HOMÉLIE HUITIÈME
DES OISEAUX.
SOMMAIRE
Dans cette
homélie prononcée le matin, l'orateur commence comme s'il allait parler des
animaux terrestres, et entame tout de suite son sujet. Et Dieu dit : Que la
terre produise une âme vivante… Après avoir réfuté en peu de mots une erreur des
Manichéens qui donnaient une âme à la terre, il compare les animaux nageurs aux
animaux terrestres : il prouve par quelques réflexions générales et quelques
exemplaires particuliers, que ceux-ci ont une vie beaucoup plus parfaite, une
âme qui gouverne toute la machine , bien différente cependant de l’âme humaine.
Il montre en quoi consiste cette différence et se prépare à continuer, lorsque
tout à coup il s'interrompt, en supposant que plusieurs de ses auditeurs se font
des signes comme s'il avait omis quelque article essentiel. Eu effet, il avait
oublié de parler des animaux volatils qui tiennent le milieu entre les animaux
nageurs et les animaux terrestres. Il annonce donc qu'il va parler des oiseaux.
Et d'abord il examine pourquoi l'Écriture les fait sortir des eaux ainsi que les
poissons : Que les eaux produisent des reptiles animés… et des oiseaux qui
volent sur la terre. Si la raison qu'il en apporte, ainsi que nous l'avons déjà
observé, paraît faible, et si l'un n'en trouve pas de meilleure, il suffira de
dire que Dieu a agi de la sorte parce qu'il l'a voulu. Les descriptions des
oiseaux en général, et de quelques espèces particulières des insectes volants,
et principalement de l'abeille, que, suivant l'usage d'anciens naturalistes,
l'écrivain place dans la classe des oiseaux; ces descriptions, dis-je , sont
accompagnées de réflexions morales et religieuses. Saint Basile termine son
homélie eu demandant excuse à ceux qui l'écoutent de la longueur de son
discours, et en leur montrant qu'il est de leur intérêt de ne point se lasser
d'écouter la parole sainte.
Et Dieu dit : Que la terre produise
une âme vivante, selon l'espèce (c'est-à-dire, des animaux vivants, selon leur
espèce) , des animaux domestiques, des reptiles, des botes sauvages, selon leur
espèce; et cela se fit ainsi. L'ordre du. Seigneur se fait entendre en avançant
toujours, et la terre reçoit l’ornement qui lui est propre. Que les eaux
produisent des reptiles animés, avait-il dit d'abord. Que la terre, dit-il ici,
produise une âme vivante. Est-ce que la terre est animée? et la folie des
Manichéens,
qui donnent une âme à la terre, aurait-elle lieu? Parce qu’on lui a dit :
Qu’elle produise, ce n'est pas qu'elle ait produit ce qui était en elle; mais le
Dieu qui lui a donné l'ordre, lui a donné en même temps la vertu de produire. En
effet, parce qu'il a été dit à la terre : Qu’elle produise de l'herbe verte et
des arbres fruitiers, il ne s'ensuit pas qu'elle ait produit l'herbe cachée dans
son sein, ni qu'elle ait fait paraître sur sa surface le palmier, le chêne, le
cyprès, cachés dans ses entrailles; mais la parole divine est le principe
naturel des choses créées. Que la terre produise, c'est-à-dire, non pas :
Qu'elle produise ce qu'elle a; mais : Qu'elle acquière ce quelle n'a pas, Dieu
lui donnant la vertu d'agir et de produire. Ainsi à présent : Que la terre
produise une âme, non une âme qui soit en elle, mais une aine qui lui soit
donnée par l’ordre de Dieu. Ajoutez que nous tournerons contre les hérétiques
leurs propres paroles. Car si la terre a produit une âme, elle s’est donc
laissée elle-même dépourvue d'une âme. Mais voici de quoi confondre leur opinion
perverse. Pourquoi les eaux ont-elles reçu l'ordre de produire des reptiles
animés, et la terre une âme vivante ? Remarquons que par leur nature les animaux
nageurs semblent n'avoir qui iule vie imparfaite, parce qu'ils vivent dans
l'élément épais de l'eau. Leur ouïe est grossière; leur vue est émoussée,
