HOMÉLIE SIXIÈME
SUR LA
CRÉATION DES CORPS LUMINEUX.
SOMMAIRE.
Cette homélie,
prononcée le matin, renferme seule le quatrième jour de la création, où l'on vit
paraître les grands corps lumineux. Dans un magnifique début proportionné à la
grandeur du sujet, l'orateur exhorte ceux qui l'écoutent à être attentifs, à se
préparer aux grands spectacles qu'on va leur offrir ; il leur donne une idée de
toute la création , trace un grand tableau de l'astre qui nous éclaire, oppose
sa beauté à celle du soleil de justice. Et Dieu dit : Que des corps lumineux
soient faits pour éclairer la terre, pour séparer le jour de la nuit. St. Basile
dit que la raison pour laquelle la terre avait produit tout ce qu'elle était
destinée à produire , avant que cet astre fût créé , c'était afin que le soleil
ne fût pas regardé et adoré comme le générateur des productions terrestres. Pour
éclairer la terre. Qu'est-il besoin, dit l'orateur, d'un astre pour éclairer la
terre, puisque la lumière existait avant cet astre? Il répond que le soleil
devait servir de véhicule à la lumière, qu'il représente faussement comme un
être pur, simple et immatériel. Il semble qu'il devait s'en tenir à dire, comme
il le dit ensuite que la lumière a été mêlée à la substance du soleil, et qu'il
ne la dépose plus, sans se perdre dans des raisonnements subtils qu'ou peut voir
dans l'homélie même : ils annoncent beaucoup de sagacité, mais ils n'étaient pas
nécessaires. Pour séparer le jour de la nuit. Le soleil forme le jour pendant
lequel il domine, la lune règne pendant la nuit. Qu’ils servent de signes pour
marquer les temps, les jours et les années. Le soleil donne des signes qui
peuvent être fort utiles dans l'usage de la vie; l'orateur est loin de blâmer
ceux qui consultent ces signes; mais il s’élève contre cens qui, par
l'inspection des astres, prétendaient connaître le caractère et la destinée des
personnes, leurs vices ou leurs vertus, leur sort heureux ou malheureux. Il
réfute la science astrologique avec autant d'esprit que de force. Il montre
ensuite comment le soleil et la lune règlent les saisons et l'année. Il établit
très bien la grandeur immense de ces deus astres oui ne nous paraissent d'une
grandeur médiocre qu'a cause de leur très grand éloignement. Il décrit les
diverses phases de la lune, et lui attribue plusieurs effets dont les uns sont
reconnus et les autres contestés. Il termine par quelques réflexions religieuses
cette homélie qui , de son temps, devait être regardée comme la plus belle par
la nature des objets qu'elle renferme, objets qui n’intéresseront pas également
dans un siècle où les idées sont un peu changées ; et où la physique a fait plus
de progrès.
Il faut que celui qui vient pour
regarder les combats des athlètes, ait aussi lui-même quelque courage. C'est ce
qu'on peut voir par les lois des spectacles, suivant lesquelles ceux qui
prennent place dans l'amphithéâtre ne doivent y paraître que la tête nue
; c'est, à ce
qu’il me semble, afin que chacun ne soit pas seulement spectateur des athlètes,
mais athlète lui-même dans quelque partie. Il faut de même que celui qui vient
pour examiner les magnifiques et merveilleux spectacles de la nature, pour
entendre parler d'une sagesse vraiment souveraine et ineffable, ait en lui-même
des motifs qui l'engagent à contempler les grands objets exposés à ses regards,
qu’il partage avec moi les peines du combat, qu'il ne soit pas plus juge que
combattant, de peur que la vérité ne vous échappe, et que j'en aie la douleur de
voir ceux qui m'écoutent ne point profiter de mon instruction. Quel est donc mon
but en pariant ainsi ? C'est que , comme nous nous proposons d’examiner le bel
ordre de l'univers et de contempler le monde, non d'après les principes de la
sagesse du siècle, mais d'après les instructions que Dieu a données à Moïse son
serviteur, lui parlant lui-même en personne , et non par des ligures ; il faut
nécessairement que ceux qui sont jaloux d être spectateurs de grands objets ,
aient exercé leur esprit à comprendre les spectacles merveilleux dont ils sont
les témoins. Si donc quelquefois ,dans une nuit sereine , regardant avec
attention les beautés inexprimables des astres, vous avez songé au Fabricateur
de l'univers, vous avez pensé quel était celui qui a parsemé le ciel de ces
lieurs brillantes , et que le spectacle des choses créées procure encore plus
d'utilité qu'il ne donne de plaisir; si pendant le jouir vous avez considéré
avec un esprit réfléchi les merveilles du jour , et que, par les objets
visibles, vous vous soyez élevé jusqu'à l'Être invisible : alors vous êtes un
auditeur bien préparé, vous êtes propre à occuper iule place dans cet auguste et
vénérable amphithéâtre. Ainsi, comme on prend par la main et que l’on conduit
dans les villes ceux qui ne les connaissent pas, je vous conduirai moi-même aux
prodiges cachés de l'univers, de cette grande cité où est notre ancienne patrie
, dont nous a chassés le démon , ce cruel homicide , qui, par ses funestes
séductions, a réduit l'homme en servitude. Vous verrez ici la première création
de l'homme , la mort qui s'est emparée presque aussitôt de nous , la mort qua
engendrée le péché , ce premier né du démon principal auteur du mal. Vous vous
connaîtrez vous-même , vous saurez que , quoique terrestre par votre nature,
vous êtes l'ouvrage des mains divines; que, très inférieur pour les forces aux
animaux dépourvus de raison , vous êtes fait pour commander à ces animaux et aux
êtres inanimés ; qu’obligé de leur céder pour les avantages du corps , vous
pouvez , par la supériorité de votre raison , vous élever jusqu'au ciel.
