Alexandrina Maria da Costa,
auteur de ces “Écrits Autobiographiques”, naquit, comme elle l’écrit
elle-même “à Balasar, arrondissement de Póvoa de Varzim, district de
Porto, le 30 mars 1904”; Mercredi Saint.
Balasar est un petit
village situé dans le nord du Portugal, où Dieu s’est plu à se
manifester, au cours des deux derniers siècles. Tout d’abord, en 1832,
faisant apparaître, devant l’église paroissiale de Balasar, une croix
mystérieuse, que la piété des paroissiens a bien vite protégé par une
chapelle dédiée à la Sainte Croix.
Cent ans plus tard, vers
1932, il revint de nouveau “se rappeler au bon souvenir” des gens
simples du village, en prenant, parmi eux, une confidente privilégiée en
la personne d’Alexandrina Maria. Comme pour y apposer son blanc seing,
d’une façon indélébile, il attendit que la jeune villageoise vienne
habiter un lieu-dit du même village qui a pour nom Calvário ; entendez
Calvaire.
Il n’y pas lieu ici de
retracer toute la biographie de la Vénérable âme-victime, c’est
pourquoi, nous utiliserons plutôt la chronologie de sa vie. Elle est
bien parlante et très explicite sur les événements qui ont dominé le
cheminement de l’apôtre de la Consécration du monde au Cœur Immaculé de
Marie.
CHRONOLOGIE
1904
30 mars — Mercredi
Saint — elle naquit à Gresufes, lieu-dit de la paroisse de Balasar,
distant d'environ 50 kilomètres de Porto, et faisant partie de
l'Archidiocèse de Braga.
2 avril — Samedi
Saint — elle fut baptisée.
1911-1912
En janvier 1911, et
jusqu’à fin juillet 1912, elle partit avec sa sœur Deolinda à
Póvoa de Varzim habiter chez des amis afin de pouvoir fréquenter
l'école, car à ce temps-là il n’existait à Balasar qu'une école de
garçons.
Ce fut à Póvoa qu'elle fit
la première Communion et à Vila do Conde — 3 kilomètres séparent les
deux villes — qu’elle reçut, en 1911, la Confirmation, des mains de
Monseigneur Antonio Barbosa Leão, évêque de Porto.
En juillet 1912
elles retournèrent toutes deux à la maison. Au mois de novembre elle
alla habiter, avec toute la famille et toujours à Balasar, une maison
qui se trouve située au lieu-dit du « Calvário ».
1913-1917
Vers l'âge de 9 ans, elle
commença à travailler dans les champs et, plus tard elle dut travailler
comme journalière pour gagner son pain.
Au travail elle adjoignit
la prière.
Elle se vit nommée
catéchiste et membre de la chorale: elle avait une belle voix et aimait
beaucoup la musique.
Elle tomba d'un chêne.
Gravement malade elle commença alors à consulter les médecins, cessant
de travailler régulièrement.
À 12 ans sa maladie était
si grave que les derniers sacrements lui furent administrés.
1918
Le Samedi Saint,
elle sauta par la fenêtre dans le jardin, plutôt que de se laisser
violenter par trois hommes qui étaient entrés dans la pièce où, avec sa
sœur et une amie elle faisait de la couture.
Le commencement de sa
myélite comprimée à l'épine dorsale, laquelle fut reconnue plus tard par
les médecins, date de cette chute. Il en résulta une paralysie
progressive la retenant au lit pendant 30 ans.
1922
Elle partit à Póvoa pour
une cure marine (plage et bains de soleil), mais son état empira.
Elle dut faire son premier
voyage à Porto pour consulter le médecin spécialiste Abel Pacheco,
lequel informa le médecin traitant, docteur Garcia, que sa patiente ne
guérirait pas.
Pendant cinq mois
consécutifs elle ne pût se lever.
1923
En avril elle commença à se
lever et recommença à marcher s'aidant d'une chaise. Elle restera ainsi
levée pendant environ un an, souffrant beaucoup non seulement
physiquement mais aussi moralement à cause des moqueries de certains sur
sa façon de marcher et de s'asseoir.
En cette année elle eut son
premier grand chagrin : la mort de sa grand-mère. Malgré tous ses
efforts, elle ne put visiter sa chapelle ardente.
1924
27 mars — elle dut
retourner à Porto pour une nouvelle visite médicale chez le spécialiste
Jorge de Almeida.
14 avril — elle
s’alite, pour ne plus jamais se relever, sauf, au mois de juin, où elle
participa, au prix d'un grand effort, au Congrès Eucharistique National,
à Braga.
1925
14 avril — elle se
mit au lit pour ne plus jamais se relever. Sa sœur Deolinda devînt son
infirmière et son assistante en tout : elle deviendra même sa
secrétaire.
1928-1930
Elle envisage de partir à
Fatima, pour demander à la Sainte Vierge, sa guérison, lors du
pèlerinage organisé par la paroisse. Son médecin s’y oppose
formellement, ainsi que le curé de Balasar.
Ne réussissant pas à
obtenir la grâce de sa guérison, elle s'offrit comme victime pour le
salut des âmes, « sentant toujours davantage le désir d'aimer la
souffrance et de ne penser qu'à Jésus seul. »
1931-1932
Elle composa son hymne en
l'honneur des Tabernacles — rapporté dans son Autobiographie.
Lors de la récitation de
cette prière elle expérimenta souvent le phénomène de la lévitation (se
soulever à l'encontre du centre de gravitation) sentant dans son cœur de
fortes chaleurs, tout particulièrement après la Sainte Communion : ce
furent là les premiers phénomènes mystiques.
En 1932, elle se
sentit inspirée en ce qui concerne sa mission :
« Souffrir, aimer,
réparer ».
1933
6 août — le Père
Mariano Pinho sj vint à Balasar prêcher un triduum. A cette occasion
Alexandrina obtint qu'il devienne son directeur spirituel.
18 octobre — elle
s'inscrivit dans les rangs des “Filles de Marie”.
20 novembre
—célébration de la première messe dans sa chambre.
Ce même mois de novembre
elle commença à souffrir de la perte des biens matériels, suite à une
hypothèque sur la maison et sur le terrain. En effet sa mère s'étant
portée garante pour une personne et, celle-ci n'ayant pas payé la dette
contractée, il fallut honorer la caution.
1934
Elle fit cette année le
« vœu le plus parfait ».
6 septembre — après
la Communion, elle entendit Jésus l'inviter à participer à sa Passion,
mais d'une façon concrète, en se laissant transpercer les mains et les
pieds par les clous; la tête, par la couronne d'épines.
Cette invitation lui fût
répétée le 7 et le 8 septembre.
Alexandrina accepta
l'invitation, mais elle crut qu'il ne s'agissait là que d'une
augmentation de ses souffrances physiques; elle ne pensa pas un seul
instant qu'il s'agissait de choses surnaturelles.
À cette occasion elle se
sentit fortement unie à Jésus: “Il me parlait de jour comme de
nuit... Il se confiait à moi...” Alexandrina était convaincue que « souffrir,
aimer, réparer » était une inspiration qui lui venait de Jésus.
Les invitations de Jésus à
participer à sa Passion se répétèrent plusieurs fois pendant environ
quatre ans, au cours desquels Il la prépara progressivement au grand
événement qui arrivera le 3 octobre 1938: Alexandrina vécut pour
la première fois la Passion dans ses diverses phases.
14 octobre — elle
écrivit de son sang, obtenu par la piqûre qu'elle se fit sur la
poitrine, à l'aide d'une épingle, un serment d'amour à Jésus.
1935
Jésus continua de lui
demander de L'aider dans la Rédemption, par ses souffrances.
Il lui demanda de se
détacher du monde.
30 juillet — Jésus,
pour la première fois, lui fit part de son désir de voir le monde
consacré à Notre-Dame.
1936
7 juin — fête de la
Très Sainte Trinité, eut lieu la mort mystique, laquelle extérieurement
se présente tout à fait comme une mort naturelle.
1937
Fin avril elle
arriva au seuil de la mort : pendant 17 jours elle ne put rien avaler,
sauf l'Hostie consacrée.
31 mai — elle reçut
la visite du Révérend .Père Antonio Durão, sj, frère du Provincial des
Jésuites du Portugal, en sa qualité d'envoyé du Saint-Siège pour la
questionner sur la consécration du monde à Notre-Dame.
De juillet à
octobre, les assauts du démon s'intensifièrent. Dans son
Autobiographie on peut lire :
« Ce fut en juillet 1937
que le “boiteux” (nom qu'elle utilisait pour désigner le démon),
non content de tourmenter ma conscience et de me souffler des choses
affreusement ordurières, commença à me mettre en bas du lit, aussi bien
la nuit qu'à n'importe qu'elle heure de la journée... »
23 octobre — elle
entendit Jésus lui expliquer que ce genre de lutte avec le démon était
terminé. Il l'attaquera encore pour la faire horriblement souffrir, de
telle façon que les personnes qui la visitent ne s'en rendent pas
compte.
1938
5 avril — Jésus
confirme les épousailles spirituelles avec l’âme d’Alexandrina Maria.
3 octobre — en
extase, elle revécut la Passion pour la première fois, dès midi et
jusqu'à 15 heures. Le Père Pinho était présent. Dans son livre « No
Calvario de Balasar » (Sur le Calvaire de Balasar) il écrira : « nous
les présents, nous voyions se dérouler devant nos yeux le drame de la
Passion de la façon la plus concrète: Jardin des Oliviers,
emprisonnement, tribunaux, flagellation, couronnement d'épines, chemin
du Calvaire, crucifixion, mort. »
Ce jour-là, était le jour
de la fête liturgique de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus,
qu’Alexandrina considérait comme sa sœur spirituelle. Elle la vit à deux
reprises, lors de sa montée au Calvaire, au cours de cette première
“Passion”.
24 octobre — le Père
Pinho, à la suite du phénomène de la Passion vécue par Alexandrina
chaque vendredi, « écrivit directement à Pie XII pour demander la
consécration du monde à Marie »
.
6 décembre — elle
dut affronter un nouveau voyage à Porto pour des radiographies. Elle
retourna chez elle le 11 du même mois.
26 décembre — elle
reçut la visite du docteur Elísio de Moura, psychiatre fameux, qui la
traita cruellement.
1939
5 janvier — elle
reçut la première visite du chanoine Vilar, envoyé par le Saint-Siège
pour enquêter sur la consécration du monde à la Vierge. Ce fût une
« bonne rencontre ». En effet, s'établissant à Rome, le chanoine va
s’intéresser à une telle consécration.
20 janvier — Jésus
lui prédit la guerre comme châtiment pour les grands péchés.
20 mars — Jésus lui
prédit, au sujet du nouveau Pape — Pie XII — que celui-ci fera la
consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie.
13 juin — Jésus lui
prédit la guerre comme châtiment pour les grands péchés.
16 juin — elle
demande une fois encore au Saint-Père — et ce sera la dernière — la
consécration du Monde à Marie.
28 juin — comme déjà
le 20 janvier et le 13 juin, elle entendit Jésus lui prédire la guerre
comme châtiment pour les grands péchés.
Alexandrina s’offrit comme
victime pour la paix.
Toute l'année durant elle
fut tourmentée par de violentes fièvres. A certains moments elle crut
perdre toutes ses facultés et resta sans pouvoir parler. D'autres fois
elle eut des douleurs si violentes qu'elle ne put même pas s'alimenter.
Le 8 décembre — fête de l'Immaculée Reine du Portugal dont l'église de
Balasar possède une merveilleuse statue — après l'extase de la Passion,
elle fut atteinte d'une colique qui dura une heure et demi.
Vers le mois de novembre,
une bienfaitrice de Lisbonne, Fernanda dos Santos, offrit la somme
dégageant la maison de l'hypothèque. Le terrain ne fut libéré qu'en
1941.
1940
Cette année aussi, à
plusieurs reprises, Jésus insista sur la consécration du monde à sa Mère
bénie.
En tant que victime
expiatoire, Alexandrina souffrit elle même les peines des damnés.
4 juillet — elle
s'offrit comme victime, avec d'autres âmes-victimes, pour obtenir qu'au
moins le Portugal soit épargné de la guerre.
Jésus accepta et s'empressa
de répondre : « Cherchez et vous recevrez; demandez avec foi. Le
Portugal sera sauvé: c'est Jésus qui te le dit et Il ne trompe pas ».
Et c'est ce qui arriva.
15 septembre — elle
écrivit deux lettres: une au Patriarche de Lisbonne, le Cardinal
Cerejeira, et l'autre au chef du Gouvernement, Salazar, pour leur
demander de faire ce qui était en leur pouvoir afin de freiner les
débordements de l'immoralité.
Elle se décida à cette
démarche parce que le 12 septembre, pendant l'extase, elle vit Jésus
plus attristé que jamais, par l'état d'immoralité et de manque d'amour
de l'humanité.
6 décembre — elle
écouta Jésus lui assurer que le Pape serait physiquement épargné par la
guerre : « le dragon orgueilleux et enragé qu'est le monde n'osera
pas toucher à son corps ».
1941
29 Janvier — le
docteur Manuel Augusto Dias de Azevedo, médecin au pays voisin :
Ribeirão do Minho, vînt pour la première fois auprès d'Alexandrina
Après avoir assisté à
plusieurs extases de la Passion, il comprit qu'il ne s'agissait pas là
d'un cas relevant uniquement de l'humain, mais aussi du surnaturel. Il
décida alors de l'étudier à fond. Il y mit toute sa science et aussi
tout son cœur. Devenant son médecin traitant: il devînt ainsi en quelque
sorte son Cyrennéen jusqu'à la fin.
1er mai —
le docteur Azevedo appela au chevet d'Alexandrina le docteur Abel
Pacheco. Étant donné que les deux médecins ne furent pas d'accord, la
nécessité de recourir à un éminent spécialiste fut avancée. On fit appel
au docteur neurologiste Gomes de Araujo.
Le docteur Azevedo voulut
que toute lumière fut faite sur le cas afin de pouvoir défendre
Alexandrina de l'accusation que celle-ci ne serait qu'une simulatrice.
« Une paralysée qui peut se mouvoir toute seule lors des extases de la
Passion! ».
15 juillet — elle
dut supporter un 4e voyage à Porto.
29 août — le Père
José Alves Terças assista à l'extase de la Passion et en rédigea le
déroulement dans un article qu'il publia.
À la fin de l'extase,
Alexandrina fut désolée de cette décision et eut le pressentiment de
tout ce qui se dirait. En effet, la publication de cet article déclencha
l'éloignement de son directeur, le Père Pinho, et mit le public au
courant de choses si intimes.
1942
3 janvier — à
l'approche de l'écartement de son directeur (ce qu'elle présenta
plusieurs fois lors des dernières extases) elle entendit Jésus lui
dire :
« L'heure de Me donner
la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme est arrivée : marche sans
lumière, en complet abandon. Tout sera mort en toi... »
7 janvier — elle
reçut la visite d'adieu du Père Pinho.
27 mars — elle
revécut pour la dernière fois — de façon visible — la Passion : c'était
le vendredi de Notre-Dame des Douleurs.
« Et par la suite, tous les
vendredis, encore que sans les mouvements, elle continua de revivre la
Passion de Jésus, pendant laquelle elle souffrait bien souvent davantage
qu'auparavant » — écrira le Père Pinho dans sa biographie “No Calvário
de Balasar”.
3 avril —
Vendredi-Saint. Commencement d’une nouvelle mort mystique, avec des
caractéristiques différentes de la première : toute spirituelle. « Le
Vendredi-Saint j’ai commencé à me sentir morte sur le Calvaire » —
fit-elle écrire dans son Journal.
13 avril — À cette
date commença le jeûne total accompagné d'une totale anurie, lequel
durera jusqu'à sa mort.
Les conditions physiques
s’aggravèrent au point que le curé lui administra les derniers
sacrements ; il continue à lui donner chaque jour la sainte Hostie.
Alexandrina dicta ses
dernières dispositions au sujet de ses funérailles et de sa sépulture.
31 octobre —
Finalement, à l'occasion du 25e
anniversaire des apparitions de Fatima — le Pape Pie XII fit, en langue
portugaise, la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie,
consécration qui sera répétée solennellement à Saint-Pierre de Rome, le
8 décembre de la même année.
Alexandrina reçut de
Fatima, à cette occasion, un télégramme du Père Pinho lui annonçant la
bonne nouvelle.
« J’ai récité le
Magnificat et j’ai allumé un cierge en l'honneur de Notre-Dame »,
peut-on lire dans la lettre envoyée au Père Pinho le 7 novembre.
1943
Du 10 juin au 20 juillet
elle resta internée à l’Hôpital de Foz do Douro (près de Porto) pour
être examinée et contrôlée au sujet de son jeûne et de son anurie.
Le directeur de l'Institut,
docteur Gomes de Araujo, après avoir constaté quarante jours durant sous
la plus stricte surveillance, qu'il n'y avait aucune simulation, en la
congédiant lui dit : “Je viendrai vous revoir à Balasar, non plus comme
médecin ou espion mais comme ami qui vous admire”.
Et à l'automne de cette
même année il se rendit à son chevet.
La conséquence de cette
reconnaissance officielle du jeûne et de l'anurie fut que beaucoup de
personnes, y compris des prêtres, s’intéressèrent au cas et vinrent lui
rendre visite. Parmi ceux-ci le Révérend docteur Gigante (lequel fut
nommé plus tard Président de la Commission pour le Procès Diocésain de
béatification), lequel restera pour toujours son ami.
Vers la fin du mois
d’octobre, elle souffrit, en tant que victime, les peines du Purgatoire.
10 octobre — elle
entendit de la Bouche même de Jésus la confirmation de la non
participation du Portugal à la guerre.
31 octobre — elle
commence à vivre les peines du Purgatoire.
1944
13 mai — elle est
mystiquement ensevelie.
3 juin — Jésus lui
confie son Cœur.
16 juin — tomba le
verdict d'une Commission d'enquête composée de trois théologiens nommés
par l'Archevêque de Braga afin d'étudier le cas d'Alexandrina: celle-ci
ne trouva rien de surnaturel ni de miraculeux et, cela malgré la
poursuite du jeûne et de la complète anurie !
21 juin — première
rencontre avec son deuxième directeur spirituel, le Père Umberto
Pasquale, salésien italien. Celui-ci devînt, effectivement, son deuxième
Père spirituel à partir du 8 septembre.
25 juin —
l'Archevêque de Braga publia une Circulaire dans laquelle il invitait à
garder le silence sur les présumés (!) faits extraordinaires attribués à
Alexandrina et interdit les visites à celle-ci même à titre
d'observation sur le point de vue religieux.
15 août — elle
s'inscrivit parmi les Coopératrices Salésiennes.
Au mois de décembre Jésus,
pendant une extase, l'appela “mère des pécheurs” et, avec Notre-Dame,
lui mit dans le cœur l'humanité entière, la lui confiant.
8 septembre — Le
Père Umberto Maria Pasquale, salésien, devient son Directeur spirituel,
en remplacement du Père Mariano Pinho, sj.
24 octobre — elle
commence à souffrir la Passion intime de Jésus, laquelle durera jusqu’à
sa mort. Ce même jour elle se sent comme étant le Tabernacle de la très
Sainte Trinité.
Pendant ce même mois
d’octobre, Alexandrina soufre, par intermittences, les peines de
l’enfer, avec des phases très intenses et poignantes.
4 novembre — le
Saint-Esprit agit en elle, d’une façon toute particulière.
10 novembre — des
flèches d’amour pénètrent son cœur.
16 novembre — elle
se reconnaît sensiblement transformé en Christ.
27 novembre — Jésus
l’appelle “Bénie de mon Père”.
29 décembre —
mariage mystique.
1945
Son état de santé devînt de
plus en plus préoccupant, y compris un malaise aux yeux: ceux-ci ne
supportent plus la lumière.
Depuis le mois d'août et,
ceci pendant environ trois mois, elle perdit quotidiennement du sang.
L'action du démon
s'intensifia, ce que Jésus continua de permettre comme forme de
réparation : l’une des plus douloureuses.
1946
Au mois de mai, comme
nouvelle forme de réparation, elle vécut le tourment des odeurs
nauséabondes, signe du péché.
Fin septembre les
articulations se déboîtèrent tellement que le 3 octobre, anniversaire de
la première crucifixion, le docteur Azevedo la fit mettre sur des
planches et banda ses bras les plaçant sur deux reposoirs en forme de “S”,
pour les attacher ensuite au chevet du lit.
Au mois de novembre elle
dut subir de nouveaux examens médicaux.
1947
20 juillet — se
croyant proche de la mort, elle écrivit de sa propre main, avec beaucoup
d'efforts, une lettre-testament adressée à tous les pécheurs.
Depuis cette année et
jusqu'à sa mort elle ressentit même en dehors des extases de la Passion,
de jour comme de nuit, les douleurs de ses stigmates — lesquels, à sa
demande, restèrent toujours invisibles.
1948
14 juillet — elle
écrivit, toujours de sa propre main, le deuxième testament spirituel
adressé aux pécheurs, choisi par la suite comme épitaphe pour sa tombe.
23 septembre — elle
reçut la dernière visite de son deuxième directeur, obligé de retourner
en Italie. Toutefois, elle lui envoya toujours son Journal, écrit par
obéissance, jusqu'à la mort.
En décembre vînt la visiter
le secrétaire de l'Archevêque de Braga, le docteur Sebastião Cruz,
professeur de l’Université de Coimbra. Il en fût très favorablement
impressionné : la réconforta et revînt diverses autres fois la visiter.
1949
Son état physique continua
d'empirer : elle fut souvent atteinte de fortes fièvres accompagnées de
douleurs aiguës.
Son état spirituel,
s'intensifia de plus en plus. Elle reçut de Jésus la confidence comme
quoi sa mission était pour les âmes et qu'au ciel elle la continuerait.
1er octobre
— la Vierge du Rosaire lui apparut. Elle lui apporta le Rosaire avec
lequel elle doit attacher le monde.
Pendant les années qui
suivront, des apparitions analogues se répéteront.
1950-1952
10 mars 1950 —
Alexandrina a la vision de l’enfer : « J'ai vu l'enfer ouvert, d'où
sortaient d'épouvantables flammes. J'ai entendu des rougissements et des
cris impossibles à décrire. »
14 avril 1950 — elle
fêta ses noces d'argent de grabataire: une messe fût célébrée dans sa
chambre.
La souffrance acceptée avec
amour, demandée avec la plus humble et amoureuse ferveur, l'élevèrent à
une telle hauteur d'imitation du Christ qu'un jour elle reçut de Jésus
cette confidence :
« Tu as la vie, tu as
l'amour: tu vis comme Jésus et aimes comme Jésus: tu vis Ma vie, tu
aimes avec Mon amour. »
Les gens qui venaient la
visiter affluaient de plus en plus et, à leur encontre, l'Archevêque de
Braga publia, en septembre 1952 une interdiction de ces visites.
Mais fin novembre de cette
même année 1952 cette note fut annulée, sous l'insistance des prêtres.
Le nombre de visiteurs
augmenta de nouveau: sa mission d'évangélisation était en plein essor:
porter les âmes à Jésus.
Dans le même temps, en tant
que victime dont la mission est avant tout la réparation, elle endura
encore une autre souffrance, parmi les plus graves et douloureuses :
elle sentit l'inutilité de toute sa vie, de toute son œuvre, de
l'offrande de toute sa souffrance.
1953
Cette année fut une année
exceptionnelle en ce qui concerne l'évidence surprenante de l'action
divine sur Alexandrina: ce n'est que d'en-Haut, en effet, que pouvait
lui venir une telle condition physique, une telle force pour supporter
le poids de tant de fatigues accumulées à la suite des milliers de
visites qu'elle reçut en cette période. Ils passaient devant son lit par
groupes. Le 25 mars plusieurs centaines, le 9 mai environ deux mille, le
5 juin cinq mille, le 6 juin six mille, le 29 juin environ quinze mille.
Elle leur parla des choses du Ciel, les stimula au repentir, des heures
durant. Le 9 mai pendant 9 heures et demi avec un arrêt de 45 minutes;
le 6 juin pendant 12 heures avec un arrêt de 45 minutes également.
Pendant l'extase du 15
mai elle entendit Jésus lui dire :
« ...Tu vis la vie
publique de Jésus. Courage, courage, épouse très chère ! ».
Et voici donc de quelle
façon Alexandrina supporta cette marée, marée qui lui causait non
seulement beaucoup de fatigue mais aussi beaucoup de répugnance parce
qu'elle se sentait indigne d'être l'objet de tant de visites et
craignait d'être prise pour meilleure qu'elle n'était en réalité. Dans
son Journal on peut lire :
« Le fait même de
recevoir tant de milliers de baisers des personnes qui s'approchent de
moi, je décidai de l'offrir à Jésus, comme si ceux-ci étaient déposés
sur son Front, Lui demandant de bien vouloir les accepter comme autant
d'actes d'amour pour les Tabernacles, pour l'honneur et la gloire de la
Très Sainte Trinité et de la Maman, et de tout reverser sur les
visiteurs ».
Dans cette période de sa
vie beaucoup de personnes étaient admises dans sa chambre, parmi
lesquelles des prêtres, y compris pendant l'extase du vendredi; cela
donnait un caractère public aux extases. Cela causait une souffrance
supplémentaire à Alexandrina Maria : « Les humiliations me
couvraient les yeux: le fait de me sentir entourée de monde, me
procurait, pour ainsi dire, la mort », dit-elle dans son Journal du
6 novembre.
À la suite de ces extases,
quand Alexandrina finissait de revivre la Passion, elle sentait en elle
Jésus ressuscité qui, à travers ses lèvres s'adressait à l'humanité, aux
pécheurs, d'une façon attristée et solennelle. Alexandrina parlait
longtemps avec chaleur, fréquemment elle chantait les beautés et les
exhortations de Jésus. Elle chantait des hymnes de louange, d'action de
grâces, de repentir, de supplique. D'autres fois elle chantait en
colloque avec Jésus qui lui demandait son amour et elle Lui en offrait.
Certaines de ces extases
sont enregistrées.
Lors de ces extases
publiques on comprenais d'une façon très claire la volonté de Jésus à
démontrer l'intervention du surnaturel: en dehors de ces moments-là,
Alexandrina faisait un très grand sacrifice pour parler : « à chaque
mouvement des lèvres on dirait qu'un jet de sang s'échappe de mon cœur
pour arriver à mes lèvres », dit-elle dans son journal du 30
janvier. D'autres expressions analogues se trouvent à différentes autres
pages de ses écrits.
25 décembre — elle
eut sa dernière extase publique :
« Je suis descendu du
ciel et me voici pour la dernière fois dans le cœur de mon épouse pour
parler à travers ses lèvres ».
Cette extase se termina par
un chant d'adieu et d'au-revoir au Ciel.
1954
Son état physique continua
d'empirer. Elle devint presque aveugle : « le corps ressemble à
l'âme: il n'a pas de vie, pas de lumière », peut-on lire encore dans
son Journal du 24 décembre.
Au mois d'avril de cette
même année ce fut le 12e anniversaire du commencement de son
jeûne. Elle entendit de Jésus ces paroles :
« Ma fille, Je t'ai
placée dans le monde et Je fais en sorte que tu vives uniquement de Moi
pour prouver au monde ce que peut l'Eucharistie, ce qu'est Ma vie dans
les âmes: lumière et salut pour l’humanité » — elle ne vivait que de
la Communion quotidienne
Le jeûne la faisait
souffrir: la nostalgie de l'aliment solide. Mais Alexandrina souffrait
bien davantage d'un autre genre de faim: la faim que le monde avait de
ses souffrances de victime pour se sauver et la faim d'âmes dont
souffrait Jésus.
