la sainteté florissante
et de la fécondité spirituelle par laquelle excelle la société
fondée par Jésus-Christ et elles procurent à cette même société une
joie aussi intense que débordante. C’est pourquoi saint Cyprien
écrit fort à propos : « C’est la fleur qui s’épanouit en l’Église
l’honneur et l’ornement de la grâce spirituelle, la joie de sa
nature, une œuvre parfaite et sans tache de louange et de gloire,
l’image de Dieu correspondant à la sainteté du Seigneur, la part la
plus illustre du troupeau du Christ. La glorieuse fécondité de
l’Église, notre Mère, se réjouit par elles et en elles elle fleurit
abondamment ; et plus l’essaim des vierges grandit en nombre,
d’autant plus croît la joie de cette Mère »
.
II
Condamnation des
erreurs et doctrine de l’Église
touchant la chasteté parfaite.
31. Cette doctrine qui
établit l’excellence et la supériorité de la virginité et du célibat
sur le mariage, comme Nous l’avons dit, a déjà été énoncée par le
divin Rédempteur et l’Apôtre des nations ; de même au Concile de
Trente
elle fut solennellement définie comme dogme de foi divine et les
Pères et les Docteurs de l’Église ont toujours été unanimes à
l’enseigner. Nous-même, comme Nos Prédécesseurs, chaque fois que
l’occasion Nous en a été donnée, Nous n’avons cessé de l’exposer et
de la recommander vivement. Cependant comme récemment plusieurs ont
attaqué cette même doctrine transmise par l’Église, non sans graves
dangers et dommages pour les fidèles en raison des devoirs de Notre
charge, Nous avons jugé opportun de l’exposer à nouveau dans cette
Encyclique et de dévoiler et condamner les erreurs qui bien souvent,
sont proposées sous la fausse apparence de la vérité.
La
chasteté ne nuit pas à l’organisme humain
32. D’abord, selon le
sentiment commun d’hommes éprouvés auquel l’Église a toujours fait
honneur, ceux qui considèrent l’instinct sexuel naturel comme la
plus importante et la plus grande inclination de l’organisme humain
et par conséquent en concluent que l’homme ne peut pendant toute sa
vie contenir un tel instinct sans courir le grave danger de
détériorer son organisme et particulièrement ses nerfs, et donc de
nuire à l’équilibre de sa personnalité, sont sans aucun doute dans
l’erreur.
33. Comme saint Thomas
le fait justement observer, l’instinct qui est le plus profondément
enraciné dans notre âme est celui de la conservation, l’instinct
sexuel ne vient qu’en second lieu. De plus, il appartient à
l’impulsion dirigeante de la raison humaine, ce privilège singulier
de notre nature de maîtriser les impulsions et les instincts et de
les ennoblir en les dirigeant avec rectitude
.
34. Il est vrai,
malheureusement qu’après le premier péché d’Adam, les facultés et
les désirs déréglés de notre corps cherchent à dominer non seulement
les sens, mais les âmes en obscurcissant les esprits et en
affaiblissant les volontés. Mais la grâce de Jésus-Christ nous est
donnée particulièrement dans les sacrements pour que vivant de
l’esprit, nous réduisions notre corps en servitude
.
La vertu de chasteté n’exige pas de nous que nous ne sentions pas
l’aiguillon de la concupiscence, mais plutôt que nous le soumettions
à la juste raison et à la loi de la grâce, en le faisant tendre de
toutes nos forces à ce qu’il y a de plus noble dans la vie humaine
et chrétienne.
35. Pour acquérir
parfaitement cette domination de l’âme sur les sens, il ne suffit
pas de s’abstenir seulement des actes qui sont directement
contraires à la chasteté, mais il est absolument nécessaire de
renoncer volontairement et généreusement à tout ce qui de près ou de
loin offense cette vertu ; l’âme régnera alors pleinement sur ce
corps et pourra avec tranquillité et liberté vivre de sa vie
spirituelle. Qui ne voit parmi ceux qui sont imprégnés des principes
de la religion catholique que la virginité et la chasteté parfaite
loin de nuire au développement et au progrès naturels de l’homme et
de la femme, les augmentent et les ennoblissent au plus haut point ?
On ne
se sanctifie pas mieux dans le mariage que dans la virginité
36. Récemment, Nous
avons avec regret condamné l’opinion de ceux qui vont jusqu’à dire
que seul le mariage peut assurer à la personnalité humaine le
développement naturel et la perfection voulue
.