Instruits de ces vérités, nous nous connaîtrons nous-mêmes , nous connaîtrons
Dieu, nous adorerons le Créateur, nous servirons notre Maître, nous glorifierons
notre Père , nous respecterons et chérirons celui qui nous donne la nourriture,
celui qui nous comble de bienfaits ; nous ne cesserons de rendre hommage à
l'Auteur de notre vie présente et future , à celui qui , dans les richesses
qu’il nous prodigue déjà , nous accorde un gage de ses promesses , et qui, par
l'usage des biens actuels nous confirme ceux que nous attendons. Eh ! si les
objets passagers sont si superbes, quels doivent être les éternels ? si les
choses visibles sont si belles, quelles doivent être les invisibles ? si la
grandeur du ciel surpasse tonte imagination humaine, quel esprit pourra scruter
la nature de ces beautés qui ne doivent jamais finir? si le soleil , qui est
sujet à la corruption, est si beau , si grand, si rapide dans sa marche , si
réglé, si invariable dans son cours, d'une grandeur si bien proportionnée , si
bien mesurée avec le reste de l’univers ; si par sa beauté, il est comme l'oeil
brillant de la nature , la lampe éclatante du monde; si on ne peut se lasser de
contempler ce bel astre, quelle duit être la beauté du soleil de justice? Si
c'est un malheur pour l'aveugle de ne pas voir le soleil matériel , quelle
infortune pour le pécheur d'être privé de la lumière véritable ?
Et Dieu dit: Que des corps lumineux
soient faits dans le firmament du ciel , pour éclairer la terre , pour séparer
le jour de la nuit. Le ciel et la terre avaient précédé; après eux avait été
créée la lumière; le jour et la nuit étaient distingués, la terre et le
firmament étaient découverts ; l'eau avait été rassemblée en un morne lieu ,
dans le réservoir qui lui était destiné; la terre était couverte des productions
qui lui sont propres, et offrait de toutes parts une infinité d'espèces
d’herbes, de plantes et d'arbres: le soleil et la laine n'existaient pas encore
, afin que ceux qui ignorent le vrai Dieu, ne regardassent pas le soleil comme
le père et l'auteur de la lumière, comme le générateur des productions
terrestres. C'est pour cela qu'au quatrième jour Dieu dit : Que des corps
lumineux soient faits dans le firmament du ciel. Lorsqu'on vous montre celui qui
parle, pensez aussitôt en vous-même à celui qui entend. Dieu dit que des corps
lumineux soient faits.... et Dieu fit deux corps lumineux. Qui est-ce qui a dit
et qui est-ce qui a fait ? Dans ces paroles, ne voyez-vous pas une double
personne
? Dans toutes
les histoires de l'Écriture est répandu, d'une manière mystique, le dogme des
personnes divines.
Moïse ajoute la cause pour laquelle
les corps lumineux ont été créés, pour éclairer la terre, dit-il. Si la création
de la lumière a précédé, pourquoi dit-on maintenant que le soleil a été créé
pour éclairer la terre ? Ici , m adressant aux infidèles, je leur dis d'abord :
Que la simplicité de l'Écriture ne vous inspire pas de mépris pour elle. Nous
n'étudions pas , comme chez vous , le choix des mots; nous ne cherchons pas à
les arranger avec art ; nous sommes moins jaloux de belles ex-pressions et de
discours harmonieux que de paroles simples qui énoncent clairement ce que nous
voulons faire comprendre. Or il n'est rien ici qui contredise ce qui a déjà été
dit de la lumière. Dieu a créé d'abord la substance de la lumière, et il produit
maintenant le corps du soleil pour servir de véhicule à la lumière créée avant
lui. Et de même que le feu est distingué de la lampe, que l'un a la vertu
d'éclairer, et que l'autre est faite pour communiquer la lumière à ceux qui en
ont besoin : ainsi des corps lumineux reçoivent l'être maintenant pour servir de
véhicule à une lumière pure, simple et immatérielle
. L'apôtre
parle de corps lumineux dans le monde (Phil. 1. 15. ), distingués de cette
lumière véritable du monde , par la participation de laquelle les saints sont
devenus des corps lumineux pour les âmes qu'ils instruisaient , en les délivrant
des ténèbres de l'erreur. C'est ainsi que le Créateur de l'univers fait paraître
maintenant dans le monde le soleil après l'éclatante lumière que cet astre doit
nous communiquer.
Et que personne ne refuse de croire
ce que nous disons; sans doute que l'éclat de la lumière est distingué du corps
qui communique la lumière.
D'abord, dans les êtres composés
nous considérons la substance qui reçoit les qualités, et les dualités jointes à
la substance. Or de même que par sa nature la blancheur est distinguée du corps
blanc; ainsi la puissance du Créateur a réuni dus choses distinguées par leur
nature. Et ne me dites pas qu'il est impossible de les séparer l'une de l'autre.