Jésus lui ayant souvent dit
que sa souffrance sauvait les âmes, les alimentaient et en même temps
leurs donnaient vie, Alexandrina avait donc l'impression d'être
avidement dévorée par les pécheurs.
C'est très impressionnant
et en même temps très claire ce qui se lit dans une lettre écrite au
Père Pinho le 12 décembre :
« Nouveau martyre pour
mon âme. Elle est comme une tige effeuillée; à ses fibres sanguinolentes
ils viennent sucer tout mon être, tout mon sang et s'accrochent à ces
fibres: il s'agit pourtant d'un être qui a la taille du monde, mais ils
arrivent en bandes, ils sont très nombreux. Mais ce quelqu'un qui
représente le monde et les autres qui se présentent en bandes ont des
mains avec des griffes, des yeux hagards, des cheveux en désordre, ce
sont des affamés, insatiables, ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus de sang, je
n'ai plus rien à leur donner. L'âme se fatigue et meurt de faiblesse.
Mais celle-ci aussi a
une faim infinie, ce qui vient augmenter le tourment de mon corps. Cette
faim de l'âme est causée par la nostalgie de l'alimentation: j'ai la
nostalgie de tous les aliments, de tous; et même quand je me sens
rassasiée, je sens un vide que seul le monde pourrait remplir...
Jésus, lors d'une extase
me dit que ce que je ressens dans mon âme c'est le monde, ce sont les
âmes qui voient déjà les peines de l'enfer, qui s’agrippent aux fibres
de mon âme afin de sucer tout mon sang pour éviter de se perdre. Et
quelle faim infinie est la Sienne » (faim d'âmes).
1er octobre
— premier vendredi du mois, après la Passion, Jésus lui apparut. De ses
plaies sortaient des rayons de lumière, lesquels allaient frapper les
plaies de ses pieds, des ses mains et de son cœur. Elle entends Jésus
lui dire :
« Comme Je l'ai demandé
à Marguerite-Marie [Alacoque], Je veux que toi, à ton tour, tu fasses se
développer dans le monde cet amour éteint dans le cœur des hommes...
Fais, ô mon épouse, fais que se propage dans le monde entier cet amour
de nos Cœurs ». (de Jésus et Marie).
Pendant cette dernière
période de sa vie, elle expia de façon particulièrement douloureuse les
péchés contre la foi et contre l'espérance, bien qu'elle fût tourmentée
par les doutes sur la foi jusqu'en 1939.
1955
7 janvier — Jésus
lui fit comprendre qu'elle mourrait en cette année.
28 janvier — Jésus
lui dit : « Tu es inscrite au nombre de mes saints. »
4 février — le Père
éternel lui dit : « Tu es notre fille bien-aimée, sur laquelle
étaient posés nos regards. »
6 mai — La Vierge
Immaculée lui dit : « Bientôt, je vais venir te chercher ! »
Le secrétaire de
l'Archevêque de Braga, le Père Sebastião Cruz qui la compris fort bien,
la visita souvent en cette période, pour la réconforter.
La lutte pour la foi
continua toujours intensément.
Dans son dernier Journal,
le 2 septembre l'on peut lire :
« Dans une angoisse
lancinante je répétais mes actes de foi : “Je crois, Jésus, je crois que
c'est pour moi que vous êtes né, que c'est pour moi votre Jardin des
Oliviers, votre Calvaire. Je crois, je crois, Jésus, je crois !”
Mon abîme était noir et
si profond que seul Dieu pouvait y pénétrer: c'est que fit Jésus. Il est
descendu jusqu'à mes profondeurs, ramena à la superficie mon pauvre être
et l'illumina avec quelques rayons de Sa lumière.
“Viens ici, Ma fille,
lumière et flambeau du monde ! Toi qui es ténèbre inégalable, tu es
lumière qui brille, phare que tout illumine: la ténèbre est pour toi, la
lumière, elle est pour les âmes.
Viens ici, lumière dont
Je suis la source, phare dont Je suis le phare”. »
13 octobre — très
doucement, le sourire aux lèvres, Alexandrina Maria remit son âme entre
les mains de l’Époux tant aimé.
Elle avait demandé à Jésus,
de mourir, si possible un jeudi, jour de l’Eucharistie ; mais elle
aurait aimé mourir, pareillement en un jour consacré à la Sainte Vierge.
Le Seigneur a comblé ses deux souhaits. En effet, le 13 octobre 1955
était un jeudi et, en même temps, l’anniversaire de la dernière
apparition de la Sainte Vierge à Fatima.
1965
Le Père Umberto Pasquale,
salésien, deuxième directeur spirituel d’Alexandrina, invité par
l’archevêque de Braga, met en branle le procès diocésain, sur les vertus
et la réputation de sainteté d’Alexandrina.
1966
Tous les écrits
d’Alexandrina sont recueillis, envoyés par un grand nombre de
destinataires.
1967
Ouverture du procès
diocésain sur tous les écrits. Les témoins, au nombre de 48, commencent
à être interrogés.
1973
En présence du Postulateur
Salésien, on procède à la clôture du procès diocésain. — Le 21 mai,
la Sacrée Congrégation pour la cause des Saints, procède à l’ouverture
des deux caisses contenant tous les documents recueillis.
1974
26 mars, le premier
théologien, chargé par le Saint-Siège, donne un avis favorable sur les
écrits de la Servante de Dieu.
1976
30 novembre, avis
favorable donné par le deuxième théologien.
1977
La Sacrée Congrégation pour
la Doctrine de la Foi donne son “Nihil obstat” pour la suite de
la cause.
1978
18 juillet, les
restes mortels d’Alexandrina sont transférés du cimetière et déposés
dans une chapelle aménagée à cet effet, dans l’église paroissiale de
Balasar.
La Sacrée Congrégation pour
la cause des Saints, par un décret, approuve les écrits de la Servante
de Dieu.
Au mois de septembre, la
Postulation publie le “Summarium”, où sont consignés tous les récits des
témoignages recueillis lors du procès diocésain.
1979
Des “Lettres
Postulatoires” sont demandées aux Cardinaux et Évêques, à la
Conférence Épiscopale du Portugal et à d’éminentes personnalités de
l’Église pour demander au Saint-Père la béatification Alexandrina Maria
da Costa.
1983
31 janvier signature
du décret d’introduction de la cause de béatification auprès de la
Sacrée Congrégation pour la cause des Saints.
1991
8 janvier,
présentation officiellement, à la Sacrée Congrégation pour la cause des
Saints, par le Rapporteur, d’un gros volume appelé “Positio super
virtutibus”. Dans celui-ci, sont recueillis tous les documents afin que
puisse être déclarée l’héroïcité des vertus de la Servante de Dieu.
1996
12 janvier, l’héroïcité de
ses vertus est reconnue, d’où le titre de “Vénérable” accordé à
Alexandrina Maria.
2004
25 avril, béatification à
Saint-Pierre de Rome par le Pape Jean-Paul II.
Autobiographie
Après quelques moments de
prière, implorant le secours du ciel et la lumière de l’Esprit Saint,
afin de pouvoir faire ce que mon directeur spirituel m’a ordonné, je
commence à écrire ma vie, telle que Notre Seigneur me la rappellera,
bien que cela soit pour moi bien pénible.
Je
m’appelle Alexandrina Maria da Costa. Je suis née à Balasar —
arrondissement de Póvoa de Varzim, district de Porto — le 30 mars
1904.
J’ai été baptisée le samedi
suivant,
2 avril. Mon oncle Joaquim da Costa et une dame prénommée Alexandrina,
de Gondifelos,
ont été mes parrain et marraine.
Je trouve en moi, depuis ma
plus tendre enfance, tant de défauts, tant et tant de méchancetés qui,
comme celles d’aujourd’hui, me font trembler. J’aurais bien aimé que,
depuis le début, ma vie ait été pleine de beauté et d’amour envers Notre
Seigneur.
Avant l’âge de trois ans,
je ne me souviens de rien, si ce n’est que quelques bribes racontées par
les miens. À l’âge de trois ans, j’ai eu la première “caresse”
de Jésus.
Je devais rester tranquille
auprès de ma mère qui se reposait, mais, bouillonnante comme j’étais, je
ne voulais pas dormir, alors je me suis levée. Ensuite je me suis
penchée vers un flacon de produit pour les cheveux, comme on utilisait
alors: je voulais imiter les grands. À ce moment-là, ma mère s’est
réveillée et m’ayant appelée angoissée, j’ai pris peur. Le flacon m’est
tombé des mains et s’est fracassé par terre en mil morceaux; et moi, je
suis tombée par-dessus, me blessant gravement au visage.
Immédiatement transportée chez le médecin, celui-ci a déclaré ne rien
pouvoir faire pour moi. Ma mère m’a conduite alors à Viatodos,
chez un pharmacien fameux qui m’a posé trois points de suture. J’ai
beaucoup souffert: si seulement j’avais su à ce moment-là profiter de la
douleur ! Mais non ! Au contraire, j’ai même été méchante envers le
pharmacien, refusant les biscuits trempés dans le vin qu’il m’offrait
pour me calmer. Voila mon premier acte de méchanceté.
Vers quatre ans, j’aimais
m’attarder à contempler la voûte du ciel. Plus d’une fois j’ai demandé
aux miens s’il n’était pas possible, en empilant les maisons et les
auberges, les unes sur les autres d’arriver au ciel. À leur réponse
négative, j’éprouvais une grande tristesse et une grande nostalgie. Je
ne sais pas ce qui m’attirait là-haut.
À cette même époque, l’une
de mes tantes qui est décédée par suite d’un cancer, habitait avec nous.
Déjà malade, elle me demandait de surveiller son enfant, premier fruit
de son mariage. Volontiers, je lui rendais ce service, de jour comme de
nuit.
De la même façon, j’aimais
me joindre à sa prière pour obtenir de Dieu sa guérison.
Lorsque, âgée de cinq ans,
j’ai commencé à fréquenter le catéchisme, un grand défaut est apparu :
mon entêtement. Un jour je suis allée au catéchisme et le coadjuteur de
monsieur l’Abbé, le Père António Matias m’a assigné une place parmi les
enfants de mon âge, mais moi, je voulais aller parmi les plus grands,
avec lesquels j’avais l’habitude de jouer. Malgré l’insistance et les
promesses du Révérend, je n’ai pas cédé. Quelques jours plus tard, le
Père finit par me convaincre et est devenu mon ami ; il m’abritait même
de la pluie, de chez moi à l’église et de l’église à chez moi. Mais ce
qui est certain c’est que j’était très têtue..
À l’église, je restais
volontiers à regarder les statues. Elles m’attiraient; tout
particulièrement celles de Notre-Dame du Rosaire et de saint Joseph.
Leur habillement somptueux éveillait en moi le désir d’être élégante
comme eux, pour paraître bien. N’était-ce pas là une preuve de ma
vanité ? Je voulais avoir, moi aussi, d’aussi beaux habits, pour
paraître belle.
En même temps que ces
défauts, j’exprimais, vers ce même âge, mon amour envers la Maman du
ciel : je chantais avec enthousiasme ses louanges et j’apportais des
fleurs aux dames qui avaient la charge de fleurir son autel.
J’étais tellement vive,
qu’on m’appelait « Marie-garçon ». Je dominais non seulement les
filles de mon âge, mais aussi les plus âgées.
Je grimpais aux arbres et
je marchais de préférence sur les murs que sur la route
.
J’aimais bien travailler :
je faisais le ménage, je ramassais le bois et je faisais d’autres
travaux domestiques ; j’aimais bien que le travail soit bien fait et
j’aimais aussi être habillée proprement.
Un jour, alors que j’étais
dans un pâturage, avec ma sœur Deolinda
et une cousine, un âne s’est sauvé dans un champ cultivé. J’ai couru le
chercher, mais, avec un coup de tête, il m’a jetée par terre, et avec sa
pâte il a commencé à me gratter la poitrine, comme s’il voulait jouer.
Il a répété son jeu plusieurs fois, mais ne m’a fait aucun mal. Mes
compagnes se sont mises à crier : très vite plusieurs personnes sont
accourues et sont restées étonnées de me voir saine et sauve.
Quand je rencontrais
certaines de mes cousines qui habitaient loin de là, je chantais avec
elles, sur les chemins, l’Avé Maria. J’aimais aussi chanter des chants
populaires et, je me souviens encore du premier que j’ai chanté et qui
disait ceci :
O Marie, donne-moi du feu
Car je le vois d’ici briller
Laisse échapper ton amour
Je l’ai vu en toi rentrer.
Une autre fois, avec ma
sœur Deolinda, nous sommes allées rendre visite à ma marraine. Pour
arriver plus vite, nous avons décidé de traverser la rivière Este, en
sautant sur les pierres qu’y avaient été mises à cet effet. Mais la
force du courent était telle, que les pierres ont roulé sous nos pieds.
Tombées à l’eau, nous ne nous sommes sauvées que par miracle.
J’aimais beaucoup visiter
ma marraine, parce que, à chaque fois, elle me donnait de l’argent. Peu
après elle est décédée et ce fut là mon premier chagrin. Je la
regrettais, mais je regrettais aussi le gâteau de Pâque et les habits
qu’elle m’avais promis pour mes sept ans. Ma grand-mère la suppléa et
chaque année m’offrait un gâteau à Paque.
Âgée de six ans, il
m’arrivait de rester, la nuit, de longs moments, à voir tomber sur moi
des milliers de pétales des fleurs multi couleurs : ont dirait une pluie
fine. Ceci se répéta plusieurs fois. Je voyais tomber ces pétales, mais
je ne comprenais pas ; peut-être étai-ce Jésus qui m’invitait à
contempler ses grandeurs.
En janvier 1911, avec ma
sœur, nous avons été envoyées à Póvoa de Varzim,
afin de pouvoir fréquenter l’école
.
La pensée de ce que cela m’a coûté de quitter ma famille me répugne.
Pendant longtemps, j’ai beaucoup pleuré. Pour me distraire, on me
comblait de caresses et on cédait à tous mes caprices. Après un certain
temps, je me suis résignée. J’ai, toutefois, continué à être gamine : je
m’agrippais derrière les tramways, pour de longs parcours; je traversais
la route au moment où ceux-ci démarraient : les conducteurs ont été
obligés de se plaindre à ma nourrice. Souvent je m’enfuyais de la maison
pour aller sur la plage ramasser les algues: je pénétrais dans l’eau
comme les pêcheurs. Ce qui affligeait le plus ma nourrice, c’était que
je m’absentais en cachette.
À Póvoa de Varzim j’ai fait
ma première communion. Le Père Alvaro Matos m’a examinée sur le
catéchisme, m’a confessée et m’a donné la Communion pour la première
fois. J’avais alors 7 ans. Comme prix j’ai reçu un beau chapelet et une
image pieuse. J’ai communié à genoux et, malgré ma petite taille, j’ai
pu fixer la sainte Hostie, de telle manière qu’elle s’est imprimée en
mon âme. J’ai cru alors m’unir à Jésus pour ne plus être séparée de Lui.
Il a pris possession de mon cœur, ce me semble. La joie que je
ressentais était inexprimable. À tous j’annonçais la bonne nouvelle. Ma
maîtresse, désormais, me menait chaque jour à la communion.
Ce fut à Vila do Conde,
que j’ai reçu, des mains de Son Excellence l’Évêque de Porto,
le sacrement de Confirmation. Je me souviens, très bien, de cette
cérémonie et de la joie qu’elle m’a procurée. Au moment où je recevais
ce sacrement, je ne sais pas bien expliquer ce que j’ai ressenti: on
dirait une grâce surnaturelle qui me transformait et qui m’unissait plus
profondément à Notre-Seigneur. Je voudrais bien expliquer tout cela,
mais je ne le sais pas.
Au four et à mesure que je
grandissais, le désir de prier augmentait en moi. Je voulais tout
apprendre. Encore aujourd’hui je garde le livret de prières et de
dévotions de mon enfance: prières à la Sainte Vierge, offrande
quotidienne au Seigneur de mes actes journaliers, prière à l’Ange
gardien, à saint Joseph, et plusieurs prières jaculatoires.
Quand je sortais en
promenade avec ma nourrice et avec d’autres enfants, je m’éloignais pour
cueillir des fleurs que j’allais ensuite déposer dans la chapelle de
Notre-Dame des Douleurs.
Au mois de mai, je me
réjouissais à contempler les autels de la Vierge, ornés de fleurs et
heureuse aussi, quand ma mère m’y conduisait dans ce but.
Le chapelain de l’église de
Notre-Dame des Douleurs organisait des comités d’enfants pour le culte
envers Marie. Dans le village, des voisines s’occupaient de recueillir
des denrées alimentaires
.
Je me souviens qu’un jour, à Aguçadoura, on nous a donné très peu. Nous
avons eu alors la malheureuse idée d’entrer dans un champ de pommes de
terre: nous y avons cueilli presque deux kilos.
J’aimais beaucoup ma
nourrice. Quand je recevais quelque présent, je lui en rendais toujours
compte, pour lui faire plaisir: je le faisais de tout cœur, malgré que
je sois bien méchante.
Un jour, ma sœur lui a
demandé d’aller faire ses devoirs chez une copine et moi, je me suis
entêtée à la suivre. La dame s'y opposant formellement, j’ai pleuré de
dépit et je l’ai gratifiée d’un sobriquet. Elle ne m’a pas punie, mais
elle m’a prévenue que je ne pourrais pas aller me confesser sans lui
avoir, auparavant, demandé pardon. Ma sœur aussi m’a dit la même chose.
Lui demander pardon, me coûtait beaucoup, mais le désir de me confesser
et de faire la Communion était si grand, qu’il a pris le dessus sur mon
orgueil. Je me suis agenouillée devant elle et elle m’a pardonné, les
larmes aux yeux. J’ai éprouvé une très grande joie du fait de pouvoir
aller me confesser et de recevoir Jésus.
Pour cette même période, je
me souviens aussi du respect que j’avais vis à vis des prêtres. Quand,
étant assise sur le pas de la porte, seule ou accompagnée, je voyais
passer l’un d’eux, je me levais pour lui demander sa bénédiction. Ayant
remarqué que certaines personnes s’en étonnaient, ce qui me réjouissait,
je m’asseyais exprès, afin de pouvoir me relever aussitôt qu’un ministre
du Seigneur passait par là, lui montrant ainsi ma vénération envers eux.
Après 18 mois, ma sœur
ayant obtenu son diplôme, nous avons quitté Póvoa. Ma mère voulait que
je continue ma scolarité, mais je n’ai pas voulu rester toute seule. Je
n’avais pas appris grand chose.
Nous sommes retournées,
pour quatre mois encore, habiter Gresufes,
où je suis née. Ensuite, nous sommes venues habiter plus près de
l’église, dans une maison appartenant à ma mère, au lieu-dit “Calvário”
Vers les neuf ans, quand je
me levais de bonne heure pour les travaux des champs et que je pouvais
être seule, je m’extasiais à contempler la nature: l’aurore, le lever du
soleil, le chant des oiseaux, le gargouillement de l’eau me pénétraient
et me transportaient à une si profonde contemplation qu’un peu plus
j’oubliais que je vivais dans le monde. Je restais là, absorbée par
cette pensée: combien grand est le pouvoir de Dieu !
Lorsque je me trouvais au
bord de la mer, je m’extasiais devant cette grandeur infinie.
La nuit, en contemplant le
ciel et les étoiles, je me perdais dans l’admiration des beautés du
Créateur.
Combien de fois, dans mon
petit jardin, j’admirais le ciel, j'écoutais le murmure de l’eau et je
pénétrais chaque fois davantage dans l’abîme des grandeurs divines !
Quel dommage que je n’ai
pas su profiter de ces moments-là pour m’adonner à la méditation.
Malgré mon espièglerie,
j’avais une très grande peur de perdre mon innocence et de m’attirer la
désapprobation de Dieu. Je me souviens d’avoir dit deux paroles que j’ai
considérées comme étant un péché: j’en ai eu honte et, il m’a été très
pénible de les confesser.
Je n’aimais pas les
conversations malicieuses. Même si je n’en comprenais pas le sens, je
menaçais de ne plus accompagner ceux qui ne seraient pas corrects. De la
même façon, je m’indignais quand je voyais quelque geste déplacé.
À l’âge de neuf ans, j’ai
fait ma première confession générale à frère Manuel das Santas Chagas
qui prêchait à Gondifelos. Moi, Deolinda et ma cousine Olívia, ayant
pris quelques victuailles, nous y sommes allées, et nous y sommes
restées toute l’après-midi pour écouter le sermon. Je me souviens que
nous ne sommes même pas sorties de l’église pour aller jouer. Nous avons
pris place tout près de l'autel du Sacré-Cœur de Jésus, j'ai placé mes
sabots à l'intérieur de la balustrade.
Le sermon avait pour sujet
l’enfer.
J'ai écouté avec beaucoup
d'attention le prédicateur qui, à un certain moment, nous invita à nous
transporter, par la pensée, en ce lieu. Incapable de comprendre le vrai
sens de cette invitation et, persuadée que le Père était un saint, je
suis restée convaincue, que d'un moment à l'autre, il nous y amènerait.
Placée en face de cette conjecture, je me suis révoltée et me dis à
moi-même: “en enfer, moi je n'irai pas ! Si le Père et tous les
autres veulent y aller, moi, je prends mes jambes à mon coup et je
m'échappe promptement”.
Et, sans plus attendre,
j'ai ramassé mes sabots afin d'être prête à fuir à la première alerte.
Quand j'ai remarqué que personne ne bougeait, alors je me suis un peu
calmée... Mais, mes sabots, je ne les ait plus quitté des yeux...
J’aimais beaucoup ma sœur,
mais quand je me fâchais avec elle, je lui jetais tout ce qui se
trouvait à portée de main. Je me souviens de l’avoir fait deux fois et
je me suis senti un devoir de le confesser.
J’adorais lui faire des
farces. Quelques fois, me levant avant elle, je mettais des pièges sur
le pas de la porte, pour la faire tomber, comme pour lui dire qu’elle
était paresseuse.
Je lui ai même fait de
farces de mauvais goût. Un jour, ayant soulevé le couvercle d’un bahut,
je l’ai laissé tombé, avec un grand fracas et, ensuite, je me suis mise
à crier, comme si je m’étais coincée les mains. Deolinda est venue
aussitôt, effrayée et angoissée... Moi, je rigolais de bon cœur.
Dans le cocon familial,
j’étais le boute-en-train. Ma mère avait l’habitude de dire, à ce sujet:
“Les riches ont leurs bouffons; je ne suis pas riche, mais j’en ai un
aussi”.
À l’âge de douze ans,
Deolinda a commencé son cours de couturière. La première pièce
confectionnée, a été une chemise pour moi ; mais, par sa taille, ont
dirait plutôt une chemise de garçon. Moi, malgré mes neuf ans, je me
suis moquée d’elle. J’ai enfilé la chemise sur mes habits et je me suis
rendue à la maison. Ma sœur, riant à tout rompre, me suppliait :
— “Enlève cette
chemise ! T’as pas honte de te donner en spectacle de cette manière ?”
Je n’en ai pas tenu compte
et... riant, moi aussi, j’ai parcouru les quelques cinq cents mètres qui
me séparaient de la maison.
Par un bel après-midi, je
suis partie me promener, avec mes cousines, sur une petite colline non
loin de chez moi, où se trouvaient quelques ânes qui broutaient
tranquillement. Ne sachant même pas monter à cheval, je me suis hasardée
à sauter sur la croupe de l’un d’eux. Quelques instants après, je suis
tombée sur un gros tas de ronces, mais heureusement ne m’étant pas
blessée, nous avons toutes bien rigolé.
À l’âge de 16 ans, déjà
malade, je suis allée à la maison où ma sœur faisait la couture. Ayant
trouvé, suspendu, un habit d’homme, je l’ai enfilé et, dans cet
accoutrement, je me suis présentée devant ma sœur et sa patronne. Elles
ont rigolé de bon cœur. La patronne me suggéra de sortir dans le chemin
— ou ses enfants et son mari se trouvaient, pour tailler la vigne —
habillée de la sorte. Doutant qu’ils puissent me reconnaître, j’ai obéi.
En passant tout près d’eux, je les ai salués, en leur tirant mon
chapeau. Pendant quelques instants, ils ont arrêté leur travail et m’ont
observée un moment, se demandant: — “Mais qui est donc ce jeune
homme ?” — Ma sœur et sa patronne, de la fenêtre, suivaient la
scène, en riant aux éclats.
En me souvenant maintenant
de ces pitreries, je regrette de les avoir commises. Il aurait mieux
valut aimer davantage le bon Dieu.
Quand j’apprenais que
quelqu’un n’avais pas de quoi se couvrir suffisamment, je demandais à ma
mère de m’en fournir le nécessaire à cet effet.
Souvent j’allais tenir
compagnie à ceux qui souffraient.
J’ai assisté à la mort de
certains, priant comme je le savais.
J’aidais à habiller les
défunts, même si cela me coûtait beaucoup ; je le faisais par charité.
Je n’avais pas le courage de laisser les parents du défunt tout seuls.
Je leur rendais volontiers ces services, les voyant si pauvres.
Je me souviens de quelques
cas.
Je suis allée visiter un
homme malade. Je l’ai trouvé recouvert de haillons. Aussitôt j’ai couru
chez moi et j’ai demandé à ma mère deux couvertures. Elle me les prêta
volontiers. Je les ai emportées et je suis restée pour tenir compagnie à
la fille du malade, lequel a vécu encore douze jours.
Une fille est venue, un
jour nous informer que l’une de ses voisines était sur le point de
mourir. Ma sœur a pris son livre de prières, de l’eau bénite et s’en est
allée rapidement chez la malade. Deux de ses élèves l’accompagnaient.
Deolinda a commencé la prière pour obtenir une bonne mort. Elle était si
émotionnée, qu’elle tremblait. Les prières terminées, la dame est
décédée. Alors Deolinda nous a dit :
— J’ai fait ce que j’ai
pu; je suis incapable d’en faire davantage. — Et elle est partie.
À ce moment-là, une parente
arrivait. J’ai observé la fille de la défunte et je n’ai pas eu le
courage de la laisser toute seule. Je suis restée pour l’aider à laver
et à habiller la dépouille mortelle qui était couverte de plaies et
exhalait une odeur répugnante. Je sentais que d’un moment à l’autre
j’allais vomir. Une dame qui nous observait de la chambre voisine, a
remarqué mon malaise et est sortie dans le jardin chercher quelques
feuilles parfumées pour me les faire sentir. Je n’en suis repartie que
quand la défunte a été bien installée dans son lit.
Je devais avoir 11 ou 12
ans lorsque l’un de mes oncles, qui habitait le lieu-dit de
Sainte-Eulalie,
a été atteint de la fièvre espagnole. Ma grand-mère, puis ma mère se
sont relayées pour le secourir, mais elles aussi ont été atteintes par
la maladie. Alors, encore que bien jeune, j’y suis allée avec ma sœur.
Une nuit, mon oncle est
mort. Nous y sommes restées jusqu’à la Messe du septième jour.
Une fois, il a fallu aller
chercher du riz, mais en traversant la chambre où se trouvait le corps
de mon oncle. Arrivée au seuil de la porte, la peur m’a envahie; je n’ai
pas eu le courage d’y entrer; il a fallu que ma grand-mère m’accompagne.
L’autre soir j’ai été chargée de fermer la fenêtre de cette même
chambre. Arrivée dans la salle contiguë de celle-ci, je me suis
encouragée moi-même, me disant : — “Je dois vaincre la peur.” —
Et, ce disant, en marchand doucement, j’ai ouvert la porte et je me suis
rendue dans la chambre où se trouvait la dépouille de mon oncle. Depuis
lors, je n’ai plus jamais eu peur: j’avais vaincu de ma peur.