Certains, en effet affirment que la grâce donnée ex opere operato
dans le sacrement de Mariage, sanctifie l’usage du mariage jusqu’à
en faire un moyen plus efficace que la virginité elle-même pour unir
les âmes à Dieu puisque le Mariage chrétien est un sacrement tandis
que la virginité ne l’est pas. Nous dénonçons cette doctrine comme
fausse et pernicieuse. Certes, ce sacrement donne aux époux la grâce
d’accomplir saintement leur devoir conjugal et renforce les liens de
l’amour réciproque qui les unit : cependant il n’a pas été institué
pour faire de l’usage du mariage en quelque sorte, un moyen plus
apte en soi à unir à Dieu les âmes des époux par les liens de la
charité
.
Saint Paul n’a-t-il pas plutôt reconnu aux époux le droit de
s’abstenir de l’usage du mariage pour un certain temps afin de
vaquer à la prière
,
parce que cette abstinence rend plus libre l’âme de celui qui veut
s’adonner aux choses de Dieu et à la prière ?
37. Enfin, on ne peut
pas affirmer, comme le font certains, que « l’aide mutuelle »
que les époux cherchent dans le mariage chrétien, soit pour leur
propre sanctification une aide plus parfaite que — selon
l’expression utilisée — la solitude de cœur des vierges et
des non-mariés. Car bien que ceux qui ont embrassé l’état de
chasteté parfaite aient renoncé à l’amour humain on ne peut dire que
par cette renonciation ils aient diminué ou dépouillé leur
personnalité humaine. Ils reçoivent, en effet, du Rémunérateur
céleste lui-même, un don spirituel qui dépasse de loin « l’aide
mutuelle » qu’il est donné aux époux de recevoir l’un de l’autre. En
se consacrant à Celui qui est leur principe et qui leur communique
sa vie divine, bien loin de s’appauvrir, ils s’enrichissent au plus
haut point. Qui pourrait prendre à son compte d’une façon plus vraie
que les vierges cette phrase admirable de saint Paul : « Ce n’est
pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ? »
38. C’est pour cette
raison que l’Église estime avec sagesse devoir maintenir le célibat
des prêtres parce qu’elle sait qu’il est et doit être une source de
grâces qui les unit plus intimement à Dieu.
L’apostolat n’est pas plus efficace dans le mariage que dans la
virginité
39. Nous estimons
opportun de parler encore de ceux qui pour détourner les jeunes gens
des Séminaires et les jeunes filles des Instituts religieux,
essayent de les persuader que l’Église, aujourd’hui, a davantage
besoin de l’aide et des exemples de vertu chrétienne de ceux qui
sont unis dans le mariage et vivent au milieu des autres hommes que
des prêtres et des religieuses qui, à cause de leur vœu de chasteté
vivent comme séparés de la société humaine. Il n’est personne,
Vénérables Frères, qui ne voie que cette opinion est absolument
fausse et pernicieuse.
40. Ce n’est certes pas
notre intention de nier que les époux catholiques par les exemples
de leur vie chrétienne dans leur milieu de vie et d’affaires peuvent
porter des fruits abondants et salutaires par le témoignage de leurs
vertus. Cependant, celui qui, pour cette raison suggère qu’il est
préférable de vivre dans le mariage que de se consacrer à Dieu
invertit et confond l’ordre normal des choses. Il est certain que
nous désirons ardemment, Vénérables Frères que ceux qui sont déjà
mariés ou aspirent à le devenir soient instruits du grave devoir qui
leur incombe, non seulement d’élever avec un soin parfait leurs
enfants, mais d’aider les autres, dans la mesure de leurs moyens,
par leurs bons exemples et le témoignage de leur foi. Mais ceux qui
cherchent à détourner les adolescents d’entrer au Séminaire ou dans
les Ordres et Congrégations religieuses et de prononcer les saints
vœux en les persuadant qu’ils peuvent en se mariant faire davantage
de bien spirituel par la profession publique et visible de leur vie
chrétienne en tant que père ou mère de famille, tous ceux-là, comme
la conscience de Notre charge Nous en fait un devoir. Nous ne
pouvons que les condamner absolument. ils feraient beaucoup mieux
d’exhorter avec le plus de zèle possible ceux qui, nombreux, vivent
dans le mariage à coopérer avec empressement aux œuvres d’apostolat
laïque, plutôt que de chercher à détourner de l’état de virginité
les jeunes aujourd’hui malheureusement peu nombreux, qui veulent se
consacrer au service de Dieu. Saint Ambroise écrit opportunément, à
ce propos : « Il a toujours appartenu à la grâce sacerdotale de
répandre la semence de la chasteté et de susciter l’amour de la
virginité »
.