Ni vous, ni moi , nous ne pouvons séparer la lumière du soleil; mais ce que nous
pouvons distinguer par la pensée , le Créateur de l’univers a pu le séparer dans
la réalité. Par exemple, pour le feu , il vous est impossible de séparer sa
vertu brûlante de son éclat ; mais Dieu, voulant attirer son serviteur par un
prodige étonnant, a mis dans le buisson un feu qui n'agissait que de son éclat,
et dont la vertu brûlante restait oisive. C'est ce qu'atteste le psalmiste par
ces mots: la voix du Seigneur qui rend inutile la flamme du feu. De-là, dans les
peines et les récompenses des actions de notre vie , certains passages de
l’Écriture nous font entendre, sans le dire clairement , que la nature du feu
sera divisée, que sa lumière brillera pour la gloire des justes, et que sou
activité se fera sentir pour la punition des médians. Nous pouvons encore
trouver une preuve de ce que nous disons dans les phases de la lime. Lorsqu'elle
décroît et qu'elle ne luit plus à nos yeux, elle ne perd pas toute sa substance;
hais déposant et reprenant la lumière qui l'environne, elle nuis offre des
apparences d’augmentation et de diminution. Or, que ce ne soit pas sa substance
lui se perde lorsqu'elle ne luit plus, ce que nous voyons en est un témoignage
sensible. Si, dans un air pur et dégagé de tout nuage , vous observez la lune
dans son croissant, vous pouvez distinguer la partie obscure avec toute la
circonférence que nous lui voyons quand elle est pleine et toute éclairée ; en
sorte que , si la vue réunit la partie éclairée avec la partie ténébreuse, on
aperçoit visiblement son disque parfait. Et ne me dites pas due la lumière de la
lune n'est qu'empruntée, parce quelle décroît quand elle approche du soleil, et
qu'elle augmente quand elle s'en éloigne. Ce n'est pas là ce que nous avons à
examiner pour le moment: mais nous disons que sa substance est distinguée de la
lumière qui l'éclaire. Pensez la même chose du soleil, excepté qu'ayant une fois
pris la lumière et l'ayant mêlée à sa substance, il ne la dépose plus ; au lieu
que la lune s'en revêtant et s'en dépouillant tour à tour, prouve, par ce qui se
passe en elle-même, ce que nous disons du soleil. Les corps lumineux reçurent
l'ordre de séparer le jour de la nuit. Dieu avait déjà séparé la lumière des
ténèbres : alors il rendit leur nature absolument opposée, de sorte qu'elles ne
pouvaient avoir commerce ensemble, et que la lumière n'avait rien de commun avec
les ténèbres. Ce qui est ombre pendant le jour, doit être appelé ténèbres
pendant la nuit. Car si toute ombre vient des corps opaques opposés à un éclat
de lumière qu'ils interceptent ; si le matin elle s'étend vers l'occident, le
soir vers l’orient, et au midi vers le septentrion, la nuit se retire devant les
rayons du soleil, et n'est autre chose que l'obscurcissement de la terre. Ainsi
dans le jour l’ombre résulte d'un corps qui intercepte une lumière devant
laquelle il se trouve ; et la nuit se forme lorsque l'air qui environne la terre
est obscurci. Voilà pourquoi il est dit dans l’Écriture que Dieu sépara fa
lumière des ténèbres. Les ténèbres fuient à l'arrivée de la lumière, parce que
dans la première création elles ont reçu toutes deux une nature qui les rend
ennemies irréconciliables. Dieu a commandé au soleil de mesurer le jour, et a
chargé la lune de régler la nuit lorsqu'elle se montre à nous toute entière. Ces
deux corps lumineux sont opposés diamétralement l'un à l'autre. La lune,
lorsqu'elle est pleine, disparaît devant le soleil qui se lève ; quand il se
couche, elle se lève du côté de l’orient. Que si dans ses autres phases, la
lumière de la lune ne remplit point toute la nuit, cela ne détruit pas ce que
nous disons maintenant ; tout ce que nous prétendons, c'est que dans son état le
plus parfait la lune commande à la nuit, en répandant sur la terre l'éclat dont
elle brille au-dessus de tous les astres, et qu'alors elle partage également le
temps avec le soleil.
Et qu'ils servent de signes pour
marquer les temps, les jours et les années. Les signes que donnent les deux
corps lumineux sont nécessaires dans la vie humaine ; et pourvu qu'en
interrogeant ces signes on se tienne dans les bornes dune sage retenue, une
longue expérience fera trouver des observations utiles. On peut acquérir
beaucoup de connaissances sur la pluie et sur la sécheresse, sur les vents en
général et sur les vents en particulier, sur les vents violents et sur les vents
doux. Le Seigneur lui-même, dans l’Évangile, nous parle d'un des signes que
donne le soleil : Il y aura de l’orage, dit-il, car le ciel est sombre et
rougeâtre (Mt. 16. 3. ). Lorsque le soleil s'élève à travers un brouillard, ses
rayons sont dispersés et obscurcis ; il se montre avec une couleur de sang et de
charbon embrasé, l’air chargé de vapeurs offrant à nos yeux cette apparence. Il
est évident que cet air chargé n'étant pas dissipé par les rayons, ne peut
rester suspendu à cause du concours des vapeurs qui s'élèvent de la terre ; mais
que, vu l'abondance de beau, il se répandra en orage dans les pays sur lesquels
il est rassemblé. Pareillement, lorsque le disque de la lune paraît s'étendre,
et lorsque des cercles entourent celui du soleil, ce signe annonce, ou une
grande quantité de pluies, ou un cours de vents impétueux. Lorsqu'on voit ces
images du soleil
qui se
peignent quelquefois dans la nue, marcher avec lui, c'est le signe de quelque
révolution dans l'air. Ainsi ces raies droites qu'un aperçoit dans les nuages et
qui imitent les couleurs de l'iris, présagent des pluies ou des tempêtes
furieuses , ou en général annoncent qu'il y aura dans l'air quelque grand
changement. Ceux qui se sont occupés de ces études ont fait plusieurs
observations sur le croissant et le décours de la lune, comme si l'air qui
enveloppe la terre suivait nécessairement toutes ses phases. Lorsqu'au troisième
jour elle est pure et déliée, c'est l'annonce d'un beau temps invariable.