J’aimais beaucoup faire
l’aumône aux pauvres. Combien de fois j’ai pleuré, parce que impuissante
à les aider selon leurs besoins! Je me sentais heureuse de me priver de
ma propre alimentation, pour eux.
Malgré ma jeunesse, il
m’arrivait souvent de donner des conseils à de plus âgés que moi
.
Je les réconfortaient comme je le savais, obtenant que certains ne
commettent pas le mal
.
Des confidences qui m’étaient faites, j’ai toujours gardé le plus
rigoureux secret.
Je me sens pleine de
reconnaissance envers le Seigneur. C’est à Lui que je dois ce
comportement.
Je ne passais pas un jour
sans prier, que ce soit à l’église, à la maison ou sur la route.
Je faisais toujours ma
communion spirituelle de la façon suivante :
— O mon Jésus, venez
dans mon pauvre cœur ! Je Vous désire : ne tardez pas. Venez m’enrichir
de Vos grâces, augmentez en moi votre saint et divin amour. Unissez-moi
à Vous ! Cachez-moi dans votre Côté sacré ! Je n’aime que Vous. Je
n’aime que Vous, je ne veux que Vous, je ne désire que Vous. Je vous
rends grâce, Père éternel, pour nous avoir donné Jésus au très
Saint-Sacrement. Je vous remercie, mon Jésus, et, enfin, je Vous demande
votre sainte bénédiction.
Loué soit à tout
instant, Jésus au très Saint-Sacrement !
J’aimais beaucoup faire la
méditation sur le très Saint-Sacrement et sur la Sainte Vierge. Quand je
ne pouvais pas la faire de jour, je la faisais de nuit, à l’insu de
tous, en allument une bougie que j’avais cachée à cet effet.
La vie des saints et les
méditations très profondes ne me satisfaisaient pas, parce que je me
rendais compte que je ne ressemblais en rien aux saints; au lieu de me
faire du bien, elles me faisaient du mal.
En 1916 je suis tombée si
gravement malade, que les derniers sacrements m’ont été administrés. Je
me suis préparée à la mort avec beaucoup de sérénité. Un jour où la
fièvre était montée assez haut, j’ai déliré, mais je me souviens d’avoir
demandé à ma mère que l’on me donne Jésus. Elle a pris le crucifix et me
l’a présenté.
— “Ce n’est pas celui-ci
que je veux: je veux Jésus Eucharistique !”
À l’âge de douze ans, j’ai
été admise à l’école des catéchistes et à la chorale. Pour le chant
j’avais une vraie passion. Mais, malgré cela, je travaillais avec
beaucoup de satisfaction à l’école de catéchisme
.
Quand je communiais et que
je me trouvais au milieu de mes compagnes pour l’action de grâces, je me
sentais toute petite et la plus indigne pour recevoir Jésus
Eucharistique.
J’étais assez forte. Je me
souviens qu’un jour, un homme se ventait devant quelques jeunes filles
d’être très robuste. Je me suis lancée contre lui, qui ne s’y attendait
pas, et je l’ai attrapé et mis par terre. Il s’est mis à crier pour que
je le laisse. Je l’ai roulé par terre et je ne l’ai laissé que quand
j’ai bien voulu: mon but était uniquement celui d’obtenir que lui, étant
un homme, puisse montrer la force dont il se ventait.
Vers les 13 ans j’ai du
gifler lourdement un homme qui m’avait adressé des paroles indécentes.
De 12 à 14 ans, j’ai
bénéficié d’une excellente santé. Je travaillais dans les champs et je
gagnais autant que ma mère.
Une fois, en cueillant sur
un arbre, des feuilles pour donner à manger aux bêtes, je suis tombée.
Je suis restée quelques instants sans pouvoir respirer et sans pouvoir
bouger; peu après, je me suis relevée et je me suis remise au travail.
Vers les 12 ou 13 ans, j’ai
été placée par ma mère au service d’un voisin,
mais avec ces conditions : possibilité d’aller me confesser tous les
mois; possibilité, les dimanches après-midi, de venir à la maison afin
de pouvoir assister aux cérémonies religieuses; prohibition absolue de
me laisser sortir le soir. Le contrat était valable pour cinq mois, mais
je ne l’ai pas terminé. Le patron était un geôlier : il me gratifiait de
sobriquets péjoratifs, m’obligeait à un travail supérieur à mes forces.
C’était un homme impatient, cruel avec les animaux. Il m’humiliait
devant tout le monde. Cette triste vie sapait la joie de ma jeunesse.
Un certain après-midi, il
m’a envoyée au moulin, où je suis arrivée en début de soirée; à mon
retour, il faisait déjà noir, car il fallait une heure de route. Il m’a
réprimandée durement, et m’a traitée de voleuse. Son père, déjà âgé, a
pris ma défense. Comme chaque soir je revenais chez moi, cette fois-là,
assez peinée parce que ma conscience ne me reprochait rien, je me suis
plainte à ma mère. Elle s’en est informée et, voyant que le contrat
n’était pas respecté, m’a retirée de son service, malgré l’insistance de
mon patron.
Une fois, à Póvoa de
Varzim, ce même patron m’avait laissée, de 22 heures jusqu’à 4 heures du
matin, à surveiller quatre paires de bœufs, pendant que lui et l’un de
ses amis étaient partis, je ne sais où. Remplie de peur, j’ai passé
ainsi ces tristes heures de la nuit. J’ai eu pour compagnes les étoiles
du ciel qui brillaient de tout leur éclat.
Une nuit, une lampe à
pétrole à la main, j’allais de la cuisine vers la chambre. Ma lampe
s’est éteinte. Je l’ai rallumée plusieurs fois et autant de fois elle
s’est éteinte, alors qu’il n’y avait aucun courant d’air. Quand j’ai
voulu la rallumer, pour la dernière fois, en remuant le pétrole, elle
m’a glissé des mains, en renversant le liquide qui m’a aspergé le visage
et m’a laissé aux lèvres le mauvais goût du pétrole. J’ai pensé que
quelque petit diable s’amusait ainsi et, alors j’ai dit :
— “Tu peux t’en aller,
car avec moi tu n’as rien à faire”.
Je me suis couchée
tranquillement, je me suis endormie et j’ai fait un rêve qui est resté
imprimé dans mon âme :
Je suis montée au Paradis
au moyen d’une échelle dont les barreaux, eux, étaient tellement étroits
qu'il était très difficile d'y poser le pied. Je suis arrivée en haut
avec beaucoup de difficulté, car je n’avais aucun point d'appui. Pendant
que je montais, j’ai vu, à côté de cette échelle, quelques âmes qui
m'encourageaient en silence.
Arrivée au sommet j’ai vu
sur un trône le Seigneur, et, à côté de Lui, la Vierge Marie. Le ciel
était rempli de saints. Après cette vision, à contre cœur, je devais
revenir sur la terre. Je suis descendue facilement. Tout a disparu et je
me suis réveillée.
Un jour,
alors qu'avec ma sœur et une autre fille plus âgée que nous, nous
travaillions à la couture, nous avons aperçu trois individus venant dans
notre direction. Deolinda, comme si elle pressentait quelque chose, m'a
dit de fermer la porte du salon. Quelques instants après, nous avons
entendu des pas dans les escaliers et ensuite quelqu'un frapper à la
porte.
— Qui est là ? — a
demandé ma sœur. Et l'un d’eux, qui avait été mon patron, nous a
demandés d'ouvrir, sans plus.
— Il n'y a pas de
travail pour vous ici, donc, pas question d'ouvrir, — a rétorqué
Deolinda.
Après quelques instants de
silence, nous avons entendu que le même individu montait par l'échelle
qui de l'étable, par une trappe, donnait dans le salon. Effrayées, nous
avons tiré la machine à coudre sur cette trappe.
Le voyou, se rendant compte
que la trappe était fermée, a commencé à frapper de grands coups de
marteau sur celle-ci, jusqu'à soulever quelques planches et à pratiquer
un passage, par lequel il a pénétré dans le salon.
Deolinda, en voyant cela, a
ouvert la porte et, est parvenue à s'enfuir, bien que les autres deux
qui dehors l'attendait, aient essayé de la retenir, en tirant sur ses
vêtements.
L'autre fille l'a suivie,
mais ils l'ont attrapée.
Devant cette scène, je me
suis vue perdue. J'ai regardé autour de moi et, désespérément je me suis
accrochée à la fenêtre qui était ouverte et sans la moindre hésitation
j'ai sauté
[27] en
bas, en tombant lourdement. J'ai voulu me relever aussitôt, mais je ne
le pouvais pas; une douleur lancinante traversait mon épine dorsale.
Nerveuse, dès que j'ai pu
me relever, j'ai ramassé par terre un piquet et je suis partie, pour
essayer de défendre ma sœur entouré par les deux plus âgés, tandis que
notre amie, dans le couloir, luttait avec le troisième. Je n'ai plus
pensé qu'à les défendre.
— Hors d'ici ! — a
été mon premier cri.
Cela a été comme un éclair,
le voyou qui se trouvait dans le couloir, a pris peur et a laissé
immédiatement la jeune fille. C'est alors seulement, que je me suis
rendu compte que j'avais perdu une bague en or, lors de la chute.
— Chiens ! À cause de
vous j'ai perdu ma bague...
Tout de suite l'un d'eux,
enlevant une bague de son doigt, me l'a présentée, en disant :
— Tiens, prends
celle-ci, ne te fâche pas contre moi...
— Je n'en veux pas !
— lui ai-je répondu, indignée — débarrasse le plancher tout de
suite... immédiatement !
Ils se sont retirés. Et
nous, excitées et allaitantes, nous sommes retournées à notre travail.
De tout ceci, moi et ma
sœur, n'avons soufflé mot à personne, afin d'éviter une tragédie.
Toutefois ma mère, par la suite, a fini par l'apprendre, de la bouche de
notre amie.
Quelque temps après, j'ai
commencé à souffrir de plus en plus. Tous disaient que c’était à cause
du saut que j’ai fait en bas de la fenêtre. Même les médecins, plus
tard, ont confirmé que ce saut a dû contribuer à aggraver mon infirmité.
J’ai encore travaillé
pendant quelques mois, même si avec beaucoup de difficulté. Par la
suite, j’ai été obligée d’arrêter et, avec répugnance, j’ai du me
soumettre aux soins des médecins qui m’ont diagnostiqué diverses
maladies. Tous avaient de la peine pour moi. J’ai souffert uniquement
pour mes maux physiques, mais ceci dura peu de temps.
Mes plus grands amis, les
familiers et même Monsieur le Curé
se sont retournés contre moi : plusieurs personnes se moquaient de mon
allure, par la posture que, forcément, je prenais à l’église. Monsieur
l’abbé m’accusait de ne pas manager suffisamment par caprice et menaçait
que, si je mourrais, je serais damnée. Lorsque je me confessais, il me
disait que c’était celui-là mon péché le plus grave. Combien j’en ai
souffert! Je ne me confiais qu’au Seigneur.
Lors du trajet, de la
maison à l’église, j’avais l’habitude de m’arrêter pour regarder les
montagnes et j’étais quelques fois, tentée de fuir dans un lieu où
personne ne puisse me voir. Ce n’est que par la grâce de Dieu que je ne
l’ai pas fait. Combien j’ai pleuré.
Je ne me souviens pas très
bien de la durée de cette période d’incompréhension; en tout cas, moins
d’un an. Après, étant donné que mon état empirait, Monsieur l’abbé
lui-même a conseillé à ma mère de m’accompagner chez un médecin de sa
connaissance. Ce fut lui qui m’a libérée de mon martyre, en expliquant à
ceux qui lui en posaient la question, que je ne mangeais pas parce que
je ne le pouvais pas. Même s’il ne lui a pas été possible de se faire
une idée exacte de toutes mes souffrances, il s’est montré très
compréhensif.
J’ai été libérée de cette
souffrance, mais le Seigneur m’en a donné une autre bien plus grande.
Seuls Jésus, et, quelque temps plus tard, mon directeur spirituel, en
ont eu connaissance.
J’ai passé six ans entre le
lit et la couchette. Une fois, cinq mois se sont passés sans que je
puisse me lever, mais toujours dans cette souffrance spirituelle, que
j’ai dû supporter pendant près de douze ans, sans jamais la révéler à
personne.
Me trouvant seule,
prisonnière de mon lit, je regardais en larmes, le tableau du Sacré-Cœur
de Jésus: je le suppliais de me libérer de ce tourment et de me donner
des lumières sur ce que je devais faire. Je me recommandais aussi à la
Maman du ciel afin qu’elle intercède en ma faveur.
À l’âge de 16 ans, je suis
allée à Póvoa, en compagnie de Deolinda, pour une cure marine. Un jour,
alors que je me rendais à l’église, un militaire m’a abordée,
m’adressant des galanteries. Je me suis vite esquivée, mais, comme il ne
me lâchait pas, je lui ai dit d’attendre la fin de sa faction. Mon idée
était de changer de chemin et de pouvoir m’en libérer. Sortant de
l’église, très prudemment, et ne l’ayant pas vu, j’ai repris le même
chemin. A un certain moment, je l’ai trouvé en face de moi, sans même
savoir d’où il était venu.
— Mademoiselle, vous
souvenez-vous de ce que vous m’avez promis ?
Et, ce disant, il
prétendait m’accompagner à la maison. Je me suis arrêtée et j’ai été
très franche avec lui :
— Je suis malade et en
plus... ma mère ne veut pas que j’aie un fiancé !
Il n’en a pas été
convaincu. Par chance, Deolinda est arrivée. Croyant que je flirtais,
elle m’a reprise sèchement. Je ne suis plus jamais passée par ce chemin
et tout s’est ainsi terminé.
À un autre jeune qui me
faisait allusion au mariage, j’ai répondu :
— Je ne renonce ni à ma
mère ni à Deolinda, pour un homme.
Monsieur le Curé, ayant su
que je plaisais à un jeune homme, m’a dit un jour :
— Si tu veux, je peux
m’occuper de la chose...
Je lui ai répondu :
— Dans ma situation,
vous parait-il que je puisse me permettre de penser à une pareille
affaire ?
Pour dire vrai, je savais
et je sentais que j’étais malade, mais en plus, l’envie de contracter le
mariage me manquait, même si quelques fois je me disais que si j’étais
mère, j’éduquerais mes enfants très chrétiennement.
En avril 1925,
je suis allée au lit, pour toujours.
Plus personne ne me disait :
— Courage, tu te
relèveras !
Le médecin João de Almeida,
de Porto, a prévenu ma mère qu’il craignait une telle paralysie.
Ma sœur, qui faisait de la
couture, est devenue en plus mon infirmière, car maman travaillait dans
les champs.
J’ai eu des moments de
découragement, mais jamais de désespoir. Rien ne me retenait à ce monde.
J’éprouvais, malgré tout, une certaine nostalgie de mon petit jardin,
parce que les fleurs me plaisaient. Mais, je pourrais encore les voir,
quelques fois, dans les bras de ma sœur.
J’avais un grand regret de
ne plus pouvoir aller à l’église: pour la fête du Sacré-Cœur, ou quand
il y avait une Messe chantée, je pleurais beaucoup. Ma sœur, qui faisait
partie de la chorale, me voyant les larmes aux yeux, me disait :
— S’il t’était possible
d’aller à la messe, je te chargerais volontiers sur mes épaules et je
t’y emmènerais.
Et, elle aussi pleurait.
Mais, je m’étais accommodée
à la volonté du Seigneur.
Petit à petit, je me suis
habituée à mon lit et la nostalgie s’est dissipée. Pour me distraire,
dans les premiers temps, je jouais aux cartes avec quelqu’un, ou toute
seule. Je regrette de ne pas avoir, dès lors, les mêmes pensées que
maintenant: vivre unie à mon Dieu par l’esprit.
J’ai même fait des
promesses pour obtenir la guérison. Ma mère, ma sœur et mes cousines ont
fait les mêmes promesses. J’ai fini par comprendre que le Seigneur me
voulait malade, c’est pourquoi je ne lui ai plus demandé de guérir. Je
suis arrivée, plusieurs fois, très résignée, aux portes de la mort. De
la médecine, je n’ai d’autre soulagement que quelques piqûres de
morphine.
Chaque année je célébrais
le mois de Marie. Je préférais le célébrer toute seule: je méditais,
chantais, pleurais en demandant à la Maman du ciel de me délivrer de
cette tribulation qui me faisait tant souffrir.
J’avais l’habitude de
chanter le “Tantum ergo”, comme si j’étais à l’église. N’ayant
pas Jésus
à la maison, ni prêtre pour me donner la bénédiction, je priais le
Seigneur, que ce soit lui, du ciel et de ses tabernacles, qui me la
donne. Moments de bonheur! J’avais l’impression que toutes les
bénédictions et l’amour du Seigneur tombaient sur moi. Et alors, je
recueillais dans mon cœur toute ma famille et les personnes chères.
Dans les premières années
de ma maladie, de la maison de Monsieur le Curé, on m’apportait, au
début du mois de mai, une statuette du Cœur de Marie qui, à regret, je
restituais à la fin du mois. C’est ainsi que j’ai pensé à en acquérir
une, mais, comme je n’en avais pas les moyens, j’ai été aidée par
diverses personnes. Une amie m’a même donné quelques poulettes que
Deolinda éleva jusqu’à ce qu’elles pondent et ensuite couvent; les
poussins ayant été vendus ensuite, j’ai pu acheter la statuette ainsi
que le globe de verre. Je ne sais pas exprimer la joie que j’ai
ressentie à ce moment-là: avoir une Sainte Vierge à moi toute seule...
pouvoir la contempler nuit et jour !...
J’ai été informée des
miracles qui s’opéraient à Fatima. En 1928, plusieurs personnes de la
paroisse sont parties en pèlerinage à la Cova da Iria. A cette occasion,
même moi, j’ai souhaité partir. Le Médecin
et Monsieur le Curé
ne m’y ont pas autorisée, car le voyage était long et moi, je ne
supportais même pas que l’on me touche, étant dans mon lit. Quelqu’un me
conseilla de demander la guérison et d’aller ensuite à Fatima, en action
de grâces pour celle-ci. Le Médecin me dit même que si le miracle
s’accomplissait, il témoignerait sans la moindre hésitation.
Cette même année, Monsieur
l’Abbé, qui était allé, lui aussi à la Cova da Iria, m’a fait, au
retour, cadeau d’un chapelet, d’une médaille et du “Manuel du Pèlerin”,
tout en me conseillant de faire une neuvaine à Notre-Dame. J’en ai fait
plusieurs, tout en chantant les louanges mariales imprimées dans le “Manuel”.
A ceux qui me visitaient,
j’avais l’habitude de dire :
— Si un jour vous me
revoyez dans les rues et m’entendez chanter, dites-le à tous: c’est
Alexandrina qui remercie Notre-Dame.
C’était ma foi en Jésus et
Marie que me faisait parler de la sorte.
D’autres fois, je pensais
que si j’étais guérie, je me ferais religieuse, car je n’avais aucun
attrait pour le monde; que je ne retournerais plus revoir ma famille;
que je me ferais missionnaire afin de pouvoir baptiser beaucoup de noirs
et de ramener beaucoup d’âmes à Jésus.
N’ayant pas obtenu la
guérison, j’ai compris que je me faisais des illusions, et mes désirs de
guérison ont disparu pour toujours. J’ai commencé alors à ressentir de
plus en plus le besoin d’aimer la souffrance et de ne penser qu’à Jésus.
Un jour, alors que j’étais
seule et que je pensais à Jésus dans les tabernacles, je lui ai dit :
— Mon bon Jésus, Vous
êtes emprisonné. Moi aussi, je le suis. Nous sommes tous deux
incarcérés. Vous, pour mon bien et moi, enchaînée par Vous. Vous êtes
Roi et Seigneur de tout. Moi, je ne suis qu’un ver de terre. Je Vous ai
négligé, ne pensant qu’aux choses du monde qui ne sont que perdition
pour les âmes, mais, maintenant, le cœur contrit, je ne veux que ce que
Vous voudrez, je veux souffrir avec résignation. Ne me laissez pas sans
votre protection.
À partir de ce temps-là, je
demandais au Seigneur l’amour de la souffrance et, sans bien savoir
comment, je me suis offerte à lui comme victime. Le Seigneur m’a accordé
cette grâce dans une proportion si importante qu’aujourd’hui, je
n’échangerais la souffrance contre tout ce qui peut exister dans le
monde. Aimant la douleur, je me sentais heureuse d’offrir à Jésus mes
peines. Consoler Jésus et lui sauver des âmes, voilà ce qui me
préoccupait.
Les forces physiques
m’ayant quittée, j’ai abandonné les distractions et, à travers la prière
qui me procurait un vrai réconfort, je me suis habituée à vivre dans une
intime union avec le Seigneur. Quand les visiteurs me dissipaient un
peu, je m’attristais de ne pas avoir pensé à Jésus.
Par amour pour Jésus et la
Maman du ciel, je me suis habituée à faire de petits sacrifices:
renoncer à me regarder dans la glace; ne pas parler, pour combattre ma
volonté de parler et vice versa; veiller pendant la nuit pour tenir
compagnie à Jésus; ne pas éloigner les mouches qui me tourmentaient,
etc..
Je ne recevais pas la
Communion fréquemment,
mais je vivais le plus possible unie à Jésus. Pour honorer Jésus et la
Maman du ciel, j’ai écrit sur des morceaux de papier et sur des images
pieuses, cette prière :
— Jésus, je vous aime de
tout mon cœur. Ayez pitié de cette pauvre malade. Prenez-la auprès de
vous, quand vous voudrez. Mon bien aimé Jésus, souvenez-vous, je suis
une grande pécheresse.
Mon cher Jésus,
j’aimerais aller vous visiter dans vos tabernacles, mais je ne le peux
pas; ma maladie me tient clouée à mon lit. Que votre volonté soit faite.
Accordez-moi, au moins, que pas un seul instant ne passe sans que je
vienne en esprit dans vos tabernacles, pour vous dire : “ mon Jésus, je
veux vous aimer, je veux me brûler à la flamme de votre Amour, prier
pour les pécheurs et pour les âmes du Purgatoire”.
Sur la couverture d’une
brochure, j’ai écrit en mai 1930 :
— Ma chère Maman du
ciel, venez dans les Tabernacles de votre et mon Jésus; présentez-Lui
mes prières et rendez plus efficaces mes suppliques. O refuge des
pécheurs, dites à Jésus que je veux être sainte. Dites-Lui aussi que je
veux beaucoup de souffrances, mais qu’Il ne me laisse pas seule rien
qu’une minute. Je dois toutefois m’humilier, car je ne suis rien, je ne
possède rien et je ne vaux rien. Dites-Lui que je l’aime beaucoup et que
je veux l’aimer encore davantage. Je veux mourir enflammée d’amour pour
vous et pour Jésus. Oui, parlez-Lui beaucoup de moi, présente-Lui toutes
mes demandes ! J’ai confiance, oui, j’ai confiance en vous ! O Marie,
donnez-moi le ciel !
Au petit matin je
commençais mes prières par le signe de Croix. Ensuite, je m’unissais à
Jésus au Saint-Sacrement et je faisais ma Communion spirituelle. Je
continuais, en disant :
— Cœur Sacré de Jésus,
je Vous consacre ma journée.
Je récitais cette prière
jaculatoire trois fois. Et j’ajoutais:
— O Jésus, donnez-moi
votre bénédiction! Je veux être sainte.
Ensuite je demandais la
bénédiction de la très Sainte-Trinité, de Notre-Dame, de saint Joseph de
tous anges, saints et saintes du ciel, en disant :
— Avec votre
bénédiction, je ne craindrai rien ; je serai sainte, comme je le désire
ardemment.
Ensuite je récitais trois
Gloria et j’offrais les actions de la journée en récitant la prière : « Je
vous offre, ô mon Jésus, en union, etc. ». Pater, Ave, Gloria. « Cœur
sacré de Jésus qui nous aimez tant, faites que je vous aime de plus en
plus. » Je récitais aussi le Credo et, ensuite j’ajoutais :
— O mon Jésus, je m’unis
spirituellement, maintenant et pour toujours, à toutes les saintes
Messes qui, de jour comme de nuit, sont célébrées sur toute l’étendue de
la terre. Jésus, immolez-moi avec vous au Père éternel pour les mêmes
intentions que vous-même, vous offrez.
Me tournant ensuite vers
Notre-Dame, je lui disais :
— Je vous salue, Marie,
pleine de grâce !... Je vous salue, ô pleine de grâce, ma Petite-Maman
du ciel, je veux être sainte; bénissez-moi et demandez à Jésus de me
donner sa bénédiction !
Je me consacrais à Elle de
cette façon :
— Petite-Maman chérie,
je vous consacre mes yeux, mes oreilles, ma bouche, mon cœur, mon âme,
ma virginité, ma pureté, ma chasteté. Acceptez-en tout, ma chère
Petite-Maman ! Vous êtres le dépôt béni de toute notre richesse. Je vous
consacre mon présent et mon avenir, ma vie et ma mort, tout ce que l’on
me donnera, toutes les prières et les offrandes que l’on fera pour moi.
Ouvrez vos bras et
enlacez-moi. Serrez-moi contre votre Cœur très saint, couvrez-moi de
votre manteau; acceptez-moi comme votre fille très aimée et
consacrez-moi toute à Jésus. Renfermez-moi pour toujours dans son divin
Cœur et aidez-le vous-même à crucifier mon corps et mon âme: que rien,
dans celui-ci ne subsiste qui ne soit crucifié. Ma Petite-Maman,
rendez-moi humble, obéissante, pure, chaste d’âme et de corps.
Transformez-moi en amour; consumez-moi dans les flammes de l’amour de
Jésus...
Maman chérie, demandez
pardon pour moi à Jésus; dites-Lui que c’est l’enfant prodigue qui
retourne à la maison de son Père, disposée à le suivre, à l’aimer, à
l’adorer, à lui obéir, à l’imiter. Dites-lui que je ne veux plus
l’offenser.
Ma Petite-Maman du ciel,
inspirez-moi une douleur si grande de mes péchés; que mon repentir soit
tel, que je devienne pure, que je devienne comme un ange, pure comme
lors de mon baptême, afin que par ma pureté, je mérite la compassion de
mon Jésus; que je puisse le recevoir sacramentellement chaque jour et le
posséder toujours en moi, jusqu’à mon dernier soupir.
Maman chérie, venez avec
moi dans tous les Tabernacles du monde, dans tout lieu où Jésus habite
sacramentellement. Présentez-lui mon humble oblation. O comme Jésus sera
content de l’offrande la plus pauvre, la plus misérable, la plus
indigne, mais remise par vous, combien plus de valeur n’aura-t-elle pas
auprès de votre et mon Jésus !...
Ma douce Petite-Maman,
je veux aller de Tabernacle en Tabernacle demander des grâces à Jésus,
comme l’abeille qui va de fleur en fleur pour cueillir le nectar !
Ma tendre Maman, je veux
devenir comme un rocher d’amour devant sa demeure, afin que nul ne
parvienne à blesser son Cœur et ne renouvelle ses Plaies et sa Passion.
Maman chérie, parlez à
Jésus par mon cœur et par mes lèvres; rendez mes prières plus ferventes,
mes demandes plus efficaces.
O mon Jésus, je me
consacre toute à vous. Que votre Cœur me soit grand ouvert. Permettez
que je rentre dans cette Fournaise ardente, dans ce Feu brûlant.
Fermez-le sur moi, mon bon Jésus; que j’y demeure pour y rendre mon
dernier soupir
enivrée de votre divin Amour. Ne souffrez pas que je me sépare de vous
sur la terre, sinon pour m’unir à vous, éternellement, dans le ciel.