n'ayant que beau à travers laquelle ils regardent; ils n'ont ni mémoire, ni
imagination, ni sentiment de l’habitude. Aussi l'Écriture parlait faire entendre
que , dans les animaux aquatiques, une vie charnelle préside à leurs mouvements
vitaux; au lieu que, dans les animaux terrestres, dont la vie est plus parfaite,
une âme est chargée du gouvernement de toute la machine. La plupart des
quadrupèdes ont des sens plus actifs; ils saisissent vivement le présent, ils se
rappellent exactement le passé. Il semble donc que les animaux aquatiques ont
été créés avec des corps animés, puisque des reptiles animés ont été produits
par les eaux; tandis que pour les animaux terrestres une âme a été chargée de
gouverner les corps, ces animaux ayant reçu une plus grande portion de faculté
vitale. Ils sont sans doute eux-mêmes dépourvus de raison ; mais cependant
chacun d'eux, par une voix qu'il a reçue de la nature, manifeste des affections
spirituelles. Il annonce par un cri naturel, la joie, la tristesse, le sentiment
de l'habitude, le besoin de nourriture, la peine d'être séparé de ceux avec
lesquels il paît l'herbe, et mille autres affections. Les animaux aquatiques,
non seulement sont muets, mais encore incapables d'être apprivoisés, d'être
instruits, d'être formés à aucune société avec l'homme. Le boeuf reconnaît celui
auquel il appartient, et l'âne l'étable de son maître (Is. 1. 3.); le poisson ne
pourrait reconnaître celui qui le nourrit. L'âne reconnaît la voix à laquelle il
est accoutumé, il reconnaît le chemin par où il a souvent marché, quelquefois
même il remet dans sa route l'homme qui s'égare. On prétend que la subtilité de
fouie de cet animal est supérieure à celle de tous les animaux terrestres. Quel
être vivant dans la ruer pourrait imiter cette propriété du chameau, de se
souvenir du mal qu'on lui a fait, et d'en conserver un ressentiment profond? Le
chameau frappé en garde long temps le ressentiment dans son coeur, et il s'en
venge lorsqu'il eu trouve l'occasion. Écoutez, ô vous qui êtes vindicatifs, qui
pratiquez la vengeance comme une vertu, apprenez à qui vous êtes semblables,
lorsque, ayant à vous plaindre de votre prochain, vous gardez cette peine
au-dedans de vous-même, comme une étincelle cachée sous la cendre, jusqu'à ce
que l'occasion s'offre de laisser enflammer votre colère et de faire éclater
votre vengeance.
Que la terre produise une âme
vivante. Pourquoi la terre produit-elle une âme vivante? C'est afin que vous
appreniez la différence qu'il y a entre l’âme de la bête et ferle de l'homme. Je
vous dirai ci-après comment l’âme de l'homme a été formée; écoutez maintenant ce
qui regarde l’âme des bêtes. Comme, d'après l'Écriture, l’âme de tout animal est
son sang (Lv. 17. 11.) , que le sang épaissi se change ordinairement en chair,
que la chair corrompue se résout en terre, les bêtes sans doute n'ont qu'une âme
matérielle et terrestre. Que la terre produise une âme vivante. Voyez l'affinité
qu'il y a de l’âme avec le sang, du sang avec la chair, de la chair avec la
terre ; et ensuite revenant, par un ordre inverse, de la terre avec la chair, de
la chair avec le sang, du sang avec l’âme, voyez, dis-je, cette affinité, et
vous trouverez que la terre constitue l’âme des bêtes.
Ne croyez pas que leur âme soit
plus ancienne que leur corps, et qu'elle reste après la dissolution de la chair,
Fuyez les délires des orgueilleux philosophes, qui ne rougissent pas de
confondre leurs âmes avec celles des animaux. Ils disent qu'ils ont été
autrefois femmes, arbrisseaux, poissons de la mer.
Je ne puis dire s'ils ont été autrefois poissons, mais je soutiens hardiment
que, lorsqu'ils écrivaient ces absurdités, ils avaient moins de raison que des
poissons.