41. Nous estimons en
outre devoir avertir qu’il est absolument faux d’affirmer que ceux
qui embrassent une vie de chasteté parfaite sont comme étrangers à
la communauté des hommes. Les religieuses qui consacrent leur vie au
service des pauvres et des malades sans distinction de race, de
condition sociale ou de religion, ne sont-elles pas unies intimement
aux misères et aux douleurs de ces derniers et n’y
compatissent-elles pas comme le feraient leurs mères ? De même, le
prêtre, à l’exemple du divin Maître, ne remplit-il pas l’office de
bon pasteur qui connaît ses brebis et les appelle par leur nom ?
C’est là une conséquence de la chasteté parfaite que pratiquent ces
prêtres, ces religieux et ces religieuses qu’ils puissent se dévouer
à tous les hommes et les aimer tous de l’amour du Christ. Même ceux
qui mènent la vie contemplative, parce qu’ils offrent à Dieu non
seulement leurs prières et leurs supplications, mais aussi leur
propre immolation pour le salut des autres, contribuent beaucoup au
bien de l’Église ; ils sont même hautement louables, car, dans les
circonstances présentes, ils se consacrent aux œuvres d’apostolat et
de charité selon les directives que Nous avons données dans la
Lettre apostolique Sponsa Christi
;
ils ne peuvent pas être considérés comme étrangers à la société,
puisqu’ils contribuent doublement au bien spirituel des hommes.
III
Les moyens de conserver
la chasteté parfaite
42. Nous en venons
maintenant, Vénérables Frères, aux conséquences pratiques qu’on peut
déduire de la doctrine de l’Église sur l’excellence de la virginité.
43. Il faut d’abord
dire clairement ceci : de ce que la virginité doit être estimée
comme un état plus parfait que le mariage, on ne doit pas conclure
qu’elle doive être considérée comme nécessaire pour parvenir à la
perfection chrétienne. Il est possible de vivre saintement, même
sans chasteté consacrée à Dieu, comme le prouve l’exemple de tant de
saints et de saintes, honorés par l’Église d’un culte public, qui
ont été des époux fidèles et d’excellents pères et mères de
famille ; et il n’est pas rare de rencontrer des époux qui
recherchent ardemment la perfection chrétienne.
La
chasteté est la conséquence d’un choix libre et prudent
44. Il faut en outre
faire observer que Dieu n’a pas imposé la virginité à tous les
chrétiens, comme l’enseigne saint Paul par ces paroles : « Pour ce
qui est des vierges, je n’ai pas de commandement du Seigneur, mais
je donne un conseil »
.
Ce n’est qu’un conseil qui nous invite à embrasser la chasteté comme
conduisant ceux « à qui cela a été donné »
,
d’une façon plus sûre et plus facile à la perfection évangélique à
laquelle ils aspirent et au royaume de Dieu ; comme le fait
remarquer justement saint Ambroise, " elle est proposée et non
imposée »
.
45. C’est pourquoi,
d’une part, la chasteté parfaite postule des chrétiens un libre
choix avant qu’ils s’offrent et se consacrent à Dieu ; d’autre part,
elle postule de Dieu lui-même un don et une grâce supérieure
.
Déjà le divin Rédempteur lui-même nous a avertis à ce sujet en
disant : « Tous ne comprennent pas cette parole mais seulement ceux
à qui cela a été donné… Comprenne qui peut comprendre »
.
Commentant cette parole de Jésus-Christ, saint Jérôme invite
« chacun à estimer ses propres forces pour savoir s’il lui sera
possible de pratiquer la virginité et d’obéir aux préceptes de la
pureté. La chasteté en elle-même est en effet, douce et attirante
pour tous. Mais il faut bien mesurer ses forces pour que celui qui
peut comprendre comprenne. La voix du Seigneur semble encourager et
exhorter ses soldats à recevoir la récompense de la chasteté. Que
celui qui peut comprendre comprenne : que celui qui peut combattre
combatte, vainque et triomphe »
.
C’est
une vertu difficile…
46. La virginité est,
en effet, une vertu difficile : pour pouvoir la pratiquer, il ne
suffit pas seulement d’être fermement et expressément décidé à
s’abstenir d’une façon absolue et pour toujours des plaisirs licites
du mariage, il faut encore pour contenir et maîtriser les révoltes
de la chair et les passions du cœur par une vigilance et une lutte
constantes fuir les attraits du monde afin de triompher des
tentations du démon. Combien vraie est cette phrase de saint Jean
Chrysostome : « La racine et le fruit de la virginité, c’est une vie
crucifiée »
.
La virginité, en effet, selon Saint Ambroise, est comme un sacrifice
et la vierge elle-même « une hostie de pureté, une victime de la
chasteté »
.