O mon cher Jésus, je
m’unis, en esprit, à partir de ce moment et pour toujours, à toutes les
Hosties contenues dans tous les ciboires de la terre, dans chaque lieu
où vous habitez sacramentellement. C’est là que je veux passer tous les
moments de ma vie, constamment, de jour comme de nuit, dans la joie ou
la tristesse, seule ou accompagnée, à vous consoler, à vous adorer, à
vous aimer, à vous louer, à vous glorifier. O mon Jésus, j’aimerais
faire tomber, continuellement, sur vous, de jour comme de nuit, autant
d’actes d’amour que de gouttes de pluie fine tombent sur la terre. Je
voudrais que toutes les créatures de la terre en fissent de même, afin
que vous soyez aimé de tous. Écoutez ces vœux de mon cœur et
acceptez-les comme si déjà je vous aimais.
O Jésus, je voudrais
qu’il n’y eût pas un seul Tabernacle dans le monde, en tout lieu où vous
habitez au Saint-Sacrement, où je ne fus à vous redire, sans cesse, à
chaque instant de ma vie: Jésus, je vous aime; Jésus, je suis toute à
vous. Je suis votre victime, la victime de l’Eucharistie,
la petite lampe de vos prisons d’amour, la sentinelle de vos
Tabernacles !
O Jésus, je veux être
victime pour les prêtres, victime pour les pécheurs, victime de votre
amour, de ma famille, de votre sainte Passion, des Douleurs de la
Petite-Maman, de votre Cœur, de votre sainte Volonté; victime du monde
entier! Victime pour la paix, victime pour la consécration du monde à la
Maman chérie...
O Jésus, maintenant, je
vais inviter la Maman bénie. C’est Elle qui va vous parler pour moi et
je reprendrai ensuite.
Je vous salue, Marie,
pleine de grâce! Je vous salue, ô pleine de grâce! Ma Petite-Maman,
venez avec moi dans tous les Tabernacles. Venez couvrir Jésus d’amour.
Offrez-Lui tout ce qui se passera en moi, tout ce que je lui offre
habituellement, tout ce que l’on peut imaginer comme autant d’actes
d’amour à Notre-Seigneur au très Saint-Sacrement !
Je disais trois fois :
— Grâces et louanges
soient rendues, à tout moment, à Jésus au très Saint-Sacrement.
Je faisais ensuite la
Communion spirituelle déjà décrite, puis je demandais à Notre-Dame de
répéter, pour moi, à son Fils Bien-Aimé :
— O Jésus, voila la
Petite-Maman chérie, écoutez-la; c'est Elle qui va vous parler pour moi.
Et vous, Maman chérie, emportez mes baisers, d'innombrables baisers,
d'innombrables caresses et marques de tendresse à tous les Tabernacles
du monde.
Tout pour
Jésus-Hostie !
Tout pour la
très Sainte-Trinité, tout pour vous, douce et tendre Maman. Multipliez
mes baisers, multipliez-les et, avec une tendresse et un amour pur et
saint, avec un amour sans bornes, avec une immense nostalgie, offrez-les
de la part de celle qui ne peut pas se déplacer jusqu'aux tabernacles.
O Jésus, je veux que
chacune de mes douleurs, chaque battement de mon cœur, chacune de mes
respirations, chaque seconde de ma vie, chaque minute,
soient autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque
mouvement de mes pieds, de mes mains, de mes lèvres, de ma langue,
chacune de mes larmes, chaque sourire, joie, tristesse, tribulation,
distraction, contrariété ou ennui,
soient autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que
chaque lettre des prières que je récite ou entends réciter, toutes les
paroles que je prononce ou entends prononcer, que je lis ou entends
lire, que j’écris ou vois écrire, que je chante ou entends chanter,
soient autant d’actes d’amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque
baiser que je déposerai sur vos saintes images, celles de la votre et ma
sainte Mère, celles de vos saints et saintes, soient autant d’actes
d’amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que
chaque goutte de pluie qui tombe du ciel sur la terre, que toute l'eau
des océans et tout ce qu'ils renferment, que toute l'eau des fleuves et
des rivières,
soient autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je vous offre les
feuilles de tous les arbres, et tous les fruits que sur eux mûrissent;
chaque pétale de toutes les fleurs; toutes les graines que contient le
monde; tout ce qu'il y a dans les jardins, dans les champs, dans les
vallées, sur les montagnes: tout cela je veux vous l'offrir
comme autant d'actes d'amour pour vos tabernacles.
O Jésus, je vous offre
les plumes des oiseaux et leurs gazouillements, les poils des animaux et
leurs cris,
comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je vous offre
le jour et la nuit, la chaleur et le froid, le vent, la neige, la lune,
le clair de lune, le soleil, les étoiles du firmament, mon sommeil et
mes rêves, comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque fois
que j'ouvre ou ferme les yeux, ce soit autant d'actes d'amour pour vos
Tabernacles.
O Jésus, je vous offre
toutes les grandeurs, richesses et trésors du monde, tout ce qui se
passe en moi, tout ce que j'ai l'habitude de vous offrir,
comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, le ciel et la
terre, l'océan et tout ce qu'ils contiennent, je vous les offre comme
s'ils m'appartenaient et si je pouvais en disposer; acceptez-les
comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles”.
Pendant que je faisais
cette offrande à Jésus, je me sentais ravie, d’une façon que je ne sais
pas expliquer, et en même temps je ressentais une forte chaleur qui
semblait m’embraser. Cela me parut étrange, car les journées étaient
plutôt froides et, émerveillée, j’ai même regardé si mon corps ne
transpirait pas. C’est comme si l’on m’embrassait intérieurement.
Cela me fatiguait assez.
Je crois que c’est à l’une
de ces occasions que j’ai senti cette inspiration du Seigneur :
«Souffrir, aimer, réparer»
Je me souviens que bien
souvent je demandais au Seigneur :
— O mon Jésus, que
voulez-Vous que je fasse ?
Et à chaque fois je
n’entendais que ces paroles : “souffrir, aimer, réparer”.
Je vous écris, mon Père,
pour soulager mon âme,
vous déclarant mes fautes. Je commencerai par vous dire que mes prières
ne sont pas abondantes et de surcroît, elles sont mal faites : je ne
peux mieux faire. Ma pensée voyage partout ; si je pouvais
l’apprivoiser, ce serait une excellente chose. Avec ma mère et ma sœur,
j’ai toujours quelques impatiences, mais je fais de mon mieux pour m’en
corriger. Toutefois, le démon, lui aussi, n’en finit pas de me faire des
suggestions, dans l’espoir que je cède un jour ou l’autre. Vis-à-vis du
prochain, je dois aussi dire quelque chose : je fais pourtant de mon
mieux pour ne pas y manquer, mais parfois, je n’y réussis pas.
Enfin, je suis tellement
faible et pécheresse, que je n’arrive pas à me corriger de mes péchés.
Que Notre-Seigneur ait pitié de moi.
J’ignorais ce que c’était
qu’un directeur spirituel:
c’était Monsieur le Curé qui guidait mon âme.
Ma sœur, lors d’une
retraite des “Filles de Marie”
a demandé au prédicateur, le Père Mariano Pinho,
de devenir son directeur spirituel. Celui-ci mis au courant de mon
existence et de ma maladie, a sollicité mes prières, avec la promesse de
réciprocité. De temps à autre il m’envoyait une image pieuse.
Deux ans plus tard, ayant
appris qu’il était malade, mon émotion est allée jusqu’aux larmes; je ne
sais pas pourquoi. Ma sœur, étonnée, m’a demandé pourquoi je pleurais
alors même que je ne le connaissais pas. Je lui ai répondu :
— Je pleure parce qu’il
est mon ami et que je le suis aussi de lui.
Le 16 août 1933, le Père
Pinho est venu dans notre paroisse prêcher un triduum en l’honneur du
Sacré-Cœur de Jésus et, à cette occasion je l’ai obtenu comme directeur
spirituel.
Je ne lui ai pas parlé de
mon offrande pour les Tabernacles, de la chaleur que j’éprouvais, de la
force qui me soulevait,
ni des paroles que j’interprétais comme de simples inspirations
de Jésus.
Ce ne fut que quelques mois
plus tard que j’ai mis le Père au courant des paroles de Jésus. Je n’ai
rien dit d’autre, parce que je ne comprenais rien aux choses du
Seigneur.
Le Père ne m’a pas confirmé
s’il s’agissait bien de paroles de Dieu; toutefois, je continuais à
vivre très unie au Seigneur: jour et nuit, les Tabernacles étaient ma
demeure préférée.
Ce fut seulement au mois
d’août 1934 que je me suis décidée à ouvrir mon cœur à mon Père
spirituel, venu à Balasar pour une série de sermons. J’ai eu peur,
alors, qu’une fois au courant de ma vie, il ne veuille plus continuer de
me diriger.
Alors même que je me
débattais avec ce doute, Jésus m’a dit :
— Obéis en tout : ce
n’est pas toi qui l’as choisi, mais moi qui te l’ai envoyé.
Quand le Père m’a demandé
de quelle façon j’avais entendu lesdites paroles, il ne m’a pas expliqué
si elles étaient ou non de Jésus.
Quelques jours plus tard,
ma sœur, ayant remarqué que je consacrais beaucoup de temps à la prière,
m’en a demandé l’explication. Je lui ai dit comment j’occupais mon temps
et ce que je ressentais, ajoutant que c’était sûrement la foi et la
ferveur avec laquelle je récitais mes prières qui m’absorbaient de la
sorte. Deolinda a semblé d’accord et m’a demandé de lui dire tout, afin
de pouvoir se remplir de ferveur, elle aussi.
Deux petits mots à peine,
car mes forces ne me permettent pas davantage. J’ai passé une mauvaise
nuit. Je ne trouvais pas de bonne position. Mes jours se passent ainsi:
un jour bien, un autre plus mal, portant toujours cette croix que le
Seigneur m’a donnée...
(...)
Dans votre lettre, vous me
demandiez si j’aimerais entendre la sainte Messe. Cela fait déjà bien
longtemps que je le désire. Quand vous êtes venu pour le triduum, j’en
ai parlé à ma sœur, mais par timidité et pour ne pas vous obliger à
rester à jeun, ce qui nous peine, nous n’avons pas osé vous le demander.
Toutefois, si cela était possible, quelle joie, cela serait pour nous;
vous ne pouvez pas vous l’imaginer.
Mais nous pensons au sacrifice que cela vous coûterait de venir à jeun
et, avec tout ce froid...
Dans la nuit de samedi à
dimanche, je ne sais pas ce qui m’a pris; je dormais et tout à coup je
me suis réveillée, je croyais mourir.
Cet étrange phénomène ne
dure pas longtemps, mais il se répète souvent. Je pense que c’est à
cause de mon épine dorsale. Je ne voudrais, en aucun cas, perdre la
raison. J’espère que Notre-Seigneur m’écoute, mais que sa très sainte
volonté soit faite...
Quand vous êtes venu, j’ai
pensé que ce serait la dernière fois; mais ce n’a pas été le cas, car
Notre-Seigneur sait que j’ai besoin que quelqu’un m’aide à être sainte,
comme je le désir ardemment, bien que j’en sois très loin de l’être...
Bien souvent je demande:
— O mon Jésus, que
voulez-vous que je fasse ?
Et à chaque fois je
n’entends que cette réponse :
— Souffrir, aimer,
réparer !
Nous verrons si à Noël,
Monsieur l’abbé, viendra m’apporter la Sainte Communion, et alors je me
confesserai...
Je ne vois pas comment, une
fois de plus, je pourrai m’amender, mais je veux être sainte; c’est ce
que je demande tous les jours au Seigneur.
Le Seigneur a augmenté ses
tendresses, mais aussi le poids de la croix. Qu’il soit éternellement
béni pour sa grâce qui ne m’a jamais manqué.
A cette époque, nous avons
commencé à beaucoup souffrir à cause de la perte de nos biens.
Il est vrai que je n‘ai plus ressenti aucun attrait pour les choses,
mais je souffrais amèrement de voir que le peu que nous avions ne serait
pas suffisant pour payer les dettes que ma mère avait contraint en se
portant caution.
Nous préférerions rester
sans un centime, mais que tout soit payé! Il me manquait souvent une
alimentation suffisante : je me nourrissais de ce qu’il y avait, au
péril de ma santé. J’ai souffert en silence et les familiers pensaient
que ces aliments me plaisaient; je ne demandais rien pour ne pas les
attrister. Si l’on me donnait quelque bon morceau, je le donnais à ma
sœur — assez mal en point — en me disant : — “Je suis incurable,
alors qu’elle peut guérir.” Il nous arrivait de manger le potage
sans condiments, car nous ne parlions à personne de notre gêne.
En secret, j’ai versé
beaucoup de larmes, m’épanchant auprès de Jésus et de la Petite-Maman
céleste ; ces larmes ont eu même pour effet de me rapprocher davantage
de Jésus et de la chère Maman et ont renforcé ma foi en Eux.
Cette situation a duré six
années, pendant lesquelles j’ai essayé de réconforter mes êtres chers. À
ma mère, qui souvent sanglotait, je suggérais d’avoir foi en Jésus qui
voulut être pauvre. Dans mon intérieur, je me réjouissais de lui
ressembler.
Je priais Jésus de nous
aider et, lors de la Communion, je lui disais :
— Vous qui avez dit de
demander, de frapper pour être entendu : je demande, je frappe et je
serai entendue. Je ne Vous demande pas d’honneurs, pas de grandeurs ni
de richesses, mais que vous nous laissiez au moins notre petite maison
afin que maman et ma sœur vivent; de manière que Deolinda puisse
cueillir les fleurs pour votre autel à l’église. O Jésus, toutes les
fleurs sont pour vous. Jésus, venez à notre secours! Nous nous
enfonçons... portez au loin cette requête, auprès de quelqu’un qui
puisse venir à notre aide. Je ne choisis personne, parce que je n’en
connais pas. J’ai confiance en vous !
Chez nous, la joie avait
disparu et les choses indispensables nous manquaient.
Mais jamais la soumission à la volonté de Dieu n’a manqué; j’avais une
confiance aveugle en lui.
Il est bien vrai: la foi
n’est jamais trop grande...
Ma prière a été exhaussée.
Ce fut de bien loin, même de très loin, qu’une dame est venue assainir
notre situation.
Si elle ne l’a pas résolu entièrement, ce fut à causse de ma timidité:
je ne lui ai pas dit la somme exacte de notre dette. Peut-être Jésus l’a
permis pour prolonger ma souffrance.
Le nécessaire pour désengager notre maison qui devait être mise en
vente, nous a été fourni. J’ai pleuré de confusion et de joie. Je
n’arrive pas à décrire la joie des miens quand ils ont eu en main cette
somme, après tant de grandes et graves afflictions.
Béni soit Jésus ! Ce
n’était que sur Lui que l’on pouvait compter.
Béni soit le Seigneur qui
m’a appelée en ce monde pour souffrir et pour supporter tant de
chagrins ! Et moi, j’ai rajouté à cela tant de péchés ! Ce sont ceux-ci
qui m’attristent particulièrement.
Tous les jours je demande
des souffrances; et, pendant les heures où je souffre je ressens
beaucoup de consolations, car j’ai davantage à offrir à mon Jésus. Il y
a, toutefois, des choses qui me coûtent beaucoup, mais que seule la
volonté de Dieu soit faite, et non pas la mienne.
O ma Petite-Maman du ciel,
voici à vos pieds très saints une âme que désire beaucoup vous aimer. O
mon adorable Dame, je veux vivre d’un amour aussi grand qu’il me
permette de souffrir uniquement pour vous et pour mon Jésus : oui, pour
mon cher Jésus qui est le tout de mon âme. Il est la lumière qui
m’éclaire, le pain qui me rassasie; il est mon chemin, le seul que je
veux suivre...
O Jésus, quelle meilleure
compagnie puis-je avoir dans ce lit de douleur que votre continuelle
présence en moi, moi qui ne veut vivre que pour vous ? O Jésus, Vous
savez bien quels sont mes désirs: être toujours devant vos Tabernacles,
ne jamais m’en éloigner, ne fusse qu’un moment ! Donnez-moi la force, o
bon Jésus, afin que je sache le faire !
O mon Jésus, je suis ici,
malade, et je ne peux vous visiter dans vos églises, mais j’accomplis la
mission à laquelle vous m’avez destinée: que votre sainte Volonté soit
faite !... Vu que je ne puis venir, je Vous envoie mon cœur, mon
intelligence pour apprendre toutes vos leçons, ma pensée afin que je ne
pense qu’à vous; uniquement à vous, mon Jésus, en tout et pour tout...
Je vous envoie tout ce que j’ai et qui puisse vous faire plaisir dans
vos Tabernacles d’amour...
J’aimerais être en votre
présence jour et nuit, à toute heure, unie à vous, et ne plus jamais
vous quitter, o Jésus abandonné dans les Tabernacles ! Pas un seul
instant je ne voudrais m’en absenter; j’aimerais vous donner tout ce que
je possède et qui vous appartient entièrement: mon cœur, mon corps, avec
tout ce qu’il ressent. C’est là toute ma richesse.
Quoique le Saint-Sacrement
soit mon meilleur ami, je regrette de devoir le dire, je ne le reçois
que rarement. Au début on me portait la Sainte Communion tous les
premiers vendredis, samedis et dimanches; maintenant, il ne vient plus
le dimanche.
Que dois-je faire? Souffrir pour l’amour de mon Bien-Aimé Jésus.
(...)
Ma souffrance a beaucoup
augmentée. Maintenant je ne prends que des liquides, car je n’arrive pas
à mâcher à cause d’un abcès dans la bouche. Peut-être que, de la même
façon dont il est apparu, aussi il s’en aille. D’un autre côté, il me
sera impossible de vivre, étant donné l’état de faiblesse dans lequel je
me trouve... Je ressens le manque du peu que je mangeais. Ne prendre que
des liquides, cela me cause de continuels vomissements. Mais, en tout
cas, ce n’est pas cela qui m’attriste, car tous les jours je demande à
Dieu de ne pas m’abandonner, sachant pertinemment que sans Lui, je ne
supporterais rien.
J’aurais voulu vous
remercier en écrivant de ma propre main,
et je le fais en vous écrivant quelques lignes, qui seront certainement
les dernières. Je vous prie de bien vouloir m’excuser, mais je ne peux
pas continuer.
Ma souffrance a beaucoup augmenté. C’est pour cette raison que je dis
que ce sont les dernières lignes que je vous écris. Il m’est impossible
de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... les douleurs
sont atroces. On ne m’a jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que
cela doit produire le même effet...
J’ai reçu de Jésus un beau
présent pour Pâques : en plus des souffrances physiques, j’ai beaucoup
souffert spirituellement.
« Je ne comprends pas... »
Quelques-unes de mes côtes
se sont déplacées. Le médecin me disait que ce n’était rien... Je ne
peux m’appuyer sur celles-ci qu’au prix d’un grand sacrifice, car je ne
supporte même pas que les couvertures reposent sur mes côtes. Et le pire
c’est que ce sont les côtes du côté droit, sur lequel j’avais l’habitude
de me reposer...
(...)
Même sans être tombée, le
bon Jésus a fait que mes côtes se déplacent. Le médecin m’a dit qu’il
les avait trouvés ainsi. Mon Père, je ne comprends pas, et je vous
demande, par l’amour de Dieu, de m’expliquer si toutes les contrariétés
viennent du Seigneur, ou si elles peuvent aussi venir du démon. En
effet, dernièrement, des faits se sont produits qui semblent bien être
son œuvre...
(...)
J’ai l’impression que les
os de ma poitrine touchent ceux de mon dos et me causent de telles
angoisses que je ne sais plus comment me placer. Quand les douleurs sont
plus fortes, je me place quelques minutes par moitié sur le lit et
l’autre partie de mon corps sur les genoux de Deolinda. Ceci oblige ma
sœur à passer les nuits en ma compagnie. Même parler m’est douloureux.
(...)
J’ai répété à Jésus:
envoyez-moi, mon Jésus, ce que vous voudrez, afin que je puisse réparer
les offenses que vous recevez.
Je ne sais pas si c’est
grâce aux prières que vous faites pour moi, que je me sens à chaque
heure qui passe davantage forte dans mes souffrances ; mais je me sens
le courage de souffrir de plus en plus, et j’espère que Notre-Seigneur,
petit à petit, augmentera ma douleur jusqu’à ce que je meure embrasée
par son divin Amour, clouée sur la Croix avec lui.
Ma bonne petite sœur ;
Je vous appelle ainsi,
non seulement parce que vous traitez avec charité la plus indigne des
enfants de Dieu, mais aussi parce que toutes deux, nous recevons du
Seigneur la croix bénie de chaque jour. Celle-ci, portée avec amour et
résignation, est un moyen efficace pour nous élever de plus en plus dans
l’amour de Jésus; pour nous sanctifier et pour aider, par nos
souffrances, les âmes qui, sourdes à la voix de Jésus et aveuglées
devant sa lumière, s’abandonnent aux plaisirs du monde sans jamais
penser à leur salut.
Combien elle est belle
notre mission !
En ce qui me concerne,
j’avoue me considérer indigne d’un aussi heureux sort !...
Vous dites dans votre
lettre que vous viendrez pour apprendre avec moi la science de la croix.
Que dois-je vous enseigner ? Et à qui... alors que moi j’ai tant besoin
d’apprendre ?... Vous êtes, Madame, plus instruite que moi pour
enseigner; mais si c’est la volonté de Dieu, je suis prête à devenir
votre maîtresse et élève à la fois.
J’ai souvent dit que
j’étais venue en ce monde pour travailler, souffrir et offenser le
Seigneur. Triste vérité... car, je l’ai déjà tant offensé ! C’est
celle-ci la plus grande peine qui m’aiguillonne toujours. La souffrance
est ma plus grande consolation, et je ne l’échangerais pas contre le
monde entier.
Quelle ingrate je
ferais, si je refusais de donner mon corps, qui ne vaut rien, à Celui
qui, à cause de moi, a tant souffert !... À Celui qui désire se procurer
beaucoup de victimes d’amour pour sauver les âmes !
Depuis seize années, la
maladie, jour après jour, s’est propagée dans tout mon corps... et
depuis dix années je suis prisonnière dans mon lit sans pouvoir me
lever...
Combien j’ai été
favorisée par le Seigneur ! Combien suave est le joug sous lequel il me
tient !
Je reçois ceci comme une
preuve d’amour de la part de Jésus pour mon âme.
Que soit béni Celui qui
n’a pas dédaigné mon indignité !
Je sais que ce ne fut pas
sans un gros sacrifice que vous êtes venu à Balasar, mais, je pense que,
plus que la pluie, d’autres circonstances vous ont davantage gêné...
Soyons sûrs que plus grand est le sacrifice, plus grande sera aussi la
récompense du Seigneur. Voila ma conviction.
Mon Père, je vais moi aussi
faire un grand sacrifice. Notre-Seigneur le sait bien, et vous-même,
vous pourrez vous faire une idée de ce que ceci me coûte. Mais avant de
le faire, je l’ai offert au bon Jésus...
Jeudi 6, Monsieur le Curé
est venu apporter la Communion à une voisine malade et, par la même
occasion, il est venu me la donner. Après avoir communié, je me sentais
froide et incapable de toute action de grâces; mais, loué soit mon
Jésus, car il n’a regardé ni ma froideur ni mon indignité. Il m’a semblé
entendre alors ces paroles :
— Donne-moi tes mains :
je veux les clouer avec les miennes ; donne-moi tes pieds : je veux les
clouer avec les miens ; donne-moi ta tête : je veux la couronner
d’épines, comme ils me l’ont fait à moi ; donne-moi ton cœur : je veux
le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien ;
consacre-moi tout ton corps ; offre-toi toute à moi ; je veux te
posséder entièrement.
Ceci fut suffisant pour me
tenir en haleine, très préoccupée. Je ne savais que faire : me taire et
ne rien dire, me semblait ne pas correspondre à la volonté de
Notre-Seigneur; il me semblait que mon bon Jésus ne voulait pas que
j’occulte ses paroles...
Il faut encore que je vous
dise que vendredi et aujourd’hui,
Notre-Seigneur a renouvelé ses demandes. Il m’a recommandé aussi
l’obéissance en tout, comme je vous l’ai déjà expliqué.
S’agit-il d’une illusion de
ma part ? O mon Jésus, pardonnez-moi si je vous offense, mais je ne veux
pas vous offenser... je le fais par obéissance...
Il m’a demandé ceci deux
fois — le 6 et le 8 septembre.
Je ne sais pas expliquer
mon tourment, parce que je ne peux pas écrire.
Je ne voulais rien dire à ma sœur, mais je ne voulais pas non plus le
taire, car j’ai compris que je ne devais pas le faire, taire la parole
de Dieu: je devais tout dire à mon directeur spirituel.
Je me suis décidée à faire
le sacrifice et j’ai demandé à Deolinda d’écrire tout ce que je lui
dicterais. Nous l’avons fait sans échanger le moindre regard. La lettre
étant écrite, tout cela est resté entre nous et nous n’en avons plus
parlé.
Si jusque là toutes les
lettres de mon directeur spirituel me rendaient joyeuse, à partir de ce
moment, je n’en éprouvais plus la moindre consolation : je vivais dans
la crainte qu’il me désapprouve et me dise que tout cela n’était
qu’illusion.
J’avais cédé à l’invitation
du Seigneur, mais je pensais que les sacrifices qu’Il me demandait
n’étaient que ceux résultant de ma maladie, même si majorés; il ne
m’était pas venu à l’esprit qu’Il me ferait passer par des phénomènes
singuliers.
Le directeur m’a exigé de
tout écrire et, pendant deux ans et demi il ne m’a jamais dit qu’il
s’agissait bien de choses de Dieu. Ce silence m’a fait beaucoup
souffrir.
À cette époque Jésus
m'apparaissait, et me parlait souvent. La consolation spirituelle était
grande et les souffrances plus faciles à supporter. En toute chose je
sentais de l'amour pour mon Jésus et je sentais qu'Il m'aimait, étant
donné que je recevais abondance de tendresses. Je cherchais le silence.
O comme je me sentais bien dans le recueillement et bien unie à Lui !...
Jésus se confiait à moi. Il me disait des choses tristes, mais le
réconfort et l'amour qu'Il me procurait, rendaient plus douces ses
lamentations. Je passais des nuits et des nuits sans dormir, à converser
avec Lui, dans la contemplation de ce qu'Il me montrait.
Une certaine fois j'ai vu
Jésus tel un jardinier qui soigne ses fleurs, les arrosant, etc..
Il se promenait au milieu de celles-ci, m'en montrait les variétés.
D'autres fois il m'apparaissait pour me montrer les rayons éblouissants
de son Cœur. Une fois j'ai vu la Petite-Maman avec l’Enfant Jésus dans
ses bras et une autre fois je l'ai vue en Immaculée Conception
:
O combien Elle était belle !... Comme j'aimerais n'aimer qu'Elle et
Jésus !... Je ne serais vraiment bien qu'en leur compagnie.
(...)
Une nuit, Jésus m’est
apparu, grandeur nature, dévêtu jusqu’à la ceinture. Sur ses divines
mains, sur ses pieds et sur sa poitrine, de profondes plaies étaient
ouvertes. Le sang coulait jusqu’à sa taille, et traversant le linge qui
le ceignait, tombait à terre. Jésus s’est assis sur le bord de mon lit.
J’ai embrassé avec amour les plaies de ses mains et je désirais
ardemment embrasser celles de ses pieds. Comme j’étais couchée, je ne
pouvais y parvenir, mais je n’ai rien dit au Seigneur. Mais Lui, qui
connaît mes désirs, m’a présenté, l’un après l’autre ses pieds, afin que
je puisse les embrasser. J’ai contemplé ensuite la plaie de son côté et
le sang qui, abondamment, coulait de celle-ci. Grandement attendrie, je
me suis jetée dans les bras de Jésus et je lui ai dit :
— O mon Jésus, combien
avez-vous souffert par amour pour moi !
