La vie
d'Élisabeth de la Trinité

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L'enfance et l'adolescence
d'Élisabeth Catez

1-1-La famille

Élisabeth Catez naquit le 18 juillet 1880 au camp d'Avor[1], situé sur la commune de Farges-en-Septaine, dans le Cher. Son père, Joseph Catez, né le 29 mai 1832, était, depuis le 13 septembre 1875, capitaine au 13ème escadron du 1er régiment du Train des équipages. Il arriva au 16ème escadron, à Castres le 1er décembre 1875. C'est à Castres qu'il rencontra Marie Rolland, sa future femme, fille d'un capitaine commandant de cavalerie. Joseph Catez avait déjà quarante sept ans et Marie Rolland, trente trois. Leur mariage fut célébré le 1er septembre 1879, à Carcassonne. Fervents chrétiens tous les deux, ils fondèrent un foyer dont l’amour de Dieu sera le fondement.

1-2-La naissance et le baptême d'Élisabeth

Peu de temps après son mariage, le capitaine Catez était muté à Avor, non loin de Bourges, au 8ème escadron du 1er régiment du Train. C'est au camp d'Avord que naquit, le 18 juillet 1880, après un accouchement très difficile, la petite Élisabeth. Le centre d'Avor devenu trop étroit se transféra bientôt à Saint Maixent.

Le 22 juillet 1880, jour de la fête de sainte Madeleine, le Père Chaboisseau, curé d'Avor, baptisait Marie-Élisabeth-Joséphine et la marquait du sceau des Trois[2]. Ses grands-parents Rolland furent ses parrain et marraine. Toute sa vie Élisabeth fut attentive à l’anniversaire de son baptême. Lorsqu'elle l'évoquera vers la fin de sa vie, en 1906, elle dira comment le baptême nous marque du sceau de la Trinité : "Oui, nous sommes devenues siennes par le baptême, c'est ce que saint Paul veut dire par ces paroles: 'Il les a appelées'; oui, appelées à recevoir le sceau de la Sainte Trinité; en même temps que nous avons été faites selon le langage de saint Pierre 'participantes de la nature divine', nous avons reçu 'un commencement de son être…' Puis, Il nous a justifiées par ses sacrements, par ses 'attouchements' directs dans le recueillement au fond de notre âme; justifiées aussi par la foi et selon la mesure de notre foi dans la rédemption que Jésus-Christ nous a acquise." (Le Ciel dans la foi - Huitième jour)

1-3-L'enfance

Après la naissance d'Élisabeth, la famille Catez alla s'installer d'abord à Auxonne, près de Dijon, en Côte d'Or, puis à Dijon. L'enfant révéla très vite un tempérament passionné, coléreux, voire violent; ce tempérament, Élisabeth mettra de nombreuses d'années avant de pouvoir le maîtriser.

Le 9 mai 1882, après le décès de la mère de Madame Catez, Monsieur Rolland vient habiter chez sa fille et son gendre. Puis la famille déménagea pour aller vivre à Dijon, à partir du 10 mai 1881. En 1883, ce fut la naissance de la petite sœur d'Élisabeth, Marguerite, qui sera couramment appelée, Guite.

En 1887 deux décès vinrent obscurcir la vie de la famille:

– le 24 janvier, mort du grand-père M. Raymond Rolland :

– le 2 octobre, décès brutal du papa, M. Joseph Catez. Les moyens financiers étant réduits, Madame Catez dut alors déménager, tout en restant à Dijon, rue Prieur de la Côte d'Or.

Les accès de colère et la volonté de fer de la petite Élisabeth devinrent tels que la maman devait parfois utiliser la pire des punitions : refuser d'embrasser sa fille comme elle en avait coutume. Mais immédiatement après sa première confession, en 1887, Élisabeth commença un sérieux travail intérieur en vue de dominer ses colères et de maîtriser sa sensibilité. L'année préparatoire à la première Communion arriva, et sur les bancs du catéchisme, Élisabeth rencontra celle qui deviendra une de ses amies les plus proches : Marie-Louise Hallo.