Que la terre produise une âme
vivante.... Plusieurs sont peut-être étonnés que je m'arrête tout à coup au
milieu de mon discours, et que je garde le silence; mais les auditeurs attentifs
n'en ignorent pas la cause. Et comment l'ignoreraient-ils ? Eux qui, se
regardant les uns les autres, m'obligent de faire attention aux signes qu'ils se
font mutuellement, et me rappellent que j'ai omis un article essentiel. En
effet, nous avons passé toute une espèce de créatures vivantes, qui n'est pas la
moindre ; nous avons presque entièrement oublié d'en parler. Que les eaux
produisent des reptiles animés, selon leur espèce, et des oiseaux qui volent sur
la terre dans le firmament du ciel. Nous avons parlé hier au soir, selon que le
temps nous l'a permis, des animaux nageurs ; nous avons passé aujourd'hui à
l'examen des animaux terrestres : les animaux volatiles, qui occupent le milieu,
ont échappé à notre mémoire. De même donc que des voyageurs oublieux, qui, ayant
laissé quelque objet important, sont obligés de revenir sur leurs pas, et
trouvent dans cette fatigue la peine de leur négligence: ainsi il est nécessaire
afin que nous-mêmes nous revenions sur nos pas. Car l'objet que nous avons
oublié n’est point indifférent ; c'est une des trois espèces des créatures
vivantes, puisque l'on compte trois espèces d'animaux, les terrestres, les
volatiles et les aquatiques.
Que les eaux produisent des
reptiles animés, selon leur espèce, et des oiseaux qui volent sur la terre, dans
le firmament du ciel, selon leur espèce. Pourquoi l'Écriture fait-elle sortir
des eaux les animaux volatiles comme les animaux nageurs ? c'est qu'il y a entre
tous les deux beaucoup de rapport. En effet, de même que les poissons fendent
les eaux, qu'ils s'avancent par le mouvement de leurs nageoires, et que, par les
diverses inflexions de leur queue, dont ils se servent comme d'un gouvernail,
ils se dirigent en ligne droite et en ligne oblique; ainsi l'on voit les oiseaux
nager dans l'air avec leurs ailes de la même manière. Comme donc tous deux
nagent également, on leur a donné la même origine et on les a fait sortir
également des eaux. Seulement aucun des oiseaux n'est sans pieds, parce que
tirant tous leur vie de la terre, ils ont tous nécessairement besoin du secours
des pieds. Ceux qui vivent de proie, ont des ongles pointus, propres â saisir
les animaux dont ils vivent. Les autres ont reçu l'avantage es pieds, qui leur
sont nécessaires pour se fournir la nourriture et pour les autres besoins de la
vie. Peu d'oiseaux ont de mauvais pieds, qui ne sont commodes ni pour marcher,
ni pour prendre la proie. De ce nombre sont les hirondelles et les oiseaux
appelés drépanes,
lesquels vivent de petits animaux qui volent dans l’air. La faculté de raser la
terre en volant sert de bons pieds à l’hirondelle.
Il y a dans les oiseaux une
infinité de différentes espèces. Si on voulait les parcourir en détail comme
nous avons examine les poissons, on trouverait qu'ils portent le même nom de
volatiles, mais qu'il existe entre eux un nombre infini de différences pour les
grandeurs, pour les figures et pour les couleurs ; on trouverait pour la manière
de vivre des variétés qu'il serait impossible de marquer. Quelques physiciens
ont essayé de forger des mots inconnus et étrangers dans la langue, pour faire
reconnaître les espèces particulières. Ils ont appelé les uns schizoptères,
tels que les aigles ; les autres dermoptères, tels que les chauves-souris ;
d'autres ptilotes, tels que les guêpes; d'autres coléoptères, tels que les
escarbots, et tous ceux qui sont nés dans des espèces d'étuis et d'enveloppes
qu'ils rompent et dont ils s'affranchissent pour voler. Mais qu'il nous suffise,
pour marquer les divers genres, de l'usage commun et des distinctions apportées
dans les livres saints en oiseaux purs et impurs. Il est des espèces carnivores,
qui ont une conformation propre à cette manière de vivre, des ongles pointus, un
bec recourbé, des ailes rapides, pour pouvoir saisir facilement leur proie, la
déchirer et s'en nourrir lorsqu'ils l'ont prise. Ceux qui vivent de grains sont
conformés différemment, ainsi que ceux qui se nourrissent de tout ce qu'ils,
rencontrent, Quelles différences dans tous ces animaux ! Les oiseaux de proie
vivent seuls ; ils ne connaissent de lien et de société que pour la génération.
Presque tous les autres, dont le nombre est infini, se rassemblent en troupes et
vivent habituellement en société, tels que les colombes, les grues, les
étourneaux, les geais. Dans cette espèce, les uns ne reconnaissent lias de
prince et sont comme indépendants ; les autres, tels que les geais, se rangent
sous un chef. Il existe une autre différence parmi les oiseaux. Les uns sont
indigènes et restent toujours dans le même pays ; d'autres voyagent fort au
loin, et changent ordinairement de contrées lorsque l'hiver approche. La plupart
des oiseaux cessent d’être farouches et s'apprivoisent lorsqu'on les élève : il
faut excepter ceux qui sont extrêmement folles, dont l’excessive crainte et
timidité les empêchent de souffrir la main, qui les incommode en les touchant.