Mieux, Méthode, évêque d’Olympe, compare les vierges aux martyrs
,
et saint Grégoire le Grand enseigne que la chasteté parfaite supplée
le martyre : « Car, bien que le temps de la persécution soit passé,
notre paix a cependant son martyre ; bien que nous ne présentions
pas notre cou au fer, nous tuons les désirs charnels avec un glaive
spirituel »
.
C’est pourquoi la chasteté consacrée à Dieu exige des âmes fortes et
nobles qui soient prêtes à lutter et à vaincre « pour le royaume des
cieux »
.
47. Avant de s’engager
sur ce chemin ardu, que ceux à qui l’expérience a appris qu’ils ont
l’âme trop faible écoutent humblement cet avertissement de saint
Paul : « S’ils ne peuvent se contenir, qu’ils se marient ; car il
vaut mieux se marier que de brûler »
.
Pour beaucoup en effet la continence perpétuelle serait une charge
beaucoup trop lourde pour qu’on puisse la leur conseiller. De même
les prêtres en aidant de leurs conseils les adolescents qui disent
sentir l’appel au sacerdoce ou à la vocation religieuse, ont le
strict devoir de les exhorter à considérer la chose attentivement,
de façon à ce qu’ils ne s’engagent pas dans un chemin dont on ne
peut pas espérer qu’ils le parcourront jusqu’au bout avec constance
et succès. Qu’ils examinent prudemment leurs aptitudes, en demandant
conseil même à des médecins chaque fois que cela leur semblera
nécessaire : alors, s’il reste un doute sérieux, surtout à cause de
l’expérience de leur vie passée, qu’ils usent de leur autorité pour
dissuader les candidats d’embrasser l’état de chasteté parfaite, et
pour empêcher leur admission aux Ordres sacrés et à la profession
religieuse.
… Mais
elle est possible, avec la grâce de Dieu…
48. Bien que la
chasteté consacrée à Dieu soit une vertu difficile, cependant, ceux
qui, à l’invitation de Jésus-Christ, après un sérieux examen,
répondent d’un cœur généreux et font tout leur possible pour la
pratiquer, peuvent la conserver fidèlement et parfaitement. En
effet, en acceptant cet état de virginité et de célibat, ils
reçoivent de Dieu la grâce avec l’aide de laquelle ils pourront
garder leur promesse. C’est pourquoi, si d’aventure ils s’en
trouvaient « qui ne pensent pas avoir reçu le don de la chasteté
(même s’ils en ont fait le vœu) »
,
qu’ils ne prétendent pas à cause de cela ne pouvoir satisfaire à
leurs obligations sur ce point : car « Dieu ne commande pas des
choses impossibles, mais en commandant il conseille, et de faire ce
que tu peux et de demander ce que tu ne peux pas
.
Rappelons cette vérité si consolante aussi à ceux dont la volonté
est affaiblie par des troubles nerveux et auxquels certains
médecins, parfois même catholiques, conseillent avec trop de
facilité — sous ce prétexte fallacieux qu’ils ne pourront jamais
conserver la chasteté sans nuire à leur équilibre mental — de se
faire relever de leurs obligations. Combien il serait plus utile et
opportun d’aider ces malades à fortifier en leur volonté et des les
convaincre que la chasteté n’est pas impossible, même pour eux,
selon la parole de l’Apôtre : « Dieu, qui est fidèle, ne permettra
pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la
tentation, il ménagera aussi une heureuse issue en vous donnant le
pouvoir de la supporter »
.
49. Les moyens
recommandés par le divin Rédempteur lui-même pour protéger
efficacement notre vertu sont : une vigilance assidue et attentive,
grâce à laquelle nous faisons soigneusement ce qui est en notre
pouvoir : et en outre une prière constante par laquelle nous
demandons à Dieu ce que, en raison de notre faiblesse, nous ne
pouvons pas faire : « Veillez et priez afin que vous n’entriez point
en tentation ; l’esprit est prompt, mais la chair est faible »
.
… La
vigilance est la mortification…
50. Une telle
vigilance, qui doit s’étendre à tous les instants et toutes les
circonstances de notre vie, nous est absolument nécessaire : « Car
la chair a des désires contraires à ceux de l’esprit et l’esprit en
a de contraires à ceux de la chair »
.
Si quelqu’un fait des concessions, même petites, aux désirs de la
chair, il se sentira facilement entraîné à ces « œuvres de la
chair » que l’Apôtre énumère
,
et qui sont les vices les plus honteux et les plus repoussants de
l’humanité.