Lorsque son croissant est épaissi et de couleur rougeâtre, c'est la menace d'une
grande pluie ou d'un vent violent. Qui est-ce qui Ignore combien ces
observations sont utiles dans la vie ? Le navigateur qui prévoit ce qu'il a à
craindre des aquilons, petit retenir son vaisseau dans le port. Le voyageur qui
s'attend à des changements dans l'air, peut éviter de loin les effets du mauvais
temps. Les laboureurs occupés de la semence des grains et de la culture des
plantes peuvent choisir les moments les plus favorables pour leurs travaux. Le
Seigneur nous a prédit que le soleil, la lune et les étoiles donneront des
signes de la dissolution de l'univers. Et quels seront ces signes ? Le soleil
sera changé en sang, et la lune ne donnera pas sa lumière (Mt. 24. 29. — Marc.
13. 24.).
Ceux qui passent les bornes
emploient les paroles de l’Écriture pour soutenir la science astrologique ; ils
disent que notre vie dépend du mouvement des cieux, et qu'en conséquence les
devins tirent, des astres, des pronostics pour ce qui doit nous arriver. Ces
paroles fort simples de l’Écriture, qu'ils servent de signes, ils les entendent,
non des vicissitudes dans l'air, ni des révolutions dans le temps ; mais ils les
appliquent, d'après leur opinion, au sort destiné à tous les hommes. Que
disent-ils donc ? Sans doute que le rapport de telles planètes avec les astres
du zodiaque, que tel concours entre eux produit telle naissance ; que de tel
autre rapport et concours résulte une destinée contraire. Il n'est peut-être pas
inutile de reprendre les choses d'un peu haut et de nous expliquer clairement.
Je ne dirai rien de moi, mais je nie servirai de leurs propres paroles pour les
confondre. Je tâcherai de guérir ceux qui sont déjà prévenus de ces opinions
dangereuses, et de prémunir les autres contre de pareilles erreurs.
Les inventeurs de l'astrologie
ayant remarqué que beaucoup de rapports leur échappaient dans l'espace du temps
, font divisé le plus qu'il leur a été possible, en petites portions, selon ce
que dit l'Apôtre, en un moment, en un clin d'œil (1. Co. 15. 52.), parce qu'il y
a une grande différence entre telle naissance et telle autre. Ils ont prétendu
que celui qui était né dans tel instant indivisible, devait commander les villes
et les peuples, être distingué pas ses richesses et par sa puissance ; que celui
qui était né dans tel autre instant, devait mendier sa vie, errer de ville en
ville, aller de porte en porte pour chercher sa nourriture journalière. En
conséquence, ils ont divisé en douze parties le cercle du zodiaque, parce que le
soleil emploie trente jours à parcourir ion douzième de ce cercle. Ils ont
divisé chaque douzième en trentièmes, chaque trentième en soixantièmes, et ces
soixantièmes en d'autres soixantièmes encore. Considérons les naissances de ceux
qui viennent au monde, et voyons si les tireurs d’horoscopes pourront observer
cette exactitude de la division du temps. Dès qu'un enfant est né, on examine si
c'est un mâle ou une femelle : ensuite on attend ses cris pour savoir s'il est
vivant. Combien voulez-vous que dans ce temps il s'écoule de soixantièmes ? On
dit au devin l'enfant qui est né. Combien pour cela faudra-t-il de petites
portions dune heure, surtout si le tireur d'horoscopes n'est point dans la
chambre de la mère ? Il faut qu'il marque précisément le temps, soit que ce soit
pendant le jour ou pendant la nuit. Combien ne se passera-t-il pas encore de
soixantièmes ? Il est indispensable qu'il trouve , non seulement à quelle
douzième partie du zodiaque, mais à quelle soixantième, à quelle soixantième de
soixantième répond l'astre de la naissance, pour savoir quel rapport il avait
avec les étoiles fixes, en quel concours elles étaient ensemble au moment où
l'enfant est né. Si donc il est impossible de rencontrer l'instant précis, et si
la moindre différence fait manquer le tout, ne doit-on pas également se moquer,
et de ceux qui s occupent de cette science chimérique, et de ceux qui consultent
avec avidité ces prétendus savants , comme s’ils pouvaient leur apprendre quel
sera leur sort ? Mais quels sont les résultats de cette science? Un tel,
disent-ils, aura les cheveux crépus et de beaux yeux, car il est né sous le
bélier ; et telles sont les qualités visibles de cet animal. Il aura aussi une
âme grande, parce que le bélier aime à commander. Il sera libéral et aimera à
faire de la dépense, parce que ce même animal dépose sans peine sa toison, et
qu'il en reçoit aisément une autre de la nature. Celui qui est né sous le
taureau supportera le travail et sera disposé à la servitude, parce que le
taureau est soumis au joug. Celui qui est né sous le scorpion sera violent et
prêt à frapper, à cause de sa ressemblance avec cet animal. Celui qui est né
sous la balance sera juste, parce que, chez nous, les bassins de la balance sont
égaux. Peut-on rien imaginer de plus ridicule ? Le bélier, d'après lequel vous
expliquez la naissance d'un homme, est une douzième partie du cercle appelé
zodiaque ; lorsque le soleil y est arrivé, il touche aux signes du printemps. La
balance et le taureau sont également chacun une douzième partie de ce cercle.