1888. Élisabeth n'a que 7 ans. Mais déjà elle révèle au chanoine Anglès son désir d'être religieuse. En octobre, à la rentrée scolaire, Élisabeth est inscrite au Conservatoire de Dijon où elle sera l'élève d'Adolphe Dietrich, professeur et titulaire de l'orgue de Saint Michel, la paroisse d'Élisabeth. Élisabeth étudiera le piano puis l'harmonie. Monsieur Dietrich l'initiera très rapidement à se produire en public, par l'intermédiaire d'une “société d'émulation” dont il était l'initiateur, afin de familiariser les jeunes avec les feux de la rampe.

Le 19 avril 1891, Élisabeth fait sa première communion. Elle sera confirmée le 8 juin de la même année. Elle prie déjà beaucoup, et Jésus, mystérieusement, l'anime au plus profond d'elle-même. Ses colères semblent disparaître, au moins extérieurement, car Élisabeth acquiert, peu à peu, une exceptionnelle maîtrise d'elle-même. Mais elle a gardé toute son exubérance et sa joie de vivre : c'est un boute-en train qui sait animer les jeux et les réunions.

1-4-L'adolescence

      1-4-1-Les études

La loi de Jules Ferry de 1882 autorisait les familles à donner ou faire donner elles-mêmes l'instruction de leurs enfants. Madame Catez choisit de pourvoir chez elle à l'éducation de ses filles et elle engagea des institutrices pour cela. Toutefois, l'instruction scolaire d'Élisabeth restera élémentaire. Par contre, en 1888, Madame Catez inscrivit ses filles au Conservatoire de Dijon. Élisabeth, très douée pour la musique, travailla avec acharnement et obtint, en 1893 (elle venait juste d'avoir 13 ans), les premiers prix, de solfège, dans la classe de Monsieur Pradel, et de piano, dans la classe de M. Dietrich. La musique habitait profondément Élisabeth et son talent était exceptionnel; mais, avouera-t-elle plus tard, elle ne jouait pas pour elle, mais pour Dieu, son Seigneur; et l'interprétation d'une œuvre lui était à la fois une prière et une véritable expérience spirituelle.

Quelles œuvres jouait Élisabeth? Naturellement les compositeurs classiques qui figuraient au programme du Conservatoire : Steibelt, Hummel, Mozart, Beethoven, Liszt, Chopin, Schumann et même Fauré... Une œuvre cependant révéla le talent d'Élisabeth : le Chant du Nautonier de Diémer (professeur de piano au Conservatoire de Paris à l'époque d'Élisabeth).

      1-4-2-Les travaux de couture

Enfin, il convient d'ajouter ici qu'on ne connaîtrait pas vraiment Élisabeth Catez, si on ne mentionnait pas son goût pour la couture dont elle parlera souvent. Ainsi, le 20 décembre 1898, elle écrit à Marie-Maurel, une amie de son âge: "J'entreprends beaucoup d'ouvrages: j'aime tant tirer l'aiguille! Aussi, trouvant les journées trop courtes, je me lève de bonne heure, et lorsque je vais à la Messe de 7 heures, j'ai déjà fait pas mal de choses[3]..." Le 11 janvier 1899, elle dit encore à cette même amie: "Je travaille beaucoup à l'aiguille, ne sortant guère avec cette chère maman souffrante. Je fais des ouvrages de lingerie très sérieux: je viens de terminer une assez jolie chemise avec un empiècement brodé..." En juin 1900, toujours à Marie-Louise Maurel: "Je tire l'aiguille avec ardeur..."