51. A cause de cela, il
faut avant tout que nous veillions sur les mouvements des passions
et des sens et que nous les maîtrisions par une austérité volontaire
de vie et les pénitences corporelles de façon à nous soumettre à la
juste raison et à la loi de Dieu : « Ceux qui sont à Jésus-Christ
ont crucifié la chair avec ses passions et ses convoitises »
.
L’Apôtre des nations avoue au sujet de lui-même : « Je traite
durement mon corps et je le tiens en servitude de peur qu’après
avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même réprouvé »
.
Tous les saints et saintes ont veillé attentivement aux mouvements
de leurs sens et des passions et quelquefois les ont maîtrisés
énergiquement, selon les paroles du divin Maître lui-même qui nous
enseigne : « Et moi je vous dis que quiconque regarde une femme avec
convoitise, a déjà commis l’adultère avec elle dans son cœur. Si ton
œil droit est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le
loin de toi ; car il vaut mieux pour toi perdre un seul de tes
membres et que ton corps tout entier ne soit pas jeté dans la
géhenne »
.
Par cet avertissement, notre Rédempteur nous demande d’une façon
très claire tout d’abord que nous ne tombions pas dans le péché, ne
serait-ce qu’en pensée, et de même, que nous écartions de nous avec
une volonté ferme ce qui pourrait ternir cette magnifique vertu,
même le plus légèrement. Sur ce point, on ne veillera jamais trop,
on ne sera jamais trop sévère. Si quelqu’un, en raison d’une
mauvaise santé ou pour d’autres causes ne peut pas pratiquer les
austérités corporelles, cela ne doit en aucun cas le dispenser de la
vigilance et de la mortification intérieure.
… La
fuite des tentations et des occasions de péché
52. A ce sujet, il faut
encore rappeler — ce que d’ailleurs enseignent les Pères
— que nous pouvons plus facilement vaincre les charmes du péché et
les attraits des passions en les fuyant de toutes nos forces plutôt
qu’en les affrontant directement. Pour protéger la chasteté, selon
la phrase de saint Jérôme la fuite vaut mieux que la lutte ouverte.
« Je fuis pour ne pas être vaincu »
.
Cette fuite doit être ainsi comprise que, non seulement nous
évitions avec soin les occasions du péché, mais que surtout dans ce
genre de combat, nous élevions notre esprit et notre âme vers les
choses divines, et particulièrement vers Celui à qui nous avons
consacré notre virginité. « Regardez la beauté de Celui qui vous
aime »
,
comme le conseille saint Augustin.
53. En tous temps, les
saints et les saintes ont considéré cette fuite et cette vigilance
attentive, par lesquelles nous devons éviter soigneusement les
occasions du péché comme la meilleure façon de lutter dans ce
domaine ; cependant, aujourd’hui, il semble que tous ne pensent pas
ainsi. Certains soutiennent que tous les chrétiens, et
principalement les prêtres, ne doivent pas — selon leur expression —
être séparés du monde comme dans les siècles passés, mais
qu’ils doivent être présents au monde, et par conséquent
qu’il est nécessaire de leur faire courir des risques et de
mettre leur chasteté à l’épreuve, pour qu’ils montrent par là si oui
ou non, ils ont la force voulue pour résister : il s’ensuivrait que
les jeunes clercs doivent tout voir, pour les habituer à tout
regarder avec une âme tranquille et les immuniser contre tous les
troubles. Pour cela, ils leur permettent facilement, sans aucune
réserve, de regarder librement tout ce qui se présente à leurs yeux,
d’aller au cinéma et de voir même les films qui sont prohibés par la
censure ecclésiastique : de feuilleter des revues même obscènes, et
de lire même les romans qui sont à l’Index ou interdits par la loi
naturelle. Et ils le leur permettent parce qu’ils estiment que les
masses d’aujourd’hui se nourrissent de tels spectacles et de tels
livres, et que ceux qui auront à les aider doivent comprendre leur
mode de penser et de sentir. Mais il est facile de voir que cette
façon d’éduquer les jeunes clercs et de les préparer à la sainteté
de leur état est erronée et préjudiciable. En effet « celui qui aime
le danger y trouvera sa perte »
,
et ce conseil de S. Augustin est ici opportun : « Ne dites pas que
vous avez des âmes pures si vous avez des yeux impurs, parce que
l’œil impur annonce un cœur impur »
.
54. Il n’est pas
douteux que cette funeste façon d’agir repose sur une grave
confusion de pensée. Certes, Notre-Seigneur a dit de ses apôtres :
« Je les ai envoyés dans le monde »
;
mais avant il avait aussi dit d’eux : « Ils ne sont pas du monde,
comme moi-même je ne suis pas du monde »
.