Comment donc tirez-vous de-là les principales causes qui influent sur la vie des
hommes, et marquez-vous les caractères de ceux qui naissent, d'après les animaux
qui vivent sous nos lois ? Celui qui est né sous le bélier sera libéral, non
parce qui; cette partie du ciel peut donner ce caractère, mais parce que le
bélier a telle nature. Pourquoi donc nous épouvantez-vous en cherchant vos
preuves dans les astres, en même temps que vous voulez nous persuader par des
bêlements
? Si le ciel
prend de certains animaux ses caractères particuliers, il est donc soumis
lui-même à des principes étrangers, et son existence dépend de brutes qui
paissent. Si une telle assertion est ridicule, il est bien plus ridicule encore
de chercher ses preuves dans des objets qui mont aucun rapport avec ce qu'on
avance. Les subtilités de ces prétendus savants ressemblent à des toiles
d’araignée, dans lesquelles une mouche, un moucheron, ou quelque autre animal
aussi faible, peuvent bien se laisser prendre, mais que des animaux un peu plus
forts viennent, aisément à bout de rompre, et à travers lesquelles ils passent
sans aucune peine. Et ces téméraires ne s'arrêtent pas là : mais une chose qui
dépend de noire volonté, je veux dire la pratique du vice et de la vertu, ils en
attribuent la cause aux mouvements célestes. Il serait ridicule de les combattre
sérieusement ; mais il est peut-être nécessaire d'en faire quelque mention,
parce qu'il en est beaucoup qui sont livrés à cette erreur. Demandons-leur
d'abord si les positions des astres ne changent pas mille fois le jour. Ceux
qu'on appelle planètes, qui ne sont jamais à la même place, dont les uns se
rencontrent plus vite , les autres achèvent plus lentement leur course, ces
astres se regardent souvent à la même heure et se cachent ; et c'est un grand
point dans les naissances d'être regardé par un astre bienfaisant ou par un
astre malfaisant, comme ils s expriment eux-mêmes. Souvent, faute de connaître
le moment précis oit une naissance était présidée par un astre bienfaisant,
parce qu'on ignore une des, plus petites divisions du temps cette époque a été
marquée de l'influence d'un astre malfaisant : je suis obligé de me servir de
leurs propres expressions. Quelle folie dans de pareils discours, ou plutôt
quelle impiété ! Les astres malfaisants rejettent la cause de leur malignité sur
celui qui les a faits. Car si le mal vient de leur nature, celui qui les a créés
sera fauteur du mal : s'ils sont mauvais par un choix libre de leur volonté, ce
seront donc des animaux doués de la faculté de choisir, dont les actes seront
libres et volontaires ; ce qu'on ne peut dire, sans extravagance, d'êtres
inanimés. Ensuite quelle déraison de ne pas attribuer dans chacun le bien et le
mal au choix d'une volonté bonne ou mauvaise ; mais de prétendre qu'un être est
bienfaisant parce qu'il est dans telle place, qu'il devient malfaisant parce
qu'il est dans telle autre, et qu'après encore , pour peu qu'il s'écarte, il
oublie aussitôt sa malignité ?
Sans nous arrêter à ces inepties,
concluons et disons : Si les astres changent de position à chaque instant, et
si, dans ces révolutions diverses, se rencontre plusieurs fois le jour la
position d'où résulte la naissance d'un prince, pourquoi no naît-il pas des
princes tous les jours ? ou pourquoi les trônes parmi eux sont-ils héréditaires
? Chaque prince, sans doute, n'adapte pas la naissance de son fils à une
position d'astres propre à cette naissance : aucun homme n'en est le maître.
Pourquoi donc Osias a-t-il engendré Joachim, Joathan Achas, Achas Ezéchias ?
Pourquoi aucun d'eux ne s'est-il rencontré au moment marqué pour la naissance
d'un esclave ? Disons encore : Si le principe des actions vertueuses ou
vicieuses n'est pas en nous ; s'il dépend nécessairement de telle naissance,
c'est en vain que les législateurs nous marquent ce qu'il faut faire et ne pas
faire ; c'est en vain que les juges honorent la vertu et punissent le vice. Ni
le voleur, ni le meurtrier ne sont coupables, puisqu ils ne pourraient retenir
leurs mains quand ils le voudraient, s’ils sont poussés à agir par une nécessité
inévitable. Il est fort inutile de cultiver les arts. Le laboureur aura
abondance de fruits sans jeter de semence et sans aiguiser sa faux. Le
commerçant, qu’il le veuille ou non, acquerra de grandes richesses qu'amassera
pour lui le destin. Les grandes espérances tics chrétiens s'évanouiront, parce
que la justice ne peut être honorée ni le péché puni, si l'homme ne fait rien
librement. Partout ou dominent la nécessité et le destin, il ne peut y avoir
place au mérite, qui est le fondement essentiel d'un jugement juste. En voilà
assez sur cet article. Ceux d'entre vous qui pensent bien n'ont pas besoin de
plus de paroles, et le temps ne permet pas de nous étendre pour attaquer les
autres. Revenons à l'explication de l'Écriture.