Quelques oiseaux aiment à se trouver parmi les hommes, et choisissent les mêmes
demeures que nous ; d'autres habitent les montagnes et les déserts. Les
propriétés de la voix sont encore une grande source de variétés. Les uns sont
parleurs et babillards, les autres taciturnes ; les uns sont musiciens et ont
une voix fort étendue, les autres ignorent absolument le chant et la musique ;
les uns sont imitateurs, qualité qu'ils reçoivent de la nature, ou qu'ils
prennent par l'exercice ; les autres ont une voix unique et qui ne peut changer.
Le coq est fier, le paon est vain ; les colombes et les poules domestiques sont
voluptueuses et souffrent le mâle en tout temps : rusée et jalouse, la perdrix
aide aux chasseurs à prendre leur proie.
Les actions et les manières de
vivre forment, comme nous l'avons dit, une infinité de différences. Quelques-uns
de ces animaux ont un véritable gouvernement, puisque le caractère propre d'une
administration est que tous les individus réunissent leurs forces pour un
intérêt commun. C'est ce qu'on voit dans les abeilles.
Leur habitation est commune, elles sortent en commun pour le même objet ;
l'occupation de toutes est la même ; et ce qu'il y a de principal, c'est que
travaillant sous un roi et sous un chef, elles n'osent point partir pour les
prés avant qu'elles voient le roi leur en donner l'exemple. Leur roi n'est pas
élu par les suffrages du peuple, parce que l'ignorance du peuple élève souvent à
la principauté le plus méchant homme ; il ne reçoit pas son autorité du sort,
parce que le caprice du sort confère souvent l'empire au dernier de tous ; il
n'est pas assis sur le trône par une succession héréditaire , parce que, trop
ordinairement, les enfants des rois, gâtés par la flatterie et corrompus par les
délices, sont destitués de lumières et de vertus : c'est la nature qui lui donne
le droit de commander à tous, étant distingué entre tous par sa grandeur, par sa
figure, par la douceur de son caractère.
Le roi a un aiguillon ; mais il ne
s'en sert pas pour satisfaire sa vengeance. C'est connue une loi de la nature,
une loi non écrite, que plus on est élevé à une grande puissance, moins on est
prompt à se venger. Les abeilles qui n'imitent point l'exemple du roi sont
punies sur-le-champ de leur témérité, puisqu'elles meurent en lançant leur
aiguillon. Que les chrétiens soient attentifs, eux à qui il est ordonné de ne
point rendre le mut pour le mal, mais de vaincre le mal par le bien (Rm. 12. 17
et 21.). Imitez le caractère propre de l'abeille, qui forme ses rayons sans
nuire à personne et sans piller le bien d'autrui. Elle recueille ouvertement la
cire sur les fleurs ; et pompant avec sa trompe le miel qui est répandu sur ces
mêmes lieurs comme une douce rosée, elle le dépose dans le creux des rayons. Ce
miel est d'abord liquide ; mais se formant avec le temps, il prend enfin la
consistance et la douceur qui lui sont propres. Le livre des Proverbes donne à
l'abeille la plus belle et la plus convenable des louanges, en l'appelant habile
et laborieuse (Pr. 6. 8.). Autant elle annonce d'activité en ramassant de toutes
parts sa nourriture, activité dont les princes et les particuliers recueillent
les fruits salutaires ; autant elles montrent d'art pour façonner et disposer
les cellules de son miel. Ces cellules, multipliées et contiguës les unes aux
autres, sont faites d'une cire étendue en membrane déliée. Elles sont faibles
par elles-mêmes ; mais liées ensemble, elles se soutiennent mutuellement.
Chacune tient à une autre par un petit mur mitoyen qui l'unit à elle et qui l'en
sépare. Placées les unes au-dessus des autres, elles forment plusieurs étages.
Ce petit animal se donne bien de garde de ne construire qu'un seul magasin dans
tout l’espace de peur que la liqueur précieuse ne le rompe par son poids et ne
se répande au-dehors. Voyez comment les inventions géométriques ne sont que la
copie du travail de l’industrieuse abeille. Les cellules des rayons, toutes
hexagones et a côtes égaux, ne portent pas les unes sur les autres en ligne
droite, parce qu'alors les côtés non soutenus se trouveraient fatigués ; mais
les angles des hexagones inférieurs sont le fondement et la base des hexagones
supérieurs ; ils les aident à supporter le poids qui est au-dessus d'eux, et à
garder le trésor liquide contenu dans leur enceinte.