Je suis restée quelques
instants la tête inclinée sur la poitrine de Jésus qui, ensuite a
disparu.
Il est inutile de dire que
plus jamais je ne pourrai l’oublier et, que toujours je m’en souviendrai
comme quelque chose qui serait toujours présente.
Je sens mon cœur blessé
rien qu’au souvenir de cette scène; l’obéissance seule et l’amour de
Jésus m’obligent à en parler.
Je pense que Jésus, en se
présentant à moi dans cet état, voulait me préparer à ce que je vais
maintenant vous décrire. Qu’il m’en donne la force et sa grâce afin que
je puisse bien le faire.
C’est avec regret et
nostalgie que je vous informe que je n’ai plus communié. Ah, si je
pouvais obtenir qu’on me portât la Sainte Communion, en payant avec de
l’argent cette faveur, combien ne donnerais-je pas!... Mais je fais
beaucoup de communions spirituelles, avec le plus de ferveur qu’il m’est
possible et Notre-Seigneur m’en récompense. Voyez comme mon bon Jésus
m’aime: il m’a dit que lui-même sera mon Directeur !...
(...)
Jésus m’a dit de ne rien
m’attribuer de tout cela, car — me dit-il — je ne suis que poussière et
que je ne possède rien que je ne l’ai reçu de Lui. Il m’a dit aussi que
les faibles, il les rend dort; que c’est sous mes fautes qu’il cache son
pouvoir, son amour et sa gloire.
(...)
Voulez-vous que je vous
dise ce que me dit, quelquefois, Notre-Seigneur, quand il commence à me
parler ?
— Ma fille, ma fille
bien-aimée, mon aimée, mon épouse, ma préférée, me voici tout à
l’intérieur de ton âme.
Mon Bien-Aimé Jésus m’a dit
qu’il sera mon Directeur et mon Maître, continuel, fréquent et habituel;
que vous-même le serez de loin;
mais que je dois vous obéir jusqu’à préférer votre direction à la
sienne.
Notre-Seigneur ne cesse pas
de renouveler ses demandes dont je vous ai déjà parlé, et il me rappelle
continuellement ses Tabernacles.
— Viens, ma fille, viens
t’attrister avec moi ; viens me tenir compagnie dans mes prisons
d’amour ; viens réparer tant d’abandon et d’oubli !...
Il m’a demandé aussi de ne
lui refuser ni souffrances ni sacrifices pour les pécheurs, sur lesquels
la divine Justice menaçait de frapper, si je n’allais pas à leur
secours.
Il me demande d’oublier le
monde et de me livrer tout entière à Lui :
— Abandonne-toi dans mes
bras, je choisirai tes chemins...
Je ne sais pas quoi Lui
donner d’autre, car je ne Lui refuse rien...
(...)
— Avise ton directeur
spirituel que j’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion
aux Tabernacles, et d’avantage encore: qu’elle soit rallumée dans les
âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux
qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me
consoler.
Prie pour les prêtres:
ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles
pour les rendre forts. Sous leur faiblesse Je cache mon pouvoir, mon
amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi
entre mes bras: Je choisirai tes sentiers.
Quelques fois, avant même
qu’il me parle, je sens comme des embrassements. D’autres fois je les
sens à la fin. Je ressens, subitement une forte chaleur, une chaleur que
je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée
par Notre-Seigneur ! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant
de bienfaits...
(...)
Jésus m’a dit que de la
même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que
moi aussi je devais être fidèle à demeurer en esprit auprès de ses
Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon
corps pour être victime; que des milliers de victimes ne seraient pas de
trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
— Parlez, mon Jésus,
parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être
instruite à votre école.
— Je souhaite aussi
ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à
t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes
leçons, qu’ils marchent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes
chemins.
(...)
— Avise ton directeur
spirituel que J’exige que l’on prêche et que l’on propage la dévotion
aux Tabernacles, et d’avantage encore : qu’elle soit rallumée dans les
âmes. Je ne suis pas resté sur les autels par amour uniquement de ceux
qui m’aiment, mais pour l’amour de tous; même en travaillant on peut me
consoler.
(...)
— Veille sur mes
tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours
et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime
pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par
habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de
tomber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes.
Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent ; c’est ainsi qu’ils me
consolent ; c’est ainsi qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils
m’aiment !...
(...)
Ne me refuse pas les
souffrances et les sacrifices pour les pécheurs ! La Justice de Dieu
pèse sur eux. Toi, tu peux les secourir.
Prie pour les prêtres:
ce sont les ouvriers de ma vigne; la récolte dépend d’eux...
Je choisis les faibles
pour les rendre forts. Sous leur faiblesse Je cache mon pouvoir, mon
amour et ma gloire. Oublie le monde et offre-toi à moi. Abandonne-toi
entre mes bras : Je choisirai tes sentiers.
(...)
— Console-moi et
aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans
tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma
demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme,
mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi
seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai
jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma
divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai
ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les
pécheurs ?
Peu avant de dicter cette
lettre, Notre-Seigneur m’a demandé mon cœur pour le placer dans le sien,
afin que je n’ai pas d’autre amour que lui et celui de ses œuvres. Il
m’a dit que toutes les âmes y ont leur place, dans son divin Cœur, mais
que j’y avais une place de choix. Il m’a encore dit :
— Ma fille, n’as-tu pas
compassion de moi ?...
Je suis seul et
abandonné, dans mes tabernacles, et tellement offensé ! Viens me
consoler, viens réparer ; réparer pour tant d’abandon...
Visiter les prisonniers
dans leurs cachots et les consoler est une œuvre de miséricorde. Moi, je
suis prisonnier et prisonnier par amour ; je suis le Prisonnier des
prisonniers !...
Notre-Seigneur m’a dit que
je suis son temple. Temples de la très Sainte Trinité sont toutes les
âmes en état de grâce, mais que moi, par une grâce particulière, je suis
un tabernacle qu’il s’est choisi pour y habiter et s’y reposer afin de
davantage rassasier la soif que j’ai de son Sacrement d’Amour... Jésus
me dit encore qu’il se sert de moi afin que par moi beaucoup d’âmes
soient stimulées à l’aimer dans la sainte Eucharistie.
(...)
— Je t’ai choisie pour
moi. Correspond à mon amour. Je veux être ton Époux, ton Bien-Aimé, ton
tout. Je t’ai choisie aussi pour le bonheur de beaucoup d’âmes. Tu es
mon temple, temple de la très Sainte Trinité. Toutes les âmes en état de
grâce le sont, mais tu l’es de façon spéciale. Tu es un tabernacle
choisi par moi, afin que J’y habite et m’y repose. Je veux rassasier ta
soif pour mon Sacrement d’amour.
Tu es comme le canal par
où passeront les grâces que Je veux distribuer aux âmes et à travers
lequel les âmes viendront à moi. Je me sers de toi afin que beaucoup
d’âmes viennent à moi: par ton intermédiaire, beaucoup d’âmes seront
stimulées à m’aimer dans la très Sainte Eucharistie.
Reçois, maintenant, ma
fille, le Sang de mon divin Cœur : c'est la vie dont tu as besoin, c'est
la vie que Je donne aux âmes.
Dis au monde entier
qu'il écoute la voix de son pasteur, le Pape, laquelle est la voix de
Jésus. Je veux de l'amour, de la pureté d'âme, changement de vie. Que la
voix du Saint-Père soit pour le monde un aussi vibrant appel que celui
de Noé...
Qu'il parle aux nations
et à ses gouvernants, afin qu'un terme soit mis à tant d'immoralité...
J'ai renouvelé, à
perpétuité, mon vœu de virginité et de pureté, suppliant la Sainte
Vierge de me purifier de toute tache, de me consacrer toute à Jésus et
de me renfermer dans son Sacré-Cœur. Je tressaillais de joie. Peu après,
Notre-Seigneur m'a parlé ainsi :
— J'ai reçu ton
offrande, par l'entremise de ma très Sainte Mère. Si tu savais combien
tu as consolé ton Jésus et réjoui la Très Sainte Trinité !... Si tu
pouvais comprendre la gloire que ton oblation t'a acquise pour le ciel,
tu mourrais de bonheur !...
Désormais, Je te
comblerai de bienfaits... tu arrêteras le bras de la Justice divine
prête à foudroyer les pécheurs... tu seras un puissant secours à tant
d'âmes enchaînées par le péché... tu es la victime de mes prisons
eucharistiques.
(...)
J’ai eu un bon Maître.
C’est vous le premier, ô mon Jésus, que depuis toute petite, m’avez
appris !
— Donne-moi ton cœur,
que je le place dans le mien, afin que tu n’aies pas d’autre amour que
le mien et celui de mes affaires.
— Veux-tu voir comment
je t’embrase ?
J’ai alors commencé à
sentir une union si grande et une chaleur et une force qui semblait me
broyer. Mon Jésus m’a dit :
— Comme nous nous
aimons ! Quelle sainte union est la nôtre !
(...)
— Écoute, ma fille, ton
Jésus. Je suis avec toi pour t’enrichir de mes divins trésors. Combien
je t’aime ! Je t’ai choisie pour ma demeure. Je te prépare selon mes
désirs. Ne vis que pour moi. Aime-moi beaucoup. Ne pense qu’à moi. Et,
parce que tu t’es généreusement offerte comme victime pour les pécheurs
du monde, Je ferai de toi comme un canal pour distribuer les grâces aux
âmes coupables de toutes sortes de crimes. Ainsi tu feras venir à moi un
grand nombre...
En même temps je ne sais
pas ce qui s’est passé en moi, je ne sais pas l’expliquer; je ressentais
un très, très grand poids. J’avais l’impression que mon cœur devenait
aussi grand que le monde...
Cela faisait presque deux
jours que Jésus ne me parlait plus. J’ai pleuré, de peur d’être dans
l’illusion. Quand je me suis un peu rassérénée, j’ai fait la Communion
spirituelle. Mon bon Jésus m’a, alors, parlé ainsi :
— Ma fille, ma fille
très chère, ma bien-aimée, ne t’attriste pas à cause de moi. Je fais
pénétrer en toi mon Amour. Ce fut une bonne préparation. C’était moi qui
te provoquais, pour voir jusqu’où irait ta confiance. M’aimer dans les
douceurs et les tendresses, cela ne coûte pas. J’ai fait semblant de
t’abandonner, de te laisser naviguer toute seule, sans que tu te sentes
dans les bras de ton Époux, pour voir jusqu’où irais-tu. Mais, je ne
t’abandonne pas.
Combien Je t’aime !
Quand tu te sens froide, c’est moi qui, chaque fois d’avantage infuse en
toi mon amour. Quand Je ne te parle pas, c’est pour t’inspirer beaucoup
plus de foi en moi. Ne t’ai-je pas dit que je ne t’abandonnerais jamais
et ne m’éloignerais jamais de toi ? Je t’aime tellement ! Viens à mon
école; apprends de ton Jésus à aimer le silence, l’humilité,
l’obéissance et l’abandon. Viens dans mes Tabernacles... Prosterne-toi
devant moi et demande-moi pardon pour ton découragement et pour ton
infidélité.
(...)
— Je suis avec toi, ma
fille... et quand tu te sens froide, c’est que moi, je fais pénétrer
davantage en toi mon amour.
(...)
Quels heureux moments,
quelle grande union, quelle force à me contraindre, pendant que la
chaleur me donnait l’impression que des langues de feu me
transperçaient !
— Aie courage, ma fille.
Cela coûte beaucoup d’être traitée de la sorte, je le sais bien. Mais,
plus cela coûte, plus c’est agréable à ton Jésus. Mon Cœur se fait
violence en te voyant souffrir autant. Je te veux dans mes bras très
saints avec la même simplicité qu’un enfant dans les bras de sa mère. Je
veux enlever tous les doutes que tu puisses encore avoir.
Je te veux plus brillante que les anges. Oui, parce que les anges sont
brillants par nature, et toi, tu l’es parce que tu t’es restée
brillante, parce que tu as permis à Jésus de travailler en toi
librement, et t’enrichir des plus belles vertus.
— Ma fille, je suis
toujours avec toi. Si tu savais combien je t’aime, tu mourrais de joie.
Je te prépare afin de réaliser en toi mes desseins.
Jésus m’a dit que de la
même manière qu’il est fidèle à demeurer en moi pour me consoler, que
moi aussi je devais être fidèle à demeurer en esprit auprès de ses
Tabernacles, pour le consoler et l’aimer; que je devais lui donner mon
corps pour être victime; que des milliers de victimes ne seraient pas de
trop pour réparer tant de péchés et les crimes du monde...
(...)
Quelques fois, avant même
qu’il me parle, je sens comme des embrassements. D’autres fois je les
sens à la fin. Je ressens, subitement une forte chaleur, une chaleur que
je ne sais pas expliquer. Parfois encore, je me sens tellement caressée
par Notre-Seigneur! Et moi, je ne sais pas comment correspondre à tant
de bienfaits...
(...)
— Parlez, mon Jésus,
parlez, car votre petite fille vous écoute... Je souhaite ardemment être
instruite à votre école.
— Je souhaite aussi
ardemment que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à
t’apprendre, afin que par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes
leçons, qu’ils marchent sur les mêmes traces et qu’ils suivent les mêmes
chemins.
(...)
— Veille sur mes
tabernacles. J’y suis si seul dans un très grand nombre !... Des jours
et des jours passent sans que quelqu’un me rende visite. On ne m’aime
pas, on ne répare pas. Quand ils y viennent, ils le font soit par
habitude ou par quelque obligation. Sais-tu ce qui ne cesse pas de
tomber sur mes tabernacles ? C’est cette chaîne de péchés et de crimes.
Ce sont là les actes d’amour qu’ils y déposent; c’est ainsi qu’ils me
consolent; c’est ainsi qu’ils réparent; c’est ainsi encore qu’ils
m’aiment !...
(...)
— Fais que je sois aimé
par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les
sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse !
(...)
— Console-moi et
aime-moi et moi, je te consolerai dans toutes tes afflictions et dans
tous tes besoins.
(...)
— J’ai établi en toi ma
demeure... tu es un tabernacle construit non pas par des mains d’homme,
mais par des mains divines... J’habite en toi comme si dans le monde toi
seule, tu existais, comme si dans le monde je n’avais que toi à combler.
(...)
Je ne t’abandonnerai
jamais. Sais-tu quand je te laisserai ? Quand je t’appellerai en ma
divine présence pour t’emmener au Ciel. Alors seulement j’abandonnerai
ton corps... Me le donnes-tu librement afin que je le crucifie pour les
pécheurs ?
— Comme Madeleine, tu as
choisi la meilleure part. Aimer mon Cœur ! M’aimer crucifié, c’est très
bien. M’aimer dans mes tabernacles, où tu peux me contempler, non pas
des yeux du corps mais de ceux de l’âme et de l’esprit ; où j’habite
avec mon Corps, mon Âme et ma Divinité comme dans le Ciel, c’est choisir
ce qu’il y a de plus sublime.
(...)
— Ils ne croient pas à
mon existence. Ils ne croient pas que j’y habite.
Ils blasphèment contre moi. D’autres croient que j’y suis, mais ils ne
m’aiment pas, ne me visitent pas: ils vivent comme si je n’y habitais...
Viens dans mes tabernacles; elles sont à toi mes prisons; je t’ai
choisie pour m’y tenir compagnie, dans ces abris qui sont très souvent,
extérieurement, si pauvres ! Mais à l’intérieur, ô, quelle richesse !
C’est la richesse du Ciel et de la terre !
(...)
— Veux-tu me consoler ?
Veux-tu consoler le sanctificateur de ton âme ? Va dans les
tabernacles !... Consoler les attristé, c’est faire œuvre de
miséricorde... Et moi je suis si triste ; je suis si offensé !...
Là tu peux servir de
victime pour les péchés du monde, en cette période où le monde se
révolte contre moi et contre mon Église.
(...)
— Fais que je sois aimé
par tous dans mon sacrement d’Amour, le plus grand de tous les
sacrements, le plus grand miracle de ma divine Sagesse !
― Ne cesse pas de prier
pour les pécheurs. Je te les confie, afin que tu me les rendes. Viens
dans mes tabernacles.
Il m’a dit encore que “ou
bien je réparais et la dévotion aux tabernacles était prêchée, ou le
monde allait être puni avec beaucoup de sévérité”.
J’ai demandé à mon Jésus ce
que je pouvais faire pour beaucoup l’aimer et il m’a dit :
— Viens dans mes
tabernacles ; viens me consoler ; viens réparer. Ne cesse pas de
réparer ; donne-moi ton corps pour que je le crucifie. J’ai besoin de
beaucoup de victimes pour soutenir le bras de ma justice et j’en ai si
peu ! Viens les remplacer... Fais que je sois aimé de tous dans mon
Sacrement d’Amour, le plus grand de mes Sacrements et le plus grand
miracle de ma divine sagesse...
— O mon Jésus, Vous me
caressez si tendrement en me disant des choses si magnifiques. Ne
voyez-vous pas ma petitesse... ma misère ?...
— Ma fille, c'est dans
ta petitesse et dans ta misère que Je cache ma grandeur, ma gloire !...
— J'ai besoin de
plusieurs victimes pour arrêter le bras de ma Justice et J'en ai si
peu !... Remplace-les. Je veux que tu me fasses aimer dans mon sacrement
d'amour, le plus grand des sacrements... le plus extraordinaire miracle
de ma Sagesse...
(...)
Oh ma fille chérie, je
veux que tu sois toute à moi, toute à moi et que tu ne vives que pour
moi et n’aimes que moi et ne cherches que moi !...
J’ai commencé à goûter les
effets de Notre-Seigneur avant même qu’il me parle : une grande chaleur,
une force qui m’enlaçait tellement qu’elle semblait m’arracher de ce
monde. Je ressentais l’impression que l’on a quand on reçoit des
caresses et j’avais l’impression aussi de recevoir des baisers...
(...)
Mes souffrances continuent
d’augmenter de plus en plus, mais je ne crains pas, parce que mon cher
Jésus souffre avec moi. Bien au contraire, je me sens joyeuse et
contente, car par l’augmentation de mes souffrances, je peux davantage
aider les pauvres pécheurs et réparer les offenses dont Notre-Seigneur
est victime de leur part.
(...)
― La mission que je t’ai
confiée, ce sont les tabernacles et les pécheurs...
Par toi, beaucoup,
beaucoup de pécheurs seront sauvés ; non par tes mérites, mais par les
miens. Je cherche tous les moyens pour les sauver...
Veux-tu vraiment
consoler et aimer ton Époux, l’Époux des âmes vierges que j’aime avec
prédilection ?
Viens dans mes
tabernacles, reste là, vis là, et donne-moi ton corps pour que je le
crucifie, afin de satisfaire à mes desseins. Sois ma victime de
réparation pour les pécheurs du monde entier ; c’est ainsi que tu me
consoleras beaucoup...
Ta couronne est plus
brillante que toutes les perles précieuses du monde. Elle est embellie
par toutes tes souffrances et par les âmes des pécheurs que tu as
sauvés. Une très haute place est préparée pour toi [dans le Ciel].
— Combien de victimes
j'ai choisies et qui se sont refusées !... Combien j'ai appelées et ne
m'ont pas entendu !... Combien j'ai invitées à une grande élévation vers
moi et Je n'ai rien obtenu !
En toi Je me suis
consolé; de toi J'ai tout reçu !... Si tu voyais le nombre d'âmes qui se
sont sauvées grâce à toi, et spécialement en ces dernières années par
ton jeûne !
— Ma petite fille,
enfant de prédilection de Jésus, viens : Je suis la Mère du Rosaire, je
suis la Mère du Carmel. Cachée dans mon sein, serrée contre mon Cœur,
reçois dans tes mains le Rosaire qui pend des miennes. Sur le Rosaire je
place le Scapulaire.
(...)
Notre-Seigneur m’a
recommandé de ne pas me distraire pendant la journée avec les visites,
aussi nombreuses qu’elles puissent être. Et en vérité, lors de la visite
au Saint-Sacrement,
j’étais si unie à Jésus, qu’il me semblait que nul ne pouvait me
distraire... Je les laissais tous parler, mais ma pensée était avec
Jésus au Tabernacle.
Je voulais tout faire
par amour pour Eux
et, pour leur prouver que je les aimaient. Quelques fois, je faisais des
boulettes de cire que j’attachais au bout d’un fil et, avec celles-ci,
je me flagellais, choisissant les endroits de mon corps les plus
sensibles, ceux où je me faisais le plus de mal, comme les genoux, les
os. Mon corps devenait bleuâtre sous les coups.
D’autres fois, je nouais les tresses de mes cheveux aux barreaux de mon
lit et je tirais ensuite, de toutes mes forces, afin de pouvoir souffrir
davantage.
Un dimanche après-midi,
j’ai éprouvé une si grande aspiration d’amour pour Jésus, que je ne
pouvais me contenir. Je ne désirais qu’une chose: être seule.
Finalement, tous les miens ont décidé, même si hésitants, d’aller à
l’église. À peine ils sont sortis, j’ai pu montrer à Jésus combien je
l’aimais. Ayant pris l’épingle à laquelle étaient accrochées mes
médailles, je l’ai enfoncée dans ma poitrine. Ne voyant point de sang
couler, je l’ai enfoncée davantage dans la chair, jusqu’à ce que le sang
coule. Je m’en suis servie comme d’une plume et j’ai écrit, au verso
d’une image pieuse :
— Avec mon
sang, je vous jure de beaucoup vous aimer, mon Jésus. Que mon amour soit
tel, que je meure enlacée à la croix. Je vous aime et je meurs d’amour
pour vous, mon cher Jésus. Je veux habiter dans vos tabernacles.
(Balasar, 14.10.1934).
Aussitôt après, j’ai
ressenti tellement de répugnance et d’affliction, que je voulais
déchirer cette image. Je ne sais pas ce qui m’en a empêché. Cette preuve
d’amour ne m’a procuré aucune consolation.
Quand ma sœur est rentrée,
elle m'a trouvée plongée dans une grande inquiétude. Je ne lui ai pas
dit ce que j’avais fait, mais je lui ai simplement montré l’image. Elle
s’est exclamée :
— Petite folle que tu
es! Que va dire le Père Pinho ?
Je me suis défendue en
disant :
— Je ne lui dirai
rien !...
Au contraire, je lui ai
tout raconté ! Lui, il me dit :
— Qui t’en a donné
l’autorisation ?
J’ai répondu alors que
j’ignorais qu’une autorisation était nécessaire. Il m’a interdit de
refaire des choses de ce genre.
— De la même manière
qu’avant que je ne vienne dans le monde, des victimes étaient immolées
dans le temple, ainsi aujourd’hui je veux immoler ton corps comme
victime. Donne-moi ton sang pour les péchés du monde. Aide-moi dans le
rachat. Sans moi tu ne peux rien; avec moi tu peux tout, pour aider les
pécheurs et pour bien d’autres choses.
Le 3 [janvier], vers vingt
et une heures, après la visite au Saint-Sacrement que je n’avais pas pu
faire dans la journée, à cause de mes grandes douleurs et d’une forte
indisposition — et je ne l’aurais pas faite, car j’avais grand sommeil —
je me suis rendu compte, tout d'un coup, de cette sensation que je
ressens quand Notre-Seigneur vient me parler. Cette nuit il m’est venu
une idée qui peut, peut-être vous aider à comprendre ce que je veux
dire: j’ai la sensation qu’une ondée vient me couvrir.
Je me suis inclinée sur le
côté gauche et à l’instant même, Notre-Seigneur m’a parlé.
Voulez-vous savoir ce que
m’a dit encore le maudit ?
— “O excommuniée,
excommuniée et justement excommuniée, si tu lui écris encore quelque
chose !... Convertis-toi, malheureuse ! Convertis-toi pauvre fille !
C’est l’amour que j’ai pour toi qui me fait parler de la sorte. Je viens
à peine de parler à ton Christ; il m’a dit de prendre soin de toi, car
il n’a plus de salut possible pour toi. Combien il était en colère
contre toi ! Il m’a dit qu’il ne peut plus te voir, et que c’est
justement à cause de tout ce que tu écris. Si tu me promets de ne plus
rien écrire, je crois pouvoir encore arranger les choses.”
Il a ajouté qu’il était
inutile que je prie, car il n’y a plus de salut possible, pour moi...
que plus personne ne peut me secourir... que je serai condamnée...
Après les prières, pendant
une nuit de lutte, alors que j’avais tant besoin de dormir, tout d’un
coup, il s’est fait une telle obscurité dans ma chambre, que je
n’arrivais même pas à voir un filet de lumière par la fenêtre qui donne
sur le couloir... Ensuite, j’ai vu une ombre toute noire dont je vous ai
déjà parlé à plusieurs reprises; je l’ai vu sauter vers moi et je l’ai
entendu me dire :
— “Je viens de la
part de ton Christ, te chercher, afin de te mener en enfer. Si tu
t’endors, je te prendrai, toi et ton lit...”
J’embrassais le crucifix,
et la voix continuait :
— “Embrasse ce
scélérat !... Il m’a dit de te faire des choses que je n’ose même pas
répéter. Je ne te les ferai pas, parce que je t’aime bien...”
Ce ne fut que quand j’ai pu
m’emparer de l’eau bénite qu’il m’a laissée en paix...
Il y a huit jours, j’ai vu
tomber contre la porte de ma chambre, une personne les bras en croix. Je
ne sais pas expliquer ce que j’ai ressenti dans mon cœur : je me suis
épouvantée, mais aussitôt après, le calme est revenu.
L’obscurité que j’ai
décrite, se répète bien souvent.
De temps en temps, je vois
une rapide lumière... mais elle n’est pas bien distincte...
Deux fois déjà, j’ai vu,
posés sur ma poitrine, comme deux yeux très grands, écarquillés, qui me
fixent, mais qui disparaissent aussi vite...
Dimanche, j’ai entendu une
douce voix qui me disait :
— “Ma fille, je viens
te dire de ne plus écrire de ce que tu vois: c’est une illusion de ta
part ! Ne vois-tu pas comment tu es faible ? Tu me fais de la peine en
l’écrivant. C’est ton Jésus qui te parle et non pas Satan ! ”
Méfiante, j’ai commencé à
embrasser le crucifix, et alors la voix se transforma, elle est devenue
méchante :
— “Si tu écris encore
quelque chose, je te mets le corps en déconfiture. Crois-tu que je ne
peux pas le faire ? ”
Le démon veut me prendre
les objets sacrés que j’ai sur moi et le crucifix que j’ai dans les
mains...
il me dit qu’il a des secrets à me confier, mais qu’il faut que je me
débarrasse de ces objets qu’il haït.
(...)
Et moi, au milieu de tout
cela, sans avoir un ministre de Notre-Seigneur à qui je puisse ouvrir ma
conscience; avec qui je puisse m’épancher !... Comment ne devrais-je pas
me sentir triste ? J’ai pleuré, mais grâce à mon bien-aimé Jésus, ce
n’étaient que des larmes d’une grande résignation à sa très sainte
Volonté.
— Je ne peux pas être
davantage offensé... La profanation du dimanche, le péché de la
gourmandise, l'impureté... que de crimes affreux, qui entraînent les
âmes en enfer !...
Si ce monde d'iniquités
ne s'arrête pas, bientôt l'humanité sera punie.
J'ai fait avertir Sodome
et Gomorrhe et l'on a méprisé mes avertissements. Malheur à ceux qui,
maintenant, feront de même !
(...)
— Dis à ton directeur
spirituel d'aviser le pape que s'il veut sauver le monde, il doit hâter
l'heure de la consécration du monde à ma Mère. Qu'il La place à la tête
de la bataille et la proclame Reine de la Victoire et Messagère de Paix.