Qu'ils servent de signes, dit-elle,
pour marquer les temps, les jours et les années. Nous avons expliqué le mot
signes ; nous pensons que par temps il faut entendre les diverses saisons,
l’hiver, le printemps, l'été et l'automne, que nous fait régler avec ordre le
cours périodique des corps lumineux. L'hiver règne lorsque le soleil est dans la
partie australe, et qu'il prolonge les ténèbres de la nuit dans nos contrées, en
sorte que l'air qui nous enveloppe est refroidi considérablement , et que les
exhalaisons humides se rassemblant sur nous causent les pluies, les frimas, et
des neiges abondantes. Lorsque revenant des régions australes, le même astre
s'arrête au milieu de sa course , de manière qu’il partage également le jour et
la nuit, plus il conserve cette position par rapport à la terre, plus il nous
ramène une agréable, température. Arrive le printemps qui fait fleurir tontes
les plantes, qui fait revivre la plupart des arbres, qui , par une génération
successive, conserve toutes les espèces d’animaux terrestres et aquatiques.
De-là, le soleil s'avançant vers le solstice d’été, dans les contrées
septentrionales, nous donne les jours les plus longs. Et comme il séjourne dans
l'air fort longtemps, il brûle celui qui est au-dessus de notre tête et dessèche
toute la terre, opérant ainsi l'accroissement parfait des semences, et poussant
les fruits à leur maturité. Lorsqu'il est le plus bridant, il accourcit les
ombres à midi, parce qu'il éclaire nos contrées de plus haut. Les plus longs
jours sont ceux oit les ombres sont les plus courtes, comme les jours les plus
courts sont ceux où les ombres sont les plus longues. Voilà ce qui nous arrive à
nous qui sommes appelés Hétérosciens
, et qui
habitons les contrées septentrionales. Il est des peuples qui, deux jours de
l’année, sont absolument sans ombre à midi, parce que le soleil, perpendiculaire
sur leurs têtes, les éclaire également de toutes parts, de sorte flue même les
puits les plus profonds reçoivent la lumière par les plus étroites embouchures.
Quelques-uns appellent ces peuples Aciens. Ceux qui habitent au-delà des
contrées odoriférantes
, voient,
selon les saisons, leurs ombres passer d'un côté à l'autre. Seuls de la terre
habitable, ils jettent l’ombre à midi vers les régions australes ; d’où
quelques-uns les nomment Amphisciens. Voilà tout ce qui arrive lorsque le soleil
s'avance vers la partie septentrionale. De-là on peut conjecturer combien les
rayons du soleil échauffent l'air, et quels surit les effets de cette chaleur.
Après l'été , nous sommes accueillis par la saison de l'automne, qui amortit
l'excès du chaud, qui le diminue peu à peu , et qui, par une température
moyenne, nous conduit heureusement à l’hiver, dans le temps où le soleil
retourne des régions septentrionales aux contrées australes. Telles sont,
d'après le cours du soleil, les vicissitudes des saisons qui réglera notre vie.
Qu'ils servent de signes pour les
jours, dit l'Écriture, non pour produire les jours, mais pour les présider : car
le jour et la nuit sont plus anciens que la création des corps lumineux. C'est
ce que nous déclare le Psalmiste : Il a placé, il le soleil pour commander au
jour, la lune et les étoiles pour commander à la nuit (Ps. 135.8.). Et comment
est-ce que le soleil commande au jour ? C'est que portant en lui la lumière,
lorsqu'il monte sur notre horizon il nous donne le jour en dissipant les
ténèbres. De sorte qu'on pourrait, avec vérité définir le jour, un air éclairé
par le soleil, ou une mesure de temps pendant lequel le soleil demeure sur notre
hémisphère.
Le soleil et la lune ont été aussi
établis pour les années La lune forme l'année lorsqu elle a achevé douze fois
son cours, excepté qu on a souvent, besoin d un mois intercalaire pour le calcul
exact des temps. C'est ainsi que les Hébreux et les plus anciens Grecs
comptaient d'abord l’année. L'année solaire est le retour dit soleil d'un signe
à ce même signe, d'après le cours qui lui est propre.
Et Dieu fit deux grands corps
lumineux. Comme la grandeur se prend, ou dans un sens absolu, dans lequel sens
nous disons que le ciel est grand, que la terre et la mer sont grandes ; ou le
plus souvent par comparaison avec un autre corps, ainsi un cheval et un boeuf
sont grands, non par l'étendue extraordinaire de leur corps , mais parce qu'on
les compare avec des êtres de même nature : dans quel sens prendrons-nous ici
l'expression de grandeur ? Est-ce dans le sens que nous appelons grande une
fourmi, ou quelque autre petit animal, jugeant de leur grandeur par comparaison
avec d'autres êtres de même espèce ; ou dans le sens qu'une grandeur absolue se
montre dans la constitution des corps lumineux ? C'est sans doute dans ce
dernier sens. Car le soleil et la lune sont grands, non parce qu'ils sont plus
grands que les autres astres, mais parce que telle est leur circonférence, que
la splendeur qu'ils répandent éclaire le ciel et l'air, embrasse a la fois la
terre et la mer. Dans quelque partie du ciel qu'ils se trouvent, soit qu'ils se
lèvent, soit qu'ils se couchent, soit qu'ils soient au milieu de leur course,
ils paraissent de toutes parts également grands aux hommes, ce qui est un
témoignage évident de leur grandeur immense, parce que, malgré l'étendue de la
terre, ils ne paraissent nulle part ni plus grands, ni plus petits. Nous voyons
plus petits les objets éloignés ; à mesure que nous en approchons, nous en
découvrons la grandeur. Mais personne n'est plus proche ni plus éloigné du
soleil, qui s'offre de la même distance à tous les habitants de la terre. Ce qui
le prouve, c'est que les Indiens et les Bretons le voient de la même mesure.