      1-4-3-Les vacances très voyageuses

La famille Catez voyage beaucoup pendant les périodes de vacances, compte tenu de l'époque. On voit en 1893, la famille Catez en Lorraine, à Mirecourt, puis dans le Jura, à Mignovillard. En 1895 c'est de nouveau le Jura, à Champagnole. En 1894 et 1896, le trio Catez est dans les Pyrénées et à Saint Hilaire dans l'Aude, et Carcassonne et Toulouse. En 1897, c'est Lunéville et Mirecourt en Lorraine. En 1899 voici Mignovillard, puis trois semaines en Suisse. La famille fait également plusieurs pèlerinage à Lourdes. Enfin, en 1900, Madame Catez et ses deux filles, de passage à Paris, vont à Montmartre et à Notre Dame des Victoires; elles visitent aussi l'exposition universelle. Pleine d'enthousiasme, Élisabeth racontera ses voyages à ses amis. Par exemple, à Marie-Louise Maurel elle écrira le 12 août 1900: "Avant d'arriver à Carlipa[4], nous avons été passer une journée à Biarritz pour faire connaissance avec l'océan. Que c'est beau chère amie! Je ne puis vous dire combien ce spectacle est grandiose; j'aime cet horizon sans bornes, sans limites..."

      1-4-4-La vie spirituelle

Sur le plan spirituel, la jeune Élisabeth vénère de plus en plus sainte Marie-Madeleine, comprenant au plus profond d'elle-même, les longs silences, aux pieds du Sauveur, de la grande pécheresse repentie. Blessée du même amour, Élisabeth veut déjà suivre Jésus jusqu'au Calvaire, jusqu'à l'union parfaite qu'il accorde à ses privilégiés. Son travail musical intensif ne l'empêche pas de participer avec régularité aux activités spirituelles de sa paroisse : la Messe, bien sûr, les retraites organisées, les exercices du mois de Marie...

Par ailleurs, son désir d'être toute à Jésus ne cesse de croître et elle se lie à Lui par un vœu de virginité, vers l'âge de 14 ans. Plus tard elle dira: "J'allai avoir quatorze ans, quand un jour, pendant mon action de grâces, je me sentis irrésistiblement poussée à choisir Jésus comme unique époux; et sans délai, je me liai à Lui par le vœu de virginité. Nous ne nous dîmes rien, mais nous nous donnâmes l'un à l'autre en nous aimant si fort, que la résolution d'être toute à Lui devint chez moi plus définitive encore." Bientôt elle saura que Dieu l'attend au Carmel. Mais sa maman ne veut pas entendre parler de la vocation de sa fille. Élisabeth souffrira pendant lontemps, respectant sa mère, et espérant la levée du veto maternel. Plus tard, Elisabeth dira: "J'aimais beaucoup la prière, et tellement le bon Dieu, que même avant ma première communion, je ne comprenais pas qu'on pût donner son cœur à un autre; et, dès lors, j'étais résolue à n'aimer que Lui et à ne vivre que pour Lui."

Aimer Dieu et le faire aimer étaient toute sa vie. On ne pouvait pas ne pas remarquer sa charité. Une de ses amies témoigne: "Je ne l'ai jamais ouï dire du mal de personne, jamais non plus du bien à faux; elle savait faire ressortir ce qu'il y a de bon en chacun, sans pour cela nier les lacunes: son tact égalait sa charité, de même que son indulgence ne l'empêchait pas d'être ferme quand il le fallait."

Oui, Jésus vivait en elle; sa présence se trahissait au dehors; "il émanait d'elle quelque chose que je ne saurais exprimer, rapporte une autre amie; c'était si pur, si ardent, si doux pourtant : c'était suave et simple comme le parfum de la vertu." Ce qui passionnait Élisabeth, c'était Jésus, c'était de partager ses joies et ses peines et d'être auprès de Lui. Elle vit vraiment l'expérience mystique de l'amour divin qui inonde souvent son cœur. Dieu est déjà pour Élisabeth, le Dieu tout Amour.

Le jour de la Pentecôte 1898 elle écrit:

 

Esprit Saint, Bonté, Beauté suprême!
Ô Toi que j'adore, ô Toi que j'aime!
Consume de tes divines flammes,
Et ce corps, et ce cœur, et cette âme!
Cette épouse de la Trinité
Qui n'aspire qu'à sa volonté!


[1] Ou Avord.
[2] Les Trois Personnes de la Sainte Trinité.
[3] en particulier elle se mettait en oraison, toujours à genoux.
[4] Dans l'Aude