Pourrais-je vous détailler
exactement tous les instincts particuliers des oiseaux continent les grues font
alternativement il garde pendant la nuit. Les unes dorment; les autres faisant
la ronde, leur procurent toute sûreté pendant le sommeil. Ensuite, lorsque le
temps de la sentinelle est rempli, celle qui veillait va dormir, avertissant par
le bruit de ses ailes une autre qui vient prendre sa place, et lui rendre la
sûreté qu elle eu a reçue. Le même ordre est observé dans les voyages. Chacune à
son tour marche à la tête ; et lorsqu'elle a conduit la troupe un temps marqué,
elle se retire en arrière et laisse à une autre cette fonction. L’instinct des
cigognes approche beaucoup d une raison intelligente. Elles arrivent toutes
ensemble dans nos contrées, elles partent toutes ensemble au même signal. Elles
sont accompagnées dans leur départ par nos corneilles,
qui les escortent, pour ainsi dire, et qui leur prêtent du secours contre des
oiseaux ennemis. Ce qui atteste ce fait, c'est que dans le temps où partent les
cigognes, on ne voit môle part aucune corneille, et qu'elles reviennent avec des
blessures, qui sont des témoignages sensibles de leur attention à escorter et à
défendre des volatiles étrangères. Qui est-ce qui leur a prescrit les lois de
l'hospitalité ? Qui est-ce qui les a menacées de les accuser de désertion de
service, pour qu'aucune ne se dispense de cette escorte ? Que cet exemple
instruise ces hommes durs qui ferment leurs portes aux étrangers, et qui
refusent de les mettre à l'abri même dans les nuits de l’hiver. Les soins que
donnent les cigognes à leur père âgé suffiraient pour engager nos enfants, s'ils
voulaient y faire attention, à chérir leurs parents. Car il n'est personne assez
peu sensé pour ne pas rougir d'être surpassé en vertu par des oiseaux destitués
d'intelligence. Lorsque leur père voit les plumes de ses ailes tomber par la
vieillesse, elles l’entourent, l'échauffent de leurs propres ailes, et lui
fournissent abondamment de la nourriture. Dans les voyages, elles le secourent
de tout leur pouvoir, en volant à ses côtés et en le soutenant le plus doucement
qu'elles peuvent. Ce fait est si connu et si célèbre, que plusieurs, pour
exprimer le mot
de
reconnaissance, se servent d'un nom pris de celui des cigognes.
Que personne ne déplore sa pauvreté
et ne désespère d’avoir de quoi se nourrir, parce qu'il n'a laissé dans sa
maison aucune ressource ; qu'il ne craigne pas de manquer en considérant
l’industrie de l’hirondelle. Pour construire son nid, elle apporte des pailles
dans son bec : mais comme ses pieds ne peuvent enlever de l'argile, elle mouille
dans l'eau l'extrémité de ses ailes, s'enveloppe d'une menue poussière, et
imagine ainsi de former une argile, avec laquelle, comme avec un ciment, elle
lie peu à peu les pailles toutes ensemble. C'est dans ce nid qu'elle nourrit ses
petits.
Apprenez de-là a ne jamais vous permettre de vols par pauvreté, à ne point
perdre espérance dans les conjonctures les plus fâcheuses, à ne point vous
livrer à l'inaction, mais à recourir à Dieu, qui a tant fait pour l'hirondelle,
et qui fera beaucoup plus encore pour ceux qui l'invoquent de tout leur cœur.
L'alcyon
est un
oiseau maritime. Il dépose ses oeufs le long des rivages, et les fait éclore
vers le milieu de l'hiver, lorsque la mer agitée par la violence des vents vient
se briser sur la terre. Cependant tous les vents s'assoupissent et les flots
s'apaisent durant les sept jours que l'alcyon couve ses oeufs ; car il ne met
que ce temps à faire éclore ses petits. Lorsque ces petits ont besoin de
nourriture, un Dieu magnifique accorde, pour les laisser croître, sept autres
jours à ce faible animal. C'est ce que savent tous les marins, qui appellent ces
quatorze jours, jours alcyonides. Tout cela a été réglé par une providence
divine, qui s'étend sur les animaux mêmes pour vous engager à demander à Dieu ce
qui vous est salutaire. Quels prodiges ne s'opèreront pas pour vous qui avez été
créé a l'image de Dieu, puisque pour un si petit animal un élément aussi étendu
que terrible reste calme et tranquille au milieu des rigueurs de l'hiver ?