Le monde aura beaucoup à souffrir, parce que la malice humaine est
arrivée à son comble avec tous ses crimes. Pauvre monde, s'il n'a pas
comme guide la Reine du ciel ! Pauvre monde, si Elle n'intercède pas
auprès de Dieu !
— Si tu m’aimes, si tu
es toute à moi, ne me refuse pas ce que je te demande. Sois ma victime.
(…)
Oh, c’est alors que je me
suis sentie caressée par Notre-Seigneur !... Quelle intime union !
Quelle force qui m’enlaçait si fortement ! Quelle paix dans mon âme !
Savez-vous à quoi j’ai
pensé ? Quelle folle j’ai été de ne pas avoir toujours aimé
Notre-Seigneur, et que tous ceux qui ne l’aiment pas, sont aussi fous !
(…)
— Tout ce que les
adorateurs me demanderont dans la Sainte Eucharistie, je leur
accorderai. L’Eucharistie est la médecine pour tous les maux...
Que l’on prie pour les
malheureux pécheurs, lesquels, esclaves de leurs passions, ne se
souviennent plus qu’ils ont une âme à sauver et qu’une éternité les
attend bientôt.
— Ma fille, tu ne vis
pas la vie du monde: tu es détachée de tout ce qui lui appartient. Tu
vis du ciel, tu vis de ce qui est divin. Tes sentiers sont les sentiers
du Christ : c'est pour cela que tu n'es pas comprise. Ta mission est
sublime, mon ange. C'est la plus riche des missions. Voici donc la
raison de la haine et de la persécution de la part du démon à l'encontre
des âmes que tu lui arraches; persécution de la part du monde parce
qu’il ne comprend pas la vie que tu vis, ce que c'est que ma vie dans
les âmes.
C'est douloureux pour
mon divin Cœur de voir ta douleur.
Il est nécessaire que
les hommes étudient profondément pour comprendre la vie du Christ dans
les âmes.
Quand Je t'ai créée, Je
t'ai faite avec la perfection nécessaire pour accomplir la mission la
plus sublime. C'est ainsi que J'ai choisi les âmes qui devaient te
guider, des âmes qui comprennent, des âmes qui vivent seulement ma vie,
la vie intime avec moi. Je souhaite que tous mes disciples (les
prêtres) étudient cette science divine: ils ne l'étudient pas, ne la
comprennent pas. Je leur donne les lumières nécessaires et ils cherchent
à les éteindre, mais en vain.
Au mois de mai 1935,
désireuse de consoler la Maman chérie et de souffrir pour elle, j’ai
pensé écrire, sur des petits morceaux de papier, des intentions, une
pour chaque jour du mois. Chaque matin j’en tirais un au sort et
m’efforçait, pendant la journée, de suivre ce qui était écrit. Ceci,
uniquement, pour consoler Jésus, par l’intermédiaire de Marie.
1 |
Un vrai amour de ma part
envers la très sainte Maman et Jésus au Saint-Sacrement. |
2 |
Par amour pour Jésus et Marie,
je souffrirai pour tous les prêtres. |
3 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour quelques pécheurs qui
m’ont été ardemment recommandés. |
4 |
Par amour de Marie et de Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour tous les pécheurs du
monde. |
5 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour obtenir un amour fou
envers la Maman du ciel. |
6 |
Par amour pour Jésus au
Saint-Sacrement, je souffrirai pour les intentions de mon
parrain et de ma famille. |
7 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour toutes les intentions qui
m’ont été confiées. |
8 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour mon directeur spirituel. |
9 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour obtenir l’amour des
anges, des chérubins et des séraphins. |
10 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour obtenir un amour ardent
pour mon Jésus au Saint-Sacrement et qu’il soit aimé par tous au
Saint-Sacrement. |
11 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai sans me plaindre. |
12 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout ce qui est de la volonté
de Dieu. |
13 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout à la mémoire de la
Passion du Seigneur. |
14 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour ma mère. |
15 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je mortifierai mon corps. |
16 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour le Saint-Père et
pour les besoins de l’Église. |
17 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout en l’honneur des douleurs
de la Maman céleste. |
18 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour ma chère Sãozinha.
|
19 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je leur donne mon corps comme victime et je
renouvelle le vœu de virginité. |
20 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir de ne penser
qu’au Jésus et Marie. |
21 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir de vivre
dans une grande intimité avec mon Ange Gardien. |
22 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, j’observerai le silence. |
23 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir l’amour de
la très Sainte-Trinité. |
24 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai afin de tout obtenir du
Seigneur et pour être sainte. |
25 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je renouvellerai le vœu de tout offrir pour
les âmes du Purgatoire. |
26 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout, en premier lieu pour
notre “Croisade Eucharistique”
et pour une autre qui m’a été recommandée, et pour le monde
entier. |
27 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai pour la conversion et pour
tous les besoins de ma famille. |
28 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour ma chère sœur. |
29 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour les pécheurs qui
sont tout près d’être présentés devant Dieu. |
30 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je souffrirai tout pour obtenir l’amour de
tous les saints et saintes. |
31 |
Par amour pour Marie et Jésus
au Saint-Sacrement, je renoncerai aux fruits. |
— Mère de Jésus et ma
Mère, écoutez ma prière : je vous consacre mon corps et mon cœur.
Purifiez-le, Mère très Sainte : remplissez-le de votre amour. Placez-le
vous-même auprès des Tabernacles de Jésus, afin qu’ils servent de lampe
jusqu’à la fin du monde.
Le 30 du courant mois,
après la Communion, j’ai entendu Jésus qui me disait :
— En raison de l’amour
que tu as envers ma très Sainte Mère, communique à ton directeur
spirituel la demande suivante: que chaque année un acte de consécration
du monde à Elle soit fait, un jour fixé et que l’on demande à la Vierge
sans tache de confondre les impurs, afin que ceux-ci changent de vie et
ne M’offensent plus davantage.
Comme Je l’ai demandé à
Marguerite Marie la consécration du monde à mon divin Cœur, ainsi Je te
demande à toi, qu’il soit consacré à Elle, avec une fête solennelle.
(…)
Dans la journée, je
redisais à Notre-Seigneur : O mon Jésus, je ne sais pas comment vous
remercier pour tant de bienfaits. Moi, qui ne suis pas digne de lever
les yeux au ciel, ni de vous appeler du très doux nom de Père, je reçois
de vous tant de grâces ! Merci, merci beaucoup, mon Jésus !
(...)
— Ne tardez pas à faire
connaître tout ce que Je vous communique au sujet de l’Eucharistie. vous
n’avez que cette médecine. C’est de celle-ci que naissent les
paratonnerres pour éloigner la divine Justice.
(...)
Quelle paix je sens dans ma
pauvre âme ! Comme j’ai envie de l’aimer de plus en plus ! Aujourd’hui
je l’ai reçu, avec peu de ferveur; mais il y a déjà eu pire. Savez-vous
ce que je crois voir ? De plus en plus de grandeur en Notre-Seigneur, et
en moi, de plus en plus de petitesse: on dirait que je m’accroupissais,
que je mettais à plat ventre. Pour cela même, je me sens de plus en plus
indigne de recevoir Notre-Seigneur, la grandeur et la bonté infinies !
Mais, confions en sa miséricorde, n’est-ce pas ?
O mon Jésus, je m’unis
spirituellement à toutes les Hosties de la terre, dans tous les lieux où
vous habitez au Saint-Sacrement; je veux y passer tous les moments de ma
vie, constamment, de jour comme de nuit, joyeuse ou triste, seule ou
accompagnée, à vous consoler toujours, à vous adorer, à vous aimer, à
vous louer, à vous glorifier ! O mon Jésus, je voudrais que tant d’actes
d’amour tombent sur vous, constamment, de jour comme de nuit, comme la
pluie fine qui tombe du ciel pendant une journée d’hiver. Je ne voudrais
pas ces actes d’amour uniquement de moi, mais de tous les cœurs, de
toutes les créatures du monde entier. Oh ! Comme je voudrais aimer et
vous voir aimé de tous ! Vous voyez, ô Jésus, mes désirs: acceptez-les
comme si déjà je Vous aimais ! O Jésus, qu’il ne reste dans le monde un
seul lieu où vous demeurez au Saint-Sacrement, sans qu’aujourd’hui et
pour toujours, à chaque instant de ma vie, je n’y sois pour Vous dire :
“Jésus, je vous aime ! Jésus, je n’appartiens qu’à vous ! Je suis
votre victime, la victime de l’Eucharistie, la petite lampe de vos
tabernacles ! ” O Jésus, je veux être victime pour les prêtes, les
pécheurs, ma famille ; victime par amour pour vous, pour votre très
sainte Passion, pour les douleurs de la Maman chérie, pour votre Cœur,
pour votre sainte Volonté ; victime pour le monde entier ! Victime pour
la paix, victime pour la consécration du monde à la Maman du ciel !
On dirait que tout ce qui
s’est passé en moi est oublié, sauf les péchés ; ceux-là je me les
rappelle. J’ai quelques fois des moments d’affliction dont j’ignore la
cause. À ces moments-là, il me semble avoir davantage de péchés !
La Toussaint a été pour moi
un jour de grande tribulation: dès le matin, j’avais l’impression de
comparaître devant Notre-Seigneur, sans rien, les mains vides. Cette
situation me faisait penser à celle d’un mendiant qui n’a même pas un
vieux chiffon pour se couvrir: moi non plus, je n’avais rien pour ma
pauvre âme. Il me semblait ne pas avoir de cœur pour aimer
Notre-Seigneur, et j’avais aussi l’impression qu’on l’éloignait de moi,
mais je ne comprenais pas ce qui se passait...
Après la sainte Communion,
il me semblait que je traitais Jésus comme un étranger.
Hier, j’ai de nouveau
ressenti ce que je vous ai déjà expliqué il y a quelque temps: soudain
il m’a semblé porter sur moi tous les péchés du monde, que tous les
crimes étaient les miens. Je ne sais pas expliquer ce que j’éprouvais
alors... Quand je me sens affligée, j’ai l’habitude de dire : “Mon Dieu,
que votre très sainte Volonté soit faite. J’ai confiance en vous. Je
vous aime beaucoup, mon Jésus, je suis votre victime !...
Si je pouvais, par mes
souffrances, fermer les portes de l’enfer! C’est ce que je répète
souvent à Notre-Seigneur : “ O mon Jésus, que chaque nouvelle douleur,
que chaque nouvelle affliction, soient autant d’actes d’amour pour vos
Tabernacles, autant de serrures pour les portes de l’enfer, afin que les
forces du mal ne puissent plus les rouvrir.
Je regrette de ne pas
savoir remercier Notre-Seigneur pour tant d’amour pour la souffrance et
pour tant et tant de bienfaits que je reçois de Lui. Mon Père, je vous
demande, par charité, de remercier et de louer Jésus pour moi.
Notre-Seigneur m’a donné la perle la plus précieuse, la plus grande
richesse que l’on puisse avoir en ce monde. Combien heureux est celui
qui souffre pour Jésus ! Si je ne l’avais pas autant offensé, mon
bonheur serait à son comble. Mais, malgré mes péchés, il me semble que
nul au monde n’est plus heureux que moi...
Mon état d’âme n’a pas
changé : toujours le même abandon dans lequel Notre-Seigneur m’a
laissée... Que Notre-Seigneur daigne accepter toutes les peines que je
souffre pour la conversion des pécheurs. Les âmes de ces malheureux qui
offense tant Jésus, me préoccupent beaucoup. J’ai tant de peine pour
leurs petites âmes ! Penser qu’une fois perdues, elles le sont pour
toujours ! Quelle désolation ! Je ne peux pas m’arrêter de tout endurer
et d’offrir tous les sacrifices pour leur salut et soulager Jésus.
Quand je contemple Jésus
crucifié et le vois si maltraité, alors mon chagrin redouble et mon cœur
se remplit de douleur et de tristesse, me souvenant qu’à chaque instant
il est si horriblement crucifié... J’en souffre beaucoup. Parfois, mon
corps n’en peut plus résister et je crois mourir. Cependant, mon esprit
vit encore, Dieu soit loué. Il vit dans le désir de souffrir davantage,
pour pouvoir ainsi consoler et soulager Celui qui m’aime tant et qui est
mort pour moi. C’est ainsi que je vis, sans aucun moment de consolation,
au milieu des ténèbres et dans un complet abandon; mais toujours dans
les bras de Jésus, tenant ma place de sentinelle auprès de ses
Tabernacles, partout où il habite au Saint-Sacrement. Je lui dis alors:
“O mon Jésus, si je me
distrais ou si je m’endors, rappelez-moi aussitôt, par des afflictions
ou par des souffrances, afin que je prenne votre défense et que les
péchés du monde ne tombent pas sur vos prisons d’amour. Je veux vivre et
mourir dans vos bras, mais sans jamais arrêter de vous consoler et de
vous aimer; sans jamais cesser de vous tenir compagnie et de vous
soulager.”
« Il me
semble que tout s’assombrit... »
Il me semble que, jour
après jour, tout s’assombrit de plus en plus. Même le Soleil divin qui
me réchauffait, m’éclairait et donnait la force à ma pauvre âme, semble
s’être obscurci. Patience! Je veux tout souffrir pour mon Bien-Aimé
Jésus, pour lui sauver beaucoup d’âmes: c’est la mission que
Notre-Seigneur m’a confiée, en ce monde, n’est-ce pas ?
Combien elle est belle et
consolante la prière du “Notre Père” ! “Que votre volonté soit faite sur
la terre comme au ciel !” Que ma plus grande consolation soit celle de
savoir que je fais la volonté de mon Bien-Aimé Jésus, qui a tant aimé
cette misérable pécheresse...
Pour dicter ces quelques
lignes, j’ai dû m’y prendre à plusieurs reprises : il me fallait
attendre de pouvoir parlé, car mes souffrances sont si grandes, qu’elles
m’accablent et m’épuisent complètement.
Mon doux Jésus ne semble
pas encore satisfait de ma crucifixion. Il écoute bien les demandes que
je lui fais d’augmenter mes tourments. En plus des énormes douleurs qui
me torturent, je me sens, maintenant, comme suspendue à une balançoire,
poussée de droite à gauche et de bas en haut, ce qui me cause une très
grande souffrance dans tout le corps. Les douleurs de mon bras gauche
sont aussi plus aiguës. Béni soit Notre-Seigneur ! Que sa très sainte
volonté, qui est aussi la mienne, soit faite. Mais, que sont les maux
corporels, comparés aux souffrances de l’âme ! Ce n’est qu’avec l’aide
divine que je peux y résister. Ce complet abandon, dans lequel mon
Bien-Aimé Jésus a daigné me placer — être privée de lumière et de
consolations — me coûte énormément.
S’il m’était possible
d’endurer toutes les souffrances du monde, je ne les refuserais pas,
pourvu que Jésus fût aimé de tous. Je dis souvent à Jésus :
— Mon Bien-Aimé Jésus,
comme j’aimerais vous consoler et pouvoir vous dire : “Mon Jésus, vous
ne serez plus offensé ! Il ne tombera désormais plus d’âmes en enfer !
Vous êtes aimé et connu de tous !” Oh oui, je veux beaucoup souffrir,
afin que votre Sang n’ait pas été versé inutilement pour aucune âme !
O douleur, douleur bénie !
O croix, lit sacré !... Je veux que tu sois ma tombe d'où je ne puisse
plus sortir !... Croix sainte, trésor immense dont Jésus a voulu
m'enrichir, je te désire, je t'embrasse, je veux être clouée à toi,
toute entourée d'épines ! Je veux être blessée et immolée pour Jésus,
avec Jésus ! La croix fait mon bonheur sur la terre et me rendra
heureuse au ciel !...
En mai 1936, déjà sans
forces, ne pouvant plus écrire, mais désirant donner, à Jésus et Marie,
la même preuve d’amour que l’année précédent, j’ai demandé à ma sœur
d’écrire les intentions de prière suivantes, sur les bulletins à tirer
au sort quotidiennement, souffrant et aimant selon l’intention écrite.
Le 31 mai 1936, j’ai écrit
ce qui suis :
— Petite-Maman du ciel,
je viens humblement à vos pieds pour déposer les fleurs spirituelles
recueillies pendant le mois. Je suis confuse : quelle pauvreté ! Dans
quel état je vous les confie ! Elles sont si fanées et si effeuillées !
Mais vous, ô ma très chère Maman céleste, vous pouvez les transformer,
les reverdir, les ravigoter, afin qu’avec elles, à ma place, vous
puissiez apporter consolation et parfum à Jésus ! Parlez-Lui de mes
peines et de mes afflictions.
(…)
Ma très chère Petite-Maman,
en ce dernier jour de votre mois béni, en prenant congé, vu que je n’ai
rien d’autre à vous offrir, je vous offre mon corps et je vous demande
de le garder et de le serrer dans vos bras très saints comme votre fille
la plus aimée.
Le Seigneur m’a informée,
courant 1935, que je mourrais
le jour de la fête de la très Sainte-Trinité
1936. Vu que je ne connaissais pas d’autre mort, je pensais quitter ce
monde et partir vers l’éternité.
Pendant cette période j’ai
eu beaucoup de consolations spirituelles. Plus le jour de la fête de la
très Sainte-Trinité approchait, plus grande était ma joie : je serais
partie célébrer au ciel la fête de mes trois amours, comme je les
appelais: le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Les douleurs de mon corps
allaient en augmentant et, tout portait à croire à ma prochaine
disparition. Deux jours avant, le Seigneur m’a confirmé que je mourrais
entre les 3 et 3 heures 30 du matin et m’a dit de faire appeler mon
directeur spirituel. Cela fut fait.
l est arrivé vers le soir
et est resté auprès de mon lit toute la nuit. Il m’a préparée à mourir;
et a fait avec moi un acte de complète résignation et de conformité à la
volonté de Dieu. J’ai demandé pardon à toute la famille et dans la joie,
je chantais :
Heureuse, ô heureuse ! |
Heureuse qui, mille fois, |
Et j’en ai tant envie, |
Dans sa longue agonie |
De mourir en chantant |
Avec amour peut citer |
Le saint nom de Marie ! |
Le saint nom de Marie ! |
Ensuite, j’ai été prise
d’une affliction croissante. À l’heure fixée, je ne sais pas ce que j’ai
ressenti ; j’ai cessé d’entendre tout ce qui se passait autour de moi.
Mon Père spirituel et mes familiers ont récité les prières pour les
agonisants; ils ont allumé un cierge béni qu’ils ont placé entre mes
mains, mais déjà je n’avais connaissance de rien. Je suis restée ainsi
un certain temps. Ils pensaient que j’étais morte et ils me pleuraient.
Tout d’un coup, j’ai commencé à entendre leurs pleurs; j’ai recommencé à
respirer et, petit à petit, j’ai repris mes esprits, tout en restant
encore en état de dépression et je pensais : “Vous continuez à
pleurer et moi, je continue de mourir !” J’attendais toujours de
comparaître devant Dieu. Cela ne me faisait rien de quitter ce monde et
ma chère famille.
À un certain moment, voyant
que je m’en remettais et que les paroles de Jésus ne se réalisaient pas,
une grande et inimaginable tristesse m’envahit; je me sentais comme
oppressée par un poids écrasant.
Mon directeur spirituel a
dû partir, sans m’adresser la moindre parole de réconfort. J’ai passé la
fête de la très Sainte Trinité comme une moribonde ; à l’intérieur de
moi, tout était mort. Mes larmes coulaient abondamment. Des doutes
insupportables m’ont assaillie : je m’étais trompée, au sujet de la
mort, ainsi que sur tout ce que Jésus m’avait dit jusqu’alors...
Pendant les deux jours qui
ont suivi, il me semblait que tout était mort. Il n’y avait plus de
soleil, plus de lune, plus de jour pour moi. Vivre m’était presque
insupportable.
Deolinda et Sãozinha
s’approchaient de moi et me demandaient :
— Pourquoi ne parles-tu
pas ? Pourquoi ne nous souris-tu pas ?
Moi, je leur répondais :
— Laissez-moi seule ! Je
ne suis plus la même. Vous ne me verrez plus sourire. Il n’y aura plus
jamais de soleil capable de m’éclairer !
Et je pleurais.
Plongée dans la plus grande
douleur, dans la plus grande amertume, je parlais de telle sorte
qu’elles ne savaient plus quoi me dire. Elles parlaient même de faire
appeler mon directeur spirituel. Mais, sans que personne en soit
prévenue, le Père Oliveira Dias
est arrivé, envoyé par mon directeur spirituel, pour réconforter mon
âme. Le bon Père m’a expliqué mon cas, me racontant des cas semblables
au mien qui sont arrivés dans la vie de certains saints. C’est ainsi que
j’ai appris qu’il s’agissait de la mort mystique et, de laquelle je
n’avais jamais entendu parlé.
J’ai eu comme l’impression
que ce fut comme un ange envoyé du ciel pour calmer la tempête de mon
âme. J’ai toutefois continué de vivre dans l’épreuve. Il me semblait que
Jésus, lui aussi, était mort, car pendant quelques mois, je n’ai plus
entendu sa voix. Quand l’agonie de mon âme augmentait, je me remémorais
les faits que le Père Oliveira Dias m’avait racontés et je reprenais un
peu de courage, aidée en cela par mon Père spirituel.
— Je vais te dire
comment sera faite la consécration du monde à la Mère des hommes et ma
très Sainte Mère, que j’aime tant ! Ce sera à Rome, par le Saint-Père,
qu'il sera consacré, et ensuite par tous les prêtres dans toutes les
églises du monde entier... Ne craignez pas, mes desseins s’accompliront.
Un jour Jésus m’a dit :
— Écoute mes divins
désirs : dis à ton Père spirituel de faire connaître partout que ce
fléau
est un châtiment, c’est la colère de Dieu. Châtiment pour rappeler : Je
veux le salut tous. Je suis mort pour tous. Je ne veux pas être offensé
et je le suis grandement, en Espagne et partout dans le monde entier !
Il est grand, le danger, que ce fléau et que les actes de barbarie se
répandent.
Maintenant, je vais te
dire de quelle manière sera faite la consécration du monde à la Mère des
hommes et ma très sainte Mère :
D’abord par le
Saint-Père, à Rome; ensuite, par tous les prêtres dans toutes les
églises. Elle sera invoquée comme Reine du ciel et de la terre ;
Notre-Dame de la victoire.
Si le monde corrompu se
convertit et change de chemin, Elle régnera et par son intermédiaire on
obtiendra la victoire. N’aie pas peur, ma fille : mes désirs se
réaliseront !...
Vers la fin de 1936, une
nuit, j’ai aperçu, à peu de distance, un pré très vert et très fleuri.
Les fleurs étaient des lis. Combien ils étaient nombreux ! Combien ils
étaient parfaits ! Au milieu de ce pré, paissait un troupeau d’une
immensité de brebis. Le berger, c’était Jésus, grandeur nature, très
beau, un bâton à la main.
Je me suis approchée du pré
; au moment où j’allais entrer, le tout se transforma dans une route
aride. J’ai cheminé jusqu’à une pente très difficile à monter. Pour
arriver au sommet de la montagne, je devais parcourir un sentier qui
faisait peur: que des ronces et des épines. À ma gauche j’entendais
bêler les brebis. J’aurais aimé m’approcher pour voir la cause de leurs
lamentations, mais un précipice profond et obscur m’empêchait enfin de
les voir. Je percevais qu’elles souffraient beaucoup. J’ai continué de
cheminer le long de ce sentier et puis, tout en haut, à droite, j’ai
encore entendu des lamentations. Depuis la hauteur, j’ai pu voir la
cause de tant de souffrance: il y avait une brebis à la laine très
blanche, mais très sale, tombée et enchevêtrée entre de longues et
aiguës épines. De suite j’ai compris que ses lamentations n’étaient pas
de nostalgie de sa maman, parce qu’elle était déjà assez grande. J’ai eu
tellement de peine, de la voir dans cet état, que je me suis approchée
et, avec beaucoup d’amour, patiemment, je l’ai libérée de ses épines.
Aussitôt libérée, la vision cessa.
Je ne l’ai plus jamais
oubliée. Elle resta gravée dans ma mémoire et dans mon âme.
Lors des festivités du mois
de mai dans la paroisse, je restais seule à la maison. Pour faire mes
prières, j’allumais quelques bougies avec une canne. Un jour, un bout de
bougie allumée est tombé risquant de faire prendre feu à la nappe de la
table ou faire éclater le globe de verre. Je voulais l’étendre avec la
canne, mais je n’y réussissais pas. Au moment ou je m’apprêtais à
laisser tomber dessus le chandelier, tout s’est éteint.
Quelle affliction de ne pas
pouvoir bouger et empêcher qu’une aussi petite flamme ne cause la
destruction de notre maison !
Un autre jour où je devais
aussi rester seule pour peu de temps, j’ai eu une grande peur.
Une voisine est entrée pour
me demander si j’avais besoin de quelque chose. Quand elle est partie,
elle a laissé la porte de la véranda ouverte et, peu de temps après,
notre chèvre en a profité pour entrer. Elle a pris la direction de la
salle où nous gardions les vases de fleurs destinés à l’ornementation de
l’église, les jours de fête. Je l’ai appelée : elle m’a regardé, mais
n’est pas venue. Je lui ai jeté un morceau de miel, mais elle ne l’a pas
mangé, je lui ai encore montré un autre bon morceau et j’ai continué de
l’appeler; à la fin, elle a fini par s’approcher de moi. Alors, je l’ai
saisie, je lui ai donné le miel et je l’ai ensuite tenue pendant deux
heures: quelquefois la caressant, quelquefois aussi lui administrant
quelques petites tapes.
Quand ma sœur est arrivée,
elle s’est étonnée que j’ai pu faire un tel effort. J’ai remercié Jésus
pour avoir pu éviter, malgré ma paralysie, le désagrément de voir nos
fleurs détruites.
Quelque temps après, j’ai
eu une épreuve plus douloureuse.
Ma sœur s’était absenté du
village et ma mère était partie au marché. Je suis restée avec une jeune
fille chargée par ma mère de m’aider, jusqu’à son retour. Malgré ses
vingt ans, elle préféra s’en aller avant l’heure. Au moment où elle
sortait, je lui ai dit :
— “Si vous voulez
partir, faites-le. A leur retour, elles me retrouveront ici, vivante ou
morte”.
À peine la jeune fille
était-elle sortie, que quelques chatons, après plusieurs tentatives,
réussirent à monter sur mon lit. Comme je ne le voulais pas, je les ai
obligés à descendre. Quelques minutes plus tard, j’ai entendu que l’un
d’eux tombait dans une bassine d’eau. Il a beaucoup miaulé et, après
avoir avalé beaucoup d’eau, il est mort. La mère a, elle aussi, beaucoup
miaulé.
Je n’ai pas réussi à me
dominer et j’ai commencé à pleurer, en disant :
— O Maman du ciel,
faites que quelqu’un arrive et puisse le sauver !
J’ai invoqué plusieurs
saints.
En même temps je pensais :
— Malheureux, celui qui est paralytique !
Par hasard, deux personnes
sont entrées et, me voyant pleurer ont été impressionnées. C’est que je
ne pleurais pas d’impatience, mais parce que j’avais de la peine pour
les animaux.
Le comportement de la jeune
fille a déplu à ma mère et à ma sœur, mais elles lui ont pardonné, comme
moi aussi, je lui ai pardonné.
Comme j’aimais la solitude,
spécialement le dimanche, lorsque, à l’église se faisait l’adoration du
Saint-Sacrement, je demandais aux miens de me laisser seule avec Jésus.
C'est ainsi, qu'un jour,
aussitôt que je les avais entendues partir, je m'étais mise à réciter
mon chapelet. Peu après, j'ai entendu ouvrir le portail qui donne dans
le jardin et des pas légers arpenter les escaliers, en même temps qu'une
voix répétait avec insistance : — Ouvre-moi la porte !