L’Église, qui est guidée par ces mêmes principes, a édicté des lois
opportunes et sages pour éloigner les prêtres des tentations
auxquelles peuvent facilement être sujets ceux qui sont engagés dans
les affaires du monde
;
par ces règles leur sainteté de vie est suffisamment mise à l’abri
des sollicitudes et des divertissements des laïques.
55. A plus forte raison
les jeunes clercs, parce qu’ils doivent être formés à la vie
spirituelle et à la perfection sacerdotale et religieuse, doivent
être écartés du tumulte du monde avant d’être lancés dans les luttes
de la vie ; ils doivent demeurer longtemps au Séminaire ou au
Scholasticat pour y recevoir l’éducation soignée et attentive qui
les préparera progressivement et prudemment à traiter et à connaître
les problèmes de notre temps, selon les directives que nous avons
Nous-mêmes, données dans l’Exhortation apostolique Menti Nostræ
.
Quel jardinier exposerait de jeunes plantes, précieuses, mais
fragiles, aux rigueurs de temps pour éprouver une robustesse
qu’elles n’ont pas encore ? Les élèves des Séminaires et des
Scolasticats sont comme les jeunes plantes fragiles, il faut les
tenir à l’abri et les exercer progressivement à la résistance et à
la lutte.
La
pudeur chrétienne
56. Les éducateurs du
jeune clergé feront œuvre plus juste et utile en inculquant aux
adolescents les principes de la pudeur chrétienne, qui est si utile
pour conserver la virginité, et que l’on peut justement appeler la
prudence de la chasteté. La pudeur prévient le péril qui menace,
empêche de s’exposer au danger et conseille d’éviter les occasions
auxquelles s’exposent ceux qui sont moins prudents. Elle n’aime pas
les paroles déshonnêtes et vulgaires, et elle a horreur de
l’immodestie, même très légère ; elle se garde avec soin d’une
familiarité suspecte avec les personnes de l’autre sexe ; elle porte
fermement à donner au corps le respect qui lui est du comme membre
du Christ
et comme temple du Saint-Esprit
.
Celui qui connaît cette modestie chrétienne a en horreur tout péché
d’impureté et il s’écarte immédiatement chaque fois qu’il se sent
attiré par ses séductions.
57. La pudeur, en outre
suggère aux parents et aux éducateurs et met dans leur bouche les
paroles appropriées pour former à la pureté la conscience des
jeunes. « Cette réserve — comme Nous l’avons dit dans une allocution
récente — ne doit pas être entendue de telle sorte qu’on fasse un
silence perpétuel sur ce sujet, et que dans l’enseignement de la
morale on n’en dise jamais un mot avec sobriété et prudence »
.
Cependant, aujourd’hui, il arrive trop souvent que des professeurs
et des éducateurs croient qu’il est de leur devoir d’initier
d’innocents enfants, garçons ou filles, aux mystères de la
procréation d’une manière qui offense leur pudeur. La réserve
chrétienne exige que, lorsque l’on traite de ce sujet, on le fasse
avec juste mesure et modération.
58. Cette pudeur est
alimentée par la crainte de Dieu, cette crainte filiale basée sur
une profonde humilité chrétienne, qui nous fait prendre en horreur
le moindre péché, comme Notre prédécesseur, saint Clément Ier
l’assure en ces mots : « Celui qui est chaste, qu’il ne s’en
glorifie pas, sachant bien que c’est à un autre qu’il doit ce don de
la continence… »
.
Quelle est l’importance de l’humilité dans la sauvegarde de la
virginité, personne, peut-être, ne l’a dit plus clairement que saint
Augustin : « La continence perpétuelle, et bien plus la virginité,
est un grand don de Dieu qui est fait aux saints, il faut veiller
avec soin à ce que l’orgueil ne le corrompe… Plus grand est le bien
que je vois, plus je crains pour lui l’orgueil ravisseur. Ce don de
la virginité, il n’est personne d’autre qui le protège que Dieu de
qui il vient : et « Dieu est amour »
.
Le gardien de la virginité, c’est donc l’amour, mais c’est dans
l’humilité qu’il réside »
.
Le
secours de la prière et des sacrements
59. Il y a encore une
autre chose sur laquelle il faut soigneusement arrêter son attention
pour conserver intacte cette chasteté ; ni la vigilance, ni la
pudeur ne sont suffisantes. Il faut encore utiliser ces secours qui
dépassent nos forces naturelles : la prière, les sacrements de
Pénitence et de l’Eucharistie, et une dévotion ardente envers la
Très Sainte Mère de Dieu.