On dit que la tourterelle une fois
séparée de celui auquel elle s'est attachée d'abord, ne s'unit plus à un autre,
niais qu'elle reste veuve et refuse de contracter un second hymen pour rester
fidèle à son premier époux. Femmes, apprenez comment, même chez les brutes,
l'honneur de la viduité est préféré à l'indécence de plusieurs mariages. L'aigle
est le plus dur des êtres pour sa postérité. Lorsqu'il a fait éclore deux
petits, il précipite à terre l'un des deux, en le jetant dehors d’un coup de ses
ailes : il ne reconnaît que celui qui reste. Il renonce à son propre fruit par
la difficulté de l'élever.
Mais l’orfraie, dit-on , ne le laisse point périr , il le reçoit lorsqu'il
tombe, et l'élève avec ses petits. lis ressemblent à l'aigle ces pères qui, sous
prétexte de pauvreté, exposent leurs enfants, ou qui sont trop injustes dans le
partage de leurs biens. C'est une justice, sans doute, qu'ayant également donné
le jour à chacun, ils leur fournissent également à tous les moyens de ivre.
N'imitez pas la cruauté des oiseaux de proie, qui, dès qu'ils voient leurs
petits s'essayer à voler, les chassent du nid, en les frappant et les poussant
avec leurs ailes, et ne prennent plus d'eux aucun soin. Il faut louer 1'amour de
la corneille pour ses petits ; elle les suit lorsqu'ils volent déjà, les
entretient et les nourrit le plus longtemps qu'elle peut. Plusieurs espèces
d'oiseaux l'ont pas besoin, pour concevoir, de l'union avec les milles ; mais
tandis due les oeufs des autres sont stériles si cette union n'a précédé, on
prétend que les vautours engendrent ordinairement sans elle;
et cela, quoiqu'ils vivent fort longtemps, et que souvent leur vie s'étende
au-delà de cent années. Je vous exhorte à bien remarquer ce fait dans 1ihistoire
des oiseaux, afin que, lorsque vous verrez des hommes qui se rient d'un de nos
mystères, comme s'il était impossible et nullement naturel qu'une vierge enfante
sa virginité restant toujours intacte, vous pensiez que celui qui a voulu sauver
les fidèles par la folie de la prédication, nous a ménagé dans la nature mille
moyens de croire des mystères surprenants.
Que les eaux produisent des
reptiles animés, et des oiseaux; qui volent sur la terre dans le firmament du
ciel. Les oiseaux ont reçu l'ordre de voler sur la terre, parce qu'ils trouvent
leur nourriture sur la terre. Dans le firmament du ciel, c’est-à-dire, comme
nous l'avons déjà expliqué plus haut, dans cet air qui est au-dessus de notre
tête, qui nous enveloppe et qui est appelé firmament, parce que, vu les
exhalaisons qui s'élèvent d'en bas, il est plus épais et plus condensé que
l'éther qui le domine.
Vous voyez donc le ciel décoré, la
terre embellie, la mer pleine des productions qui lui sont propres, l’air rempli
des oiseaux qui le traversent. Auditeur attentif, examinez par vous-même tous
les êtres qui ont passé par l’ordre de Dieu du néant à l'existence, tant ceux
dont nous avons parlé, que ceux que nous avons omis, dans la crainte de nous
arrêter trop longtemps sur ces objets et de passer les bornes; examinez-les,
dis-je , par vous-même , et vous pénétrant de la sagesse divine qui éclate dans
tous, ne cessez point de l'admirer, ne vous lassez point de glorifier le
Créateur par toutes les créatures. Vous avez des espèces d'oiseaux qui vivent la
nuit, au milieu des ténèbres ; d’autres volent pendant le jour, en pleine
lumière. Les chauves-souris, les hiboux et autres, sont des oiseaux de nuit.