Non, il ne paraît ni moins grand, lorsqu il se couche, aux peuples orientaux, ni
plus petit, lorsqu'il se lève, aux nations occidentales ; et, lorsqu’il occupe
le milieu du ciel, il ne change ni pour les uns ni pour les autres.
Que l'apparence ne vous trompe pas,
et parce qu'il ne vous paraît que d'une coudée, ne croyez point qu'il n'ait
qu'une coudée. Dans les longues distances, la grandeur des objets diminue, parce
que notre faculté visuelle ne peut parcourir tour L'espace intermédiaire, mais
que s'usant, pour ainsi dire, dans l'intervalle, elle n'arrive aux objets
qu'avec une petite partie d'elle-même.
C'est donc la petitesse de notre vue qui nous les fait juger petits, parce
qu'elle transporte sur eux sa propre faiblesse Or, si notre vue se trompe, il
s'ensuit que ce n'est pas un moyen sûr de connaître la vérité. Rappelez-vous ce
qui vous est arrivé quelquefois, et vous trouverez dans vous-même la preuve de
ce que je dis. Si du sommet d'une haute montagne vous avez jamais jeté les yeux
sur une grande étendue de plaine, que vous ont paru les boeufs attelés et les
laboureurs eux-mêmes ? ne vous ont-ils pas présenté l'apparence de fourmis? Si
du haut d'une guérite vous avez promené vos regards sur une vaste mer, que vous
ont paru grandes îles? Que vous a paru un grand navire porté avec ses voiles
blanches sur une plaine d'azur? Ne vous ont-ils pas offert l'apparence d'une
petite colombe ? Pourquoi? C'est, je le répète, que notre vue s'usant dans l'air
et s'affaiblissant, est incapable de saisir exactement les objets. Les plus
hautes montagnes, coupées de profondes vallées, notre vue nous annonce qu'elles
sont rondes et unies, parce que se portant sur les seules éminences, elle ne
peut, à cause de sa faiblesse, pénétrer dans les profondeurs intermédiaires.
Ainsi elle ne conserve pas les vraies figures des corps, mais les tours
quadrangulaires elle les juge ronds. Il est donc prouvé de toutes parts que,
dans les grandes distances, nous ne saisissons des corps qu'une forme confuse et
imparfaite.
Le soleil est donc un grand corps
lumineux, d'après le témoignage de l'Écriture, et infiniment plus grand qu'il ne
nous paraît. Ce qui doit être encore pour vous une preuve manifeste de la
grandeur du soleil, c'est que, malgré cette multitude d'astres qui décorent le
firmament, toute leur lumière ensemble ne peut suffire à dissiper la tristesse
de la nuit; au lieu que le soleil seul, lorsqu'il parois sur l'horizon, ou
plutôt lorsqu'il est simplement attendu, et avant de se montrer réellement à la
terre, fait disparaître l'obscurité, éclipse tous les astres, raréfie et résout
en eau l'air épaissi et condensé qui nous enveloppe. De-là les vents du matin et
ces rosées abondantes
qui tombent
sur la terre dans un beau jour. Et comment pourvoit-il en un instant éclairer
tout notre globe, qui est d'une si grande étendue, si le disque d'où part sa
splendeur n'était immense? Ici admirez la sagesse de l'Ouvrier suprême ; comment
dans une si grande distance, il lui a donné de la chaleur dans une si juste
proportion, que les feux qu'il lance ne sont ni assez forts pour brûler la
terre, ni assez faibles pour la laisser froide et stérile.
On peut dire à peu près la même
chose de la lune. C'est aussi un grand corps lumineux, et le plus éclatant après
le soleil. Toute sa grandeur néanmoins n'est pas toujours visible; mais tantôt
son disque est entier; tantôt, dans son décours, elle n'en montre qu'une partie.