60. Il ne faut jamais
oublier que la chasteté parfaite est un don supérieur qui vient de
Dieu. Saint Jérôme dit nettement à ce sujet : « Cela a été donné
,
à ceux qui l’ont demandé, qui l’ont voulu, qui ont peiné pour
l’obtenir. Celui qui demande recevra, celui qui cherche trouvera, et
à celui qui frappe, il sera ouvert »
.
Saint Ambroise ajoute que de la prière dépend la constante fidélité
des vierges envers le divin Époux
.
Et saint Alphonse de Liguori, avec son ardente piété, enseigne qu’il
n’y a rien de plus nécessaire et de plus sûr pour vaincre les
tentations contre cette belle vertu de la pureté que de se réfugier
aussitôt près de Dieu dans la prière
.
61. À la prière il faut
encore ajouter le sacrement de la Pénitence qui reçu fréquemment et
avec ferveur, est un remède spirituel qui purifie et guérit ; il en
est de même de l’Eucharistie qui, selon les paroles de Notre
Prédécesseur d’immortelle mémoire Léon XIII, est le meilleur
« remède contre la concupiscence »
.
Plus une âme est pure et chaste, plus elle a faim de ce Pain dans
lequel elle puise la force de résister à tous les attraits du péché
impur, et par lequel elle s’unit plus intimement avec le divin
Époux : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi
et moi en lui »
.
La
dévotion à la Très Sainte Vierge
62. Pour garder une
chasteté sans tache et parfaite, et pour la faire grandir, il existe
un moyen remarquable et qui n’a cessé de faire ses preuves au cours
des siècles : c’est une dévotion solide et fervente envers la Vierge
Mère de Dieu. D’une certaine manière, tous les autres moyens se
trouvent contenus dans cette dévotion ; celui qui en est animé
sincèrement et profondément est sans aucun doute poussé à veiller
attentivement, à prier et à s’approcher avec fruit du tribunal de la
Pénitence et de la Table sainte. C’est pourquoi, Nous exhortons d’un
cœur paternel tous les prêtres, les religieux et les religieuses à
se mettre sous la particulière protection de la Mère de Dieu, qui
est la Vierge des vierges et « l’éducatrice de la virginité », selon
l’expression de saint Ambroise
et qui est, tout particulièrement la Mère très puissante de tous
ceux qui se sont consacrés au service de Dieu.
63. Saint Athanase fait
remarquer que c’est par elle qu’est née la virginité
et Saint Augustin enseigne clairement : « C’est avec la Mère de Dieu
qu’a commencé la dignité virginale »
.
A la suite de saint Athanase
,
saint Ambroise propose en exemple aux vierges la vie de la Vierge
Marie : « Filles, imitez-la…
.
Que la vie de Marie soit pour vous comme un tableau de la virginité,
qui, ainsi qu’un miroir, reflète l’éclat de la chasteté et la beauté
de la vertu. Prenez des exemples pour votre vie, là où se trouve
pour vous comme un modèle qui vous montre ce que vous devez
corriger, imiter et garder… Elle est l’image de la virginité. Telle,
en effet fut Marie, que sa seule vie soit un enseignement pour tous…
.
Que Marie donc, soit la règle de votre vie »
.
« Si grande fut sa grâce qu’elle n’a pas gardé pour elle seule le
don de la virginité, mais qu’elle a donné la parure de l’intégrité
aussi à ceux sur lesquels elle veillait »
.
Combien est vraie cette phrase du même saint Ambroise : « O richesse
de la virginité de Marie ! »
C’est à cause de ces richesses qu’il est si profitable aux
religieuses, aux religieux et aux prêtres d’aujourd’hui de
contempler la virginité de Marie, pour pratiquer plus fidèlement et
plus parfaitement la chasteté de leur état.
64. Qu’il ne vous
suffise pas, chers fils et filles, de méditer les vertus de la
Bienheureuse Vierge Marie : recourez à elle avec une confiance
absolue, selon le conseil de saint Bernard : « Cherchons la grâce et
cherchons-la par Marie »
.
Et particulièrement en cette Année mariale, confiez-lui le soin de
votre vie spirituelle et de votre perfection, imitant l’exemple de
saint Jérôme qui affirmait : « Pour moi, la virginité est une
consécration en Marie et au Christ »
.
IV
Inquiétudes du
Saint-Père
65. Dans les graves
difficulté contre lesquelles l’Église doit aujourd’hui lutter, c’est
une grand consolation pour Notre âme de pasteur suprême, Vénérables
Frères, de voir que la virginité qui fleurit dans le monde entier en
notre époque comme dans les précédentes, est tenue en grand estime
et hautement honorée, bien que, comme nous l’avons dit, elle se
heurte à des erreurs, qui, nous l’espérons, seront passagères et se
dissiperont rapidement.