Ainsi donc, dans le calme d'une nuit tranquille, lorsque le sommeil ne ferme pas
vos yeux, il vous suffira de vous occuper de ces espèces, et de considérer les
propriétés de chacune pour glorifier celui qui les a faites. Vous verrez
comment, lorsqu'il couve ses œufs,
le rossignol veille, et continue toute la nuit ses chants mélodieux : comment la
chauve-souris est en même temps un quadrupède et une volatile; comment, seule
des oiseaux, elle a des dents et enfante un animal; comment elle s'élève dans
l’air, non avec des ailes de plumes, mais avec une membrane de chair; comment
enfin les mêmes chauves-souris sont unies naturellement entre elles. suspendues
l'une à 1iuitre, et formant comme une chaîne dont tous les anneaux se tiennent,
union qu'il est si difficile de rencontrer parmi les hommes, dont la plupart
aiment mieux s'isoler et ne songer qu'à eux-mêmes, que de s’attacher à la
société et de travailler pour elle. Vous verrez comment ceux qui se livrent à de
vaines sciences ressemblent aux yeux du hibou. La vue de cet oiseau est aussi
perçante pendant la nuit que faible et obscure quand le soleil brille: l'esprit
des faux sages est aussi vif et aussi clairvoyant pour contempler de vains
objets, que pesant et obtus pour comprendre la véritable lumière. Pendant le
jour, il vous sera fort aise de recueillir de toutes parts de quoi admirer le
Créateur. Vous voyez comment un oiseau domestique vous excite au travail par ses
cris aigus qui annoncent de loin le lever dit soleil, qui réveillent le
voyageur, et appellent le laboureur à la moisson. Vous voyez combien les oies
sont une espèce vigilante; combien ils sont subtils pour sentir ce qui se cache,
eux qui jadis ont sauvé la ville impériale, en décelant des ennemis
qui
s'avançaient par de secrets souterrains pour s’emparer de la citadelle de Rome.
Dans quelle espèce d'oiseaux la nature ne vous montre-t-elle pas quelque
merveille particulière? Qui est-ce qui annonce aux vautours la mort d'un grand
nombre d'hommes, lorsque deux armées marchent l’une contre l'autre? Des milliers
de vautours alors suivent ces armées, et prévoient l'événement par les
préparatifs. Cela approche beaucoup de l’intelligence humaine. Comment vous
raconterai-je les terribles expéditions des sauterelles, qui, partant toutes au
même signal et fondant ensemble sur une grande étendue de pays ne touchent pas
aux fruits avant qu'elles aient reçu l’ordre de l'Être suprême? Elles sont
suivies de l'oiseau seleucis, qui remédie à la plaie par la faculté dévorante,
continuelle et insatiable, qu'un Dieu bienfaisant lui a donnée pour l’utilité
des hommes. Vous dirai-je quelle est la nature du chant des cigales ; comment
elles sont plus mélodieuses à midi, parce qu'alors leur estomac se relâchant
renvoie un air qui forme un son plus étendu: Mais il semble que je suis plus
loin de pouvoir expliquer par mes discours toutes les merveilles des volatiles,
que de pouvoir, par mes pieds, atteindre à leur légèreté naturelle. Lorsque vous
voyez les volatiles appelés insectes, telles que les abeilles et les guêpes. et
qui sont ainsi nommées parce qu’elles offrent des cercles ou anneaux qui
semblent les couper en plusieurs parties , songez qu'elles n’ont ni respiration,
ni poumon ; mais qu'elles vivent de l’air par toutes les parties de leur corps.
Aussi, quand elles sont humectées d’huile, elles tombent presque mortes, parce
que leurs pores sont fermés. Si on les arrose sur-le-champ de vinaigre, elles
revivent, parce que leurs pores se rouvrent. Dieu n'a rien fait de Superflu, et
il a donné à chaque animal ce qui lui est nécessaire. Si vous considérez aussi
les volatiles qui se plaisent dans l'eau, vous trouverez une autre conformation.
Leurs pieds ne sont, ni fendus comme ceux de la corneille, ni crochus comme ceux
des oiseaux carnivores, mais larges et accompagnés de membranes, afin qu'ils
nagent aisément, se servant des membranes de leurs pieds, comme de railles pour
s'avancer dans l'eau. Si vous remarquez comment le cygne, plongeant son cou,
tire du fond lie l'eau sa nourriture, vous verrez la sagesse du Créateur, qui
lui a donné un cou plus long que ses pieds, afin que le jetant dans l'eau comme
la ligne du pêcheur, il y prenne sa nourriture que le fond recèle. Les paroles
de l'Écriture lues simplement ne sont que quelques syllabes : Que les eaux
produisent des oiseaux qui volent sur la terre dans le firmament du ciel; mais
si l’on cherche le sens des paroles, on voit dors le prodige admirable de la
sagesse du Créateur. Que de variétés différentes de volatiles il a prévues !
Comme il a distingué les espèces les unes des autres ! Comme il les a
caractérisées chacune par des propriétés particulières !