D'immédiat j'ai reconnu
cette voix
et, j'ai tremblé apeurée... Avec confiance, j'ai serré entre mes mains
le chapelet, mais j'étais atterrée, en pensant à ce qui pourrait
m'arriver... J'entendais pousser fortement la porte et manœuvrer la
serrure... Je tremblais, sans même oser respirer, car je savais que la
porte n'était pas fermée à clef... Mais, je ne sais comment, la porte ne
s'est jamais ouverte !... Après de vains essais, le voyou a renoncé et
est parti, me laissant en paix.
J'attribue à Jésus et à la
Mère du Ciel d'avoir été épargnée de cette mauvaise rencontre.
À partir d'alors, jamais je
n'ai voulu rester seule à la maison.
Sans savoir comment, je
me suis offerte à Notre-Seigneur, comme victime et j'ai demandé, maintes
fois, l'amour de la souffrance. J'ai été bien exaucée; maintenant, je ne
changerais pas la douleur contre tous les trésors du monde. Avec quel
emportement j'offrais à Notre-Seigneur toutes mes souffrances. La
consolation de Jésus et le salut des âmes, voilà ma seule aspiration...
(...)
Béni soit mon Bien-Aimé
Jésus qui m’a donné la plus grande richesse que l’on puisse avoir en
cette vie: il m’a donné les souffrances, mon plus grand bonheur ! Je
pense que toute l’éternité ne sera pas assez longue pour l’aimer, le
louer et le remercier pour tant de grâces, tant de bienfaits, tant de
richesses dont il m’a comblée !
Mon Père, c’est du plus
profonde de mon cœur que je peux vous le dire: si l’on venait me
déclarer, en ce moment même, que je passerais le reste de ma vie sans
souffrir, mais, qu’au ciel, j’aurais le même degré de gloire que si je
souffrais toujours, je répondrais, sans hésiter: non, mille fois non.
C’est par la souffrance que les portes du ciel m’ont été ouvertes. Si je
peux avoir le bonheur de ressembler à Jésus crucifié, devrais-je le
mépriser ? Non, cela non; souffrir et souffrir toujours ! Ce n’est que
l’amour qui récompense l’amour ! Jésus a souffert et est mort par amour
pour moi; moi aussi, je veux souffrir et mourir pour son amour.
Je vis dans une sorte de
continuel délaissement spirituel, très angoissant. Mais que seule la
volonté de Notre-Seigneur soit faite.
En contemplant Jésus
crucifié et me rappelant tout ce qu’il a souffert pour moi, je ne peux
rien Lui refuser. Au contraire, je Lui dis: “Encore davantage, mon
Jésus; toujours plus !” Et il daigne m’exaucer: il a toujours des
souffrances à me faire partager.
Mon âme est dans un tel
état de délabrement et de froideur, que je la compare à une maison qui,
suite à un incendie, n’est plus que ruines. Pauvre de moi! C’est tout ce
que j’y trouve: une vie de péchés et d’infidélités envers
Notre-Seigneur, rien d’autre...
(...)
Jésus est venu m'aider à
plusieurs reprises. Il m’encourageait... m'humiliait... me confondait...
et me disait des choses si belles. Il agissait à mon égard, comme si je
ne L'avais jamais offensé... comme si ma vie ne Lui était pas
connue !... Que je suis misérable ! Que je suis ingrate envers
Notre-Seigneur, si bon et si tendre pour moi !...
— Reçois, ma fille, le
Sang qui engendre les vierges, donne la pureté, la grâce, l'amour. C'est
la vie divine que Je donne à mes épouses les plus chères...
Offre-toi pour les
âmes, pour les sauver. Je t'ai confié le monde, et il ne correspond
pas... Les âmes qui m'aiment sont si peu nombreuses; sont si peu
nombreuses celles qui savent bien souffrir, qui connaissent la valeur de
la croix et qui l'aiment. Il est grand, par contre, le nombre de celles
qui m'offensent !... Il y a tant de malice! La chasteté est en train de
disparaître du monde.
Vers
la fin du mois d’avril 1937, j’ai eu une grande crise [physique] que me
mit aux portes de la mort: des vomissements à ne plus en finir; mon
estomac n’acceptait aucun aliment. Les premiers jours je suis restée
dans un profond abattement. Je ne reconnaissais personne. Je n’avais ni
faim ni soif. Monsieur le curé, par trois fois, me récita les prières
pour les agonisants, mais je m’en souviens très peu. J’entendais que
l’on priait, mais je ne pensais pas à la mort.
Depuis un an, je recevais régulièrement la Communion,
alors qu’auparavant, malgré la peine que cela me causait, je ne la
recevais que quelques fois par mois.
Je ne
sais pas pourquoi, mais probablement parce le Seigneur l’inspira à
l’abbé, celui-ci me portait Jésus chaque jour. J’avais demandé cette
grâce qui fut pour moi une très grande joie.
Lors
de cette période de vomissements, un jour j’ai vu entrer monsieur le
Curé dans ma chambre. Le reconnaissant, je lui ai dit :
—
J’aimerais recevoir Jésus.
Il
m’a répondu :
—
Oui, ma chère, je vais prendre une hostie non consacrée: si tu ne la
rejettes pas, je te donnerai Jésus.
Et ce
fut ainsi. Toutefois, à peine avalée, je l’ai rendue aussitôt. Le Père
était d’avis de ne pas me donner la Communion, mais quelqu’un lui dit :
—
Monsieur le Curé, une hostie non consacrée n’est pas Jésus !
Alors
il se décida à me donner la Communion et je ne l’ai pas rendue. Je ne
suis plus jamais restée sans la Communion.
Combien de fois le curé en entrant, me trouvait prise de crises de
vomissements ! Mais, à peine avais-je reçu Jésus, que les crises et les
nausées cessaient, pour ne revenir qu’une demi-heure après la Communion.
C’est par cette raison que Monsieur le Curé ne craignait plus de me
donner Jésus.
La
crise dura pas mal de temps et, pendant dix-sept jours je n’ai rien pu
avaler: ma médecine était Jésus. Je disais : — “Je meurs de faim et de
soif” — car après les premiers jours, je sentais une soif brûlante et un
grand besoin de m’alimenter. Quand j’en fus guérie, ma plus grande peine
me venait lorsque je pensais que, si j’étais morte pendant cette crise,
je n’aurais pas eu une parfaite connaissance de la mort.
Le 21
mai 1937, j’ai eu la visite du révérend Père Durão. Il était envoyé par
le Saint-Siège afin d’examiner la question de la consécration du monde à
Notre-Dame. Je ne désirais pourtant que vivre cachée, sans que personne
sache ce qui se passait en moi. Le révérend remis à ma sœur un billet de
mon directeur spirituel, lui demandant de me le lire. En entendant les
mots du billet — qui étaient les suivants : “Je vous présente le
révérend Père Durão; parlez-lui librement et répondez à tout ce qu’il
vous demandera” —, je me suis affligée et j’ai demandé à ma sœur ce
que je devais lui répondre, car je ne savais pas qu’un interrogatoire
était nécessaire pour des cas comme le mien. Ma sœur m’a encouragée en
me disant :
— “Dis-lui
ce que Notre-Seigneur t’inspirera”.
J’ai
été surprise, par la manière dont, sans hésitation, j’ai répondu aux
questions au sujet des communications de Notre-Seigneur. Il m’a suggéré
de ne lui dire que les choses principales, afin de ne pas me fatiguer.
Je lui ai répondu que je ne savais pas quelles étaient les choses
principales. Le révérend me dit alors :
—
J’aime ça ! J’aime ça !
Et ce
fut alors qu’il m’a parlé de la consécration du monde à Notre-Dame.
Après quelques questions il m’a dit :
—
Vous ne vous trompez pas ?
À ces
paroles, je me suis souvenue de mon erreur au sujet de ma mort et, j’ai
pensé :
—
Une fois déjà, je me suis trompée...
Et je
lui ai raconté ce qui s’était passé le jour de la fête de la très
Sainte-Trinité, en 1936. Le révérend Père ne m’a plus dit si je ne me
serais pas trompée, mais il a repris :
—
Ces choses-là coûtent beaucoup, n’est-ce pas ?
Et je
lui ai répondu :
—
Oui, elles coûtent et me rendent triste.
Et
j’ai commencé à pleurer.
À la
fin, il s’est recommandé à mes prières et m’a assuré qu’il ne
m’oublierait pas non plus, lors de la célébration de la sainte Messe. Il
s’est agenouillé ensuite et a récité trois Ave et quelques prières
jaculatoires. Celles-ci terminées, il a pris congé.
J’ai
beaucoup pleuré, et je suis restée dans la tristesse et la tourmente,
car ce qui pendant longtemps était resté caché et gardé au sein de la
famille, sortait ainsi à la lumière.
Tout
de suite j’ai écrit à mon directeur spirituel pour tout lui raconter. Il
m’a répondu rapidement en me rassurant, me disant que tout cela servait
pour la plus grande gloire de Dieu.
Les
horribles attaques que vous connaissez, mon Père, se sont répétées; tout
particulièrement celle survenue dans la nuit qui suivit votre départ. O
mon Jésus, quelle chose effroyable ! Et le maudit me disait :
—
“Toi qui commets tant de crimes, tu veux te faire passer par une
bonne personne, par une innocente. C’est le prix de tout ce que tu
racontes à cette espèce de baratineur.”
Il me
disait d’autres choses semblables. Puis, il me précipita en bas du lit,
mais mon cher Jésus ne m’a pas abandonné; il est venu à mon aide.
Avant
même que je n’entende sa voix, je ressentais une très grande paix. Il
m’a parlé ainsi :
—
Qui pourrait te donner cette paix que je te fais ressentir ? Courage; la
victoire t’appartient ! Rassure-toi, car je ne permettrai pas que tu
m’offenses. Je ne veux pas te délivrer de ces horribles combats, car
j’en retire beaucoup de réparation pour moi-même et des trésors de grâce
pour les pauvres pécheurs. Repose-toi dans mon Cœur. Les bons anges te
défendront des mauvais. Reçois, mon ange, les caresses de ton Jésus...
Si je
suis encore de ce monde, lorsque je vous rencontrerai de nouveau, je
vous expliquerai mieux tout cela. vers minuit, j’ai été libérée du
maudit. Quelles heures terribles ! Mon cher Jésus me dit, et vous aussi,
mon Père, en qui j’ai toute confiance, que je n’offense pas
Notre-Seigneur, alors que j’étais convaincue du contraire. Je pensais
que dans de telles circonstances il était impossible de ne pas
l’offenser.
Ce
fut au mois de juillet 1937 que le démon, non content de me tourmenter
la conscience et de me dire des turpitudes, après quelques mois de
menaces, a commencé de me battre et à me faire tomber du lit, de jour
comme de nuit. Au début j’ai caché la chose y compris aux personnes de
la maison, excepté Deolinda, leur disant qu’il s’agissait de crises du
cœur. Mais, par la suite, ma mère et une jeune fille
qui vivait avec nous, ont été informées.
Une
nuit, le malin m’a jetée sur le parquet, me faisant passer par-dessus ma
sœur qui dormait sur un matelas étalé par terre à côté de mon lit.
Deolinda s’est levée, m’a prise dans ses bras m’ordonnant :
—
Va dans ton lit !
Remise à ma place, je me suis levée brusquement en émettant des
sifflements. À peine me suis-je rendue compte de ce qui arrivait, j’ai
commencé à pleurer. Deolinda m’a tranquillisée en disant :
—
Ne t’affliges pas: ce n’était pas toi !
La
nuit suivante la même chose est arrivée et, à ma sœur qui voulait me
reposer sur mon lit je lui ai crié, en l’éloignant de moi :
—
Non, non, au lit je n’irai pas !
À
peine je me rendais compte du mal que je faisais, je pleurais.
Une
nuit le démon a fait des choses que j’ignorais.
J’ai pleuré amèrement et je pensais ne pas pouvoir recevoir Jésus sans
me confesser. Ce jour-là, Monsieur le Curé était absent, mais je sentais
qu’il me serait bien difficile de lui parler de ces choses-là. Je
sentais ne pas pouvoir m’ouvrir à lui. Ma sœur qui, voyant mes larmes,
cherchait à me réconforter, mais n’y réussissait pas, s’est proposée
d’aller chercher mon directeur spirituel qui prêchait dans un village
voisin. Je lui ai dit que cela ne serait pas nécessaire, car je ne lui
dirais pas ce qui se passait.
Je
lui ai demandé une image de Notre-Dame et, avec beaucoup de sacrifice,
j’ai écrit succinctement ce qui était nécessaire pour être comprise. Je
l’ai cachée sous l’oreiller en attendant que l’heure arrive de la
remettre. Mais, de façon imprévue, mon directeur spirituel est arrivé
avec Jésus-Hostie, accompagné par un séminariste. Il avait été informé
de l’absence de Monsieur le Curé. Quand il m’a annoncé qu’il m’apportait
Jésus, je lui ai dit :
—
Je ne peux pas faire la Communion sans me confesser.
Les
larmes et la honte ne me permettaient pas de parler. Je lui ai dit,
toutefois, avoir écrit un billet. Il l’a pris, l’a lu et, pour me
tranquilliser, m’a assuré qu’étant donné les précédents, il avait prévu
cette épreuve, même s’il n’avait jamais osé m’en prévenir.
Cette
tribulation s’est répétée plusieurs fois, même deux fois par jour.
Pendant ces assauts je ressentais en moi la rage et la fureur
infernales. Je ne consentais pas que l’on me parle de Jésus et de Marie.
Je crachais sur leurs images. J’insultais mon directeur, je le menaçais
ainsi que quelques personnes de la maison. Mon corps devenait violet et
sanguinolent à cause des morsures.
Oh !
combien j’aimerais que beaucoup aient pu le voir, afin qu’ils craignent
l’enfer et arrêtent d’offenser Jésus !
À
chaque fois que l’influence du démon cessait et, me souvenant de tout ce
que je venais de faire et de dire, d’angoissants scrupules
m’envahissaient; j’avais l’impression d’être la plus grande pécheresse.
Ce furent des mois de douloureux martyre. J’aurais beaucoup à dire sur
ce registre, mais je ne le peux pas: mon âme ne résisterait pas à
l’évocation de telles souffrances. (...)
Jésus
ne m’a pas manqué ; il est venu m’aider à plusieurs reprises. Il est
certain que cela me redonne du courage, mais en même temps, il m’humilie
et me confond. Combien de belles choses me dit-il ! Il me traite comme
si je ne l’avais jamais offensé ; comme s’il ne connaissait pas ma
triste vie ! Que je suis misérable ! Combien je suis ingrate envers
Notre-Seigneur, alors qu’il est si bon et si aimable envers moi !
Le 25
septembre, Jésus m’a dit :
—
Ma fille, tu ne m’offenses pas du tout, ni ne m’offenseras pendant les
assauts du démon. Offre-les en réparation des péchés que pendant cette
nuit, seront commis dans ta paroisse et dans le monde. Quelle horrible
chose ! Quelle douleur pour mon divin Cœur en voyant que tant d’âmes se
perdent ! Le démon te haï, mais tu dois t’en réjouir, car tu connais la
raison. Si je le permettais, il te tuerait : mais je n’y consens pas. Je
suis le Seigneur de la vie et de la mort. Ta mort, en tout cas, ne sera
qu’un envol de la terre vers le ciel.
Le
29, enfin, Jésus m’a dit :
—
Le monde est pourri. Je veux que toutes mes demandes se réalisent. Je te
fais souffrir afin que tu puisses me sauver beaucoup d’âmes. Tu es le
paratonnerre de la justice divine. Par ton intermédiaire et par
l’intermédiaire d’autres âmes que de terribles châtiments ne sont pas
survenus. Pénitence ! Pénitence ! Il y a beaucoup d’âmes qui veulent
m’aimer, mais elles sont loin de ce qu’elles devraient être et de ce que
moi, Je voudrais. Réparez, vous du moins !...
Repose-toi dans mon très Saint Cœur et dans celui de ta Petite-Maman du
Ciel qui, à côté de toi, regarde avec une tendre compassion ta
souffrance, mais en même temps heureuse de voir la gloire que tu me
procures, les pécheurs que tu me sauves et tout ce qui est préparé pour
toi dans le Ciel.
(...)
Ma
fille, ma bien-aimée, toi le foyer attrayant de mon Cœur, écoute, ton
Jésus, ton Époux. Ne fais pas cas du démon, mon plus grand ennemi. Tu ne
fais rien, tu ne dis rien ; c’est lui qui te livre ces attaques. Ne
t’ai-je pas demandé, il y a quelques jours, d’avoir du courage pour les
combats à venir ? Je ne t’abandonne pas; aie confiance en moi. Tu es mon
épouse de prédilection. Je t’ai placée dans mon Cœur dès tes plus
tendres années. C’est là que se déroule ta vie si extraordinaire et si
prodigieuse. Tu es mon lys, mon lys blanc et pur. Je n’ai fait
qu’enlever quelque poussière qui s’y était déposée. Repose-toi dans mes
bras et dans ceux de ta Petite-Maman du ciel, dans nos Cœurs très
saints, mais sans jamais cesser de me tenir compagnie dans l’ineffable
Eucharistie !...
Jésus
me dit encore :
—
Ma fille, je t’ai choisie pour des choses sublimes. Je me suis servi de
toi pour communiquer au Pape mon désir de voir le monde consacré à ma
très Sainte Mère. Je veux qu’elle soit honorée comme moi, parce qu’elle
est ma Mère. Je veux que le monde connaisse son pouvoir auprès du trône
de Dieu...
Je
t’ai choisie pour être ma crucifiée... C’est un don à moi... La
souffrance de ton corps, de ton âme est douloureuse, lancinante. Mais au
ciel, où je t’attends, tu auras la récompense.
—
Je viendrai te chercher bientôt, mais pas avant que la consécration du
monde à ma très Sainte Mère soit faite. Elle sera davantage glorifiée
par ton intermédiaire; et ta glorification, elle aussi sera plus grande.
Ta couronne sera plus glorieuse, davantage brillante, davantage
resplendissante. Tu seras couronnée par Elle.
O mon
Jésus, le Saint-Père ne semble pas nous écouter: il tarde tant !
—
Reste calme ! Aie patience, ma fille ; il attend. Le jour de la
glorification arrivera. Tout ce qui m’appartient sort toujours
vainqueur, même si les difficultés semblent insurmontables.
—
Je veux qu’aussitôt après ta mort, ta vie soit connue, et elle le sera ;
je ferai en sorte qu’elle le soit. Elle arrivera aux confins de la
terre, de la même manière que la voix du Pape y arrivera, lors de la
consécration du monde à ma Mère tant aimée. Je veux qu’on le sache afin
que l’on voit de quelle manière je me communique aux âmes qui veulent
m’aimer.
—
Je viendrai te chercher, mais pas avant la consécration du monde à ma
très Sainte Mère qui, par ton intermédiaire sera honorée... Le Pape
temporise, mais le jour de la consécration viendra. Ce qui vient de moi,
sort toujours vainqueur, aussi grandes que puissent être les
difficultés.
Une
nuit, Jésus m’est apparu: sur ses mains, sur ses pieds, sur son côté, il
portait ses plaies ouvertes, très profondes, desquelles jaillissait,
abondamment, du sang. De celle de son côté, le sang coulait jusqu’à la
ceinture, traversait la bande de lin et coulait jusqu’à terre. J’ai
baisé les plaies des mains avec beaucoup d’amour et je désirais
ardemment embrasser celles des pieds, mais, étant dans mon lit, je ne le
pouvais pas. Je n’ai rien dit, mais Il devina mon désir et m’accorda la
possibilité de le faire. J’ai ensuite fixé la plaie du côté. Pleine de
compassion, je me suis jetée dans les bras de Jésus, lui disant :
—
O combien vous avez souffert par amour pour moi !
Je
suis restée ainsi quelques instants, jusqu’au moment où Jésus a disparu.
Il
est inutile de dire que plus jamais cette vision ne s’effacera de ma
mémoire. Encore aujourd’hui je sens mon cœur blessé. Je n’en parle que
par obéissance et par amour pour Jésus.
Je
pense qu’il a agi ainsi pour me préparer à ce que maintenant je vais
raconter : qu’Il m’en donne la force et la grâce !
Avez-vous fini votre retraite ? Avez-vous compris, maintenant, la
menteuse que je suis ? Avez-vous compris combien je vous ai trompé
jusqu’ici ? C’est ce que me dit le démon. Dieu soit loué, je n’ai jamais
pensé à vous tromper, bien au contraire: je fais de mon mieux pour que
vous ayez pleine connaissance de mes misères et de mes infidélités à mon
Bien-Aimé Jésus...
Depuis quelques jours, Notre-Seigneur ne me parle plus; il m’a mise au
vert... Que j’appelle ou que je me taise, c’est pareil; il ne me parle
pas, il ne se fait pas sentir à mon âme.
Il y
a quelques jours, alors que j’étais en butte à une grande affliction, je
lui ai dit :
“O
mon Jésus, crucifié mon âme et mon corps. Agissez envers moi comme si
vous ne m’aimiez pas. Faites semblant de m’abandonner, mais à condition
que vous oubliiez les crimes des pécheurs et que vous vous souveniez,
uniquement, de votre amour pour eux, et que vous les conduisiez sur le
droit chemin.”
Je ne
sais pas si Notre-Seigneur a accepté mon offrande, mais je le crois...
―
Ma file, ton bonheur éternel est très proche, car bientôt mes desseins
seront réalisés. Ma fille, je viens te parler aujourd’hui pour te
témoigner le grand amour que moi et ma Mère Immaculée, nous avons pour
toi. Elle, en voyant l’honneur qui, par ton intermédiaire va lui être
rendu, s’incline très tendrement vers toi, t’élevant au plus haut degré
d’épouse fidèle, d’épouse bien-aimée, d’épouse toute consacrée à Jésus.
Aie confiance en Jésus, car il ne trompe pas. Il est ta force et le sera
toujours, jusqu’à la fin...
—
Mon lys parfumé d’un arôme angélique, ta générosité retarde la justice
divine, prête à tomber sur les pécheurs, dans l’espérance de leur
régénération !
—
Dis-lui
d’écrire au Saint-Père. Je veux la consécration du monde au Cœur
Immaculé de ma Mère, mais je veux que le monde entier connaisse la
raison de cette consécration. Je veux que l’on fasse pénitence et que
l’on prie. C’est toi qui soutiens la divine Justice; c’est pour cela que
je te fais souffrir autant. Et tu dois encore souffrir cela
bien souvent, jusqu’à ce que le monde soit Lui consacré.
Le
cinq mai 1938, après la Communion, Jésus m’a dit :
—
Tu es le tout de mon Cœur et moi je suis le tout du tien. Veux-tu faire
un pacte avec moi ?
Je
lui ai dit :
—
O mon Jésus, je veux bien, mais je me sens de plus en plus confuse. Vous
voyez bien ma misère. Je ne suis qu’un néant !
—
Qu’importe ? C’est moi qui t’ai choisie avec toute ta misère. Tu m’as
tout donné. En échange, je me donne tout à toi. Je te donne les trésors
de mon Cœur. Donne-les à qui tu voudras. Il transborde d’amour :
distribue-le.
—
O mon Jésus, pourrai-je confier vos divins trésors à mon directeur qui à
son tour les donnera à qui il voudra ? Pourrai-je les donner aux
personnes qui me sont chères et aux évêques, afin qu’ils les donnent à
chacun de leurs prêtres et que ceux-ci les distribuent aux âmes ?
Jésus
m’a répondu :
—
Faites ce que vous voudrez. Je t’unis à moi et te serre contre mon Cœur
très Saint !
Hier,
dimanche, Notre-Seigneur a changé mes souffrances. Oh ! mon Jésus !...
Après
l’avoir reçu, une tristesse mortelle s’est emparée de moi. Puis j’ai vu
les mauvais traitements qu’il reçoit dans son Corps et les ingratitudes
dont son Cœur est l’adorable victime ! J’ai pu contempler ce spectacle
douloureux ! Oui, mon âme a vu tout cela !...
Je
sentais mon cœur très agité et je ne pouvais pas respirer, étouffée que
j’étais par l’angoisse.
J’ai
prié Jésus de ne pas souffrir, mais Il continuait à être torturé de
toutes les façons. Tout en larmes, je Lui ai dit :
—
Cessez de souffrir, mon Jésus, je suis votre victime; faites que mon
cœur soit mis en pièces... jeté aux bêtes féroces... écrasé sous le
poids des crimes des pécheurs... Je veux tout supporter pour vous
consoler et pour que les âmes soient sauvées.
Jésus
est ma force, mon amour, mon Époux.
—
Accepte, ô Jésus, que ta toute petite fiancée te dise, non pas des
lèvres, mais du cœur :
Je
n’appartiens qu’à toi! je n’ai rien, rien qui ne soit à Jésus.
Cela
coûte de parler ainsi, alors que l’on ressent le contraire et que l’on
vit les heures les plus amères de sa vie, des journées de tant de luttes
où le démon m’affirme le contraire, rien que le contraire.
—
Maudit, je ne t’appartiens pas. Tu n’es digne que de mépris. Tu es
menteur! Jésus est tout à moi, et moi, je suis toute à Jésus.
—
Mon cœur, mon cœur, crie fort, très fort à ton Jésus et dis-lui que tu
l’aimes, que tu l’aimes plus que toutes les choses du ciel et de la
terre !
Je
suis à Jésus dans les joies, dans les peines, dans les ténèbres, dans
les terribles tribulations, dans la pauvreté, pour sauver les âmes.
—
Envoie, ô Jésus, à ton Alexandrina, ta victime, tout ce que tu peux
imaginer et qui peut s’appeler souffrance. Avec toi, avec ton aide
divine et avec celle de ma tendre et douce Maman du ciel, je vaincrai
toujours. Je ne crains rien.
— O
Croix bénie de mon Jésus, je t’étreint et je t’embrasse !
Hier,
après la Sainte Communion, je sentais une profonde tristesse sur moi.
J’avais le cœur déchiré, car Jésus pleurait... Ses pleurs me
bouleversaient suavement et douloureusement !
Il
m’a dit :
—
Hélas ! Hélas !...
Écoute ton Jésus :
Je
viens à toi, non pas pour te consoler, mais pour verser mes larmes dans
ton cœur.
Je
ne peux plus supporter les abominations des pécheurs !
Pénitence !... Pénitence !... Pénitence !... dans le monde entier !...
Qu’il se convertisse sans retard, autrement, il sera rapidement
détruit !...
Toi, du moins, compatis à ma douleur, ô mon épouse !...
Dis à ton Père spirituel qu’il fasse savoir au monde que je veux :
Pénitence, pénitence, pénitence...
Bientôt viendra le jour de la catastrophe.
Je
fais connaître ma volonté, mais on la méprise !
Courage! Ne doute pas que c’est ton Jésus qui te parle.
Je
n’ai senti ni consolation ni délices de la part de Notre-Seigneur, mais
seulement de la tristesse! Il me semblait que mon cœur éclatait ou qu’on
me l’arrachait et je ne pouvais pas respirer. Cependant, les paroles de
Jésus me donnaient paix et assurance.
J’ai
renouvelé mon offrande :
Mon Dieu, je veux être écrasée par amour pour Vous.
Voici votre victime. Que je sois le paratonnerre de vos Tabernacles,
pour recevoir les coups des pécheurs et vous en délivrer.
Mon Père, je voudrais consoler Jésus, mais je ne sais pas que faire de
plus.
C’est
surtout après la Sainte Communion que la tristesse m’accable ! Ah ! si
je savais souffrir comme il faut, mais je suis si immortifiée !
Chaque fois que j’apprenais que certaines personnes faisaient leur
retraite spirituelle, je disais :
—
Tout le monde fait sa retraite, sauf moi! Je ne sais même pas ce que
c’est.