Une partie, lorsqu'elle croît, est obscurcie par les ténèbres ; et la partie
éclairée, lorsqu'elle décroît, disparaît à la fin et se cache entièrement. Dans
toutes ces variations de figures, le sage Ouvrier a eu sans doute des vues
secrètes. En effet, ou il a voulu nous donner un exemple frappant de la
fragilité de notre nature, nous apprendre qu'aucune des choses humaines n'est
stable, mais que, parmi elles, les unes sortent du néant pour parvenir à leur
perfection; que les autres, lorsqu'elles se sont accrues et qu'elles sont
arrivées à leur plus haut point, s'altèrent par des diminutions insensibles et
finissent par se détruire. Ainsi la vue de la lune nous instruit de ce que nous
sommes; et nous faisant concevoir une juste idée du changement rapide des choses
humaines, elle nous enseigne à ne pas nous enorgueillir des prospérités de ce
siècle; à ne pas nous applaudir de la puissance, à ne pas être fiers de posséder
des richesses qui sont passagères, à mépriser notre corps qui est sujet à la
corruption, et à avoir soin de notre âme qui est immortelle. Si vous êtes fâché
de voir la lune décroître peu à peu et perdre enfin sa lumière, soyez plus fâché
encore de voir votre âme, lorsqu'elle est décoré de la vertu, perdre sa beauté
par votre négligence, ne pas rester dans la même situation, mais varier et
changer fréquemment par l'inconstance de votre esprit. L’insensé, dit avec
vérité l’Écriture, est changeant comme la lune (Ecc. 27. 12). Je crois aussi que
les variations de la lune sont fort utiles pour la constitution des animaux et
pote. es productions de la terre: car les corps sont disposés différemment
lorsqu'elle croit ou lorsqu'elle décroît. Lorsqu'elle décroît, ils se raréfient
et deviennent vides
; lorsqu'elle
croit, et qu'elle s'avance vers la plénitude de son disque, ils se remplissent
de nouveau, parce que sans doute elle leur communique insensiblement un certain
humide mêlé de chaud qui pénètre jusqu'à l'intérieur. Nous en avons une preuve
dans ceux qui dorment au clair de la lune, dont la capacité de la tête se
remplit d'une humidité abondante; dans les chairs d'animaux récemment tués, qui
changent dès que la lune paraît; dans les cerveaux des animaux terrestres, dans
les plus humides des animaux maritimes, enfin dans la moelle des arbres. La lune
ne pourvoit produire tous ces changements par ses variations, si elle n'ai oit
une vertu puissante et extraordinaire. Les diverses phases du même astre
influent aussi sur les divers mouvements de l'air, comme l'attestent les
tempêtes subites qui surviennent souvent lorsqu'elle est nouvelle, après le
temps le plus calme et le plus serein, les nuées étant agitées et se rencontrant
l'une l'autre; comme l'attestent encore les flux irréguliers des bras de mer,
le flux et le reflux de l’océan, qui d’après les observations des peuples
maritimes, suit exactement les variations de la lune. Dans les phases qui
précèdent et qui suivent le renouvellement de la lune, les bras de mer coulent à
droite et à gauche; c'est lorsqu'elle est nouvelle, qu’ils ne sont point un
moment tranquilles, mais qu’ils éprouvent une agitation et un continuel
balancement, jusqu'à ce que, paraissant de nouveau, elle donne au reflux quelque
régularité. La mer Occidentale, sujette aux flux et reflux, tantôt revient sur
ses pas, tantôt se déborde, comme si les inspirations de la lune la ramenaient
en arrière, et que ses expirations la poussassent en avant jusqu’à une certaine
mesure.
Dans tout ce qui précède, j'ai
voulu montrer la grandeur des corps lumineux, et prouver qu’il n'y a pas un mot
d’inutile dans les divines Écritures. Cependant, nous n’avons pas touché les
articles les plus essentiels; et en examinant avec attention la vertu et la
puissance du soleil et de la lune, on pourrait faire beaucoup de découvertes sur
leur grandeur et leur distance. Il faut donc reconnaître sincèrement notre
faiblesse, afin qu'on ne mesure pas sur nus discours la grandeur des choses
créées, mais que le peu que nous avons dit fasse penser à ce que doit être ce
que nous avons omis. Ne jugez donc point par les yeux de la grandeur de la lune,
mais par le raisonnement qui est beaucoup plus sûr que les eux pour découvrir la
vérité. On a répandu de toutes parts à son sujet des fables ridicules, qui sont
les contes de vieilles femmes ivres; on dit que, par certains enchantements, on
la fait sortir de sa place et descendre sur la terre. Quel enchanteur pourrait
donc déplacer un astre déplacer un astre fondé le Très-Haut lui-même? Ou quel
lieu l’aurait reçu quand il aurait été déplacé ? Voulez-vous que je vous
démontre par des preuves fort simples la grandeur de la lune? Les villes de la
terre les plus éloignées les unes des autres, dans tous les endroits tournés
vers son lever, reçoivent également sa huilière. Or, si elle ne se présentait
pas à toutes en face, il y aurait des endroits qu'elle éclairerait tout entiers
et directement; il y en aurait d autres qu'elle ne frapperait que tic côté et
faiblement par des rayons inclinés. C'est ce qu'on remarque par rapport aux
lampes allumées dans les maisons. Lorsque plusieurs personnes environnent une
lampe, l’ombre de celui reçoit la lumière directe, est jetée en arrière
directement, tandis que les ombres des autres s’étendent à droite et à gauche.
Si donc le disque de la lune n'était pas d'une grandeur immense et au-dessus de
ce que nous imaginons , il ne se communiquerait pas également à tous. Lorsque la
lune se lève dans les contrées équinoxiales, les habitants des pôles, ceux des
zones glaciale et torride, participent également à sa lumière ; et comme elle se
présente en face à tous dans la largeur du globe, c'est la preuve la plus claire
de sa vaste circonférence. Qui pourra en disconvenir, quand elle s'offre avec la
même mesure à de si grandes distances ?
Nous n'en dirons pas davantage sur
la grandeur du soleil et de la lune. Que celui qui nous a donné l'intelligence
pour comprendre par les plus petits objets de la création la grande sagesse de
l’Ouvrier suprême, nous accorde de concevoir par les grands objets de plus
grandes idées du Créateur. Toutefois devant le souverain Être le soleil et la
lune sont comme le moucheron et la fourmi Ces beaux astres eux-mêmes ne peuvent
nous en donner une idée suffisante, et nous n’en pouvons prendre d’après eux que
des notions légères et imparfaites, comme d après les plus petits des animaux et
les plus viles des plantes. Contentons-nous de ce qui a été dit, et rendons
grâces, moi, à celui qui m’a gratifié de ce ministère de la parole; vous, à
celui qui vous alimente de nourritures spirituelles, et qui, par ma faible voix,
vient de vous nourrir encore d'un pain grossier. Puisse-t-il vous nourrir
toujours et vous donner, en proportion de votre foi , la manifestation de
l'esprit , en Jésus-Christ noire Seigneur , à qui soient la gloire et l'empire
dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.
|