Le jour me manquerait si je voulais
détailler toutes les merveilles de l'air. Le continent nous appelle pour étaler
à nos yeux les bêtes sauvages, les reptiles et les troupeaux, pour nous montrer
un spectacle qui ne le cède ni aux plantes, ni aux animaux nageurs, ni à toutes
les volatiles. Que la terre produise l’âme vivante des animaux domestiques, des
bêtes sauvages et des reptiles selon leur espèce.
Que pouvez-vous dire, ô vous qui
refusez de croire le bienheureux Paul sur les changements qui doivent s'opérer
dans la résurrection, quand vous voyez nombre d'habitants de l'air changer de
formes ; quand vous songez à ce qu'on rapporte du ver à soie qui, étant d'abord
une espèce de chenille, devient chrysalide avec le temps, et ne tarde pas à
quitter cette forme pour prendre les ailes d'un papillon ? Lors donc, ô femmes ,
que vous êtes assises pour filer leur travail, je veux dire cette soie précieuse
qu'une contrée étrangère nous envoie pour fabriquer des vêtements somptueux,
rappelez-vous les changements qu'éprouve cet animal ; prenez de-là une idée
sensible de la résurrection, et croyez les changements que Paul nous annonce à
tous.
Mais je m'aperçois que je passe les
bornes. Lors donc que je fais attention à la longueur de mon discours, je vois
que je me suis étendu outre mesure : mais lorsque je considère cette variété de
sagesse qui brille dans les ouvrages du Tout-Puissant, il me semble que j'ai à
peine commencé mon récit. D'ailleurs, il n'est pas inutile de vous tenir un peu
plus longtemps. Eh ! que feriez-vous jusqu'au soir. Vous n'êtes pas pressés par
des convives, de grands festins ne vous attendent pas. Si donc vous le jugez à
propos, nous userons du jeûne corporel pour réjouir les antes. Vous avez souvent
obéi à la chair pour vous procurer des plaisirs, prêtez-vous aujourd'hui
constamment au service de l’âme. Réjouissez-vous dans le Seigneur, et il vous
accordera ce que votre coeur demande (Ps. 36. 4.). Désirez-vous les richesses ?
Vous avez des richesses spirituelles. Les jugements du Seigneur sont vrais, et
tous également justes. Ils sont plus désirables qu'une grande abondance d'or et
de pierres précieuses (Ps. 18. 10.). Aimez-vous la volupté et les délices ? Vous
avez les paroles divines, qui, pour un homme dont le sens spirituel est en bon
état, sont plus douces que les rayons du miel. Si je vous renvoie et si je
dissous l'assemblée, les uns courront aux jeux. Là, sont des blasphèmes, de
violentes disputes, et les aiguillons de l'avarice hi, se trouve le démon
enflammant la fureur par les instruments du jeu ; faisant passer l'argent tantôt
d'un côté, tantôt d'un autre, faisant tour à tour triompher de joie celui qui
était accablé de tristesse, et rougir de honte celui qui était fier de son gain.
A quoi sert que le corps jeûne, si l’âme est remplie de mille maux ? Celui qui
s'interdit le jeu, et qui se livre à l'oisiveté, que de paroles inutiles ne
dit-il pas que de propos déplacés n'entend-il pas ! Le loisir, sans la crainte
de Dieu, est pour ceux qui ne savent pas en user, une occasion de se livrer au
vice. Peut-être donc tirerez-vous quelque avantage de mes discours ; vous en
tirerez du moins celui de ne pas pécher durant le temps où vous serez occupes à
m'entendre. Ainsi plus je vous retiendrai, plus je vous éloignerai de l'occasion
de commettre des fautes. Toutefois un juge équitable trouvera suffisant ce que
nous avons dit, s'il considère, non les richesses de la création, mais la
faiblesse de nos forces, et ce qui doit suffire pour satisfaire des auditeurs
assemblés. La terre vous a présenté les productions de son sein, la mer ses
poissons, l'air ses volatiles : le continent est prêt à vous offrir d'aussi
grandes merveilles. Mais finissons ici le repas du matin, de peur que la satiété
ne vous rende moins propres à goûter le festin du soir. Que celui qui a
perfectionné tous les objets de la création, et qui nous a donné dans tous des
témoignages sensibles de sa puissance merveilleuse, remplisse nos coeurs d'une
joie spirituelle, en Jésus-Christ notre Seigneur, à qui soient la gloire et
l'empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
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