J’ai
osé dire ceci plusieurs fois en présence de mon directeur spirituel. Il
me promit que si le Père provincial le lui permettait, il serait venu
pour me la faire.
Par
une grande faveur, le Seigneur, dans ses desseins, le permit. Ce fut le
30 septembre 1938 que mon Père spirituel est venu la commencer.
À ce
temps-là, mon âme se trouvait vivre dans de grandes agonies et, quelques
fois, je me sentais sur le point de tomber dans des abîmes
épouvantables. Pendant les jours de retraite, mes souffrances ont
redoublé et ces abîmes sont devenus terrifiants. La justice du Père
éternel tombait sur moi et souvent me criait: — Vengeance,
vengeance !... — pendant que les souffrances du corps et de l’âme
augmentaient. Il est impossible de les décrire; il est nécessaire de les
avoir senties et vécues.
Au
matin du 2 octobre 1938, Jésus m’a dit que je devrais souffrir toute sa
sainte Passion, du Jardin des Oliviers au Calvaire, sans aller jusqu’au
“Consummatum est”. Je devrais la souffrir le 3 et ensuite tous
les vendredis de 12 heures à 15 heures, mais que pour la première fois
Il resterait avec moi jusqu’à 18 heures pour me confier ses
lamentations.
Je ne
me suis pas refusée. J’ai informé mon directeur de tout ce que Jésus
m’avait dit.
J’attendais le jour et l’heure, très affligée, car ni moi ni mon
directeur, nous n’avions aucune idée de ce qui allait arriver.
Dans
la nuit du 2 au 3 octobre, l’agonie de mon âme fut bien grande. La
souffrance de mon corps, fut-elle aussi très grande: vomissements de
sang et douleurs terribles. Pendant plusieurs jours j’ai vomi et pendant
cinq jours, je n’ai rien avalé. Ce fut donc avec cette souffrance que
j’ai abordé ma première crucifixion. Quelle horreur je sentais en moi!
Quelle peur et quelle terreur! Mon affliction était indicible.
Midi
sonné, Jésus est venu m’inviter :
—
Voilà, ma fille, Le Jardin des Oliviers est prêt, ainsi que le Calvaire.
Acceptes-tu ?
J’ai
sentis que Jésus, pour quelque temps, m’accompagna sur le chemin du
Calvaire. Ensuite, je me suis sentie seule. Je le voyais là haut,
grandeur nature, cloué sur la Croix.
J’ai
cheminé sans le perdre de vue: je devais arriver près de Lui.
J’ai
vu deux fois sainte Thérèse
:
la première fois à la porte du Carmel, dans sa tenue, entre deux autres
sœurs, puis entourée de roses et recouverte d’un manteau céleste.
En
même temps que les grâces divines augmentaient, augmentaient aussi les
doutes et la peur de me tromper et de tromper mon directeur spirituel et
ma famille. Mon martyre augmentait, lui aussi, de plus en plus: il me
semblait que tout était faux et inventé par moi. Mon Dieu, quel coup
pour mon cœur! Les ténèbres m’enveloppaient: je n’avais personne pour me
montrer le chemin. Mon directeur faisait pourtant bien des efforts pour
me redonner confiance, mais rien n'y réussissait.
Malgré cela, je me faisais violence pour m’abandonner dans les bras de
Jésus, afin de ne pas être prise dans le tourbillon ! Je souffrais
beaucoup à cause des larmes de ceux qui m’entouraient et, je pensais : —
Mon Dieu, si le courage leur manque, comment n’en manquerai-je pas ?
Quelle humiliation je ressentais d’être observée par d’autres ! O, si
seulement je pouvais souffrir seule et que ce fut Jésus le seul à savoir
combien je souffrais pour Lui !
Aussitôt après la crucifixion, les examens des théologiens ont commencé.
Quelle honte j’ai éprouvé, non pas pendant la Passion, mais avant et
après.
J’ai
commencé à comprendre que mon directeur spirituel souffrait beaucoup,
intimement, à cause de moi, c’est-à-dire, en voyant tout ce qui
arrivait.
Les
examens des théologiens ont été suivis par ceux, très douloureux, des
médecins,
lesquels laissaient mon corps en piteux état. J’avais l’impression de
comparaître devant un tribunal, comme si j’avais commis les plus grands
crimes.
Combien il m’était pénible de les voir entrer dans ma chambre,
m’examiner et ensuite se réunir dans une salle pour discuter sur mon
cas, me laissant sous le poids de la plus grande humiliation !
Pas
même le plus grand criminel n’aurait pas été jugé par un tribunal avec
autant de soin.
Si je
pouvais ouvrir mon âme afin que l’on puisse voir ce qui se passe en elle
et ce que j’ai vécu quotidiennement — car je revis ces jours ! — je le
ferais pour le bien des âmes, en dévoilant combien je souffrais pour
l’amour de Jésus et pour elles. Ce n’est que pour cela que je me suis
soumise à de telles souffrances.
Quand
mon directeur m’a proposé ces examens, ce fut pour moi un grand
déchirement; une forte répulsion a jailli en moi ; mais l’obéissance
l’ordonnais: je me suis réprimée et je les ai acceptés pour Jésus.
Il ne
manquait plus que des médecins pour compléter mon calvaire !
Quelques-uns ont été pour moi de vrais bourreaux placés sur ma route.
Ceux-ci, après leurs consultations, ont décidé de m’envoyer à Porto. Ce
fut très difficile pour moi de m’y soumettre. Je craignais le voyage,
étant donné mon état de santé.
Quand
mon médecin traitant, m’a fait connaître leur
décision, je lui ai répondu :
—
Vous même, en 1928, vous ne m’avez pas autorisé à aller à Fatima, et
maintenant, alors que je suis bien plus souffrante, vous voulez
m’envoyer à Porto ?
—
C’est vrai que je ne l’ai pas voulu, mais maintenant je le veux.
Je
lui ai demandé si mon Père spirituel était au courant de cette décision.
M’ayant répondu par l’affirmative, j’ai cédé à sa requête.
Le 6
décembre 1938, vers onze heures, j'ai été transportée de mon lit à
l’ambulance.
Dans
la matinée, plusieurs personnes amies sont venues me rendre visite;
presque toutes ont pleuré. En ce qui me concerne, j’avais cherché à
toutes les égayer, faisant semblant de ne rien souffrir.
Le
voyage fut douloureux. Il nous a pris presque trois heures et demie, car
nous devions faire plusieurs pauses, à cause de mon état de santé.
À
Porto, dans le cabinet du docteur Roberto de Carvalho on m’a fait passer
une radio. Il m’a traitée avec beaucoup de délicatesse et, en me donnant
congé, il m’a dit :
—
Pauvre fille, combien tu souffres !
De là
j'ai été envoyée au Collège des Filles de Marie Immaculée, où j'ai été
très bien traitée. Par contre, à cause des chaos de la route, j’ai
failli m’évanouir, plus d’une fois. J’ai été examinée par le docteur
Pessegueiro; cela n’a servi qu’à augmenter ma souffrance.
Le
voyage de retour a été très pénible, lui aussi.
À
peine rentrée dans ma petite chambre, j’ai été entourée par des
personnes amies.
Me
voici de nouveau dans ma maisonnette. Je l’attendais avec anxiété. Il
paraît que bien des commentaires ont été faits. La population s’était
insurgée contre ma mère, parce qu’elle avait autorisé mon transport à
Porto. Elle se calmera de nouveau: en tout cas, que la volonté de Dieu
soit faite. Je suis prête à tout. Je crois que le Seigneur me demande
maintenant le plus grand sacrifice. On commence à en savoir quelque
chose: par-ci, par-là, on raconte des choses sur moi.
On me
rapporte que l’on parle de moi comme d’une sainte et, cela, je ne le
voudrais pas. Quelle erreur ! Patience ! Quelques soient les choses qui
adviennent ou que l’on dise, j’accepterai tout pour l’amour de Jésus.
C’est Lui que demande de ne rien Lui refuser; et moi, je le veux. Mais,
pauvre de moi, ce sont des moments très durs à passer. Et les doutes...
les doutes, mon bon Père, combien ils me tourmentent. Si je ne vous
avais pas pour me consoler, je ne sais pas ce qui serait de moi. Les
médecins, jusqu’à ce jour, n’ont pas donné signe de vie.
Nous
sommes repartis de Porto à 14,30 heures. Nous avons voyagé lentement et
nous sommes arrivés à 18 heures: il faisait déjà nuit. Malgré cela,
beaucoup de personnes se sont regroupées près de notre porte.
Je
suis très malade ! Là, tout de suite, on est en train de bouillir de
l’eau, parce que les couvertures n’arrivent pas à me réchauffer; j’ai de
la fièvre et les douleurs sont terribles.
Je
souffre tout pour l’amour de Jésus qui a tant souffert pour moi...
J’ai
commencé à sentir d’incroyables odeurs nauséabondes. Je ne supportais
aucune personne à côté de moi, car toutes et tout avait pour moi l’odeur
de chiens en putréfaction. On me faisait sentir des violettes, et même
des parfums, mais j’écartais tout cela, car c’était toujours la même
odeur nauséabonde que je sentais. Il m’est arrivé aussi d’avoir une très
mauvaise allène, même les jours où je ne prenais aucun aliment et, dès
que je mangeais quelque chose, je ressentais un vrai dégoût, car tout
semblait avoir le goût de la mauvaise odeur que je sentais
continuellement. Combien j’en aurais à dire, si je pouvais écrire
moi-même. Le courage m’en manque, car même le souvenir m’est douloureux.
Le 26
décembre 1938, j’ai reçu la visite du docteur Elísio de Moura
qui m’a traitée avec beaucoup de cruauté. Il a essayé, avec violence, de
m’asseoir sur une chaise; n’y réussissant pas, il m’a jetée sur le lit
et a fait diverses expériences qui m’ont causé des souffrances
horribles. Il m’a fermé la bouche, m’a renversée contre le mur, me
faisant taper, avec force, la tête contre celui-ci. Me voyant au bord de
l’évanouissement, il m’a dit :
—
Mademoiselle Jeannette, ne vous évanouissez pas !
Involontairement j’ai pleuré, mais j’ai offert à Jésus mes larmes et
toutes mes douleurs qui ont été considérables.
Je
lui ai tout pardonné, parce qu’il était venu en tant que spécialiste
pour étudier mon cas.
Mon
Père, combien je souffre ! Je voudrais me cacher pour de bon et que mon
nom ne soit plus prononcé; ceci de mon vivant comme après ma mort ! Bien
entendu, ce n’est pas moi qui le désire, mais la tribulation qui me
consume.
Je ne mérite que l’oubli et le mépris. Je vis dans une nuit et une
obscurité continuelle. Je ne vois que des ténèbres, des ténèbres et rien
d’autre, aussi loin que je regarde. Qu’il est obscur et terrible, le
chemin que je dois suivre ! Pas même la moindre lumière pour me guider!
Parfois je crois éclater à la vue du fardeau qui pèse sur moi.
—
Le monde est suspendu à un fil très fin... Ou le Pape se décide à le
consacrer ou le monde sera puni !...
Ma
vie est bien pénible ! Comment puis-je vivre ainsi ? Je me sens dans un
incroyable abandon ! Personne n’a pitié de moi ! Ma misère est la plus
grande des misères. Je suis dans une tristesse profonde ! Je me sens
toute craintive et confuse devant Notre-Seigneur. Cependant il est là,
dans cette même misère, y opérant tant de merveilles et me disant des
paroles si belles ! Mais qui suis-je pour que Jésus me parle ainsi ? Je
ne suis que la plus indigne de ses filles. Toutes les choses de ma vie
me tourmentent et me remplissent de doutes...
Je me
demande si Notre-Seigneur n’a pas horreur d’être en moi ! Cela me semble
presque impossible qu’il ne s’en aille pas, épouvanté, pour ne plus
revenir.
(...)
Je ne
peux pas penser au ciel. Je ne sais pas ce qui vient de là-haut dans mon
cœur et qui veut attraper mon cœur pour l’y transporter.
Le 5
janvier 1939, Monsieur le Curé, accompagné du chanoine Vilar,
sont venus me visiter. Ce dernier est resté seul avec moi, pour me
parler.
Nous
avons parlé de plusieurs choses, pendant deux heures. Ensuite, il m’a
parlé du but de sa visite, en commençant ainsi :
—
Ma visite vous paraîtra certainement étrange, car vous ne me connaissez
pas.
Je
lui ai dit :
—
Je sais, certainement, pourquoi vous êtes venu.
Aussitôt il ajouta :
—
Dites, dites, Alexandrina.
Je me
suis expliquée :
—
Vous êtes envoyé par le Saint-Siège.
C’était ce que je ressentais dans mon âme à ce moment-là.
—
C’est exact.
Et il
m’a présenté quelques documents de Rome, et ensuite m’a posé quelques
questions auxquelles j’ai répondu rondement. Je ne lui ai pas parlé de
la Passion, par contre, lui, il m’en a parlé.
—
Il me semble que quelque chose vous arrive depuis quelques mois...
Il a
manifesté le désir d’y assister. Et, en effet, il est venu y assister le
vendredi suivant.
J’ai
parlé de cela à mon directeur, lequel m’a conseillé de m’ouvrir à lui
avec franchise.
Le
chanoine est revenu quatre fois, mais, pour sa mission, que deux fois.
Si je
ne me trompe, dès la première fois, il me dit :
—
J’aurais préféré vous connaître dans d’autres circonstances, avant que
je ne vienne, chargé d’une mission.
Il m’a confié le secret de son départ pour Rome, duquel, seul
l’évêque était au courent.
Étant
donné que je me sentais bien à l’aise pour parler avec lui et, ayant la
permission de mon Père spirituel, nous avons beaucoup parlé de Jésus :
je me suis sentie enveloppée dans une atmosphère de sainteté et de
sagesse, comme bien peu de fois cela arrive, en conversant avec d’autres
prêtres.
Je
lui ai avoué que, par tempérament, je n’avais pas l’habitude de procéder
de la même manière avec les autres, mais que lui, il m’inspirait
confiance. Il m’a répondu :
—
Vous faites bien de ne pas en parler : ils ne le comprendraient pas.
Quand
il a pris congé de moi pour s’en retourner à Rome, j’ai pleuré. Il m’a
promis de m’écrire et m’a demandé d’être son avocate.
J’ai, en effet, reçu de lui plusieurs lettres, auxquelles j’ai répondu:
nous avons aidé les événements par notre prière.
Jésus
me demandait de nouveau sacrifices. À cause des examens médicaux et de
l’intervention du Saint-Siège, mon cas est devenu plus connu: pour moi,
qui ne souhaitais que l’anonymat, cela fut un martyre.
Ma
famille ne me rapportait pas les nouvelles qui circulaient, mais, malgré
cela, j’ai appris les commentaires que l’on faisait sur ma vie.
Pauvres ignorants, combien de mensonges ils diffusaient !
Quelques-uns affirmaient que mon voyage à Porto avait pour but d’obtenir
une pension du gouvernement de Salazar; ils parlaient même de chiffres
absurdes et discordants; aucune tentative ne réussissait pas à
contredire de tels mensonges.
D’autres encore, disaient que j’y étais allée pour mesurer mon degré de
sainteté sur une machine spéciale... Deolinda répliquait :
—
Si cela était possible, j’irai moi aussi, pour contrôler à quel point
j’en suis...
J’éprouvais de la peine en constatant l’ignorance qu’il y avait sur les
choses du Seigneur.
D’autres encore propageaient que les prêtres qui me rendaient visite,
recueillaient de l’argent dans les paroisses et me l’apportait et, que
c’était pour cela que rien ne manquait jamais chez moi.
Autres, pour en finir, disaient que je faisais la «voyante»: en effet
des personnes sont venues chez nous pour connaître leur avenir. Je les
recevaient avec beaucoup de sérénité, feignant ne pas comprendre leur
manège, mais quand elles insistaient, je leur répondais :
—
Je ne suis pas voyante, personne peut deviner l’avenir; seul le Seigneur
le connaît.
Mon
Jésus, quelle répugnance, en regardant l’abîme incomparable de mes
misères ! Et vous demeurez dans un pareil fumier, me comblant de
tendresses et me disant de si belles choses ? N’est-il pas normal que
j’en doute, que cela me paraisse impossible ? Je tremble et mon cœur
déborde d’affliction.
Je
cherche un peu de soulagement dans ma souffrance. J’attends l’heure de
ma crucifixion. Je ne peux pas parler. Mon cœur galope. Dans mon âme
c’est la rébellion, l’émeute. Je me trouve dans un état d’abandon
effrayant. Il me semble cheminer au milieu de la haine de tous, de
tribunal en tribunal.
Pauvre de moi! Et je n’ai pas reçu Jésus! J’ai confiance qu’il suppléera
dans la communion spirituelle, nonobstant la nausée que je sens de
moi-même et l’horreur pour mon énorme misère.
Hier, la tempête s’est calmée. Au début je ressentais des choses
horribles. Mon corps était tout transpercé comme par d’aiguës pointes.
Moments terribles! Malgré un court soulagement, je suis toujours restée
dans une nuit très obscure, dans une profonde tristesse.
Je
peux dire que je suis restée toute la nuit à tenir compagnie à Jésus au
Saint-Sacrement, me concentrant un peu sur la tragédie de la nuit du
jeudi saint. Il me semblait que Jésus m’invitait au Jardin des Oliviers.
Que de mouvements de foule ! Ces choses je les ressentais dans mon âme.
Mon Père, tout ce que je dicte me semble mensonger. Combien de doutes !
Que d’effroi à l’approche de la Passion ! J’ai déjà dit à Deolinda
que c’est un miracle que de pouvoir en résister: mon cœur ne bat presque
plus. Que Jésus soit avec moi. Je n’ajoute rien, parce que je ne le peux
pas...
Ajout de Deolinda
« Mon Père, quel vendredi: ce fut vraiment un jour de Passion! Avant que
celle-ci ne commence, combien son visage était empreint d’affliction!
Elle craignait ce jour et disait: “Combien j’aimerais qu’il fut déjà
passé !” Je la réconfortais comme je le pouvais, la caressant, malgré
que moi aussi j’étais remplie de peur et d’affliction ?
Pendant la Passion, je n’ai pas pu m’empêcher de pleurer et j’ai
remarqué que presque toutes les personnes présentes pleuraient. Quel
spectacle émouvant ! L’agonie du Jardin des Oliviers, fut longue et
afflictive. On entendait des gémissements très profonds et à un certain
moment, elle suait le sang. De la flagellation, je ne vous en parle même
pas, et non plus du couronnent d’épines ! Les coups de la flagellation
la mirent à genoux; ses mains semblaient attachées. J’ai voulu lui
mettre un coussin sous les genoux, mais elle changea de place, elle n’en
voulait pas. Elle a les genoux en piteux état. Les coups sont
innombrables... elle les reçut pendant bien longtemps... Il fallait en
arriver là. Les coups de canne sur la tête couronnée d’épines, furent
aussi très nombreux. Pendant la Passion elle vomit deux fois :
uniquement de l’eau, car elle n’avait rien à l’estomac. La sueur était
si abondante que ses cheveux en étaient trempés. En passant la main sur
ses vêtements, j’ai pu constater qu’ils étaient aussi tout trempés.
À
la fin du couronnement d’épines elle ressemblait à un cadavre. Le
chanoine Borlido — de Viana do Castelo — et deux autres
personnes, ainsi que le docteur Almiro de Vasconcelos — de
Penafiel — son épouse et sa sœur Judith, étaient présents ».
Ma
souffrance fut bien douloureuse, pendant quelques jours. Les
vomissements de sang et une soif brûlante continuèrent. Aucune eau
n’était capable de ma rassasier. Je ne pouvais pas boire... J’ai passé
des jours ayant l’eau qui me coulait sur les lèvres, mais sans pouvoir
l’avaler.
J’étais
fatiguée et fatiguées aussi les personnes qui m’assistaient. Alors même
qu’une grande quantité d’eau étais passée sur mes lèvres, j’en demandais
encore : — “Donnez-moi de l’eau, beaucoup d’eau, des sceaux d’eau!” —
J’avais l’impression de brûler : aucune eau me rassasiait.
Je
sentais des odeurs horribles. Je ne voulais pas que les personnes
s’approchent de moi: elles sentais comme des chiens morts. On de donnait
des violettes et des parfums à sentir, mais ils éloignaient tout: la
même puanteur me tourmentait toujours.
Les jours où je pouvais prendre quelques aliments, ceux-ci avaient pour
moi un si mauvais goût que j’avais des nausées: toutes ces choses
exhalaient des odeurs répugnantes.
Combien de choses j’aurais à dire si je pouvais décrire tout ce que je
ressens ! Il m’en manque le courage, car il est très pénible de
remémorer toutes ces choses.
—
Courage ! Tout le Paradis est avec toi et la Maman du Ciel te regarde
avec compassion et joie de voir la réparation que tu m’offres.
— O Justice, ô Justice divine ! Le
monde est sur un volcan en feu, qui d’un moment à l’autre va faire
éruption et l’incendier ! Vengeance, vengeance d’un Dieu qui ne peut
plus le supporter ! Malheureux, n’entends-tu pas la voix qui t’appelle ?
Maudite ! Maudite !
—
En quel monceau de ruines restera le monde ! C’est à cause de la gravité
de ta malice ! Convertis-toi ! Rebrousse chemin ! Je te le demande le
jour de la fête de mon divin Cœur !... Convertis-toi !... Il faut que tu
rendes compte de tout !...
(...)
Pendant la Passion je me suis sentie bien abandonnée. Trois fois
seulement il m’a adressé la parole. La première fois, quand le poids de
la divine Justice est tombé sur moi, il me dit :
—
Là, tu tiens ma place. Sur toi aussi tout cela est tombé. Aie courage !
C’est l’œuvre divine qui te donne des forces.
La
deuxième fois, encore au Jardin des Oliviers :
—
Moi aussi, je voyais en moi un très grand abîme, tout rempli immondice ;
je me voyais couvert de toutes sortes de misères, et c’étaient les
miennes.
Et le
Seigneur me disait :
—
Tout comme moi, tu es caution.
Cette
nuit je l’ai passée sans fermer l’œil ; je n’ai eu que quelques minutes
de repos. Je ne sens pas de consolation, mais il me plaît de ne par
dormir, afin d’être toujours en veille, toujours veillant sur mon Jésus
dans les Tabernacles.
Je
n’en suis pas sûre, mais je crois qu’il devait être deux ou trois heures
du matin : mon Dieu, quelle horreur ! Je ne savais pas ce que c’était,
mais c’était la destruction du monde ; tout était rasé : les maisons,
les arbres, les toitures ; tout n’était qu’un monceau de ruines ! Quelle
chose épouvantable ! Mélangé à tout cela, je voyais une foule
innombrable qui se débattait; et par-dessus tous ces gens, de terribles
serpents,
si grands, si affreux ! Par contre, je n’ai pas vu une seule personne
sortir de ces décombres. Un long moment après, j’ai commencé à
apercevoir la Bien-Aimée Mère du Ciel. Elle se déplaçait à une grande
hauteur, la tête abaissée, l’air bien triste.
À
mesure qu’elle avançait, les ruines disparaissaient ; tout est devenu
plat. Ce qui jusque-là n’était que décombres s’illuminait. Elle ne m’a
rien dit: elle s’est arrêtée un moment, et ensuite elle a disparu.
Je me
suis retrouvée en paix et, tout ce que j’avais ressenti comme affliction
et peur a disparu également.
Quelque temps après, la destruction s’est répétée, ainsi que la vue des
décombres, mais je n’ai pas revu la Petite-Maman.
Je
n’ai pas su ce que cela signifiait; en tout cas, je n’ai pas eu
l’impression qu’il s’agisse d’une illusion de ma part.
Au
matin j’ai reçu mon Jésus avec une très grande froideur et une tristesse
pareille à une nuit obscure. Et Notre-Seigneur m’a parlé, non pas d’un
ton sévère, mais avec une profonde douleur :
—
Je vais détruire le monde; je vais le précipiter en enfer, je vais le
détruire ; je ne peux plus souffrir tant de malice, tant de méchanceté
et de crimes. Dis-le à ton Directeur. Tu ne te trompes pas ; ce que tu
as vu c’est sa destruction. C’est ce qu’il est sans le soutien de ma
très Sainte Mère, et ce qu’il est avec Elle. Console-moi, soulage-moi...
Laisse-moi t’accabler ; laisse-moi te faire souffrir.
La
fin de l'après-midi d'hier, c'est-à-dire jusqu’à 21 heures, environ,
tout s’est passé régulièrement: je me sentais en paix et joyeuse.
De
temps à autre les doutes revenaient, mais ils n'avaient même pas le
temps de m'affliger : ma Petite-Maman chérie, en un instant me les
dissipait. Je ne La voyais pas mais, je ne sais pas pourquoi, je sentais
que c'était Elle.
À
peine les doutes commençaient leur approche, immédiatement Elle venait
et m’enlaçait si tendrement que tout ce qui était la cause de ma
souffrance disparaissait.
—
Tu ne me crains pas.
Tu n’éprouves pas de remords parce que le péché a endurci ta conscience
: elle est morte ; le péché te l’a tuée. Maudite ! Tu cherches à te
persuader que l’éternité n’existe pas. Pour la vie que tu mènes, il te
plairait qu’elle n’existe pas. Malheureuse! Regarde comment tu vis !
Paie ! Rends-moi des comptes !
Jésus
m’a visitée il y a peu ! C’est toujours pour me faire souffrir
davantage, mais je ne peux pas vivre sans souffrance... Je sentais qu’il
tremblait en moi et me disait :
—
Quelle douleur ! Quelle douleur pour mon divin Cœur de voir le monde
s’incendier dans les flammes brûlantes des passions et des vices ; de
voir les individus, la société, tous les peuples engagés dans une guerre
féroce. On dirait que l’enfer s’est transporté sur la terre. O monde,
pauvre de toi, si tu ne te relèves pas ! O monde, pauvre de toi, si tu
ne te convertis pas !... Ton châtiment est très proche !
C’est pour cela que je tremble de douleur, et non pas de froid !
Je
sentais que, Notre-Seigneur, au-dedans de moi, levait les yeux et les
bras vers le ciel, comme pour implorer le pardon pour la pauvre
humanité... et ceci m’obligeait à ressentir davantage de douleur, pour
les tristesses de Notre-Seigneur... Quelle douleur pour l’âme ! C’était
une agonie mortelle. Je me suis trouvée, et je me trouve encore dans
d’horribles ténèbres.
—
Ma fille, ma bien-aimée, à nous trois nous n'en faisons qu'un seul :
moi, toi et ton Père spirituel ; que veux-tu d'autre ?
Elle t'accompagne toujours pendant ta Passion, comme Elle m’accompagna
sur le chemin du Calvaire.
Avec
de telles aides, je me suis sentie ravigotée.
—
Le Cœur de ma Mère bénie est blessé par les outrages perpétrés contre
lui. Tout ce qui blesse son Cœur, blesse aussi le mien; tout ce qui
blesse le mien, blesse également le sien, tellement nos Cœurs sont unis.
C’est pour cela que la consécration du monde lui donnera beaucoup
d’honneur et de gloire : les langues maudites et impures qui prononcent
des outrages contre Elle, seront ainsi vaincues et humiliées.
—
Le sein maternel de ta Petite-Maman du ciel est le plus tendre et le
plus doux : reposes-y.
Je me
suis alors sentie entre les bras de la chère Maman qui me serait
amoureusement. Ce furent des moments très doux qui me donnèrent la force
nécessaire pour aller jusqu'au bout dans mon calvaire. Je sentais bien,
que c'était Elle ! Et avec quelle bonté Elle m’enlaçait et me serrait
contre son Cœur si saint !
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