La
diminution des vocations
66. Nous ne nions
cependant pas que notre joie se voile d’une certaine tristesse en
voyant que, dans plusieurs pays, le nombre de ceux qui répondent à
l’appel de Dieu et embrassent l’état de virginité diminue de jour en
jour. Nous en avons déjà montré les principales causes et Nous
n’avons pas à y revenir. Nous exprimons plutôt Notre confiance que
les éducateurs de la jeunesse qui sont tombés dans ces erreurs en
reviennent au plus vite et les répudient, qu’ils aient à cœur de les
réparer, et qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour que
ceux qui se sentent appelés par une force surnaturelle au sacerdoce
et à la vie religieuse et s’en confient à eux, soient aidés de
toutes manières pour atteindre ce noble idéal. Et souhaitons que de
nouvelles et plus nombreuses légions de prêtres, de religieux et de
religieuses répondant en nombre et en qualité aux besoins actuels de
l’Église, s’avancent au plus tôt pour cultiver la vigne du Seigneur.
67. Nous exhortons en
outre — comme la conscience de Notre charge apostolique Nous en fait
un devoir — les pères et les mères de famille pour qu’ils consentent
volontiers à offrir au service du Seigneur ceux de leurs enfants qui
s’y sentent appelés. Si cela leur coûte, s’ils en éprouvent de la
tristesse ou de l’amertume, qu’ils méditent attentivement ces
paroles que saint Ambroise adressait aux mères de Milan : « J’ai
connu des jeunes filles qui voulaient se consacrer à Dieu et qui en
ont été empêchées par leur mère… Si c’était un homme que vos filles
voulaient aimer, les lois leur permettraient de choisir celui
qu’elles désirent. S’il leur est permis de choisir un homme, ne leur
est-il pas permis de choisir Dieu ? »
68. Que les parents
pensent au grand honneur qui rejaillit sur eux avec un fils qui
reçoit la prêtrise ou un fille qui consacre sa virginité au divin
Époux. Parlant des vierges sacrées, le même évêque de Milan disait :
« Parents, vous avez entendu… la vierge est un don de Dieu, une
oblation de son père, le sacerdoce de la chasteté. La vierge est
l’hostie de sa mère, dont le sacrifice quotidien apaise la colère de
Dieu »
.
Ceux
qui souffrent persécution
69. Maintenant,
Vénérables Frères, avant de terminer cette Encyclique, nous désirons
diriger Notre esprit et Notre cœur tout particulièrement vers ceux
et celles qui consacrés à Dieu, subissent dans de nombreux pays de
dures et terribles persécutions. Qu’ils prennent exemple sur ces
vierges sacrées des premiers temps de l’Église qui ont subi le
martyre pour leur virginité avec un courage résolu et invincible
.
70. Que tous
persévèrent fermement dans leur sainte résolution de servir Dieu
« jusqu’à la mort »
;
qu’ils pensent à la grande valeur que représentent devant Dieu leurs
angoisses, leurs souffrances et leurs prières, pour instaurer son
règne dans leurs pays et dans toute l’Église ; qu’ils soient aussi
certains que ceux qui « suivent l’Agneau partout où il va »
,
chanteront éternellement le « cantique nouveau »
que personne d’autre ne peut chanter.
71. Notre cœur paternel
et compatissant se tourne avec émotion vers ces prêtres, ces
religieux et ces religieuses qui, courageusement, confessent leur
foi jusqu’au martyre ; Nous prions pour eux comme aussi pour toutes
les âmes consacrées au service divin dans toutes les parties du
monde pour que Dieu les confirme, les fortifie, les console ; et
Nous vous invitons ardemment, Vénérables Frères, ainsi que vos
fidèles, à prier en union avec Nous afin d’implorer pour eux tous
les consolations célestes ainsi que les dons et les secours divins
qui leur sont nécessaires.
72. Pour qu’elle soit
la médiatrice de ces dons divins et en gage de Notre particulière
bienveillance, Nous vous accordons de grand cœur, Vénérables Frères,
Notre Bénédiction apostolique, à tous les prêtres, les religieux,
les religieuses, en particulier à ceux « qui souffrent persécution à
cause de la justice »
et à tous vos fidèles.
73. Donné à Rome, à
Saint-Pierre, le 25 mars en la fête de l’Annonciation de la
Bienheureuse Vierge Marie, l’an MDCCCCLIV, de Notre pontificat le
seizième.
Pius pp. XII.
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